EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
(art. L. 300-4 du code de l'urbanisme)
Objet et
procédure de passation des concessions d'aménagement
Cet article a pour objet de réécrire l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme afin de soumettre les conventions d'aménagement, qui reprendraient la dénomination de concessions d'aménagement, à un régime unique ouvert à la concurrence.
1. Un régime unifié
Les concessions d'aménagement conserveraient le caractère global qui fait leur originalité et auquel les élus locaux et les aménageurs sont très attachés. Pour réaliser une opération d'aménagement, le concessionnaire exercerait quatre types de tâches.
En premier lieu, il assurerait la maîtrise d'ouvrage des travaux et équipements concourant à l'opération d'aménagement prévus dans le traité de concession . Les deux propositions de loi présentées au Sénat préféraient le terme d'« aménagements » à celui de « travaux ».
En deuxième lieu, le concessionnaire serait chargé non seulement, comme le prévoyait le projet de loi initial, des études mais aussi de toutes missions nécessaires à l'exécution de ces travaux et équipements .
Cet ajout a été opéré par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des Affaires économiques et avec l'avis favorable du Gouvernement. M. Jean-Pierre Grand, rapporteur, l'a justifié en ces termes : « le contenu des missions confiées aux aménageurs dans le cadre des concessions d'aménagement ne peut être réduit aux travaux, aux études de réalisation, aux achats et reventes de biens immobiliers : ces missions peuvent également inclure des tâches liées à l'accompagnement social ainsi qu'à la promotion de l'opération 21 ( * ) . »
Il répond largement à l'objectif recherché par les mentions figurant dans les deux propositions, selon lesquelles le concessionnaire « accomplit les actions concourant à l'opération globale faisant l'objet de la concession ». Sa rédaction est toutefois plus restrictive puisqu'elle n'autorise que les missions « nécessaires » et non pas celles « concourant » à la réalisation de l'opération.
Quant aux études préalables à la concession d'aménagement , elles devraient faire l'objet d'un marché spécifique de services, conformément à l'avis motivé de la Commission européenne du 5 février 2004.
Les dispositions permettant l'association de l'aménageur aux études concernant l'opération et notamment à la révision ou à la modification du plan local d'urbanisme, qui figurent actuellement au dernier alinéa de l'article L. 300-4, ne seraient pas reprises dans la mesure où elles sont dépourvues de portée normative.
En troisième lieu, le concessionnaire pourrait être chargé par le concédant d' acquérir des biens nécessaires à la réalisation de l'opération, le cas échéant en ayant recours aux procédures d'expropriation ou de préemption .
Le texte proposé par le présent article permet ainsi à tout concessionnaire d'aménagement, public ou privé, de recourir à l'une ou l'autre de ces procédures, en mettant fin au privilège réservé aux établissements publics, aux sociétés d'économie mixtes locales et aux sociétés d'économie mixte dont plus de la moitié du capital est détenue par l'Etat, une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales signataires d'une convention publique d'aménagement. Ce privilège a en effet été jugé contraire au principe de neutralité à l'égard du statut public ou privé des entreprises par la Commission européenne.
Très peu de collectivités locales disposent de réserves foncières. Aussi ont-elles besoin d'instruments pour pouvoir réaliser des opérations d'aménagement. L'expropriation permet de contraindre le propriétaire d'un bien immobilier à le céder. Ce transfert de propriété doit être justifié par un intérêt public et donne lieu au versement d'une indemnité. Si le pouvoir d'exproprier appartient à l'Etat 22 ( * ) , la mise en oeuvre de la procédure ne lui est pas réservée et peut-être confiée à des personnes publiques ou privées, par exemple des concessionnaires d'autoroutes. Le droit de préemption urbain est moins contraignant puisqu'il permet à une collectivité locale d'acheter en priorité des biens mis en vente dans des zones préalablement définies. La plupart des acquisitions réalisées par les collectivités territoriales sont toutefois le fruit de cessions amiables. Il convient de souligner que les personnes publiques ne seraient nullement tenues d'accorder à des aménageurs privés le bénéfice des procédures d'expropriation et de préemption.
En dernier lieu, le concessionnaire serait chargé de céder, de louer ou de concéder les biens immobiliers situés à l'intérieur du périmètre de la concession . Les baux à construction 23 ( * ) et concession d'usage des sols constituent en effet des pratiques courantes dans l'urbanisme, qui permettent aux communes de conserver la propriété du foncier.
2. Une procédure de publicité renvoyée à un décret en Conseil d'Etat
Les concessions d'aménagement devraient être attribuées selon une procédure de publicité particulière, définie par décret en Conseil d'Etat, permettant à toute personne ayant vocation à réaliser une opération d'aménagement de présenter une offre .
Lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme, a indiqué que : « La diversité des situations et les différences qui existent entre les différents types d'opérations d'aménagement est telle qu'il n'a pas paru possible de définir dans la loi autant de catégories de contrats qu'il y a de types d'opérations d'aménagement. Il appartiendra aux communes d'adapter les traités de concession aux caractéristiques des opérations dont elles prennent l'initiative et pour lesquelles elles apportent le cas échéant une participation financière contribuant à leur équilibre . »
Ainsi qu'il l'a été indiqué dans l'exposé général, votre commission des Lois vous soumet un amendement ayant pour objet de proposer des règles de publicité et de mise en concurrence pour la passation des concessions d'aménagement. Son objectif est d'obtenir a minima que le Gouvernement indique précisément en séance publique la procédure qu'il envisage de retenir . Les élus locaux pourront ainsi s'en inspirer et entreprendre les opérations d'aménagement dont notre pays a grand besoin dans le cadre de la nécessaire relance de l'investissement.
Le dispositif proposé est le suivant.
La procédure serait déterminée par le concédant si le montant prévisionnel de sa participation au coût de l'opération d'aménagement était inférieur à 150.000 euros hors taxes.
Si le montant prévisionnel de sa participation au coût de l'opération d'aménagement était supérieur ou égal à 150.000 euros hors taxes, le concédant devrait publier un avis d'appel public à la concurrence dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales, dans une publication spécialisée dans les domaines des travaux publics, de l'urbanisme ou de l'architecture, ainsi qu'au Journal officiel de l'Union européenne.
Cet avis devrait préciser la date limite de présentation des candidatures, qui devrait être fixée un mois au moins après la date de la dernière publication, et mentionner les caractéristiques essentielles de l'opération d'aménagement.
Si le concédant était une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, la liste des candidats admis à présenter une offre devrait être établie par une commission dont les membres seraient désignés par l'organe délibérant de la collectivité ou du groupement, en son sein, à la représentation proportionnelle au plus forte reste.
Le concédant devrait adresser à chacun des candidats admis à présenter une offre un document définissant les caractéristiques qualitatives et quantitatives des prestations attendues.
Les offres présentées seraient librement négociées par le concédant qui, au terme de ces négociations, choisirait le titulaire de la concession d'aménagement.
Après avoir fait son choix sur les candidatures ou sur les offres, le concédant devrait aviser tous les candidats non retenus du rejet de leur candidature ou de leur offre. Un délai d'au moins dix jours devrait être respecté entre la date de notification de la décision aux candidats dont l'offre n'aurait pas été retenue et la date de signature du traité de concession.
Enfin, un avis d'attribution devrait être publié dans les publications ayant assuré la publicité de l'avis d'appel public à la concurrence.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié .
Article 2
(art. L. 300-5 du code de l'urbanisme)
Mise en oeuvre
des concessions d'aménagement
Cet article a pour objet de modifier l'article L. 300-5 du code de l'urbanisme afin de préciser les conditions de mise en oeuvre des concessions d'aménagement.
1. Le contenu des concessions d'aménagement
• Les obligations imposées à toutes les concessions d'aménagement
Le 1° tend à y insérer un premier paragraphe (I) afin d'exiger de toute concession d'aménagement - passée avec un concessionnaire public ou privé et prévoyant ou non une participation financière du concédant - qu'elle précise les obligations de chacune des parties.
Le contrat, appelé « traité de concession d'aménagement », devrait au minimum préciser :
- son objet, sa durée et les conditions dans lesquelles il peut éventuellement être prorogé ou modifié ;
- les conditions de rachat, de résiliation ou de déchéance par le concédant ainsi que, éventuellement, les conditions et les modalités d'indemnisation du concessionnaire.
• Les obligations imposées aux seules concessions prévoyant une participation du concédant au coût de l'opération
Des obligations supplémentaires seraient prévues en cas de participation du concédant au coût de l'opération d'aménagement .
Les dispositions proposées reprennent, sous réserve de modifications rédactionnelles prévues par les 2° et 3° , celles qui sont actuellement applicables aux conventions publiques d'aménagement prévoyant une participation publique au coût de l'opération.
Le traité de concession devrait ainsi préciser, à peine de nullité :
- les modalités de la participation du concédant, étant précisé qu'elle peut prendre la forme d'apports en nature ;
- son montant total et, s'il y a lieu, sa répartition en tranches annuelles ;
- les modalités du contrôle technique, financier et comptable exercé par le concédant, le concessionnaire devant à cet effet fournir chaque année un compte rendu financier comportant notamment en annexe le bilan prévisionnel actualisé des activités, objet de la concession, faisant apparaître, d'une part, l'état des réalisations en recettes et en dépenses et, d'autre part, l'estimation des recettes et dépenses restant à réaliser, le plan de trésorerie actualisé faisant apparaître l'échéancier des recettes et des dépenses de l'opération, ainsi qu'un tableau des acquisitions et cessions immobilières réalisées pendant la durée de l'exercice.
2. La participation du concédant et d'autres personnes publiques au coût de l'opération d'aménagement
Tout concessionnaire, qu'il soit public ou privé, pourrait désormais bénéficier d'une participation du concédant au coût de l'opération , alors que ce bénéfice est actuellement réservé aux établissements publics, aux sociétés d'économie mixte locales et aux sociétés d'économie mixte dont le capital est majoritairement détenu par une ou plusieurs personnes publiques.
A l'initiative de sa commission des Affaires économiques et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a rappelé que la participation du concédant au coût d'une opération d'aménagement pouvait prendre deux formes : un apport financier ou un apport en terrains . En pratique cet apport en terrains prend la forme d'une cession, à titre gratuit ou à un prix préférentiel.
