B. LA PRÉVENTION DES RISQUES TECHNOLOGIQUES ET DES POLLUTIONS
1. Des crédits permettant la déclinaison de plans nationaux en faveur de la prévention des risques technologiques, des pollutions et des problématiques de santé-environnement
L'action n° 1 « Prévention des risques technologiques et des pollutions » représente 106,9 M€ en AE (+3,38 %) et 91,6 M€ en CP (+ 3,85 %), soit 12,5 % des crédits du programme en 2018. Cette évolution succède à une forte baisse des crédits en AE (-30,37 %) et une hausse en CP (+6,6 %) entre 2016 et 2017.
Cette action poursuit plusieurs objectifs :
- prévenir les risques et pollutions générés par les installations industrielles et agricoles (principalement à travers la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ou ICPE) et traiter les sites pollués à responsable défaillant ;
- élaborer les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) afin de maîtriser l'urbanisation autour des installations sensibles ;
- maîtriser les effets des produits chimiques et des déchets sur l'environnement et la santé ;
- anticiper les « risques émergents » (OGM, champs électromagnétiques, nanotechnologies).
Pour réaliser ces objectifs, les crédits du programme servent à décliner plusieurs plans nationaux : programme de mise en oeuvre des PPRT du 31 mars 2016 ; programme stratégique 2014-2017 des ICPE ; plan de modernisation et de maîtrise du vieillissement des installations industrielles ; plan de prévention des endommagements de réseaux ; feuilles de route des conférences environnementales ; troisième plan national Santé-Environnement 2015-2019 ; stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens ; plan Déchets 2014-2020.
Dans le cadre de la prévention des risques technologiques, cette action apporte également des subventions pour charges de service public à trois opérateurs :
- l ' Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) , qui est rattaché au programme 181 et contribue à la prévention des risques technologiques et des pollutions par des actions d'accompagnement de l'innovation technologique ainsi que de surveillance, d'évaluation et d'appui à la maitrise des risques 3 ( * ) (26,6 M€) ;
- l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), principalement au titre de ses études en matière de santé-environnement et de ses missions d'évaluation et de contrôle de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (7 M€) ;
- le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM), principalement pour des études relatives aux terres excavées et aux sites pollués (2 M€).
Dans le PLF 2018, 1 949 équivalents temps plein travaillés (ETPT) sont prévus pour cette action, ces effectifs étant portés par l'action 16 du programme 217.
2. L'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement
L'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) bénéficiera en 2018 de 3,9 M€ en AE et en CP au titre du programme 181.
Ces crédits financeront l'animation et le pilotage de l'inspection des installations , notamment par des actions de formation auprès des inspecteurs, de maintenance du système d'information dédié aux installations et de communication.
À la fin de l'année 2016, on compte environ 450 000 installations soumises à déclaration et 30 000 établissements comprenant au moins une installation soumise à autorisation . Parmi ces établissements, 1 300 présentent des risques d'accidents majeurs impliquant des substances dangereuses (établissements dits « Seveso »). En 2016, en termes de flux, 10 000 déclarations nouvelles ont été effectuées et 750 autorisations nouvelles ont été accordées.
En 2018, les actions financées par le programme 181 seront menées dans le cadre de la première année pleine de mise en oeuvre de l'autorisation environnementale unique , entrée en vigueur le 1 er mars 2017, et qui a pour objectif de simplifier et de réduire le délai d'instruction en regroupant plusieurs procédures d'autorisation (loi sur l'eau, installations classées, défrichement, protection des espèces...).
