TRAVAUX DE LA COMMISSION

Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés

Réunie le mercredi 14 octobre 2009, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l' audition de Mme Michèle Alliot-Marie , ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés , sur le projet de loi de finances pour 2010.

M. Jean Arthuis , président , a indiqué que cette audition s'inscrit dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2010.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés , a rappelé que le budget de la justice pour 2010 s'insère dans la programmation triennale couvrant la période 2009-2011. Elle a insisté sur les attentes des citoyens envers une justice moderne, fidèle aux grands principes républicains et en phase avec la société du XXIe siècle. Elle a souligné son souci de rendre la justice plus réactive, plus rapide, plus efficace et plus transparente.

Elle a annoncé une hausse de 3,42 % du budget de la mission « Justice » ainsi que 1.113 emplois supplémentaires. Dans un contexte budgétaire tendu, elle s'est félicitée de l'importance accordée par le Gouvernement à la modernisation de l'institution judiciaire.

Elle a présenté l'application de la loi pénitentiaire, en cours de promulgation, comme l'une des priorités au sein de la mission « Justice » en 2010. Cette loi prévoit notamment l'augmentation du nombre de places dans les établissements pénitentiaires avec la création de 2.323 places supplémentaires, un recours accru au système du bracelet électronique et le développement des peines alternatives. Elle a indiqué que, pour atteindre ces objectifs, une enveloppe de 153 millions d'euros est budgétée en 2010.

Elle a considéré que l'amélioration de la gestion des prisons passe par un recentrage de chacune des catégories de fonctionnaires de l'administration pénitentiaire sur son coeur de métier, ainsi que par une réflexion pragmatique sur l'externalisation de certaines fonctions logistiques. Sur ce dernier point, elle a annoncé que l'administration pénitentiaire est en train de notifier un marché par lots régionaux.

Mme Michèle Alliot-Marie a rappelé que le recours au bracelet électronique s'inscrit dans le cadre de la politique d'aménagement des peines et de prévention de la récidive en fin de peine. Elle a regretté que 30.000 peines prononcées ne soient pas exécutées et a jugé que cette situation pose le problème de la crédibilité de la justice en annihilant l'effet pédagogique de la peine ainsi que sa valeur d'exemple. Elle a indiqué que 22 millions d'euros sont prévus dans le budget de la mission pour 2010 afin de porter le nombre de bracelets électroniques à 7.000 à la fin de l'année, soit un doublement par rapport au début de l'exercice 2009.

Elle a jugé que la réforme de la carte judiciaire représente le second objectif prioritaire pour 2010. A cet égard, elle a annoncé que 286 tribunaux et greffes détachés seront fermés au cours de l'année à venir et que 100 millions d'euros en autorisations d'engagement, ainsi que 30 millions d'euros en crédit de paiement, sont budgétés en loi de finances pour 2010 à cet effet. Elle a ajouté que cette enveloppe sera par ailleurs abondée par une dotation en provenance du compte d'affectation spécial (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».

Elle a précisé que 4 millions d'euros ont été prévus pour l'indemnisation des avocats en 2009, mais qu'une part importante de ces crédits n'ont pas encore été consommés. Ces crédits seront reportés en 2010 et viendront compléter une nouvelle dotation s'élevant à 7 millions d'euros.

Concernant la réforme de la profession des avoués, elle a insisté sur la volonté d'intégrer les salariés de ces cabinets au sein des juridictions, où 380 emplois de catégorie A, B et C leur ont été réservés. Grâce à un financement via un prélèvement sur taxe, les avoués abandonnant leurs charges pourront être indemnisés à hauteur de 100 %.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué qu'au-delà de ces priorités budgétaires des contraintes fortes pèseront sur la mission « Justice » en 2010.

S'agissant des frais de justice, elle a rappelé le caractère indispensable des dépenses qu'ils financent pour offrir une justice moderne, efficace et rapide. Elle a jugé que certaines expertises ainsi que les analyses génétiques sont destinées à se généraliser, y compris pour les délits les plus courants. Elle a insisté sur les négociations menées par la Chancellerie avec les opérateurs de télécommunication et les laboratoires d'analyse génétique afin de bénéficier de meilleurs tarifs.

