EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 25 novembre 2020, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits « Transition énergétique et climat » de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » et sur les crédits « Recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2021.

M. François Calvet , rapporteur pour avis sur les crédits « Transition énergétique et climat » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » . - Il me revient de vous présenter mon avis sur les crédits prévus, dans le budget 2021, en faveur de la transition énergétique et du climat.

Compte tenu de l'ampleur du sujet, qui recouvre des problématiques extrêmement larges, j'ai choisi de concentrer mon propos sur quatre thématiques : le soutien prévu en faveur du développement des énergies renouvelables, le plan hydrogène, la politique de lutte contre la pollution de l'air et les aides à la rénovation énergétique des logements.

Comme vous le savez, nos objectifs de développement des énergies renouvelables sont particulièrement ambitieux. Aux termes de l'article L. 100-4 du code de l'énergie, la politique énergétique nationale a notamment pour objectif de porter la part des énergies renouvelables à 33 % au moins de la consommation finale brute d'énergie d'ici 2030.

Cet objectif apparaît d'autant plus ambitieux que nous avons déjà pris du retard et que nous n'arriverons sans doute pas à réaliser notre objectif intermédiaire, qui consiste à porter cette part à 23 % d'ici 2020 : fin 2019, elle s'élevait à 17,2 %. La France est d'ailleurs l'un des pays les plus en retard dans l'atteinte de ses objectifs pour 2020.

Dans ce contexte, un soutien accru au développement des énergies renouvelables, électriques et thermiques, est plus que jamais nécessaire. C'est d'ailleurs pourquoi je vous présenterai un amendement visant à supprimer le dispositif proposé par le Gouvernement pour réviser d'anciens contrats photovoltaïques.

En ce qui concerne les moyens de cette politique, le budget pour 2021 prévoit 5,68 milliards d'euros au titre du soutien aux énergies renouvelables électriques, soit plus de 900 millions d'euros de plus que l'année précédente. Cette évolution s'explique par le développement du parc, mais aussi, plus mécaniquement, par la baisse importante des prix de marché de l'électricité. S'agissant des énergies renouvelables thermiques, 350 millions d'euros sont prévus pour le « Fonds chaleur » et le plan de relance prévoit un soutien à la chaleur bas-carbone des entreprises industrielles de 500 millions d'euros sur deux ans.

Le développement de l'hydrogène bas-carbone constitue par ailleurs un des axes importants du plan de relance. Je salue l'accroissement considérable des moyens publics qui lui sont alloués : alors que la première stratégie nationale pour un hydrogène bas-carbone de 2018 n'avait pas mobilisé plus de 100 millions d'euros sur trois ans, le plan de relance dédie à la filière hydrogène prévoit 2 milliards d'euros pour les années 2021 et 2022, qui seront portés à 3,4 milliards en 2023 pour finalement atteindre 7,2 milliards en 2030. Il s'agit incontestablement d'un des axes les plus ambitieux du plan de relance, alliant défense de la souveraineté économique et énergétique de notre pays et engagement déterminé à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.

Je rappelle rapidement les trois principaux objectifs de la stratégie : le premier est d'installer suffisamment d'électrolyseurs pour apporter une contribution significative à la décarbonation de l'économie, l'idée du Gouvernement étant de soutenir autant l'offre via un appui au développement d'usines d'électrolyse, et la demande, via un mécanisme de complément de rémunération, déjà à l'oeuvre pour soutenir le développement des énergies renouvelables. Le deuxième objectif est de développer les mobilités propres en particulier pour les véhicules lourds. Le dernier objectif est de renforcer l'efficacité des électrolyseurs et des piles à combustible via un soutien accru à la recherche et développement (R&D).

Ces motifs de satisfaction n'écartent pas les nombreux défis qui devront être relevés pour faire de la stratégie une réussite économique et environnementale. L'hydrogène bas-carbone devra tout d'abord combler le différentiel de compétitivité avec l'hydrogène « gris ». À cet égard, le soutien envisagé dans le plan de relance pourrait être insuffisant, sans tarification appropriée du CO2. La réussite du plan hydrogène dépendra également de la capacité à assurer une production suffisante et stable d'énergie décarbonée : la bonne articulation entre la stratégie hydrogène et la trajectoire d'évolution des énergies renouvelables dans le mix énergétique constituera un nécessaire point d'attention.

