B. UNE ADAPTATION DES BUDGETS LOCAUX AU CONTEXTE ÉCONOMIQUE, FRAGILISÉE PAR DE TROP GRANDES INCERTITUDES SUR L'ÉVOLUTION DES CHARGES IMPOSÉES AUX COLLECTIVITÉS LOCALES
1. La situation d'ensemble
Le
rapport établi par M. Joël Bourdin, au nom de
l'Observatoire des finances locales, sur l'état des finances locales en
1998 souligne les efforts menés par les collectivités locales
pour
s'adapter
à un contexte économique difficile et pour
faire face aux
contraintes
, souvent externes, qui s'imposent à
elles.
Les
dépenses de personnel
-qui avaient connu jusqu'en 1995 des
croissances annuelles très fortes liées aux effets des accords
Durafour et au relèvement successif (1991 et 1995) des taux de
cotisations à la CNRACL- ont augmenté de manière moins
soutenue en 1996 (+ 4 %) et 1997 (+ 3,6 %).
L'évolution de ces dépenses reste néanmoins
subordonnée à deux facteurs dont les effets peuvent être
très lourds : le protocole salarial signé le
10 février dernier dont le coût peut être estimé
à
9,5 milliards de francs
sur trois ans ; la situation
financière de la CNRACL qui peut avoir une incidence directe sur les
taux de cotisation.
La note de conjoncture établie par le Crédit local de France au
mois de juillet dernier envisageait une accélération sensible de
ces dépenses en raison notamment de l'implication des
collectivités locales dans la mise en oeuvre des emplois jeunes
(17 000 projets déposés représentant un potentiel de
50 000 emplois).
Les
transferts versés
(135 milliards de francs en 1997) par
les collectivités locales représentent la principale
dépense pour les régions (3/4 de dépenses réelles
de fonctionnement) et les départements (1/3 de ces dépenses).
Ils ont connu de fortes progressions dans les premières en 1995
(+ 18 %) et 1996 (+ 11 %) en liaison étroite avec
l'élargissement des compétences en matière de formation
professionnelle. La hausse très soutenue enregistrée en 1997
(+ 14 %) résulte de l'expérimentation dans six
régions du transfert des compétences en matière
ferroviaire. Selon la note de conjoncture du crédit local de France,
elle devrait être plus modérée en 1998, seule la
région Limousin s'associant à l'expérimentation.
Quant aux départements, leur effort de maîtrise des
dépenses sociales
-qui ont connu une progression
supérieure à 6,5 % entre 1990 et 1996- s'est traduit par une
augmentation plus limitée de ces dépenses en 1997 (environ
4 %).
En 1998, elle pourrait être de 3,7 %, soit la croissance la plus
faible depuis 1989.
Les dépenses de gestion -autres que les dépenses de personnel-
ont pu par ailleurs connaître une croissance plus soutenue dans certaines
collectivités (départements et communes) où la
" départementalisation "
des services
départementaux d'incendie et de secours (SDIS) s'est traduite par une
augmentation de leur contribution.
Mais au total, les
dépenses de gestion courante
(dépenses
réelles de fonctionnement hors intérêts) ont
progressé plus faiblement en 1997 (+ 4,7 %). Les
premières estimations pour 1998 confirment cette tendance
(+ 4,5 % en 1998) qui traduit la volonté des
collectivités locales de dégager de nouvelles marges de manoeuvre
financières pour le financement de l'investissement.
Les collectivités locales doivent néanmoins faire face à
une évolution modérée de leurs recettes de fonctionnement.
Le produit des
quatre taxes directes locales
s'est nettement ralenti
depuis 1995 : il ne progresse que de 5 % en 1997 alors qu'il augmentait
chaque année de plus de 8 % entre 1990 et 1994. Cette situation est
liée à une croissance modérée des taux et surtout
à une réduction de la croissance des bases (à peine
3 % pour les bases de taxe professionnelle depuis 1995 alors qu'elle
était en moyenne de 7,6 % entre 1988 et 1994).
