LES MODIFICATIONS
APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première délibération, l'Assemblée nationale n'a pas adopté de modification. En seconde délibération, l'Assemblée nationale a minoré les crédits de la mission de 500 000 euros sur 42,47 milliards d'euros.
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
ARTICLE 7
7
Participation française à
l'augmentation de capital sujet à appel de la Banque européenne
d'investissement
Commentaire : le présent article vise à autoriser le ministre chargé de l'économie à souscrire à une augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement à hauteur de 6,9 milliards d'euros du capital sujet à appel.
I. LE DROIT EXISTANT
Le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne prévu le 30 mars 2019 implique son retrait du capital de la Banque européenne d'investissement. Il en résulte pour cette dernière une diminution du capital appelé à hauteur de 3,5 milliards d'euros et du capital appelable pour un montant de 35,7 milliards d'euros, soit un total de capital souscrit de 39,2 milliards d'euros.
En l'absence de mesure compensatoire, ce départ remettrait en cause la capacité de la banque à remplir ses objectifs de politique et serait aussi perçu, notamment par les agences de notation, comme un affaiblissement du soutien de ses actionnaires susceptible de fragiliser son modèle économique et financier.
L'opération de remplacement du capital souscrit britannique proposé repose ainsi, d'une part, sur l'incorporation au capital appelé d'une partie des réserves de la banque à hauteur de 3,5 milliards d'euros et, d'autre part, sur une augmentation du capital sujet à appel des 27 États membres à hauteur de leur nouvelle part dans le capital total.
Le capital souscrit de la Banque européenne d'investissement s'élève aujourd'hui à 243,3 milliards d'euros. Ce niveau de capital correspond à la somme des souscriptions initiales des États membres actionnaires fondateurs de la banque et des augmentations successives intervenues depuis, à l'occasion (i) de souscriptions ultérieures des pays actionnaires, (ii) de l'adhésion à l'Union européenne de nouveaux États membres (entraînant pour chacun d'entre eux une prise de participation dans le capital de la BEI en proportion du poids relatif de leur PIB national à l'intérieur de l'Union), et (iii) de l'incorporation d'une partie des réserves dans le capital de la banque. À ce jour, le capital appelé est statutairement fixé à 8,92 % du capital souscrit qui passerait à 19,20 %.
L'opération de remplacement du capital britannique doit permettre à la Banque européenne d'investissement de faire face aux conséquences du retrait de l'un des quatre principaux actionnaires de la BEI.
Quelle que soit l'issue de la négociation sur l'accord de retrait, avec le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne en mars 2019, il résultera une diminution du capital appelé (3,5 milliards d'euros) et du capital appelable britannique (35,7 milliards d'euros) de la BEI, soit environ 39,2 milliards d'euros au total.
Compte tenu du cadre prudentiel de la BEI et plus particulièrement de l'article 16.5 de ses statuts, cette réduction du capital impliquerait mécaniquement une réduction significative de sa capacité de prêt de 2,5 fois le montant du capital souscrit britannique (soit une réduction de l'encours maximum d'environ 100 milliards d'euros) et limiterait à 42 milliards d'euros par an à court terme (2018 et 2019) puis à 55 milliards d'euros par an à moyen terme son volume d'activité, à comparer aux 70 milliards d'euros de volume d'activité en 2017 en termes d'engagements (signatures de projets).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article vise à autoriser pour la France une opération de remplacement du capital britannique qui consisterait, d'une part, en une incorporation au capital appelé d'une partie des réserves de la BEI (à hauteur du montant du capital appelé britannique, soit 3,5 milliards d'euros) et, d'autre part, en une augmentation du capital appelable des 27 États membres (à hauteur du capital appelable britannique, soit 35,7 milliards d'euros).
L'augmentation du capital sujet à appel des 27 États membres doit permettre d'assurer le respect des ratios prudentiels qui s'appliquent à la BEI ainsi que le niveau de son volume d'activité pour les prochaines années.
Cette opération est de nature à permettre à la banque de conserver son modèle économique qui repose notamment sur sa notation AAA fixée par les agences de notation.
Elle permettra également de maintenir un niveau d'activité proche de celui antérieur au retrait britannique, sans remettre en cause de façon substantielle ni l'activité dans les 27 États membres dont la France, ni les activités réalisées par la BEI au service des objectifs de l'Union.
À titre d'exemple s'agissant de la France, en 2017, le groupe BEI a approuvé 8,6 milliards d'euros dans l'Hexagone pour un total de 105 opérations de financement. Par ailleurs, 30 000 PME et ETI, qui emploient 175 000 personnes, ont bénéficié de garanties du fonds européen d'investissement (FEI), filiale de la BEI en charge du soutien au financement des PME par prise de participation ou par garantie dans des fonds d'investissement.