Le troisième sujet que je souhaiterais aborder est celui de la lutte contre la pollution de l'air. La pollution de l'air constitue un problème de santé publique majeur en France, responsable de 48 000 décès prématurés par an. Cela fait des années que les normes de qualité de l'air ne sont pas respectées dans plusieurs agglomérations. Ces dépassements chroniques ont conduit à ce que des contentieux soient engagés contre l'État au niveau européen et au niveau national, qui pourraient bientôt déboucher sur des sanctions financières importantes.

Au plan européen, la France a été condamnée l'année dernière par la Cour de Justice de l'Union européenne pour non-respect des valeurs limites relatives au dioxyde d'azote dans 12 zones. Et la Commission européenne vient de saisir à nouveau la Cour de Justice, cette fois en raison des concentrations de particules fines PM 10 trop importantes à Paris et en Martinique.

Si la Cour considère que la France n'a pas pris des mesures suffisantes pour permettre de réduire les concentrations de polluants, elle pourrait lui infliger une amende de 100 millions d'euros la première année, puis 90 millions d'euros par année de dépassement.

Au niveau national, le Conseil d'État a ordonné cet été à l'État de prendre des mesures pour réduire la pollution de l'air dans 8 zones sous peine d'une astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard. Dans sa décision, le Conseil d'État considère que les feuilles de route pour la qualité de l'air qui ont été élaborées en 2018 sont insuffisantes, car elles ne comportent ni estimation de l'amélioration de la qualité de l'air attendue ni précision sur les délais de réalisation de leurs objectifs.

C'est exactement ce qu'avait pointé du doigt notre commission dans un rapport d'information sur la lutte contre la pollution de l'air réalisé par notre ancienne collègue Nelly Tocqueville en avril 2018.

Il est temps que l'État prenne de nouvelles mesures ambitieuses, précises et évaluées de lutte contre la pollution de l'air, en procédant si besoin à une révision anticipée des plans de protection de l'atmosphère.

Pour terminer, je souhaiterais aborder la question des aides à la rénovation énergétique des logements. La loi de finances pour 2020 a décidé la transformation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime directe versée aux ménages qui réalisent des travaux de rénovation énergétique. Depuis le 1 er janvier 2020, cette prime, appelée « MaPrimeRénov' », bénéficie aux ménages modestes et très modestes pour les travaux de rénovation énergétique qu'ils effectuent dans les logements dont ils sont propriétaires et qu'ils occupent à titre de résidence principale.

Les autres ménages continuent à bénéficier du CITE cette année, à l'exception des ménages les plus aisés qui sont exclus du dispositif, sauf pour les dépenses d'isolation des parois opaques et d'acquisition et de pose d'un système de charge pour véhicule électrique qu'ils effectuent. À compter du 1 er janvier 2021, le CITE sera supprimé en totalité.

Notre commission avait salué cette réforme, qui permet de soutenir directement les ménages qui réalisent des travaux par le versement d'une prime. Mais elle s'était inquiétée de la suppression du crédit d'impôt pour les ménages aisés, qui sont ceux qui réalisent le plus de travaux de rénovation.

Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a décidé d'élargir le bénéfice de la prime à l'ensemble des propriétaires occupants ou bailleurs, quels que soient leurs revenus, ainsi qu'aux copropriétés pour les travaux réalisés dans les parties communes. Par ailleurs, le montant de la prime est bonifié lorsque les travaux permettent des gains énergétiques importants.

Deux milliards d'euros supplémentaires sont prévus sur deux ans pour accompagner l'élargissement de ces aides, qui s'ajoutent aux 740 millions d'euros prévus par la mission « Écologie » pour l'année prochaine.

Nous pouvons saluer cette augmentation importante des moyens dédiés à la rénovation énergétique des logements, qui va dans le sens de ce que notre commission avait souhaité l'année dernière.

