C. L'INDEMNISATION DES DEMANDEURS D'EMPLOI CONNAÎTRA UNE HAUSSE APPARENTE DE 1,1 MILLIARD D'EUROS L'AN PROCHAIN EN RAISON DE LA SUPPRESSION DE LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE DE SOLIDARITÉ
Les crédits relatifs à l'indemnisation des demandeurs d'emploi atteindront 2,6 milliards d'euros en AE et CP l'an prochain, alors qu'ils ne s'élevaient qu'à 1,5 milliard dans le PLF pour 2017.
Cette explosion des crédits s'explique par l'évolution du financement du régime de solidarité d'indemnisation du chômage , qui passe de 1,33 milliard dans le PLF pour 2017 à 2,46 milliards dans le présent PLF.
Cette très forte hausse des crédits du régime de solidarité ne traduit pas une augmentation majeure des dépenses, mais un changement de la maquette budgétaire, due à la compensation par crédits budgétaires de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité . Comme l'indique le Gouvernement dans ses réponses au questionnaire budgétaire, si l'on exclut cette mesure de périmètre , le programme 102 « présente une baisse de 1,4 milliard d'euros en AE (- 19 %) et 1,2 milliard en CP (- 16 %) ».
Comme les années précédentes, la quasi-intégralité du régime concerne l'allocation de solidarité spécifique, ASS, dont le coût est estimé à 2,3 milliards en 2018 23 ( * ) , contre 2,6 milliards dans le PLF pour 2017 24 ( * ) .
Votre rapporteur pour avis craint toutefois que ces prévisions de dépenses de l'ASS soient trop optimistes et ne tiennent pas compte des conséquences de la diminution du nombre de contrats aidés.
Il constate par ailleurs que les autres crédits relatifs à l'indemnisation des demandeurs d'emploi connaissent certes des évolutions importantes en valeur relative, mais limitées en valeur absolue.
Évolution des crédits relatifs à
l'indemnisation des demandeurs d'emploi,
hors régime de
solidarité d'indemnisation du chômage
(en millions d'euros)
Dispositif |
PLF pour 2018 |
PLF pour 2017 |
Rémunération de fin de formation |
132 |
41 |
Allocation équivalent retraite |
8,2 |
19 |
Allocation temporaire d'attente |
6,3 |
45 |
Allocation complémentaire |
0,26 |
8 |
Prime temporaire de solidarité |
nc |
46,2 |
Source : Commission des affaires sociales
D. LE MAINTIEN DES CRÉDITS DÉDIÉS AUX PUBLICS LES PLUS EN DIFFICULTÉ
Les crédits d'intervention destinés aux publics les plus en difficulté 25 ( * ) s'élèveront l'an prochain à 1,7 milliard d'euros , contre 2,1 milliards dans le PLF pour 2017, en raison d'un changement de la maquette budgétaire lié à la garantie jeunes . En effet, les crédits consacrés à l'accompagnement renforcé des jeunes vers l'emploi passeront de 757 millions dans le PLF pour 2017 à 245 millions l'an prochain car la garantie jeunes fait désormais l'objet d'une action spécifique au sein du programme 102 (voir infra ) 26 ( * ) .
Plus précisément, les crédits affectés aux mesures en faveur de l'insertion par l'activité économique seront en légère hausse (1 milliard contre 966 millions cette année). Il en va de même pour les crédits dédiés à l'emploi des personnes handicapées (377 millions contre 366 millions dans le PLF pour 2017), ceux consacrés à l'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée 27 ( * ) (18 millions contre 11,6 cette année) ou encore ceux affectés au soutien au secteur de l'aide sociale (12 millions contre 11,5).
L'examen de ces crédits appelle trois remarques de la part de votre rapporteur pour avis.
