II. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le mercredi 17 juillet 2013, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission examine le rapport de M. Yves Daudigny, rapporteur général, sur la proposition de loi relative au fonctionnement des réseaux de soins créés par les mutuelles et aux modalités de mise en oeuvre des conventions conclues entre les organismes de protection sociale complémentaire et les professionnels de santé.
Mme Annie David , présidente . - Nous examinons la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au fonctionnement des réseaux de soins créés par les mutuelles et aux modalités de mise en oeuvre des conventions conclues entre les organismes de protection sociale complémentaire et les professionnels de santé. Avant que nous entendions le rapport de M. Daudigny, je souhaite la bienvenue à M. Claude Domeizel, qui rejoint notre commission à la suite du départ pour une autre commission de Mme Samia Ghali.
M. Claude Domeizel . - J'y reviens, plus exactement, car j'y ai siégé dans le passé.
Mme Annie David , présidente . - C'est un retour aux sources !
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - Nous examinons un texte qui a beaucoup fait parler de lui. Nous avons été interpelés, beaucoup par les professionnels de santé, moins par les patients. Quoi qu'il en soit, notre seul objectif est d'améliorer l'accès aux soins de nos concitoyens.
L'ordonnance de 1945 a posé le principe de la participation des assurés à leurs frais de santé. Celle-ci s'élevait alors, pour la plupart des prestations, à 20 %. C'est ainsi que se sont développés les organismes complémentaires. Sur les 180 milliards d'euros de dépenses de santé, 138 milliards proviennent de financements publics (essentiellement l'assurance maladie), 17,3 restent à la charge des ménages et 26,1 sont versés par les organismes complémentaires (Ocam).
En 1950, l'assurance maladie prenait en charge 50 % des dépenses de santé. Ce taux a atteint 80 % en 1980 puis a décru pour s'établir à 75,5 % en 2011. Les dépenses de l'assurance maladie ont toujours augmenté plus vite que l'inflation ou la croissance du PIB. Les Ocam financent actuellement 13,7 % des dépenses de santé : 5,6 milliards d'euros de soins hospitaliers, 5,2 pour les médicaments, 4,5 pour l'optique, 3,9 de soins dentaires, 3,7 de soins dispensés par les médecins, 1,5 de soins dispensés par les auxiliaires médicaux et 1,1 de soins dispensés par les laboratoires d'analyse.
Les Ocam ne sauraient être de purs guichets, des financeurs aveugles. La présidente du CNSD, le syndicat majoritaire des chirurgiens-dentistes, décrit du reste les complémentaires santé comme « des payeurs majoritaires » et ajoute qu'il est « logique que nous ayons avec elles des relations conventionnelles ». Dans certains domaines, l'assurance maladie obligatoire n'intervient plus ou quasiment plus et les prix sont libres : le rôle des Ocam y est plus que complémentaire ! En optique, en audioprothèse et pour les soins dentaires prothétiques, les prix sont librement fixés par les prestataires et les assurés n'ont guère la faculté de comparer et d'évaluer les offres. La dissymétrie entre l'information du patient et celle du professionnel est manifeste, alors que les coûts sont peu transparents et le prix final très variable.
La situation des chirurgiens-dentistes est particulière. Les soins conservateurs sont précisément encadrés par la convention existante mais leur tarification n'est en rapport ni avec la pratique ni avec les coûts réels. Les soins conservateurs étant sous-financés, la convention autorise les professionnels à fixer librement leurs tarifs pour les soins prothétiques et orthodontiques, par « entente directe » avec le patient. Les actes de soins conservateurs sont pris en charge en moyenne à 70 % par l'assurance maladie, mais à moins de 15 % pour les prothèses et quasiment pas pour la parodontie et les implants. Au total, l'assurance maladie prend en charge 32 % des soins dentaires et les Ocam, 38 %.
L'audioprothèse est un secteur en développement : entre 30 % et 40 % de personnes appareillées sur 6 millions de malentendants. L'appareil en lui-même ne constitue qu'une part du travail de l'audioprothésiste, qui doit accompagner le patient durant plusieurs mois. L'assurance maladie rembourse en moyenne 14 % des frais - nettement plus toutefois pour les moins de vingt ans - et les Ocam en moyenne 30 %, avec des variations importantes selon les contrats et appareils. Le reste à charge net est donc élevé car un appareil coûte en moyenne 1 500 euros.
L'optique a certainement été le secteur le plus actif auprès de nous ces derniers temps... Quelque 25 000 opticiens-lunetiers, auxiliaires de santé formés en deux ans et titulaires d'un BTS, exercent dans presque 12 000 points de vente : 41 % de plus en dix ans ! Le chiffre d'affaires global - environ 5,3 milliards d'euros dans le champ de l'assurance maladie - a progressé de 60 % en dix ans et serait sensiblement supérieur à celui des pays voisins. Les marges semblent importantes puisque les magasins ne vendent en moyenne que 2,8 paires de lunettes par jour. Certes, le fait que la France ait inventé le verre progressif n'est pas étranger au niveau de nos dépenses d'optique. L'assurance maladie participe de manière symbolique ou résiduelle aux frais d'équipement - environ 4 %. Les Ocam prennent en charge environ 45 % de la dépense, ce qui laisse un reste à charge élevé.
Le total des dépenses potentiellement remboursables dans ces trois secteurs s'élève à 16,4 milliards d'euros. L'assurance maladie en finance aujourd'hui 3,6 milliards et le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a estimé qu'une enveloppe supplémentaire de 7 milliards d'euros serait nécessaire pour porter le taux de remboursement à 65 %.
Face à cette situation, les Ocam ont créé des réseaux depuis plus d'une dizaine d'années, sans aucune réglementation. Ils ont contractualisé avec les professionnels de santé. Chaque Ocam s'est organisé différemment, pour diminuer le reste à charge, en obtenant des tarifs plus avantageux et parfois en remboursant mieux l'adhérent qui consulte à l'intérieur du réseau. Ainsi, pour un même équipement d'optique, le prix pratiqué par un professionnel du réseau de la MGEN s'élève à 559 euros, contre 880 euros à l'extérieur ; le reste à charge est de 204 euros dans le premier cas et de 596 dans le second, car la MGEN majore son remboursement lorsque l'assuré consulte au sein du réseau.
