N° 111
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2010 |
RAPPORT GÉNÉRAL
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2011 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
Par M. Philippe MARINI,
Sénateur,
Rapporteur général.
TOME III
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
(Seconde partie de la loi de finances)
ANNEXE N° 26
SANTÉ
Rapporteur spécial : M. Jean-Jacques JÉGOU
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc , Serge Dassault, vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, MM. Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera. |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 2824, 2857, 2859 à 2865 et T.A. 555
Sénat : 110 (2010-2011)
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
1) La mission « Santé » rassemble, pour 2011, 1,22 milliard d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de crédits de paiement (CP) . Si elle regroupe désormais l'ensemble des crédits « sanitaires » du ministère chargé de la santé, son poids doit néanmoins être relativisé : les fonctions support de la mission sont portées par la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et elle demeure un budget « annexe » de la sécurité sociale. 2) Par ailleurs, l'architecture budgétaire de la mission est, une nouvelle fois, profondément remaniée . Elle ne comprendra plus désormais que deux programmes : un programme 204 élargi « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et le programme 183 « Protection maladie ». Si ce remaniement a le mérite de renforcer la lisibilité de la mission en regroupant dans un même programme l'ensemble des crédits destinés au financement des politiques de santé mises en oeuvre par les agences régionales de santé (ARS), elle se réalise cependant au prix d'une plus grande rigidité de l'architecture de la mission . 3) De façon générale, votre rapporteur spécial relève que la programmation pluriannuelle de la mission « Santé » reflète les contraintes fixées à l'ensemble du budget général de l'Etat : si les plafonds de crédits de la mission augmentent de 2 % en 2011, ils progressent de seulement 0,4 % en 2012 et diminuent de 0,2 % en 2013. Ce sont surtout les opérateurs qui subissent les objectifs d'économies du Gouvernement : leurs subventions pour charge de service public et leur plafond d'emplois sont globalement en forte diminution. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) est, de ce point de vue, frappée de plein fouet puisqu'elle ne recevra pas de subvention en 2011, 2012 et 2013. 4) Plus spécifiquement, si la forte révision à la baisse des dépenses liées à la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1)v est positif tant du point de vue de la santé publique que des finances publiques, elle n'en entraîne pas moins de nouvelles difficultés de suivi des crédits destinés à la gestion des risques sanitaires : la résiliation d'une partie des commandes de vaccins conduit en effet à « une remise à zéro des compteurs », qu'il s'agisse des dotations pour 2010 et 2011 de l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) ou de la contribution exceptionnelle des complémentaires santé aux dépenses liées à la grippe A. 5) L'année 2011 sera, en outre, marquée par la première année de plein exercice des ARS . Si votre rapporteur spécial approuve cette réforme majeure du pilotage territorial des politiques de santé, il insiste sur la nécessité de renforcer l'information sur les crédits qui leur sont destinés . La globalisation de leurs crédits d'intervention est certes la contrepartie de l'autonomie des agences. Il apparaît néanmoins indispensable de disposer, en amont, au moment de l'examen du projet de loi de finances initiale, d'une information consolidée sur les crédits destinés aux ARS et, en aval, au moment de l'examen du projet de loi de règlement, d'un suivi de la consommation de leurs crédits par grand axe de santé publique. 6) Plus ponctuellement, votre rapporteur spécial souhaite attirer l'attention sur une certaine tendance au saupoudrage des crédits de la mission, qu'il s'agisse du financement de nombreuses études, colloques ou ateliers, ou du versement de subventions à certaines associations. La pertinence de certaines de ces mesures au regard de leur coût n'est pas aisée et leur rattachement à la mission « Santé » non évident. 7) Votre rapporteur spécial salue, enfin, les efforts de revalorisation de deux principaux postes de dépenses qui ont fait, par le passé, l'objet de sous-budgétisations récurrentes : la formation médicale et l'aide médicale de l'Etat (AME) . |
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Au 10 octobre 2009, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 72 % des réponses portant sur la mission « Santé » étaient parvenues à votre rapporteur spécial. |
I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION « SANTÉ »
A. UNE ARCHITECTURE REMANIÉE QUI LAISSE DÉSORMAIS PEU DE MARGES DE MANoeUVRE AU RESPONSABLE DE PROGRAMME
1. Une architecture budgétaire certes clarifiée, mais au prix d'une plus grande rigidité
a) Une nouvelle modification de la maquette budgétaire
La mission « Santé » connaît, pour 2011, sa troisième modification de « maquette » budgétaire.
