3. L'absence de règles de publicité et de mise en concurrence en droit interne
La passation des conventions d'aménagement ne fait actuellement l'objet d' aucun encadrement particulier en droit interne . Elles ne sont en effet considérées, en France, ni comme des marchés, soumis aux directives européennes et au code des marchés publics, ni comme des délégations de service public, soumises à la loi « Sapin » n° 93-122 du 29 janvier 1993, mais comme des contrats sui generis . Aussi sont-elles conclues, pour la plupart d'entre elles, sans publicité ni mise en concurrence préalables.
Lors de la discussion de la loi « Sapin », de nombreux parlementaires s'étaient inquiétés de savoir si les contrats que les communes signaient depuis les années cinquante, en choisissant librement leur aménageur, devaient être considérées comme des délégations de service public au sens de la loi qui était en train d'être votée. Le ministre avait à l'époque répondu que les conventions d'aménagement avaient un caractère très particulier et ne pouvaient en aucun cas être assimilées à des délégations de service public. Cette position a été confirmée par la loi du 9 février 1994, qui a modifié l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme pour préciser explicitement que les conventions et concessions d'aménagement n'étaient pas soumises aux dispositions de la loi « Sapin ». La loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains a maintenu cette affirmation mais seulement au bénéfice des conventions publiques d'aménagement.
Dans son rapport public pour l'année 2002, le Conseil d'Etat relève cependant que : « les conventions d'aménagement ne délèguent pas l'exploitation d'un service public d'aménagement ou d'équipement ; elles doivent bien plutôt être regardées comme faisant participer l'aménageur à l'exécution d'une mission de service public relevant de la commune. Cette analyse conduit à considérer que, même si le législateur n'a rien dit sur ce point, les conventions ordinaires ne doivent pas davantage être passées dans le respect des dispositions de la loi « Sapin », solution d'ailleurs retenue par le ministre de l'équipement, dans une circulaire de janvier 2001, mais sur le terrain juridique moins solide de l'absence de prérogatives de puissance publique détenues par l'aménageur en cas de convention ordinaire. En effet, il faut rappeler qu'une délégation de service public n'implique pas nécessairement de telles prérogatives . »
Il ajoute que : « Les conventions d'aménagement paraissent difficilement pouvoir par ailleurs être regardées comme des marchés publics au sens du Code des marchés publics. D'une part, la qualification de marché public de travaux, au sens de l'article 1 er du code des marchés publics, est exclue, même lorsque la convention prévoit des travaux, si ces travaux portent sur des ouvrages d'infrastructure d'une ZAC ou d'un lotissement, ouvrages que la loi « maîtrise d'ouvrage publique » du 12 juillet 1985 exclut de son champ d'application et qui, de ce fait, sont réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de l'aménageur. D'autre part, et s'agissant des autres travaux, la qualification de marché public ne pourrait être retenue que si les éléments caractéristiques des marchés publics pouvaient être relevés et notamment le caractère onéreux du marché et le fait que les travaux soient réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la collectivité et répondent à des besoins propres de celle-ci. Or, même si la collectivité publique participe au financement de l'opération d'aménagement, dans le cadre de la convention publique, il est difficile de faire entrer les conventions d'aménagement dans un tel cadre, la collectivité répondant à des objectifs qui vont au-delà de la simple construction d'ouvrages 7 ( * ) . »
Telles sont les raisons pour lesquelles, le Conseil d'Etat semblait considérer jusqu'à présent que le titulaire d'une convention d'aménagement pouvait être choisi librement , soulignant simplement que, dans le cas où elle organiserait une procédure de sélection de son co-contractant, la commune devrait respecter les règles qu'elle aurait elle-même édictées 8 ( * ) .
Ce régime a toutefois été contesté, à partir de 2001, par la Commission européenne avant d'être remis en cause par la Cour de justice des Communautés européennes et la cour administrative d'appel de Bordeaux.
* 7 Collectivités publiques et concurrence - Rapport public du Conseil d'Etat pour l'année 2002 - page 324.
* 8 Conseil d'Etat, 26 mars 1997, Commune de Sceaux.