L'Autorité de la concurrence comme la Cour des comptes l'affirment : les prix dans un réseau d'optique sont inférieurs de 15 % à 40 % ; le reste à charge est également plus faible.
L'article 1 er de la proposition de loi place les mutuelles sur un pied d'égalité avec les institutions de prévoyance et les sociétés d'assurance. Comme l'avait rappelé M. Jeannerot au moment de l'examen du projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, les mutuelles représentent aujourd'hui 55 % du secteur, les assurances 27 % et les institutions de prévoyance (IP) 18 %. En 2000, ces chiffres s'élevaient respectivement à 61 %, 21 % et 17 %. Le code de la mutualité n'autorise des différences dans le niveau des prestations servies qu'en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille. En mars 2010, la Cour de cassation a donné de cette disposition une interprétation stricte, qui empêche les mutuelles de rembourser différemment un adhérent selon qu'il consulte au sein du réseau ou non. Mais rien dans le code des assurances ou dans le code de la sécurité sociale n'interdit cette modulation aux assurances et aux IP. Il existe donc une rupture d'égalité entre les familles de complémentaires, qui ne se justifie aucunement puisque tous les Ocam sont en concurrence.
C'est pourquoi l'article 1 er autorise les mutuelles à moduler les remboursements selon que l'assuré choisit de recourir ou non à un professionnel qui a signé une convention avec elles. Il n'y a là aucune obligation : Groupama et Pro-BTP ont mis en place un réseau commun, or le premier utilise la modulation, le second non, alors qu'il le pourrait.
L'article 2, ajouté par l'Assemblée nationale, pose les bases d'un encadrement du fonctionnement des réseaux. Il fixe les principes que doivent respecter les conventions entre les Ocam et les professionnels ou établissements de santé : libre choix du professionnel ou de l'établissement par le patient ; des critères objectifs, transparents et non discriminatoires pour l'adhésion du professionnel ou de l'établissement à la convention ; pas de clause d'exclusivité. L'Assemblée nationale a exclu des conventions avec les médecins les stipulations tarifaires relatives aux actes et prestations de la sécurité sociale, ce qui couvre les honoraires et les autres rémunérations découlant de la classification commune des actes médicaux (CCAM), de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) ou des conventions médicales négociées avec l'assurance maladie. Les Ocam doivent fournir une information complète à leurs assurés sur le conventionnement. Ces règles s'appliqueront aux nouvelles conventions, comme aux anciennes lors de leur renouvellement.
Je savais que la tâche du rapporteur sur ce texte ne serait pas aisée. Je me félicite que nous ayons eu le temps nécessaire pour écouter et travailler. J'ai procédé à plus d'une dizaine d'auditions, dont une table ronde avec les syndicats de médecins. A l'initiative de notre présidente, la commission a tenu une table ronde avec les organismes complémentaires.
Il n'existe actuellement aucun encadrement des réseaux de soins : les Ocam peuvent proposer à tous les professionnels, y compris les médecins, des contrats portant sur n'importe quelle question. Rejeter la proposition de loi reviendrait à laisser aux Ocam et aux professionnels une totale liberté contractuelle. Je crois qu'il relève de l'intérêt général et de notre responsabilité de poser les principes que doivent respecter les réseaux. Pour éviter les éventuelles dérives que certains annoncent, il faut légiférer. Avec prudence, car à imposer trop de contraintes, nous risquerions une censure du Conseil constitutionnel qui, à l'occasion du projet de loi de sécurisation de l'emploi, a insisté sur la liberté d'entreprendre et la liberté contractuelle, justement sur le sujet des complémentaires santé.
Il ne semble pas illégitime qu'un organisme complémentaire puisse maîtriser les dépenses financées par les cotisations de ses adhérents. Ces conventions peuvent porter sur des sujets tout à fait consensuels et importants pour nos concitoyens, par exemple le tiers-payant : interdire complètement les conventions pourrait avoir pour effet de supprimer celui-ci dans les pharmacies, à 1'hôpital ou chez les autres professionnels !
Je vous propose de compléter sur trois points substantiels le travail des députés. D'abord, nous ne pouvons pas traiter pareillement l'ensemble des professionnels de santé. Certains - médecins, infirmiers, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes... - relèvent de conventions avec l'assurance maladie, qui jouent encore un rôle moteur et prédominant dans la régulation du système. Dans d'autres professions, les dépenses de l'assurance maladie sont aujourd'hui minoritaires et, parfois, il n'existe aucune convention nationale. Du reste, l'Unocam joue un rôle renforcé en cas de convention de l'assurance maladie dans les domaines où les dépenses de la sécurité sociale sont minoritaires. Ces professions sont déterminées par arrêté : chirurgiens-dentistes, opticiens et audioprothésistes. Je vous propose de prévoir que, pour les autres professions, des conventions pourront être conclues, sans inclure de stipulations tarifaires liées aux actes et prestations fixés par l'assurance maladie. En outre, pour les médecins, la modulation des remboursements ne sera pas possible.
Réseaux ouverts, réseaux fermés : les premiers accueillent sans restriction tous les professionnels qui remplissent les conditions définies par la convention ; la proposition de loi prévoit que ces conditions doivent être objectives, transparentes et non discriminatoires. Les réseaux fermés limitent le nombre des professionnels admis par zone géographique. Le nombre des chirurgiens-dentistes et des audioprothésistes est limité, soit par un numerus clausus explicite, soit par un nombre de places limité en école : un réseau fermé n'est pas nécessaire. La situation démographique des opticiens-lunetiers est plus inquiétante : chaque année, environ 2 000 nouveaux sortent des écoles, lesquelles se sont multipliées. Le nombre de professionnels a déjà crû de 53 % depuis 2005 ! La profession va au-devant de grandes difficultés. Il serait sage de se diriger vers une formation en trois ans et vers un transfert de tâches des ophtalmologistes, dont le nombre est notoirement insuffisant. Nous pourrions décharger ces derniers de compétences qui ne sont pas du tout médicales, mais cela ne relève pas de la présente proposition de loi. En tout état de cause, un réseau fermé peut se justifier dans le secteur de l'optique, faute de régulation du nombre de professionnels. Pour accepter de modérer leurs tarifs, les opticiens doivent avoir l'espérance de recevoir un nombre significatif d'assurés. Je vous propose donc d'interdire les réseaux fermés, sauf en optique.