L'AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE UNIQUE La loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises a permis l'expérimentation de l'autorisation environnementale unique pour des projets nécessitant l'octroi de plusieurs autorisations. Cette expérimentation a été étendue à l'ensemble de la France par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte à compter du 1 er novembre 2015. L'objectif de l'autorisation environnementale unique est de simplifier les procédures pour les porteurs de projet afin d'améliorer l'attractivité économique de la France sans diminuer pour autant le niveau de protection environnementale. Elle permet également d' avoir une vision globale de tous les enjeux environnementaux d'un projet. Suite aux retours positifs de ces expérimentations, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a habilité le gouvernement à recourir à une ordonnance pour inscrire le dispositif dans le code de l'environnement . Ce travail s'est appuyé sur les conclusions du groupe de travail présidé par Jean-Pierre Duport dans le cadre de la modernisation du droit de l'environnement. L'autorisation environnementale a été créée par l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, et ses modalités ont été précisées par les décrets n° 2017-81 et 2017-82 du 26 janvier 2017 relatifs à l'autorisation environnementale. Définie aux articles L. 181-1 à L. 181-31, elle est entrée en vigueur le 1 er mars 2017 . L'autorisation unique inclut désormais l'ensemble des prescriptions applicables relevant des différents codes (code de l'environnement, code forestier, code de l'énergie, code des transports, code de la défense et code du patrimoine) et concerne : - les projets soumis à autorisation au titre de la législation ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement) ; - les projets soumis à autorisation au titre de la loi sur l'eau (installations, ouvrages, travaux et activités - IOTA) ; - les projets soumis à évaluation environnementale ne relevant pas du régime de l'autorisation administrative susceptible de porter les mesures d'évitement, de réduction et de compensation. Ces autorisations disparaissent en tant que telles. L'autorisation unique intègre également, lorsque ces projets y sont soumis, les enregistrements ICPE et déclarations IOTA/ICPE, les autorisations spéciales réserves naturelles et sites classés, les dérogations faune et flore sauvage, l'absence d'opposition Natura 2000, les agréments OGM et traitement de déchets, les autorisations d'exploiter une installation de production d'électricité, les autorisations d'émission de gaz à effet de serre et de défrichement. L'autorisation environnementale unique ne vaut pas permis de construire . Le permis de construire peut désormais être délivré avant l'autorisation environnementale, mais ne pourra être exécuté qu'après la délivrance de l'autorisation. Par exception et concernant les éoliennes, l'autorisation environnementale unique dispense de permis de construire. Le dossier est déposé auprès d' un interlocuteur unique (le préfet) et son instruction est réduite à trois phases : examen, enquête publique et décision. La durée d'instruction des dossiers est fixée à 9 mois. Certains projets complexes ou de grande ampleur peuvent toutefois faire l'objet d'autorisations environnementales par tranches , sous réserve que cette division présente une cohérence au regard des enjeux environnementaux. Les porteurs de projet peuvent désormais solliciter de l'administration soit des échanges, soit un « certificat de projet » (dans un délai de deux mois) qui identifie les régimes et procédures applicables au projet, précise le contenu du dossier exigé et fixe un calendrier d'instruction dérogatoire aux délais légaux engageant l'administration. L'objectif est de favoriser la sécurité juridique et technique du projet tout en fluidifiant l'instruction du dossier. |
Source : « Compensation des atteintes à la biodiversité : construire le consensus », rapport n° 517 (2016-2017) de M. Ronan Dantec, fait au nom de la commission d'enquête sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d'infrastructures, déposé le 25 avril 2017.
En 2018, la mise en oeuvre de l'autorisation environnementale unique structurera une grande partie de l'activité des services déconcentrés (DREAL, DDPP). Compte tenu des formations nécessaires, ainsi que de la mise à niveau des systèmes d'information utilisés par les services de l'État, notamment le système de gestion des installations classées (S3IC), des risques de « fortes tensions » sur ces crédits sont identifiés pour l'année 2018.
3. Les ressources consacrées aux PPRT s'orientent vers la mise en oeuvre des mesures foncières et de mesures supplémentaires
Les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) demeureront en 2018 un outil majeur du programme 181. Créés par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, ces plans élaborés par l'État visent à cartographier les risques autour des sites industriels à hauts risques (« sites Seveso seuil haut ») et à maîtriser l'urbanisation environnante. En application de la loi de 2003, l'ensemble des PPRT devaient initialement être élaborés et approuvés au 30 juillet 2008.
Par rapport aux années précédentes, caractérisées par un retard important dans l'élaboration et la mise en oeuvre des PPRT, l'année 2017 a permis de retrouver un rythme d'élaboration plus soutenu et cette trajectoire devrait se confirmer en 2018. Au 1 er juillet 2017, sur 392 PPRT prescrits, 361 étaient approuvés, contre 348 un an plus tôt. L'accélération de l'élaboration et de la mise en oeuvre des PPRT figure parmi les priorités d'action définies par le ministère pour 2018.
