EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 67 (Art. 105 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ; art. 91 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010 ; art. 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ; art. 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; art. 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière) - Abrogation du jour de carence et renforcement du contrôle des arrêts maladie dans la fonction publique

Commentaire : le présent article vise à supprimer le « jour de carence » pendant lequel les agents publics en congé ne perçoivent pas leur traitement, et à renforcer, en contrepartie, l'obligation de transmission des arrêts maladie dans un délai de 48 heures et la possibilité de contrôler leur bien-fondé.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE DISPOSITIF DU JOUR DE CARENCE DES AGENTS PUBLICS

Le statut de la fonction publique prévoit que les fonctionnaires d'Etat ont droit à des congés maladie , « dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. [Le fonctionnaire] conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence 15 ( * ) ». Des dispositions identiques sont prévues pour les agents de la fonction publique territoriale 16 ( * ) et hospitalière 17 ( * ) .

Instauré par l'article 105 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, le « jour de carence » prévoit cependant que les agents publics en congé maladie ne perçoivent pas leur rémunération au titre du premier jour de ce congé . Ce dispositif est en vigueur depuis le 1 er janvier 2012.

Tous les agents publics sont concernés : civils, militaires et agents non titulaires de droit public. Toutefois, le dispositif ne s'applique pas :

- en cas de congé de longue maladie ;

- en cas de congé de longue durée ;

- en cas d'incapacité professionnelle résultant, notamment, de blessures ou de maladie contractées ou aggravées du fait des activités de service 18 ( * ) ;

- en cas d'accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.

Ce dispositif a été conçu pour une double finalité. D'une part, il s'agissait de faire contribuer les agents publics à l'effort de redressement des comptes publics , au même titre que les salariés du secteur privé. D'autre part, il s'agissait de lutter contre l'absentéisme injustifié , que favorisent l'absence de sanctions et l'insuffisance des contrôles.

Par comparaison, les salariés du secteur privé sont soumis à trois jours de carence avant de percevoir leur salaire. Au-delà, leur rémunération est prise en charge par l'assurance-maladie 19 ( * ) .

Toutefois, selon une étude de l'IRDES 20 ( * ) , 64 % des salariés du secteur privé bénéficient d'une prise en charge de leur délai de carence par leur couverture complémentaire , dans le cadre d'accords ou de conventions collectives 21 ( * ) . Cette prise en charge atteint 77 % des salariés dans les entreprises de plus de 250 salariés.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, le Gouvernement estimait l'économie budgétaire générée par le jour de carence à 122 millions d'euros par an 22 ( * ) . La mesure n'a en fait, rapporté que 60,8 millions d'euros à l'Etat.

B. UN CONTRÔLE DES ARRÊTS MALADIE TOUJOURS LACUNAIRE

La lutte contre les arrêts maladie abusifs dans la fonction publique ne repose pas sur le seul jour de carence, mais aussi sur le contrôle du bien-fondé des arrêts maladie. Pourtant, les dispositifs de contrôle actuels souffrent de faiblesses majeures qui rendent la politique de contrôle des arrêts maladie abusifs peu dissuasive, et donc peu efficace.

1. Une transmission des arrêts maladie obligatoire mais dépourvue de sanctions

D'une part, depuis un décret du Premier ministre, François Fillon, signé le 7 mai 2012 23 ( * ) , les agents publics souhaitant bénéficier d'un congé maladie ou d'un renouvellement de celui-ci doivent transmettre à leur administration, dans un délai de 48 heures, une demande appuyée d'un certificat médical signé par un médecin, un dentiste ou une sage-femme.

Toutefois, le délai de 48 heures n'est pas contraignant , et un dépassement de ce délai ne donne lieu à aucune retenue sur salaire, contrairement au régime en vigueur pour les salariés du secteur privé. La portée du dispositif s'en trouve donc considérablement limitée.