Il conviendra de dresser rapidement un bilan du nombre de travaux de rénovation qui sont encouragés grâce à cette prime et des gains énergétiques qu'ils permettent. Au regard des objectifs très ambitieux de rénovation du parc de logements privés prévus par la loi, il sera nécessaire de maintenir un haut niveau d'investissement au-delà des deux prochaines années couvertes par le plan de relance. Le bâtiment est l'un des principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre et les travaux de rénovation permettent des gains de pouvoir d'achat pour les ménages et sont sources de création d'emplois non délocalisables. Ils sont donc bons pour l'économie et pour le climat.

Je vous proposerai par ailleurs un amendement visant à augmenter les moyens alloués au Haut conseil pour le climat (HCC) afin de lui permettre d'exercer pleinement son rôle d'expertise au service du Parlement. Les difficultés à répondre à la demande adressée par le président du Sénat afin évaluer l'impact environnemental de la 5G a mis en lumière l'insuffisance des effectifs du HCC.

Voilà les principaux éléments que je souhaitais porter à votre connaissance. Compte tenu des crédits importants qui sont prévus pour le plan hydrogène et pour la rénovation énergétique des logements, et malgré les quelques réserves que j'ai pu exprimer, je vous propose d'émettre un avis favorable sur les crédits relatifs à la transition énergétique et climatique.

Mme Christine Herzog . - Ma question concerne « MaPrimeRénov' », qui remplace le crédit d'impôt pour la transition écologique. Son objectif de promouvoir la rénovation énergétique des bâtiments est louable, mais des oubliés demeurent comme les Sociétés civiles immobilières (SCI), ainsi que les résidences secondaires et les propriétaires en nue-propriété, tous non éligibles à la prime. La rénovation des résidences secondaires, souvent situées en milieu rural, permettrait pourtant de dynamiser l'artisanat local. Que pensez-vous de ces exclusions, alors que la prime pour les ménages sera versée sans condition de ressources ?

Mme Angèle Préville . - Je salue l'amendement du rapporteur concernant les moyens du Haut conseil pour le climat. Je souhaite évoquer un sujet qui n'a pas été abordé : l'accompagnement que le pays doit aux territoires touchés par les fermetures des centrales à charbon et des centrales nucléaires. Cela a été évoqué hier dans l'hémicycle : certains territoires se trouvent en désespérance en raison de ces fermetures, n'ont pas été suffisamment accompagnés. La transition écologique ne doit pas se traduire par des décisions de fermeture, sans qu'une planification sur le long terme et un accompagnement fort soient mis en place.

S'agissant de la rénovation thermique, comme je l'avais signalé lors de l'audition de la ministre Barbara Pompili, nous avons des inquiétudes sur le programme de rénovation thermique des logements. Au rythme actuellement prévu, il nous faudra une quinzaine d'années pour résorber les passoires thermiques.

Enfin, concernant l'hydrogène, et l'hydrogène vert, nous avons un industriel de niveau international en France, Airbus, qui a fait des annonces sur son futur avion à hydrogène. La grande question est de savoir si l'hydrogène vert sera disponible en quantité suffisante pour permettre le développement de cet avion. Nous devons être à la pointe pour garantir une telle production. Nous nous situons un peu en dessous des crédits prévus en Allemagne pour soutenir le développement de l'hydrogène. Il s'agira d'être vigilant à ce que le Gouvernement tienne ses engagements, mais que peut-être pourrions-nous aller plus vite et plus fort que ce qui est prévu.