Cet effort s'appuiera sur un régime juridique modifié par l'ordonnance n° 2015-1324 du 22 octobre 2015 relative aux plans de prévention des risques technologiques , dont les modalités d'application ont été précisées par le décret n° 2017-780 du 5 mai 2017 relatif aux plans de prévention des risques technologiques. La réforme de 2015 vise notamment à faciliter l'élaboration et la modification des plans, ainsi qu'à soutenir des mesures de réduction du risque, alternatives aux mesures foncières.
À ce titre, la part des crédits de l'action n° 1 consacrée aux PPRT restera importante en 2018 , afin de financer en particulier :
- l'élaboration des plans , l'accompagnement des mesures prescrites par les PPRT approuvés et le fonctionnement des commissions de suivi des sites à risque (11,7 M€ en AE et 4,6 M€ en CP) ;
- les mesures foncières d'expropriation ou de délaissement 4 ( * ) , au titre de la participation financière de l'État prévue par l'article L. 515-19-1 du code de l'environnement (35,8 M€ en AE et 13,8 M€ en CP) ;
- les mesures supplémentaires de réduction des risques mises en oeuvre par les industriels afin de limiter la nécessité des expropriations ou des délaissements, en application de l'article L. 515-19 du code de l'environnement (100 K€ en AE et 14 M€ en CP).
Au total, 50,2 M€ en AE et 34,9 M€ en CP sont prévus en 2018 pour les PPRT, soit une augmentation de 1 M€ en AE et CP par rapport en 2017. L'accroissement en AE vise en particulier à compléter les engagements de 2017 pour le PPRT de la vallée de la chimie, dont le montant total est de 31 M€, en en faisant l'un des plans les plus importants depuis le lancement de cet outil 5 ( * ) .
Votre rapporteur pour avis juge cet effort opportun, compte tenu de l'importance de ces sujets pour les populations résidant autour des sites à hauts risques . Il rappelle à cet égard que les PPRT ont été créés en 2003 en réponse aux risques révélés par la catastrophe qui s'est produite à l'usine AZF de Toulouse, le 21 septembre 2001.
4. La prévention des risques pour la santé d'origine environnementale
a) Un effort budgétaire en faveur de la santé-environnement
Dans le cadre de la gestion des risques chroniques, plusieurs mesures sont prévues en matière de santé-environnement au sein de l'action n° 10 (4 M€ en AE et CP).
Elles permettront de financer le fonctionnement du Haut Conseil des biotechnologies (HCB) et les études réalisées à son initiative 6 ( * ) , de soutenir la mise en oeuvre des plans régionaux santé environnement de troisième génération (PRSE3) 7 ( * ) et de poursuivre l'application du plan national d'actions sur la qualité de l'air intérieur (PQAI) de 2013.
Par ailleurs, ces crédits financeront des mesures dans le cadre du troisième plan national santé environnement (PNSE3), notamment sur les perturbateurs endocriniens en application d'un plan d'actions défini le 4 juillet 2017. Les crédits participeront à la création d'une plateforme public-privé de pré-validation des méthodes de test des substances afin de sécuriser les innovations industrielles, au renforcement des actions de recherche et à la mise en place d'un site internet d'information grand public.
En matière de nanomatériaux , des campagnes de mesures et des programmes d'expertise viseront à mieux évaluer les dangers et à définir des valeurs de référence.
Ces crédits représentent une augmentation d'environ 2 M€ en faveur de la santé-environnement .
À ces crédits s'ajoutent ceux prévus pour la mise en oeuvre de la règlementation sur les produits et substances chimiques (650 K€ en AE et CP).
b) Un renforcement des ressources consacrées à l'évaluation et à l'autorisation des produits phytosanitaires
(1) L'évaluation et l'autorisation des produits phytosanitaires
En application du règlement n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, l'évaluation et l'autorisation des substances actives sont menées au niveau européen , tandis que l'évaluation et l'autorisation de mise sur le marché (AMM) des préparations phytopharmaceutiques contenant ces substances actives autorisées relèvent du niveau national .
