II. POUR 2022, LES EMPLOIS ET LES MOYENS DES ADMINISTRATIONS DE LA MISSION DEVRAIENT ÊTRE PRÉSERVÉS

A. UN EFFORT CONTENU POUR LES ADMINISTRATIONS DE LA MISSION

1. La direction générale du Trésor, une administration au coeur de la crise et de la relance
a) L'administration centrale de la direction générale du Trésor, une administration au coeur de la réponse à la crise sanitaire et économique

La direction générale du Trésor (DG Trésor) fait partie des directions dites « d'état-major » du ministère de l'économie. Elle assure des missions stratégiques, en participant notamment aux analyses macro-économiques de croissance, d'inflation, de dépenses et de recettes fiscales. Par le biais de l'Agence France Trésor, la DG Trésor assure également la gestion de la dette publique 8 ( * ) . Elle exerce la tutelle de l'État sur l'Agence française de développement, Bpifrance SA, BPI Assurance export, Business France et Expertise France.

Par ailleurs, le secrétariat du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) est assuré par à la direction générale du Trésor. Le CIRI accompagne les entreprises de plus de 400 salariés dans leurs restructurations. Dans le contexte de crise sanitaire, la gestion par le CIRI du Fonds de développement économique et social (FDES) a pris une ampleur particulière, alors que les crédits qui lui sont dédiés ont été démultipliés. Ainsi, outre l'ouverture d'un milliard d'euros en 2020 9 ( * ) , 600 millions d'euros ont été ouverts par la première loi de finances rectificative pour 2021 10 ( * ) .

Le CIRI accompagne les entreprises en difficulté de plus de 400 salariés avec, pour objectif, dans son accompagnement des entreprises, « de bâtir un consensus autour de plans d'affaires crédibles et d'en négocier le financement afin de sécuriser le retournement des entreprises concernées » 11 ( * ) . Dans le contexte de la pandémie et de renforcement de l'enveloppe de financements du FDES, l'action du CIRI s'est sensiblement accrue pendant la crise sanitaire.

D'après les ministres Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher, dans leur propos introductif au rapport d'activité du CIRI 12 ( * ) , « les principaux secteurs représentés sont les activités de service, en particulier liées au transport, à l'hôtellerie et à la restauration, avec deux sources de difficultés : des impasses de trésorerie à très court terme et des problématiques de solvabilité à moyen terme . »

Alors qu'en 2019, le CIRI était en charge de 32 entreprises, la crise sanitaire a conduit à une augmentation sensible du nombre de dossiers, 70 entreprises étaient suivies par le CIRI en 2020, pour un total de 105 000 emplois. En 2021, le CIRI a été saisi de 14 nouveaux dossiers, représentant un peu moins de 17 500 emplois. Depuis le début de la crise, deux nouveaux rapporteurs ont été nommés en renfort des six rapporteurs du CIRI.

Alors que les prêts garantis par l'État (PGE) et les différents dispositifs de soutien ont conduit à un « gel des faillites » qui pourrait s'interrompre en 2022, le retour à la normale pourrait provoquer de nouvelles difficultés et nécessiter que le CIRI se saisisse de nouveaux dossiers. Les rapporteurs spéciaux estiment que la DG Trésor doit anticiper cette situation et renforcer au plus vite les équipes du CIRI. Ils estiment ainsi qu'un renforcement plus ambitieux, et plus en phase avec l'augmentation du niveau d'activité, doit être mis en oeuvre et que de nouveaux rapporteurs doivent être nommés rapidement.

b) Le réseau économique à l'étranger, l'alerte des rapporteurs spéciaux semble avoir été entendue

La direction générale du Trésor dispose d'un important réseau économique à l'étranger, qui joue un rôle majeur dans la diplomatie économique et produit des analyses de la situation économique des différentes régions du monde.

Le rapport de contrôle réalisé par les rapporteurs spéciaux au printemps 2021 13 ( * ) a montré les limites de la rationalisation de la direction à l'étranger. En effet, sauf à remettre en cause l'importance de la diplomatie économique en tant que telle, il est apparu indispensable de stabiliser le nombre d'emplois à l'étranger de la DG Trésor.