Votre rapporteur spécial rappelle, en effet, qu' en 2009, la mission avait déjà fait l'objet d'un changement conséquent de périmètre . Alors que le programme 136 « Drogue et toxicomanie » rejoignait la mission « Direction de l'action du Gouvernement », deux nouveaux programmes étaient rattachés à la mission :
- d'une part, le programme 228 « Veille et sécurité sanitaires » issu de la mission « Sécurité sanitaire ». Ce programme avait été fusionné avec l'ancien programme 204 « Santé publique et prévention » de la mission « Santé » ;
- d'autre part, le programme 183 « Protection maladie », auparavant inscrit sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
En 2010, à la suite de la mise en place des agences régionales de santé (ARS), la mission « Santé » subissait une nouvelle modification de son architecture budgétaire : le PLF pour 2010 a, en effet, prévu que l'ensemble des moyens de fonctionnement des futures ARS soient regroupés dans le programme support de la mission « Solidarité », alors qu'auparavant, les moyens de fonctionnement des agences régionales de l'hospitalisation (ARH), intégrées au sein des ARS, étaient inscrits au sein du programme 171 « Offre de soins et qualité du système de soins » de la mission « Santé ».
Pour 2011, un pas supplémentaire est franchi . L'ancien programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire » et l'ancien programme 171 « Offre de soins et qualité du système de soins » fusionnent pour créer un nouveau programme 204 élargi « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». Le programme 171 est devenu une action du nouveau programme 204, l'action 19 « Modernisation de l'offre de soins ». Cette modification fait également suite à la mise en place des ARS. En effet, le regroupement de l'ensemble des moyens de fonctionnement des ARS au sein du programme support de la mission « Solidarité » avait considérablement amoindri le poids du programme 171 qui portait auparavant les crédits des ARH.
b) Deux programmes désormais d'importance égale
La mission « Santé » ne comprendra donc plus désormais que deux programmes d'importance équivalente regroupant, pour 2011, 1,22 milliard d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de crédits de paiement (CP), répartis comme suit :
Répartition des crédits de paiement entre les deux programmes de la mission « Santé »
Source : commission des finances
c) Une plus grande rigidité
Si la fusion des programmes 204 et 171 a le mérite de renforcer la lisibilité de la mission en regroupant dans une même action l'ensemble des crédits destinés au financement des politiques de santé mises en oeuvre par les ARS, elle se réalise cependant au prix d'une plus grande rigidité de l'architecture de la mission.
En effet, le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » est désormais composé à 90 % de subventions pour charge de service public et autres transferts destinés aux vingt-six ARS et aux onze opérateurs de la mission :
- l'agence de biomédecine (ABM) ;
- le GIP Addictions drogues alcool info service (GIP ADALIS) ;
- l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) ;
- l'agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) ;
- l'agence technique de l'information et de l'hospitalisation (ATIH) ;
- le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) ;
- l'école des hautes études en santé publique (EHESP) ;
- l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) ;
- l'institut national du cancer (INCa) ;
- l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) ;
- l'institut de veille sanitaire (INVS).
Quant au programme 183 « Protection maladie » , les marges de manoeuvre du responsable de programme sont également étroites puisqu'il regroupe des crédits « contraints » : les dotations destinées à l'aide médicale de l'Etat (AME) et celles au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). La subvention de l'Etat au fonds « CMU-c », également inscrite au sein du programme 183, est, une nouvelle fois, nulle pour 2011, les contributions des complémentaires santé étant suffisantes pour garantir l'équilibre du fonds (cf. infra ).
2. Une mission au périmètre étroit
Par ailleurs, si la mission « Santé » regroupe désormais l'ensemble des crédits « sanitaires » du ministère chargé de la santé, son périmètre demeure étroit. Deux éléments amènent en effet à relativiser son poids : d'une part, les fonctions support de la mission sont portées par une autre mission budgétaire, d'autre part, la mission « Santé » demeure un budget « annexe » de la sécurité sociale.
a) Une mission qui ne comprend toujours pas de crédits de personnel
Suite aux changements de périmètre intervenus en 2009, la mission « Santé » couvre désormais l'ensemble des crédits « sanitaires » relevant du ministre chargé de la santé.
