B. L'EFFORT EN FAVEUR DES ANCIENS COMBATTANTS PORTÉ PAR LE PROGRAMME 169 : CONJURER UN LENT AFFADISSEMENT ET S'ADAPTER À DE NOUVEAUX DÉFIS

Les crédits de paiement du programme 169 , qui regroupe la plus grande part des dispositifs de réparation et de reconnaissance en faveur du monde combattant (ayants droit et ayants cause), baissent de 3,4 % dans le projet de loi de finances pour 2018 .

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du projet annuel de performances pour 2018

Cette diminution, moins marquée qu'en 2015 et 2016 où elle avait atteint 4,8 %, est supérieure à celle observée l'an dernier où elle avait été limitée à environ 2,6 %.

Ainsi, le programme 169 rejoint-il sa tendance naturelle à la décrue, qui en fait un contributeur important à la réduction des dépenses publiques.

Il faut ajouter que, par rapport à l'an dernier, la décélération de la décrue des dotations est principalement attribuable aux évolutions acquises à l'occasion de la loi de finances pour 2017 plutôt qu'à des mesures nouvelles, celles proposées dans le cadre du présent projet de loi de finances, pour bienvenues qu'elles soient, étant d'une faible ampleur.

Dans ces conditions, votre rapporteur spécial souhaite appeler l'attention du nouveau Gouvernement sur l'impérieux devoir de ne pas imposer aux anciens combattants un fardeau supplémentaire par rapport aux disciplines budgétaires communes auxquelles il sait qu'ils sauront ne pas se soustraire si la nécessité s'en fait sentir, mais dont il ne faudrait pas qu'ils subissent une part excédentaire.

Par ailleurs, la tendance à la réduction de la part des prestations universelles financées par le programme dans l'ensemble de ses dépenses se poursuit, évolution problématique qui renforce l'urgence de parachever la mutation des deux opérateurs principaux du programme, l'Institution nationale des Invalides et l'ONAC-VG , dans le sens d'une meilleure satisfaction des besoins médicaux et sociaux des anciens combattants.

Dans ce contexte, votre rapporteur spécial souhaite, en outre, appeler l'attention sur deux situations, parmi d'autres, qui pourraient être mieux couvertes , celle des forces participant aux opérations de protection des Français contre le péril terroriste et celle des personnes ayant (eu) la charge de grands invalides de guerre, ainsi que sur la nécessité d'améliorer les conditions de révision des pensions militaires d'invalidité .

1. La baisse de la population des bénéficiaires reprend ses droits au titre de principal facteur d'évolution des dotations

L'évolution des crédits du programme résulte de deux facteurs pouvant se compenser plus ou moins : les tendances démographiques qui jouent à la baisse du fait de la tendance à la réduction du nombre des bénéficiaires des prestations qu'il finance ; d'éventuels aménagements de droits favorables aux anciens combattants qui peuvent exercer un effet de sens contraire sur les besoins en crédits.

Alors que l'évolution des crédits du programme s'était inscrite depuis 2012 en cohérence étroite avec la diminution des effectifs de prestataires (voir les graphiques ci-dessous pour les pensions militaires d'invalidité et la retraite du combattant), moyennant quelques nuances, les économies réalisées en 2017 avaient été sans proportion rigoureuse avec la variation des effectifs bénéficiant des prestations financées par le programme.

En 2017, l'effet des différentes revalorisations des bases liquidatives des avantages financés par le programme 169 avait modéré les allègements de charges dus à la démographie des bénéficiaires, qui avaient été limité à 67 millions d'euros.

Source : commission des finances du Sénat

Source : commission des finances du Sénat

Pour 2018 , si le recul des dépenses programmées resterait moindre que celui des différentes populations bénéficiaires, le différentiel se refermerait par rapport à la situation prévue pour 2017. En niveau, les économies attendues, que l'évolution des effectifs des bénéficiaires pourrait situer autour de 120 millions d'euros, ne s'élèveraient qu'à 80,6 millions d'euros , somme qui, pour être moins élevée que le potentiel des économies démographiques, s'en rapproche et est supérieure aux économies de l'an dernier.

C'est dire que le projet de budget pour 2018 rapproche la programmation des charges assumées par le programme 169 de sa seule dynamique démographique.