Cette participation devrait être approuvée par l'organe délibérant du concédant ou par l'autorité administrative, c'est-à-dire le préfet, lorsque celui-ci est l'Etat. Sa révision devrait faire l'objet d'un avenant au traité de concession également approuvé par l'organe délibérant du concédant ou par l'autorité administrative lorsque celui-ci est l'Etat.
Les modifications introduites par le 5° du présent article consistent :
- en premier lieu, à faire référence aux concessions passées par l'Etat ;
- en deuxième lieu, à supprimer l'exigence d'un rapport spécial établi par le concessionnaire pour justifier la révision de la participation du concédant ; cette exigence s'avère en effet inutile dans la mesure où, en pratique les informations figurant dans le rapport spécial doivent déjà être communiquées au concédant ;
- en dernier lieu, sur proposition de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale et avec l'accord du Gouvernement, à préciser que seuls les apports financiers et leurs éventuelles révisions doivent faire l'objet d'une approbation par l'organe délibérant d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public ou par l'autorité administrative de l'Etat ; toutefois, aux termes de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales, toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2.000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal, après avis du service des domaines, sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles ; la même règle est posée par les articles L. 3213-2, L. 4221-4 du code général des collectivités territoriales pour les départements et les régions ; cette obligation joue à plus forte raison pour des cessions de terrains à titre gratuit.
Enfin, le 6° du présent article tend à permettre à l'Etat, aux collectivités territoriales, aux groupements de collectivités territoriales et aux établissements publics d'accorder , sous réserve de l'accord préalable du concédant, des subventions à l'opération d'aménagement , alors qu'ils ne peuvent actuellement subventionner que les conventions publiques d'aménagement.
Dans ce cas, le concessionnaire devrait :
- s'acquitter envers le concédant des obligations d'information et de contrôle prévues ci-après, même s'il ne participe pas lui-même au coût de l'opération ;
- rendre compte de l'utilisation des subventions reçues aux personnes publiques les ayant allouées.
3. Le contrôle du concédant sur le concessionnaire
Le 4° du présent article tend à préciser les moyens de contrôle du concédant en cas de financement public de l'opération d'aménagement. Reprenant pour l'essentiel les dispositions actuellement applicables aux conventions publiques d'aménagement, il prévoit que :
- l'ensemble des documents prévus dans le traité de concession doit être soumis à l'examen de l'organe délibérant du concédant ou à l'autorité administrative lorsque le concédant est l'Etat, c'est-à-dire au préfet ;
- le concédant a le droit de contrôler les renseignements fournis, ses agents accrédités pouvant se faire présenter toutes pièces de comptabilité nécessaires à leur vérification ;
- l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales doit se prononcer par un vote, dans un délai que l'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des Affaires économiques et avec l'accord du Gouvernement, a fixé à trois mois à compter de la communication de ces documents ou des résultats du contrôle.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 sans modification .
Article 3
(art. L. 300-5-1 et L. 300-5-2 nouveaux du code de
l'urbanisme)
Règles de publicité et de mise en concurrence des
contrats d'études,
de maîtrise d'oeuvre et de travaux
passés par le titulaire d'une concession d'aménagement - Dispense
des règles de publicité et de mise
en concurrence des
concessions d'aménagement passées
avec un concessionnaire
« in house »
Cet article tend à insérer deux articles L. 300-5-1 et L. 300-5-2 dans le code de l'urbanisme afin, d'une part, de préciser les règles de publicité et de mise en concurrence applicables aux contrats d'études, de maîtrise d'oeuvre et de travaux passés par les titulaires de concessions d'aménagement, d'autre part, de dispenser de toute règle de publicité et de mise en concurrence les concessions d'aménagement signées avec un aménageur placé sous l'étroite dépendance du concédant.
1. Les règles de publicité et de mise en concurrence applicables aux contrats d'études, de maîtrise d'oeuvre et de travaux passés par le titulaire d'une concession d'aménagement
Un aménageur, public ou privé, ne peut réaliser lui-même la totalité d'une opération d'aménagement. Il lui faut faire appel à des prestataires extérieurs.
Les marchés conclus par l'Etat, ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, ainsi que les marchés conclus en vertu d'un mandat donné par l'une de ces personnes publiques sont soumis au code des marchés publics.
Les marchés conclus par les personnes qui sont considérées comme des pouvoirs adjudicateurs au sens des directives communautaires et n'entrent pas dans le champ d'application du code des marchés publics sont soumis aux règles définies par une ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.
Tel est notamment le cas des sociétés d'économie mixte ou des personnes privées agissant pour le compte de personnes publiques ou pour l'exécution d'un service public.
Prise en application de l'article 65 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, cette ordonnance réunit en un seul texte des dispositions figurant actuellement dans trois lois : la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence, la loi n° 92-1282 du 11 décembre 1992, relative aux procédures de passation de certains contrats dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications, la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. Elle n'a pas encore été ratifiée.
En revanche, les aménageurs privés n'étaient jusqu'à présent soumis à aucune règle de publicité ni de mise en concurrence pour leurs propres marchés .