PROCÉDURE D'ÉVALUATION EUROPÉENNE DES SUBSTANCES ACTIVES ENTRANT DANS LA COMPOSITION DES PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES Dans le cadre du règlement européen n° 1107/2009, complété par des règlements d'exécution et notamment le règlement (UE) n° 546/2011, l'évaluation et l'approbation des substances actives entrant dans la composition des produits phytopharmaceutiques relèvent des institutions européennes. Cette phase est coordonnée par l'Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA) qui s'appuie sur l'évaluation collective réalisée par les États membres (l'Anses pour la France). Sur cette base, la procédure d'approbation de la substance est menée par la Commission européenne et la décision est soumise au vote des États membres. L'évaluation s'appuie sur un dossier déposé par le pétitionnaire , en application du principe selon lequel il incombe aux industriels d'apporter la preuve de l'innocuité des substances entrant dans la composition des produits qu'ils souhaitent commercialiser. Ce dossier doit comporter des études spécifiques permettant : - la détermination des propriétés physiques et chimiques (inflammabilité, explosibilité, solubilité dans l'eau...) ; - l'évaluation de la toxicité pour l'homme : métabolisme et cinétique, toxicité aiguë, tolérance locale y compris risque allergique, toxicité vis-à-vis des fonctions de reproduction, potentiel mutagène et potentiel cancérogène ; - la fixation par les autorités sanitaires des valeurs toxicologiques de référence (dose journalière acceptable, dose de référence aiguë, dose d'exposition acceptable) ; - l'évaluation des résidus dans les végétaux, dans les produits de transformation et dans les denrées d'origine animale, en proposant des limites maximales de résidus (LMR) pour chaque type de denrée ; - l'évaluation du risque pour l'homme , liée aux usages représentatifs revendiqués par le pétitionnaire - l'évaluation du devenir de la substance et son comportement dans l'environnement ; - l'évaluation de la toxicité pour la faune et la flore ; - l'évaluation du risque pour l'environnement . Le dossier est soumis par le pétitionnaire à l'État membre de son choix, qui est désigné « Etat rapporteur ». Il est chargé d'examiner le dossier et de rédiger un projet de rapport d'évaluation adressé à l'EFSA. L'évaluation du dossier consiste à vérifier et valider scientifiquement les données fournies ainsi que les argumentations et revendications qui en sont issues. Au-delà des données fournies, des demandes complémentaires peuvent être exigées par les agences sanitaires, qui prennent également en compte les données issues de publications disponibles dans la littérature scientifique . L'EFSA transmet ce projet aux autres Etats membres, recueille leurs commentaires et organise les discussions entre les experts de ces Etats. Le rapport d'évaluation final de l'EFSA est envoyé pour examen à la Commission, qui propose une décision d'approbation ou de non-approbation, soumise aux représentants des Etats membres au sein du comité permanent sur les végétaux, les denrées alimentaires et l'alimentation animale (CPVADAAA) - section produits phytopharmaceutiques - législation. Les produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives autorisées au niveau européen sont évalués au niveau national , avant la délivrance éventuelle d'une autorisation de mise sur le marché. En France, c'est l'Anses qui délivre, retire ou modifie les autorisations sur la base des conclusions d'une évaluation des risques. Le schéma ci-dessous résume le déroulement de la procédure européenne d'instruction des substances actives phytopharmaceutiques.
Source : Anses. |
C'est notamment dans le cadre de cette procédure européenne que le renouvellement de l'autorisation du glyphosate , proposé par la Commission, est discuté depuis plusieurs mois par les États membres. Lors d'un déplacement à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), votre rapporteur pour avis a pu échanger avec les services de l'agence sur ce sujet.
Comme l'a relevé l'Anses dans un avis publié le 12 février 2016, le caractère cancérogène de cette substance active fait encore l'objet de débats scientifiques . Saisie le 8 avril 2015 conjointement par plusieurs directions générales sur l'analyse développée par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et le niveau de classification qu'il a retenu 8 ( * ) , l'Anses conclut dans son avis que le niveau de preuve ne permet pas en l'état de classer le glyphosate comme substance cancérigène supposée pour l'homme, et que son classement comme substance suspectée d'être cancérigène pour l'homme peut se discuter mais nécessiterait une analyse détaillée de l'ensemble des études disponibles.
Dans le même avis, l'Anses souligne toutefois que cette évaluation spécifique au glyphosate en tant que substance active, est à distinguer de l'examen des préparations comprenant du glyphosate et des coformulants, comme la tallowamine. Après avoir mené une nouvelle évaluation des risques liés à ces associations de substances, l'Anses a procédé au retrait des AMM de 132 préparations en juin 2016.
