C. DES RÉFORMES INSTITUTIONNELLES QUI SUSCITENT DE NOMBREUSES INTERROGATIONS
Dans ce
contexte particulièrement incertain pour les finances locales, les
réformes institutionnelles envisagées par le Gouvernement
suscitent de
nombreuses interrogations
.
Le
projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la
simplification de la coopération intercommunale
poursuit l'objectif
de promouvoir l'agglomération avec la création de
communautés d'agglomération obligatoirement dotées de la
taxe professionnelle.
Sans préjuger des débats à venir, votre commission des
Lois souhaite d'ores et déjà appeler l'attention du Sénat
sur la démarche ainsi engagée.
En premier lieu, la
cohérence
des différents projets
soumis au Parlement peut être
mise en doute
. Au moment même
où l'on entend promouvoir l'intercommunalité au moyen de la taxe
professionnelle d'agglomération, cette taxe est amputée d'une
bonne partie de sa base (35 %).
En second lieu, votre commission des Lois entend rester vigilante sur le
maintien des
nécessaires solidarités
entre la ville et le
milieu rural.
Cette solidarité a jusqu'à présent été mise
en oeuvre avec efficacité par les départements. Qu'en sera-t-il
demain si les agglomérations sont érigées en
structures
autonomes
coupées de leur environnement ? C'est aux élus que
doit revenir le soin de
décider librement
des solidarités
à promouvoir en fonction des
réalités locales
et
non pas de schémas prédéfinis au niveau national.
Si le souci de
simplification
exprimé par le Gouvernement
répond à la préoccupation manifestée par le groupe
de travail sur la décentralisation, sa traduction paraît
incertaine dès lors qu'à la suppression de certaines structures
répond la création de nouvelles structures. L'harmonisation des
règles applicables aux différentes catégories de
groupements de communes doit par ailleurs être recherchée dans un
cadre juridique
assoupli
.
De même, la promotion de ces nouvelles structures par le
moyen de la
DGF
pose tout le problème de l'
évolution
et de la
pérennité
de cette dotation qui -il n'est pas inutile de
le rappeler- a compensé la
suppression d'une taxe locale
et qui a
pour vocation d'assurer la prise en charge du
fonctionnement
des
collectivités locales. La croissance de la DGF des groupements ne doit
donc pas continuer à peser sur la DGF des communes.
En outre, des incitations financières versées par la DGF
suscitent des interrogations sur
l'écart
entre les attributions
qui seront versées aux nouvelles communautés
d'agglomération et celles dont bénéficient les groupements
en zones rurales.
Le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le
développement durable du territoire est lui-même marqué par
la volonté de renforcer les
pays
et les
agglomérations
. Les pays et les agglomérations
constitueront le cadre des
politiques contractuelles
de l'Etat et des
dotations qui en résultent, qu'il s'agisse des dotations des contrats du
plan ou des fonds européens. Les pays élaboreraient une charte,
seraient dotés d'un conseil en développement et pourrait passer
des contrats avec l'Etat ou la région pour l'application des contrats de
plan. C'est au niveau régional et au sein de la conférence
régionale d'aménagement du territoire -coprésidée
par le préfet et par le président du conseil régional,
dont la composition serait paritaire (élus-socioprofessionnels)- que la
pertinence des pays sera appréciée.
Ce projet suscite la perplexité : la volonté clairement
exprimée par le législateur en 1995 a été
d'éviter que les pays ne constituent un
nouveau niveau
institutionnel
-qui ne ferait qu'ajouter à la complexité
actuelle- mais au contraire qu'ils favorisent une
synergie des initiatives
locales
dans un espace géographique cohérent. Il est à
craindre que les dispositions proposées s'éloignent ainsi de cet
objectif.
Votre commission des Lois ne peut, en outre, qu'exprimer de fortes
réserves à l'égard de toute tentative de
réorganisation à marche forcée
du territoire allant
de pair avec une tentative de
recentralisation
dont les signes sont
malheureusement trop nombreux, qu'il s'agisse de la redéfinition des
zonages nationaux et européens, de l'action sociale ou encore de
l'environnement avec la nouvelle taxe sur les activités polluantes.
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Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'administration territoriale et à la décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999.