Par ailleurs, il convient de relever que ce qui demeure du différentiel entre la réduction du nombre des prestataires et celle des crédits doit être attribué à des mesures, qui, pour l'essentiel, relèvent de la catégorie des mesures acquises et de leur extension en année pleine plutôt qu'à des mesures réellement nouvelles.

Pour celles-ci, leur effet sur le budget serait des plus modestes, suite financière mécanique de l'absence de décisions de revalorisation des situations des anciens combattants que votre rapporteur spécial regrette vivement tant certains besoins appellent une considération élevée.

a) Une trajectoire de baisse du nombre des bénéficiaires des prestations financées par le programme

La réduction du nombre des bénéficiaires du programme se poursuivrait en 2018 si bien qu'à législation inchangée les crédits devraient reculer de l'ordre de 5 %.

En effet, par rapport à 2017, l'étrécissement des populations bénéficiaires atteindrait 4,8 % pour les pensions militaires d'invalidité (PMI) et 5,2 % pour la retraite du combattant 7 ( * ) . Quant aux bénéficiaires des soins médicaux gratuits, l'hypothèse de programmation repose sur une baisse de 3,5 % de leur contingent. D'autres réductions affecteraient d'autres catégories d'allocataires : 4,1 % pour les effectifs concernés par le remboursement des prestations de sécurité sociale et 2,8 % pour les bénéficiaires des majorations des rentes mutualistes. En revanche, les bénéficiaires des remboursements et réductions de transport seraient plus nombreux (+ 2,5 %).

b) ...dont les effets sur les dépenses seraient amortis du fait principalement de l'extension en année pleine de mesures acquises

Ces tendances démographiques seraient, partiellement, contrebalancées, dans leurs effets sur les dépenses, par l'extension en année pleine de mesures acquises au cours des exercices budgétaires précédents.

En premier lieu, sous l'effet de mesures catégorielles, mais surtout des différentes décisions ayant eu pour incidence de modifier la valeur du traitement indiciaire des agents de la fonction publique 8 ( * ) , principal index des prestations versées par le programme, la valeur moyenne du point de PMI a augmenté sensiblement du fait de l'adoption d'un principe établissant un rapport constant entre les deux données.

Le point PMI s'est trouvé porté à 14,40 euros à compter du 1 er janvier 2017 (arrêté du 1 er août 2017) contre 14,04 euros en 2016, soit une hausse de 2,6 % qui rompait avec l'inertie de la valeur du point PMI observée au cours des années antérieures et a induit une revalorisation des prestations financées par le programme. L'effet budgétaire du rapport constant s'est élevé pour la période 2017, à 31,5 millions d'euros pour les PMI et 19,9 millions d'euros pour la retraite du combattant, pour un total de 51,4 millions d'euros.

Par ailleurs, la retraite du combattant a été revalorisée par l'attribution de 2 points supplémentaires au 1 er janvier 2017 suivie de celle de deux nouveaux points au 1 er septembre, la retraite du combattant passant ainsi de 48 à 52 points de PMI .

Si l'impact de cette revalorisation avait entraîné un alourdissement des charges du programme de l'ordre de 25,9 millions d'euros l'an dernier, son application en année pleine peut être estimée à environ 58,9 millions d'euros correspondant à un supplément de dépenses de l'ordre de 32,6 millions d'euros pour l'exercice 2018.

En revanche, en l'absence de toute perspective de revalorisation du point d'indice de la fonction publique, l'impact du rapport constant serait nul en 2018 confirmant que la dynamique des dépenses du programme reposerait principalement sur l'application en année pleine de mesures acquises.

De fait, les mesures réellement nouvelles portées par le projet de loi de finances présentent des enjeux financiers nettement plus modestes . Celui-ci comporte deux mesures d'amélioration de certaines prestations (voir ci-dessus ainsi que les commentaires du présent rapport sur les articles rattachés).

Leur effet cumulé sur le projet de budget pour 2018 est estimé à 6,55 millions d'euros à comparer avec les économies procurées par l'absence d'indexation des prestations sur les prix (dont l'approximation suivante peut être proposée : 23,1 millions d'euros pour le seul programme 169) .

2. Des prestations mal revalorisées

Si les dépenses du programme ont été allégées par la baisse du nombre des bénéficiaires (effet de volume), une autre composante des économies doit être attribuée à une perte du pouvoir d'achat des principales prestations qu'il finance.