En effet, depuis le 1 er juillet 2015, en application de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, l'Anses est chargée de délivrer, retirer ou modifier les AMM en matière de produits phytopharmaceutiques, de matières fertilisantes et supports de culture et d'adjuvants. Les produits biocides ont été ajoutés aux responsabilités de l'agence en juillet 2016.
Au-delà de ce processus d'autorisation, votre rapporteur pour avis souligne la nécessité de sensibiliser et d'accompagner les acteurs économiques , en particulier les agriculteurs, comme cela avait été évoqué lors d'une table ronde organisée par votre commission le 27 janvier 2016 sur la prévention des risques en matière phytosanitaire. Il partage l'objectif d' un suivi accru de l'exposition des professionnels aux produits, d' une meilleure maîtrise des usages , et d' une information renforcée quant à l'importance d'un équipement adapté .
Par ailleurs, en application de la loi du 13 octobre 2014, l'Anses a mis en place un système de phytopharmacovigilance qui doit permettre, après l'étape de délivrance des AMM, de surveiller sur la durée les effets sanitaires et environnementaux des produits autorisés. Votre rapporteur insiste sur l'intérêt de ce dispositif d'information et d'alerte, fondé sur un réseau d'organismes proches du terrain , notamment du monde agricole.
APRÈS LA MISE SUR LE MARCHÉ : LE DISPOSITIF DE PHYTOPHARMACOVIGILANCE L'article L. 253-8-1 du code rural et de la pêche maritime, créé par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, prévoit la mise en place d' un dispositif de surveillance des effets indésirables des produits phytopharmaceutiques sur l'homme, sur les animaux d'élevage, dont l'abeille domestique, sur les plantes cultivées, sur la biodiversité, sur la faune sauvage, sur l'eau et le sol, sur la qualité de l'air et sur les aliments, ainsi que sur l'apparition de résistances à ces produits. Ce dispositif était préconisé par le rapport de la mission commune d'information du Sénat sur les pesticides de 2012 , qui avait relevé les faiblesses du système antérieur, centré sur l'évaluation ex ante préalable à l'AMM et doté d'un suivi ex post dispersé. Dans le cadre de ce système dit de phytopharmacovigilance, les détenteurs d'AMM de produits doivent communiquer à un réseau d'organismes les informations dont ils disposent relatives à un incident, à un accident ou à un effet indésirable . Ces informations sont ensuite transmises à l'Anses, chargée d'organiser ce dispositif. L'application de ce dispositif a été précisée par le décret n° 2016-1595 du 24 novembre 2016 relatif à la phytopharmacovigilance, et par un arrêté du 16 février 2017 identifiant les organismes chargés d'y participer 9 ( * ) . L'objectif de ce dispositif est de mettre en place un système d'information et d'alerte sur les effets des produits phytopharmaceutiques, s'appuyant sur un réseau d'organismes dont la présence locale facilite une remontée d'informations du terrain. À partir des données ainsi transmises, l'Anses prend les mesures destinées à prévenir ou faire cesser les effets indésirables , dans le cadre de ses missions concernant les autorisations de mise sur le marché. Dans le cadre de ce dispositif, l'Anses peut également conduire des études ad hoc sur les effets indésirables afin de préciser les informations fournies par les organismes de surveillance et de vigilance. Ces études sont financées par l'agence sur la base du produit d'une taxe sur les ventes de produits autorisés. Source : Anses. |
(2) Le suivi du bilan confié à l'Anses sur les alternatives aux néonicotinoïdes
Le législateur a confié à l'Anses une mission spécifique d'évaluation par l'article 125 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages .
Cette disposition prévoit une interdiction au 1 er septembre 2018 de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant une ou plusieurs substances actives de la famille des néonicotinoïdes .
Le Parlement a toutefois donné au Gouvernement la possibilité d'accorder des dérogations jusqu'au 1 er juillet 2020, sur la base d'un bilan établi par l'Anses sur les bénéfices et les risques liés aux usages des néonicotinoïdes par rapport à ceux liés aux usages de produits de substitution ou aux méthodes alternatives disponibles. La loi précise que ce bilan porte sur les impacts sur l'environnement, notamment sur les pollinisateurs, sur la santé publique et sur l'activité agricole.
