II. LES CRÉDITS DÉDIÉS À L'ACCOMPAGNEMENT DES MUTATIONS ÉCONOMIQUES BAISSERAIENT FORTEMENT DU FAIT DE L'EXTINCTION DE DISPOSITIFS D'AIDE SUPPRIMÉS AUPARAVANT ET DE LA RÉFORME DU FINANCEMENT DE L'APPRENTISSAGE
Le programme 103 finance des dispositifs visant à accompagner les entreprises face aux mutations économiques et à soutenir le développement de l'apprentissage et de la formation professionnelle. En 2019, il représente 47,4 % des AE et 41,8 % des CP de la mission.
Les crédits demandés au titre du programme 103 s'élèveraient en 2019 à 6,34 milliards d'euros en AE et 5,19 milliards d'euros en CP. Cela correspond à une hausse de 470 millions d'euros (+ 7,9 %) en AE mais à une baisse de 1,57 milliard d'euros (- 23,2 %) en CP.
À ces crédits budgétaires s'ajouterait un fonds de concours de 1,5 milliard d'euros contre 250 millions d'euros en 2018 au titre du PIC provenant de France compétences et correspondant au versement par France compétences à l'État des crédits dédiés à la formation des demandeurs d'emploi.
Crédits de paiement du programme 103, hors fonds de concours
(en millions d'euros)
LFI 2018 |
PLF 2019 |
Évolution |
|
Action 1 - Anticipation et accompagnement des
conséquences des mutations
|
1 459,6 |
418,8 |
-71,3% |
Développement de l'emploi TPE-PME |
1 182 |
219,5 |
-81,4% |
Implication des branches et des entreprises dans la
prévention du licenciement
|
277,5 |
199,3 |
-28,2% |
Action 2 - Amélioration de l'insertion dans
l'emploi par l'adaptation des qualifications
|
1 847,7 |
1 023,5 |
-44,6% |
Reconnaissance des compétences
|
1 000 |
1 000 |
0,0% |
Amélioration de l'accès à la
qualification
|
1 846,7 |
1 022,5 |
-44,6% |
Action 3 - Développement de l'emploi |
3 022,9 |
3 358,8 |
11,1% |
Baisse du coût du travail pour faciliter
|
2 784,6 |
2 801,6 |
0,6% |
Promotion de l'activité |
238,3 |
557,2 |
133,8% |
Action 4 - PIC |
428,2 |
387,7 |
-9,5% |
Programme 103 |
6 758,4 |
5 188,8 |
-23,2% |
Source : PAP
A. L'EXTINCTION DE L'AIDE À L'EMBAUCHE DANS LES PME ET LA MOINDRE SOLLICITATION DES DISPOSITIFS D'ACCOMPAGNEMENT DES LICENCIEMENTS ÉCONOMIQUES ENTRAÎNERAIT UNE FORTE BAISSE DES DÉPENSES
Les crédits de l'action 1 financent les dispositifs visant d'une part à développer l'emploi dans les TPE et les PME (sous-action 1) et d'autre part à appuyer les démarches des branches et des entreprises dans la prévention du licenciement et le reclassement des salariés (sous-action 2).
En 2019, les crédits de l'action 1 seraient de 459,7 millions d'euros en AE et de 418,8 millions d'euros en CP, soit une progression de 12,3 millions d'euros en AE mais une baisse de 1,04 milliard d'euros en CP.
1. Une économie au titre des aides à l'embauche très marginalement mobilisée pour le financement des emplois francs
La sous-action 1, dont les crédits sont dédiés au développement de l'emploi dans les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME), verrait ses crédits de paiement baisser de 962,5 millions d'euros (- 81,4 %) tandis que ses autorisations d'engagement progresseraient de 50,54 millions d'euros (+ 21,3 %). Ces évolutions contraires correspondent à l'extinction de plusieurs dispositifs dont l'aide à l'embauche en faveur des PME et à la montée en charge du dispositif des emplois francs.
a) L'extinction des aides à l'embauche en faveur des TPE-PME qui permettrait une économie de près de 1 milliard d'euros
Le dispositif d'aide à l'embauche en faveur des PME, mis en extinction depuis le 1 er juillet 2017, ne nécessite plus d'AE. En 2018, 1,09 milliard d'euros de CP étaient prévus pour couvrir les paiements restant à effectuer. Cette ligne budgétaire ne serait dotée que de 90,07 millions d'euros en 2019.
De même, le PLF pour 2019 ne prévoit plus de crédit au titre de l'aide à la première embauche dans les TPE (10,25 millions d'euros de CP en 2018).