Le 1° du présent article tend à insérer un article L. 300-5-1 dans le code de l'urbanisme afin de mettre un terme à cette situation, en prévoyant que : « lorsque le concessionnaire n'est pas soumis au code des marchés publics ou aux dispositions de l'ordonnance du 6 juin 2005 , les contrats d'études, de maîtrise d'oeuvre et de travaux conclus par lui pour l'exécution de la concession sont soumis à une procédure de publicité et de mise en concurrence définie par décret en Conseil d'Etat . »
Ce décret devrait faire une distinction claire entre les opérations qui bénéficient d'un financement public et celles qui sont entièrement financées par l'aménageur privé . Dans le premier cas, les modalités de passation des marchés pourraient être alignées sur celles qui sont prévues par l'ordonnance du 6 juin 2005. Dans le second cas, une procédure de publicité et de transparence beaucoup plus souple pourrait être définie. Il semble en effet difficile d'imposer des obligations identiques aux aménageurs dont l'opération est financée par la collectivité locale, et à ceux qui en assument le risque économique.
Par ailleurs, dans la mesure où le Conseil constitutionnel considère qu'une ratification « peut résulter d'une manifestation implicitement mais clairement exprimée par le Parlement 24 ( * ) », votre commission tient à souligner que la référence inévitable à l'ordonnance du 6 juin 2005 ne vaut pas ratification de ce texte .
2. L'exclusion de toute obligation de publicité et de mise en concurrence des concessions d'aménagement « in house »
Le 2° de cet article tend à insérer un article L. 300-5-2 dans le code de l'urbanisme afin de dispenser de toute obligation de publicité et de mise en concurrence les concessions d'aménagement conclues entre le concédant et un aménageur sur lequel il exerce un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services et qui réalise l'essentiel de son activité avec lui ou, le cas échéant, les autres personnes publiques qui le contrôlent.
Ces dispositions reprennent, au profit des concessions d'aménagement, un principe déjà posé par l'article 3 du code des marchés publics et qui transpose en droit interne la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes en matière de contrats de prestations intégrées , encore appelées « in house ».
Dans un arrêt Teckal, du 18 novembre 1998, la Cour a en effet posé pour principe que « la directive 93/36 CEE du Conseil du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures, [était] applicable lorsqu'un pouvoir adjudicateur envisage de conclure par écrit, avec une entité distincte de lui au plan formel, et autonome par rapport à lui au plan décisionnel, un contrat à titre onéreux ayant pour objet la fourniture de produits, que cette entité soit elle-même un pouvoir adjudicateur ou non . »
Elle a estimé qu'il ne pouvait en aller autrement que dans l'hypothèse où, à la fois l'entité adjudicatrice « exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services » et où cette personne « réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent 25 ( * ) ».
Dans son livre vert sur les partenariats publics-privés et le droit communautaire des marchés publics et des concessions, la Commission européenne souligne ainsi que « seules les entités qui répondent de manière cumulative à ces deux conditions pourront être assimilées à des entités « in house » par rapport à l'organisme adjudicateur et se voir confier des tâches en dehors d'une procédure concurrentielle 26 ( * ) . »
Lorsque la personne publique jouit, à l'égard d'un prestataire, d'un pouvoir de contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services, les missions qu'elle est susceptible de lui confier ne sont pas traitées autrement que si elles avaient été simplement déléguées en son sein. Ainsi, la capacité de la personne publique à peser sur le fonctionnement du prestataire et l'absence d'autonomie qui en découle pour ce dernier privent de tout intérêt le recours à une mise en concurrence préalable.
Le seul constat d'une dépendance structurelle forte à l'égard de la personne publique ne suffit pas à qualifier les prestations faisant l'objet du contrat de prestations « in house ». En effet, ce n'est que lorsque le rapport organique qui unit la personne publique à son cocontractant se double d'une quasi-exclusivité de la fourniture des prestations au profit de la première que le cocontractant sera considéré comme totalement lié à son autorité de tutelle et que les prestations pourront être comparées à celles dont disposeraient la personne publique en recourant à ses propres ressources internes.
Toutefois, ces conditions sont appréciées strictement aussi bien par la Cour de justice des Communautés européennes que par les juridictions françaises .
La jurisprudence communautaire ne fixe pas de seuil chiffré pour la détermination de l'essentiel de l'activité exercée par le cocontractant au profit de la personne publique. Ceci n'implique pas nécessairement une exclusivité de l'activité au profit de la personne publique. Selon la circulaire portant manuel d'application du code des marchés publics parue le 7 janvier 2004 et modifiée le 16 décembre de la même année, « la part des activités réalisées au profit d'autres personnes doit demeurer marginale . »
Pour évaluer si le contrôle exercé par la personne publique est comparable à celui qu'elle exerce sur ses propres services, il n'existe pas de critères précis mais il ressort de la jurisprudence nationale que le seul contrôle de tutelle ne suffirait pas à lui seul 27 ( * ) . Quant à la Cour de justice des Communautés européennes, elle a considéré dans un arrêt Stadt Halle du 11 janvier 2005, que « la participation, fût-elle minoritaire, d'une entreprise privée dans le capital d'une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur en cause exclut en tout état de cause que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services ». Cela signifie que si l'existence de relations « in house » entre une personne publique et un organisme de droit privé n'est pas interdite dès lors que cet organisme est détenu à 100 % par des personnes publiques, en revanche, les contrats conclus par les personnes publiques avec des sociétés composées pour partie de capitaux privés, sont exclus de la qualification de prestations « in house » et entrent par conséquent dans le champ d'application des règles de publicité et de mise en concurrence.