En premier lieu, les dépenses de la mission consacrées aux personnes handicapées seront en légère hausse de 11 millions par rapport au PLF pour 2017. Le PLF pour 2018 prévoit en effet une enveloppe de 377 millions ainsi répartis : 338,5 millions pour l'aide au poste dans les entreprises adaptées, soit 18 millions de crédits supplémentaires 28 ( * ) ; 33,3 millions pour la subvention spécifique versée aux entreprises adaptées, en baisse de 8 millions 29 ( * ) , et 5 millions pour les programmes régionaux pour l'insertion des travailleurs handicapés et aides individuelles, en baisse d'un million. Par rapport aux crédits ouverts en LFI pour 2017, la hausse des dépenses en faveur des personnes handicapées est plus limitée, de l'ordre de 4 millions d'euros 30 ( * ) . Le Gouvernement prévoit plus particulièrement de financer l'an prochain 1 000 aides au poste supplémentaires, soit un total de 24 036 aides . La ministre du travail a déclaré le 8 novembre dernier à l'Assemblée nationale que ces aides supplémentaires avaient été « prévues par la loi de finances initiale de 2017 mais n'avaient pas été budgétées ». Le Gouvernement envisage par ailleurs une réforme à compter du 1 er juillet 2018 des conditions de financement des entreprises adaptées (aides au poste et subventions spécifiques), jugées trop complexes, insuffisamment incitatives pour encourager la rotation du personnel et dépourvues de visibilité pluriannuelle, réforme qui généra une économie estimée à 8 millions d'euros sur la seconde moitié de l'année. Face aux inquiétudes des responsables des entreprises adaptées, la ministre du travail a annoncé le 8 novembre 2017 qu'elle les rencontrerait dans les quinze jours suivant pour réfléchir aux moyens de pérenniser le « modèle économique » de ces structures, et qu'elle pourrait le cas échéant déposer un amendement en ce sens lors de l'examen du PLF par le Sénat.
En deuxième lieu, l'État augmentera de 30 millions son soutien au secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) . Le financement direct par l'État des acteurs de l'insertion par l'activité économique passera de 810 à 840 millions. Les principaux bénéficiaires seront les ateliers et chantiers d'insertion (612 millions, en hausse de 19 millions) les entreprises d'insertion (140 millions, soit 7 millions de plus que cette année) ainsi que les associations intermédiaires (28 millions, en hausse de 5 millions).
Au final, près de 71 000 équivalents temps plein seront financés l'an prochain, soit 5 000 aides au poste de plus qu'en 2017 . D'autres dispositifs de soutien indirect à l'IAE connaîtront également une hausse de leurs crédits, comme les exonérations de cotisations sociales en faveur des associations intermédiaires (82,4 millions, en hausse de 13,3 millions) ou en faveur des ateliers et chantiers d'insertion (125 millions, en augmentation de 16,6 millions). À l'issue du conseil des ministres du 6 septembre 2017, le Gouvernement a annoncé avoir confié à M. Jean-Marc Borello , président du groupe SOS, une mission visant à mobiliser les acteurs de l'insertion autour de solutions innovantes. Votre rapporteur pour avis prendra connaissance avec intérêt de ses propositions, qui seront remises au Gouvernement d'ici à la fin de l'année, et des suites qui leur seront données.
En dernier lieu, votre rapporteur attache une grande importance aux dispositifs à l'attention des jeunes, comme les écoles de la deuxième chance (E2C), les établissements publics d'insertion par l'emploi (Épide) et la garantie jeunes.
Tout d'abord, les 51 écoles membres du réseau des E2C , créées à l'initiative des conseils régionaux et des acteurs de l'insertion professionnelle, disposeront l'an prochain de 24 millions , soit le même montant que celui accordé en 2017, étant rappelé qu'elles bénéficieront également de crédits du ministère de la ville, des collectivités territoriales, du Fonds social européen et de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé). En 2016, 62 % des personnes admises dans une E2C , soit 4 293 jeunes, ont trouvé un emploi ou une formation qualifiante : il s'agit du plus haut niveau observé depuis 2009. Parmi ces sorties positives, 24 % sont en formation qualifiante ou diplômante, 21 % en contrat de travail non aidé, 11 % en alternance et 6 % en contrat aidé, selon les réponses du Gouvernement au questionnaire budgétaire du Sénat. Ces performances en termes d'insertion professionnelle sont d'autant plus remarquables que le coût moyen annuel par place s'élève à 6 000 euros . Une nouvelle convention pluriannuelle d'objectifs devra être prochainement conclue pour renforcer le pilotage des E2C et décliner les objectifs du plan d'investissement dans les compétences (PIC).