2. Des contre-visites très rares et bien souvent formelles

D'autre part, l 'administration peut diligenter des contrôles afin de s'assurer du bien-fondé des arrêts maladie. Ces contrôles prennent la forme de contre-visites médicales effectuées par des médecins agréés 24 ( * ) .

Toutefois, l'administration ne fait que très rarement usage de cette possibilité . Et lorsqu'elle y a recours, la contre-expertise est bien souvent formelle , les médecins agréés étant réticents à revenir sur le diagnostic d'un confrère. Le fait que seuls les médecins agréés puissent effectuer les contrôles représente donc un frein majeur à un resserrement du contrôle des abus en matière de congés maladie.

Afin de remédier à ce problème, l'article 91 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010 a permis, à titre expérimental, de confier le contrôle des arrêts de travail aux caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) et aux services du contrôle médical placés près d'elles, c'est-à-dire à des médecins contrôleurs spécialisés . Cette expérimentation s'applique à la fonction publique d'Etat, où elle est actuellement menée dans certaines administrations centrales et déconcentrées 25 ( * ) , ainsi qu'aux collectivités locales et établissements publics de santé qui se portent volontaires.

Cependant, la Cour des comptes note que les résultats de l'expérimentation sont globalement décevants , à cause de la faible mobilisation des administrations et de problèmes de transmission 26 ( * ) . Ainsi, les contrôles réellement effectués ont porté sur moins de 3 % des arrêts saisis par l'administration , soit 1 843 arrêts sur les 66 639 arrêts saisis entre octobre 2010 et fin 2011. En fait, 4 851 sont entrés dans le champ du contrôle (7 %) mais sur cette masse 62 % n'ont pas pu être contrôlés pour cause d'arrêt échu ou de saisie erronée. Des progrès sont toutefois attendus en 2014.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. L'ABROGATION DU JOUR DE CARENCE DES FONCTIONNAIRES

Le présent article vise tout d'abord à supprimer le jour de carence des agents publics , en abrogeant l'article 105 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

B. LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE DES ARRÊTS MALADIE

Le présent article vise par ailleurs à renforcer le contrôle du bien-fondé des arrêts maladie en remédiant à deux faiblesses particulières du dispositif actuel.

1. Des sanctions pécuniaires en cas de non-transmission des arrêts maladie

D'une part, il est proposé de conditionner le bénéfice du congé maladie à une transmission de l'avis d'arrêt de travail dans un délai de 48 heures par le fonctionnaire à son administration.

Concrètement, il s'agit de prévoir des sanctions pécuniaires pour non-transmission des arrêts maladie dans le délai de 48 heures applicable au régime général de la sécurité sociale. Le dispositif consiste en une réduction de 50 % de la rémunération versée au titre du congé de maladie, dès lors que le fonctionnaire n'aurait pas satisfait, deux fois sur une période de 24 mois, à l'obligation de transmission de son avis d'arrêt de travail dans un délai de 48 heures.

Le présent article propose donc de modifier en ce sens les lois relatives au statut de la fonction publique d'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière. Des modifications réglementaires 27 ( * ) devront intervenir pour compléter l'ensemble.

Ce dispositif n'est pas applicable aux personnels militaires, qui sont soumis à des dispositions spécifiques. Les agents non-titulaires des trois fonctions publiques y sont quant à eux déjà soumis 28 ( * ) , du fait de leur affiliation au régime général de la sécurité sociale.

2. La confirmation du rôle de l'Assurance-maladie dans le contrôle

D'autre part, il est proposé de prolonger l'expérimentation qui confie aux caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) le contrôle du bien-fondé des arrêts maladie , afin de « remédier aux insuffisances du mécanisme de contrôle existant fondé sur le recours aux médecins agréés ». L'expérimentation s'étendrait donc jusqu'au 31 décembre 2015, alors qu'elle devait s'achever le 25 mars 2014.

Dans la perspective d'une possible généralisation à l'ensemble de la fonction publique , une évaluation est prévue six mois avant la fin de l'expérimentation.