Les contrats passés entre une collectivité territoriale et une société d'économie mixte locale ne peuvent donc entrer dans le champ des prestations « in house » , puisque l'article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales exige la participation d'au moins une personne privée au capital de ces sociétés.
Dès lors, les établissements publics locaux d'aménagement , créés par la loi n° 2003-210 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, semblent constituer le seul instrument susceptible d'être utilisé par les collectivités territoriales pour réaliser des opérations d'aménagement dans le cadre de prestations « in house » .
Aux termes des articles L. 326-1 et L. 326-2 du code de l'urbanisme, il s'agit en effet d'établissements publics à caractère industriel et commercial, créés par arrêté préfectoral au vu des délibérations concordantes d'établissements publics de coopération intercommunale et de collectivités territoriales et compétents pour conduire des opérations de rénovation urbaine et de développement économique et social des zones urbaines sensibles.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter l'article 3 sans modification .
Article 4
(art. L. 311-5 du code de l'urbanisme)
Participation des
propriétaires à l'aménagement
des terrains
situés dans une zone d'aménagement concerté
Cet article a pour objet de modifier l'article L. 311-5 du code de l'urbanisme afin de prévoir, outre des coordinations, la signature d'une convention définissant les conditions de participation des propriétaires de terrains situés dans une zone d'aménagement concerté à l'opération d'aménagement.
1. Le droit en vigueur
Les zones d'aménagement concerté sont définies par l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme comme les zones à l'intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d'intervenir pour réaliser ou faire réaliser l'aménagement et l'équipement des terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés.
Une ZAC ne peut être créée que sur initiative publique. Lorsque l'initiative revient à une commune ou à un établissement public de coopération intercommunale, le périmètre et le programme de la zone d'aménagement concerté sont approuvés par délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement. Des zones d'aménagement concerté peuvent également être créés, par arrêté préfectoral, à l'initiative de l'Etat, des régions, des départements ou de leurs établissements publics et concessionnaires.
En revanche, la réalisation d'une ZAC peut être confiée à un aménageur public ou privé. L'article L. 311-5 du code de l'urbanisme dispose ainsi que « L'aménagement et l'équipement de la zone sont conduits directement par la personne publique qui a pris l'initiative de sa création ou confiés par cette personne publique, dans les conditions précisées aux articles L. 300-4 et L. 300-5 à un établissement public y ayant vocation, à une société d'économie mixte ou à une personne publique ou privée . »
2. Le dispositif proposé
Le 1° du présent article a pour objet de modifier l'article L. 311-5 du code de l'urbanisme afin de tirer les conséquences de la substitution des concessions d'aménagement aux conventions d'aménagement, en prévoyant que l'aménagement et l'équipement d'une zone d'aménagement concerté peuvent être « concédés » et non plus « confiés ». En outre, l'énumération actuelle des concessionnaires potentiels serait supprimée. Elle s'avère en effet inutile en raison de son caractère exhaustif et du renvoi aux conditions prévues par les articles L. 300-4 et L. 300-5 du code de l'urbanisme.
Le 2° a pour objet de compléter l'article L. 311-5 du code de l'urbanisme par un second alinéa afin d' autoriser la signature, entre le concédant ou le concessionnaire et des propriétaires de terrains situés à l'intérieur de la zone, d'une convention définissant les conditions dans lesquelles ces propriétaires participent à l'aménagement .
Cette convention, facultative et destinée à assurer la coordination des chantiers de construction et d'aménagement, serait distincte de celle prévue par le dernier alinéa de l'article L. 311-4 du code de l'urbanisme, aux termes duquel : « lorsqu'une construction est édifiée sur un terrain n'ayant pas fait l'objet d'une cession, location ou concession d'usage consentie par l'aménageur de la zone, une convention conclue entre la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale et le constructeur précise les conditions dans lesquelles celui-ci participe au coût d'équipement de la zone. La convention constitue une pièce obligatoire du dossier de permis de construire ou de lotir . »
Rappelons par ailleurs que l'article L. 311-2 du code de l'urbanisme reconnaît aux propriétaires des terrains compris dans une ZAC un droit de délaissement leur permettant de mettre en demeure la collectivité publique ou l'établissement public qui a pris l'initiative de la création de la zone, de procéder à l'acquisition de leur terrain.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 sans modification .
Article 5
(art. L. 212-3 et L. 213-3 du code de
l'urbanisme)
Mise en cohérence des dispositions relatives au droit
de préemption urbain dans les zones d'aménagement
différé
avec le régime des concessions
d'aménagement
Cet article a pour objet de modifier les articles L. 212-3 et L. 213-3 du code de l'urbanisme, relatifs au droit de préemption dans les zones d'aménagement différé, afin de mettre leurs dispositions en cohérence avec le nouveau régime des concessions d'aménagement.
