B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Des débudgétisations toujours significatives, laissant planer un doute sur la pérennité des financements consacrés à l'enseignement supérieur
En 2022, les crédits dédiés à l'enseignement supérieur seront complétés par une enveloppe de 697 millions au titre du plan de relance.
Ainsi, comme évoqué précédemment, l'action 2 « Jeunes » du programme 364 « Cohésion » prévoit l'ouverture, en 2022, de 84 millions d'euros de CP destinés à financer des places dans l'enseignement supérieur.
Par ailleurs, une enveloppe prévisionnelle de 560 millions d'euros devrait être mobilisée en faveur de la rénovation thermique des établissements publics affectés aux missions d'enseignement supérieur, de recherche et aux oeuvres universitaires et scolaires (action 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie »).
Enfin, le programme 231 « Vie étudiante » bénéficiera d'un abondement de 17 millions d'euros en provenance de l'action 2 « Jeunes » du programme 364 « Cohésion » dont :
- 16 millions d'euros dédiés à l'augmentation des bénéficiaires de prêts garantis par l'État ;
- 1 million d'euros dévolus aux Cordées de la réussite 2022 - 2023.
Mesures du plan de relance dédiées à l'enseignement supérieur
(en millions d'euros)
CP 2021 |
CP 2022 |
Total |
|||
Programme 364 « Cohésion » |
Action 02 « Jeunes » |
Création de places supplémentaires |
49 |
84 |
133 |
Renforcement de la garantie « prêts étudiants » |
16 |
16 |
32 |
||
Cordées de la réussite |
1 |
1 |
2 |
||
Programme 363 « Compétitivité » |
Action 04 « Mise à niveau numérique de l'État, des territoires et des entreprises» |
Développement de l'enseignement à distance |
35 |
0 |
35 |
Programme 362 « Écologie » |
Action 01 « Rénovation énergétique » |
Rénovation thermique de l'immobilier universitaire |
498 (p) |
560 (p) |
1 058 |
Total |
599 |
661 |
1 260 |
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
En 2022, le budget de la mission « Enseignement supérieur » bénéficiera également de crédits en provenance de la mission « Investissements d'avenir », au titre du PIA 3 et du PIA 4. Ce dernier comporte en effet une enveloppe de 2,55 milliards d'euros dédiés au financement pérenne de l'écosystème de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Dans ce cadre, 125 millions d'euros de crédits de paiement seront ouverts au profit de l'enseignement supérieur et de la recherche .
Si ces hausses de crédits sont bien évidemment opportunes, le rapporteur spécial regrette l'éclatement du budget de l'enseignement supérieur entre plusieurs missions . Cette dispersion des crédits oblige la représentation nationale à se livrer à un exercice particulièrement complexe de consolidation des données financières afin de disposer d'une vision d'ensemble des moyens alloués aux universités.
La mobilisation ponctuelle de crédits extrabudgétaires en faveur de l'enseignement supérieur laisse par ailleurs planer un doute sur la pérennité des financements mobilisés au profit des universités .
Le rapporteur spécial note ainsi que les places créées à l'aide du plan de relance en 2020 et 2021 ne seront financées que jusqu'à la fin de l'année universitaire 2022 - 2023 . Tout l'enjeu, pour le Mesri, sera alors d'obtenir une pérennisation de l'enveloppe des 84 millions d'euros allouée au titre du plan de relance.
Si les ouvertures de places consenties en 2020 et 2021 sont évidemment bienvenues, le choix de ne pas inscrire l'intégralité des crédits afférents sur la mission « Enseignement supérieur » leur confère un caractère précaire, et jette un doute quant à la soutenabilité de la trajectoire ainsi dessinée.
Pour le rapporteur spécial, l'émiettement des crédits dédiés au financement de la politique publique d'enseignement supérieur se traduit donc également, pour les universités, par un manque de visibilité particulièrement préjudiciable eu égard au dynamisme démographique de la population étudiante.