C. UN COÛT SUPÉRIEUR AUX ÉCONOMIES ATTENDUES

La suppression du délai de carence devrait représenter un coût total de 164,3 millions d'euros par an , pour l'ensemble des trois fonctions publiques, d'après les chiffres fournis dans l'évaluation préalable du présent article et fondées sur les économies réalisées en 2012 grâce au jour de carence.

Les économies générées par les sanctions pour non-transmission des arrêts maladie sous 48 heures sont quant à elles estimées à environ 8 millions d'euros .

Au total, le présent article aurait chaque année un coût net et direct de près de 157 millions d'euros pour l'ensemble des administrations publiques, dont presque 58 millions d'euros pour l'Etat.

Coût net (+) ou économies nettes (-) de la mesure proposée

(en millions d'euros)

Suppression du délai de carence

Renforcement du contrôle

Coût net

Fonction publique d'Etat

60,8

- 3,2

57,6

Fonction publique territoriale

40

- 2,9

37,1

Fonction publique hospitalière

63,5

- 1,9

61,6

TOTAL

164,3

- 8

156,3

Source : commission des finances, d'après l'évaluation préalable du présent article

*

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

III. LA POSITION DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

A. LE RENFORCEMENT DES CONTRÔLES : DES MESURES POSITIVES MAIS UNE PORTÉE EST TRÈS LIMITÉE

Le renforcement des obligations et des contrôles liés aux demandes d'arrêts maladie constituent des mesures de bon sens , qui permettront de lutter contre les abus et de réaliser des économies. Il conviendra toutefois de juger si celles-ci produisent de bons résultats en pratique , c'est-à-dire si l'administration se saisit effectivement de ces nouvelles possibilités.

Ces mesures de contrôle sont présentées comme une « compensation » de la suppression du jour de carence, comme une substitution d'une politique à une autre. Mais vos rapporteurs spéciaux s'interrogent : pourquoi faudrait-il opposer deux types de mesures qui sont tout à fait complémentaires et gagneraient à être cumulés ?

1. Les sanctions pour non-transmission des arrêts maladies : une bonne mesure mais un impact limité

Le fait d' assortir d'une sanction pécuniaire l'obligation de transmission des arrêts maladie dans un délai de 48 heures permet de donner une portée effective à cette mesure. Il s'agit là d'une avancée qui s'inscrit dans la continuité des décisions prises par la précédente majorité.

Vos rapporteurs soulignent néanmoins que le gain attendu de cette mesure - soit 8 millions d'euros - est non seulement assez faible, mais aussi très incertain compte tenu des hypothèses retenues pour son calcul 29 ( * ) .

2. Le transfert des contrôles à l'assurance-maladie : une bonne idée

Concernant le transfert du contrôle des arrêts maladie aux CPAM , vos rapporteurs spéciaux se félicitent de la prolongation de l'expérimentation, mais regrettent toutefois que le présent article n'aille pas au-delà , en proposant directement une généralisation du dispositif.

De fait, selon les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux lors de leurs travaux préparatoires, les CPAM ne disposent pas, à ce jour, des personnels suffisants pour assurer ces nouvelles missions . Des recrutements seraient actuellement à l'étude, et constitueraient alors une charge à inscrire dans un prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

En d'autres termes, la « contrepartie » à la suppression du jour de carence prévue par le Gouvernement est presque totalement fictive . La meilleure preuve en est qu'aucune recette budgétaire n'est attendue à ce titre pour l'année 2014...

De plus, cette mesure ne sera certainement pas mise en oeuvre pour les arrêts de courte durée, c'est-à-dire deux ou trois jour, qui sont précisément le problème que vise à résoudre le jour de carence. Cette mesure a plutôt vocation à être appliquée pour des arrêts plus prolongés. Il s'agit donc d'une bonne mesure, mais pas d'une mesure de « remplacement » du jour de carence. À ce titre, elle manque totalement sa cible .