L'article L. 212-1 du code de l'urbanisme autorise la création de zones d'aménagement différé, par décision motivée du représentant de l'Etat dans le département, sur proposition ou après avis de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale titulaire du droit de préemption urbain. En cas d'avis défavorable, la zone ne peut être créée que par décret en Conseil d'Etat.
Aux termes de l'article L. 212-2, un droit de préemption peut être ouvert dans ces zones, pour une durée de quatorze ans, soit à une collectivité publique ou à un établissement public y ayant vocation, soit à une société d'économie mixte titulaire d'une convention publique d'aménagement. Il revient à l'acte créant la zone de désigner le titulaire de ce droit.
Le premier paragraphe (I) du présent article a pour objet de prévoir que le droit de préemption urbain peut être ouvert à tout concessionnaire d'une opération d'aménagement , et pas seulement à une société d'économie mixte. Il s'agit d'une mesure de coordination avec le texte proposé par l'article premier du projet de loi pour l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, qui permet au concédant de charger son concessionnaire, public ou privé, d'acquérir des biens nécessaires à la réalisation de l'opération, le cas échéant en ayant recours aux procédures d'expropriation ou de préemption.
L'article L. 213-3 du code de l'urbanisme dispose que le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public ou à une société d'économie mixte titulaire d'une concession d'aménagement, le maintien de l'expression « concession d'aménagement » résultant d'un oubli du législateur en 2000.
Le second paragraphe (II) du présent article tend à permettre à tout concessionnaire d'une opération d'aménagement et pas seulement à une société d'économie mixte ou un établissement public de bénéficier d'une telle délégation.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 sans modification .
Article 6
(art. L. 1523-2, L. 1523-3 et L. 1523-4
du code
général des collectivités territoriales)
Mise en
cohérence des dispositions du code général des
collectivités territoriales relatives aux sociétés
d'économie mixte locales
Cet article a pour objet de modifier les articles L. 1523-2, L. 1523-3 et L. 1523-4 du code général des collectivités territoriales, respectivement relatifs au contenu, à l'établissement et à la résiliation des conventions publiques d'aménagement conclues entre les sociétés d'économie mixte locales et les collectivités territoriales ou leurs groupements, afin de mettre leur rédaction en cohérence avec les dispositions du projet de loi.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 6 sans modification .
Article 7 (nouveau)
(art. L. 123-3 du code de l'urbanisme)
Mention
dans les plans locaux d'urbanisme de la localisation
et des
caractéristiques des espaces publics à conserver,
modifier ou
créer et des principaux espaces publics,
installations
d'intérêt général et espaces verts
Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative de MM. Pierre Bédier et Philippe Pemezec avec l'accord de sa commission des Affaires économiques et du Gouvernement, a pour objet de modifier l'article L. 123-3 du code de l'urbanisme afin de rendre facultative et non plus obligatoire la mention, dans les zones d'aménagement concerté prévues par un plan local d'urbanisme :
- d'une part, de la localisation et des caractéristiques des espaces publics à conserver, à modifier ou à créer ;
- d'autre part, de la localisation des principaux ouvrages publics, des installations d'intérêt général et des espaces verts.
La disposition selon laquelle le plan local d'urbanisme peut également déterminer la surface de plancher développée hors oeuvre nette dont la construction est autorisée dans chaque îlot, en fonction, le cas échéant, de la nature et de la destination des bâtiments ne serait pas modifiée.
Les zones d'aménagement concerté ont été intégrées dans les plans locaux d'urbanisme par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains afin de donner aux communes un outil de coordination de l'ensemble de leurs actions et d'améliorer la lisibilité des politiques urbaines pour la population.
L'obligation de localiser ces installations avait été introduite à l'initiative du Sénat et de votre commission des Lois, sur le rapport pour avis de notre collègue M. Pierre Jarlier, afin d'éviter la réalisation de zones d'aménagement concerté dépourvues d'équipements publics.
L'objectif recherché par cet article est d' améliorer la sécurité juridique des opérations d'aménagement . Selon l'exposé des motifs de l'amendement déposé par M. Pierre Bédier :
« S'il est évidemment souhaitable que la localisation des principaux équipements réalisés dans le cadre d'une zone d'aménagement concerté figure dans le document d'urbanisme, il faut éviter qu'une rédaction trop impérative du code compromette la sécurité juridique des plans locaux d'urbanisme, dans le cas où un des équipements de la ZAC serait omis ou mentionné tardivement dans le PLU .
« De même, et c'est particulièrement vrai dans les ZAC de renouvellement urbain, il est essentiel de permettre une évolution de la localisation des équipements. Il convient de rappeler qu'en tout état de cause, l'aménageur de la ZAC ne peut réaliser des équipements et des travaux que dans la mesure où ceux-ci respectent, comme tous les aménagements et toutes les constructions, les règles du PLU . »
Il est vrai qu'il faut laisser aux communes le temps nécessaire pour localiser dans leur PLU les futurs équipements, et éviter qu'un document d'urbanisme soit considéré comme illégal parce qu'il a oublié un équipement ou parce que la commune a attendu l'occasion d'une modification ou d'une révision pour localiser les équipements d'une ZAC.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 7 sans modification .
