2. Vers une révision de l'objectif de dépense de l'actuel Livre blanc
Ce constat requiert d' approfondir la question du format de nos forces de défense et des objectifs qui leur sont assignés, au regard du futur Livre blanc , dans le contexte budgétaire contraint qui marquera les débuts de la prochaine loi de programmation militaire (LPM).
L'effort de défense devra être apprécié au regard des menaces qui pèsent sur notre sécurité nationale, mais aussi dans une démarche comparative : comme il a été montré dans la première partie (I) du présent rapport, tous les grands pays industrialisés sont actuellement engagés dans une diminution de leurs dépenses militaires.
L'intérêt du futur Livre blanc sera de fixer des perspectives dépassant l'horizon immédiat des prochains exercices budgétaires , afin de s'inscrire dans un cadre pluriannuel qui permettra, lorsque la conjoncture économique se sera améliorée, de renouer avec le rythme tendanciel de progression des dépenses militaires en particulier, et des dépenses publiques en général.
3. Des priorités préservées pour l'essentiel en 2013, s'inscrivant dans une perspective pluriannuelle de renouvellement des équipements
Comme cela a été analysé ci-dessus dans l'étude de la programmation pluriannuelle fixée par la LPM 28 ( * ) , les restrictions budgétaires ont d'ores et déjà conduit à reporter sur la période 2015-2020 certains programmes d'équipement.
Au regard des échéanciers de livraison, les programmes les plus menacés pourraient concerner, par ordre décroissant :
- les hélicoptères NH 90 ;
- les véhicules blindés multirôles (VBMR) ;
- les avions de transport MRTT.
Par ailleurs, il serait souhaitable que la France lance sa propre filière de drones tactiques, qui remplaceraient les drones tactiques intermédiaires actuellement en service dans l'armée de terre. Enfin, une urgence se dessine concernant les programmes de sous-marins nucléaire d'attaque (SNA) Barracuda et d'avions de transport A400M.
a) Le renouvellement en cours de la flotte d'hélicoptères
Une révision à la baisse des cibles de NH 90 et de VBMR remettrait en cause l'objectif de capacité de projection de l'armée de terre dans les OPEX. Or, il existe déjà une rupture capacitaire en matière d'hélicoptères de transport, comme l'ont souligné nos collègues députés Alain Marty, Michel Sordi et Jean-Claude Viollet dans un rapport d'information de 2008 29 ( * ) sur l'aéromobilité. Ce rapport a montré la nécessité que les hélicoptères NH 90 prennent la relève des hélicoptères de transport PUMA, pour maintenir en 2023 la flotte d'appareil à son niveau numérique de 2008, comme le montre le graphique ci-après.
Le « trou capacitaire » en matière d'hélicoptères de transport, selon un rapport d'information de l'Assemblée nationale
(1) Cette prévision intègre la commande de 12 appareils en 2007, complétée par celle de 22 hélicoptères en 2008, soit une commande totale de 34 appareils.
(2) La rénovation des Cougar a été notifiée en décembre 2007.
(3) La rénovation des Puma n'est pas contractualisée ni budgétée en 2008.
(4) OACI : organisation de l'aviation civile internationale.
Source : Alain Marty, Michel Sordi et Jean-Claude Viollet, rapport d'information n° 666 (XIII ème législature), commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, 30 janvier 2008
Dans ce contexte, il y a tout lieu de se féliciter que les livraisons des hélicoptères NH 90 aient été considérées comme prioritaires en 2013 , les reports ayant dû être opérés sur d'autres programmes d'équipement.
Après la livraison en 2012 de 4 hélicoptères NH 90 utilisés par l'armée de terre pour le transport tactique (version TTH) et de 2 autres appareils en version navale (NFH), le programme de livraisons 2013 comporte 8 NH 90 (TTH) et 4 NH 90 (NFH).
L'armée de terre disposera fin 2013 de 14 appareils, en vue d'une formation des équipages à compter du second trimestre 2013. Le prix unitaire d'un NH 90 (version TTH) s'élève à 28,6 millions d'euros.
b) Les nouveaux blindés
S'agissant des blindés, le véhicule blindé multirôle (VBMR) doit remplacer les véhicules de l'avant blindés (VAB), âgés d'une quarantaine d'années en moyenne, et qui constituent aujourd'hui le principal blindé léger de l'armée de terre.