Ensuite, les 19 Épide bénéficieront l'an prochain de 55 millions d'euros de la mission « travail et emploi », en baisse de 3 millions par rapport au PLF pour 2017 31 ( * ) , auxquels s'ajouteront 29 millions issus du programme 147 « politique de la ville ». En 2016, leur budget total était de 88,9 millions, reposant pour 87 % sur une subvention de l'État (77,3 millions) répartie entre le ministère du travail (deux tiers) et le ministère de la cohésion des territoires (un tiers).
Les Épide bénéficient par ailleurs
de cofinancements du Fonds social européen (50 millions pour la
durée de la programmation 2014-2020). Ils disposent actuellement de
2 715 places, tandis qu'un vingtième centre devrait ouvrir
prochainement à Alès. Les résultats des Épide
sont en progression avec
52 % de sorties positives en
2016
(soit 4 points supplémentaires par rapport à
2015), dont 59 % de jeunes en emploi et 41 % en formation. Le taux de
jeunes ayant abandonné le dispositif ou l'ayant quitté sans
solution reste toutefois élevé malgré une
légère amélioration (42,6 % en 2016 contre 47 %
en 2015).
Le
coût moyen d'un volontaire
intégré
est de
24 500 euros
fin 2016 selon le Gouvernement : il est plus élevé que celui
observé dans une école de la deuxième chance en raison des
frais de logement et de restauration. L'année prochaine verra la mise en
oeuvre du nouveau contrat d'objectifs et de performances prévu pour la
période 2018-2021. Il traduira l'objectif du plan d'investissement dans
les compétences qui prévoit le financement de places
supplémentaires dans les Épide.
Enfin, la garantie jeunes disposera l'an prochain d'une enveloppe de 479 millions d'euros en AE et 467 millions en CP, compte tenu du cofinancement communautaire de 36 millions d'euros 32 ( * ) .
Pour mémoire, le PLF pour 2017 avait prévu une enveloppe de 498 millions d'euros en AE et 420 millions en CP, en très forte hausse par rapport au PLF pour 2016 (respectivement 282 et 255 millions), compte tenu de la généralisation du dispositif fixée au 1 er janvier 2017. Au final, ce dispositif bénéficiera l'an prochain d'environ 514 millions en AE et 503 millions en CP, qui financeront l'allocation spécifique versée aux jeunes 33 ( * ) (354 millions 34 ( * ) ) et l'accompagnement délivré par les missions locales 35 ( * ) (160 millions 36 ( * ) ).
L'effectif moyen mensuel de jeunes qui ne sont ni étudiants, ni en emploi, ni en formation 37 ( * ) et qui bénéficieront du dispositif est estimé à 90 272 personnes en 2018. Pour mémoire, au 30 juin 2017, 151 771 jeunes ont intégré le dispositif depuis le début de son expérimentation.
En tant que co-rapporteur de la loi « Travail », votre rapporteur pour avis s'était opposé à la généralisation anticipée de la garantie jeunes, considérant qu'une telle mesure ne pouvait être prise qu'après une évaluation approfondie par un organisme indépendant et à l'issue d'une période d'expérimentation suffisamment longue 38 ( * ) . Les conclusions du rapport intermédiaire d'évaluation de la garantie jeunes 39 ( * ) , si elles dressent un tableau plutôt satisfaisant du dispositif 40 ( * ) , notamment en termes d'insertion professionnelle 41 ( * ) , n'ont été rendues qu'en novembre 2016, postérieurement à l'adoption de la loi « Travail » : une telle méthode pour légiférer est pour le moins déconcertante, alors que les sommes en jeu sont considérables (plus d'un milliard d'euros en cumulé entre 2017 et 2018).
* 23 Les autres dispositifs disposent de crédits bien moindres, qu'il s'agisse de l'aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise (ACCRE) dotée de 37,1 millions, de l'allocation de solidarité spécifique formation (25,6 millions), de l'intéressement-ASS (11 millions) ou de l'allocation équivalent retraite (7,8 millions).
