N° 167 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 , |
TOME III COHÉSION DES TERRITOIRES |
Par MM. Louis-Jean de NICOLA• et Jean-Michel HOULLEGATTE, Sénateurs |
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin, secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Mme Nadine Bellurot, MM. Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen. |
Voir les numéros : Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687 Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022) |
CHAPITRE
IER
LES CRÉDITS CONSACRÉS
À LA POLITIQUE DES
TERRITOIRES
Réunie le mardi 16 novembre 2021, sous la présidence de Jean-François Longeot, pour examiner le rapport pour avis de Louis-Jean de Nicolaÿ, la commission a formulé plusieurs observations et réserves sur le projet de budget 2022 dédié aux politiques des territoires .
Elle regrette notamment :
- la stabilité des moyens dédiés à l'Agence nationale de cohésion des territoires , qui ne lui permettent pas encore de déployer une offre d' ingénierie à la hauteur des enjeux pour les collectivités, en particulier rurales ;
- le manque de lisibilité et de traçabilité des crédits , notamment ceux dédiés à la couverture d'engagements ouverts au titre du plan de relance 2021/22, ainsi que la superposition de nombreux instruments contractuels qui soulèvent des inquiétudes chez les élus locaux en matière de coordination et de financement - accords régionaux de relance, contrats de plan État-région (CPER-CPIER), contrats de relance et de transition écologique (CRTE) ;
- que le budget global consacré à l'attractivité et au développement des territoires ruraux soit encore en-deçà des besoins et des ambitions et que les restes à payer au titre du programme 112 et de plusieurs actions du plan de relance s'élèvent encore à des niveaux élevés ;
- l'absence de réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR) , bien qu'elle soutienne le 4 e gel du classement opéré par l'article 29 D du PLF pour ce zonage et six autres zonages de soutien, alors que le Gouvernement dispose des propositions du Sénat depuis 2 ans .
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes 112 et 162 de la mission « Cohésion des territoires », du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités rurales », des programmes 119 et 122 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et des crédits relatifs à la politique des territoires de la mission « Plan de relance » .
I. UN BUDGET À « DOUBLE DÉTENTE », SOUFFRANT D'UN MANQUE DE LISIBILITÉ QUI TEND À RÉDUIRE LA PORTÉE DE L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE
A. UNE DISPERSION DES CRÉDITS PRÉJUDICIABLE AU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE ET DES RESTES À PAYER ENCORE IMPORTANTS
La multiplicité des dispositifs - contrats de plan État-régions (CPER) et CPIER, accords de relance régionaux, contrats de relance et de transition écologique (CRTE) - nuit à la lisibilité du budget et leurs sources de financement très diverses - crédits du plan de relance, programmes de droit commun, transferts en gestion, fonds de concours - complexifient l'exercice de suivi de la mobilisation des crédits , réduisant d'autant la portée de l'autorisation parlementaire. À titre d'exemple, la structure de financement du plan « Avenir Montagnes » demeure floue à ce stade. L'avenant à la convention de délégation de gestion des crédits de la relance signé le 7 septembre 2021 entre la direction générale des collectivités locales (DGCL) et la direction du budget (DB), prévoit une mise à disposition de 54 M€ en AE et 12 M€ en CP pour 2021. Un abondement de crédits est prévu en gestion 2022, afin d'attendre les 170 M€ prévus au titre du fonds Avenir Montagne pour la part État - soit 150 M€ d'investissement et 20 M€ d'ingénierie, dont 10 M€ pour le financement d'environ 60 chefs de projets et 10 M€ pour l'appel à manifestation d'intérêt « Avenir Montagne mobilités ». Les conseils régionaux concernés devront apporter les 150 M€ de confinement pour atteindre l'enveloppe de 320 M€ annoncée par le Premier ministre.
1. Des crédits stables mais dispersés pour le programme 112
Pour 2022, le niveau du programme 112 de la mission « cohésion des territoires » correspond en fait au rattrapage du niveau de 2020 conformément à l'engagement pris par la ministre. Les 314 M€ en autorisations d'engagement (AE) et 316 M€ en crédits de paiement (CP), incluant les financements du plan de relance, devraient, pour le rapporteur, constituer le niveau « de croisière » du programme 112 , compte tenu de l'importance des politiques financées pour nos territoires.
2. Des engagements juridiques non couverts par des paiements
Le programme 112 présente encore des restes à payer importants , même s'ils ont été réduits ces dernières années. Ainsi, au 31/12/20, les restes à payer étaient principalement constitués de 210 M€ pour les CPER, de 60 M€ pour la PAT et 40 M€ pour d'autres dispositifs pour un total de 339,8 M€ . La DGCL indique qu'une baisse de plus de 18 % des restes à payer est anticipée pour fin 2021, à 277,8 M€.
Le rapporteur relève également un manque de précision sur la couverture des engagements ouverts en 2021 et 2022 au titre du plan de relance , par exemple pour les actions suivantes : résilience des réseaux électriques (20 M€ manquants), soutien à la surveillance et à l'entretien des ouvrages d'art des collectivités (plusieurs dizaines de M€), rénovation énergétique des bâtiments des collectivités (400 M€), dotation régionale d'investissement (228 M€), CPER-CPIER (84 M€), programme d'investissement en Corse (27 M€), Agenda rural (7 M€). Des CP seront donc nécessaires dans les prochaines années et devront alimenter les actions validées en 2021 par le Parlement. Un transfert vers les programmes de droit commun serait nécessaire en 2023 pour le rapporteur.
3. Des dotations de soutien à l'équipement et à l'investissement des collectivités stables
L'ajustement à la hausse de la DSIL 2022 vise en particulier à soutenir les collectivités bénéficiaires du programme « Action coeur de ville » , selon le Gouvernement. La concentration des montants de la DETR sur un nombre plus réduit de projets - 86 % des projets dont le taux de subvention au titre de la DETR se situe entre 20 et 50 % en 2020 - permet de maximiser son effet de levier (estimé à 3,5 contre 4,5 pour la DSIL) mais le rapporteur souhaite que cette dotation conserve une vocation généraliste et permette de soutenir de nombreux projets, des plus simples aux plus complexes, sans toutefois verser dans l'écueil du « saupoudrage ».
En outre, la part des projets concourant à la transition écologique devra nécessairement augmenter dans les prochaines années.
La commission a porté une attention particulière aux dotations de soutien aux collectivités territoriales frappées par des évènements climatiques ou géologiques exceptionnels .
À la suite de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes , un fonds de reconstruction exceptionnel a été institué dans la première loi de finances rectificative pour 2021 (34,7 M€ en AE et 10,5 M€ en CP). Pour 2022, le PLF prévoit un abondement supplémentaire (66,1 M€ en AE et 30,8 M€ en CP). Ce fonds intervient en complément de la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des évènements climatiques ou géologiques exceptionnels qui est par ailleurs renforcée (40 M€ en AE et 48,52 M€ en CP) pour couvrir les engagements de l'État, y compris ceux pris au titre des dégâts causés par la tempête.
Au total, selon la DGCL, 142,7 M€ en AE ont été engagés entre 2020 et 2021 sur cette dotation. Enfin, le Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE) devrait intervenir à hauteur de 59,3 M€ (AE = CP) sur les exercices 2021 et 2022.
4. Le PITE (programme 162) toujours aussi peu lisible et manquant de dynamisme sur les actions Pays de la Loire et Bretagne
Le programme des interventions territoriales de l'État (PITE), en légère hausse de 5 % en CP à 42,3 M€ et de 18,7 % en AE à 48,4 M€, apporte une souplesse de gestion indéniable aux préfectures pour assurer des politiques territoriales ciblées. Toutefois, sa lisibilité est, cette année encore, entachée par des transferts en gestion entre plusieurs ministères et par la grande diversité des politiques concernées.
Le rapporteur regrette en particulier le faible dynamisme de l'action 11 dédiée à la reconquête de la qualité des cours d'eau dans la région Pays de la Loire , qui ne compte que 60 k€ d'AE et 700 k€ de CP une nouvelle fois pour 2022. Ce niveau apparaît insuffisant face à la nécessité d'accompagner massivement les agriculteurs dans leur transition, compte tenu du fait que seulement 11 % des masses d'eau régionales apparaissent en bon état, selon les éléments transmis par le ministère de l'intérieur.
Le rapporteur demeurera également attentif à la mise en oeuvre du plan IV (2021-2027) visant à traiter la pollution au chlordécone en Martinique et en Guadeloupe.