II. LA FRANCOPHONIE MULTILATÉRALE : LA PRÉPARATION DU SOMMET DE COTONOU
Le président SOGLO a choisi d'orienter le sixième sommet de la francophonie qui se tiendra à Cotonou. du 2 au 4 décembre 1995, autour de l'idée de « Francophonie, espace de solidarité et d'échange pour un développement humain et durable ».
Autour de ce thème, les chefs d'État et de Gouvernement des 47 pays ayant le français en partage seront appelés à débattre de trois sujets principaux : l'ajustement des institutions de la francophonie ; la programmation de la coopération francophone pour le biennum 1996-1997 ; la situation politique et économique dans le monde.
Ils auront aussi à se prononcer sur l'admission des États qui ont fait acte de candidature.
A. L'INSTITUTION D'UN SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA FRANCOPHONIE DEVRAIT CONSACRER L'ÉVOLUTION INSTITUTIONNELLE ENGAGÉE IL Y A DIX ANS
Depuis le premier sommet des chefs d'État et de Gouvernement ayant en commun l'usage du français, qui s'est réuni à Paris en 1986, la francophonie multilatérale a été marquée, sur le plan institutionnel, par une double évolution : les partenaires se sont efforcés d'ordonner l'action des institutions préexistantes en les intégrant dans un schéma d'ensemble ; l'Agence de coopération culturelle et technique, qui demeure le principal opérateur des décisions arrêtées par les sommets, a été placée sous le contrôle des organes politiques.
1. L'organisation institutionnelle de la francophonie
a) Les organes politiques de la francophonie
• Rebaptisés en 1993 «
Conférence des
chefs d'État et de
Gouvernement des pays ayant le français en partage
», les
sommets francophones qui se réunissent tous les deux ans constituent
l'instance suprême de la francophonie multilatérale.
ï La Conférence ministérielle de la francophonie, composée des ministres des affaires étrangères et de la francophonie, assure le suivi des sommets. Elle exerce son autorité sur l'Agence de coopération culturelle et technique et sur les autres opérateurs de la francophonie.
ï La préparation des sommets est confiée au Conseil permanent de la francophonie, issu de la fusion au sommet de Chaillot en 1991 du comité international préparatoire et du comité international du suivi institués en 1986. Cet organe politique est composé des représentants personnels des quinze chefs d'État ou de Gouvernement. Il est chargé d'examiner et d'approuver les projets, de choisir les opérateurs, de procéder aux évaluations et de contrôler l'exécution des décisions arrêtées par les sommets. Il se réunit quatre fois par an.
La présidence de la Conférence ministérielle et du Conseil permanent de la francophonie est confiée au pays hôte du sommet l'année qui précède et celle qui suit la tenue de celui-ci. C'est donc le Bénin qui en assure actuellement la présidence.
b) L'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) demeure le principal opérateur
Fondée par une convention signée à Niamey en 1970, l'ACCT reste le principal opérateur de la coopération francophone multilatérale dans les domaines de l'éducation et de la formation, de la culture, des sciences et des techniques, de l'agriculture, de la communication, du droit, de l'environnement et de l'énergie.
Elle a son siège à Paris. Son secrétaire général est le québécois Jean-Louis Roy.
c) Les autres opérateurs spécialisés
Créée en 1961 par un groupe d'universitaires français, l'Association des universités partiellement ou entièrement de langue française
(AUPELF) rassemble aujourd'hui plus de 270 établissements d'enseignement et de recherche implantés dans 32 pays francophones, auxquels il convient d'ajouter les conférences internationales des doyens et des chefs d'établissements d'expression française, ainsi que 450 départements d'études françaises.
L'AUPELF fédère en outre le programme UREF (Université des réseaux d'expression française) constitué en 1987, le Fonds international de coopération universitaire (FICU), la Fondation pour l'enseignement supérieur et l'Institut des hautes études francophones.
Son siège est à Montréal. Le Français Michel Guillou assure la direction générale de l'AUPELF et est recteur de l'UREF. La présidence de l'ensemble AUPELF-UREF est exercée par le québécois Michel Gervais.
• Créée en 1989 et inaugurée en
1990,
l'université Senghor d'Alexandrie
propose quatre
départements d'enseignement de troisième cycle
(nutrition-santé, environnement, administration-gestion-finances et
patrimoine culturel africain) destinés à former des cadres au
service du développement africain.
• La
chaîne de
télévision francophone TV5
est le dernier
opérateur spécialisé de la francophonie. Elle est
composée de deux sociétés : TV5Europe, qui est de
droit français, et TV5 Québec-Canada, qui est de droit canadien.
Depuis 1992, TV5 Europe diffuse vers l'Afrique et TV5 Québec-Canada vers
l'Amérique latine. L'extension de TV5 Europe à l'Asie a
été décidée au dernier sommet de Maurice.
• Au sommet de l'Ile Maurice,
l'Association
internationale des maires francophones
(AIMF) a pris le statut
d'opérateur associé.
•
L'Assemblée internationale des
parlementaires de langue française (AIPLF)
a été
reconnue en septembre 1993 comme
Assemblée consultative de la
francophonie.
L'ACCT a été invitée par le Conseil
permanent de la francophonie à conclure avec l'AIPLF un accord-cadre
précisant les modalités d'une coopération en vue de
l'exécution des programmes pour lesquels les compétences de
l'Assemblée sont requises.
L'AIPLF, qui a été ainsi reconnue comme opérateur de la francophonie pour quelques actions spécifiques, entend se voir accorder la place qui lui revient en tant qu'Assemblée consultative de la francophonie. Il serait souhaitable que cette évolution, qui répond à un voeu formulé par les présidents des Assemblées parlementaires des pays ayant la langue française en partage, réunis le 16 octobre dernier à Paris à l'initiative de M. Philippe Seguin, puisse trouver sa traduction lors du prochain sommet de Cotonou.
• Il faut encore mentionner l'intervention de deux
conférences interministérielles permanentes de la francophonie,
créées respectivement en 1960 et en 1969, la
Conférence des ministres de l'éducation
(CONFEMEN) et la
Conférence des ministres de la
jeunesse et des sports
(CONFEJES), qui continuent de se réunir
régulièrement.
Cette présentation quelque peu fastidieuse des principaux organismes concernés, à laquelle il paraît toutefois difficile d'échapper, rend compte de la complexité des circuits de décisions d'exécution et de contrôle des actions de coopération multilatérale francophone.
2. La subordination des organes d'exécution aux institutions politiques
Dans un contexte marqué par le foisonnement institutionnel et la multiplicité des centres d'exécution, l'efficacité des actions de coopération multilatérale arrêtées par les sommets de chefs d'État ou de Gouvernement ayant le français en partage est subordonnée au renforcement des institutions politiques de la francophonie.
Une décision capitale a été prise en ce sens au sommet de l'Ile Maurice, en septembre 1993.
L'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) a été placée sous le contrôle du Conseil permanent de la francophonie, émanation du pouvoir politique de la communauté francophone dans l'intervalle qui sépare les sommets.
Cette évolution, et la rénovation du système de gestion de l'ACCT grâce notamment à la mise en place d'un système de comptabilité analytique opérationnel depuis le 1er janvier 1995, devraient accroître l'efficacité et la transparence du principal opérateur de la francophonie.
On ne peut que s'en féliciter. Votre rapporteur avait été maintes fois conduit à déplorer les retards chroniques d'exécution dont souffraient traditionnellement les actions de coopération décidées par les sommets.
D'après les informations qui lui ont été communiquées, les réformes semblent avoir déjà porté des fruits : près de 84 % des crédits inscrits au budget de 1994 pour l'exécution des programmes généraux des sommets (crédits déliés) avaient pu être effectivement consommés au 31 décembre.
On rappellera qu'en 1991, la moitié seulement des décisions arrêtées quatre ans plus tôt au sommet de Québec avaient été réalisées. Les progrès paraissent donc certains.
Cette évolution favorable devrait logiquement se trouver parachevée avec l'adoption de nouvelles décisions institutionnelles qui seront soumises au sommet de Cotonou.
3. Les ajustements institutionnels proposés au sommet de Cotonou
Un comité de réflexion sur le renforcement institutionnel de la francophonie, composé de onze membres, avait été chargé lors du sommet de l'Ile Maurice de proposer au prochain sommet des propositions tendant à mieux identifier et à renforcer les structures décisionnelles de la francophonie.
Ce comité s'est réuni fréquemment depuis 1994. Dans un premier temps, il avait dû renoncer, faute de consensus, à proposer la création d'un poste de secrétaire général de la francophonie.
Ce dossier a toutefois été repris par Mme Margie Sudre dès sa nomination comme secrétaire d'État. Les contacts établis pendant l'été ont permis de surmonter les dernières réticences, et ont conduit le comité de réflexion à adopter un projet de résolution.
Le schéma proposé par le comité a été approuvé dans ses grandes lignes par le Conseil permanent de la francophonie les 19 et 20 octobre dernier.
Il propose :
- l'institution d'un secrétaire général de la francophonie, élu pour quatre ans par les chefs d'État et de gouvernement réunis en sommet, sa vocation serait d'être le porte-parole politique de la francophonie. Il serait par ailleurs chargé d'assurer le secrétariat des instances politiques et de coordonner l'action des différents opérateurs. Il présiderait enfin le Conseil permanent de la francophonie ;
- l'Agence de coopération culturelle et technique serait placée sous la responsabilité d'un administrateur général, élu sur proposition du secrétaire général de la francophonie par la conférence ministérielle. L'administrateur général ne serait toutefois pas subordonné au secrétaire général dans l'accomplissement de sa mission ;
- les attributions des organes politiques de la francophonie (sommets, conférence ministérielle, conseil permanent de la francophonie) seraient confirmées, la conférence ministérielle recevant cependant la faculté de se réunir en formation restreinte pour améliorer l'efficacité de son fonctionnement.
Si cette résolution devait être adoptée par le sommet de Cotonou, ce que laisse a priori augurer l'accord politique qui s'est dégagé en ce sens lors des dernières réunions de préparation de cette conférence, le premier secrétaire de la francophonie serait élu lors du sommet de 1997. Durant l'année qui précédera celui-ci, les fonctions de secrétaire général de la francophonie devraient être exercées par l'actuel secrétaire général de l'ACCT, dont le dernier mandat expirera à la fin de 1997.