M. Jean-Michel Houllegatte . -Ma première remarque concerne le compte d'affectation spéciale sur la transition énergétique, qui a disparu. Nous connaissons les raisons qui ont motivé cette suppression, notamment le rapport de la Cour des Comptes qui stipulait qu'il y avait un décalage entre les recettes et les dépenses, dans la mesure où ce compte était alimenté par la TICPE. Dispose-t-on néanmoins d'une vision globale de l'ensemble des coûts engendrés par la transition énergétique ? Il est évident que le soutien aux énergies renouvelables, qui représente 5,684 milliards d'euros, est en augmentation, du fait notamment que la production d'énergies renouvelables ne peut pas être pilotée ; il y a donc parfois des pics de production. On a connu cette année des prix négatifs sur le marché de l'énergie, ce qui induit une augmentation du delta financé par l'État. Au-delà du soutien aux énergies renouvelables il existe également des coûts induits par l'interconnexion des réseaux et par l'intermittence, des coûts liés aux fermetures des centrales, et des coûts liés au raccordement des énergies renouvelables. Je pense notamment à l'éolien offshore, dont le raccordement est maintenant pris en charge par RTE, et qui va donc se retrouver d'une certaine façon dans le prix de l'électricité. En toute transparence, sans remettre en cause les trajectoires de transition énergétique, il serait intéressant d'avoir une vision globale de l'ensemble des moyens qui doivent être mobilisés au service de la transition énergétique.

Ma deuxième remarque porte sur l'hydrogène. Nous avons eu un débat décevant sur le sujet avec la ministre Bérengère Abba, puisque nous n'avons pas obtenu les réponses aux questions que nous nous posions. L'hydrogène n'est pas une énergie, mais un moyen de stockage, et à l'heure actuelle, beaucoup de progrès reste à faire en matière d'efficacité, puisqu'entre l'électricité injectée dans un électrolyseur et celle récupérée dans une pile à combustible, le rendement est de 25 %. On perd donc 75 % de l'énergie, qui se dissipe, alors que pour une batterie, ce rendement est de 70 %. L'hydrogène est porteur d'avenir, mais est nécessaire, au-delà de l'ambition, d'avoir un « pilote dans l'avion ». Quand la France s'est dotée d'une ambition nucléaire, elle a créé le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), quand elle s'est dotée d'une ambition spatiale, elle s'est doté du Centre national d'études spatiales (CNES) ; quid de l'hydrogène ? On a du mal à voir quelle est la stratégie poursuivie pour franchir les obstacles techniques et pour améliorer la performance de l'hydrogène.

Mme Marie-Claude Varaillas . - Je souhaite revenir sur le sujet de la précarité énergétique. Les émissions du secteur du bâtiment résidentiel et tertiaire représentent 19 % des émissions nationales et le secteur est le premier consommateur d'énergie finale en France. Il existe plus de 5 millions de passoires thermiques, et un ménage sur cinq est en situation de précarité énergétique. 17 % des logements sont considérés comme très énergivores et les locataires modestes du privé sont les plus touchés, puisque 28 % d'entre eux vivent dans des logements dont l'étiquette énergétique est « F » ou « G ». Il y a une volonté d'abonder les crédits de soutien à la rénovation énergétique, mais ils sont répartis sur trois missions et donc peu lisibles, et l'Agence nationale de l'habitat (Anah) n'a pas les moyens humains pour traiter toutes les demandes. J'ai pu voir dans mon département qu'il y avait un retard considérable de traitement des dossiers, qui pénalise les artisans et les ménages. Lorsque l'on sait qu'un euro de subvention représente quatre euros de travaux et des emplois non délocalisables, des moyens humains supplémentaires sont nécessaires si nous voulons arriver à l'objectif de rénovation de 500 000 logements chaque année.

M. Ronan Dantec . - Je ne suivrai pas le rapporteur sur son avis favorable. Il y a un moment d'opportunité avec le plan de relance, qui met beaucoup d'argent sur la table et qui engage l'avenir de la transition énergétique. Si on prend un peu de recul, on constate que la France ne sort pas de ses « démons » : on veut construire des grosses machines. Comme l'a dit notre collègue Houllegatte, l'hydrogène est un vecteur, et on voit bien que ce vecteur vise plutôt à alimenter des grosses machines. En France, on adore les grosses machines, c'est l'histoire énergétique française, et nous allons réinvestir beaucoup d'argent dedans.

