Accès aux pharmacies dans les communes rurales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales, présentée par Mmes Maryse Carrère, Guylène Pantel et plusieurs de leurs collègues, à la demande du RDSE.

Discussion générale

Mme Maryse Carrère, auteure de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) « Art précieux à l'humanité » selon la déclaration royale du 25 avril 1777, l'exercice du pharmacien s'est renforcé au fil du temps. Devenu acteur incontournable du parcours de soins, le pharmacien remplit, au-delà de la délivrance de médicaments, des missions multiples : renouvellement d'ordonnance pour les malades chroniques, vaccinations, dépistages, mise à disposition de cabines de téléconsultation... La délivrance d'antibiotiques pour les infections urinaires simples et les angines s'ajouteront bientôt à leurs compétences. Dans les prochaines années, ces missions s'enrichiront encore, notamment sur la base de l'expérimentation OSyS.

L'objectif est de simplifier l'accès aux soins des Français. Mais encore faut-il que nos concitoyens aient accès à une pharmacie... Or, depuis 2007, notre pays en a perdu plus de 4 000. L'année dernière, le caducée de 276 officines s'est éteint : jamais la France n'avait connu un tel rythme de fermetures. Si, dans les grandes villes, la suppression de pharmacies a peu d'incidences, elle est préoccupante dans les petites communes, d'où, bien souvent, le médecin généraliste est déjà parti.

D'après la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, 3 à 5 % de la population vit aujourd'hui dans des territoires considérés comme fragiles au regard de l'offre pharmaceutique. Les patients y sont contraints de parcourir des kilomètres pour se rendre à la pharmacie la plus proche, ce qui est compliqué pour les personnes âgées, celles à mobilité réduite et celles qui n'ont pas de moyen de transport.

Ce n'est évidemment pas sans conséquences sur la qualité des soins et le suivi des patients. Les écarts d'espérance de vie entre départements ruraux et urbains se creusent, atteignant près de deux ans pour les hommes et un an pour les femmes. Cette étude, menée par l'Association des maires ruraux de France, doit nous interpeller !

C'est également le dynamisme des zones rurales qui est en jeu. La pharmacie est un commerce de proximité dans lequel entrent quotidiennement plus de 4,5 millions de nos concitoyens. Toute fermeture aggrave la désertification de nos campagnes, décourageant les professionnels de santé et les jeunes familles et de s'y installer.

L'implantation des pharmacies est réglementée depuis 1941 pour assurer une bonne répartition démo-géographique des officines. Elle repose sur l'application d'un quota par rapport au nombre d'habitants ou à une clientèle potentielle. Bien que régulièrement revus, les seuils ne correspondent plus à la réalité du terrain.

Deux dispositifs ont été mis en place ces dernières années pour remédier à cette situation.

L'ordonnance du 3 janvier 2018 a assoupli les règles d'ouverture dans les territoires où l'accès à une pharmacie n'est pas assuré de manière satisfaisante. L'ouverture d'une officine par transfert ou regroupement est ainsi possible dans une commune de moins de 2 500 habitants si elle fait partie d'un ensemble de communes contiguës dépourvues d'officine, totalisant 2 500 habitants et comprenant une commune de 2 000 habitants.

Puis la loi du 7 décembre 2020, dite Asap, a autorisé à titre expérimental la création d'une antenne d'officine par un ou plusieurs pharmaciens titulaires d'une commune limitrophe.

Seulement voilà : à ce jour, aucun de ces dispositifs n'est appliqué... Pourquoi le décret prévu par l'ordonnance de 2018 pour identifier les territoires fragiles n'est-il pas publié cinq ans plus tard ? Au reste, la France comptant un peu plus de 29 000 communes de moins de 2 000 habitants, cet assouplissement ne répond pas réellement aux défis de nos territoires. Dans mon département, seules vingt communes comptent plus de 2 000 habitants...

Surtout, il est de plus en plus fréquent que de petites officines soient rachetées par des pharmacies de plus grande taille, pour les fermer quelques mois plus tard. Dans un rapport de 2016, les inspections générales des finances et des affaires sociales font apparaître que près de la moitié des fermetures résultent de ce processus, qui affecte essentiellement les communes rurales. Dans mon département, trois pharmacies en ont été victimes en moins de six mois...

C'est ce qui m'a conduit à déposer la présente proposition de loi, afin d'assouplir les conditions d'ouverture des officines et de faciliter leur installation dans des communes faiblement peuplées.