Quant à la
fiscalité indirecte
, les départements et
les régions ont subi l'exonération de 75 % du droit
départemental d'enregistrement et de la taxe régionale
additionnelle aux droits de mutation sur les acquisitions d'immeubles à
usage d'habitation, qui a été appliquée du
1er juillet 1995 au 31 janvier 1997. La perte de recettes s'est
élevée à 7,8 milliards de francs pour les
départements et à 2,1 milliards de francs pour les
régions sur les deux années 1995 et 1996. La compensation
versée par l'Etat (5,1 milliards de francs pour les
départements et 1,6 milliard de francs pour les régions)
n'a pas comblé la totalité de ce manque à gagner
.
En 1997, en revanche, la fin de l'exonération a permis à ces
collectivités de retrouver un montant de droits légèrement
supérieur à celui de 1994.
S'agissant de la
vignette
et de la
taxe sur les cartes grises
-très soumises aux fluctuations du marché automobile-, les
départements et les régions ont cherché à limiter
leurs tarifs d'imposition (+ 1,1 % pour la vignette,
+ 1,2 % pour la taxe sur les cartes grises en 1997) qui sont
restés stables en 1998.
Enfin, sous l'effet des règles du pacte de stabilité, les
concours financiers de l'Etat ont connu une évolution très
modérée au cours des trois dernières années.
L'épargne de gestion
(qui correspond à l'excédent
des recettes de fonctionnement sur les dépenses avant règlement
des intérêts de la dette) -qui avait augmenté sensiblement
(+ 8,5 %) en 1996- a continué à progresser de
manière moins soutenue en 1997 (+ 3 %). Selon le Crédit
local de France, cette progression devrait se confirmer en 1998
(+ 2,5 %) à un rythme plus limité.
Les collectivités locales ont par ailleurs maîtrisé les
charges de la dette
, sous l'effet de la baisse des taux
d'intérêt. En conséquence, en dépit d'une croissance
moins soutenue de l'épargne de gestion,
l'épargne brute
(qui résulte de la soustraction du montant des intérêts de
la dette à l'épargne de gestion) a crû rapidement
(+ 12 % en 1997 et + 6,5 % en 1998 d'après le
Crédit local de France). Cette épargne brute permet aux
collectivités locales de financer des
remboursements de dettes
(+ 12 % en 1997).
Le rapport de M. Joël Bourdin observe qu'après une
période (1993-1998) d'accélération de la chute des
dépenses d'équipement brut
, les collectivités
locales ont mis un " coup de frein " en 1997 à cette tendance,
leurs dépenses d'investissement direct se stabilisant aux alentours de
123 milliards de francs.
Le rapport reste néanmoins prudent sur la confirmation d'une tendance
à la reprise de l'investissement en 1998. Il note, en outre, que le
cycle électoral municipal -qui avait une influence majeure les
années passées- n'a plus la même influence sur le niveau
des investissements.
La note de conjoncture du Crédit local de France parie sur une
amélioration de l'investissement des collectivités -plus
particulièrement celui des communes et des groupements de communes- en
1998 (+ 4,5 %). Estimant pour sa part que le cycle communal
d'investissement devrait se vérifier en 1998, elle énonce des
dépenses d'investissement qui vont concerner les communes et leurs
groupements : dans le domaine des
transports urbains
, le groupement
des autorités responsables de transport (GART) a estimé à
62 milliards de francs les projets devant aboutir d'ici 2005 (hors Ile de
France) ; en matière de gestion des
déchets
ménagers
, l'estimation initiale de 50 milliards de francs
d'investissements à réaliser d'ici 2002 devrait se
confirmer ; l'investissement devrait progresser dans le secteur de
l'informatique
et des
télécommunications
.
2. La situation par collectivité
a) Les budgets des communes
Selon le
Crédit local de France, le produit voté par les communes a moins
progressé en 1998 (+ 3,4 %) qu'en 1997 (+ 4,1 %).