B. LA SUPPRESSION DU DÉLAI DE CARENCE : UNE ERREUR QUI POURRAIT AVOIR DE LOURDES CONSÉQUENCES

1. Le jour de carence : une mesure efficace

L'instauration du jour de carence n'a généré que 60,8 millions d'euros de recettes, soit moins qu'attendu. Pour autant, il ne faut pas forcément y voir un échec de la mesure, mais plutôt un signe de son efficacité : si le jour de carence produit des recettes inférieures aux attentes, c'est parce que l'absentéisme a diminué . De fait, selon une étude de l'Insee 30 ( * ) , entre 2011 et 2012, la proportion d'agents en arrêt maladie de courte durée est passée de 1,2 % à 1 % dans la fonction publique de l'Etat, et de 0,8 % à 0,7 % dans la fonction publique hospitalière - soit respectivement une baisse de 16,7 % pour la fonction publique de l'Etat et de 12,5 % pour la fonction publique hospitalière . L'absentéisme est en revanche resté stable dans la fonction publique territoriale, à 1,1 %.

La baisse de l'absentéisme au titre des arrêts maladie de courte durée a été pour partie « compensée » par une hausse des congés pris au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles (ATMP) , qui ne sont pas soumis au jour de carence. Cet effet, qui a été confirmé à vos rapporteurs spéciaux, indique qu'il existe bien des abus et des situations de complaisance en la matière.

Vos rapporteurs spéciaux se sont plus particulièrement intéressés aux conséquences du jour de carence dans la fonction publique hospitalière, et à la comparaison avec le secteur privé.

Le jour de carence a eu des effets incontestablement positifs pour les hôpitaux publics , qui demandent son maintien. Dans une lettre du 19 février 2013 à la ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, le président de la Fédération hospitalière de France (FHP) affirme ainsi que le jour de carence « a amélioré la prise en charge des patients grâce à un "présentéisme" renforcé ». La FHP, qui se dit « attachée au maintien du dispositif », poursuit ainsi : « certes, des économies substantielles ont été obtenues . [...] Mais le plus important pour les professionnels, ce sont les effets induits par cette mesure en termes de gestion d'équipes souvent handicapées par des arrêts maladie de courte durée et parfois récurrents. Les conditions de travail se sont améliorées , et, in fine, la prise en charge des patients est mieux assurée. [...] En outre, le dispositif a été mis en place dans de bonnes conditions sur le terrain ».

Une étude de la FHP portant sur 190 000 agents des CHU (centres hospitaliers universitaires) a fait état, sur les huit premiers mois de l'année 2012, de 119 349 jours de carence pour 9,9 millions d'euros d'économies, soit par extrapolation 22,4 millions d'euros d'économies en année pleine sur 17 CHU . Une enquête réalisée en février 2013 sur 18 établissements a montré une baisse de 7 % de l'absentéisme .

Par comparaison, les salariés des cliniques et hôpitaux privés sont soumis à trois jours de carence pleins , qui ne sont pas pris en charge dans le cadre de leur convention collective. D'après la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), dont vos rapporteurs spéciaux ont rencontré les représentants, cette mesure permet de minimiser considérablement l'absentéisme et d'éviter l'écueil de l'« activité perlée » qui désorganise les services et nuit à la qualité des soins 31 ( * ) .

Enfin, selon le Gouvernement, la suppression du jour de carence coûterait 164 millions d'euros par an au total : c'est la meilleure preuve de son utilité pour le redressement des finances publiques, et le meilleur argument pour conserver ce dispositif. Il s'agit là d'une perte budgétaire bien certaine, et bien plus importantes que les recettes attendues des « contreparties » en matière de resserrement des contrôles.