M. Jean Arthuis , président , a rappelé que la gestion de ces frais n'a pas été optimale par le passé.

Mme Michèle Alliot-Marie a souligné le coût élevé des interceptions téléphoniques, l'inefficience des applications informatiques du ministère et le manque de managers en juridiction et au sein de l'administration centrale. Elle a fait part de son souhait de tirer pleinement profit des innovations portées par les nouvelles technologies de l'information, ainsi que de former les agents à leur utilisation.

Elle s'est inquiétée de l'augmentation de 20 % des frais de justice en matière de justice commerciale et a annoncé un décret, en cours de rédaction, en vue de mieux réglementer ce poste de dépense. Elle a également jugé nécessaire une meilleure maîtrise des frais postaux et une plus large mutualisation des moyens.

Concernant l'aide juridictionnelle, Mme Michèle Alliot-Marie a rappelé le caractère indispensable de cette aide afin de permettre l'accès au droit à tous. Elle a indiqué que la Chancellerie travaille sur de futures propositions dans ce domaine, en s'appuyant sur les conclusions du rapport n° 23 (2007-2008) de M. Roland du Luart « L'aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle ». En particulier, le développement de l'assurance de protection juridique pourrait être envisagé.

Elle a par ailleurs estimé que les frais de fonctionnement des juridictions peuvent être réduits par la recherche d'une plus grande efficacité et d'un meilleur service rendu, grâce à certaines applications informatiques telles que Cassiopée, Chorus ou Harmonie.

M. Roland du Luart , rapporteur spécial , s'est félicité d'une reprise en main du ministère de la justice dans le sens d'une plus grande rigueur gestionnaire. Il a rappelé qu'au cours des derniers exercices budgétaires, la dynamique des frais de justice a paru maîtrisée, notamment en matière pénale. Il a toutefois fait part de l'inquiétude manifestée par de nombreuses juridictions au regard du paiement de ces dépenses au cours des derniers mois. Il s'est donc inquiété du retour à un dérapage des frais de justice et s'est interrogé sur le montant de l'enveloppe budgétaire prévue pour les couvrir en 2010.

Après avoir rappelé qu'il n'est pas favorable au principe de l'encellulement individuel, il a estimé que la présence de détenus souffrant de troubles psychiatriques contribue fortement à la surpopulation carcérale. A ce sujet, il a insisté sur l'importance de la concertation avec le ministère de la santé et des sports, et sur l'attribution de moyens financiers suffisants pour sortir de cette situation.

Il a par ailleurs réaffirmé la nécessité d'évaluer en amont l'impact budgétaire de toute nouvelle réforme. A cet égard, il s'est interrogé sur la suppression éventuelle du juge d'instruction et sur ses conséquences en matière de frais de justice et d'aide juridictionnelle notamment.

Il a enfin souhaité connaître la date prévue pour l'inauguration de la nouvelle maison d'arrêt du Mans.

Mme Michèle Alliot-Marie a reconnu une augmentation des frais de justice en 2009 à hauteur de 9 %, et même de 11 % pour les seuls frais de justice en matière pénale. Cette hausse substantielle s'explique par l'accroissement du nombre des affaires ainsi que par des demandes d'expertises et d'interprétariat en forte hausse. Elle tient en outre aux effets automatiques résultant de la revalorisation des tarifs médicaux et à des résultats encore insuffisants dans le domaine des négociations concernant la facturation des interceptions téléphoniques et les frais postaux.

Elle a jugé nécessaire d'engager une réflexion sur la déjuridictionnalisation et la dépénalisation de certaines affaires. En matière pénale, le plaider coupable permet par exemple d'éviter de s'engager dans une procédure lourde engendrant de longs délais.

