B. LE SGDSN : UNE VIGILANCE A GARDER SUR L'ORGANISATION DES FONCTIONS DE SOUTIEN
Le SGDSN, qui devra supprimer 5 ETP en 2019, est devenu la structure de portage d'un ensemble d'entités plus ou moins autonomes qui tant en crédits qu'en effectifs, dépasse largement son « coeur historique ». Dans son précédent rapport 102 ( * ) , votre Commission s'était inquiétée de la diminution des effectifs de la fonction support du SGDSN et estimait qu'il devra, en conséquence, veiller à renforcer cette fonction pour assurer efficacement le pilotage et la coordination de l'ensemble. Vos rapporteurs estiment que cette situation doit faire l'objet d'une attention vigilante 103 ( * ) .
C. L'ANSSI : POURSUIVRE LA MONTÉE EN PUISSANCE EN CONSERVANT LE NIVEAU DE COMPÉTENCE ET D'EXPERTISE
L'effort en faveur de la croissance des effectifs de l'agence doit être poursuivi en 2019. En effet, elle doit assurer ses missions habituelles dont la charge est en croissance permanente, notamment en matière de traitement des attaques informatiques, mais de surcroît réaliser de nouvelles missions 104 ( * ) : mise en oeuvre des recommandations de la RCS , des dispositions de la LPM 2019-2025 relative à la détection des attaques informatiques, et de la directive européenne NIS sur la sécurité des réseaux des opérateurs essentiels.
Le renforcement des moyens de l'ANSSI restera à l'ordre du jour des prochaines années, compte tenu de la croissance des menaces et des enjeux liés à la numérisation croissante des activités humaines.
La croissance des effectifs a d'ores et déjà permis à l'agence de passer de 122 ETP en 2009 à 555 ETP fin 2018. A la fin de l'année 2019, l'agence aurait ainsi compté 597 ETP. Toutefois, seuls 8 des 25 recrutements prévus devraient être réalisés en 2018. En effet, les crédits inscrits au titre 2 se sont avérés insuffisants pour permettre les recrutements nécessaires au remplacement des personnels en fin de contrat et aux créations de postes. La concurrence exacerbée sur le marché du travail pour ces profils d'ingénieur et le nombre limité d'ingénieurs qualifiés sortant du cursus universitaire ou des grandes écoles enchérit le niveau de salaire de recrutement. Le DG de l'ANSSI lors de son audition devant votre Commission 105 ( * ) indiquait que le remplacement d'un ingénieur recruté il y a six ans, se trouvant en fin de contrat ou souhaitant développer sa carrière professionnelle en dehors de l'ANSSI avait désormais un coût, le salaire moyen de recrutement d'un jeune ingénieur étant plus élevé que celui de son prédécesseur malgré son ancienneté.
Le solde (17 ETP) a été décalé et inclus dans les 42 ETP prévus au PLF 2019. Toutefois, l'ANSSI devra mettre 2 ETP à disposition de l'ARCEP 106 ( * ) .
L'ANSSI considère toutefois que son effectif devrait être d'une centaine d'agents supplémentaires pour être en mesure de réaliser l'ensemble de ses missions. Cet objectif ne sera atteint qu'en 2022 (675 ETP), ce qui n'est sans doute pas à la hauteur des enjeux compte tenu du développement des menaces, des enjeux et des missions.
1. L'ANSSI est confrontée à la rareté des profils recherchés
Pour maintenir son expertise au meilleur niveau mondial et la renforcer, l'ANSSI doit pouvoir compter sur des agents compétents et maîtrisant l'état de l'art dans de nombreux métiers spécifiques, la plupart du temps inexistants dans la fonction publique. C'est pourquoi l'effectif de l'ANSSI est composé en très grande majorité d'ingénieurs informatiques, recrutés à 79% sous contrat, d'un âge moyen de 37 ans.
L'agence est confrontée à la rareté des ressources humaines de haut niveau dans certaines spécialités et à la tension générale sur les métiers de l'informatique, particulièrement sensible dans les métiers du numérique et de la sécurité des systèmes d'information. L'accroissement de la menace et des enjeux accentue les tensions sur les ressources humaines 107 ( * ) . . Ce constat est largement partagé au niveau interministériel et des travaux ont d'ores et déjà été engagés à ce niveau afin de mettre en place un plan d'action pour attirer et fidéliser les agents exerçant ces métiers 108 ( * ) .