Dans le contexte de crise sanitaire et économique, les services économiques à l'étranger ont apporté leur soutien au rapatriement des ressortissants français, accompagné les entreprises françaises, participé à la sécurisation de l'approvisionnement en matériels médicaux ou encore assuré une veille des mesures prises par les différents États.

Répartition des effectifs de la direction générale du Trésor à l'étranger
en 2019

(en ETP)

Source : réponses de la DG Trésor au questionnaire des rapporteurs spéciaux, avec l'outil datawrapper 14 ( * )

Les services économiques régionaux et les antennes installées à l'étranger sont autant de relais de l'action de diplomatie économique de la France et produisent des services d'intelligence économique.

Ce réseau, qui permet de soutenir les secteurs stratégiques français, se compose de 128 implantations, réparties dans 105 pays, dont :

- 31 services économiques régionaux ;

- 70 services économiques ;

- 5 délégations/représentations permanentes de la France au sein d'instances multilatérales ;

- 22 délégués ou correspondants de chefs de services économiques.

Entre 2009 et 2022, l'effectif des services économiques à l'étranger s'est fortement réduit, passant de 1 339 à 502 agents 15 ( * ) , soit une baisse de 837 agents. Si c ette réduction résulte en grande partie d'évolutions dans le périmètre des interventions de la DG Trésor 16 ( * ) , une part non négligeable de la réduction du nombre d'ETP résulte de la rationalisation du réseau. Pour 2022, le seul ajustement prévu à ce stade concerne la suppression d'un poste de volontaire international en administration (VIA) aux États-Unis.

Les rapporteurs spéciaux tiennent à souligner l'importance de cette interruption dans la réduction des effectifs, qu'ils avaient appelée de leurs voeux. En effet, les gains à espérer d'une politique de rabot sur les effectifs au sein des services économiques sont sans commune mesure avec les risques qu'une telle réduction pourrait faire courir.

2. Les emplois de l'Institut national de la statistique et des études économiques continuent à se réduire en parallèle de la stratégie de dématérialisation

L'Institut national de statistique et des études économiques (INSEE) doit continuer en 2021 à mettre en oeuvre le plan stratégique « Insee 2025 ». La collecte de données en ligne devrait ainsi continuer à se développer.

La possibilité de répondre au recensement par internet a été généralisée en 2015 sur tout le territoire, de sorte qu'en 2020, 62 % des personnes recensées ont répondu en ligne. Pour les entreprises, le projet Coltrane doit à terme rassembler sur un portail unique l'ensemble des enquêtes entreprises (85 % en 2020). Les enquêtes auprès des ménages restent cependant principalement réalisées par des enquêteurs en face-à face ou par téléphone. La dimension qualitative de ces enquêtes justifie qu'une partie non négligeable de la collecte des données ne puisse être réalisée en ligne.

Alors qu'en 2021, la maquette budgétaire du programme a évolué sensiblement, les crédits pour 2022 sont en hausse par rapport à la loi de finances pour 2021. Cette hausse n'est cependant qu'apparente, alors que l'enquête annuelle de recensement (EAR) prévue en 2021 a été décalée à 2022, dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Ainsi, 15 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement avaient été annulés à ce titre en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2021 à l'Assemblée nationale.

D'après les informations communiquées par l'INSEE « en 2022, le recensement de la population devrait être réalisé de façon analogue aux années avant pandémie. » En effet, le projet annuel de performance prévoit à ce titre que la dotation forfaitaire de recensement s'élèverait à 23,2 millions d'euros (en AE = CP), dont 2,6 millions d'euros pour le recensement de Polynésie Française.

Par ailleurs, les réductions d'effectifs se poursuivront en 2022, dans le contexte de la mise en oeuvre du plan stratégique de l'institut. Ainsi, 73 ETPT devraient être supprimés en 2022, principalement dans les services régionaux (59 ETPT).

3. La pression diminue sur la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Depuis 2007, les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont été réduits d'un quart, du fait pour moitié de mesures de périmètre et pour l'autre moitié d'une importante réduction nette des effectifs.