Troisième point substantiel, je suggère de préciser que les conventions ne pourront avoir pour effet d'introduire des différences dans les modalités de délivrance des soins, ce qui interdit une éventuelle discrimination selon que le patient s'adresse ou non au réseau.
Je vous présenterai enfin de simplifier la rédaction de l'article 3 relatif au rapport annuel d'évaluation des réseaux, et de modifier l'intitulé de la proposition de loi.
L'urgence est de mettre sur un pied d'égalité les trois familles de complémentaires et de poser les bases d'un encadrement des réseaux de soins. Je vous proposerai donc d'adopter la proposition de loi assortie des modifications que j'ai dites, en espérant que l'Assemblée nationale approuvera ensuite le texte en termes identiques.
Mme Annie David , présidente . - Merci pour ces rappels importants, grâce auxquels nous comprenons les tenants et aboutissants de la proposition de loi.
M. Gilbert Barbier . - Je félicite le rapporteur pour son analyse, mais je ne suis pas d'accord avec ses propositions. Ce texte, qui aligne les mutuelles sur les autres organismes complémentaires, n'est pas anodin. Il bouleverse complètement les principes fondamentaux de l'organisation des soins dans notre pays. Organiser le secteur des complémentaires, pourquoi pas ? Mais des remboursements différents selon que l'on consulte ou non dans le réseau bafouent le principe « à cotisations égales, prestations égales ».
Vous avez parfaitement décortiqué le fonctionnement du système, en isolant certaines professions, dont il est difficile d'ailleurs de dire si ce sont des professions de santé : opticiens, audioprothésistes... Vous invoquez le principe d'égalité pour justifier l'alignement. Mais y a-t-il égalité ? Dans son arrêt du 18 mars 2010 la Cour de cassation précise que « l'interdiction faite aux mutuelles par le législateur, dans un dessein de meilleure solidarité, d'instaurer des différences dans le niveau des prestations qu'elles servent, autrement qu'en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille des intéressés, a pour contrepartie d'autres avantages qu'il leur consent et l'appellation spécifique qu'il leur garantit de sorte qu'elles ne sont pas placées en situation de concurrence défavorable par rapport aux autres organismes complémentaires d'assurance maladie ». Les mutuelles bénéficient d'avantages financiers et fiscaux spécifiques. Mieux vaudrait interdire la pratique, qui se généralise, de modulation des remboursements. L'exemple que vous avez cité n'est guère probant : de nombreux opticiens hors réseau pratiquent le même tarif que ceux du réseau.
Je n'ai guère d'espoir de voir mon amendement de suppression adopté. Vous nous menacez, si ce texte n'est pas voté, d'une situation catastrophique. Or, mise à part la CSMF, l'ensemble des professions médicales sont vent debout contre votre proposition de loi. En effet, dès lors que les remboursements sur les actes médicaux seront contrôlés par les organismes complémentaires, le patient n'aura plus de libre choix. C'est une atteinte majeure à notre système de soins ! Tous les médecins en milieu rural n'adhèreront pas nécessairement à ces conventions, par exemple.
Le texte comporte une ambigüité : les actes médicaux sont codifiés par l'assurance maladie, mais certains frais ne relèvent pas de l'acte médical. Par exemple, en chirurgie, la clinique facture séparément le prix d'une prothèse. Un organisme complémentaire pourra imposer des prothèses fabriquées à bas coût en Chine ou ailleurs, transposant dans ce domaine ce qui existe déjà dans le domaine de l'optique. Et quels sont les moyens de contrôle des professionnels adhérents ? Des opticiens, enrôlés par les organismes complémentaires, vont contrôler leurs confrères, nous dit-on...
A vouloir tirer les prix vers le bas, on en arrive à ne plus utiliser de verres fabriqués en France : dans mon département est installée l'entreprise Essilor et sans vouloir défendre à tout prix, comme M. Montebourg, le « made in France »...
M. Claude Jeannerot . - Ou le « made in Jura »...
M. Gilbert Barbier . - Les prix sont peut-être plus élevés, mais il y a là une qualité que nous pouvons surveiller. Je reconnais que vous avez beaucoup travaillé mais ce que vous proposez est au détriment du patient.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Je félicite également le rapporteur pour l'exhaustivité de son analyse. Je note qu'il a cité deux chiffres discordants pour le nombre d'opticiens-lunetiers. C'est une profession particulièrement ciblée, il nous faut être précis. Le texte valide juridiquement les réseaux de soins en les encadrant et en les ouvrant aux mutuelles ou à tout organisme susceptible de développer un conventionnement et d'améliorer l'accès aux soins par la pratique du tiers-payant. Nous y sommes favorables.
Quelques précisions cependant. Le réseau ne signifie pas nécessairement remboursement différencié, vous l'avez dit. Mais ces réseaux feront-ils baisser le reste à charge pour l'assuré tout en préservant sa liberté de choix ? C'est la seule question. Votre rédaction, c'était nécessaire, exclut du champ du conventionnement tous les actes médicaux, effectués par toutes les professions qui ont un tarif conventionnel de la sécurité sociale, quand l'Assemblée nationale n'avait exclu que les actes des médecins. Mais certains dispositifs médicaux ne sont pas pris en compte, dans la chirurgie ou même la kinésithérapie.
La différence entre réseaux ouverts et fermés concourt-elle bien à favoriser l'accès aux soins et à faire baisser le reste à charge ? Les réseaux fermés font baisser les prix, certes. Mais la baisse du reste à charge dépend du niveau des cotisations et des conditions de la convention. Les réseaux seraient ouverts pour les audioprothésistes et les chirurgiens-dentistes, et fermés pour les opticiens car ceux-ci sont nombreux. Attention, car le Conseil constitutionnel exigera certainement un accès aux soins totalement libre, en tout point du territoire.