En effet, le blindage de niveau 2 des VAB offre une protection insuffisante face aux engins explosifs improvisés, et même aux tirs d'AK-47 Kalachnikov à courte portée.
Après l'attribution de deux plans d'études amont à RTD et à NEXTER, le marché de développement-réalisation doit à présent être contractualisé au plus tard en milieu d'année 2014. La cible en matière de commandes est de 2 326 VBMR (dont 1 968 de la classe 20 tonnes). Les premières livraisons sont attendues en 2017 pour une mise en service opérationnel en 2018. Les livraisons s'échelonneront ensuite jusqu'en 2026. Le maintien du calendrier de ce projet d'envergure - le coût unitaire visé de ce véhicule est de l'ordre du million d'euros - devra être l'une des priorités de la prochaine loi de programmation militaire .
c) L'avion ravitailleur et de transport MRTT : une priorité pour la prochaine LPM
S'agissant du programme MRTT 30 ( * ) , les réponses au questionnaire budgétaire sur le PLF 2013 ont maintenu la cible à l'horizon 2020, prévoyant la livraison de 7 unités avant cette date, et de 7 autres unités après 2020. Le nombre de ravitailleurs en service devrait donc demeurer inchangé (14), étant donné que les MRTT remplaceront aussi à terme les 5 Airbus de transport stratégique.
Ce renouvellement devient urgent, alors que les avions ravitailleurs actuels sont âgés, en moyenne, de plus de 48 ans.
Un marché de définition et de levée de risques a été notifié le 30 décembre 2011 à Airbus Military France. Les résultats doivent permettre d'élaborer le dossier de consultation pour le marché d'acquisition à l'horizon de la fin d'année 2012, permettant que la commande des 14 appareils intervienne en 2013.
d) Vers un programme de production de drones tactiques
Dans le cadre de la nouvelle LPM, il serait logique que la France, à l'instar de tous les grands pays industrialisés, produise des drones . Les sommes en jeu, se chiffrant en centaines de millions d'euros, sont relativement modestes, au regard de l'efficacité opérationnelle de ces avions sans pilote.
Un tel choix permettrait d'éviter une rupture capacitaire, l'acquisition de nouveaux drones devant assurer la jonction avec les drones de la génération suivante, prévus à l'horizon 2020.
Dans ce cadre, une étude conjointe franco-britannique est en cours afin d'évaluer la faisabilité et l'intérêt d'une coopération sur les drones tactiques, dans le cadre du traité de Lancaster House, confirmée lors du sommet franco-britannique du 17 février 2012. Cette étude se traduit notamment par l'évaluation par la France du système britannique Watchkeeper, qui constitue l'une des options possibles pour la fabrication de drones tactiques.
e) Le programme Barracuda
Les sous-marins d'attaque nucléaire (SNA) participent à la fonction de dissuasion, d'intervention et de renseignement. Le coût total du programme s'élève à 9,6 milliards d'euros.
Les Barracuda remplacent les SNA actuels âgés de plus de vingt ans. Alors que trois SNA Barracuda ont été commandés jusqu'en juin 2011, la commande prévue en 2013 dans le présent projet de loi de finances a été décalée en 2014, retardant d'autant l'entrée en service.
f) L'avion A400M
Signé en mai 2003, le programme concernant l'avion A400M a été plusieurs fois décalé, et la première livraison était ainsi attendue en mars 2013, au lieu d'octobre 2009 dans le calendrier initial. Des problèmes de moteur ont temporairement interrompu la phase de qualification de l'appareil, qui doit reprendre en fin d'année 2012, reportant à nouveau la livraison des deux premiers appareils pour la France, aujourd'hui prévue en mai et en juillet 2013.
* 28 Cf. supra , paragraphe I C 3.
* 29 Commission de la défense nationale et des forces armées, rapport d'information n° 666 (XIII ème législature), 30 janvier 2008.
* 30 Correspondant à des avions devant servir à la fois au transport stratégique et, grâce à leurs importants réservoirs, au ravitaillement en vol.