Sur les 8,6 milliards d'euros de financements approuvés par la BEI en France en 2017, 40 % l'ont été au titre du fonds européen pour les investissements stratégiques (« plan Juncker »), soit un total de 4,7 milliards d'euros dans des secteurs variés. Depuis le lancement du « plan Juncker » en 2015, la France se positionne comme le principal bénéficiaire en volume du fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) avec 9,5 milliards d'euros approuvés au total (à fin avril 2018) pouvant produire 42 milliards d'euros d'investissements. Grâce à l'appui du FEIS, la BEI s'est ainsi engagée en France dans des projets industriels pour de grandes contreparties, mais aussi plus largement pour des projets de plus petites tailles, à caractère plus risqué et soutenant des objectifs économiques stratégiques pour l'avenir de la France tels que le soutien à l'innovation ou encore l'action climatique.
Cette opération s'inscrit ainsi plus largement dans l'engagement pris par les chefs d'État à Bratislava le 16 septembre 2016 de prendre toute mesure nécessaire afin d'éviter que le retrait britannique n'ait un impact négatif sur l'une des politiques ou des institutions de l'Union.
Toute augmentation de capital doit faire l'objet d'une proposition adoptée par le Conseil d'administration de la banque et, ensuite, être approuvée à l'unanimité du Conseil des gouverneurs (auquel siègent les ministres des finances).
La proposition d'augmentation du capital appelable des 27 États membres, en remplacement du capital appelable britannique, a ainsi été présentée pour approbation au Conseil d'administration de la BEI du 17 juillet 2018. Le Conseil des gouverneurs de la banque a été saisi de cette proposition, dans le cadre d'une procédure écrite, aux fins de l'approuver.
Il est prévu que chacun des États membres y souscrive, avec effet au plus tard à la date effective du retrait du Royaume-Uni de l'Union, le 30 mars 2019.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le dispositif proposé permet de limiter l'effet induit par le retrait du Royaume-Uni sur l'activité de la BEI.
Le montant de cette augmentation de capital est considérable, mais ne concerne pas le capital appelé qui conduirait à une dépense publique immédiate, mais le capital sujet à appel. Les circonstances dans lesquelles la BEI serait susceptible d'avoir recours au capital appelé sont rares. Cette procédure à laquelle la banque n'a jamais eu recours depuis sa création a vocation à couvrir une situation où l'institution serait en difficulté majeure.
L'appel par la BEI du capital appelable est prévu par l'article 5 alinéa 3 des Statuts de la Banque : « Le Conseil d'administration peut exiger le versement du solde du capital souscrit pour autant que ce versement soit rendu nécessaire pour faire face aux obligations de la Banque. Le versement est effectué par chaque État membre proportionnellement à sa quote-part du capital souscrit. »
Il convient de noter que le Conseil d'Administration et le comité interne de suivi des risques de la Banque ont vocation à prévenir ce type de situation en étant très vigilants sur le niveau de capital de la Banque en rapport à ses engagements. La Banque assure ainsi une gestion prudente des principaux ratios prudentiels, de telle sorte que l'appel du capital appelable constitue une hypothèse très peu probable voire théorique, sachant que des mesures correctrices seraient prises avant de se retrouver dans une situation où un appel du capital appelable deviendrait nécessaire. De fait, depuis la création de la Banque en 1958, le cas d'appel du capital appelable ne s'est jamais présenté.
Dans le cas d'une banque multilatérale publique, comme celui de la BEI, le capital appelable a un rôle important puisqu'il permet de manifester, en plus du capital appelé réellement versé, le soutien des actionnaires et constitue ainsi un élément important de l'évaluation de la solidité financière de la Banque.
On peut considérer que de fait, l'engagement demandé s'apparente de facto à une garantie, même si juridiquement elle relève plus de la convention financière entre la France et la BEI.
Sans incidence sur les finances publiques, cette mesure n'en n'est pas moins essentielle pour son évaluation par les agences de notation notamment et donc par les investisseurs qui achètent les obligations émises par la BEI dans la mesure où elle a pu ainsi se prévaloir d'un capital appelable de plus de 221 milliards d'euros liés aux engagements des différents États membres.
Dès lors que le présent article tend exclusivement à permettre une hausse de la participation de la France au titre du capital appelable de la Banque européenne d'investissement sans devoir procéder à une augmentation du capital appelé, celui-ci est en effet sans incidences budgétaires ni sur la dette ni sur le déficit.
Décision de votre commission des finances : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.