La médicalité des cahiers des charges devrait être contrôlée non par les organismes complémentaires eux-mêmes, mais par un organisme extérieur qui certifierait que les prestations médicales correspondent bien aux prescriptions de la Haute Autorité de santé.
Mme Jacqueline Alquier . - Je remercie le rapporteur pour son travail : il a su améliorer le texte de l'Assemblée nationale. Nous avons atteint le moment où l'absence de modification du code de la mutualité peut avoir des conséquences juridiques importantes. Les IP et les assureurs, eux, ne sont pas tracassés. La mission assurée par les mutuelles au travers de leurs réseaux de soins est primordiale, surtout là où les prix ne sont pas encadrés, optique, audition, dentition, hébergement hospitalier. Les médecins généralistes ont exprimé des craintes : ils demandent des précisions sur le champ d'intervention. La liberté de choix du patient doit être préservée, tout comme la qualité des produits utilisés. A cet égard, un cahier des charges pourrait être élaboré au plan national, avec le concours de la sécurité sociale ou des organismes de santé. La couverture sera-t-elle assurée sur tout le territoire ? La discussion des amendements sera l'occasion de lever cette inquiétude. Les mutuelles, organismes sans but lucratif, ont-elles un réel pouvoir pour diminuer le reste à charge ? La réduction du coût des produits fera-t-elle diminuer le montant des cotisations ? Comment le mesurer ? L'Assemblée nationale a prévu la remise d'un rapport, je m'en réjouis et soutiendrai l'amendement du rapporteur sur ce point comme sur les autres.
Mme Gisèle Printz . - Cette proposition de loi concerne-t-elle aussi le régime d'assurance maladie complémentaire d'Alsace-Moselle ? Il ne faut pas nous oublier...
M. René Teulade . - Le sujet est vaste, et mon objectivité n'est peut-être pas totale, étant donné les responsabilités qui ont été les miennes... L'essentiel est l'accès à des soins de qualité pour l'ensemble de la population. C'était la philosophie du Conseil national de la Résistance : chacun participe selon ses capacités contributives et reçoit en fonction de ses besoins. Je félicite le rapporteur, car la tâche n'était pas simple, et il a abordé les problèmes essentiels. Je me concentrerai pour ma part sur le tiers payant. Il ne s'agit pas tant de permettre aux organismes complémentaires de « maîtriser les dépenses qui proviennent des cotisations » que de donner aux adhérents la faculté de décider comment leur participation est utilisée ! J'avais passé un accord avec les pharmaciens : ils s'engageaient à introduire le tiers payant et je mettais fin aux pharmacies mutualistes, qui étaient apparues parce que le tiers payant était interdit.
L'équilibre ici est satisfaisant. Mais attention : la philosophie des compagnies d'assurances n'est pas celle de la mutualité. Pour la seconde, la qualité des soins prime ; les premières sont attachées aux résultats financiers. Il n'est pas vrai de dire que la liberté de soins existe : beaucoup de nos concitoyens n'en bénéficient pas. Elle doit être le premier objectif. Faut-il conserver un reste à charge pour responsabiliser les assurés ? Le ticket modérateur d'ordre public avait fait l'objet d'une pétition de huit millions de signatures qui a conduit M. Barre à remettre en cause le décret qu'il avait pris lui-même : il s'agit donc d'un secteur bien particulier ! Les propositions du rapporteur général améliorent le texte de l'Assemblée nationale. Nous devons rechercher un consensus, travailler en accord avec les représentants des professions de santé. Je soutiens les propositions qui nous sont faites par M. Daudigny.
M. Jean-Noël Cardoux . - Je ne suis que partiellement d'accord avec votre rapport. Votre amendement révèle bien l'embarras que vous éprouvez devant la fronde de certaines professions de santé. Nous prenons en effet le problème à l'envers, en partant du constat que les assurances et les organismes de prévoyance n'ont pas de réglementation propre et en choisissant d'aligner le droit sur un état de fait... Il aurait fallu traiter l'ensemble de la question des réseaux, pour l'ensemble des organismes complémentaires.
Durant les auditions, j'ai parlé du lien personnel entre un médecin et le patient, on m'a répondu que ce n'était pas le sujet et qu'il fallait se limiter aux trois domaines évoqués dans le rapport. Or, la proposition de loi, malgré l'engagement écrit pris par la ministre auprès des professions concernées, concerne bien l'ensemble des professions de santé. L'émoi a été grand. Le rapporteur propose finalement un amendement pour exclure expressément les médecins des remboursements modulés. Mais pourquoi ne pas en exclure toutes les professions de santé ? Les opticiens, les prothésistes dentaires ou les audioprothésistes ne sont pas des professions de santé, ils fournissent un matériel. Il serait plus simple de faire des réseaux ouverts, d'interdire la modulation du remboursement et de viser uniquement les trois activités en question. Je crains que les professions de santé ne soient de plus en plus contrôlées, évaluées, et finalement régies, par les mutuelles. Ce serait l'opposé de la libre concurrence. C'est aux mutuelles de créer des réseaux de santé efficients afin que leurs adhérents aient les meilleures prestations au meilleur prix.
En outre, les patients doivent renouveler périodiquement leurs lunettes ou leurs appareillages. Les mutuelles l'intègrent dans les primes. Les cotisations sont, à cet égard, des avances de trésorerie - et si les personnes mettaient de l'argent de côté pour payer elles-mêmes ces dépenses directement, cela leur coûterait moins cher... Les réseaux doivent apporter une réponse sur ce point. Les mutuelles ont à mener une approche financière intelligente.
Soyons cohérents. On ne peut soutenir la libre concurrence et voter ce texte, malgré des aménagements comme l'exclusion des médecins.
M. Alain Milon . - L'analyse de M. Daudigny est complète et pragmatique, elle me semble très pertinente ; ses propositions me conviennent moins...
Cette proposition de loi vise à encadrer une pratique déjà développée. Sans doute est-ce le signe d'une perte de pouvoir : de plus en plus souvent, le politique court après l'existant et cherche à trouver des solutions après coup. Nous le faisons tous ! Un texte identique avait été présenté par M. Yves Bur et d'autres députés ; le Sénat de son côté avait rejeté ce texte lorsqu'il a été introduit dans la proposition de loi Fourcade ; et c'est la députée UMP Mme Valérie Boyer qui en avait repris les dispositions en CMP, avant que le Conseil constitutionnel ne les censure.