2. Le jour de carence : une mesure d'équité

Au-delà de l'argument budgétaire et de l'argument de lutte contre la fraude, vos rapporteurs spéciaux considèrent que le jour de carence constitue bel et bien une mesure d'équité entre secteur public et secteur privé . En effet, si 64 % des salariés du secteur privé bénéficient d'une prise en charge par leur couverture complémentaire, cela laisse toujours 36 % des salariés du secteur privé sans prise en charge ( cf . supra le cas des cliniques privées). De plus, les 64 % bénéficiant d'une couverture paient des cotisations sociales pour celle-ci.

Dans une perspective d'économies tout autant que d'équité, vos rapporteurs spéciaux vous proposent donc de maintenir le jour de carence des fonctionnaires tel qu'il existe aujourd'hui . A cette fin, vos rapporteurs spéciaux vous proposent d'adopter un amendement supprimant le premier alinéa du présent article, tout en maintenant par ailleurs le renforcement des mesures de contrôle.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission des finances n'a pas soucrit à l'analyse présentée par les rapporteurs spéciaux et vous propose d'adopter cet article sans modification.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

A M E N D E M E N T

présenté par MM. de MONTGOLFIER et DALLIER,
rapporteurs spéciaux

_________________

ARTICLE 67

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

OBJET

Le présent amendement vise à maintenir le jour de carence des agents publics , dont l'article 67 prévoit la suppression. Instauré en 2012, le jour de carence prévoit que les agents publics en congé maladie ne perçoivent pas leur rémunération au titre du premier jour de ce congé.

La mesure a prouvé son efficacité : elle a rapporté l'année dernière 164 millions d'euros à l'administration, et elle a permis de faire baisser l'absentéisme, par exemple de 7 % dans les centres hospitaliers universitaires.

Il s'agit par ailleurs d'une mesure d'équité : en effet, les salariés du secteur privé sont quant à eux soumis à trois jours de carence, qui, pour un tiers des cas, ne sont pas pris en charge par une couverture complémentaire.

ARTICLE 68 (Ordonnance n° 62-1106 du 19 septembre 1962, Art. 31 de la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970, Art.21 de la loi n° 77-1466 du 30 décembre 1977 de finances rectificative pour 1977) - Dissolution de l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'Outre-mer

Commentaire : le présent article prévoit la fermeture de l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'Outre-mer et le transfert de ses activités à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UNE AGENCE PROTÉGEANT LES DROITS DES FRANÇAIS RAPATRIÉS.

Créée par l'ordonnance 32 ( * ) du 19 septembre 1962 sous la forme d'un établissement public administratif, l'Agence de défense des biens et intérêts des rapatriés (ADBIR) devait recenser les biens abandonnés des rapatriés français (en particulier en provenance d'Algérie). Renommée par la loi du 15 juillet 1970 33 ( * ) , l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'Outre-mer (ANIFOM) a procédé à l'évaluation de ces biens et à la prise en charge des demandes d'indemnisation des Français saisis de leurs biens outre-mer.

Placée sous la tutelle du ministre de l'économie et des finances, l'agence a joué un rôle central dans la mise en oeuvre des différentes lois d'indemnisation des rapatriés, assumant la charge de toutes les opérations administratives et financières en découlant, c'est-à-dire l'instruction des dossiers et le reversement des indemnités aux bénéficiaires.

De 1970 à 1977, l'ANIFOM a ainsi pris en charge les dossiers des rapatriés et versé une somme globale de 14 milliards d'euros , représentant 58 % de la valeur des patrimoines concernés. Sa mémoire représente un fonds d'archives conséquent de 1,5 million de dossiers (soit douze kilomètres de rayonnages conservés à Fontainebleau).

B. LA DIVERSIFICATION PUIS L'ACHEVEMENT DES MISSIONS.

L'activité de l'agence diminuant, il lui a peu à peu été confié l'exécution totale ou partielle d'accords internationaux dont l'objet est assez éloigné de sa mission légale . L'agence n'a dans les faits plus de mission effective depuis 1997, les tâches qui lui ont été confiées depuis lors se trouvant étrangères à son objet statutaire. L'ANIFOM a par exemple été chargée de la répartition de l'indemnité versée par le Zaïre en 1990, par le Cambodge et Madagascar en 2001, elle a également apporté son expertise à la mise en oeuvre d'accords immobiliers franco-tunisiens de 1984 à 1989 relatifs aux cessions de biens détenus par des Français. L'idée de la fusionner avec d'autres organismes financiers est alors apparue.

