I. EXPOSÉ GÉNÉRAL

A. LES MARGES DE PROGRÈS DE LA FRANCE EN « COMPÉTITIVITÉ-TEMPS » ET EN RÉDUCTION DE LA CHARGE ADMINISTRATIVE

? Des enjeux qui se chiffrent à plusieurs points de pourcentage de notre PIB.

L'an dernier, lors de son audition par la commission des Affaires économiques du Sénat, M. Louis Gallois, commissaire général à l'investissement, préalablement à la présentation de son rapport 1 ( * ) , avait évoqué les faiblesses structurelles de notre économie en soulignant non seulement le niveau élevé des dépenses publiques mais aussi l'empilement administratif, la sur-réglementation, et l'instabilité réglementaire qui brouillent l'horizon des firmes. Il a indiqué qu'il partageait sur tous ces sujets, l'essentiel du diagnostic établi par les travaux de la Commission pour la libération de la croissance française présidée par M. Jacques Attali. La proposition n° 246 du rapport de cette commission 2 ( * ) évoquait, en 2008, le perfectionnement de l' e-administration censée permettre de réaliser 15 milliards d'euros d'économies par an pour l'État et de fixer un objectif de réduction de 25 % du coût des démarches administratives demandées aux entreprises.

Il semble utile d'insister sur le concept moins galvaudé mais tout aussi pertinent de la « compétitivité-temps » . Dans son rapport publié en juillet 2012 sous l'égide de Terra Nova « Investir dans l'avenir - Une politique globale de compétitivité pour la France », M. Louis Schweitzer rappelle que « Le temps, c'est de l'argent. En France, les investisseurs en perdent beaucoup plus qu'ailleurs : le temps administratif préalable (autorisations, permis de construire, enquêtes publiques, concertation, lenteur des procédures de plans sociaux...) et les délais aval (temps judiciaire notamment) comptent parmi les plus élevés de l'OCDE. » Tout cela « terrifie littéralement les investisseurs étrangers ».

Ce propos mérite à la fois d'être approuvé et nuancé en faisant observer que, sur le terrain, nos entrepreneurs avec lesquels sont en contact les parlementaires de la commission des Affaires économiques, soulignent que le parcours de l'exportateur français est également semé d'embuches, non seulement dans un certain nombre de pays émergents mais parfois aussi chez nos voisins européens.

? En dépit des velléités de simplification du droit, la profusion de normes s'est accentuée partout dans le monde depuis les années 1950 : la voie de la « e-administration », qui met à la portée de tous des dispositifs compliqués, et les parades contre l'instabilité du droit paraissent, dans ces conditions, beaucoup plus prometteuse.

Les concepts de gain de temps et de réduction de la charge administrative ont le mérite de mieux cerner le véritable enjeu économique du présent projet de loi en faisant apercevoir que, pour simplifier la vie des entreprises et renforcer notre compétitivité, le principal défi porte tout autant sur la multiplicité des règles que sur la manière de gérer leur grand nombre pour en simplifier l'usage. Il serait, en effet, irréaliste de ne pas prendre en compte que, dans la hiérarchie des priorités des producteurs de normes, la conciliation des intérêts contradictoires et le principe de précaution l'emportent souvent sur l'objectif de simplicité.

En effet, la complexité croissante du droit, qui est souvent mise en avant, n'est pas un phénomène spécifiquement français, comme en témoigne, par exemple, la profusion de règles internationales (OMC, etc.). De façon générale, le droit doit aujourd'hui s'emparer de sujets de plus en plus complexes en s'efforçant de tenir compte de multiples intérêts divergents.

Cette complexité des règles peut s'accompagner d'une mise en oeuvre simple et rapide pour l'usager. Par exemple, la réglementation applicable au calcul de la pension de retraite d'une personne relevant de plusieurs régimes successifs est particulièrement compliquée mais l'utilisation de logiciels convenablement paramétrés permettent d'aboutir à un résultat chiffré rapide. A l'évidence, l'utilisation par l'administration des technologies de l'information est de nature à faciliter la gestion de l'inéluctable complexité normative en générant des gains de temps, des économies budgétaires et un allégement de la charge administrative subie par les entreprises. Telle est la voie suivie par nos voisins européens ( cf. infra ).

Le présent projet de loi repose très largement sur cette logique qui renvoie à la notion de « simplexité » : utilisée, par exemple, dans l'industrie automobile, cette notion y caractérise les efforts déployé pour améliorer la lisibilité des tableaux de bord et mettre à la portée de tous des technologies sophistiquées.

