4. Le renforcement nécessaire des mesures pour lutter contre les suicides et maintenir les liens familiaux
a) La prévention des suicides en prison : un impératif catégorique
Largement répercutés par les médias en 2009, les cas de suicide en prison, souvent par vagues, suscitent toujours une profonde émotion et remettent en cause le système carcéral en son fondement. Ils sont également une épreuve pour les personnels confrontés à ces drames.
Est-il besoin de le rappeler ? La politique de prévention du risque suicidaire en prison représente un impératif moral catégorique.
L'évolution du nombre de suicides de 2006 à 2009
Nombre |
Population carcérale moyenne |
Taux de suicidité pour 10.000 |
|
2006 |
93 |
59.940 |
15,5 |
2007 |
96 |
63.268 |
15,2 |
2008 |
115 |
66.716 |
17,2 |
2009* |
90 |
* Situation au 10 septembre 2009
Source : Chancellerie
Malgré l'augmentation constatée en 2008, les années 2006, 2007 et 2008 restent les trois années où les taux de suicide constatés ont été les plus faibles depuis 1991 . Le taux de suicide a ainsi diminué de 24,4 % de 2002 à 2008, ce qui a permis d'atteindre l'objectif de réduction du nombre de suicides de 20 % en cinq ans.
Toutefois, l'année 2009 devrait, selon toute vraisemblance, connaître une dégradation .
En conséquence, un plan d'actions a ainsi été arrêté, le 15 juin 2009. Il comporte deux axes :
- la généralisation immédiate de mesures déjà existantes dans beaucoup d'établissements pénitentiaires et qui ont prouvé leur utilité dans la lutte contre les suicides : les commissions pluridisciplinaires pour la prévention des suicides et l' évaluation du potentiel suicidaire de chaque arrivant réalisée par le personnel pénitentiaire notamment ;
- une expérimentation, à plus ou moins grande échelle, de dispositifs ciblés et novateurs : un système d'amélioration des échanges d'informations avec les familles et les proches des personnes détenues, ainsi que la création d'équipes « référentes locales » chargées de la prévention du suicide au sein des établissements, en particulier.
Par ailleurs, le ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, Mme Michèle Alliot-Marie, a souhaité, le 18 août 2009 , renforcer davantage ce plan d'actions autour de quatre grands axes :
- la formation du personnel pénitentiaire face au risque de suicide (en ciblant en priorité l'ensemble des personnels affectés dans les quartiers de détention spécifiques) ;
- l'application de mesures particulières pour les détenus les plus fragiles, avec la mise en oeuvre généralisée de matériels adaptés ( cellules de protection d'urgence ou sécurisées, dotations de protection d'urgence composées de couvertures indéchirables et de vêtements jetables, interphones ) ;
- « l'humanisation de l'univers carcéral » avec la mise en place de mesures particulières pour les quartiers disciplinaires (développement de l'accès au téléphone notamment) ;
- le développement des expérimentations (« codétenus de soutien » et vidéosurveillance ).
Les dispositifs expérimentés sont inspirés par certains systèmes européens voisins qui ont démontré leur efficacité en termes de baisse du nombre de suicides en détention.
Ils sont issus du constat de la nécessité d'une prise en charge de la personne détenue à risque suicidaire par l'ensemble de la « communauté carcérale » . En effet, afin de compléter les dispositifs mis en place et de parvenir enfin à une baisse durable du nombre de suicides en prison, la détection puis la protection ne doivent pas être seulement l'affaire du personnel pénitentiaire et du personnel médical. Elles doivent au contraire impliquer tous les acteurs de la vie carcérale : bénévoles, intervenants divers, familles et codétenus.
b) Le nombre insuffisant d'unités de vie familiale (UVF)
Le maintien des liens familiaux constitue un élément essentiel dans la perspective de la réinsertion des personnes détenues . En effet, une fois libérées, les personnes auparavant détenues ont le plus souvent besoin d'un soutien matériel et moral. Les membres de leur famille sont généralement et naturellement les plus à même de le leur apporter.
La loi pénitentiaire précitée consacre d'ailleurs le droit des personnes détenues au maintien des liens familiaux. S'agissant des unités de vie familiale (UVF) et des visites en parloirs familiaux, elle précise que : « Les unités de vie familiale ou les parloirs familiaux implantés au sein des établissements pénitentiaires peuvent accueillir toute personne détenue. Toute personne détenue peut bénéficier à sa demande d'au moins une visite trimestrielle dans une unité de vie familiale ou un parloir familial , dont la durée est fixée en tenant compte de l'éloignement du visiteur. Pour les prévenus, ce droit s'exerce sous réserve de l'accord de l'autorité judiciaire compétente ».
Or, actuellement, il n'existe que 31 UVF, réparties dans 11 établissements pour peines 43 ( * ) . Entre 2009 et 2013, l'administration pénitentiaire prévoit d'ouvrir 41 UVF supplémentaires situées dans 14 établissements 44 ( * ) .
Etant donnée l'importance que ces unités peuvent jouer en matière de maintien du lien familial et de réussite de la réinsertion future, votre rapporteur spécial approuve pleinement ce programme d'ouverture d'UVF qui s'inscrit dans la modernisation nécessaire des établissements pénitentiaires .
* 43 Centre pénitentiaire pour femmes de Rennes (3), maison centrale de Saint-Martin de Ré (3), maison centrale de Poissy (3), centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin (2), centre pénitentiaire de Toulon-la-Farlède (2), centre pénitentiaire d'Avignon-le-Pontet (2), centre pénitentiaire de Liancourt (4), centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan (3), centre de détention de Roanne (3), centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville (3) et centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse (3).
* 44 Centre pénitentiaire de Béziers (3), centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne (4), centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe (4), centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse (3), centre pénitentiaire pour hommes de Rennes-Vézin (3), centre pénitentiaire de Lille-Annoeullin (4), centre de détention de Réau-Ile-de-France (4), maison d'arrêt de Nantes (4), centre de détention de Nantes (3), maison centrale d'Arles (2), maison d'arrêt d'Ajaccio (2), maison centrale de Condé-sur-Sarthe (3), maison centrale de Vendin-le-Vieil (3) et centre de détention de Mauzac (2).