Le transfert de tâches, sur lequel Mme Génisson et moi-même travaillons, n'existe pas d'une profession à une autre. Il peut se produire entre deux professionnels à propos d'un patient particulier ou entre un professionnel de santé prescripteur et un technicien. Les opticiens ne feront jamais le travail d'un ophtalmologue, mais ils pourront accomplir certains travaux pour lui.
Avec des réseaux de soins, les cotisants qui s'adressent à des praticiens hors réseau n'auront plus les mêmes remboursements que ceux consultant dans le réseau. Cette inégalité n'est pas acceptable.
Ces réseaux me font penser aux centrales d'achat ! Ce sont elles qui dicteront le prix.
M. Jean-Noël Cardoux . - Sans parler des marges arrière !
M. Alain Milon . - Nous avons commis l'erreur de croire que ce système ferait baisser les prix. Mais qu'un Ocam dirige l'ensemble et il imposera ses prix.
Si les réseaux sont maintenus, nous sommes favorables à ce qu'ils soient ouverts. Formons-nous trop d'opticiens ? Dans les années quatre-vingt, on craignait une explosion du nombre de médecins, on a mis en place un numerus clausus ; et aujourd'hui c'est la pénurie ! Il appartient au législateur de trouver une solution pour financer l'ensemble des soins à l'ensemble de la population, plutôt que de laisser le champ libre aux uns et aux autres.
Mme Annie David , présidente . - Un remboursement à 100 % par la sécurité sociale ? Vous rejoignez nos positions !
M. Dominique Watrin . - Ce texte s'inscrit dans le prolongement de l'accord sur la sécurisation de l'emploi (ANI). Il constitue la condition posée par la mutualité française pour accepter la clause de désignation. Nous avions critiqué la généralisation à terme de la complémentaire santé dans les entreprises, avec prise en charge à 50 % par les employeurs : nous aurions préféré un élargissement du champ de la sécurité sociale. L'ANI entraîne 2,5 milliards d'euros de nouvelles exonérations pour les employeurs, le même montant que les économies demandées à la sécurité sociale pour 2014. On répare à peine les fissures et l'on fragilise les fondations. Notre position est plutôt négative sur la proposition de loi et nous nous abstiendrons.
Mme Laurence Cohen . - La position du groupe UMP, partisan d'un remboursement à 100 % par la sécurité sociale, est intéressante ; mais que ne l'ont-ils fait lorsqu'ils étaient au pouvoir...
Ce texte est décevant. Certes, le prix des prothèses ou des lunettes s'envole. La réponse doit-elle être une fuite en avant et une ouverture plus large au marché ? La question se pose à l'échelle européenne.
Pourquoi ne pas rechercher des mesures qui aident réellement les patients ? Les mutuelles sont livrées à la même logique que les assurances : des remboursements non en fonction des besoins mais du contrat. Pourquoi ne pas choisir de renforcer le financement solidaire, en mettant un terme aux exonérations de cotisations, 30 milliards d'euros ? Pourquoi ne pas encadrer le coût des prothèses et des lunettes comme pour les médicaments ? Les réseaux de soins existent déjà, or les coûts n'ont pas baissé. C'est un marché de dupes. Il y a trop d'opticiens ? Encadrons leur nombre, comme on l'a fait pour les pharmaciens. Au prétexte du pragmatisme, on ouvre la porte à plus de discriminations sociales.
M. Claude Jeannerot . - Je décèle une certaine ambivalence dans les propos de M. Milon. Ils témoignent de la complexité du sujet. Lors de la discussion de l'accord sur la sécurisation de l'emploi, lui et ses amis ont défendu le principe de la libre concurrence. Or ce texte la renforce en mettant sur un pied d'égalité les institutions de prévoyance, les assurances et les mutuelles. Comment promouvoir la liberté d'accès aux soins si, dans le même temps, l'offre présente des ruptures d'égalité, si entre les mutuelles et les autres acteurs, les règles sont différentes ? De ce point de vue, le texte constitue une avancée.
Mme Patricia Schillinger . - Cette loi modifiera-t-elle le régime de droit local en vigueur en Alsace et en Moselle ?
Mme Isabelle Debré . - On ne peut faire abstraction du lien subjectif entre le patient et son médecin, notamment le chirurgien-dentiste. Ce lien est essentiel dans la guérison. Faut-il limiter les réseaux fermés à l'optique ? N'est-ce pas discriminatoire à l'égard des audioprothésistes ? Je rejoins, une fois n'est pas coutume, Mme Cohen : pourquoi ne pas instaurer plutôt une régulation des installations en fonction de la population ou du territoire ? Cette loi risque d'être censurée par le Conseil constitutionnel car elle est discriminatoire pour certaines professions.
M. Alain Milon . - Je n'ai pas dit que la sécurité sociale devait rembourser tous les soins à 100 %. Simplement une erreur originelle veut que les prothèses ou l'optique ne soient pas prises en charge. Réparons cette erreur. Quant à ma prétendue ambivalence, je pense simplement que l'instauration des réseaux profitera aux grandes mutuelles, tandis que les petites disparaîtront.
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - Nous devons partir de la situation existante : les complémentaires santé occupent une place importante en optique, pour les soins dentaires et les audioprothèses, secteurs où l'assurance maladie rembourse peu. Il faut reconnaître la place des organismes complémentaires et leur octroyer les moyens correspondants. Idéalement, il serait bon que l'assurance maladie s'engage plus dans ces trois domaines ; mais soyons honnêtes, la situation financière n'autorise pas à penser qu'elle peut les réinvestir dans un futur proche.
Monsieur Barbier, nous sommes en désaccord. Je maintiens ma position sur le principe d'égalité entre trois types d'organismes en concurrence directe. La fiscalité est la même pour les trois. Or ils sont régis par trois codes différents. J'ajoute qu'ils relèvent d'une même directive européenne, la directive sur les assurances. Il est un fait que nous sommes ici dans le monde de la concurrence pure, il faut donc rétablir l'équité. C'est ce à quoi procède l'article 1 er .