Il convient, en premier lieu, de rappeler les principes de base de l'indexation des principales prestations financées par le programme, marqués par la préoccupation d'assurer un « rapport constant » entre la valeur de ces allocations et celle des traitements des fonctionnaires.

Principes d'indexation des prestations versées au monde combattant à partir du programme 169

Les prestations assurées au titre de la dette viagère (pensions militaires d'invalidité et retraite du combattant), la majoration des rentes mutualistes et de l'allocation de reconnaissance font l'objet de mécanismes de revalorisation. Les règles suivies varient selon les allocations considérées.

Les autres prestations subventionnées par le programme 169 sont attribuées au cas par cas à partir de l'étude particulière des besoins (soins médicaux, dépenses d'appareillages, remboursement de prestations de sécurité sociale, frais de transport, aides sociales, prestations aux rapatriés...) des différents bénéficiaires.

Action 01 - « Administration de la dette viagère »

Pensions militaires d'invalidité :

Le montant des pensions d'invalidité est calculé, selon le taux d'invalidité, en nombre de points d'indice de pension militaire d'invalidité (point PMI). La valeur du point PMI évolue selon les variations de l'« indice de traitement brut - grille indiciaire » , publié conjointement et trimestriellement par l'INSEE et la DGAFP.

Retraite du combattant :

La retraite du combattant est calculée également en nombre de points PMI . Le nombre de points d'indice était fixé à 48 depuis le 1 er juillet 2012 (article 116 de la loi de finances pour 2012) mais a été revalorisé dans le cadre de la loi de finances pour 2017. Pour le reste, la retraite du combattant évolue à raison de la valeur du point de PMI.

Action 03 - Solidarité

Majoration des rentes mutualistes :

Le plafond donnant lieu à majoration est également déterminé depuis 1998 par référence à l'indice du point PMI .

Le plafond annuel majorable a été fixé à 125 points PMI à compter du 1 er janvier 2007 (article 101 de la loi de finances pour 2007).

Action 07 - « Actions en faveur des rapatriés »

Allocation de reconnaissance :

L'allocation de reconnaissance versée aux rapatriés est indexée sur l'évolution annuelle des prix à la consommation des ménages (hors tabac). Ainsi, tous les ans, un arrêté au 1 er octobre fixe le nouveau montant de l'allocation de reconnaissance. Cependant, en raison de la variation négligeable du taux d'inflation pour les années 2015 et 2016, aucune revalorisation n'a été opérée au cours de ces deux années.

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire du rapporteur spécial

La valeur du point de pension militaire d'invalidité sert ainsi de référence à de nombreuses prestations servies à partir des crédits du programme.

Conformément au « rapport constant », elle est révisée en fonction de l'indice de traitement brut-grille indiciaire publié conjointement par l'INSEE et la direction générale de l'administration et de la fonction publique.

Or, faute de revalorisation générale du point le point d'indice de la fonction publique, l'index en question n'a été que fort peu revalorisé ces dernières années : de 2012 à 2015, il n'a augmenté que de 0,06 % sous l'effet de mesures catégorielles. Si 2016 et 2017 font exception conduisant à une augmentation de l'index de 2,8 % par rapport à 2015, dans l'ensemble les modalités d'indexation appliquées aux prestations servies par le programme 169 se traduisent par des pertes de pouvoir d'achat des prestations perçues par les anciens combattants.

Sur ce point, une nuance doit être apportée par la mention de la révision d'ampleur des conditions de liquidation de la retraite du combattant, qui a été présentée plus haut.

Mais, apparaissant comme relevant d'une forme incomplète de rattrapage et portant exclusivement sur une prestation qui, pour être la plus largement dispensée, est d'un niveau objectivement modeste (environ 65 euros par mois), elle ne conduit pas à modifier le constat de la perte régulière de pouvoir d'achat des principales prestations de reconnaissance et de réparation attribuées aux anciens combattants.

Il convient d'ailleurs d'ajouter que la très forte irrégularité des mesures de revalorisation de ces prestations, qui semble obéir à une sorte de cycle, aboutit à des pertes de pouvoir d'achat intercalaires entre deux revalorisations mais hélas trop souvent définitives pour ceux qui décèdent entre-temps et généralement incomplètement comblées par les mises à niveau tardives dont elles font l'objet.

Votre rapporteur spécial est conscient des avantages financiers procurés à l'État par ces pratiques.

