II. UN PLAN HYDROGÈNE TRÈS AMBITIEUX, QUI DEVRA RÉPONDRE À DE NOMBREUX DÉFIS TECHNOLOGIQUES ET ÉCONOMIQUES
A. L'HYDROGÈNE BAS-CARBONE : UN INTÉRÊT MAJEUR POUR LE VERDISSEMENT DE L'INDUSTRIE ET DES MOBILITÉS LOURDES
Le dihydrogène (H 2 ), gaz combustible composé de deux atomes d'hydrogène, fait l'objet d'un intérêt croissant comme solution de décarbonation de l'économie et, singulièrement, des mobilités.
Non disponible à l'état naturel, l'hydrogène peut être produit en s'appuyant sur des procédés industriels :
- La production d'hydrogène carboné, dit « gris », nécessite le recours à des ressources fossiles, émettrices de CO 2 .On distingue deux types d'hydrogène gris. Le premier est issu du reformage du méthane (gaz naturel) ; le second provient de la gazéification d'hydrocarbures comme le charbon.
- L'hydrogène « bleu » correspond à une production d'hydrogène « gris », associée à des méthodes de captage et de séquestration du carbone.
- L'hydrogène bas-carbone est obtenu à la suite d'un processus d'électrolyse de l'eau. Il est le seul type d'hydrogène dont la production ne nécessite pas de ressources fossiles, et n'émet pas de CO 2 mais principalement du dioxygène et quelques oxydes d'azote. Les électrolyseurs doivent cependant être alimentés par une électricité décarbonée, qu'elle soit issue d'une production nucléaire ou renouvelable. Le dernier cas correspond alors à un hydrogène « vert ».
Si l'hydrogène est parfois décrit comme combustible ou vecteur énergétique du futur, il s'agit en réalité d'une ressource déjà abondamment utilisée dans l'industrie , par exemple dans le raffinage ou dans la production de certains engrais. Il est aujourd'hui très largement produit à base de ressources fossiles ; l'hydrogène « gris », deux à trois fois plus compétitif que l'hydrogène bas-carbone, représente ainsi 95 % de l'hydrogène mondial . Sa production représente 2 à 3 % des émissions de gaz à effet de serre de la France . Le développement de l'hydrogène bas-carbone permettrait ainsi, prioritairement, de remplacer l'hydrogène « gris » dans les processus industriels.
Associé à des piles à combustible, il faciliterait, par ailleurs, le verdissement des mobilités lourdes (transports routier lourd, maritime, éventuellement aéronautique et ferroviaire), pour lesquelles les besoins d'autonomie ne peuvent être satisfaits par un simple recours à des batteries électriques. Comme l'a confirmé le directeur général de l'énergie et du climat, Laurent Michel, lors de son audition par le rapporteur, l'hydrogène bas-carbone n'a en revanche pas vocation, à ce stade, à offrir de solutions pour les mobilités individuelles : « la voiture à batterie électrique dispose d'une longueur d'avance en terme de maturité et répond aujourd'hui à la plupart des usages en terme d'autonomie ». Le stockage électrochimique à batterie dispose par ailleurs d'un rendement énergétique bien supérieur à celui de l'hydrogène produit par électrolyse (80 % contre 20 à 30 %) 11 ( * ) .
Le développement d'une filière d'hydrogène bas carbone pourrait enfin contribuer à pallier l'intermittence saisonnière des énergies renouvelables. L'hydrogène produit en période de surplus d'électricité renouvelable (par exemple, en été) pourrait être stocké et retransformé en électricité par le biais de piles à combustible ou de turbines à combustion pendant les périodes de faible production éolienne ou solaire . Deux modes de stockage seraient alors envisageables :
- L'injection directe d'hydrogène dans les réseaux de gaz : compte tenu de contraintes techniques, l'injection dans les canalisations de gaz ne sera possible qu'à hauteur de 6 à 20 % ;
- L'association de cet hydrogène avec du CO 2 pour former du méthane de synthèse : proche du gaz naturel, le méthane de synthèse est quant à lui adapté à une injection en grandes quantités dans les infrastructures gazières.
L'intermittence ne posant pas aujourd'hui de difficultés majeures en raison du niveau encore modéré des énergies renouvelables dans le mix énergétique (voir supra ), le recours au stockage intersaisonnier devrait demeurer marginal en France métropolitaine dans les années à venir. Il pourrait néanmoins constituer une opportunité , à échéance plus brève, dans les zones non interconnectées (ZNI) (Corse, territoires ultra-marins...).
* 11 « L'hydrogène n'étant qu'un vecteur énergétique, il suppose une succession de transformations, entre source primaire d'énergie et énergie finale utilisée. Le rendement de l'électrolyse - permettant via un courant électrique de décomposer la molécule d'eau en hydrogène et oxygène - est actuellement de l'ordre de 70 %. La compression de ce gaz est également consommatrice d'énergie, et la recombinaison de la molécule d'eau dans la pile, pour fournir de l'électricité à nouveau, se fait avec un rendement de l'ordre de 45 %. Le rendement global de la chaîne, de l'électricité primaire à l'électricité utile restituée, se situe ainsi dans une fourchette de 20 à 30 % selon les applications, la pression de stockage considérée, les schémas logistiques, etc. Pour cette raison, et dans le but d'une efficacité globale des systèmes énergétiques, le stockage électrochimique à batterie est à privilégier lorsque cela est possible. Le rendement de ce type de stockage est en effet meilleur, supérieur à 80 %. Par exemple, dans le domaine de la mobilité, le véhicule électrique à batterie seule est à préférer pour les profils d'usage qui peuvent être couverts par ce type de véhicule, selon l'autonomie énergétique souhaitée, la disponibilité du véhicule requise, etc. Le recours à l'hydrogène est à considérer lorsque cette solution n'est plus opérante (véhicules lourds, disponibilité pour une flotte de véhicule) » (extrait de la fiche technique de l'Ademe de mars 2018, « L'hydrogène dans la transition énergétique »).