ARTICLE 13 - Pérennisation de la majoration pour frais d'assiette et de recouvrement des impôts directs locaux

Commentaire : Cet article a pour objet de pérenniser, à compter de 1996, la majoration de 0,4 point du prélèvement opéré par l'État au titre des frais d'assiette et de recouvrement des impôts directs locaux.

Depuis la loi de finances pour 1993, l'État tente de pérenniser cette majoration originellement destinée à couvrir le coût des opérations de révision des évaluations cadastrales servant au calcul de l'assiette des impôts directs locaux.

Cette année, l'Assemblée nationale a d'emblée accepté cette pérennisation dont la justification est exclusivement d'ordre budgétaire (I).

La majoration de 0,4 point du prélèvement opéré par l'État au titre des frais d'assiette et de recouvrement des impôts directs locaux illustre ainsi le recours accru au contribuable local pour financer le budget de l'État (II).

I - UN PRÉLÈVEMENT JUSTIFIÉ PAR DE PURS MOTIFS BUDGÉTAIRES

L'article 59 de la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux a prévu une majoration du prélèvement pour frais d'assiette et de recouvrement (45 ( * )) afin de financer les frais entraînés par la révision des bases des impositions directes locales

La majoration, fixée à 0,4 point, devait permettre de couvrir les charges résultant des opérations de révision des bases : suppléments de rémunérations des agents des services extérieurs du Trésor, rémunérations des auxiliaires recrutés, dépenses de matériel et dépenses informatiques ; enfin, indemnisation des frais des membres représentant notamment les catégories de contribuables et les collectivités locales au sein des organismes collégiaux participant à la révision des évaluations cadastrales.

Le coût direct estimé de ces travaux était de 1 milliard de francs, réparti sur deux exercices (1991 et 1992).

Sur le fond, votre commission s'était interrogée sur la justification d'un mécanisme consistant à faire porter exclusivement sur le contribuable local le surcoût généré par des opérations qui relèvent de la compétence propre de l'État et de ses missions de souveraineté s'agissant du recouvrement de l'impôt (46 ( * )) . Elle avait, en particulier, rappelé que la loi n° 68-108 du 2 février 1968 relative à la précédente révision des bases ne mentionnait pas de majoration spécifique à ce titre.

Par ailleurs, le coût global de l'opération semblait pour le moins imprécis et aucun élément ne permettait d'assurer que la ponction opérée au titre de la majoration du prélèvement pour frais d'assiette et de recouvrement serait effectivement affectée en totalité au financement des opérations de révision des bases.

En tout état de cause, la majoration ne devait intervenir que pour deux ans et disparaître d'elle-même lorsque la révision serait terminée.

Toutefois, le projet de loi de finances pour 1993 proposait déjà de pérenniser la majoration de 0,4 point afin, selon l'exposé des motifs, "de faire face aux suites de la révision et, notamment, de rémunérer les membres des commissions locales qui seront chargés d'assurer la maintenance des évaluations cadastrales". Cette justification était, à son tour, éminemment contestable, pour au moins deux motifs :

- d'une part, l'adéquation entre les coûts de la révision et les sommes dégagées restait toujours aussi sujette à caution en l'absence de données précises transmises par le gouvernement ;

- d'autre part, il était évident que les coûts de gestion des suites des travaux de révision ne pouvaient être aussi élevés que ceux des opérations de révision elles-mêmes.

Aussi, l'article 26 de la loi de finances pour 1993, n'a-t-il finalement autorisé que pour la seule année 1993 la reconduction de la majoration de 0,4 point du prélèvement de l'État pour frais d'assiette et de recouvrement.

La reconduction proposée pour 1994 appelait les mêmes séries de critiques. Le rapporteur général, M. Jean Arthuis, aujourd'hui ministre de l'économie et des finances, y avait ajouté deux remarques :

- le travail de révision des évaluations cadastrales était alors complètement achevé, sauf dans les départements et les territoires d'outre-mer où il devait encore se poursuivre pendant quelques mois (ces travaux sont aujourd'hui parvenus à leur terme) ;

- les conséquences de la révision des évaluations cadastrales n'avaient toujours pas été mises en oeuvre en métropole.

L'exposé des motifs de l'article 28 du projet de loi de finances pour 1994 et celui de l'article 10 du projet de loi de finances pour 1995 ne contenaient eux-mêmes, à la différence de ce qui s'était passé dans le projet de loi de finances initiale pour 1993, aucune espèce de justification pour la pérennisation de la majoration de 0,4 point du prélèvement pour frais d'assiette et de recouvrement.