Au total, l'extinction des dispositifs d'aide en faveur des TPE et PME permettrait une économie d'environ 1,02 milliard d'euros.
b) Une baisse substantielle des crédits dédiés à l'appui aux filières et aux branches
L'enveloppe dédiée à l'appui aux filières, aux branches et aux entreprises serait en 2019 de 51,02 millions d'euros en AE et 58,61 millions d'euros en CP, soit une baisse de 12,7 % en AE et 10,5 % en CP. Comme en 2018, la part de cette dotation destinée au financement des contrats de plan État-région (Ceper) serait de 14 millions d'euros.
c) Une nouvelle expérimentation des emplois francs qui peine à démontrer son efficacité
Durant le quinquennat précédent, un dispositif d'emplois francs avait été mis en oeuvre par voie règlementaire 15 ( * ) avant d'être rapidement abandonné devant le constat de son échec. En effet, entre l'entrée en vigueur de ce dispositif en juillet 2013 et le mois d'octobre 2014, seulement 280 contrats avaient été conclus alors que le Gouvernement tablait sur 2 000 emplois la première année et 10 000 sur une période de trois ans.
Par un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances pour 2018 16 ( * ) , un nouveau dispositif d'emplois francs, nettement élargi, a été créé à titre expérimental pour la période allant du 1 er avril 2018 au 31 décembre 2019.
Ce dispositif est ciblé sur des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) situés dans les départements du Nord, de l'Essonne, de la Seine-et-Marne, de la Seine-Saint-Denis, du Val-d'Oise, du Maine-et-Loire, du Vaucluse des Bouches-du-Rhône.
Avant une éventuelle généralisation, un rapport d'évaluation devra être remis au Parlement par le Gouvernement au plus tard en septembre 2019.
Comparaison entre les dispositifs d'emplois francs de 2013 et de 2017
Emplois francs 2013-2014 |
Emplois francs 2018-2019 |
|
Contrats éligibles |
CDI à temps complet |
CDI ou CDD de plus
|
Salariés concernés |
Jeunes de moins de 30 ans en recherche d'emploi depuis au moins 12 mois |
Pas de critère d'âge
|
Montant
|
2 500 euros par an sur deux ans |
2 500 euros par an pendant deux ans pour un CDD 5 000 euros par an pendant trois ans pour un CDI |
Champ géographique |
Zones urbaines sensibles de certaines communes définies
par arrêté
|
Quartiers prioritaires
|
Source : Travaux du rapporteur
En 2018, pour financer l'amorçage du dispositif, les crédits votés en LFI étaient de 180 millions d'euros en AE et 11,7 millions d'euros en CP. L'exercice 2019 constituant la première année pleine de mise en oeuvre du dispositif, les crédits demandés progressent fortement pour atteindre 237,06 millions d'euros en AE et 70,85 millions d'euros en CP.
Ces crédits doivent permettre de financer 25 000 contrats d'ici la fin de l'expérimentation. Toutefois, au 23 novembre 2018, 2 600 contrats avaient été signés 17 ( * ) , alors que l'objectif affiché par le Gouvernement était d'atteindre 12 000 à 15 000 contrats sur l'année. Même si le dispositif monte progressivement en charge, on peut donc craindre que, malgré l'assouplissement des conditions d'éligibilité, le dispositif d'emplois francs ne soit à nouveau un échec. Votre rapporteur souligne le caractère insatisfaisant de l'introduction en cours de débat parlementaire de dispositifs n'ayant pas fait l'objet d'étude d'impact.
2. Une nette baisse des crédits destinés à favoriser la prévention du licenciement et le reclassement des salariés
Les crédits de la sous-action 2, dédiés à l'implication des branches et des entreprises dans la prévention des licenciements et le reclassement des salariés diminueraient en 2019, de 38 millions d'euros en AE (- 18,21 %) et 32,91 millions d'euros en CP (- 28,2 %) par rapport au PAP 2018.
Ces crédits se répartiraient entre des mesures d'âge, pour un montant de 5,3 millions d'euros en AE et 32,91 millions d'euros en CP et des actions en faveur du reclassement des salariés, pour un montant de 166,35 euros en AE et en CP.
a) Une baisse des crédits destinés aux mesures d'âge principalement liée à l'extinction des contrats de génération
Les crédits dédiés aux mesures d'âge progresseraient de 1,2 million d'euros (+ 29,27 %) en AE mais baisseraient de 38,9 millions d'euros (- 54,15 %) en CP.
Cette baisse des crédits de paiement s'explique essentiellement par l'extinction des contrats de génération, dispositif supprimé par une des ordonnances du 22 septembre 2017 18 ( * ) . Les crédits demandés à ce titre (27,6 millions d'euros) permettraient uniquement de couvrir le reliquat d'aides restant à verser. À l'occasion du PLF 2018, votre rapporteur avait eu l'occasion d'approuver la suppression de ce dispositif, qui avait fait la preuve de son inefficacité.
Le dispositif d'allocations spéciales du fonds national de l'emploi (ASFNE) est également en cours d'extinction et représenterait 0,6 million d'euros de crédits en 2019.