S'agissant des cas de psychiatrie en milieu pénitentiaire, elle a rappelé que depuis la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, l'organisation et la mise en oeuvre de la prise en charge sanitaire des personnes détenues relèvent du ministère de la santé. Elle a indiqué qu'au moins 20 % des détenus souffrent de troubles psychiatriques et que 2.300 d'entre eux sont affectés dans des structures spécialisées. Tout en regrettant le manque de personnel sanitaire dans les établissements pénitentiaires, elle a souligné que la loi n° 2002-1138 du 9 décembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) a prévu la mise en place d'unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour l'hospitalisation complète des personnes détenues atteintes de troubles mentaux. Dans cette perspective, elle a annoncé que la première de ces unités sera livrée en 2010 à Lyon et que 5 autres le seront en 2011 à Paris, Toulouse, Bordeaux, Rennes et Nancy. Le coût de ces unités s'élève à 12,5 millions d'euros pour 40 places, hors frais de sécurisation.

Mme Michèle Alliot-Marie a reconnu que le rapport Léger envisageant la suppression du juge d'instruction ne comporte aucune évaluation de l'impact budgétaire de cette mesure. Elle a indiqué que plusieurs groupes pluridisciplinaires travaillent actuellement sur cette suppression éventuelle et qu'un projet de loi sera présenté au Parlement d'ici à la fin du mois de janvier 2010. Elle a précisé que, dans cette hypothèse, le juge d'instruction serait remplacé par un juge de l'enquête et des libertés disposant de pouvoirs étendus en matière de garde à vue, de classement des enquêtes et d'écoutes téléphoniques notamment. Elle a ajouté que cette réforme ne déboucherait probablement sur aucune suppression d'emploi et nécessiterait peut être même quelques créations, l'objectif poursuivi étant une meilleure répartition des compétences au sein de l'institution judiciaire. Elle s'est engagée à faire procéder à une étude d'impact budgétaire dans le cadre de cette réforme le moment venu.

S'agissant de la date d'inauguration de la maison d'arrêt du Mans, elle a affirmé que son choix dépend du Premier ministre.

M. Éric Doligé a souhaité savoir si les créations de places annoncées dans les établissements pénitentiaires s'inscrivent dans le cadre du programme « 13.200 places » et si cet effort sera suffisant dans le contexte de surpopulation carcérale. Il a considéré que beaucoup de partenariats public-privé (PPP) sont conduits par le ministère de la justice et a demandé un échéancier permettant de suivre ces différentes programmations. Il s'est interrogé sur le coût d'un bracelet électronique et sur le taux d'exécution des peines de moins de deux ans.

Il a considéré qu'un recentrage des personnels en juridiction sur leur coeur de métier est nécessaire et que les magistrats doivent accepter de ne pas gérer eux-mêmes l'institution judiciaire. Il a enfin souhaité connaître ce que recouvre la notion de logistique au sein de la mission « Justice ».

M. Yann Gaillard s'est interrogé sur le degré d'indépendance des magistrats du Parquet et sur la suppression du juge d'instruction.

M. Jean-Pierre Fourcade a rappelé que le rôle des greffiers au Québec se limite à l'établissement des actes et au suivi des procédures et ne s'étend pas à la gestion des juridictions. Il a souhaité savoir si une réflexion est menée dans ce domaine en France. Il s'est étonné que, dans le cadre du plan de relance, les crédits consacrés à l'administration pénitentiaire soient d'un faible montant.

M. Jean Arthuis , président , s'est interrogé sur les dispositions prévues en 2009 pour faire face à la recrudescence des suicides en prison. Rappelant que les transfèrements de détenus mobilisent des effectifs importants de gendarmes et de policiers, il a souhaité connaître le chiffrage exact des emplois ainsi occupés.

Mme Michèle Alliot-Marie a affirmé qu'au terme de la programmation « 13.200 places », à la fin de l'année 2012, il y aura 63.000 places ouvertes dans les établissements pénitentiaires. A cet égard, elle a rappelé que la France compte actuellement 61.000 détenus et que seules les personnes condamnées à de longues peines en maison centrale bénéficient aujourd'hui de cellules individuelles. Elle a ajouté que le Président de la République s'est engagé, au-delà de cette programmation, sur la création de 5.000 places supplémentaires, ce qui permettra de se rapprocher du principe de l'encellulement individuel.