Or si on regarde à l'échelle internationale, c'est le photovoltaïque qui dispose aujourd'hui d'un avantage de compétitivité. Aujourd'hui, les prix des parcs photovoltaïques sont de l'ordre de 10 euros par mégawattheure (MW), alors que ceux de l'EPR se situent plutôt autour de 130 à 150 euros. Le plan de relance aurait dû investir beaucoup d'argent dans les nouvelles générations d'installations photovoltaïques, un secteur d'une extrême créativité qui produit de très loin l'électricité la moins chère, une électricité qui servira notamment à produire l'hydrogène. Ce secteur est absent du plan de relance, alors qu'il est constitué de start-ups et de PME, et qu'il permet une véritable décentralisation de la production énergétique.

S'agissant de la rénovation énergétique, on continue à ne pas avoir de stratégie claire. Tant que nous n'aurons pas d'obligation de rénovation, par exemple lors de la réalisation de grands travaux, et qu'une articulation des aides avec les certificats d'économies d'énergie ne sera pas faite, tant qu'il n'est pas clair si on aide tout le monde ou seulement certains, et que l'on met des moyens sans un système cohérent, on ne tiendra pas les objectifs de rénovation.

Il nous reste un moment clé, la loi « Climat » qui sera débattue au printemps. Mais je suis inquiet du fait que le plan de relance, qui implique beaucoup d'argent, ne s'appuie pas sur une doctrine aboutie, si ce n'est investir dans l'électrolyseur, la nouvelle « grosse machine ». Je ne peux pas donc suivre le rapporteur sur son avis favorable. Je soutiens néanmoins ses amendements, et je considère que le Haut conseil pour le climat doit être plus largement soutenu : c'est un progrès démocratique que d'avoir des autorités indépendantes qui éclairent la stratégie de l'État. Concernant les contrats photovoltaïques, je pense également que le message passé aux énergéticiens, qui ont pris le risque d'investir dans le photovoltaïque au moment où ça coûtait cher et qui voient remettre en cause leurs contrats de manière rétroactive, est mauvais. Je soutiendrai donc ces deux amendements.

M. François Calvet , rapporteur pour avis . - Il est vrai que les résidences secondaires ne sont pas éligibles au dispositif « MaPrimeRénov' ». Ce dispositif n'est pas parfait, mais je considère qu'un effort est fait. J'ai été responsable du logement dans ma communauté d'agglomérations, et en prenant la compétence, nous avons réalisé des efforts considérables. Nous avons notamment pu mettre en place des plateformes énergétiques entre les collectivités. Chaque fois que des travaux ont été faits pour des ménages, ils ont représenté un gain d'environ 520 euros pour sur leur facture d'énergie, un véritable gain de pouvoir d'achat.

La politique de rénovation énergétique s'appuie effectivement sur un système incitatif et non obligatoire, mais les gens deviennent conscients, petit à petit, de cet enjeu.

Les énergies renouvelables ne sont pas encore suffisamment développées, mais elles sont en train de pénétrer l'ensemble de nos activités, et je suis un optimiste. J'espère à cet égard que les efforts du plan de relance seront maintenus durablement.

Concernant la disparition du compte d'affectation spéciale et ses conséquences sur la lisibilité, je suis d'accord avec notre collègue Houllegatte. Dans mon rapport, j'ai tenté d'indiquer précisément ce qui est financé par les 5,684 milliards d'euros de crédits. Si je ne vous ai pas parlé d'éolien offshore, c'est parce qu'il n'est pas encore inclus dans les crédits concernés. Cependant, des travaux ont commencé pour la création de parcs à Fécamp et à Lorient, un débat public a eu lieu en Bretagne, et deux débats publics se tiendront en 2021-2022 pour des projets en Méditerranée. Il y a donc quelque chose qui se passe, même si beaucoup reste à faire.

Au sujet de l'hydrogène vert et d'Airbus, je suis d'accord avec ce qui a été dit sur ces gros projets ; mais il est nécessaire de s'attaquer aux activités les plus lourdes, par exemple les trains diesel.

M. Jean-François Longeot , président . - Je vous propose, Monsieur le rapporteur, de nous présenter vos amendements.

M. François Calvet , rapporteur pour avis . - Je vous avais présenté la semaine dernière un amendement visant à sécuriser le financement des associations agrées de surveillance de la qualité de l'air, confrontées à des difficultés financières depuis plusieurs années. Elles sont financées par l'État, les collectivités territoriales, et par les entreprises qui leur versent des montants déductibles de la taxe sur les activités polluantes dont elles sont redevables. Cet amendement a été adopté par le Sénat.