Au nom du réalisme, on peut toutefois mentionner les risques de « bug » informatique en rappelant l'actualité récente aux Etats-Unis. Elle montre que la réussite de l'e-administration ne va pas de soi, même dans un pays pionnier en matières de technologies de l'information : la saturation des sites internet publics a, en effet, fragilisé le lancement du vaste programme dit « Obamacare » de généralisation de la couverture maladie.

Pour cette raison, et parce qu'il n'est pas simple, pour certaines TPE, de satisfaire, par exemple, les obligations de facturation électronique prévues par l'article premier du projet de loi, votre commission souligne qu'elle attache une grande importance au maintien des dispositions du projet de loi qui prévoient une extension progressive des obligations d'utiliser les outils de la e-administration et un traitement particulier des très petites entreprises qui n'auraient pas les moyens de se mettre aux normes techniques.

En second lieu, il convient surtout de rappeler que selon divers rapports, en particulier ceux du Conseil d'État (rapport public 2006), la cible la plus pertinente à combattre n'est pas tant la complexité que l'instabilité du droit. Cette dernière constitue un obstacle majeur à la clarté de la règle car elle ne permet pas à la jurisprudence et à la doctrine de se constituer. En fin de compte, cette instabilité est la cause essentielle d'insécurité juridique et le principal facteur de dissuasion des porteurs de projets. Là encore, le présent texte d'habilitation introduit une innovation majeure sous forme de certificats de projets qui s'efforce de concilier la possibilité pour le législateur de perfectionner les normes - ce qui correspond à sa vocation - tout en garantissant un cadre stable pour l'investisseur.

? La simplification de la vie des entreprises ne relève pas seulement des mesures législatives mais aussi de dispositions réglementaires et de comportements : pour transformer ces dernières, le Parlement et le Gouvernement ont l'occasion d'envoyer un signal fort et consensuel à travers ce projet de loi d'habilitation.

Deux exemples permettent d'illustrer cette idée.

Comme le signale le rapport consacré aux 21 chantiers du programme triennal de simplification (2013-2016) 3 ( * ) , les greffes des tribunaux de commerce n'appliquent pas les mêmes règles sur l'ensemble du territoire français. Ainsi, lorsqu'une société n'ayant ni immobilisation ni provision ne soumet pas les documents correspondants, certains greffes l'acceptent tandis que d'autres exigent que les documents soient remplis avec l'indication « néant ». Dans d'autres domaines, des pièces supplémentaires qui ne se justifient pas réglementairement ou légalement sont parfois exigées.

L' harmonisation des démarches auprès des greffes sur l'ensemble du territoire national est donc particulièrement souhaitable mais elle relève au premier chef de mesures de régulation technique.

L'autre exemple concerne la commande publique représente un vecteur clé de création d'emplois dans tous les secteurs d'activité et toutes les régions. Les marchés publics représentent 17 % du Produit Intérieur Brut (PIB) des Etats membres de l'Union européenne et environ 10 à 15 % du PIB de notre pays. Or la place des PME dans l'attribution des marchés publics ne correspond pas à leur poids dans l'économie nationale. En effet, si celles-ci ont bénéficié de 61 % des marchés, en valeur elles n'ont perçu que 28 % de leur montant total alors qu'elles représentent 42 % de la valeur ajoutée produite en France. Pour expliquer cette situation, la complexité des procédures de passation des marchés publics, surtout pour les marchés de petits montants, est souvent soulignée. Il convient donc de simplifier les procédures pour ces marchés de petit montant afin de permettre aux PME d'y accéder. Les documents de consultation rédigés par les acheteurs publics sont nombreux et leur contenu peut varier d'un pouvoir adjudicateur à l'autre. Ils sont souvent difficiles à appréhender pour les TPE et PME, de même que les procédures en usage.

L'amélioration de l'accès des PME à la commande publique , qui est l'un des objectifs du chantier de modernisation de l'achat public entériné lors de la réunion du 2 avril 2013 du CIMAP, aurait un impact significatif sur la croissance des entités principales créatrices d'emplois en France. Là encore, les mesures de simplification relèvent essentiellement du domaine réglementaire et technique.


* 1 Audition du mercredi 12 juin 2013.

* 2 Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française - 2008.

* 3 Les 21 chantiers du programme triennal- Rapport annexe de la mission parlementaire de simplification de l'environnement réglementaire, administratif et fiscal des entreprises - Juillet 2013.

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