L'évolution des effectifs de la DGCCRF depuis 2007

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la DGCCRF

Les rapporteurs spéciaux tiennent à rappeler ici la spécificité des missions de la DGCCRF, les inspecteurs ayant principalement vocation à se déplacer pour effectuer des contrôles : les gains de productivité et d'efficience ne sont, par nature, que très limités sur ce type de mission. La réduction des effectifs n'a ainsi d'autre conséquence que la limitation des capacités d'enquête de la direction.

D'après les documents budgétaires, la DGCCRF « s'attachera à concentrer ses forces sur son coeur de métier, les enquêtes au service de la lutte contre les fraudes économiques. Elle ciblera plus particulièrement ses actions en prenant en compte les nouveaux modèles économiques et les risques émergents . »

Ainsi, afin de réaliser les suppressions d'emplois qui lui ont été demandées, la direction conduit un recentrage sur sa mission de contrôle et a engagé des travaux visant à assurer un meilleur ciblage de ces derniers en mobilisant notamment les moyens informatiques à sa disposition.

Sur ce dernier point, la directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a souligné une difficulté, récurrente dans l'administration, à embaucher et à fidéliser les ingénieurs informatiques. Alors que de plusieurs administrations font état de ce type de difficultés , il apparaît indispensable d'accélérer les travaux pour faciliter ce type de recrutements et adapter les conditions de rémunération des ingénieurs informatiques, afin de les fidéliser.

Le plan stratégique 2020 - 2025 de la DGCCRF

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a défini quatre orientations stratégiques à horizon 2025.

1. Renforcer son coeur de métier, à savoir l'enquête sur les fraudes et le respect de l'ordre public économique

La direction souhaite donner la priorité à son rôle d'enquête plutôt qu'aux contrôles standards ou routiniers. Il s'agit de mieux cibler l'activité sur les pratiques frauduleuses ou déloyales.

2. Investir les nouveaux modèles économiques et les risques émergents

Les nouveaux risques identifiés par la DGCCRF concernent l'origine des produits, les allégations environnementales ainsi que les différents modèles de fraude liés à l'économie numérique (influenceurs, sites internet frauduleux, fausses annonces).

3. Rénover la relation entre les consommateurs et les entreprises

Grâce, en particulier, au développement de nouveaux outils informatiques, la DGCCRF souhaite intervenir plus directement dans la relation entre consommateurs et entreprises. Il s'agit en particulier de la plateforme SignalConso , sur laquelle les consommateurs sont invités à signaler les manquements qu'ils ont constatés de la part des entreprises. La DGCCRF a également mis en place un centre national de réponse aux consommateurs RéponseConso .

4. « Maximiser l'impact de nos actions grâce à des outils et une organisation rénovée »

Le dernier axe de la stratégie 2020-2025 de la DGCCRF vise à déployer de nouveaux outils à destination des agents. Il s'agit notamment du projet de Système d'informations pour l'enquête au service des agents en mobilité (SESAM) qui doit permettre aux enquêteurs de disposer d'outils matériels et logiciels accessibles lors de leurs déplacements.

Source : réponses au questionnaire d'audition des rapporteurs spéciaux

La révision de la trajectoire de réduction des effectifs permet donc de préserver l'objectif de renforcement de la lutte contre la fraude. En effet, les effectifs chargés des contrôles en matière de transition écologique, de protection des PME et des entreprises produisant en France ou encore de régulation des plateformes devraient être renforcés .

Les rapporteurs spéciaux ne peuvent que se féliciter de la stabilisation des effectifs de la DGCCRF, qui exerce des missions indispensables de régulation des marchés et de protection des consommateurs.

Les principales sanctions infligées en ce sens par la DGCCRF concernent le respect des délais de paiement par les entreprises, l'information des consommateurs en matière de moyens de paiement, de démarchage téléphonique illicite ou encore de non-respect des plafonds promotionnels .