S'agissant des pensions militaires d'invalidité (PMI) et de la retraite du combattant, le tableau ci-après présente les estimations des économies de charges résultant de la sous-indexation de ces allocations par rapport à l'évolution des prix.

Gains pour l'Etat de la sous-revalorisation des PMI et de la retraite du combattant (RC)

Source : calcul en variante réalisé à la demande du rapporteur spécial par les services du ministère

Elles ont atteint 113,4 millions d'euros lors de l'exercice 2016 et, après une légère diminution en 2017, devraient à nouveau augmenter en 2018.

Mais aux contraintes financières du moment les anciens combattants ne sauraient, ni ne souhaitent, se soustraire, encore faut-il qu'elles ne pèsent pas davantage sur eux que sur les reste des Français. Sur ce point, il convient de rappeler que l'argument avancé pour défendre l'absence d'indexation des traitements publics, à savoir l'existence d'un glissement-vieillesse-technicité, ne saurait en rien s'appliquer à une population qui de toute évidence n'est pas positivement concernée par lui.

Pour l'avenir, il est à craindre que la perspective d'une accélération des prix en 2018, et au-delà, en cohérence avec un horizon de reprise économique, n'accentue ce décrochage et vienne effacer le rattrapage partiel opéré à la faveur des récentes revalorisations exposées ci-dessus. Ces craintes doivent être au plus vite dissipées par le nouveau Gouvernement.

3. Une érosion de la part des prestations universelles au profit d'avantages plus « sélectifs »

Les interventions financées par le programme 169 sont composites. Certaines à vocation universelle (PMI, retraite du combattant) sont versées à tous ceux qui réunissent des conditions objectives tenant à leur situation de combattant et à raison de celles-ci, d'autres impliquent et un choix du bénéficiaire et l'influence de variables tierces par rapport à celles en rapport avec la seule situation d'ancien combattant.

Il en va tout particulièrement ainsi de la majoration des rentes mutualistes qui pour concerner 343 000 bénéficiaires n'est servie qu'à un peu plus d'un tiers des titulaires de la carte du combattant.

Or cet avantage mobilise une part importante des dotations du programme comme le montre le tableau ci-dessous (11,2 % du total).

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du projet annuel de performances pour 2018

Votre rapporteur spécial rappelle que la majoration des rentes mutualistes n'absorbait que 8 % des dépenses du programme en 2011.

Si le déficit de revalorisation mentionné plus haut en a également altéré la dynamique, avec pour effet l'extériorisation d'économies budgétaires (voir le tableau infra ), le graphique qui suit montre que les dépenses correspondantes ont connu une certaine résistance qui contraste avec les prestations plus universelles financées par le programme.

Gains pour l'État de la sous-revalorisation des majorations de rentes mutualistes

Source : calcul en variante réalisé à la demande du rapporteur spécial par les services du ministère

Évolution de la charge des avantages attribués aux rentes mutualistes des anciens combattants et des effectifs bénéficiaires (2009-2018)

Source : commission des finances du Sénat

Si la contribution de l'État aux rentes mutualistes aboutit, pour les bénéficiaires, à doubler la valeur de la retraite du combattant qu'ils perçoivent, il convient de considérer que ce doublement touche un nombre des bénéficiaires limité par rapport aux prestataires de la retraite du combattant.

Dans ces conditions, votre rapporteur spécial est conduit à s'interroger sur les facteurs expliquant une éventuelle sous-utilisation de la faculté ouverte aux ayants droit de se constituer un complément de retraite disposant d'un soutien élevé de l'État. Elle appelle une élucidation.

À ce stade, votre rapporteur spécial se limitera à relever que cette sous-utilisation conduit à des économies significatives qu'on peut estimer moyennant quelque simplification - il faudrait, en particulier, également tenir compte de la non saturation du plafond de la majoration par les épargnants - à 480 millions d'euros .

4. Les opérateurs du programme, des relances très nécessaires

La concentration en cours de l'effort financier de la Nation pour ses anciens combattants en lien avec la déformation de la structure du programme 169 et avec le renforcement de la part de dépenses fiscales aux effets globalement peu redistributifs conduit à souligner l'importance d'assurer la mutation des deux principaux opérateurs du programme 169, l'Institution nationale des Invalides (INI) et l'ONAC- VG.

