II. FAUT-IL LÉGIFÉRER À NOUVEAU ?
Déposée moins de deux ans après l'adoption définitive de la loi du 17 décembre 2007, la proposition de loi présentée par notre collègue Hervé Maurey comporte deux parties bien distinctes. D'une part, elle renforce les obligations d'information et de recherche des assureurs en matière d'assurance sur la vie. D'autre part, elle modifie les conséquences de l'acceptation de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie.
A. LE RENFORCEMENT DES OBLIGATIONS DES ASSUREURS
Le renforcement des obligations de recherche et d'information des assureurs est double : obligations de recherche de l'assuré ou du bénéficiaire et information générale sur les contrats supposés non réclamés.
Tel qu'il résulte de la proposition de loi, ce renforcement repose exclusivement sur l'absence à trois reprises consécutives de renvoi d'un accusé de réception au courrier annuel d'information envoyé au souscripteur par l'assureur en application de l'article L. 132-22 du code des assurances ou de l'article L. 223-21 du code de la mutualité. Or, cette absence d'accusé de réception peut être analysée au moins autant comme le signe de la négligence du souscripteur que comme l'indice de son décès.
En outre, il convient de relever que la proposition de loi confond souscripteur et assuré, alors que, dans certains cas, il ne s'agit pas de la même personne. En effet, l'article L. 132-2 autorise un tiers à contracter une assurance en cas de décès de l'assuré, sous réserve du consentement écrit de l'assuré. Dans pareil cas, la proposition ne s'avèrerait guère opérante.
En cas d'absence d'accusé de réception à trois reprises, l'assureur serait tenu de vérifier si l'assuré est décédé, afin de pouvoir procéder au versement du capital ou de la rente au bénéficiaire si l'assuré est décédé. Mais si l'assuré n'était pas décédé, en cas de nouvelle absence d'accusé à trois reprises, l'assureur serait tenu de procéder à la recherche du bénéficiaire, auquel il ne pourrait en tout état de cause rien verser. Votre rapporteur s'est interrogé sur la motivation de cette obligation en cas de vie de l'assuré.
De plus, la proposition de loi permet que le coût des recherches du bénéficiaire ainsi que de l'éventuel décès de l'assuré, actuellement mutualisé entre tous les contrats, vienne en déduction du capital ou de la rente versés au bénéficiaire. Votre rapporteur a observé que cette faculté n'était pas demandée par les professionnels concernés et qu'elle devait entrer dans le risque de gestion de l'assureur, le bénéficiaire n'étant aucunement responsable des sommes exposées par celui-ci pour le rechercher.
Enfin, la proposition de loi prévoit une obligation de transparence sur les contrats supposés non réclamés, chaque assureur étant tenu d'annexer à ses comptes annuels un état récapitulant le nombre et l'encours des contrats pour lesquels l'assuré est âgé de plus de 90 ans et n'a pas accusé réception à trois reprises consécutives et dont la provision mathématique est supérieure à 2 000 euros. Ces critères, reprenant ceux des engagements déontologiques des assureurs pris après l'adoption de la loi du 17 décembre 2007, ne sauraient recouvrir qu'assez imparfaitement la notion de contrats non réclamés : l'assuré peut décéder avant 90 ans ou, après 90 ans, ne pas accuser réception sans pour autant être décédé.
Cet état récapitulatif doit également indiquer le montant des sommes versées grâce aux recherches effectuées au répertoire national d'identification des personnes physiques. Il doit être transmis à l'Autorité de contrôle prudentiel, nouvelle autorité de tutelle des entreprises de l'assurance.
B. LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE PROFESSION AGRÉÉE
Incidemment, le texte propose la création d'une nouvelle profession agréée dans le domaine spécifique de la recherche des bénéficiaires disparus des contrats d'assurance sur la vie, qui pourrait justifier un coût particulier susceptible d'être imputé sur les sommes versées au bénéficiaire.
Certes, de nombreux prestataires proposent leurs services aux sociétés d'assurance en vue de les aider à retrouver des assurés ou bénéficiaires dont elles ont perdu la trace. Ces prestataires ne présentent pas nécessairement tous les mêmes qualités de sérieux et de rigueur.
Aussi la proposition de loi envisage-t-elle, pour sécuriser l'activité de ces prestataires et garantir leur compétence auprès des organismes qui auraient recours à leurs services, qu'ils se voient délivrer un agrément par le ministre chargé de l'économie, lorsqu'ils interviennent dans la recherche du bénéficiaire d'un contrat lorsque l'assureur est informé du décès de l'assuré.
En professionnalisant et sélectionnant les sociétés rendant ce type de prestation, la proposition de loi serait de nature à rendre plus efficaces les opérations de recherche complexe d'un bénéficiaire que l'assureur n'est pas en mesure de retrouver. Ces sociétés deviendraient des partenaires plus fiables et efficaces des assureurs.
Votre commission s'est néanmoins interrogée sur l'opportunité et la pertinence de créer un agrément professionnel pour une telle activité, dont on peut considérer que les assureurs la connaissent et la pratiquent déjà.
C. LA RÉVOCABILITÉ DE L'ACCEPTATION PAR LE BÉNÉFICIAIRE
La proposition de loi vise à rendre la clause bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie librement révocable par le souscripteur, la modification de cette clause faisant simplement l'objet d'une information du bénéficiaire. De la sorte, le souscripteur conserve l'entière disponibilité des fonds versés au contrat, y compris après l'acceptation.
Ainsi, le souscripteur pourrait unilatéralement décider de changer le bénéficiaire, à tout moment, ce qui constituerait une rupture avec le principe de la stipulation pour autrui. Le souscripteur peut aussi exercer à tout moment sa faculté de rachat total ou bien partiel sous forme d'avance, en informant préalablement le bénéficiaire. L'acceptation par le bénéficiaire deviendrait sans valeur.
Il est nécessaire de souligner que le régime juridique et fiscal de l'assurance sur la vie repose sur le principe de la stipulation pour autrui, c'est-à-dire sur le caractère irrévocable de l'acceptation par le bénéficiaire. Rompre avec ce mécanisme peut conduire à un risque de requalification civile et fiscale du contrat d'assurance sur la vie en simple contrat d'épargne.