2. Un taux de sortie élevée mais dans la norme
En raison de son volume, de sa jeunesse et de la nature des activités menées, l'effectif de l'ANSSI est régulièrement renouvelé. Le taux de sortie a ainsi atteint 18,7% 109 ( * ) en 2017, en rapport avec les taux observés par ailleurs dans le secteur d'activité.
Ce taux ne crée pas de difficulté particulière. Il préserve l'expertise de l'agence tout en l'alimentant en jeunes collaborateurs à la pointe des connaissances. Par ailleurs, cette rotation permet aux agents d'enrichir leurs expériences et compétences en dehors de l'agence, dans le secteur privé ou public, avec la possibilité de revenir ultérieurement en son sein.
Cette dynamique est rendue possible par la stabilité de l'encadrement supérieur 110 ( * ) assuré par des fonctionnaires civils et militaires de haut niveau, en position de détachement. L'encadrement intermédiaire 111 ( * ) est constitué d'agents contractuels à 70%, dont les deux tiers en contrat à durée indéterminée. Cette structure managériale garantit la stabilité indispensable à la poursuite de ses orientations stratégiques et la continuité de son action.
3. Une politique RH adaptée mais sous contrainte
L'attractivité et la fidélisation du personnel doivent être préservées. Elles reposent en grande partie sur l'image très positive de l'agence et sur la qualité de son encadrement.
Les efforts mis en oeuvre pour recruter et fidéliser Les agents restent au sein de l'agence si leur rémunération de départ est satisfaisante et si elle évolue en fonction de changements de fonctions notamment, mais aussi de l'appréciation de leurs compétences sur le marché. Cette situation implique de s'appuyer sur un processus de recrutement qui tienne compte du poste à occuper et de la valeur sur le marché des compétences recherchées, au-delà de la situation personnelle des candidats, de l'évolution des salaires et des compétences acquises ou fonctions exercées. Si des actions peuvent être menées en ce sens par le SGDSN avec le concours de l'ANSSI, d'autres doivent l'être au niveau interministériel. Dans ce contexte, l'ANSSI participe aux travaux sur la gestion de la filière numérique animés par la DINSIC et la DGAFP. Ces travaux ont pour objectif de cartographier d'une part les métiers en tension dans le secteur de l'informatique et d'autre part, les rémunérations des agents dans ces métiers. Sur la base des statistiques ainsi établies, la DINSIC engagera une action avec la direction du budget et les services du contrôleur budgétaire et du comptable ministériel visant à permettre des recrutements qui prennent en compte les spécificités évoquées. L'ANSSI a adopté une politique de communication très active sur ses actions en matière de recrutement via le recours à des vecteurs de recrutement adaptés à l'époque, dont les réseaux sociaux spécialisés. La fidélisation du personnel passe également par l'accompagnement des agents tout au long de leur passage à l'ANSSI. A cette fin, l'identification précise des postes permettant une mobilité interne, ainsi que la définition des compétences et profils attendus pour y postuler, a été engagée. De surcroît, l'ANSSI met en oeuvre une politique de formation individualisée ambitieuse. Enfin, la situation de plein emploi que connaît ce secteur d'activité provoque une concurrence forte entre les secteurs public et privé. Les entreprises du secteur privé développent des stratégies de séduction des candidats, mettant en avant leurs infrastructures d'accueil, les services proposés et des modalités d'organisation du travail renouvelées. Les implantations actuelles de l'ANSSI arriveront à saturation à moyen terme. Elle travaille en lien avec le SGDSN, la DSAF et la DIE à son implantation immobilière afin de lui permettre de répondre à la croissance planifiée de ses effectifs. |
Vos rapporteurs estiment que les problèmes de recrutement rencontrés par l'ANSSI et nombre d'administrations et d'entreprises proviennent de la faiblesse structurelle du vivier de formation initiale au regard des besoins.