Elle s'est engagée à transmettre à la commission des finances du Sénat un échéancier des PPP conduits par le ministère de la justice.

Elle a précisé que le coût du bracelet électronique réside essentiellement dans son système de surveillance de type GPS. En matière d'exécution des peines, elle a rappelé que le juge peut décider d'une peine alternative à l'emprisonnement, grâce notamment à ce bracelet, dans le cas des courtes peines. Elle a regretté que la question de la non exécution des peines concerne aussi bien les courtes peines que les longues peines. Elle a estimé que dans ce domaine, l'objectif doit être un taux d'exécution des peines de 100 % dans un délai de trois à cinq ans.

Mme Michèle Alliot-Marie a observé une prise de conscience de la part des magistrats de la nécessité de mieux mettre en correspondance, dans les juridictions, les compétences en gestion et les postes occupés. Elle a insisté sur la nécessité de pouvoir notamment s'appuyer sur, d'une part, des personnels administratifs et, d'autre part, des personnels spécialement formés à l'informatique.

Elle a précisé que la notion de logistique au sein de l'institution judiciaire renvoie à des missions telles que le nettoyage des locaux, l'alimentation des détenus ou l'accueil des familles par exemple. Elle a rappelé que la construction des nouveaux établissements pénitentiaires s'appuie sur des PPP et que ce type de montage financier peut également s'étendre à la construction de nouveaux tribunaux.

Elle a insisté sur l'autonomie des magistrats du Parquet, même s'ils peuvent recevoir des instructions écrites et motivées.

Concernant les missions confiées aux greffiers en juridiction, elle a souligné que celles-ci doivent être enrichies et ne pas renvoyer à des tâches informatiques pour lesquelles ces personnels ne sont pas formés.

Elle a précisé que le plan de relance concerne des crédits dits « d'avenir » et que la construction de nouvelles prisons ne peut pas rentrer dans cette définition. Elle a toutefois ajouté que les 5.000 places supplémentaires annoncées par le Président de la République sont d'ores et déjà budgétées.

M. Jean Arthuis , président , s'est interrogé sur le travail en prison.

Mme Michèle Alliot-Marie a considéré que les possibilités de travailler en prison sont insuffisantes et doivent être étendues. Elle a cité par exemple le cas de centres d'appel ou d'activités de nettoyage des bois et des rivières.

Elle a reconnu que le taux de suicide dans les prisons françaises est élevé, mais pas supérieur à la moyenne européenne. Les suicides en prison s'expliquent notamment par des problèmes d'alcoolémie ou de toxicomanie, ainsi que par une insuffisante préparation à la sortie. Dans cette mesure, elle a estimé indispensable d'accorder toute l'attention nécessaire aux aménagements de peine, à l'activité en prison et au respect de la dignité humaine.

S'agissant des transfèrements de détenus, elle a rappelé les progrès de la visioconférence dans les établissements pénitentiaires et les juridictions. Elle a indiqué que ces progrès seront à l'origine d'une réduction attendue de 5 % du nombre de transfèrements. Elle a affirmé travailler en collaboration avec le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur cette question, notamment en vue de la réduction des gardes de dépôts et de juridictions.

M. Jean Arthuis , président , a suggéré la mise en oeuvre d'un système de facturation à terme entre les deux ministères s'agissant des charges de transfèrements.

Mme Michèle Alliot-Marie a jugé cette piste de réflexion intéressante.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 18 novembre 2009, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Roland du Luart , rapporteur spécial, sur la mission « Justice ».

M. Roland du Luart , rapporteur spécial , a tout d'abord indiqué que la mission « Justice » est dotée, dans le projet de loi de finances pour 2010, de 6,859 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 3,4 %. Il a souligné que, dans un contexte budgétaire globalement tendu, cette progression des crédits illustre l'importance attachée à la justice et la priorité accordée à ses moyens, et cela depuis plusieurs années.

Il a rappelé que, depuis 2009, cette mission est composée de six programmes. Le programme « Justice judiciaire » compte 2,838 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une légère hausse de 0,6 %. Son plafond d'emplois progresse de 358 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT) et se fixe à 29 653 ETPT, cet accroissement profitant largement aux effectifs de magistrats (+ 386 ETPT).