Comme en 1997, les dotations de fonctionnement de l'Etat ont
évolué à un rythme très proche de l'inflation
(+ 0,9 %).
Les
dépenses de personnel
ont davantage progressé en 1998
(+ 4,1 %) qu'en 1997 (+ 3,3 %). En revanche, confirmant
l'effort de maîtrise engagé, les autres dépenses de gestion
ont augmenté à un rythme moins soutenu (+ 2,4 % en 1998
contre + 2,9 % en 1997). Au total, l'évolution des
dépenses de gestion est à peu près constante
(+ 3,2 % en 1998 après + 3,1 % en 1997).
L'épargne de gestion
devrait augmenter légèrement
en 1998 (+ 0,9 %).
En 1998, les
intérêts de la dette
devraient baisser pour la
cinquième année consécutive (- 9,7 %
après - 14,2 % en 1997) permettant ainsi une croissance de
l'épargne brute (+ 5,4 % en 1998).
Les communes ont parallèlement augmenté fortement leurs
remboursements de dettes
(+ 10,3 % en 1998), ce qui provoque
un léger repli de l'épargne disponible (- 2,5 % en
1998) après une progression importante en 1997 (+ 15 %).
Après deux ans de fort recul (- 5,5 % en 1995 et
- 12,6 % en 1996), le léger redémarrage de
l'investissement observé en 1997 (+ 1,3 %) s'intensifie en
1998 (+ 5,4 %).
Enfin, il convient de relever le
poids croissant des budgets des groupements
à fiscalité propre
qui progressent de 7 % en moyenne
annuelle depuis 1995 (contre + 2 % pour les budgets des communes). Le
produit voté des quatre taxes de ces groupements est, d'après le
Crédit local de France, passé de 11 milliards de francs en
1992 à près de 28 milliards de francs en 1998, soit une
évolution moyenne annuelle de 16,5 %. Les dépenses
d'investissement des groupements, hors remboursement de la dette, devraient
s'établir à environ 18 milliards de francs en 1998, soit
l'équivalent de 20 % de l'investissement des communes et de
35 % de l'investissement des départements.
b) Les budgets des départements
L'analyse des budgets primitifs des départements en
1998,
réalisée par la direction générale des
collectivités locales du ministère de l'intérieur,
souligne l'effort d'assainissement entrepris par les départements,
après une période marquée par un
" effet de
ciseaux ",
entre des recettes se tarissant sous l'effet de la
conjoncture économique et des dépenses continuant à
croître à un rythme élevé. Cet assainissement s'est
traduit dans les budgets de 1997 par une
reprise de l'investissement
.
En 1998, cette tendance se confirme, les dépenses de fonctionnement
devant connaître une croissance modérée (+ 3,8 %
en francs courants), soit une augmentation voisine de celle de l'an
passé et la plus faible depuis dix ans.
Les
dépenses de transfert
-qui représentent 70,7 %
des dépenses de gestion- ont fait l'objet d'une gestion rigoureuse au
cours des dernières années. Elles progressent de 3,5 % en
1998.
Les dépenses sociales -qui atteignent 87,2 milliards de francs-
augmentent de 2,9 %.
A l'inverse des deux dernières années, les
dépenses de
personnel
croissent à un rythme plus élevé
(+ 5,7 %), essentiellement en raison des augmentations
générales et de l'avancement dont les agents
bénéficient au sein de la pyramide indiciaire. A ces deux
facteurs s'ajoutent diverses dispositions relatives aux bas salaires (dans le
cadre du protocole salarial du 10 février 1998).
Parallèlement à cette modération des dépenses de
gestion, les recettes de fonctionnement connaissent une croissance
modérée (+ 3,2 %). Le produit des contributions
directes progresse de 4,1 %, soit la progression la plus faible jamais
enregistrée. On relèvera que le ralentissement de la progression
du produit fiscal amorcé en 1994 -qui s'était essentiellement
expliqué pendant deux ans par un tassement des bases alors que les taux
continuaient à augmenter en moyenne de 3 à 3,5 %- est
désormais également imputable à la rigueur fiscale des
conseils généraux.