Article 8 (nouveau)
(art. L. 213-11 du code de
l'urbanisme)
Coordination
Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition de sa commission des Affaires économiques avec l'avis favorable du Gouvernement, a pour objet de modifier l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme, relatif à l'utilisation et à l'aliénation des biens acquis par l'exercice du droit de préemption, aux fins de coordination.
Dans sa rédaction actuelle, le premier alinéa de l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme dispose que l'utilisation ou l'aliénation d'un tel bien au profit d'une personne privée autre qu'une société d'économie mixte ayant signé une convention publique d'aménagement, ou qu'une société d'habitations à loyer modéré doit faire l'objet d'une délibération motivée du conseil municipal ou, le cas échéant, d'une décision motivée du délégataire du droit de préemption.
La modification proposée consiste à faire désormais référence au concessionnaire d'une opération d'aménagement plutôt qu'à une société d'économie mixte. Elle est cohérente avec l'ouverture à la concurrence de l'ensemble des conventions d'aménagement, rebaptisées concessions d'aménagement, prévue par l'article premier du projet de loi.
Votre commission vous propose en conséquence d'adopter l'article 8 sans modification .
Article 9 (nouveau)
(art. L. 141-3 du code de la voirie
routière)
Classement et déclassement des voies communales
Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative de M. Bernard Schreiner avec les avis favorables de sa commission des Affaires économiques et du Gouvernement, a pour objet de modifier l'article L. 141-3 du code de la voirie routière afin de rétablir l'exigence d'une enquête publique avant toute délibération d'un conseil municipal concernant l'établissement des plans d'alignement et de nivellement, l'ouverture, le redressement et l'élargissement des voies communales.
Cette exigence a été supprimée par erreur par l'article 62 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit. En effet, il n'était nullement dans l'intention du législateur de la supprimer pour des opérations susceptibles de porter atteinte au droit constitutionnel de propriété 28 ( * ) , les procédures d'alignement étant généralement utilisées pour procéder à des acquisitions foncières.
Seules resteraient dispensées d'une telle formalité les délibérations relatives au classement et au déclassement de ces voies. Dans son rapport élaboré en première lecture sur la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit au nom de votre commission des Lois sur la loi, notre collègue M. Bernard Saugey expliquait en effet que : « l'apport de ces enquêtes est très faible, dans la mesure où, d'une part (...), les classement et déclassement d'une voie procèdent uniquement à un « échange patrimonial entre collectivités territoriales » et, d'autre part, elles se superposent souvent avec d'autres enquêtes publiques. (...) Cet allègement des procédures de classement et déclassement semble d'autant plus justifié que les mêmes opérations effectuées par l'État sont encadrées par des règles beaucoup plus souples. Aucune enquête préalable n'est exigée, seul l'accord de la collectivité territoriale concernée étant requis 29 ( * ) . »
Cette dispense ne joue d'ailleurs pas si le classement ou le déclassement porte atteinte aux fonctions de desserte ou de circulation des voies communales (transformation d'une voie de circulation en promenade, déclassement portant atteinte au droit d'accès des propriétaires riverains...), c'est-à-dire lorsque l'opération envisagée est susceptible de créer des risques importants d'opposition sinon de conflits sur le territoire de la collectivité.
Les dispositions proposées par le présent article auraient pour effet d'aligner le régime des voies communales sur celui des voies départementales 30 ( * ) .
Votre commission vous propose d'adopter l'article 9 sans modification .
Article 10 (nouveau)
(art. 92 de la loi n° 2004-1343 du 9
décembre 2004 de simplification du droit)
Prorogation du délai
accordé au Gouvernement pour élaborer
une ordonnance de
simplification et d'harmonisation
des différents régimes
d'enquêtes publiques
Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative du Gouvernement avec l'avis favorable de sa commission des Affaires économiques, a pour objet de modifier l'article 92 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit afin de proroger de six mois le délai accordé au Gouvernement pour réformer par ordonnance les différents régimes d'enquêtes publiques.
L'article 60 de cette loi a en effet habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour regrouper les différentes procédures d'enquête publique et en simplifier et harmoniser les règles, autoriser le recours à une procédure d'enquête unique ou conjointe en cas de pluralité de maîtres de l'ouvrage ou de réglementations distinctes et coordonner les procédures d'enquête publique et de débat public.
Le délai initialement envisagé par le Gouvernement pour prendre cette ordonnance était de dix-huit mois à compter de la publication de la loi. L'Assemblée nationale et le Sénat avaient toutefois préféré le réduire à un an.
Cette ordonnance doit être élaborée à partir des résultats des travaux de trois instances : une commission consultative sur les enquêtes publiques présidée par le ministre de l'écologie et du développement durable et deux groupes de travail, l'un sous l'égide du Conseil d'État, l'autre animé par l'inspection générale de l'environnement et le conseil général des ponts et chaussées, qui auraient dû rendre leurs rapports définitifs au printemps 2005.
Ces travaux ayant pris du retard, le Gouvernement souhaite obtenir le report du 9 décembre 2005 au 9 juin 2006 de la date avant laquelle l'ordonnance devra être publiée. Ce délai de dix-huit mois serait aligné sur celui qui lui est accordé par la loi du 9 décembre 2004 pour procéder à l'élaboration ou à la refonte de divers codes.
