EXAMEN EN COMMISSION
Au cours d'une séance tenue le jeudi 10 mai 2001 sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Michel Mercier, rapporteur pour avis , sur le projet de loi n° 279 (2000-2001) , adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et allocation personnalisée d'autonomie .
M. Michel Mercier, rapporteur, a observé que le projet présenté par le Gouvernement conservait toutes les innovations introduites par la prestation spécifique dépendance (PSD) et notamment l'évaluation de l'état de la personne à partir d'une grille nationale, l'aide personnalisée tenant compte de l'état et des revenus de la personne, le caractère d'aide en nature et la mise en place d'un plan d'aide. Il a indiqué que le projet du Gouvernement organisait les dépenses des départements par la mise en place d'un barème national, mais s'abstenait de prévoir, pour ceux-ci, une ressource correspondante.
Il a précisé que la nouvelle allocation personnalisée d'autonomie (APA) ferait l'objet à la fois d'un financement départemental et d'un financement par l'intermédiaire d'un établissement public administratif, dont les ressources proviendraient des caisses de retraite pour 500 millions de francs, et de 0,1 % du produit de la contribution sociale généralisée (CSG), soit environ 5 milliards de francs.
Il a identifié trois problèmes posés par le projet gouvernemental. En premier lieu, faisant référence à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il s'est interrogé sur la conformité à la Constitution de la mise en place d'une dépense obligatoire pour les départements dont la portée n'aurait pas clairement été précisée.
En deuxième lieu, il a constaté que les dépenses du « fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie » ne seraient retracées ni dans la loi de financement de la sécurité sociale, ni dans la loi de finances, et a regretté cette atteinte au principe d'universalité budgétaire.
En troisième lieu, il a contesté les modalités de financement du nouveau dispositif en observant que, si le coût total de l'APA en régime de croisière est estimé à 23 milliards de francs, les ressources du fonds de financement consacrées à cette allocation ne devraient pas dépasser, quant à elles, 5,5 milliards de francs. Il en a déduit que la différence, soit 17,5 milliards de francs, serait à la charge des départements. Il a constaté que ce montant représentait un triplement du montant actuellement consacré par les départements aux personnes éligibles à l'APA.
Il a précisé que, en 2002, l'APA coûterait 16,5 milliards de francs dont 11 à la charge des départements. Il a cependant évoqué les arguments du Gouvernement selon lesquels le coût net pour les départements en 2002 serait limité à 8,3 milliards de francs, en raison des économies réalisées à la suite de la réforme de la tarification des établissements d'hébergement et du rattrapage de certaines dépenses qui auraient dû intervenir dans le cadre de la PSD.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis , a considéré qu'il fallait revoir ce dispositif afin de faire figurer au budget de l'Etat les dépenses en faveur de l'APA, préservant ainsi à la CSG sa vocation de financer les organismes de sécurité sociale et améliorant la sincérité du débat budgétaire. Il a également insisté sur la nécessité de rééquilibrer le financement de la nouvelle allocation et a annoncé qu'il présenterait des amendements établissant une neutralité du coût de l'APA pour les départements en 2002 et répartissant le financement des dépenses nouvelles à raison de 2/3 pour les départements et 1/3 pour l'Etat.
M. Claude Belot a estimé que, dans l'état actuel du projet de loi, son application se traduirait certainement par une augmentation de la pression fiscale locale et a appelé l'Etat, à l'origine de cette initiative, à assumer une part plus importante de son financement. Il a par ailleurs observé que les dispositions du texte contribuaient à transformer progressivement les départements en organismes distributeurs sous contrôle administratif. Se référant aux notions de morale publique et de solidarité nationale, il s'est déclaré surpris par la suppression, par l'Assemblée nationale, de toute possibilité de recours sur les successions.
Mme Marie-Claude Beaudeau a constaté que la finalité du projet de loi faisait l'objet d'un consensus, mais que son financement n'était pas assuré. Elle a regretté la mise en oeuvre de mesures sociales nouvelles qui ne soient pas financées par des moyens nouveaux, mais par le recours aux finances départementales et la baisse des recettes du fonds de solidarité vieillesse (FSV). Elle a déploré l'utilisation de plus en plus fréquente de la technique des fonds de financement, dont la pérennité ne lui semble pas assurée et qui sont de nature à remettre en cause la sécurité sociale. Elle a cité l'exemple du fonds consacré aux victimes de l'amiante que l'Etat n'a toujours pas abondé, alors qu'il s'y était engagé dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Elle a indiqué que son groupe ne partageait pas les propositions du rapporteur, considérant qu'il serait plus efficace de créer une cinquième branche à la sécurité sociale, consacrée à la prise en charge de la dépendance. Elle a précisé que cette branche devrait être alimentée par la taxation des revenus financiers, faute de quoi il serait inévitable d'augmenter les impôts ou de réduire d'autres services rendus à la population.
M. Philippe Adnot a considéré que le texte ne posait pas seulement des problèmes financiers, mais donnait le sentiment qu'il était possible de tout faire sans en assumer les conséquences financières, participant ainsi à la déresponsabilisation familiale et personnelle. Il a souligné que, pour financer le nouveau dispositif, il faudra trouver des ressources nouvelles et donc vraisemblablement, puisque le recours sur succession est supprimé, augmenter les impôts. Il n'a pas jugé souhaitable que la société accroisse ainsi ses charges de structure.