Les conventions de cessation d'activité de travailleurs salariés (Cats) permettent à un salarié de bénéficier d'une allocation égale au minimum à 65 % de son ancien salaire à condition d'être prévues par un accord de branche. Aucun nouvel accord de branche en ce sens ne peut être conclu depuis 2005, mais des Cats peuvent toujours être signées dans le cadre d'accords existant. Le PAP prévoit 86 bénéficiaires en 2019 contre 36 en 2018, ce qui explique une augmentation des crédits demandés de 500 000 euros à 1,2 million d'euros.
Enfin, les crédits destinés au financement des contrats de professionnalisation senior progresseraient de 1,5 à 3,5 millions d'euros.
b) Une baisse des crédits dédiés aux actions de reclassement liée à une moindre dépense au titre de l'activité partielle et du contrat de sécurisation professionnelle
Les crédits dédiés au financement d'actions de reclassement baisseraient de 40,9 millions d'euros, essentiellement en raison du moindre coût du dispositif d'activité partielle (- 23,78 millions d'euros) et du contrat de sécurisation professionnelle (- 19,5 millions d'euros).
Les crédits destinés au financement de l'activité partielle tiennent compte des économies (3 millions d'euros) résultant de l'article 84 du PLF ainsi que d'un moindre recours à ce dispositif (18 millions d'heures contre 23 millions en 2018). Ils passeraient ainsi de 112,28 millions d'euros à 88,5 millions d'euros (- 21,2 %).
La modification du dispositif d'activité
partielle
Le dispositif d'activité partielle permet aux entreprises qui rencontrent des difficultés temporaires ou qui font face à un évènement exceptionnel de réduire ou de suspendre temporairement leur activité. L'entreprise bénéficie alors d'une aide lui permettant de compenser la perte de revenus subie par ses salariés. Une fois l'autorisation administrative obtenue, l'entreprise dispose d'un délai de 4 ans pour demander le versement de l'allocation. L'article 84 prévoit de réduire ce délai à un an. Il prévoit en outre des sanctions en cas de demande frauduleuse. Si le délai d'un an peut sembler court, cette mesure est cohérente avec la nature du dispositif d'activité partielle, qui doit constituer une aide d'urgence aux entreprises en difficulté. En 2019, cette mesure entraînerait une réduction des dépenses publiques évaluée par le Gouvernement à 3 millions d'euros. |
Le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) est un dispositif d'accompagnement en faveur des salariés d'entreprises de moins de 1 000 salariés licenciés pour motif économique. Ce contrat entraîne le bénéfice d'une allocation de sécurisation professionnelle égale à 80 % du salaire brut moyen perçu au cours des 12 mois précédent sa conclusion. Ce dispositif est cofinancé par les employeurs, les partenaires sociaux et l'État. Le coût pour l'État serait de 49,5 millions d'euros en 2019, contre 69 millions d'euros prévus dans le PAP 2018. Cette baisse (- 28,3 %) correspondrait notamment à un moins grand nombre de licenciements économiques et donc d'entrées dans le dispositif (10 970 contre 12 898 prévues par le PAP 2018).
Les crédits dédiés aux cellules d'appui à la sécurisation professionnelle (CASP), qui complètent l'offre de service du CSP et interviennent en amont des licenciements représenteraient une dépense budgétaire de 1,4 million d'euros contre 1,5 million d'euros en 2018. Cette budgétisation s'appuie sur une hypothèse de croissance du nombre de bénéficiaires (3 500 contre 3 000) mais sur une baisse du montant moyen de l'accompagnement (400 euros contre 500 euros).
À l'inverse, les crédits correspondant à la compensation à la sécurité sociale d'exonérations de cotisations au titre des bassins d'emploi à redynamiser (BER) et des zones de restructuration de la défense (ZRD) progresseraient de 2,8 millions d'euros (+ 15,2 %).
Enfin, les crédits dédiés au financement de l'allocation temporaire dégressive (ATD) resteraient stables (6 millions d'euros). Votre rapporteur s'interroge sur la fiabilité de cette estimation, qui repose sur l'hypothèse d'un nombre inchangé de bénéficiaires à l'unité près (2 333 exactement).
Le tableau ci-dessous présente les crédits demandés en 2019 au titre d'actions de reclassement et de prévention du licenciement.
Crédits demandés au titre d`actions en faveur du reclassement des salariés et de prévention du licenciement
(en millions d'euros)
Dispositif |
Crédits 2019 (Crédits 2018) |
Activité partielle |
88,5 (112,28) |
CASP |
1,4 (1,5) |
CSP |
49,5 (69) |
ATD |
6 (6) |
Exonérations BER et ZRD |
20,95 (18,18) |
Total |
166,35 (207,26) |
Source : PAP
* 15 Décret n° 2013-549 du 26 juin 2013 relatif à l'expérimentation d'emplois francs.
* 16 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, art. 175.
* 17 Source : DGEFP.
* 18 Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.