III. LA PJJ FACE À L'ÉVOLUTION DE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS
A. LA PJJ : UN ACTEUR ESSENTIEL DE LA PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE
D'après les informations transmises par le Gouvernement, 70% des mineurs délinquants âgés de moins de 17 ans pris en charge par la PJJ n'ont ni récidivé, ni réitéré dans l'année qui suit la clôture d'une mesure pénale. Toutefois, plusieurs enquêtes ont parallèlement mis en évidence l'existence, au sein de la population pénale mineure, d'un petit nombre d'auteurs d'actes de délinquance répétés, représentant environ 5% des jeunes concernés, qui seraient responsables de près de la moitié des actes de délinquance commis par cette classe d'âge 35 ( * ) . Ce double constat rend indispensable la participation de la PJJ aux politiques de lutte contre la délinquance.
1. Une mission de participation aux politiques de prévention de la délinquance réaffirmée
Le décret n°2007-1573 du 6 novembre 2007 relatif à la structuration judiciaire des établissements et services du secteur public de la PJJ confie à la PJJ une mission de participation aux politiques publiques visant :
- la coordination des actions de la PJJ avec celles des collectivités publiques en vue d'assurer une meilleure prise en charge des mineurs délinquants ou en danger ;
- l'organisation et la mise en oeuvre d'actions de protection de l'enfance et de prévention de la délinquance.
Dans ce cadre, les services territoriaux de la PJJ participent aux dispositifs de prévention de la délinquance réformés par la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, et contribuent aux actions définies dans les contrats locaux de sécurité (CLS) et les conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD et CISPD).
Par ailleurs, conformément à la circulaire du 6 février 2008 relative au rôle de l'institution judiciaire en matière de prévention de la délinquance, les services territoriaux de la PJJ contribuent aux plans départementaux de prévention de la délinquance, aux travaux des conseils départementaux de prévention de la délinquance et des comités départementaux de sécurité, et, localement, aux groupes locaux de traitement de la délinquance. En particulier, un certain nombre d'actions à contenu éducatif proposées par les services territoriaux de la PJJ sont désormais financées par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance.
Enfin, dans le cadre du plan national de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes du 2 octobre 2009, la PJJ participe à la mise en oeuvre des instances tripartites de coordination de la justice des mineurs, destinées à renforcer le suivi des mineurs multiréitérants. Ces instances, qui regroupent représentant du parquet, juge des enfants et directeur du service territorial du milieu ouvert de la PJJ, ont pour but d'adapter les stratégies judiciaires sur un secteur géographique déterminé, afin d'assurer notamment la mise en oeuvre effective et rapide des mesures prescrites.
2. La mise en oeuvre de partenariats ciblés
En outre, la PJJ participe à la politique de prévention de la délinquance par le biais de partenariats et de dispositifs de concertation avec l'ensemble des acteurs intervenant dans cette matière :
* des dispositifs anciens de concertation avec les conseils généraux
La PJJ a tout d'abord et depuis longtemps mis en oeuvre des dispositifs de concertation ciblés avec les conseils généraux, responsables de la protection de l'enfance en danger.
Ce partenariat a d'abord été développé dès la fin des années 1980 sur la base d'une démarche dite « de complémentarité » portant sur les thèmes suivants :
- la mise en place de dispositifs d'accueil d'urgence : aujourd'hui, 75 départements bénéficient d'un tel dispositif et 6 ont entamé les démarches nécessaires ;
- la participation à des commissions « parcours » ou « cas difficiles », qui sont des instances de concertation pluridisciplinaires centrées sur la recherche de solutions concrètes à la situation individuelle de jeunes rencontrant de grandes difficultés sur le plan comportemental, scolaire ou psychiatrique. 61 départements ont mis en place de telles instances ;
- enfin, les services de la PJJ sont toujours associés à l'élaboration du volet « enfance » des schémas d'organisation sociale et médico-sociale, 69 sur 87 de ces derniers étant signés conjointement bien que la loi ne l'exige plus.
En outre, les services territoriaux de la PJJ contribuent aux instances créées par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance :
- d'une part, les cellules de recueil des informations préoccupantes. A la fin de l'année 2009, plus de 83% des départements avaient mis en place une telle cellule. La PJJ est signataire de la quasi-totalité des protocoles de création et de fonctionnement de cette instance ;
- d'autre part, les observatoires départementaux de la protection de l'enfance, qui constituent le cadre institutionnel de concertation privilégié pour analyser les problématiques des publics visés ainsi que les besoins de matière de protection de l'enfance, dans le but d'organiser au mieux la prise en charge.
* un renforcement de la concertation avec les forces de sécurité
Par ailleurs, la PJJ a développé des dispositifs de partenariat avec les forces de sécurité (police nationale, gendarmerie, police municipale) dans le cadre de la politique des quartiers en difficulté. Outre les concertations organisées dans le cadre du CLSPD et du plan départemental de prévention de la délinquance (voir supra ), les forces de sécurité participent régulièrement à des actions conjointes de prévention avec des éducateurs de la PJJ, dans le cadre de la sécurité routière, d'activités sportives ou des opérations « Ville Vie Vacances » par exemple. En outre, depuis l'été 2009, il est demandé aux services territoriaux de la PJJ, en liaison avec le procureur de la République, de renforcer leurs échanges avec les forces de sécurité au niveau de 35 quartiers prioritaires ainsi que dans le cadre des actions de lutte contre les violences scolaires décidées par les états-majors départementaux de sécurité.