2. Dynamisme de la population étudiante : après 2022, le déluge ?
Pour le rapporteur spécial, l'effort consenti en termes de créations de places à l'université (+ 83 000 entre 2018 et 2022) doit être apprécié au regard de l'évolution de la démographie étudiante sur la période.
En effet, l'année 2020 s'est caractérisée par un taux de réussite au baccalauréat particulièrement élevé (+ 48 000 bacheliers par rapport à 2019), se traduisant par une hausse exceptionnelle du nombre de nouveaux inscrits à l'université (+ 28 700 contre + 16 500 en 2019).
En 2021, avec un taux de réussite au baccalauréat à nouveau élevé, bien qu'inférieur de 1,9 point à celui constaté en 2020, le nombre d'étudiants inscrits à l'université devrait atteindre 1 653 300 (+ 3 322 par rapport à 2020). Partant, les effectifs dans l'enseignement supérieur en France augmentent pour la douzième année consécutive .
Au total, en 2021, l'université compterait presque 225 000 étudiants de plus qu'en 2011, soit une hausse de 15 % sur 10 ans . Par ailleurs, entre les rentrées universitaires 2017 et 2021, près de 68 500 nouveaux étudiants sont venus grossir les rangs de l'université .
Évolution du nombre d'étudiants et de la dépense moyenne par étudiant (universités et IUT uniquement)
(en euros et en millions d'étudiants)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des réponses au questionnaire budgétaire
Si donc, en théorie, les ouvertures de places permettent d'absorber la hausse du nombre d'étudiants, la situation est en réalité plus contrastée qu'il n'y parait : le différentiel quantitatif global ne rend pas compte des tensions persistantes dans certaines disciplines, et l'offre de places n'est pas toujours en adéquation avec la demande.
La hausse tendancielle du nombre d'étudiants s'est également traduite par une érosion progressive de la dépense moyenne par étudiant, qui a chuté de 11 560 euros en 2014 à 10 110 euros en 2019.
En effet, à l'exception de l'année 2017, durant laquelle les universités ont bénéficié d'une dotation de 100 millions d'euros, l'augmentation spontanée du nombre d'étudiants n'a pas été financée jusqu'en 2020.
Or, l'impact conjugué de la pression démographique et de la diminution de la dépense moyenne par étudiant a entrainé une dégradation substantielle des conditions d'études dans certaines filières . Le cas des licences « sciences et techniques des activités physiques et sportives » (STAPS) est à cet égard particulièrement emblématique : le nombre d'étudiants inscrits dans cette filière a doublé en dix ans, le taux d'encadrement atteignant désormais un enseignant pour 43 étudiants, contre une moyenne nationale située à un enseignant pour 17 étudiants. En parallèle, la relative stagnation des moyens financiers alloués à la filière n'a pas permis d'adapter les capacités d'accueil des infrastructures sportives, et encore moins de lutter contre leur vieillissement.
Il convient de relever qu'un sursis a été donné aux établissements d'enseignement supérieur entre 2020 et 2022, l'effet conjugué de la loi ORE et du plan de relance permettant d'inverser la tendance et d'accroître la dépense moyenne par étudiant. Ainsi, entre 2020 et 2021, la subvention pour charges de service public par étudiant passerait de 8 458 euros à près de 8 600 euros (+ 1,7 %).
Évolution de la subvention pour charges de service public versée par étudiant 10 ( * ) entre 2017 et 2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire
Pour le rapporteur spécial, il s'agit cependant là d'un effort ponctuel, consenti dans le cadre du plan de relance, et non d'un rééquilibrage structurel du budget de l'enseignement supérieur. En 2021 et en 2022, des mesures d'urgence ont permis de parer à la hausse exceptionnelle du nombre d'étudiants inscrits, mais qu'en sera-t-il à compter de 2023, quand le budget de la mission « Enseignement supérieur » ne bénéficiera plus de crédits additionnels en provenance du plan de relance ?
Cette question est d'autant plus préoccupante qu'après une relative période d'accalmie entre 2022 et 2023, la démographie étudiante devrait à nouveau progresser fortement à partir de 2024, selon les prévisions du Mesri.
