D. LES PROGRÈS SUBSTANTIELS EFFECTUÉS DANS LE DOMAINE DES TRANSFÈREMENTS
Depuis plusieurs années, votre rapporteur spécial appelait de ses voeux la nécessaire « remise à plat » du système des transfèrements 15 ( * ) .
Le mode de fonctionnement de ce système n'était, en effet, pas conforme à la LOLF , dès lors qu'il avait pour conséquence d'opérer un transfert indu de charges entre la mission « Justice » et la mission « Sécurité ».
Après de nombreuses années d'atermoiements, le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et le ministère de la justice et des libertés semblent toutefois désormais engagés dans un processus de régularisation de cette « anomalie » opérationnelle et budgétaire .
1. Jusqu'en 2010, une répartition complexe des tâches
Jusqu'en 2010, les principales règles de répartition des compétences en matière d'escortes et de gardes des détenus étaient complexes et, au final, elles faisaient peser une charge importante sur la police et la gendarmerie .
Les transfèrements administratifs , qui consistent en la conduite d'un détenu d'un établissement pénitentiaire à un autre, étaient réalisés par l'administration pénitentiaire . Dans des cas exceptionnels, lorsqu'un détenu était réputé dangereux, le concours des forces de l'ordre (police ou gendarmerie) pouvait être sollicité.
Les extractions consistent à conduire les détenus de l'établissement dans lequel ils sont incarcérés jusqu'au palais de justice où ils doivent être présentés ou comparaître, et à en assurer la garde.
Les translations judiciaires sont effectuées à la demande de l'autorité judiciaire. Elles résident dans le transfert des détenus d'un établissement pénitentiaire vers un autre.
Les extractions et les translations judiciaires étaient intégralement assurées par la police et la gendarmerie .
Le conseil de sécurité intérieur du 6 décembre 1999 avait, par ailleurs, décidé la prise en charge à 100 % par l'administration pénitentiaire des escortes médicales pour consultations . A l'instar des transfèrements administratifs, le concours des forces de l'ordre pouvait être sollicité lorsque le détenu extrait était réputé dangereux.
Enfin, le transport des détenus pour une hospitalisation devait être assuré par les forces de l'ordre (circulaire interministérielle du 8 avril 1963). La garde des détenus hospitalisés incombait, elle aussi, aux forces de l'ordre. Il convient, à cet égard, de noter que la création des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) avait entraîné, depuis 2000, une augmentation significative des transfèrements et des extractions.
2. Les premières avancées dans le cadre de la RGPP
Dans le cadre de la RGPP, une première avancée notable a eu lieu avec un objectif incombant à la Chancellerie de réduction du nombre de transfèrements de détenus .
Il a ainsi été décidé de mettre en place un mécanisme incitatif, basé sur une cible de réduction de 5 % du volume des transfèrements en 2009 et 2010. En cas de dépassement, des transferts budgétaires se font de la mission « Sécurité » vers la mission « Justice », et inversement en cas de sous-réalisation.
Pour 2009 et en application de cette convention, la mission « Sécurité » a versé 427 476 euros au programme 166 « Justice judiciaire » de la mission « Justice » , le ministère de la justice et des libertés ayant obtenu une baisse de 6,4 % du volume des transfèrements.
Le dispositif instauré paraissait ainsi suffisamment incitatif pour susciter une prise de conscience quant à la nécessité de réduire le nombre de transfèrements.
3. Le transfert au ministère de la justice de la responsabilité de certains transfèrements à partir de 2011
A compter du 1 er janvier 2011, la responsabilité des transfèrements des détenus entre leur cellule et les palais de justice ainsi que des missions d'escorte 16 ( * ) et de garde des détenus hospitalisés dans les UHSI sera transférée au ministère de la justice et des libertés .
Les transfèrements représentent un volume annuel de 1 200 gendarmes et policiers. Aussi, 800 emplois supplémentaires seront accordés à la Chancellerie entre 2011 et 2013 . L'escorte et la garde des détenus en UHSI représentent un volume annuel de 86 gendarmes et policiers.
Les modalités de détail de la réalisation des échanges de charges sont en cours de définition entre les deux ministères.
4. Les marges de progrès encore envisageables
En dehors des transfèrements et des gardes de détenus hospitalisés, les forces de sécurité réalisent également des présentations aux fins de prolongation et les déferrements de personnes gardées à vue .
Cette mission, prolongement naturel de l'enquête judiciaire, peut encore être rationalisée :
- en limitant le nombre de déferrements grâce à la dématérialisation des procédures (une expérimentation menée avec la gendarmerie est d'ailleurs en cours) ;
- en recourant à la visioconférence pour la présentation du gardé à vue en cas de prolongement 17 ( * ) . L'expérimentation, mise en place depuis le 1 er octobre 2007 sur décision de la DGPN et en concertation avec la Chancellerie, est toujours en cours sur 8 sites. Entre le premier octobre 2008 et le 31 juillet 2009, le gain est évalué à 1 657 heures fonctionnaires pour 522 prolongations de garde à vue.
Par ailleurs, les forces de sécurité cherchent à rationaliser les moyens mis en oeuvre pour l'ensemble des escortes de détenus :
- à la préfecture de police de Paris, l'utilisation de véhicules cellulaires 5 places prévaut désormais sur celle de véhicules 9 places afin de garantir une plus grande souplesse et rapidité dans l'organisation des conduites en maison d'arrêt. Cette mesure ne joue pas, en revanche, sur une réduction du nombre de trajets. Il est également étudié la possibilité de réduire le format des escortes des détenus dont la préfecture de police a la charge (moins de véhicules, moins de fonctionnaires) ;
- la gendarmerie nationale déploiera début 2011 l'application ESCORTE (Exécution des services commandés pour la réalisation des transfèrements et des extractions) permettant de mieux planifier les déplacements et de faciliter les regroupements de détenus au sein d'une même escorte.
Enfin, votre rapporteur spécial estime que la mobilité du magistrat , dans le respect de la procédure et des droits de la défense, peut également être envisagée. Le déplacement d'un magistrat dans un établissement pénitentiaire est en effet dans tous les cas moins coûteux que le transfèrement d'un ou plusieurs détenus.
* 15 Cf . par exemple, rapport spécial n° 101 (2009-2010), tome III - annexe 28 : « Sécurité ».
* 16 Hors le cas des détenus signalés dangereux.
* 17 Dans cette perspective, votre rapporteur spécial rappelle que l'article 706-71 du code de procédure pénale, modifié par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 dite « loi Perben II », autorise l'usage de la visioconférence en matière pénale pour l'audition ou l'interrogatoire de personnes en cours d'enquête ou d'instruction. La visioconférence peut aussi être utilisée avant la prolongation d'une garde à vue, lorsque la présentation de la personne devant le magistrat est obligatoire. La visioconférence est enfin possible dans le cadre de l'examen d'un contentieux en matière de détention provisoire, dans certaines conditions limitativement énumérées par le texte.