Néanmoins, de nouvelles missions lui ont été confiées par décrets 34 ( * ) en 2005 , prévoyant d'ultimes réparations, notamment la restitution de sommes prélevées sur les indemnisations en remboursement des prêts de réinstallation consentis aux personnes rapatriées avant 1970 35 ( * ) . Cependant, le bénéfice de cette mesure devait être sollicité par les bénéficiaires de l'indemnisation ou par leurs ayants droits au plus tard le 31 décembre 2008.

La très nette réduction d'activité survenue au cours des dernières années a conduit le ministre de l'économie et des finances à opérer des rapprochements entre l'ANIFOM et la mission interministérielle aux rapatriés (MIR), aux fins de mutualisation et de bonne administration. La MIR, créée en 2002 par décret 36 ( * ) est rattachée directement au Premier ministre. Elle est chargée de préparer, en concertation avec les associations représentatives, les mesures de solidarité nationale en faveur des rapatriés ainsi que de coordonner l'application des dispositifs législatifs et réglementaires.

L'unique activité de l'ANIFOM concerne actuellement la sauvegarde de ses archives et leur transfert auprès des Archives nationales 37 ( * ) , tâches qui peuvent facilement être prises en charge dans le cadre de la MIR.

À la fin de l'année 2012, quatre des cinq agents toujours en poste au sein de l'ANIFOM (informaticien, responsable du contentieux, archiviste, secrétaire) ont été affectés à de nouvelles missions . Seule restait la directrice de l'indemnisation 38 ( * ) , dépourvue de secrétariat.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA FERMETURE DE L'ANIFOM : UNE MESURE D'ÉCONOMIE.

Le présent article prévoit la fermeture de l'ANIFOM à compter du 1 er janvier 2014 (alinéa 1). Cette fermeture devrait engendrer une économie de la dotation de fonctionnement de 0,4 million d'euros en 2014, à hauteur de la subvention versée en 2013.

De plus, le présent article prévoit l'abrogation de l'ordonnance n° 62-1106 du 19 septembre 1962 qui avait créé l'Agence de défense des biens et intérêts des rapatriés, de l'article 31 de la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 qui plaçait l'ANIFOM sous l'autorité du Premier ministre et qui en fixait les attributions, et de l'article 21 de la loi n° 77-1466 de 30 décembre 1977 de finances rectificative pour 1977 qui prévoyait des dispositions statutaires pour ses agents (alinéas 5 à 11).

B. LE TRANSFERT DES COMPÉTENCES DE L'ANIFOM À L'ONAC : UNE MESURE DE SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE.

Le présent article prévoit la dévolution à l'ONAC-VG.

Il fait suite au comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) du 18 décembre 2012 qui avait procédé à une évaluation de la politique publique relative à la gestion des prestations en faveur des populations relevant du ministre délégué chargé des anciens combattants. Dans ce cadre, la question des dispositifs administratifs et financiers au profit des rapatriés et des harkis a été examinée.

Faisant suite à l'évaluation de la politique publique précitée, le CIMAP réuni le 17 juillet 2013 a finalement déclaré que « s'agissant des rapatriés et des harkis, pour pérenniser l'action entreprise et remédier à la multiplicité des structures, les activités de la MIR et de l'ANIFOM seront transférées à l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC-VG), et la gestion de l'ensemble des dispositifs sera recentrée sur l'ONAC-VG et le service central des rapatriés, qui sera à terme un des pôles spécialisées de l'office 39 ( * ) ».