Pour le rapporteur spécial, il est fort regrettable que le constat d'une pression démographique inégalée dans les universités françaises ne suscite pas de réflexion plus large sur le devenir de l'enseignement supérieur français à moyen terme .
3. Un budget permettant de réduire temporairement les tensions persistantes sur la masse salariale des universités
Les subventions pour charges de service public (SCSP) versées aux opérateurs de la mission représentent 13,395 milliards d'euros en 2022 contre 13,092 milliards d'euros en 2021 soit une hausse de 303,6 millions d'euros.
Cette évolution s'explique, à hauteur de 100,1 millions d'euros en AE et CP, par la poursuite du passage aux responsabilités et compétences élargies des établissements , qui entraine le basculement de leurs emplois et de la masse salariale du titre 2 (dépenses de personnel) au titre 3 (subvention pour charges de service public versée aux établissements).
Après neutralisation de l'impact financier des diverses mesures de transfert, les 163 établissements qui dépendent de la mission « Enseignement supérieur » bénéficieront, en 2022, de 201,7 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2021, dont 131,5 millions d'euros au titre de la LPR .
Opérateurs de la mission « Enseignement supérieur »
En 2022, 163 établissements perçoivent directement près de 99 % des crédits de fonctionnement du programme :
- 70 universités et assimilés , dont 9 établissements expérimentaux ;
- 33 écoles d'ingénieur publiques sous tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur ;
- 37 établissements assurant des missions d'enseignement supérieur et de recherche sous différents statuts , dont 21 établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), 14 établissements publics à caractère administratif (EPA) et 2 fondations reconnues d'utilité publique ;
- 13 opérateurs de soutien à l'enseignement supérieur et à la recherche , incluant les deux chancelleries des académies de Toulouse et Paris ayant le statut d'EPA ;
- l'établissement public d'aménagement universitaire de la région Ile-de-France (EPAURIF) , placé sous la tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur ;
- 9 communautés d'universités et établissements (COMUE) , les dix autres ayant été dissoutes en 2020.
Source : commission des finances
Depuis plusieurs années, le budget de l'enseignement supérieur est fortement contraint par l'augmentation incompressible de sa masse salariale , laissant très peu de marges de manoeuvre aux établissements pour financer les nouvelles mesures annoncées.
De fait, les hausses de crédit doivent financer chaque année le coût des mesures salariales et statutaires.
Il s'agit, en premier lieu, de la mise en oeuvre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR, engagé en 2016), dont le coût est intégralement compensé chaque année.
En effet, les emplois fonctionnels relevant de l'enseignement
supérieur ont bénéficié, au 1
er
janvier
2019,
des mesures de transfert
primes - points
prévues dans le cadre du protocole
« PPCR », initialement prévues au 1
er
janvier 2018 et dont l'entrée en vigueur a été
reportée d'un an par le décret du 31 décembre
2017
11
(
*
)
.
Sur la période 2016-2021, le coût du PPCR est estimé à 174,8 millions d'euros - une somme équivalente, à titre d'exemple, aux moyens déployés en 2021 pour la mise en oeuvre de la loi ORE, grand chantier emblématique du quinquennat.
En 2022, la compensation aux établissements du coût de ces mesures - auxquelles s'ajoutent également le financement de la protection sociale complémentaire et la convergence indemnitaire en Ile-de-France - représente 55,4 millions d'euros , soit près du double de l'enveloppe supplémentaire allouée aux établissements pour financer des créations de places dans le cadre du plan « Étudiants ».
Le glissement-vieillesse-technicité (GVT) positif , qui correspond au solde traduisant l'augmentation de la masse salariale du fait de la progression des agents dans leur grille indiciaire (changements d'échelon, de grade ou de corps) représente également une dépense dynamique , notamment du fait des nouvelles grilles PPCR, qui ouvrent de nouveaux espaces indiciaires pour les agents.
Selon les informations transmises au rapporteur spécial, le GVT représente pour l'ensemble des établissements une charge annuelle d'environ 50 millions d'euros ; or, en 2020, le ministère a indiqué qu'il cesserait désormais de compenser de manière systématique le GVT pour les universités .