Cet allégement substantiel de l'exposé des motifs est confirmé cette année, la pérennisation de la majoration étant explicitement justifiée par le gain non négligeable qu'elle procure (1,3 milliard de francs en 1995) dans un contexte budgétaire incontestablement difficile.

II - LE BUDGET DE L'ÉTAT ABONDE PAR LE CONTRIBUABLE LOCAL

L'État, premier contributeur au titre des impôts locaux (47 ( * )) , tend également de plus en plus à accroître ses prélèvements directs sur le contribuable local.

S'inscrivent dans cette tendance :

- Le reversement à l'État de la majoration de la cotisation minimale péréquation de la taxe professionnelle prévue par l'article 31 de la loi de finances pour 1989. Cette taxe est normalement acquittée par les entreprises situées dans des communes dont le taux de taxe professionnelle est inférieur à la moyenne nationale, pour assurer le financement du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. Le produit de la majoration perçue par l'État, ainsi détournée de l'objectif initial de péréquation, s'élève à 1,21 milliard de francs en 1995.

- Le prélèvement exceptionnel sur les valeurs locatives des résidences à usage d'habitation principale dont la valeur locative est supérieur à 50.000 francs et sur les résidences secondaires à forte valeur locative prévu par l'article 6 de la loi de finances pour 1990. Ce prélèvement a permis à l'État d'encaisser 190 millions de francs en 1995 au profit du budget général.

- Le versement direct à l'État des impôts locaux dus par La Poste et

France Telecom en application de l'article 21 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990. Le produit perçu par l'État à ce titre devait s'élever à 4.938 millions de francs en 1995, troisième année d'application de ce nouveau régime. Il atteindrait environ 5,2 milliards de francs l'année prochaine.

III - LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Après en avoir débattu, la commission des finances a accepté la pérennisation de la majoration de 0,4 point du prélèvement pour frais d'assiette et de recouvrement, reconnaissant ainsi la validité des motifs budgétaires invoqués par le gouvernement.

Elle tient toutefois à souligner l'élément de complexité que cette mesure introduit dans les relations financières entre l'État et les collectivités locales. Elle souhaite donc que la réflexion sur l'évolution de ces relations envisage pour l'avenir l'attribution d'assiettes distinctes à l'État d'une part et aux collectivités locales d'autre part afin d'éviter un "mélange des genres" préjudiciable à la lisibilité de l'imposition pour le contribuable local. Car, l'impopularité d'un tel prélèvement retombe sur les élus locaux et non sur l'État qui en est pourtant le seul bénéficiaire.

La commission des finances souhaite également qu'à l'occasion de l'examen du présent article par la Haute Assemblée, le gouvernement précise ses intentions en matière de mise en oeuvre des résultats de la révision des évaluations cadastrales.

Le secrétaire d'État au budget du précédent gouvernement, M. François d'Aubert, a, à plusieurs reprises, indiqué qu'un projet de loi était prêt mais que des simulations restaient à réaliser pour mesurer avec exactitude toutes les implications de la révision des bases en matière de transferts de charges entre contribuables.

M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, vient de confirmer devant le congrès de l'Association des maires de France la possibilité du dépôt d'un projet de loi sur le bureau de l'une des deux assemblées au début de 1996 tout en indiquant que, dans cette éventualité, il pourrait être conduit à demander le report de l'incorporation du 1er janvier 1997 au 1er janvier 1998 compte tenu des délais dont il a encore besoin pour achever les travaux matériels d'intégration des bases.

Alors que la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et de développement du territoire prévoit une mise en oeuvre des nouvelles bases au plus tard au 1 er janvier 1997, il est indispensable que la représentation nationale dispose rapidement de tous les éléments lui permettant de décider si elle conserve tels quels ou si elle modifie les principes de répartition des assiettes locales fixés par la loi du 30 juillet 1990, ainsi que la date prévue pour leur mise en oeuvre.

Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

5. Autres mesures

* 45 En contrepartie des prestations qu'il fournit en matière d'établissement de l'assiette et de recouvrement des taxes locales et des taxes additionnelles, l'État opère un prélèvement assis sur les impôts concernés et qui s'ajoute à leur montant.

Le taux du prélèvement est de 4 % pour les impositions perçues au profit des collectivités locales et de leurs groupements. Ce taux est porté à 5 % pour les taxes additionnelles perçues ou profit des chambres consulaires et du BAPSA.

* 46 Rapport Sénat n° 383 (1989-1990) fait, au nom de la Commission des finances, par M. Paul Girod.

* 47 La participation nette de l'État à la fiscalité directe locale est ainsi passée del6,9 % à 23,2 % entre 1985 et 1995.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page