* 24 Selon le PLF pour 2018, 424 500 personnes devraient bénéficier l'an prochain de l'ASS pendant une période de 364 jours en moyenne, contre 479 320 personnes en 2017 pendant une période moyenne de 352 jours. Pour mémoire, depuis janvier 2017, il n'est plus possible de cumuler l'ASS et l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
* 25 Sous-action 2 de l'action 2 du programme 102.
* 26 Ce dispositif relève désormais de l'action 3 « plan d'investissement des compétences du programme 102 « accès et retour à l'emploi », et non plus de son action 2 comme les années précédentes.
* 27 Lancé dans dix territoires volontaires en application de la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, ce projet autorise des entreprises à but d'emploi relevant de l'économie sociale et solidaire (ESS), conventionnées par un fonds national spécifique, à embaucher en CDI des demandeurs d'emploi de longue durée rémunérés au moins au Smic, pour effectuer des prestations répondant à des besoins sociaux locaux, avec pour objectif final de les rendre solvables grâce à une réallocation à budget constant des dépenses publiques existantes.
* 28 Le PLF pour 2017 prévoyait seulement une dotation de 320 millions.
* 29 Le PLF pour 2017 consacrait en effet 41 millions à cette mesure.
* 30 Lors de l'examen de la mission à l'Assemblée nationale le 8 novembre 2017, la Ministre du travail a indiqué qu'au total l'an prochain, « ce sont 4 millions d'euros supplémentaires qui seront versés aux entreprises adaptées. Pour ce qui est de l'aide au poste dans ces entreprises, on passe de 326 millions à 338 millions d'euros, soit 12 millions de crédits supplémentaires. Pour ce qui est de la subvention dite « spécifique » dans les entreprises adaptées, qui demande de justifier dix critères, il y a effectivement une baisse de 8 millions d'euros ».
* 31 La dotation de 57,7 millions en PLF pour 2017 avait toutefois été ramenée à 54,6 millions en LFI.
* 32 Les crédits européens, issus du fonds social européen (FSE) et de l'Initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ), concernent uniquement les régions dont le taux de chômage des jeunes dépassait 25 % au 31 décembre 2012.
* 33 Les jeunes bénéficieront d'une allocation dégressive dont le montant ne peut dépasser celui du revenu de solidarité active, hors forfait logement, en contrepartie de leur engagement de suivre un parcours intensif d'accès à des expériences professionnelles ou à des formations. Au 1 er septembre 2017, le plafond de l'allocation était de 480 euros. Elle est cumulable avec les revenus d'activités jusqu'à 300 euros et dégressive ensuite jusqu'à un niveau équivalent à 80 % du montant mensuel brut du Smic.
* 34 Contre 313 millions selon le PLF pour 2017.
* 35 Le coût unitaire est de 1 600 euros par jeune entrant dans le dispositif pendant douze mois.
* 36 Contre 161 millions selon le PLF pour 2017.
* 37 Les autorités françaises utilisent également l'expression anglo-saxonne « Not in Education, Employment or Training », ou NEET, pour désigner ce public.
* 38 Rapport sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s, de MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Marc Gabouty et Michel Forissier, 1 er juin 2016, tome 1, pp. 284-288.
* 39 Comité scientifique en charge de l'évaluation de la Garantie Jeunes, rapport intermédiaire, novembre 2016.
* 40 « Même si la mobilisation des acteurs locaux pour la recension des jeunes éligibles et leur orientation vers la Garantie Jeunes a été inégale selon les territoires, celle-ci semble bien avoir atteint sa cible ». En outre, « l'évaluation n'a pas mis en lumière de défaut important de conception du dispositif ». Enfin, « l'allocation s'est révélée primordiale pour la plupart des bénéficiaires » car « la logique de contrepartie associée à l'allocation semble bien comprise ». Op. cit., pp. 2-4.
* 41 « La part des jeunes pré-identifiés dans les territoires pilotes qui sont en emploi est de 40,4 %, au lieu de 34,1 % si la Garantie Jeunes n'avait pas été introduite. De même, leur part en emploi durable est de 20,5 %, au lieu des 15,9 % que l'on aurait constatés sans la Garantie Jeunes ». Op. cit., p. 4.