Si une enveloppe de 15 millions d'euros, allouée dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion, a permis de compenser en 2020 puis en 2021, de manière partielle ou totale le GVT auprès de 58 établissements, cette nouvelle contrainte financière a engendré des tensions supplémentaires sur la masse salariale des universités .
L'accumulation de ces différentes contraintes a entrainé une vacance sous plafond particulièrement importante chez la plupart des opérateurs .
Dans ce contexte, le rapporteur spécial note avec satisfaction que le budget 2022 prévoit, dans le cadre de la LPR, une hausse de 385 emplois, assortie de mesures de revalorisations salariales. Si cet effort mérite bien évidemment d'être salué, il y a fort à craindre qu'il n'ait qu'un impact ponctuel sur l'équilibre budgétaire des universités ; en effet, les facteurs responsables du dynamisme de la masse salariale, de même que les contraintes pesant sur les opérateurs demeurent inchangés.
4. Une prise en compte bienvenue mais encore insuffisante des impératifs liés à la transition énergétique du bâti universitaire
Dans un environnement international extrêmement concurrentiel, la modernisation des campus universitaires français est désormais incontournable : développement de l'enseignement à distance, renouvellement des pratiques pédagogiques, mais aussi et surtout remise à niveau du bâti universitaire.
Ces bâtiments - qui appartiennent à l'État mais dont la gestion est confiée aux universités - représentent près de 18,75 millions de mètres carrés de surface hors oeuvre nette (SHON) que se partagent 138 établissements sur un foncier de l'ordre de 5 300 hectares.
Or, comme l'a révélé le rapporteur spécial dans un rapport budgétaire intitulé « Immobilier universitaire : un sursaut indispensable pour un avenir soutenable », ce parc immobilier présente un caractère vieillissant, vétuste et énergivore. Ainsi, 38 % des surfaces universitaires sont classées en étiquette énergie D, tandis que 21 % du bâti est considéré comme étant très énergivore (avec une étiquette énergie E, F ou G) .
Dans ce contexte, non seulement le parc immobilier universitaire se caractérise par des coûts d'entretien et d'exploitation particulièrement élevés, mais en plus, les universités ne disposent pas, en règle générale, d'un budget suffisant pour enrayer la dégradation de leur patrimoine immobilier. A fortiori , très peu d'établissements sont en mesure d'investir en faveur de la rénovation énergétique de leurs locaux.
À cet égard, le lancement, dans le contexte du plan de relance, d'un appel à projets pour financer la rénovation énergétique des bâtiments publics constituait une opportunité unique , que les établissements d'enseignement supérieur ont pleinement réussi à saisir .
Trois types de projets étaient éligibles à un financement au titre de l'appel à projets :
- les actions dites à gains rapides et à faible investissement, présentant un fort retour sur investissement ;
- les projets de rénovation énergétique, relatifs au gros entretien et renouvellement visant une diminution de la consommation énergétique des bâtiments concernés ;
- les projets supposant un investissement plus lourd, relevant de projets immobiliers plus complexes, visant à regrouper, reloger et densifier des services, tout en diminuant la consommation énergétique du parc concerné.
Hors recherche et établissements supérieurs ne relevant pas du Mesri, 813 projets ont été sélectionnés pour l'enseignement supérieur, pour un total de l'ordre d'un milliard d'euros , dont :
- 561 projets portés par des universités (713,3 millions d'euros) ;
- 140 projets portés par des CROUS (254,2 millions d'euros) ;
- 112 projets portés par des écoles d'ingénieurs et de grands établissements (101,1 millions d'euros).