Mon second amendement porte sur la révision des contrats photovoltaïques signés entre 2006 et 2010. Cela concerne 800 à 850 contrats. Le Gouvernement, par un amendement adopté à l'Assemblée nationale, veut remettre en cause ces contrats. Je considère que ce n'est pas normal, qu'il s'agit d'un mauvais signal pour les investisseurs. Je me demande également dans quelle mesure cette disposition est constitutionnelle. Je propose donc de la supprimer. Notre collègue Christine Lavarde de la commission des finances le proposera également. À Perpignan, nous avons fait une opération de couverture du marché Saint-Charles à l'aide de panneaux photovoltaïques. La révision de ces contrats mettrait de nombreux propriétaires et investisseurs en difficulté.

Mon dernier amendement porte sur le Haut conseil pour le climat : nous souhaitons qu'il soit mieux doté en moyens humains afin qu'il puisse répondre aux demandes du Parlement, et souhaitons donc porter sa dotation à 2 millions d'euros. Son homologue britannique comporte 24 emplois, contre 6 pour le HCC.

M. Jean-Michel Houllegatte . - Je suis un peu mal à l'aise concernant la renégociation des contrats. L'avis du Conseil d'État souligne que les retours sur investissement sont excessifs. C'est une affaire très complexe. Il y a une dizaine d'années, les prix de rachats sur ces contrats de longue durée étaient de 50 centimes, un prix aujourd'hui divisé par 10. Certains investissements ont été rentabilisés, d'autres contrats ont été rachetés et sont devenus spéculatifs. Il y a une nécessité de clarifier. Je m'abstiendrai, car je considère que la démarche doit être la même que pour l'éolien offshore : il y a eu une négociation avec les opérateurs, qui a abouti. Cela peut être compliqué de renégocier chaque contrat, mais il est nécessité de faire le point. Ce sont par ailleurs les installations de plus de 250 kW de puissance installée qui sont concernées, qui relèvent donc plutôt de la spéculation que du complément de revenus pour les agriculteurs.

M. François Calvet , rapporteur pour avis . - En effet, il n'y a pas que des agriculteurs qui ont souscrit à ces contrats, je viens de citer un exemple, qui produit 10 % de l'électricité de Perpignan. Il s'agissait d'un dispositif innovant, un peu cher à l'époque, dans lequel avait investi la Caisse des dépôts et consignations ainsi que certains propriétaires. Il me semble donc anormal de remettre en cause la parole de l'État. Quelle confiance aurait-on sinon dans l'État ? Il faut assumer ces contrats jusqu'en 2030.

Les amendements DEVDUR.9 et DEVDUR.1 sont adoptés.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Transition énergétique et climat » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

M. Jean-François Longeot , président . - Nous passons maintenant aux crédits « Recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et je cède la parole à M. Frédéric Marchand, rapporteur pour avis.

M. Frédéric Marchand , rapporteur pour avis sur les crédits « Recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » . - Monsieur le président, mes chers collègues, il me revient de vous présenter l'avis budgétaire relatif au programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » dans le projet de loi de finances pour 2021.

Pour rappel, ce programme 190 finance la recherche dans les domaines du développement durable, de l'énergie, des risques, des transports, de la construction et de l'aménagement.

Les crédits de ce programme ont pour objet, plus particulièrement, d'apporter des subventions à six opérateurs, dont les principaux bénéficiaires sont le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN) ainsi que la nouvelle Université Gustave Eiffel (UGE).

Les travaux de ces opérateurs sont indispensables pour respecter l'ensemble des engagements internationaux et de nature législative qu'il s'agisse, par exemple, de la loi d'orientation des mobilités de 2019, ou encore des objectifs fixés par la loi économie circulaire de 2020, deux lois examinées par notre commission. Ces travaux sont un levier important dans la mise en oeuvre de la transition écologique et énergétique qu'il importe d'encourager. Je souhaiterais cette année insister sur la  qualité de la recherche française en matière de développement durable qui contribue au rayonnement de l'expertise française sur la scène internationale.