Une certaine souplesse doit être recherchée au niveau des rémunérations susceptibles d'être servies pour des contrats à durée indéterminée lorsque la qualité du recrutement ou de la pérennisation dans l'emploi le justifie. La circulaire du Premier ministre en date du 21 mars 2017 112 ( * ) a constitué une avancée importante mais elle semble désormais insuffisante si les crédits de Titre 2 ne tiennent pas compte des évolutions observées sur le marché du travail.
Cette tension sur le marché du travail tire les niveaux de rémunération vers le haut alors même que les administrations publiques doivent réaliser des économies de gestion, ce qui induit des viscosités certaines pour créer les postes nécessaires et définir les niveaux de rémunérations acceptables. Cette spirale fait figure d'un puit sans fond pour les responsables de la direction du budget.
En conséquence, une politique active de développement de filières de formation en écoles d'ingénieurs et en universités doit impérativement être conduite pour pallier ces déficits. Votre commission a salué l'engagement de l'ANSSI dans une politique de labellisation des formations universitaires, mais estimait que cet effort devait être conforté par une action plus intense du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour orienter les universités et les grandes écoles à développer ces filières d'avenir, voire même en amont du ministère de l'éducation nationale en intensifiant l'apprentissage du codage informatique à l'école 113 ( * ) . Il y a désormais urgence compte tenu du temps de formation d'un ingénieur. De ce point de vue, les propositions de la RCS restent insuffisantes 114 ( * ) et ces préoccupations mériteraient un portage politique plus affirmé. La formation est aussi un investissement d'avenir.
* 102 Sénat n° 110 Tome IX (2017-2018) par MM. Olivier Cadic et Rachel Mazuir p. 52.
* 103 Pour assurer ce renforcement, deux solutions sont envisageables, soit un renforcement au sein du service de l'administration générale du SGDSN, soit, comme c'est le cas depuis plusieurs années, celui des fonctions supports au sein des entités soutenues, ce qui présente l'avantage d'une simplification dans la gestion quotidienne, tout en conservant le niveau de supervision du SGDSN.
* 104 Voir supra p.27 et suiv.
* 105 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20181001/etr.html#toc8
* 106 Pour permettre à cette autorité administrative indépendante de réaliser le contrôle de la mise en oeuvre par l'ANSSI des dispositions des articles L 36-7 12° et L 36-14 du code des postes et des communications électroniques et L 2321-5 du code de la défense introduit par l'article 34 de la LPM 2019-2025 pour renforcer les capacités nationales de détection des attaques informatiques (article 19 du projet de loi). Voir Rapport n° 476 (2017-2018) de M. Christian Cambon, sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, p. 156 et suiv. http://www.senat.fr/rap/l17-476/l17-4761.pdf
* 107 Le nombre d'emplois dans le domaine de l'informatique devrait encore progresser au cours des dix prochaines années, à un rythme bien supérieur à celui de l'ensemble des métiers (+1,8%), mais avec des évolutions contrastées selon les familles professionnelles. Ainsi, les techniciens et surtout les ingénieurs de l'informatique devraient continuer à bénéficier de perspectives d'emploi favorables (respectivement +1,1% et +2,3% de créations nettes par an), compte tenu des besoins toujours croissants en fonction d'expertise . Rapport "Les métiers en 2022"- France Stratégie- Avril 2015 .
* 108 Cf . La circulaire n°5920 du 21 mars 2017 du Premier ministre donnant mandat au SGMAP/DINSIC et à la DGAFP pour remédier à ces difficultés .
* 109 93 départs/497 agents au 1er janvier. Le taux de sortie est plus adapté que le taux de rotation dans une entité en croissance (ce dernier inclut les arrivées, par nature plus élevées que les départs et donc fausserait la lisibilité de l'indicateur).
* 110 Direction, sous-directions.
* 111 Chefs de divisions, chefs de bureaux et de laboratoires.
* 112 qui invite notamment chaque employeur à conduire « une politique indemnitaire permettant de valoriser les métiers numériques et SIC pour fidéliser les compétences rares »
* 113 https://www.reseau-canope.fr/savoirscdi/cdi-outil-pedagogique/conduire-des-projets/activites-pluridisciplinaires/lecriture-numerique/lapprentissage-du-codage-a-lecole.html
* 114 http://www.sgdsn.gouv.fr/uploads/2018/02/20180206-np-revue-cyber-public-v3.3-publication.pdf
page 126 et suiv.