Le dispositif initial autorisait une ouverture dans les communes de moins de 2 500 habitants faisant partie d'un ensemble de communes contiguës dépourvue d'officine et totalisant 2 500 habitants. Notre rapporteure, Guylène Pantel, dont je salue le travail, s'est heurtée à des syndicats de pharmaciens nous accusant de vouloir désorganiser le réseau.

C'est pourquoi l'article unique du texte a été réécrit, pour demander au Gouvernement de publier le décret nécessaire à l'application du dispositif « Territoires fragiles » avant le 1er octobre prochain, sans quoi il appartiendrait aux directeurs généraux des ARS d'identifier eux-mêmes ces territoires.

L'adoption de cette proposition de loi permettra de résoudre un certain nombre de situations difficiles. Au sein des territoires fragiles, l'ouverture de pharmacies sera facilitée, et des aides pourront être octroyées pour favoriser leur maintien.

Pour autant, il est à craindre que le dispositif proposé par notre rapporteure et que nous avons accepté n'apporte pas de réponse satisfaisante au problème de la désertification pharmaceutique. C'est la raison pour laquelle nous voterons les amendements défendus par Cédric Vial, qui permettraient d'aboutir à un texte plus affirmé.

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, la réflexion devra se poursuivre. Sensibles à la démographie de la profession et à la viabilité économique, nous devons veiller aussi à l'aménagement de notre territoire et aux conditions de vie de nos concitoyens : cela passera toujours avant les considérations financières et corporatistes. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Guylène Pantel, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI) Après consultation avec Maryse Carrère, ce texte a été substantiellement modifié en commission à mon initiative.

Arrêtons-nous d'abord sur l'état de notre réseau officinal et les difficultés rencontrées dans certains territoires.

La qualité de notre maillage a longtemps été vantée. De fait, la France bénéficiait, ces dernières années encore, d'une densité d'officines supérieure à la moyenne des pays développés : 32 pour 100 000 habitants en 2019, contre 28 dans l'OCDE.

Du fait d'une régulation ancienne, ces officines sont plus équitablement réparties sur le territoire que la plupart des autres professionnels de santé. L'ouverture d'une officine ne peut être autorisée par l'ARS, en l'absence de cessation d'activité récente, que dans une commune de plus de 2 500 habitants, puis une fois par tranche de 4 500 habitants supplémentaires.

En 2016, 97 % des Français vivaient à moins de dix minutes en voiture d'une pharmacie ; le tiers des officines situé dans des communes de moins de 5 000 habitants y contribuaient largement. Mais ce réseau s'est beaucoup affaibli ces dernières années : entre 2012 et 2022, la France a perdu plus de 8 % de ses officines, alors qu'elle gagnait 3,7 % d'habitants.

Au même moment, les besoins de santé se sont accrus, de même que la prévalence des maladies chroniques.

Par ailleurs, des inégalités pénalisent certains territoires. En 2022, près d'un tiers des départements comportaient moins de 30 officines pour 100 000 habitants, contre plus de 35 dans les départements les mieux dotés. Les fermetures aggravent ces difficultés, et il arrive désormais que des habitants soient privés de solution de proximité : la vallée de la Roya ou le village corse de Cozzano en sont des exemples médiatisés.

Le législateur n'est pas resté inactif. Deux réformes récentes ont visé à maintenir l'accès aux médicaments dans les territoires les plus isolés : expérimentation des antennes d'officines et dispositif « Territoires fragiles ». Mais ils n'ont connu aucune application effective.

La loi Asap a autorisé, à titre expérimental, la création d'une antenne d'officine par un pharmacien titulaire d'une commune limitrophe, lorsque la dernière officine de la commune d'accueil a cessé son activité et que l'approvisionnement en médicaments y est compromis. La récente loi relative à l'engagement territorial des professionnels de santé a cherché à résoudre les difficultés juridiques empêchant le lancement de l'expérimentation.

Auparavant, une ordonnance de janvier 2018 avait permis l'identification de territoires dits fragiles par les directeurs généraux d'ARS ; des aides spécifiques peuvent y être accordées pour favoriser l'ouverture ou le maintien des officines, et l'ouverture d'une pharmacie est facilitée dans une commune de moins de 2 500 habitants située dans un ensemble de communes contiguës totalisant 2 500 habitants et comprenant une commune de 2 000 habitants.