M. Roland du Luart , rapporteur spécial , s'est félicité de ces moyens humains supplémentaires qui visent à mieux répondre au besoin de justice exprimé par l'ensemble des concitoyens. Toutefois, cet effort n'a de sens que s'il s'accompagne d'un effort encore plus important en faveur des greffiers, afin de ramener le ratio entre le nombre de fonctionnaires et celui de magistrats (actuellement égal à 2,46) à un niveau plus satisfaisant.

Il a ajouté que, en 2010, l'un des principaux enjeux du programme « Justice judiciaire » renvoie à la poursuite de la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire, le coût de cette réforme étant estimé à 427 millions d'euros sur cinq ans. A cet égard, il a apprécié la stabilité de cette estimation entre l'examen du projet de loi de finances pour 2009 et aujourd'hui. Il a souligné que, l'année prochaine, 104,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 53,5 millions d'euros en crédits de paiement viendraient financer cette réforme. A ces crédits s'ajoute une mobilisation du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » à hauteur de 15 millions d'euros en crédits de paiement. Ces montants s'entendent néanmoins hors transfert du tribunal de grande instance (TGI) de Paris, dont l'implantation définitive sera située sur le site des Batignolles dans le 17 ème arrondissement de Paris et dont le coût estimé oscille entre 800 millions et 1 milliard d'euros.

M. Roland du Luart , rapporteur spécial , a observé que le budget du programme « Justice judiciaire » anticipe sur le projet de loi portant fusion des professions d'avocat et d'avoué près les cours d'appel. En réponse à la suppression de l'obligation de recourir à un avoué à compter du 1 er janvier 2011, 190 ETPT seront créés à mi-année 2010, permettant le recrutement de 380 personnes dans les greffes des juridictions. Ainsi, ce sont 19 assistants, 139 greffiers et 222 adjoints administratifs qui seront recrutés, principalement parmi les salariés des offices d'avoués.

Enfin, il a souligné une recrudescence inquiétante du montant des frais de justice. Au rythme actuel de consommation, l'autorisation initiale de crédits pourrait être dépassée de 31 millions d'euros à la fin de l'année. Or, pour 2010, l'enveloppe allouée à ces frais s'élève à 395 millions d'euros, soit un niveau inférieur à celui, déjà probablement insuffisant, de 2009. M. Roland du Luart , rapporteur spécial , s'est donc interrogé sur la sincérité du budget prévu pour le programme « Justice judiciaire » et a proposé un amendement visant à mieux garantir ce principe en 2010.

Il a indiqué que le programme « Administration pénitentiaire » comporte 2,699 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une progression importante de 9,7 %. Ses effectifs enregistrent, en 2010, un nouvel accroissement de 840 ETPT, cette augmentation permettant notamment de répondre à l'ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires.

A cet égard, M. Roland du Luart , rapporteur spécial , s'est inquiété de la surpopulation carcérale dans les onze établissements ou quartiers d'établissements dont la densité reste supérieure à 200 % dans lesquels se trouvent actuellement 2 060 détenus. Il a relevé que, à l'issue du programme dit « 13 200 » de construction et de rénovation d'établissements pénitentiaires, le nombre de places de détention s'élèvera à 64 000, cette augmentation devant être mise en perspective avec le scénario moyen d'évolution de la population pénale évaluée à 75 000 personnes écrouées en 2012.

Il a indiqué qu'un nouveau plan de création de 11 000 places est d'ores et déjà projeté et que, par ailleurs, 5 000 nouvelles places ont été annoncées par le Président de la République.

Il a constaté que, outre la construction et la rénovation d'établissements pénitentiaires, l'accent mis sur le développement des aménagements de peines et des alternatives à l'incarcération explique également l'amélioration du taux d'occupation des établissements, citant notamment le financement de 7 000 bracelets électroniques prévu dans le budget pour 2010.

Il s'est étonné que, bien que ce bracelet se révèle très efficace dans la lutte contre la récidive des délinquants sexuels, une trentaine de placements sous surveillance électronique mobile (PSEM) seulement soient actuellement ordonnés.