À cette fin, l'agence a publié le 8 mars 2017 une méthodologie sur l'évaluation des alternatives chimiques et non chimiques aux préparations phytopharmaceutiques à base de néonicotinoïdes. Elle vise trois objectifs : i) évaluer la nuisibilité des organismes cibles pour les cultures ; ii) identifier des méthodes de lutte alternatives pour la protection des cultures ; iii) évaluer l'efficacité des méthodes identifiées. Pour élaborer cette méthodologie, l'agence a étudié les produits à base de néonicotinoïdes utilisés pour le traitement de la cicadelle de la vigne et les alternatives disponibles.
L'avis définitif de l'agence sera rendu au premier semestre 2018. D'après les informations transmises à votre rapporteur, la part d'usages dits « orphelins » suite à l'interdiction , initialement estimée à environ 30 %, devrait être plus faible que prévue , en tenant compte des solutions alternatives disponibles à court terme.
Afin de soutenir le développement de méthodes alternatives aux produits phytopharmaceutiques, l'Anses a par ailleurs mis en place un dispositif favorable aux innovations en matière de biocontrôle 10 ( * ) , en réduisant les délais d'instruction des demandes d'autorisation et en diminuant les frais de dépôt des demandes. Le nombre de dossiers reste toutefois encore limité.
Concernant l'impact des néonicotinoïdes sur la santé humaine , l'Anses a été saisie d'une demande spécifique des ministères en charge de la santé et de l'environnement et de la biodiversité en avril 2016, afin de « réaliser en complément une expertise approfondie concernant les effets sur la santé humaine de l'ensemble des substances néonicotinoïdes autorisées à ce jour au niveau national en tant que produit phytopharmaceutique ou biocide ». Les résultats de ces travaux devraient être publiés d'ici la fin de l'année 2017.
Votre rapporteur pour avis rappelle enfin que votre commission a organisé le 22 février 2017 une table ronde sur les pollinisateurs 11 ( * ) . Les débats ont souligné que, si le déclin des populations de pollinisateurs est multifactoriel, deux causes prépondérantes semblent expliquer le phénomène de surmortalité des abeilles : l'usage de pesticides et les agents pathogènes . Comme l'a relevé l'Anses dans un avis rendu en janvier 2016 : « en l'absence de mesures de gestion adaptées, l'utilisation des néonicotinoïdes entraîne de sévères effets négatifs sur les espèces non-cibles qui fournissent des services écosystémiques ». Tout en poursuivant l'effort de recherche sur ces effets, le développement de solutions alternatives apparaît indispensable.
(3) L'évolution des moyens de l'Anses dans les prochaines années devra rendre prioritaire l'examen des produits phytosanitaires
Dans son rapport sur le PLF 2017, votre rapporteur s'était inquiété de l'évolution des moyens de l'Anses par rapport à la multiplication de ses responsabilités , qu'il s'agisse de l'examen des demandes d'autorisation de produits phytosanitaires ou des réponses à apporter aux nombreuses saisines formulées par les pouvoirs publics.
L'activité de l'Anses va s'accroître dans les prochaines années compte tenu de l'augmentation attendue du volume de dépôt de demandes d'autorisation . En matière de produits phytopharmaceutiques, le renouvellement des autorisations européennes pour de nombreuses substances va entraîner le renouvellement des demandes pour les produits qui contiennent ces substances. Pour les produits biocides, l'entrée de nouvelles substances dans le champ de la réglementation et l'arrivée de renouvellements vont également accroître le nombre de dossiers à traiter.
Les graphiques ci-dessous présentent l'évolution prévisible du nombre de dossiers de produits phytopharmaceutiques et biocides.
ÉVOLUTION DU NOMBRE DE DOSSIERS DE PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES
Source : Anses.
ÉVOLUTION DU NOMBRE DE DOSSIERS DE PRODUITS BIOCIDES
Source : Anses.
À ce titre, l'Anses a prévu d' adapter le plafond d'emplois en fonction de l'activité prévisionnelle en matière de produits réglementés. Au total, en fonction des prévisions de recettes sur la période 2018-2020, l'agence devrait accroître de 123 ETPT ses effectifs consacrés à cette activité . Dès 2018, 15 ETPT supplémentaires devraient y être consacrés. Ces perspectives nécessitent toutefois que l'Anses dégage un excédent de fonctionnement courant, afin de faire face à une éventuelle diminution de ses recettes.