Ces deux dispositifs demeurent inappliqués. D'après mes auditions, les premières antennes devraient bientôt pouvoir être créées dans les territoires les plus sinistrés, dont la vallée de la Roya et Cozzano. En revanche, le dispositif « Territoires fragiles » demeure inapplicable faute de décret.

Or les fermetures d'officine s'accélèrent. Depuis 2018, la France perd chaque année environ 1 % de ses pharmacies. D'après le Conseil national de l'ordre des pharmaciens (Cnop), la part des titulaires d'officine de plus de 60 ans a presque doublé en dix ans, et on constate des difficultés de recrutement dans les études de pharmacie.

Si les nouvelles compétences confiées aux pharmaciens en font des acteurs essentiels de proximité, les difficultés constatées pour accéder à une officine risquent d'annuler les effets de cette politique.

Dans nos territoires ruraux, ces tensions s'ajoutent à l'ensemble des difficultés d'accès aux soins. L'AMRF a montré que les écarts d'espérance de vie entre départements ruraux et urbains s'aggravent, atteignant près de deux ans pour les hommes et un an pour les femmes.

La proposition de loi de Maryse Carrère autorisait une ouverture d'officine dans les communes de moins de 2 500 habitants situées dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d'officine et totalisant une population supérieure à ce seuil.

Mais les auditions que j'ai menées ont montré qu'une révision des critères de droit commun sur l'ensemble du territoire inquiète la profession, qui redoute la création d'officines non rentables.

Entendant ces inquiétudes, la commission a recentré le dispositif sur sa cible prioritaire : les territoires les moins bien pourvus, notamment les communes faiblement peuplées. Elle a réécrit le texte pour contraindre le Gouvernement à prendre dans les prochains mois le décret relatif aux territoires fragiles. En l'absence de décret, le dispositif serait applicable au 1er octobre prochain, à charge pour les directeurs généraux d'ARS d'identifier les territoires concernés.

Par ailleurs, nous vous proposerons un amendement visant à permettre aux directeurs généraux d'ARS de prolonger la durée maximale de remplacement des titulaires d'officine ou de renouveler une fois le délai de caducité des licences en cas de cessation d'activité.

Cette proposition de loi nous offre l'occasion d'agir enfin pour l'accès aux pharmacies dans nos territoires. Il est incompréhensible qu'un dispositif prévu à cette fin reste inappliqué depuis plus de six ans. La commission vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI ; MM. Philippe Mouiller et Marc Laménie applaudissent également.)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Si notre maillage d'officines demeure performant, les alertes se multiplient : nous sommes passés sous la barre des 20 000 pharmacies.

Les pharmaciens assurent une prise en charge de premier recours, particulièrement importante là où la prise en charge des soins est plus difficile. Notre maillage resserré a été une force pendant la pandémie, période où les pharmaciens ont joué un rôle clé en première ligne. Leur rôle d'orientation et de gestion des soins non programmés est aussi essentiel, de même que celui joué pour la prise en charge des maladies chroniques et la prévention.

Les Français ont confiance en leurs pharmaciens, et le Gouvernement entend continuer à s'appuyer sur eux pour mener à bien la refondation de notre système de santé.

Cependant, la diminution du nombre d'officines est constante. Dix sont en vente à un euro actuellement, sans trouver de repreneur... Les zones rurales sont particulièrement touchées.

Il est de notre devoir de prendre des mesures pour préserver ce maillage essentiel à notre système de santé. C'est le sens de l'ordonnance de 2018, qui assouplit les règles d'ouverture dans les territoires fragiles. Je sais que le décret d'application définissant les critères des territoires fragiles est très attendu. J'ai été saisi de nombreux cas, de Jossigny en Seine-et-Marne à Sathonay-Village dans le Rhône.

Cette proposition de loi fixe l'échéance de publication du décret au 1er octobre prochain : je partage cette volonté et proposerai un texte à la concertation dans les prochains jours.

Il faut laisser de l'autonomie aux acteurs locaux. La définition des territoires fragiles permettra d'ouvrir des officines dans les communes de moins de 2 500 habitants et d'aider les pharmacies qui s'y trouvent, dont l'équilibre économique est parfois difficile à trouver.

Cette gestion au plus près des territoires permettra des solutions adaptées. L'assurance maladie et les syndicats négocient un avenant à la convention des pharmaciens : je souhaite un aboutissement rapide.