La crise sanitaire rappelle avec force la nécessité de poursuivre, et même d'accélérer, la transition énergétique. La recherche dans ces domaines constitue un enjeu clé, de plus en plus sollicité. Il importe donc de la soutenir tout en veillant à la traduire en termes d'industrialisation, à ce qu'elle aboutisse à des réalisations concrètes dans les domaines de l'énergie, des nouvelles mobilités mais également en matière de traitement des déchets.

J'en viens à l'examen de ces crédits. En 2021, les crédits du programme 190 connaîtront une augmentation marquée de de 7,3 % en autorisations d'engagement avec 1,92 milliard d'euros. Toutefois cette hausse des autorisations d'engagement demeure relative car concentrée au profit de la seule action concernant la recherche et le développement dans le domaine de l'aéronautique civile. Hormis cette évolution notable, les crédits des autres actions ont été reconduits, à l'exception de ceux dans le domaine l'énergie nucléaire qui connaissent une légère diminution. Les crédits de paiement restent quant à eux stables avec 1,76 milliard d'euros.

Ces crédits doivent être examinés à l'aune de leur utilisation concrète par les différents opérateurs concernés. C'est pourquoi, je souhaiterais faire un état des lieux de leurs récents travaux en matière de recherche conduite dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables.

Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), bénéficie, comme les années précédentes, de plus de trois quarts des crédits du programme, essentiellement pour les actions de démantèlement et d'assainissement des charges nucléaires de long terme, mais aussi pour la recherche dans le domaine de l'énergie nucléaire.

S'agissant de la recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l'énergie (NTE), je rappelle à la commission que le CEA a décidé de mettre fin au programme ASTRID initié en 2010, qui visait à concevoir un démonstrateur de réacteur à neutrons rapides (RNR). À compter de 2020, le CEA finance un programme redimensionné de recherche et développement sur la fermeture du cycle qui pèse à hauteur d'environ 30 millions d'euros par an sur sa subvention financée par le programme 190.

Je souhaiterais revenir sur les avancées du projet de réacteur Jules Horowitz (RJH) malgré un coup d'arrêt du chantier pendant trois mois en raison du confinement. Je rappelle à la commission que ce réacteur expérimental, dont la construction a débuté en 2009, vise à fournir des données scientifiques sur le comportement des matériaux et combustibles nucléaires lorsqu'ils sont exposés à de très fortes sollicitations. Le RJH poursuit comme objectif d'améliorer le rendement des centrales, en jouant notamment sur leur durée de vie.

Le projet de RJH entre dans une nouvelle phase : la phase d'études laisse désormais place à celle de sa finalisation ainsi que de son approvisionnement technique avec, en juillet dernier, le début du montage électromécanique dans le bâtiment des annexes nucléaires. Compte tenu de l'importance stratégique que revêt la construction de ce réacteur ainsi que de sa complexité, la commission devra suivre de près ses avancées dans les années à venir.

Lors de mes échanges avec le CEA, un autre sujet a retenu mon attention : l'avancement du projet ITER. Ce dernier, réunissant 35 États, a pour objectif de démontrer que le processus de fusion pourrait être utilisé comme source d'énergie à grande échelle, non émettrice de CO 2 . Il s'agit donc, à terme, d'obtenir une énergie propre sur le plan environnemental dans la production d'électricité. L'impact de la crise sanitaire dans la réalisation de ce projet est en cours d'estimation mais il est certain qu'elle induira au minimum un retard estimé à plusieurs mois. C'est pourquoi j'invite, là encore, la commission à la vigilance : l'avancement de ce projet aura un impact industriel et environnemental important.

Enfin, le CEA conduit de nombreux travaux dans des domaines porteurs pour les années à venir, tels que le photovoltaïque, les batteries ou encore l'hydrogène. Il a ainsi été désigné copilote du programme prioritaire de recherche sur l'hydrogène avec le CNRS.