En outre, il a souligné la pénurie de psychiatres intervenant en milieu carcéral, pénurie d'autant plus préjudiciable qu'environ 20 % à 25 % des détenus souffrent de troubles psychiatriques.

Concernant le programme « Protection judiciaire de la jeunesse », M. Roland du Luart , rapporteur spécial , a indiqué qu'il s'appuie sur une enveloppe de 776,8 millions d'euros en crédits de paiement, en légère baisse de 0,9 %. Il a rappelé que, depuis 2009, ce programme est marqué par un recentrage sur la prise en charge des mineurs délinquants, qui représente 71 % de ses crédits de paiement. Les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) s'élèvent à 8 618 ETPT, en baisse de 333 ETPT par rapport à 2009.

Au titre de la performance de ce programme, il a relevé une amélioration sensible des taux d'occupation des établissements. Ce taux passe, par exemple, pour les centres éducatifs fermés, de 73 % en 2008 à 74 % en 2009, avec une cible de 80 % en 2011.

Il a rappelé le coût de 637 euros d'une journée en centre éducatif fermé. Ce coût, bien que relativement élevé, doit toutefois être remis en perspective avec la montée en charge progressive de ce dispositif et des charges fixes qui pourront être « lissées » dans les années à venir.

Il a souligné que, au total, l'action de la PJJ débouche sur un résultat encourageant : 64 % des jeunes pris en charge au pénal n'ont ni récidivé, ni fait l'objet de nouvelles poursuites dans l'année qui a suivi la clôture de la mesure.

M. Roland du Luart , rapporteur spécial , a indiqué que les moyens du programme « Accès au droit et à la justice » diminuent de 7,2 % en crédits de paiement, en passant de 317,9  millions à 295 millions d'euros. Il a noté que l'aide juridictionnelle (AJ), notamment, voit passer sa dotation de 297,8 millions d'euros en 2009 à 275 millions d'euros. Cette baisse de 7,6 % doit toutefois être relativisée, dans la mesure où elle se fonde sur un rétablissement de crédits à hauteur de 24 millions d'euros au titre du recouvrement de l'AJ.

Il a déploré que ce taux de recouvrement reste faible, avec un objectif de 11 % en cible pour 2010 et que, par ailleurs, le nombre d'admissions à l'aide continue de progresser : 935 000 bénéficiaires en prévision pour 2010.

Il a estimé que, dans un tel contexte, la réforme de l'aide juridictionnelle ne peut plus guère être différée.

Il a indiqué que le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » comporte 244,1 millions d'euros de crédits de paiement, en progression de 3 % par rapport à 2009. Ce programme peut être considéré comme le programme de soutien à l'action du ministère de la justice et des libertés. Il présente comme principal enjeu la poursuite des efforts en faveur du développement des applications informatiques de la justice : le budget de cette action est doté de 86,2 millions d'euros en crédits de paiement.

Dans cette perspective, il s'est félicité de l'aboutissement, prévu pour 2010, du déploiement de l'application Cassiopée, qui procède à la dématérialisation de la chaîne pénale.

En revanche, il a déploré que les indicateurs de retard et de coût pour les opérations immobilières conduites par le ministère n'enregistrent aucune amélioration significative alors que des progrès sont nécessaires.

Enfin, il a rappelé que le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice (hors Chorus) » est un programme résiduel, à vocation transitoire, ne permettant que la gestion des dépenses déconcentrées d'action sociale et de fonctionnement des magistrats de liaison à l'étranger.

En conclusion, M. Roland du Luart , rapporteur spécial , a proposé l'adoption des crédits de la mission « Justice », modifiés par un amendement.

En effet, il a rappelé que l'enveloppe allouée au titre des frais de justice pour l'exercice 2009 s'élève à 409 millions d'euros mais que 364,6 millions d'euros ont déjà été consommés au 25 octobre 2009. A ce rythme de consommation, le montant total des frais de justice à supporter en 2009 pourrait dépasser l'autorisation initiale de 31 millions d'euros. L'année 2009 s'est d'ailleurs d'ores et déjà caractérisée par des difficultés de paiement, par exemple dans les cours d'appel de Versailles et d'Angers.