Il n'y a pas de solution unique, mais chaque Français doit avoir accès à une officine. Je souhaite aussi accélérer l'expérimentation des antennes pharmaceutiques.

Les nouvelles missions confiées aux pharmaciens, dont le dépistage du cancer colorectal, démontrent leur importance croissante. Je suis favorable à cette proposition de loi résultant des travaux de votre commission. Le Gouvernement continuera à valoriser le rôle essentiel des pharmaciens d'officine, en particulier en zone rurale. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

La séance est suspendue à 13 h 10.

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

La séance reprend à 14 h 45.

Mme Solanges Nadille .  - L'enjeu de ce texte est essentiel : l'accès aux soins de proximité sur l'ensemble du territoire.

Nous ne sommes pas encore habitués à parler de désert pharmaceutique. Pourtant, les officines disparaissent, au point de passer sous le seuil de 20 000 pharmacies en France en 2023.

L'âge moyen du pharmacien d'officine est de 45,7 ans. Chaque mois, 25 officines ferment, et nous en avons perdu 4 000 depuis 2007. Cette évolution est préoccupante dans les petites communes sans médecin généraliste.

Certaines communes rurales sont sans pharmacie. Si notre maillage demeure envié, avec une distance moyenne de l'officine la plus proche de 3,8 km, il faut anticiper la dynamique.

Ces dernières années, de nouvelles missions ont été confiées aux pharmaciens, les tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) notamment. Les pharmaciens deviennent un interlocuteur privilégié, particulièrement en outre-mer, où ils ont aussi une fonction sociale.

Deux dispositifs législatifs - antennes d'officines et territoires fragiles - sont inappliqués actuellement.

La loi Accélération et simplification de l'action publique (Asap) de décembre 2020 n'a obtenu que peu de résultats, mais la loi Accès aux soins de décembre 2023 devrait lever des difficultés juridiques.

Plus de six ans après l'ordonnance, le décret d'application des territoires fragiles n'a toujours pas été pris.

Certes, on ne peut plus attendre, mais le RDPI n'est pas favorable à une ouverture trop large des critères d'ouverture des officines. Nous nous félicitons cependant du compromis obtenu en commission.

En politique comme en pharmacie, il faut toujours agiter la solution avant de s'en servir.... (On apprécie sur plusieurs travées.)

Monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour publier enfin ce décret ! (Mme Guylène Pantel et M. Laurent Burgoa applaudissent.)

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les pharmaciens de proximité sont des acteurs de santé essentiels, chacun l'a constaté lors de la pandémie de 2019-2020. Pourtant, le nombre d'officines diminue depuis dix ans. Des inégalités territoriales s'aggravent et l'accès aux pharmacies en zone rurale se réduit.

On déplore que deux dispositifs législatifs demeurent à ce jour inappliqués. La loi Asap a ainsi autorisé à titre expérimental la création d'une antenne d'officine quand l'accès de la population aux médicaments est compromis. Mais aucune n'a été créée à ce jour. Espérons que la récente loi de décembre 2023 puisse résoudre les difficultés juridiques.

Plus grave est le cas de l'ordonnance de janvier 2018 assouplissant les ouvertures dans les territoires fragiles. Elle comprend deux conditions démographiques : qu'une commune compte au moins 2 000 habitants et que l'ensemble des communes rassemble au moins 2 500 habitants. Mais, six ans plus tard, le décret n'est pas publié, et les petites communes en pâtissent. Dans mon département du Calvados, j'échangeais avec le maire d'une commune dynamique de 2 200 habitants qui veut créer un nouveau centre-bourg entre les deux communes originelles. Les professionnels sont prêts à s'installer, mais : rien ! Pourtant, les maisons de santé pluridisciplinaires et les Ehpad situés dans des communes de moins de 2 000 habitants et bénéficiant à tout un bassin de vie justifient la présence d'une pharmacie.

C'est d'autant plus grave que de nouvelles missions ont été confiées aux pharmaciens ces dernières années. Selon les dernières annonces du Gouvernement, les pharmaciens pourront prescrire aussi des médicaments dans certains cas précis.

Cette proposition de loi simplifie les conditions d'ouverture des officines, mais la profession craint une déstabilisation et des effets d'éviction. Nous attendons que le Gouvernement prenne avant octobre prochain le décret que nous attendons. Avec ce texte, le dispositif deviendra d'application directe si aucun décret n'est publié en octobre. Alors, les directeurs des ARS identifieront les territoires fragiles.