À périmètre inchangé, c'est à dire hors effet de l'intégration du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », les dotations des deux opérateurs progresseraient passant de 68,890 millions d'euros en 2017 à 70,917 millions d'euros (+ 3 %). Cette hausse n'est toutefois pas totalement significative.

Évolution des dépenses versées aux opérateurs du programme (2012-2018)

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Sans doute les dépenses en faveur de l'INI seraient-elles élevées de 800 000 euros correspondant à une dotation en fonds propres afin de favoriser sa rénovation mais la subvention pour charges de service public resterait inchangée.

Quant à l'ONAV-VG, la subvention qui lui serait versée augmenterait de 2 % mais afin de tenir compte de l'intégration en son sein du service central des rapatriés (+ 1,2 million d'euros). Sans cette réorganisation administrative, la subvention pour charges de service public serait inchangée.

Évolution des emplois ouverts aux opérateurs du programme (2012-2018)

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial de la commission des finances ; il semble que 4 ETPT supplémentaires doivent finalement être transférés dans le cadre de l'opération concernant le service central des rapatriés

a) L'ONAC-VG, une stabilité des moyens pour assumer une mission recentrée sur des responsabilités de gestion de prestations sociales

Le tableau ci-dessus rappelle une évolution importante intervenue dans le courant de l'année 2017 avec la cession par l'État de la quasi-totalité des établissements médicaux et sociaux gérés par l'ONAC-VG qui explique presque entièrement les variations des emplois autorisés à l'établissement 9 ( * ) .

Cette évolution, conforme aux voeux de votre commission des finances, est susceptible d'accentuer la vocation de gestionnaire de transferts sociaux de l'ONAC-VG, son activité de tuteur d'organismes fonctionnels se trouvant allégée d'autant. Il reste à souhaiter que le transfert des deux établissements restant sous la tutelle de l'ONAC-VG puisse être finalisé dans les conditions prévues par le législateur.

Concernant le domaine particulièrement important de la gestion des cartes et titres, l'ONAC-VG assure la chaîne complète de l'instruction des demandes relatives à la reconnaissance, que constituent les demandes de carte du combattant et de titre de reconnaissance de la Nation ainsi que l'ensemble des demandes de statuts. Il est également chargé de la certification, de l'instruction et, in fine de la liquidation de la retraite du combattant et exerce un rôle majeur, par ses unités départementales de guichet unique en matière de pensions militaires d'invalidité (PMI), les demandes en la matière devant leur être adressées. Par-là, les services de l'ONAC sont le contact des ressortissants afin de les renseigner sur l'état d'avancement de leur dossier.

Sur ce point, votre rapporteur spécial s'interroge cependant sur les hésitations qui semblent avoir entouré l'organisation des commissions de réforme des PMI mais aussi sur les délais apparemment trop élevés que suppose le traitement du contentieux des décisions prises en cette matière.

À cette importante mission, doit être ajoutée, notamment, la considération du rôle de l'établissement dans la gestion de la solidarité plus ponctuelle au bénéfice des anciens combattants, en sus de l'activité sociale conduite par le ministère des Armées lui-même. La subvention versée par l'État pour couvrir les besoins serait inchangée (26,4 millions d'euros) dans un contexte de baisse des personnes éligibles. Cependant, des besoins nouveaux interviennent du fait des suites des engagements de la France, et, en particulier, de la hausse tragique du nombre des pupilles de la Nation.

À la suite d'observations de la Cour des comptes, faisant en particulier valoir un déficit d'encadrement légal de cette fonction, une normalisation est intervenue. Il faut s'en féliciter tout en s'attachant à conserver un lien fort avec les organisation d'anciens combattants souvent mieux à même de connaître les situations individuelles et de fournir un premier accompagnement des ressortissants de l'ONAC-VG, au nombre de 2,7 millions en 2017, que des services administratifs, qui, par définition, sont moins déployés territorialement.

b) L'Institution nationale des Invalides

Le projet de budget témoigne de la stabilité de la subvention versée par la mission à l'Institution nationale des Invalides (INI). Celle-ci s'établit à 12,09 millions d'euros, niveau inchangé depuis 2015, tout en ouvrant, c'est une nouveauté encourageante, une dotation en fonds propres de 800 000 euros.

La subvention versée par le ministère des Armées représente un peu plus d'un tiers des ressources de l'INI qui est par ailleurs attributaire d'une dotation annuelle de financement versée par le ministère de la santé (11,8 millions d'euros) et s'efforce de développer des ressources propres.