Le principe du libre choix a été inscrit clairement dans le texte par l'Assemblée nationale. L'article 2 dispose que les conventions ne peuvent comporter aucune stipulation portant atteinte au libre choix des patients. Aujourd'hui celui-ci est limité, de fait, par les dépassements d'honoraires. Dans le sixième arrondissement de Paris, les ophtalmologues vous reçoivent rapidement. Mais ils pratiquent un dépassement de 100 % ! Lorsque d'autres patients, ailleurs, attendent six mois pour un rendez-vous, oui, il y a rupture d'égalité. Ne rendons pas les réseaux de soins responsables de phénomènes qui ont d'autres causes.
Les équipements de chirurgie font l'objet d'un remboursement de l'assurance maladie directement à la clinique, ils ne sont pas liés aux honoraires.
En optique, les prix sont très élevés, le reste à charge aussi. La marge brute dépasse 300 euros en moyenne pour une paire de lunettes, voire 600 pour des montures de créateur avec des verres particuliers. L'équilibre économique d'un point de vente est atteint à partir de deux ou trois paires vendues par jour. Les chiffres sont-ils fiables ? En tout cas le problème de prix est indéniable.
Les professions de santé sont parfaitement définies dans les codes de la santé publique et de la sécurité sociale.
Toutes les études montrent que la généralisation des réseaux de soins entraînera une baisse du reste à charge. Le Gouvernement nous fournira un rapport annuel qui analysera cette évolution. Certes, alors que les réseaux existent, les prix n'ont pas diminué. Mais ceux-ci seraient-ils restés stables en l'absence d'une telle organisation, compte tenu, par exemple, des évolutions techniques ?
Il conviendra de vérifier que les contrats entre professionnels et les organismes complémentaires sont conformes aux bonnes pratiques médicales. Les professions médicales sont contrôlées par les ordres professionnels, les agences sanitaires et l'État. Les contrats ne peuvent se situer que dans ce cadre.
Le texte ne modifie pas le régime qui prévaut en Alsace et en Moselle.
Monsieur Cardoux, j'éprouve un malaise en vous écoutant...
M. Jean-Noël Cardoux . - Donc je suis sur la bonne voie !
M. Yves Daudigny , rapporteur . - ... car c'est vous et vos amis qui avez voté le texte sur les réseaux de soins, en demandant au Gouvernement un encadrement national par décret. Comment pouvez-vous contester aujourd'hui l'existence même des réseaux ?
Contrairement à ce que vous semblez croire, le texte ne vise pas toutes les professions de santé ! J'ai passé une grande partie de mon temps à trouver la meilleure rédaction pour rassurer l'ensemble des acteurs, que ce soient les professionnels, par exemple les médecins qui s'inquiétaient, les organismes complémentaires, qui réclament légitimement le droit de gérer au mieux les dépenses des adhérents, et les patients qui attendent une baisse du reste à charge. Il faut aujourd'hui prendre en considération les trois secteurs où l'assurance maladie joue un rôle minoritaire dans les remboursements. Ces secteurs figurent dans une liste fixée par arrêté du Gouvernement. Les députés ont écarté les médecins - il est vrai que leurs organisations professionnelles ont exercé une très forte pression sur le législateur. J'approuve cette orientation mais elle est restrictive. Nous envisageons donc l'ensemble des professions de santé, en trouvant un critère objectif. Si on interdit tout conventionnement, on pourrait se priver de ceux qui existent pour le tiers-payant. C'est pourquoi je propose de préciser que ce texte ne concerne pas les professions de santé autres que les trois mentionnés, pour tout ce qui relève des tarifs de la sécurité sociale ; et nous préciserons qu'il n'y a pas de remboursement différencié pour les médecins, une large part de cette profession contrairement aux autres étant autorisée à pratiquer des honoraires libres.
Contrôle des professionnels de santé ? Nous recherchons simplement la meilleure qualité au meilleur prix : si nous voulons y parvenir, chacun ne peut faire ce qu'il veut...
Monsieur Milon, l'inégalité entre les cotisants résulte du principe de la liberté contractuelle. Le système est concurrentiel, un adhérent peut quitter un organisme pour rejoindre un autre. Certains soulignent même que cette concurrence est dangereuse, car elle pourrait pousser les complémentaires à ne pas être suffisamment vigilantes, à trop regarder du côté du champ concurrentiel. Je n'en dis pas plus.
J'entends votre argument lorsque vous évoquez une dérive vers un système de centrales d'achat et nous devons en effet être vigilants sur cette évolution qui serait dommageable.
Monsieur Watrin, la proposition de loi n'est pas une contrepartie de l'accord sur la sécurisation de l'emploi, puisqu'elle a été adoptée à l'Assemblée nationale avant l'ANI. Elle répond à la décision de la Cour de cassation de 2010.
Madame Cohen, nous partageons les mêmes valeurs.
Mme Laurence Cohen . - Mais nous n'atterrissons pas au même endroit !
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - Pas sur la même piste... Selon vous, il appartient à l'assurance maladie de reconquérir les domaines dont nous parlons. Mais l'époque n'est plus à l'administration des prix, celui de la baguette n'est plus fixé par décision du Gouvernement. Je cherche à rester fidèle à mes valeurs tout en les mettant en pratique dans le monde d'aujourd'hui. Nous n'élaborons pas un texte fondateur d'un nouveau mode de financement de la protection sociale, nous apportons une correction à une situation qui n'est pas supportable. Nous aurions pu nous en tenir à l'article 1 er . Mais l'article 2 permet un encadrement qui s'appliquera aux nouveaux contrats et aux contrats existants lorsqu'ils seront renouvelés.
Madame Debré, le lien subjectif entre le chirurgien-dentiste et son patient n'est pas particulièrement bousculé du fait que les réseaux sont ouverts dans ce secteur.
Ce système engendre-t-il des discriminations ? La situation des trois professions est très différente, numerus clausus ou non, installation libre ou pas. Le texte répond à des situations différentes.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Gilbert Barbier . - Je suis étonné que le rapporteur ne tienne pas compte de l'arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2010 qui établit une différence entre la mutualité et les autres organismes complémentaires. Mieux vaudrait encadrer les réseaux existants pour éviter le vide juridique, au lieu de basculer tous les organismes complémentaires dans le non-droit. C'est pourquoi l'amendement n° 4 supprime l'article 1 er .