Afin de résoudre une situation préjudiciable à de nombreux Français, le groupe SER votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST ; MmeSolanges Nadille et Jocelyne Guidez applaudissent également.)

Mme Corinne Imbert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie la rapporteure de ce travail de qualité. Quoi de plus beau que d'exercer le métier de pharmacien en milieu rural ? Bien sûr, ce n'est pas toujours un long fleuve tranquille, avec les difficultés de recrutement, la pénurie de médicaments et les incivilités.

Alors pourquoi parler de ce texte, monsieur le ministre ? Parce que le décret sur les territoires fragiles est attendu depuis six ans ! Je sais que vous n'êtes pas responsable de sa non-publication, mais je compte sur vous. Une forte attente des élus existe en matière d'assouplissement du fameux seuil d'habitants pour ouvrir une officine - selon l'ordonnance de janvier 2018.

Cela ne doit pas se faire au prix d'une remise en cause des piliers fondamentaux de l'organisation des officines. Il ne faut pas fragiliser le réseau qui permet l'accès aux soins, ni trop concentrer les officines. Il ne faut pas, non plus, affaiblir ces entreprises par des économies dans le PLFSS, ni libéraliser la vente en ligne des médicaments - idée qui semble trotter dans la tête du Premier ministre...

En milieu rural, il est souvent difficile d'avoir un rendez-vous avec un généraliste. La croix verte est alors un signal rassurant.

Mais il y a une désertification. Ainsi, 37 % des 248 pharmacies ayant fermé en 2023 étaient dans une commune de moins de 2 000 habitants.

Tout d'abord, il faut des équipes complètes bien formées, pour accompagner les patients et faire de la prévention. Il faut comprendre l'apparente désaffection des études de pharmacies : cela fait deux ans qu'il y a des places disponibles en deuxième année, du jamais vu !

Mais un espoir existe, avec, tout d'abord, l'expérimentation sur les antennes de pharmacie, dont j'espère un début rapide. Ensuite, le pouvoir dérogatoire des directeurs d'ARS, dérogation qui a déjà existé entre 1985 et 1999 - mais en faire une voie normale risque de provoquer des inégalités dans le traitement des dossiers.

La parution du décret sur les territoires fragiles et la généralisation des antennes pourraient donc répondre aux préoccupations de l'auteur de cette proposition de loi et aux élus locaux.

Lorsqu'il exerce en milieu rural, le pharmacien est souvent le seul diplômé, seul avec des préparateurs, ce qui est exigeant - il ne peut fermer son officine sans se faire remplacer. Cela doit susciter une vocation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MmeSolanges Nadille et Guylène Pantel applaudissent également.)

M. Aymeric Durox .  - Le sujet de ce jour reflète le déclassement de notre pays. En 2023, un record, plus d'un pharmacien a été agressé chaque jour - chiffre en hausse de 30 %. Il y a quinze ans, la France avait la plus importante densité de pharmacies, mais nous en avons perdu 2 000 depuis 2012, alors que notre population a augmenté de 4 %, et que les plus de 65 ans représentent 20 % de nos concitoyens. En dix ans, nous avons perdu quatre officines pour 100 000 habitants.

Les territoires les moins bien dotés voient leur accès à une pharmacie encore réduit. J'ai déjà alerté les services sur le cas de la Seine-et-Marne, département que vous connaissez bien, monsieur le ministre, mais je n'ai eu aucune réponse.

L'État n'applique ni la loi Asap - qui prévoit les antennes d'officine - ni l'ordonnance de janvier 2018 sur les territoires fragiles, privée de décret d'application.

Lorsqu'on agit ainsi avec la santé des Français, ce n'est plus un dysfonctionnement, mais du mépris. Il est urgent de s'en préoccuper, mais aussi de créer un CHU dans le nord de la Seine-et-Marne - question elle aussi sans réponse.

Cette proposition de loi va dans le bon sens, alors que nos compatriotes sont victimes des erreurs d'hier.

Mme Corinne Bourcier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Jocelyne Guidez applaudit également.) Les pharmaciens ne sont pas que ceux qui dispensent les médicaments, mais aussi qui conseillent, informent, qui ont la mémoire des traitements de leurs patients et corrigent des erreurs ; ils sont accessibles sans rendez-vous.