* la participation de la PJJ à la « dynamique espoir banlieue »
La PJJ participe à la mise en oeuvre de la « dynamique espoir banlieue », définie par le comité interministériel des villes du 20 juin 2008, à travers trois actions spécifiques :
- la signature de 1.000 contrats CIVIS 36 ( * ) par an au profit de jeunes suivis par la PJJ, dont 33% pour des jeunes issus de 215 quartiers prioritaires. En 2009, 2.131 contrats ont été signés, dont 473 pour les quartiers prioritaires ;
- la signature de 500 conventions de « parrainage » par an au profit des jeunes suivis par la PJJ, dont 50% pour les jeunes issus de 215 quartiers prioritaires. 334 conventions ont été signées en 2009, dont 120 pour les quartiers prioritaires ;
- enfin, la préparation de 25 candidats issus des quartiers prioritaires par an au concours d'éducateur. 36% de ces candidats ont été admis au concours en 2009, 48% en 2010.
* des partenariats ciblés avec l'Éducation nationale
En-dehors des relations entretenues dans le cadre du fonctionnement de certaines structures de placement (CEF et EPM notamment), la PJJ participe de façon conjointe avec le ministère de l'Éducation nationale à la mise en oeuvre d'un certain nombre de projets ciblés.
La PJJ est notamment investie dans le développement et le pilotage des dispositifs relais (classes et ateliers), qui représentent un élément essentiel de la politique de lutte contre l'échec scolaire et la marginalisation sociale des jeunes. En 2009-2010, 444 dispositifs relais se répartissaient en 300 classes et 144 ateliers, permettant une prise en charge de 8.134 élèves. Environ un tiers d'entre eux bénéficiaient d'une mesure éducative administrative ou judiciaire. Dans les classes relais, l'équipe d'encadrement des élèves est constituée d'enseignants de l'Education nationale, d'éducateurs du conseil général ou de la PJJ et éventuellement de personnels associatifs. En 2009-2010, ce dispositif concernait 63 agents de la PJJ.
La PJJ est également impliquée dans la création, annoncée au cours de l'été 2010, d'une dizaine d'établissements de réinsertion scolaire (ERS), un personnel d'encadrement et un éducateur de la PJJ ayant vocation à être affectés dans chaque structure. Les difficultés rencontrées dans certains établissements au cours des récentes semaines devraient probablement conduire à une adaptation prochaine de leur cahier des charges.
* la nécessaire amélioration de la prise en charge des mineurs présentant des troubles mentaux
Bien que le ministère de la Justice ne dispose pas de données chiffrées sur ce point, les jeunes en difficulté confiés à la PJJ au civil ou au pénal présentent souvent des troubles du comportement plus ou moins prégnants qui peuvent nécessiter une prise en charge psychiatrique.
Or, le bilan des relations entre la PJJ et le secteur psychiatrique semble loin d'être satisfaisant, tant en raison d'une insuffisance de moyens (manque de services d'hospitalisation psychiatrique suffisamment « contenants » pour accueillir ces enfants ou ces adolescents en crise, manque de services d'hospitalisation pour adolescents, inadéquation des services de psychiatrie générale au suivi de ces jeunes, etc.) que d'une faiblesse des articulations . En outre, les services éducatifs se montrent parfois réticents à reprendre ces mineurs après résolution de leur crise psychiatrique, notamment lorsque cette crise a été violente ou spectaculaire ou lorsque le suivi impose la poursuite d'un traitement médicamenteux ou de soins ambulatoires. Seuls quelques départements ou quelques services paraissent avoir trouvé des solutions opérationnelles généralement construites autour de structures conjointes ou de relations personnelles bien établies.
Ces éléments ont conduit la DPJJ à mettre en place une mission d'appui nationale chargée d'étudier de façon plus approfondie les articulations entre PJJ et psychiatrie dans cinq départements sélectionnés pour représenter la diversité des situations sur le territoire national. Votre rapporteur pour avis regrette que le rapport de ce groupe de travail, annoncé pour janvier 2010, n'ait pas encore été diffusé .
En outre, depuis le 1 er janvier 2008, cinq centres éducatifs fermés (CEF) ont été dotés de moyens supplémentaires dans le domaine de la santé mentale (voir supra ).
Dans son rapport remis le 3 décembre 2008, la commission présidée par le recteur Varinard s'est prononcée en faveur de la généralisation de la passation de conventions entre les services de la PJJ et les services de santé mentale, afin de permettre une prise en charge adaptée des mineurs le nécessitant, notamment sous la forme d'une hospitalisation de brève durée. La commission a souhaité qu'un établissement permettant un tel accueil existe au sein de chaque région 37 ( * ) .
* 35 Voir notamment le rapport de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs précité, page 24.
* 36 Le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) s'adresse à des jeunes de 16 à 25 ans rencontrant des difficultés particulières d'insertion professionnelle. Il vise à organiser les actions nécessaires à la réalisation de leur projet d'insertion dans un emploi durable.
* 37 « Adapter la justice pénale des mineurs. Entre modifications raisonnables et innovations fondamentales : 70 propositions », commission présidée par le recteur André Varinard, La Documentation française, pages 202-204.