EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est appelé à examiner en deuxième lecture la proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites , qu'il a adoptée en première lecture le 31 octobre 2017.
Ce texte, issu de deux propositions de loi déposées respectivement par notre ancien collègue Jean-Claude Carle 1 ( * ) et par notre collègue Loïc Hervé 2 ( * ) , ainsi que plusieurs de nos collègues, a pour objet d' apporter des réponses concrètes aux difficultés récurrentes provoquées, sur de nombreuses parties du territoire français, par l'occupation illicite de terrains publics ou privés . Pour ce faire, il entreprend de clarifier les obligations des communes et de leurs groupements relatives à l'accueil des gens du voyage, de faciliter la préparation des grands passages et grands rassemblements des gens du voyage et de renforcer les moyens dont disposent les autorités publiques pour réglementer le stationnement des résidences mobiles, faire évacuer les campements irréguliers et réprimer de tels comportements.
Il n'est évidemment pas question de jeter l'opprobre sur une catégorie entière de la population. Le mode de vie des gens du voyage mérite le respect, et il exige que les collectivités publiques fassent leurs efforts pour les accueillir et adapter le fonctionnement des services publics à leurs besoins. Mais il est également de la responsabilité de la puissance publique de garantir l'ordre public et les libertés des autres citoyens, en aménageant un juste équilibre des droits et des devoirs de chacun et en faisant cesser les agissements d'une minorité de fauteurs de troubles.
Votre commission a abordé cette deuxième lecture avec un esprit partagé. Car si un grand nombre de dispositions adoptées par le Sénat en première lecture ont été supprimées, quelques mesures particulièrement nécessaires et urgentes ont réchappé à l'examen du texte par l'Assemblée nationale. Alors que la navette parlementaire suit son cours depuis plus d'un an, ces mesures doivent entrer en application sans plus attendre . C'est ce qui conduit votre commission à proposer au Sénat d'adopter cette proposition de loi sans modification et définitivement.
I. LES DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
Les dispositions adoptées par le Sénat en première lecture peuvent être regroupées en trois sujets principaux : les politiques d'accueil et d'habitat des gens du voyage, la réglementation de la circulation et du stationnement des résidences mobiles et son application, la répression pénale des occupations illicites et des dégradations d'aires d'accueil ou de terrains.
A. LES POLITIQUES D'ACCUEIL ET D'HABITAT DES GENS DU VOYAGE
1. Les obligations d'accueil des communes et de leurs groupements
Suivant l'objectif poursuivi par notre ancien collègue Jean-Claude Carle, le Sénat s'était d'abord efforcé de clarifier et de mieux circonscrire les obligations respectives des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre en matière d'accueil et d'habitat des gens du voyage. Cela exigeait de revoir tant le contenu que les modalités de mise en oeuvre du schéma qui, dans chaque département, détermine les secteurs géographiques et les communes où doivent être aménagés des aires permanentes d'accueil, des terrains familiaux locatifs et des aires de grand passage ( article 1 er ).
S'agissant du contenu du schéma :
- conformément à l'intention initiale du législateur et à la pratique suivie depuis près de vingt ans, le schéma n'aurait désormais pu prévoir la réalisation d'aires ou de terrains d'accueil sur le territoire de communautés de communes ne comportant, parmi leurs membres, aucune commune de plus de 5 000 habitants qu'à titre facultatif ;
- l'obligation de construire de nouvelles aires aurait été subordonnée à une occupation suffisante des aires existantes , le taux d'occupation à atteindre devant être fixé par décret ;
- lors de la révision du schéma, il aurait dû être tenu compte des évolutions de la carte intercommunale .
Pour ce qui est de la mise en oeuvre du schéma :
- il avait paru indispensable de clarifier la répartition des obligations entre les communes et leurs groupements à fiscalité propre , ceux-ci étant désormais obligatoirement compétents en matière d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires et terrains d'accueil ; dès lors, les communes membres d'un tel groupement ne sauraient avoir d'autre obligation que d'accueillir ces aires et terrains sur leur territoire, en y prêtant le cas échéant le concours de leurs propres compétences, notamment en matière d'urbanisme ;
- de même, le Sénat avait jugé bon d'expliciter le fait que la compétence obligatoire des EPCI à fiscalité propre s'étend à la création des aires et terrains ;
- en séance publique avait été adopté un amendement de notre collègue Dominique Estrosi-Sassone prévoyant que les emplacements en aire d'accueil soient comptabilisés en tant que logements locatifs sociaux , au titre des obligations incombant aux communes en la matière.
Par ailleurs, le Sénat avait approuvé la suppression de la procédure de consignation de fonds à l'égard des communes et EPCI défaillants, inutilement attentatoire à la libre administration des collectivités territoriales ( article 2 ).
2. L'organisation des grands passages et grands rassemblements
Afin de faciliter l'organisation des grands passages et grands rassemblements de gens du voyage, le Sénat avait prévu que tout projet de stationnement de plus de cent cinquante résidences mobiles devrait être notifié aux autorités publiques, au moins trois mois à l'avance ( article 3 ).
N'ayant pas souhaité transférer au préfet de département le pouvoir de police générale du maire à l'occasion de ces grands passages et grands rassemblements, comme le prévoyait le texte initial de la proposition de loi n° 557 (2016-2017), le Sénat avait néanmoins adopté en séance publique un amendement aux termes duquel le maire, s'il n'était pas en mesure d'assurer l'ordre public par ses propres moyens, pourrait demander au préfet de département de prendre les mesures nécessaires . Cette disposition était de nature à atténuer la responsabilité de la commune en cas de dommage imputable à une carence du maire dans l'exercice de son pouvoir de police général, si du moins celui-ci établit qu'il a procédé à toutes les diligences qu'il avait les moyens juridiques et matériels d'accomplir 3 ( * ) .
* 1 Proposition de loi n° 557 (2016-2017) tendant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d'accueil des gens du voyage , présentée par M. Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues. C'est cette proposition de loi qui a servi de base à l'établissement du texte du Sénat en première lecture, certaines dispositions du second texte y ayant été introduites par voie d'amendement.
* 2 Proposition de loi n° 680 (2016-2017) visant à renforcer et rendre plus effectives les sanctions en cas d'installations illégales en réunion sur un terrain public ou privé , présentée par M. Loïc Hervé et plusieurs de ses collègues.
* 3 Le préfet de département dispose, en tout état de cause, du pouvoir de se substituer au maire en cas de carence, après mise en demeure restée infructueuse ou en cas d'urgence. Le préfet a l'obligation, le cas échéant, d'exercer ce pouvoir de substitution, sous peine de commettre une illégalité fautive qui engage la responsabilité de l'État.