Il a souligné que, pour 2010, l'enveloppe allouée au titre des frais de justice s'élève à 395 millions d'euros et que, paradoxalement, alors que l'année en cours enregistre une reprise de la dynamique à la hausse de ces frais, cette enveloppe est inférieure à celle prévue pour 2009. Il a estimé que le phénomène de déstockage des mémoires observé en 2009 ne devrait pas s'interrompre brutalement en 2010, mais, au contraire, se poursuivre. De même, l'augmentation du nombre de procédures pénales et la diversification des possibilités offertes par les nouvelles technologies, au service de la recherche de la preuve, représentent des tendances de fond qui feront très vraisemblablement sentir leurs effets au-delà du seul exercice 2009.

Au total, il a douté de la sincérité du budget proposé pour le programme « Justice judiciaire » et a donc proposé un amendement qui vise à abonder de 30 millions d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, l'action n° 2 « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales » de ce programme.

Il a ajouté que, en contrepartie, cet amendement minore de 7,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement :

- l'action n° 1 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » du programme « Administration pénitentiaire » ;

- l'action n° 1 « Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants » du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » ;

- l'action n° 1 « Aide juridictionnelle » du programme « Accès au droit et à la justice ». Sur cette action, la minoration de crédits pourra être compensée par un meilleur taux de recouvrement de l'aide juridictionnelle, celui-ci n'étant prévu pour 2010 qu'à hauteur de 11 % ;

- l'action n° 9 « Action informatique ministérielle » du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice ».

Un large débat s'est ensuite instauré.

M. Yann Gaillard s'est interrogé sur le bilan de la réforme de la carte judiciaire, ainsi que sur la suppression du juge d'instruction.

M. Roland du Luart , rapporteur spécial , a considéré que la réforme de la carte judiciaire avait été réussie et que le coût de cette opération est maîtrisé. Il a ajouté que la prochaine étape consistera en une optimisation des moyens mis à disposition des juridictions. Il a souligné que cette réforme est désormais bien acceptée par les magistrats, en dépit de résistances initiales.

Concernant la suppression du juge d'instruction, il s'est interrogé sur la coordination de cette mesure avec la récente création des pôles de l'instruction.

M. Jean Arthuis , président , a rappelé que les juridictions continuent de souffrir de graves problèmes informatiques pénalisant leurs performances.

M. Roland du Luart , rapporteur spécial , a reconnu que tous les points de blocage en la matière n'ont pas encore été surmontés.

M. Jean-Pierre Fourcade a affirmé que le financement des frais de justice pose effectivement problème pour l'exercice 2010 et nécessitera une enveloppe supérieure à 400 millions d'euros. Toutefois, il a considéré qu'une partie de cette dynamique à la hausse s'explique par un recours parfois excessif aux experts.

M. Roland du Luart , rapporteur spécial , a rappelé que cette dynamique trouve également son origine dans une tendance de fond liée à l'augmentation du nombre de recherches relatives à l'ADN. Il a observé qu'elles permettent non seulement d'éviter les erreurs judiciaires, mais aussi d'accélérer certaines procédures. Alors que l'année 2009 se soldera probablement par un dépassement de l'autorisation initiale de crédit de l'ordre de 30 millions d'euros, il convient de rétablir le principe de sincérité budgétaire s'agissant du programme « Justice judiciaire » en 2010.

Il a précisé que la recrudescence du montant des frais de justice en 2009 mérite, certes, toute l'attention nécessaire, mais ne s'apparente néanmoins pas, à ce stade, à une dérive incontrôlée telle qu'on a pu la connaître par le passé.

M. Jean Arthuis , président , a cependant déploré un problème persistant concernant les missions confiées aux experts, parfois accomplies avec trop peu de diligence.

A l'issue de ces débats, la commission a décidé, à l'unanimité, de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Justice » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010, modifiés par l'amendement du rapporteur spécial.

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2009, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission des finances a confirmé sa position, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale.

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