*

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de coordination.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Vos rapporteurs spéciaux estiment que la dissolution de l'ANIFOM est une mesure opportune, favorable à la simplification de l'administration et à la réalisation d'économies budgétaires.

Cependant, il reste nécessaire d'apporter le plus grand soin à la sauvegarde des archives de l'ANIFOM, qui retracent l'histoire du patrimoine français outre-mer et constituent une source majeure au regard du devoir de mémoire, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes de 2009 40 ( * ) .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 15 Article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État.

* 16 Article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

* 17 Article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

* 18 L'article vise expressément les cas où la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires, à savoir lorsque « le fonctionnaire civil [...] se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et [...] n'a pu être reclassé dans un autre corps ».

* 19 En ce qui concerne les agents publics non-titulaires, la rémunération est à la charge de l'employeur public le deuxième et le troisième jour (comme pour les fonctionnaires titulaires), puis à la charge de l'assurance-maladie au-delà.

* 20 Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES), juillet 2012, Enquête protection sociale complémentaire d'entreprise 2009.

* 21 L'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale prévoit en effet les dispositions suivantes : « à moins qu'elles ne soient instituées par des dispositions législatives ou réglementaires, les garanties collectives dont bénéficient les salariés [...] en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale sont déterminées soit par voie de conventions ou d'accords collectifs, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par une décision unilatérale du chef d'entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé ».

* 22 A titre de comparaison, un jour de carence supplémentaire dans le secteur privé - soit un quatrième jour de carence - représenterait une recette évaluée à 220 millions d'euros.

* 23 Décret n° 2012-713 du 7 mai 2012 modifiant le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime des congés de maladie des fonctionnaires.

* 24 Article 25 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires de l'État ; article 15 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ; article 15 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière.

* 25 Les administrations déconcentrées situées dans le ressort des CPAM de Clermont-Ferrand, Lyon, Nice, Rennes et Strasbourg, ainsi que certains services centraux du ministère de l'économie et des finances.

* 26 Cour des comptes, juillet 2012, « Les arrêts de travail et les indemnités journalières versées au titre de la maladie », communication à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale et à la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.

* 27 Décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime des congés de maladie des fonctionnaires ; décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ; décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière.

* 28 Articles L. 321-2 et R. 321-2 du code de la sécurité sociale.

* 29 Les hypothèses retenues pour le calcul de ces 8 millions d'euros sont en effet contestables, en l'absence de statistiques directement utilisables. Ainsi, le calcul est basé sur une hypothèse de 551 600 arrêts de travail, soit deux arrêts par an pour 275 800 agents (soit 33 % des agents ayant au moins un arrêt par an).

* 30 Source : Insee, enquête emploi 2011-2012.

* 31 D'ailleurs, selon une étude de Dexia Ingénierie Sociale réalisée en 2009, soit avant la mise en place du jour de carence dans la fonction publique, l'absentéisme global était de 3,9 % dans le secteur hospitalier privé et de 8,3 % dans le secteur hospitalier public.

* 32 Ordonnance n° 62041 du 19 septembre 1962.

* 33 La loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 relative à une contribution nationale à l'indemnisation des français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France.

* 34 Décrets pris en application de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés.

* 35 Article 12 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 Portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés.

* 36 Décret n°2002-902 du 27 mai 2002 portant création d'une mission interministérielle aux rapatriés.

* 37 Rapport sur les prestations en faveur des populations relevant du ministre délégué chargé des anciens combattants, Inspection générale des finances, n° 2013 M040 01 du 10 juin 2013

* 38 Réponse du ministère de l'économie et des finances à la question n° 05307 de Madame Joëlle Garriaud-Maylam, JO Sénat, 22 août 2013.

* 39 Réponse du ministère de l'économie et des finances à la question n° 05307 de Joëlle Garriaud-Maylam, Sénat, 22 août 2013.

* 40 Rapport public annuel de la Cour des Comptes, 2009.

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