La situation d'un autre établissement mérite également notre attention : l'IFP Énergies nouvelles. Cet opérateur, autrefois appelé « Institut français du pétrole », est l'autre acteur clé en matière de transition énergétique. Ses activités se sont développées dans les domaines de la mobilité durable et des énergies nouvelles. Pour la première fois cette année, plus de la moitié de son activité porte sur la transition écologique. Cet opérateur est, par exemple, porteur du projet européen Modalis visant à développer une chaîne d'outils numériques permettant de modéliser et concevoir des systèmes de batteries utilisant des nouveaux matériaux.

Je me réjouis que la subvention pour charge de service public soit reconduite cette année, après une diminution quasi constante depuis 2010. Cette subvention est uniquement destinée à financer ses activités de recherche en matière de développement durable, moins rentable pour cet opérateur. Il paraît donc difficile d'exiger plus de résultats de la part de cet établissement, sans qu'un niveau de ressources publiques adéquat ne lui soit alloué de façon pérenne.

Un autre opérateur emblématique en matière de recherche a récemment vu le jour : l'Université Gustave Eiffel (UGE). Cette université, constituée au 1 er janvier dernier, est née de la fusion de différents organismes dont l'ancien Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar). Cette université conduit de nombreux travaux dans les domaines du transport, de la construction, de l'aménagement et des réseaux. Sa création vise à faire émerger un acteur visible à l'international. Un premier pas a été atteint en 2020. Cette année, l'université est entrée dans le classement de Shanghai, ce qui contribuera à accroître la visibilité de ses travaux et à la faire rayonner sur le plan international.

Plus particulièrement, le département « Aménagement, Mobilité et Environnement » conduit des recherches sur les répercussions de l'évolution des comportements sur les mobilités, l'usage des nouveaux modes de transport en ville ou encore en matière de mobilités tant des personnes que des marchandises. À ce titre, cet établissement possède un des rares laboratoires universitaires en France spécialisé sur les questions de fret et de logistique.

Je partage volontiers la demande de l'UGE qui souhaiterait être davantage associée dans la conception des politiques nationales d'aménagement du territoire, afin d'apporter son expertise et sa connaissance dans ces domaines. Compte tenu de la qualité de ses travaux de recherche, je soutiens particulièrement cette démarche.

Enfin, le doublement des crédits destinés à la recherche dans le domaine de l'aéronautique civile m'a conduit à entendre le Commissariat général au développement durable (CGDD) ainsi que la Direction générale de l'aviation civile (DGAC). Ces derniers m'ont fait part de leur consensus quant à la nécessité de mettre en place des programmes d'avion décarboné, ou « avion vert ». Je note toutefois que ce projet soulève certaines difficultés de nature technique mais également liées à la sécurité de ce mode de transport qu'est l'avion. De plus, il s'agit un projet de long terme qui doit allier des exigences parfois contradictoires. D'un côté il faut accélérer la recherche et en même temps prendre le temps nécessaire à l'élaboration des projets de recherche. La réunion du ministre français des transports avec ses homologues anglais, espagnol et allemand, la semaine dernière, souligne un soutien politique fort pour ce projet ambitieux, qu'il conviendrait également de suivre.

Pour conclure, je souhaiterais insister sur la nécessité de maintenir les subventions publiques à ces opérateurs qui subissent les conséquences de la crise sanitaire, que ce soit par des retards projets de recherche ou d'accroissement leurs coûts de financement. Le soutien public de ces travaux s'avère plus que jamais nécessaire. La recherche, et plus spécifiquement la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables, constitue un vecteur de croissance verte à encourager pour faire face aux changements qu'impose la transition énergétique. Il importe donc de tendre vers l'idéal en passant par le réel et ces travaux en sont la parfaite illustration.

C'est pourquoi je proposerai à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits.

M. Ronan Dantec . - Le gros de l'argent va quand même pour les grosses bécanes !

M. Frédéric Marchand , rapporteur pour avis . - Derrière les grosses bécanes, il y a tout un ensemble de moyennes et de petites bécanes qui travaillent en partenariat étroit avec les grosses bécanes. On a pu noter au cours de nos auditions qu'il y a une envie partagée et un travail collectif, qui sont un particularisme français reconnu à l'international.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

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