Si les montants des sanctions infligées peuvent parfois apparaître relativement limités au regard des enjeux financiers, l'atteinte réputationnelle est parfois bien plus importante, selon la logique du « name and shame ». Ainsi, les sanctions infligées à la Société générale, à BNP Paribas ou encore la Banque postale pour défaut d'information des consommateurs en matière de moyens de paiement, si elles ont eu un impact financier limité (entre 1,1 et 1,6 million d'euros) n'en ont pas moins affecté le capital réputationnel de ces banques.

4. La direction générale des entreprises, une administration en mutation mais dont les effectifs doivent se stabiliser
a) Une administration centrale de la direction générale des entreprises qui se recentre sur ses priorités

Les missions de la direction générale des entreprises (DGE) ont fait l'objet d'une revue afin d'établir des priorités stratégiques :

- le recentrage des missions avec un resserrement de l'action sur les champs de l'industrie, du numérique et de l'innovation ;

- la réorganisation hiérarchique avec une suppression de l'échelon administratif des bureaux, justifié par le besoin de polyvalence des agents ;

- le travail en « mode projet » avec la création de nouvelles fonctions de directeur et de chef de projets.

Ces évolutions se sont accompagnées de la suppression de 108 ETPT en administration centrale depuis 2018.

Les relations de l'État avec les régions sont institutionnalisées dans le cadre du Conseil économique État-Régions (CEER), qui rassemble les présidents de régions autour du ministre de l'économie, des finances et de la relance.

b) Une importante réorganisation territoriale

Le rôle de chef de file des régions en matière de développement économique a eu pour conséquence de clarifier l'action économique de l'État dans les territoires. Au sein des pôles 3E 17 ( * ) des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), la création des services économiques de l'État en région (SEER) en 2019 devait permettre de répondre à cette problématique en orientant l'action des services de l'État vers trois axes principaux :

- l'accompagnement des entreprises en difficulté, notamment les PME et les ETI industrielles, avec la poursuite de l'activité des commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises ;

- le suivi des filières stratégiques sur un territoire régional et des entreprises qui y participent ;

- l'innovation, avec notamment la participation aux instances de gouvernance des écosystèmes d'innovation ou la mise en oeuvre de la politique nationale de transformation numérique des PME.

D'après les informations transmises par la direction générale des entreprises, « la création des SEER vise donc à créer un État plus stratège, dont le rôle est de décliner les orientations nationales en les articulant avec le contexte régional, et à renforcer l'efficacité de son action dans les territoires 18 ( * )

À moyen terme, la réorganisation des pôles 3E a conduit à la suppression de 225 postes (dont 359 sur le programme 134) accompagné de la création de 134 postes dans les SEER .

Plus globalement, les missions des Direccte ont été recentrées sur les filières stratégiques, les écosystèmes d'innovation et l'accompagnement des entreprises en difficulté.

Conséquence de la crise sanitaire, la finalisation de la réforme des SEER a été repoussée à fin 2022, et les effectifs devraient être stabilisés jusqu'à cette échéance.


* 8 Les crédits alloués à la gestion de la dette sont portés par le programme 117 « Gestion de la dette et trésorerie de l'État » de la mission « Engagements financiers de l'État ».

* 9 Par deuxième loi de finances rectificative pour 2020 (loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020).

* 10 Par la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

* 11 Site internet de la DG Trésor .

* 12 Rapport annuel 2019-2020 du CIRI.

* 13 Le réseau des services économiques de la direction générale du Trésor à l'étranger. Rapport d'information de M. Thierry COZIC et Mme Frédérique ESPAGNAC, fait au nom de la commission des finances n° 659 (2020-2021) - 2 juin 2021.

* 14 Hors les effectifs localisés à Bruxelles, 16 agents au pôle informatique, 4 agents au service économique régional et 22 agents la représentation permanente auprès de l'Union européenne.

* 15 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 16 L'évolution correspond au transfert de 270 ETP à Business France pour ses activités de conseil à l'export et 79 ETP au ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour assurer les fonctions supports.

* 17 Entreprises / Emplois / Économie

* 18 Réponse aux questions des rapporteurs spéciaux.

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