Ils sont aussi, désormais, ceux qui dépistent ou vaccinent, toujours avec un lien humain et de confiance - plus encore dans certaines communes rurales, où l'on a du mal à trouver un médecin. Longtemps durant, la densité des officines -  à la création, au regroupement et aux transferts régulés  - a couvert le territoire. Mais depuis dix ans, leur nombre diminue de manière croissante.

En effet, les difficultés économiques, de recrutement ou d'approvisionnement demeurent - je rappelle la mission d'information lancée par notre groupe en 2018 sur la pénurie de médicaments. Les étudiants s'orientent plutôt vers l'hôpital et la pharmacie industrielle - 1 000 places non pourvues en études de pharmacie en 2022, même si la situation s'est améliorée en 2023. D'où les 25 fermetures par mois et un maillage fragilisé.

Pourtant, des solutions ont été promulguées avec la loi Asap de 2020 - mais il aura fallu attendre la loi de décembre 2023 pour que les difficultés techniques et juridiques pour l'expérimentation des antennes d'officines soient levées.

Plus tardif encore : l'ordonnance de 2018 sur les territoires fragiles n'a jamais fait l'objet d'un décret d'application ; cette proposition de loi en prévoit la publication d'ici à octobre.

Il nous faut aller vite pour apporter des solutions aux territoires déjà fragilisés.

Si les missions élargies des officines sont pertinentes face au manque de médecins, elles seraient inopérantes faute d'officines. Le groupe INDEP votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDSE ; Mme Solanges Nadille et M. Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Solanges Nadille et M. Daniel Chasseing applaudissent également.) Je remercie l'auteure et la rapporteure de ce texte. L'égalité d'accès aux soins est un enjeu de santé publique, mais aussi d'attractivité des petites communes. L'épidémie de covid-19 montre l'importance du maillage. Pourtant, 25 pharmacies ferment chaque mois - 4 000 perdues depuis 2007 - touchant des communes ayant souvent perdu leur médecin généraliste.

En juillet 2019, j'avais averti le Gouvernement sur les seuils démographiques en déposant des amendements à la proposition de loi Organisation du système de santé.

Le droit actuel fait obstacle aux installations, malgré les besoins. Dans l'Essonne, comme à Saint-Chéron, le seuil légal empêche l'installation de pharmacies pourtant nécessaires, la tranche de 4 500 habitants étant trop contraignante - comme le critère des deux ans d'installation.

Certains pharmaciens rachètent des pharmacies concurrentes pour faire cesser leur activité. Face à une population en hausse, des élus sont désemparés.

Il faut aussi prendre en compte les maladies chroniques et le risque d'aggravation des tensions liées au doublement de la part des pharmaciens de plus de 60 ans depuis dix ans. Le manque d'attractivité des études est par ailleurs paradoxal, vu la multiplication des missions.

Faute de repreneur, des usagers, du jour au lendemain, doivent effectuer des déplacements de plus d'une demi-heure.

Les dispositifs sur les territoires fragiles et les antennes d'officine demeurent inappliqués, du fait respectivement de la non-publication du décret et de difficultés juridiques, heureusement levées par la loi de 2023, qui facilitera des ouvertures dans les territoires les plus sinistrés, notamment dans la vallée de la Roya ou le village de Cozzano.

Mais assouplir les règles d'installation ne résoudra ni les difficultés de recrutement ni la pénurie de médicaments.

L'amendement de la rapporteure, de bon sens, apaisera la profession en recentrant le dispositif sur sa cible prioritaire. Il contraint le Gouvernement à publier le décret sur les territoires fragiles d'ici à octobre, faute de quoi, à cette date, les directeurs généraux des ARS devront identifier ces territoires. L'ouverture d'une officine serait alors permise dans une commune de moins de 2 500 habitants sous certaines conditions. Des aides spécifiques peuvent leur être accordées par les ARS.

Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ainsi que sur les travées du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Guillaume Gontard .  - Je remercie le RDSE et la rapporteure.

En dix ans, nous avons perdu 1 800 pharmaciens. Certes, il en reste 20 000, mais la tendance se poursuit. La chute des effectifs en faculté est préoccupante, avec 27 % de places vacantes - soit 1 100 places -, alors que l'âge des pharmaciens va croissant et que les besoins sont en hausse : la population vieillit tandis que les missions confiées aux pharmaciens, des tests médicaux à la télémédecine, augmentent.