La nécessité et la complexité d'une réforme du régime des enquêtes publiques ne font aucun doute. Notre collègue M. Bernard Saugey soulignait ainsi dans son rapport précité que : « Les enquêtes publiques suivent dix-sept procédures différentes et interviennent dans près de soixante-dix régimes d'autorisation de projets. Il convient de simplifier ces règles pour en faciliter la compréhension par le public et par les élus locaux et garantir la sécurité juridique des projets. Cette simplification pourrait amener au regroupement des procédures d'enquête, pour les concentrer sur quelques points, tels que l'origine de la propriété, l'information et l'avis du public, et le respect de certaines réglementations (eau, bruit, carrières...). Elle serait complétée par une harmonisation des règles 31 ( * ) . »
Votre commission vous propose en conséquence d'adopter l'article 10 sans modification .
Article 11 (nouveau)
Validation des conventions d'aménagement
passées
avant la publication de la loi et des actes pris pour leur
mise en oeuvre
Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition de sa commission des Affaires économiques ainsi que de Mme Nathalie Gautier et des membres du groupe socialiste après un avis de sagesse du Gouvernement, a pour objet d'assurer la sécurité juridique des conventions d'aménagement passées avant la publication de la loi et des actes pris pour leur application.
Il prévoit ainsi la validation, non seulement des concessions d'aménagement, des conventions publiques d'aménagement et des conventions d'aménagement signées avant la publication de la loi, mais aussi des cessions, locations ou concessions d'usage de terrains ainsi que de l'ensemble des actes effectués par l'aménageur pour l'exécution de la concession ou de la convention.
Cette validation serait doublement limitée : d'une part, elle ne remettrait pas en cause les décisions de justice passées en force de chose jugées, d'autre part, elle ne couvrirait que l'illégalité résultant de l'absence d'une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes pour désigner l'aménageur.
Le dispositif répond aux exigences posées tant par le Conseil constitutionnel que par la Cour européenne des droits de l'homme en matière de validations législatives .
Le Conseil constitutionnel exige ainsi :
- le respect des décisions de justice passées en force de chose jugée (décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980), c'est-à-dire des décisions de juridictions ayant statué en dernier ressort même si elles peuvent faire l'objet ou font effectivement l'objet d'un pourvoi en cassation 32 ( * ) ;
- le respect du principe de non-rétroactivité des peines et sanctions plus sévères, ainsi que de son corollaire qui interdit de faire renaître des prescriptions légalement acquises (décision n° 88-250 DC du 29 décembre 1988) ;
- la conformité à la Constitution de l'acte validé, sauf à ce que le motif de la validation soit lui-même de rang constitutionnel (décision n° 97-390 DC du 19 novembre 1997) ;
- la définition stricte de la portée de la validation, qui doit être « ciblée » et non purger l'acte en cause de toutes ses illégalités possibles (décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999) ;
- un but d'intérêt général suffisant qui, en particulier, ne saurait se réduire à un enjeu financier limité (décision n° 95-369 DC du 28 décembre 1995).
La Cour européenne des droits de l'homme n'admet « l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice », en principe contraire au droit à un procès équitable posé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que pour d'impérieux motifs d'intérêt général et le Conseil d'Etat a déjà été conduit à déclarer l'incompatibilité d'une loi de validation avec cet article 33 ( * ) .
En l'espèce, les enjeux financiers sont considérables. Surtout, il convient d'assurer la sécurité juridique de l'ensemble des travaux qui ont été réalisés pour mener à bien des opérations d'aménagement, créer des équipements publics, des logements ou des bureaux. Les conséquences d'une annulation des conventions qui en constituaient le cadre seraient très préjudiciables.
Sous le bénéfice de ces observations votre commission vous propose d'adopter l'article 11 sans modification .
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations et de l'amendement qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le projet de loi relatif aux concessions d'aménagement .
* 21 Rapport n° 2404 (Assemblée nationale, douzième législature), page 16.
* 22 Cour de cassation, 13 mars 1985, Meyniel.
* 23 L'article L. 251-1 du code de la construction et de l'habitation dispose que le bail à construction est un bail, d'une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans, par lequel le preneur s'engage, à titre principal, à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d'entretien pendant toute la durée du bail.
* 24 Décision n° 72-73 L du 29 février 1972.
* 25 Voir également l'arrêt du 8 mai 2003 Espagne c/ Commission.
* 26 Livre vert sur les partenariats publics-privés et le droit communautaire des marchés publics et des concessions - 30 avril 2004 - COM (2004) 327 final - § 63.
* 27 Conseil d'Etat, 27 juillet 2001, CAMIF.
* 28 Articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
* 29 Rapport n° 5 (Sénat, 2004-2005), pages 168 et 169.
* 30 Article L. 131-4 du code de la voirie routière.
* 31 Rapport n° 5 (Sénat, 2004-2005), page 163.
* 32 Conseil d'Etat - 27 octobre 1995, Ministre du logement c/ Mattio. Cour de cassation (chambre sociale) - 19 juin 1963, Chantelouze.
* 33 Conseil d'Etat, Tête, 28 juillet 2000.