Répartition des crédits du plan de
relance consacrés
à la rénovation
énergétique des bâtiments publics
(en millions d'euros)
Nombre de projets |
Dotation financière |
% nombre projets |
% dotation financière |
|
CROUS |
140 |
254, 2 |
14,6 % |
21,0 % |
Recherche |
144 |
142,0 |
15,0 % |
11,7 % |
Grands établissements, grandes écoles, écoles d'ingénieur |
112 |
101,1 |
11,7 % |
8,3 % |
Universités |
561 |
713,2 |
58,6 % |
58,9 % |
Total Mesri |
957 |
1 210,6 |
100 % |
100 % |
Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP
Ces résultats sont d'autant plus méritoires que les établissements ont dû élaborer leurs projets dans des délais particulièrement restreints, puis veiller à ce qu'ils soient lancés avant la fin de l'année 2021. Ils témoignent, en tout état de cause, d'une prise de conscience bienvenue des universités quant à la priorité à accorder aux sujets immobiliers.
Pour le rapporteur spécial, force est cependant de constater que cet effort ponctuel demeure insuffisant , et ne permettra pas à la France de respecter les objectifs ambitieux qu'elle s'est fixés en matière de transition énergétique .
Ainsi, au niveau européen, le Règlement établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique 12 ( * ) , adopté en juillet 2021, transforme en obligation contraignante l'engagement politique du pacte vert européen, stipulant que l'UE deviendrait neutre sur le plan climatique d'ici 2050 .
Par ailleurs, sur le plan national, en application du décret tertiaire 13 ( * ) , les locaux universitaires courants sont tenus de réduire leur consommation énergétique de 40 % d'ici à 2030 14 ( * ) , 50 % d'ici 2040 et 60 % d'ici 2050 .
Des opérations de très grande ampleur seront nécessaires pour garantir le respect de ces engagements. Or, le financement de ces travaux ne pourra être assuré par les établissements, étant donné l'équation budgétaire dans laquelle s'inscrit la gestion immobilière, si bien que le lancement d'un vaste plan de rénovation globale du bâti universitaire parait indispensable.
Le rapporteur spécial serait favorable à l'élaboration d'un tel plan, qui s'inscrirait dans la continuité des efforts déployés dans le cadre de France Relance : à la dotation d'un milliard d'euros pour la réalisation de gains rapides succèderait une dotation plus importante pour la réalisation de gains différés.
Pour le rapporteur spécial, il importe que ce plan se concrétise à court terme. En effet, en matière d'immobilier comme de transition énergétique, l'inaction a un coût : plus les investissements sont différés, et plus ils seront onére ux pour les finances publiques.
5. Entre 2018 et 2022, une érosion tendancielle de la subvention publique par étudiant dans les établissements d'enseignement privé
La dotation consacrée à l'enseignement supérieur privé demeure stable en 2022, après une progression de 9 millions d'euros en 2021, pour s'établir à 93,9 millions d'euros.
Ces crédits sont versés à 68 15 ( * ) associations ou fondations qui gèrent des établissements d'enseignement supérieur privés selon deux sous-enveloppes :
- une à destination des 61 établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG) qui accueillent près de 128 600 étudiants en formation, soit environ 4 % des effectifs de l'enseignement supérieur ;
- une autre pour quatre associations chargées de la formation des enseignants des EESPIG (et qui réunissent 4 603 étudiants).
Au total, entre 2018 et 2021, les crédits versés aux EESPIG ont progressé de 12,9 % (+ 8 millions d'euros) tandis que dans le même temps, le nombre d'étudiants accueillis a enregistré une hausse de plus de 20 %, pour s'établir à 128 600 en 2021. En parallèle, 9 nouvelles structures ont obtenu le label EESPIG, qui regroupe désormais 65 établissements.
Dans ce contexte, en dépit des modestes hausses de crédits consenties, la part du soutien de l'État par étudiant a enregistré un net recul au cours du quinquennat, passant de 625 euros en 2018 à 587 euros en 2021 - alors même que le coût de la formation varie entre 7 500 euros et 16 000 euros selon les écoles.
Évolution du nombre d'étudiants et des crédits consacrés aux EESPIG
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire
Étant donné que le soutien de l'État ne représente que 5 % des ressources des établissements d'enseignement privé , ces derniers font face à une équation financière de plus en plus complexe.