M. René-Paul Savary . - Je soutiens cet amendement. Il tend à supprimer un texte qui ne règle rien. Il y aura toujours trois codes ; la question de l'encadrement de la liberté d'installation ou de la liberté de choix du médecin se posera toujours ; le texte dissocie les réseaux fermés et les réseaux ouverts. Je suis favorable à l'interdiction des réseaux fermés, sauf pour les opticiens, mais il leur suffira de développer une activité d'audioprothésiste pour échapper à l'amendement du rapporteur. De même les problèmes médico-sociaux ne sont pas réglés. La presbytie, ainsi que la baisse de l'acuité auditive, sont des handicaps liés à l'âge, non des problèmes d'ordre sanitaire, ils n'ont rien à voir avec la myopie ou les surdités de naissance. L'articulation entre le médico-social et le sanitaire n'est pas abordée. Ce texte ne s'attaque qu'à un aspect du problème sans s'intéresser à la prise en charge des pathologies. Du reste, le rapporteur change l'intitulé du texte. En outre, aucune économie n'est à en attendre. Quant aux patients, ils verront leur reste à charge baisser, mais perdront leur liberté de choisir leur appareillage ou leur professionnel de santé.
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - Avis défavorable. L'article 1 er rétablit l'égalité entre les trois familles de complémentaires : dans le droit actuel, les mutuelles ne peuvent moduler les remboursements selon que le patient consulte dans le réseau ou à l'extérieur. Le Conseil constitutionnel a clairement rappelé que le secteur des complémentaires santé relève de la liberté de concurrence et de la liberté contractuelle. Comment justifier que les mutuelles, qui représentent la moitié du secteur, ne bénéficient pas du même régime que les IP et les assurances ?
M. Gilbert Barbier . - L'amendement n° 5 précise, de manière claire, que les remboursements différenciés sont limités à l'optique, aux soins dentaires prothétiques, et aux audioprothèses.
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - L'amendement limite la modulation des remboursements des mutuelles à ces trois domaines. Mais il y a de ce fait rupture d'égalité entre les familles de complémentaires. Mon amendement à l'article 2 intervient en amont, sur la constitution des réseaux, quelle que soit la catégorie des organismes complémentaires. Avis défavorable.
M. Gilbert Barbier . - L'amendement n° 6 est un amendement de repli : il exclut les médecins du champ de la proposition de loi.
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - Je demande le retrait de cet amendement. Je proposerai un amendement à l'article 2 qui répondra à vos attentes et concernera non seulement les mutuelles, comme à l'article 1 er , mais tous les organismes complémentaires.
M. Gilbert Barbier . - Dommage que vous ne rattachiez pas l'amendement à l'article 1 er , fondamental.
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - C'est bien ce qui nous sépare ! En amendant l'article 1 er , on ne vise que les mutuelles. Je souhaite toucher l'ensemble des organismes complémentaires.
L'amendement n° 6 est retiré.
L'article 1 er est adopté sans modification.
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - L'amendement n° 1 réécrit l'article 2. Il maintient les principes posés à l'Assemblée nationale : liberté de choix du praticien ; critères objectifs, transparents et non discriminatoires ; absence de clause d'exclusivité. Il ajoute le principe selon lequel les conventions ne peuvent pas avoir pour effet d'introduire des différences dans les modalités de délivrance des soins. Il prévoit également que pour les professionnels de santé - à l'exception des chirurgiens-dentistes, des opticiens et des audioprothésistes, pour lesquels la part des dépenses prises en charge par l'assurance maladie est minoritaire - les conventions avec les Ocam ne pourront comprendre de clauses tarifaires liées aux actes et prestations fixées par l'assurance maladie. En outre, pour les médecins, les conventions ne pourront avoir pour effet une modulation des remboursements aux assurés. Il limite aussi les réseaux fermés au secteur de l'optique, où le nombre de professionnels et de magasins justifie d'utiliser cet outil de régulation des dépenses des Ocam.
Mme Catherine Deroche . - Je suis dubitative. Les réseaux doivent être ouverts. La prescription de lunettes relève aussi d'une logique médicale - bien que le taux de remboursement par l'assurance maladie des traitements oculaires des enfants soit ridiculement bas. En outre, certaines complémentaires poussent à la consommation et à l'achat de lunettes. Attention aux effets pervers. Je suis également hostile à la fermeture des réseaux de chirurgiens-dentistes et d'audioprothésistes.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Mon groupe s'interroge sur le maintien des opticiens en réseau fermé. Certes un réseau fermé peut induire une baisse des tarifs, mais la liberté d'accès aux soins est remise en cause.
Le rapporteur dit que les actes des médecins ne peuvent être modulés. Les autres actes médicaux pourraient donc l'être ? La rédaction de l'amendement n'est-elle pas contradictoire ?
M. Gilbert Barbier . - La rédaction du paragraphe 2 porte atteinte au principe « à cotisation égale, prestation égale ». Le remboursement variera en fonction des conventions et en fonction du praticien consulté, dans ou hors réseau. De plus la rédaction exclut les autres professions de santé autres que les médecins : quid des professions paramédicales ? Enfin, les conventions ne pourront comporter des stipulations tarifaires relatives aux actes et prestations mentionnées à certains articles du code. Ajoutons « aux prescriptions des intéressés ». Dans les cliniques mutualistes les modèles des prothèses sont imposés aux chirurgiens. Même si le lobby de la mutualité est très actif, ne nous voilons pas la face, de telles pratiques existent déjà. De même que les centrales d'achat existent aujourd'hui dans le secteur hospitalier.
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - Le principe que vous évoquez vaut pour la sécurité sociale, mais pour les complémentaires, il est sans fondement. Je ne souhaite pas modifier la rédaction très précise de l'Assemblée nationale, fruit d'un travail de concertation. J'ai simplement voulu, avec le dernier alinéa, apaiser les interrogations des jeunes médecins inquiets de voir le système français se rapprocher du système américain.