55
d'entre eux ont ainsi reconduit en 1998 les taux votés en
1997,
6
conseils généraux choisissant même de
baisser leurs taux. Parallèlement, les bases de taxe professionnelle ont
connu la progression la plus faible depuis vingt ans. Le produit des
impôts indirects (droits de mutation, vignette automobile) augmente pour
sa part de 3,2 %.
L'
épargne de gestion
-qui atteint plus de 40 milliards de
francs- est en légère progression (+ 1,4 %). Le repli,
pour la deuxième année consécutive, des
intérêts de la dette permet un accroissement significatif de
l'épargne brute (+ 5,3 %). La stagnation des remboursements de
la dette entraîne une hausse de plus de 10 % de l'épargne
nette qui bénéficie à l'investissement. Celui-ci progresse
de 4,1 % en francs courants pour atteindre 56,1 milliards de francs.
Cette évolution confirme la tendance qui s'était
manifestée l'an passé, après quatre années
consécutives de baisse ou de stagnation.
c) Les budgets des régions
L'analyse des budgets primitifs des régions met en
évidence leur volonté de modération budgétaire.
Hors l'expérimentation du transfert de compétences en
matière ferroviaire dans six régions (Alsace, Centre,
Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d'Azur et
Rhône-Alpes) et les opérations concernant la dette, les
dépenses totales diminuent de 0,8 % en raison de la baisse des
dépenses réelles d'investissement (- 4,8 %).
Les
dépenses de personnel
croissent (+ 6,2 %) à
un rythme plus élevé que dans les autres collectivités
territoriales mais évoluent moins vite que les années
passées (+ 10 à 20 % jusqu'en 1996, + 8,1 %
en 1997).
La diminution (- 5 %) des
intérêts de la dette
-grâce à une gestion active de la dette, à la baisse
générale des taux d'intérêt et à un moindre
recours à l'emprunt- contribue largement à la modération
des dépenses courantes.
Les
transferts versés
-qui traduisent notamment l'exercice des
compétences transférées (4,5 milliards de francs au
titre de la participation aux charges des établissements publics locaux
d'enseignement ; plus de 11 milliards de francs représentant
les participations aux centres de formation professionnelle et à la
rémunération des stagiaires ; 2,5 milliards de francs
pour l'expérimentation ferroviaire)- croissent de 6,1 % pour
atteindre 25,739 milliards de francs.
Les
dépenses d'investissement
devraient, en revanche, diminuer de
1,2 % en 1998. Les dépenses d'équipement -devenues
importantes depuis le transfert des lycées- se sont sensiblement
ralenties depuis 1992 et ont même diminué de 1993 et 1995. Elles
diminuent de 8,5 % en 1998. On rappellera qu'un fonds exceptionnel
d'aménagement des lycées sera créé afin d'accorder,
en quatre ans, 4 milliards de francs de prêts à taux
zéro aux régions.
Le
produit des impôts directs
augmente de 3,9 % par rapport
à 1997. On relève que pour la deuxième année
consécutive, les taux moyens d'imposition sont en baisse. La
fiscalité indirecte
reste étroitement dépendante de
l'activité économique. La taxe sur les droits de mutation est
estimée à 5,085 milliards de francs, soit + 3,2 %
par rapport au budget primitif de 1997. Les ressources procurées par la
taxe sur les cartes grises (7,759 milliards de francs) sont en recul de
4,1 %.
Malgré cette modération budgétaire, les
soldes
d'épargne
diminuent : - 1,7 % pour l'épargne
de gestion ; - 1,1 % pour l'épargne brute (qui finance
à hauteur de 18 % des remboursements de dettes, eux-mêmes en
progression de 2,2 %) ; - 1,8 % pour l'épargne nette.