M. Jacques Pelletier a constaté que certaines personnes ne demandaient pas à bénéficier de certaines prestations sociales afin que leurs enfants ne soient pas pénalisés au moment de leur succession.
M. Michel Mercier, rapporteur , a contesté que l'existence du recours sur succession puisse être un frein au bénéfice de certaines prestations, car il existe, dans de nombreux cas, un seuil en deçà duquel le recours ne joue pas. Il a regretté les disparités dans la réglementation applicable aux différents dispositifs d'aide sociale. Il a évalué à 4 milliards de francs le montant total des recettes départementales liées aux recours sur succession, la quasi-totalité de ces sommes provenant de l'aide sociale à l'hébergement de l'allocation en faveur des handicapés. Il a ajouté que, s'agissant de la PSD, le montant des recettes provenant des recours sur succession serait de l'ordre de la centaine de millions de francs. Il a pronostiqué qu'une suppression du recours sur succession pour l'APA entraînerait la remise en cause future de la totalité des possibilités de recours. Il s'est étonné que la majorité gouvernementale se transforme en défenseur de l'héritage en préconisant cette suppression.
Il a considéré que la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale constituait une solution envisageable, mais que, dans cette hypothèse, il faudrait également mettre en place une cotisation sociale qui rapporte 23 milliards de francs. Il a ajouté que, la sécurité sociale n'étant pas en capacité de fournir des prestations en nature, le cinquième risque se traduirait alors par le versement de prestations en liquide.
M. Claude Belot a insisté sur le fait que l'existence du recours sur succession s'accompagnait de seuils protecteurs pour les personnes dont le patrimoine est de faible valeur.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis , a souligné que la charge nouvelle pour les départements prévue par le projet de loi s'inscrivait dans un cadre plus large de création de dépenses nouvelles pour les départements. Il a évoqué à ce titre le futur projet de loi sur la démocratie locale, qui mettrait à la charge des départements 80 % des dépenses nouvelles des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).
La commission a alors procédé à l'examen des amendements présentés par le rapporteur.
A l' article premier , M. Michel Mercier, rapporteur , a présenté un amendement tendant à compenser pour les départements les pertes de recettes liées à la suppression du recours sur les successions.
M. Philippe Adnot a jugé préférable de rétablir le principe d'un tel recours. Il a considéré que cet amendement revenait à accepter le principe de sa suppression.
M. Paul Loridant a demandé si l'augmentation des impôts liée à la compensation aux départements était compatible avec les positions de la commission en matière de baisse de la pression fiscale.
M. Roland du Luart a regretté la suppression du recours sur les successions pour les personnes aisées et a jugé préférable de faire appel à la solidarité familiale plutôt qu'au budget de l'Etat.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a indiqué que son amendement était un amendement de précaution dans l'hypothèse où le recours serait supprimé. Il a considéré qu'il revenait à la commission des affaires sociales, saisie au fond, de se prononcer sur la pertinence de cette suppression.
M. Paul Loridant s'est déclaré plutôt favorable au principe du recours, avec un seuil élevé, mais a souhaité entendre les arguments des partisans de la suppression avant de se prononcer définitivement.
Après une intervention de M. Alain Lambert, président, rappelant qu'il convenait que la commission ne se prononce que sur les aspects financiers du dispositif, la commission a adopté l'amendement présenté par le rapporteur pour avis, tout en précisant qu'il ne s'agissait pas de cautionner le principe de la suppression du recours sur succession.
Après l'article premier , le rapporteur pour avis a présenté un amendement tendant à organiser la participation de l'Etat au financement de l'APA en remplaçant le fonds de financement par un concours particulier créé au sein de la dotation globale de fonctionnement des départements, réparti pour 80 % en fonction de la part du département dans le total des dépenses au titre de l'APA, pour 10 % en fonction du potentiel fiscal et pour 10 % en fonction du nombre des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion. Le montant de ce concours particulier serait fixé à 8,2 milliards de francs en 2002, de manière à assurer la neutralité financière pour les départements lors du lancement de la nouvelle allocation, puis serait revalorisé chaque année du tiers de l'augmentation du coût de l'APA, laissant ainsi les 2/3 de cette augmentation à la charge des départements.
M. Philippe Adnot s'est déclaré en désaccord avec la mise à la charge des départements des 2/3 de l'augmentation du coût de l'APA entre l'année 2002 et le régime de croisière, soit les 2/3 de 6,5 milliards de francs.
M. Michel Mercier, rapporteur , a reconnu que le dispositif qu'il proposait maintenait une charge nouvelle importante pour les départements, mais que cette charge était atténuée par rapport au projet du Gouvernement. Il a donc proposé à la commission d'adopter un amendement partageant à parité le financement de l'APA entre les départements et l'Etat de manière à permettre à ce débat d'avoir lieu au cours de la séance publique.
Afin d'améliorer la clarté des propositions de la commission, il a proposé de présenter dans un amendement distinct les modalités de répartition du concours particulier aux départements.
La commission a alors adopté les trois amendements présentés par le rapporteur.