En effet, dans la mesure où les EESPIG répondent aux missions de service public de l'enseignement supérieur , ils obéissent à la fois aux règles de « non-lucrativité » et d'indépendance de gestion, au terme de l'article L. 732-1 du code de l'éducation. Il ne leur est donc pas loisible de conduire des activités lucratives, ni de lever des fonds (hors emprunt), pour investir et parvenir à un modèle économique plus soutenable . Dans ce contexte, le rapporteur spécial relève que certains établissements n'ont pas été en mesure d'augmenter leurs effectifs au cours des dix dernières années.
Pour le rapporteur spécial, il semblerait pourtant rationnel d'accorder un soutien financier plus important aux EESPIG : non seulement, le coût pour l'État d'un étudiant scolarisé dans le privé est nettement moins élevé qu'à l'université (587 euros contre 11 500 euros en moyenne) mais en plus, les établissements d'enseignement privé pourraient utilement à l'avenir épauler les établissements publics dans leurs efforts pour absorber la hausse de la population étudiante.
Or , force est de constater que le budget 2022 ne laisse pas, loin s'en faut, augurer d'un rééquilibrage en faveur de l'enseignement privé . L'action 04 représentera toujours un peu plus de 0,6 % des crédits du programme 150 en 2022, alors même que les établissements accueilleront environ 4 % des effectifs de l'enseignement supérieur .
Par ailleurs, si le taux de mise en réserve appliqué aux EESPIG, de l'ordre de 7 % depuis plusieurs années, a été ramené à un niveau plus acceptable équivalent à 4 % en 2021 de la subvention versée, le rapporteur spécial rappelle que l'objectif fixé par l'État correspond à un taux de mise en réserve de 3 % sur l'ensemble du budget.
Dès lors, il serait appréciable que le Mesri aille jusqu'au bout de la démarche de normalisation du traitement réservé aux EESPIG, en abaissant à nouveau de 1 point le taux de mise en réserve pratiqué en 2022 . Cette évolution semblerait d'autant plus justifiée que ces établissements ne bénéficieront d'aucun crédit supplémentaire l'année prochaine, en dépit d'une hausse anticipée de 4 % des effectifs accueillis et de l'arrivée d'un nouvel EESPIG.
À cet égard, le rapporteur relève que l'octroi de la qualification d'EESPIG à de nouveaux établissements se traduit, en réalité, par une diminution de la subvention publique allouée à chaque établissement, la dotation globale restant stable. Il serait pourtant plus cohérent que les nouveaux arrivants bénéficient d'une enveloppe supplémentaire ad hoc , de manière à ce que les crédits dévolus aux autres établissements restent a minima stables dans le temps.
Une telle évolution pose, plus fondamentalement, la question du pilotage pluriannuel de la subvention versée aux EESPIG . Pour le rapporteur spécial, la mise en oeuvre d'une programmation pluriannuelle des crédits destinés aux EESPIG parait indispensable pour tenir compte des dynamiques à l'oeuvre et mieux calibrer la dotation versée à l'enseignement privé.
Or, si la loi de programmation pour la recherche prévoit le lancement d'un dialogue financier triennal avec le comité consultatif de l'enseignement supérieur privé (CCESP), il apparait que ce dialogue n'a toujours pas été engagé. Le rapporteur spécial invite donc le Mesri à publier dans les plus brefs délais les textes réglementaires nécessaires à la mise en oeuvre de cette disposition .
* 10 Pour les étudiants inscrits dans les établissements d'enseignement supérieur public sous tutelle du Mesri.
* 11 Décret n°2017-1737 du 31 décembre 2017 modifiant l'échelonnement indiciaire de divers corps, cadres d'emplois et emplois de la fonction publique de l'État, de la fonction publique territoriale, et de la fonction publique hospitalière.
* 12 Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil, en date du 30 juin 2021, établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) no 401/2009 et (UE) 2018/1999 («loi européenne sur le climat»), publié au JOUE le 9 juillet 2021.
* 13 Décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire.
* 14 Base 2010.
* 15 Dont 5 nouveaux EESPIG en 2020.