La programmation 2018 prolonge ainsi une dynamique de financement de l'INI qui s'est révélée insoutenable comme l'a exposé votre rapporteur spécial dans son rapport de contrôle sur l'établissement 10 ( * ) .

Le « jeu de rôles » entre le ministère de la défense et le ministère de la santé, qui s'est affranchi des règles d'indexation de sa dotation pourtant prévues par des dispositions légales et réglementaires, a abouti à un effet de ciseaux entre des subventions publiques déclinant en euros constants et des charges de fonctionnement progressant en valeur, au point que le bouclage financier de l'INI a reposé sur une ponction du fonds de roulement et sur un décalage des investissements programmés mais non exécutés.

Cette gestion « au fil de l'eau » présente à l'évidence des dangers pour les usagers de l'INI et pour la pérennité même d'un établissement consacré par la loi et par l'histoire.

Votre rapporteur spécial a pu rendre compte des progrès réalisés en 2016 pour redonner un horizon à l'INI : l'adoption du schéma d'investissement, l'adoption d'un nouveau projet d'établissement, le maintien de la spécificité de l'institution dans un contexte de plus fort engagement dans l'offre globale de soins.

Ces évolutions favorables demandent encore à être traduites dans les faits. Elles requerront une attitude positive des partenaires mais aussi des moyens financiers et une politique du personnel à la hauteur des enjeux.

Le programme d'investissement comporte des enjeux importants puisqu'il représente au minimum 50 millions d'euros. En l'état des informations de votre rapporteur spécial, il serait financé à hauteur de 10 millions à 15 millions d'euros par le fonds de roulement, le reste étant pris en charge par une dotation du ministère de la défense.

Votre rapporteur spécial, qui s'interroge sur le principe apparemment adopté d'une exclusivité de la participation des budgets militaires au financement du projet dès lors que la patientèle de l'INI est principalement civile, restera attentif aux prolongements donnés aux impulsions données pour rénover l'INI.

5. De quelques situations à mieux prendre en considération

Les interventions de l'ONAC-VG et de l'INI sont d'autant plus stratégiques que sans elles certaines situations seraient peu voire nullement prises en compte au titre de l'effort en faveur des anciens combattants.

Il convient notamment de rappeler que les conditions d'âge exigées pour disposer de la retraite du combattant (65 ans) peuvent éloigner considérablement l'apparition des besoins de réparation de la réparation effective. Dans ces conditions, l'attribution d'une carte du combattant permet d'accéder à un certain nombre de processus d'accompagnement des anciens combattants, en particulier aux soutiens procurés par l'ONAC-VG.

Celui-ci fait alors office de filet de sécurité, ce qui, à défaut d'être optimal, doit être considéré comme précieux.

Votre rapporteur spécial ne s'en interroge pas moins sur l'opportunité d'une réflexion sur notre dispositif de réparation en faveur du monde ancien combattant, en particulier sur la quatrième génération du feu et sur les forces participant sur le territoire national à la protection de nos concitoyens contre le terrorisme. Le tragique attentat commis dernièrement à Marseille devrait être l'occasion d'une réflexion sur le sort des hommes et femmes qui, malgré un engagement militaire de terrain et très exposé, en l'état, n'ont pas plein accès aux mesures de reconnaissance que la Nation accorde aux anciens combattants.

Les évolutions des caractéristiques des conflits et des personnels de nos armées, dont les parcours professionnels ont considérablement changé depuis la définition de la politique publique de soutien aux anciens combattants, conduisent à se demander si dans ces grandes lignes celle-ci demeure adéquate aux responsabilités de la Nation envers les anciens combattants.

En outre, la situation des « aidants » de très grands invalides de guerre paraît mériter une attention toute particulière.


* 7 Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2018.

* 8 Revalorisation du point de 0,6 % en juillet 2016 puis en février 2017 et modification structurelle des rémunérations dans le cadre du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations dans la fonction publique-PPCR.

* 9 Ces opérations ont fortement mobilisé la trésorerie de l'ONAC-VG qui a été amputée de l'ordre de 16 millions d'euros afin de pourvoir aux aménagements contractuellement négociés avec les cessionnaires.

* 10 Rapport d'information de Marc Laménie, fait au nom de la commission des finances n° 72 (2016-2017) - 25 octobre 2016.

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