La subvention pour charges de service public apportée par le programme 181 devrait rester stable en 2018 par rapport à 2017, en s'établissant à 7 M€ en AE et en CP.
Au titre du budget initial 2018, l'Anses prévoit toutefois des recettes totales de 148,4 M€ contre 140,5 M€ en 2017 . Cette hausse d'environ 8 M€ résulterait :
- d'une augmentation de 2 M€ de la subvention pour charges de service public apportée par le programme 206, auquel l'agence est rattachée ;
- de crédits pour des appels à projets de recherche à hauteur de 600 K€ dans le cadre du programme 181 ;
- d'une augmentation des recettes sur les produits réglementés, en raison de la hausse d'activité prévue suite à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, de la révision des tarifs sur les produits phytopharmaceutiques, de la dynamique des redevances sur les produits biocides et du calibrage de la taxe « tabac » sur un rythme normal de dépôt ;
- d'une progression des recettes sur conventions.
Votre rapporteur salue cet effort de priorisation des actions de l'Anses , ciblant les activités sur les produits réglementés afin de tenir compte de leur augmentation prévisible. Cette approche contribue au renforcement des missions de l'agence sur des sujets pour lesquels la sensibilité de la société civile s'accroît significativement . La stratégie pluriannuelle mise en place par l'Anses s'accompagne également d'efforts importants sur ses dépenses de fonctionnement, et appelle un suivi attentif de l'évolution de ses recettes dans les prochaines années.
En conclusion sur ce sujet, et face à certaines polémiques aussi vives qu'éphémères, votre rapporteur estime indispensable d' accorder le temps et les moyens nécessaires à l'expertise scientifique pour lui permettre d'établir sereinement des connaissances , et, le cas échéant, d'identifier les incertitudes persistantes, avant une prise de décision politique sur des questions aussi complexes que celles rencontrées en matière de santé-environnement.
* 3 L'INERIS participe également à la prévention des risques naturels et hydrauliques, par une subvention complémentaire inscrite au sein de l'action n° 10 du programme.
* 4 Au sein du périmètre d'exposition aux risques, un PPRT peut délimiter des zones de maîtrise de l'urbanisation future, ainsi que des zones de prescription relative à l'urbanisation existant, pouvant comporter des secteurs de délaissement et des secteurs d'expropriation (art. L. 515-19 du code de l'environnement).
* 5 Le PPRT de la vallée de la chimie, approuvé en octobre 2016, s'étend sur le territoire de 10 communes du département du Rhône et intègre les risques associés à 10 établissements « Seveso ».
* 6 Créé par la loi n° 2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés, le HCB est chargé « d'éclairer le Gouvernement sur toutes questions intéressant les organismes génétiquement modifiés ou toute autre biotechnologie et de formuler des avis en matière d'évaluation des risques pour l'environnement et la santé publique que peuvent présenter l'utilisation confinée ou la dissémination volontaire des organismes génétiquement modifiés, ainsi qu'en matière de surveillance biologique du territoire » (art. L. 531-3 du code de l'environnement).
* 7 Prévus à l'article L. 1311-7 du code de la santé publique, les PRSE déclinent le PNSE au niveau régional. Ils sont mis en oeuvre par les services déconcentrés de l'État, les agences régionales de santé et les conseils régionaux.
* 8 Le CIRC a classé le glyphosate comme « probablement cancérogène pour l'homme ».
* 9 Parmi ces organismes figurent la Mutualité sociale agricole (MSA), l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), l'agence Santé publique France, l'Institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation et les organismes chargés de la toxicovigilance.
* 10 Les produits de biocontrôle sont utilisés comme alternatives aux produits chimiques de synthèse. Il peut s'agir de macro-organismes (insectes, acariens, nématodes...), de produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes (champignons, bactéries, virus), des médiateurs chimiques comme les phéromones sexuelles, ou de substances naturelles (d'origine végétale, animale ou minérale).
* 11 « Comment lutter efficacement contre le déclin des pollinisateurs », rapport d'information n° 474 (2016-2017) de M. Hervé Maurey, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 22 mars 2017