Cependant, elle ne comprend toujours pas de programme support . En particulier, les crédits de rémunération des personnels concourant à la mise en oeuvre des différents programmes de la mission « Santé » sont regroupés au sein du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Cet aspect est accentué depuis 2010, dans la mesure où - comme cela a déjà été indiqué - l'ensemble des moyens de fonctionnement des ARS sont maintenant regroupés au sein du programme support précité de la mission « Solidarité ».
Les schémas de déversement analytique présentés dans le projet annuel de performances pour 2011 font ainsi apparaître une contribution globale du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » de 107,6 millions d'euros aux actions menées dans le cadre de la mission « Santé ».
b) Une mission qui reste de très faible ampleur par rapport aux crédits inscrits en projet de loi de financement de la sécurité sociale
La mission « Santé » est, enfin, marginale par rapport aux actions menées par la sécurité sociale, l'Etat n'intervenant que pour moins de 1 % du total des dépenses effectuées au titre de l'offre de soins.
Cependant, l'imbrication entre le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et l'assurance maladie est étroite , comme en témoigne le financement des dépenses liées à la grippe A(H1N1)v, question que votre rapporteur spécial abordera dans la suite du présent rapport.
Enfin, il est à rappeler que certains opérateurs de la mission sont subventionnés par l'assurance maladie parallèlement au financement accordé par l'Etat . C'est notamment le cas de l'ABM, de l'INPES, de l'EPRUS, de l'ATIH, de la HAS et du CNG. Dans le cas de l'ATIH et de la HAS, c'est la subvention de l'Etat qui détermine la dotation versée par l'assurance maladie, suivant un rapport de 1/3 Etat - 2/3 assurance maladie, dans le premier cas, et un rapport de 1 Etat - 2 assurance maladie, dans le second. S'agissant de l'EPRUS, la contribution à la charge des régimes obligatoires de base de l'assurance maladie est plafonnée à 50 % des dépenses de l'établissement constatées sur trois exercices consécutifs, au titre des produits de santé.
3. Une mission symptomatique des limites de la LOLF ?
A la veille du dixième anniversaire de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), votre rapporteur spécial s'interroge sur ces modifications successives de la maquette budgétaire de la mission « Santé ». Ces changements ne sont-ils pas en quelque sorte symptomatiques de certaines faiblesses de la LOLF, qu'il s'agisse de l'échec de l'interministérialité budgétaire ou des faibles marges de manoeuvre des responsables de programme ?
a) Un échec des missions interministérielles ?
En premier lieu, votre rapporteur spécial rappelle que l'architecture de la mission « Santé » est issue, pour partie, de la suppression de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire » .
La mission « Sécurité sanitaire » était, en effet, composée de deux programmes :
- le programme 228 « Veille et sécurité sanitaires » relatif à la santé humaine et placé sous la responsabilité du ministère chargé de la santé ;
- le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » relatif à la santé animale et placé sous la responsabilité du ministère chargé de l'agriculture.
La mission « Sécurité sanitaire » a disparu de la maquette budgétaire du PLF pour 2009, les deux programmes rejoignant respectivement la mission « Santé » et la mission « Agriculture ».
La suppression de la mission « Sécurité sanitaire » , qui faisait pourtant sens à son origine compte tenu des liens étroits entre la santé humaine et la santé animale, était la conséquence de l'échec de l'interministérialité budgétaire de cette mission : les deux programmes constituant la mission étaient totalement indépendants l'un de l'autre et ne faisaient pas l'objet d'une réelle concertation entre responsables de programme au moment de l'élaboration du projet de loi de finances.
Cette suppression, alors justifiée par la nécessité d'une cohésion entre structures administratives et unités budgétaires, a constitué, pour votre rapporteur spécial, un premier recul au regard des objectifs de la LOLF, dont la finalité était inverse : inciter à une refonte de l'organisation administrative de l'Etat par l'introduction d'unités budgétaires fondées sur la finalité des politiques publiques.
b) Les faibles marges de manoeuvre des responsables de programme
Enfin, le rattachement des crédits de personnel et de fonctionnement courant de la mission « Santé » à une autre mission budgétaire, ainsi que la désormais forte rigidité de l'architecture budgétaire de la mission, sont également assez éloignés de l'esprit de la LOLF.
Ces deux éléments ôtent toute marge de manoeuvre au Parlement s'agissant des moyens affectés à la politique publique de santé et de sécurité sanitaire, ainsi que tous moyens d'arbitrage au responsable de programme pour le pilotage des programmes de la mission dans une logique de performance.