Mme Annie David , présidente . - Les lobbys ont mené une campagne intense, et ils n'émanent pas seulement de la mutualité.
L'amendement n° 1 est adopté.
Les amendements n os 7, 8, 9 et 10 deviennent sans objet.
M. Gilbert Barbier . - « A cotisation égale, prestation égale. » L'amendement n° 11 rappelle ce principe.
M. Yves Daudigny , rapporteur généra l. - Cet amendement ne concerne que les actes de médecine, notion floue. Sa rédaction pose aussi des difficultés à l'égard de la convention médicale qui fixe des tarifs différents selon le secteur d'exercice du médecin, ce qui a des conséquences sur les remboursements des complémentaires. Enfin, vous avez je crois satisfaction avec mon amendement qui interdit la modulation des prestations du fait d'une convention entre un Ocam et un médecin.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - On a introduit une spécificité pour les médecins. Pourquoi ne pas dire la même chose pour les autres professions médicales ?
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - Parce que cela n'a aucune portée aujourd'hui. Eux seuls, sauf quelques exceptions, peuvent dans certaines circonstances, pratiquer des dépassements.
M. Gilbert Barbier . - Le mot « aujourd'hui », dans votre réponse, m'inquiète. Demain, les kinésithérapeutes ou d'autres professionnels seront obligés d'accepter des restrictions liées aux conventions. C'est le problème de cette proposition de loi : au lieu de réglementer précisément le rôle des complémentaires dans tous les secteurs d'activité, on ouvre la porte à tous les abus par les organismes complémentaires. Les premiers qui le feront seront les institutions de prévoyance et les compagnies d'assurances, et la mutualité suivra !
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - Nous votons la loi aujourd'hui, en considérant la situation actuelle et en essayant d'anticiper les évolutions à venir. Constituer un réseau n'est pas facile, et cela a un coût. Il faut ensuite le gérer. Il n'y a donc aucun intérêt à en créer un dans un secteur où le volume de remboursement serait trop faible. On imagine mal un organisme complémentaire constituer un réseau de masseurs-kinésithérapeutes, par exemple. Ces organismes créent des réseaux là où les remboursements se chiffrent en milliards. Alors pourquoi l'écrire, direz-vous : pour la beauté du geste législatif.
M. Claude Domeizel . - Cet amendement devrait être rectifié. Il parle de l'alinéa 7, mais la numérotation a changé depuis l'examen par l'Assemblée nationale. M. Barbier devrait donc le retirer, et s'expliquer en séance.
L'amendement n° 11 est rejeté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - L'amendement n° 2 procède à une simplification rédactionnelle concernant le rapport demandé au Gouvernement et met en adéquation la date de remise avec le calendrier législatif prévisionnel. Il prévoit également une évaluation des conventions conclues par les Ocam en termes d'accès aux soins pour les patients.
Mme Aline Archimbaud . - Cette proposition de loi porte sur un point très précis. Nous sommes nombreux à espérer une réforme de la politique de santé du pays, mais ce n'est pas l'objet du présent texte. Cet article prévoit, au moins, que le Parlement fera un point annuel afin de s'assurer que n'apparaissent pas des soins au rabais, que le reste à charge diminue, que les organismes font les efforts attendus. Pourquoi limiter à une période de trois ans ce rapport ? Le bilan portera-t-il uniquement sur les réseaux de soins des mutuelles ? Notre commission pourra-t-elle demander un bilan précis et un débat chaque année ?
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - Ce sont les députés qui ont prévu une période de trois ans. C'est la tendance, lorsque l'on demande des rapports, d'en limiter le champ chronologique par souci de simplification. Le texte concerne toutes les conventions, et pas uniquement celles conclues par les mutuelles.
L'amendement n° 2 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - L'amendement n° 3 vise à modifier le titre actuel qui met l'accent sur les réseaux de soins créés par les mutuelles. Or, la proposition de loi vise l'ensemble des conventions, je propose donc de retenir le titre suivant : proposition de loi relative aux modalités de mise en oeuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé.
M. Jean-Noël Cardoux . - Je ne peux approuver un tel amendement. Actuellement il existe des dérives, des atteintes à la libre concurrence. Or le système est généralisé à tous les organismes complémentaires. Je maintiens que le problème a été pris à l'envers : un vaste débat s'imposait sur les réseaux de soins.
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - Je ne suis pas d'accord. L'article 2 apporte toutes précisions utiles sur les conventionnements. La possibilité est ouverte, ne vous plaignez pas qu'elle n'existe pas !
M. Gilbert Barbier . - Qu'en est-il des conventions déjà conclues ?
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - Elles sont couvertes par l'article 2.
M. Gilbert Barbier . - On remet à plat l'ensemble des conventions, donc.
M. Yves Daudigny , rapporteur général . - Au moment du renouvellement. Une convention déjà signée ira jusqu'à son terme.
L'amendement n° 3 est adopté.
La commission adopte la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1 er
Possibilité pour les mutuelles de moduler le niveau des
prestations
|
|||
M. BARBIER |
4 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
M. BARBIER |
5 |
Limitation de la modulation à trois secteurs |
Rejeté |
M. BARBIER |
6 |
Exception pour les médecins |
Retiré |
Article 2
Encadrement des conventions entre les organismes
complémentaires
|
|||
M. DAUDIGNY, rapporteur général |
1 |
Approfondissement de l'encadrement |
Adopté |
M. BARBIER |
7 |
Renvoi à un décret pour fixer les règles de fonctionnement |
Tombe |
M. BARBIER |
8 |
Indépendance professionnelle |
Tombe |
M. BARBIER |
9 |
Réseaux ouverts |
Tombe |
M. BARBIER |
10 |
Pas de clause tarifaire pour les professions de santé |
Tombe |
M. BARBIER |
11 |
Interdiction des modulations de remboursement |
Rejeté |
Article 3 Rapport du Gouvernement au Parlement |
|||
M. DAUDIGNY, rapporteur général |
2 |
Simplification rédactionnelle |
Adopté |
Intitulé de la proposition de loi |
|||
M. DAUDIGNY, rapporteur général |
3 |
Cohérence |
Adopté |