Face aux déserts médicaux, ceux-ci sont de plus en plus sollicités. Il faut donc lutter contre les déserts pharmaceutiques. Avec la multiplication de leurs missions, ils se regroupent dans des officines importantes, qui se concentrent souvent dans les grandes communes.

En Auvergne-Rhône-Alpes, sur les 53 pharmacies qui sont déjà seules dans un rayon de quinze minutes, la moitié pourrait fermer prochainement. Comment rendre les communes rurales attractives dans ces conditions ?

Ce texte est une première réponse à la désertification pharmaceutique. Cependant, de manière incompréhensible, la commission a supprimé la nécessité de la présence d'une commune d'au moins 2 000 habitants dans la zone concernée. Nous regrettons cette manoeuvre qui limite la portée du texte. Cette mesure s'appliquera toutefois dès octobre ; nous le saluons.

La proposition de loi répond aussi à la problématique des propharmacies, ces officines tenues par des médecins dans des zones rurales, qui pallient un manque de services ; cela peut toutefois présenter un risque de conflits d'intérêts.

Ce texte est positif pour nos concitoyens ruraux, qui ont droit à des services de proximité. Ce débat illustre d'ailleurs la nécessité de réglementer l'installation des professionnels de santé. L'encadrement légal de la répartition territoriale des pharmaciens évite la formation des déserts médicaux. J'invite chacun à reconsidérer sa position pour que tous les Français aient un médecin près de chez eux.

Après la pénurie de médecins et de pharmaciens, il est urgent de nous pencher sur celle des médicaments. Nous ne pouvons plus nous contenter de distribuer des subventions aux groupes pharmaceutiques en espérant qu'ils relocalisent leurs usines. C'est pourquoi nous soutenons le pôle public du médicament proposé par le groupe CRCE-K, ainsi que cette proposition de loi, que nous voterons. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Jocelyne Antoine applaudit également.)

Mme Céline Brulin .  - La rapporteure a raison de rappeler que la régulation a permis un maillage performant des pharmaciens.

Dans un contexte de désertification médicale, la présence d'une pharmacie est indispensable aux citoyens qui veulent accéder aux soins.

Mais, alors que les pharmaciens accomplissent toujours plus d'actes médicaux, le nombre d'officines diminue. Résultat : le temps de trajet pour s'y rendre s'allonge et les inégalités s'accroissent.

Les explications sont multiples, dont la conciliation entre vie professionnelle et personnelle pour les nouvelles générations - on ne souhaite plus travailler seul et 70 heures par semaine. Quatre grands groupes privés ont ainsi bien compris l'intérêt de les accompagner, regroupant des officines et accélérant la financiarisation de notre système de santé.

Certains rachètent des pharmacies pour les fermer ensuite. Il s'agit parfois de viabilité économique, mais aussi, souvent, de recherche d'une profitabilité maximale.

Plus de 1 000 places étaient vacantes l'an passé dans les filières de formation, et 500 cette année, ce qui accélérera la désertification pharmaceutique. La réforme des études de santé et Parcoursup sont en cause : il faut se pencher sur la visibilité de la filière, monsieur le ministre.

Actuellement, les communes de moins de 2 500 habitants ne peuvent voir s'ouvrir une officine sans se regrouper avec une autre commune comptant au moins 2 000 habitants. Plutôt que de modifier ce critère, la commission des affaires sociales a préféré activer le dispositif territoires fragiles, aux décrets attendus depuis six ans - pourquoi pas une « taxe lapin » pour de tels décrets non honorés, monsieur le ministre ? (Sourires)

Nous souscrivons aux amendements visant à rétablir la version initiale du texte.

Face à la pénurie de médicaments, soutenons les officines plutôt que de déréglementer la vente en ligne, comme l'a annoncé le Premier ministre dans son discours de politique générale.

Convaincus du rôle central des pharmacies, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur les travées du GEST, du RDSE et du RDPI)

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI) Je salue l'initiative de Maryse Carrère, présidente de notre groupe, et le travail de Guylène Pantel.

La désertification médicale est connue : toutes les collectivités s'emparent du sujet. Pendant ce temps, insidieusement, les officines pharmaceutiques ont aussi des difficultés à se maintenir, et pas uniquement dans les territoires ruraux - