B. UNE RÉPARTITION DES CRÉDITS PRINCIPALEMENT CIBLÉE SUR L'HÉBERGEMENT D'URGENCE
1. Les changements affectant l'action n° 11 « Prévention de l'exclusion »
L'action n° 11 « Prévention de l'exclusion » connaîtrait un changement de périmètre en 2022. Les dépenses d'allocation ou d'aide sociale (34 M€) seraient transférées au programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » piloté par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Il s'agit principalement de prestations en faveur des personnes sans domicile fixe âgées ou en situation de handicap notamment pour la prise en charge de leurs frais de séjour en établissements sociaux ou médico-sociaux (ESMS).
À compter du 1 er janvier 2022, 1,5 M€ du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » seraient transférés au programme 177 afin d'unifier sous la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal) le pilotage et la gestion de la politique de résorption des occupations illicites et des bidonvilles (8 M€).
Une part de l'action 11 (15,2 M€) finance également le fonctionnement des aires d'accueil des gens du voyage à travers l'allocation de logement temporaire 2 (« ALT2 »).
2. La quasi-exclusivité des crédits à destination de l'action n° 12
a) La politique de veille sociale
La politique de veille sociale vise à établir le premier contact avec les personnes sans-abri grâce aux maraudes, à proposer un premier accueil, à recueillir leurs besoins et à les orienter. Dans chaque département, un service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) , plateforme d'accueil et de coordination, est chargé de recenser les places d'hébergement et les logements, de gérer le numéro téléphonique « 115 » et de suivre le parcours des personnes concernées. La veille sociale comprend aussi les dispositifs d'accueil de jour ou de halte de nuit offrant aux personnes à la rue des prestations de mise à l'abri, d'aide à l'orientation, des services repas et d'hygiène.
Les crédits proposés dans le PLF 2022 présentent une hausse de 8 % par rapport à la LFI pour 2021 pour s'établir à 179,9 M€ .
Le système d'information des SIAO (SI-SIAO) a fait l'objet d'une refonte en septembre 2020. Il présente toutefois d'importants dysfonctionnements qui emportent une incidence sur toute la chaîne de l'hébergement et doivent être compensés par les efforts des parties prenantes à mettre en oeuvre une coordination accrue sur le terrain.
L'État a mandaté un prestataire afin de mener un audit du SI-SIAO en avril 2021, lequel a conclu que le socle technique du système permettait l'exploitation souhaitée mais que la prise en considération des besoins des utilisateurs avait été insuffisante. Dès lors, l'État a fait le choix de conserver ce système et de travailler à son amélioration progressive.
Cette remise à niveau du SI-SIAO devra permettre un suivi d'activités et une production statistique impossible aujourd'hui. Le rapporteur insiste plus généralement sur l'importance d'améliorer l'observation sociale. La dernière enquête de l'Insee sur le sans-abrisme remonte à 2012 et avait révélé que 143 000 personnes étaient sans domicile fixe. Le manque d'information statistique récente sur le nombre de personnes à la rue est un frein au bon pilotage de la politique publique. Des initiatives locales tentent de pallier ce défaut d'information comme les Nuits de la Solidarité à Paris qui ont recensé 2 829 personnes la nuit du 25 au 26 mars 2021.
b) Les dispositifs d'hébergement
Le PLF pour 2022 prévoit une enveloppe de 1,33 Md€ (en CP) pour l'hébergement d'urgence, soit une augmentation de 436,1 M€ (+ 49 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. L'hébergement d'urgence est le principal destinataire de la hausse.
De 2012 à 2022, l'augmentation des crédits destinés à l'hébergement d'urgence serait de 335 %.
Crédits destinés à l'hébergement d'urgence
(en millions d'euros)
Source : Commission des affaires sociales du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur
Les crédits du PLF 2022 permettront de maintenir le niveau de 200 000 places ouvertes jusqu'au 31 mars 2022 puis d'amorcer une décroissance progressive pour atteindre un total de 190 000 places fin 2022.
La décrue programmée de 10 000 places d'hébergement d'urgence suppose toutefois que des places alternatives en logement adapté soient créées au moins dans les mêmes proportions.
Les CHRS bénéficient d'une légère hausse par rapport aux crédits inscrits en LFI pour 2021. Elle tient compte notamment de la convergence tarifaire des CHRS prévue par la loi ELAN 5 ( * ) dont l'objectif d'économie annuelle est de 5,1 M€. L'année 2021 marque en effet la reprise du plafonnement des tarifs 6 ( * ) , suspendu par la crise sanitaire.
LFI 2021 |
PLF 2022 |
Évolution
|
Évolution
|
|
CHRS |
648 200 000 € |
661 300 000 € |
13 100 000 € |
2,0 % |
Source : Commission des affaires sociales d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Cette convergence tarifaire serait accompagnée en 2022 de la campagne de contractualisation, retardée par la pandémie, entre les services déconcentrés de l'État et les gestionnaires. La conclusion des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) doit permettre d'améliorer la régulation des dépenses mais aussi de mener la transformation qualitative de l'offre d'hébergement par une conversion facilitée des places d'hébergement d'urgence de qualité insatisfaisante (CHU ou nuitées hôtelières) en places sous statut CHRS, avec un suivi des personnes accueillies plus régulier et de meilleure qualité 7 ( * ) . Au 31 décembre 2020, 18 % seulement des structures gestionnaires des CHRS avaient conclu un CPOM avec l'État. La démarche de contractualisation ne parviendra donc pas à s'achever avant le 1 er janvier 2023 comme le prévoyait la loi ELAN.
Une réforme de la tarification des places en CHRS est également en cours afin de mieux prendre en compte les coûts des structures et l'accompagnement social proposé. Les nouveaux tarifs ne s'appliqueraient qu'à compter de 2023.
c) Le développement du logement adapté
Les crédits destinés à l'offre de logement adapté, 467,9 M€, sont en hausse de 8,2 % . Ces montants doivent financer la poursuite du « Logement d'abord » par la création de 2 000 places en pensions de famille en 2022 et 8 000 places d'IML ainsi que la revalorisation adoptée en LFI pour 2021 de 16 € à 18 € par place du forfait journalier accordé aux hôtes des pensions de famille.
(en millions d'euros) |
LFI 2021 |
PLF 2022 |
Évolution |
Développement des modes de logement adapté |
432,4 |
467,9 |
35,5 + 8,2 % |
dont Résidence Accueil et pension de famille |
154,4 |
167,6 |
13,2 + 8,5 % |
dont IML |
148,8 |
168,3 |
19,5 + 13,1 % |
dont Résidences sociales et AGLS |
26 |
26 |
0 % |
Source : Commission des affaires sociales du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur
3. La stabilité des crédits affectés à la conduite et l'animation des politiques
Le financement du pilotage et de l'animation du secteur est stable à 9,1 millions d'euros.
* 5 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.
* 6 Arrêté du 24 août 2021 fixant les tarifs plafonds prévus au deuxième alinéa de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles applicables aux établissements mentionnés au 8° du I de l'article L. 312-1 du même code au titre de l'année 2021.
* 7 Sur le fondement de l'article 125 de la loi ELAN.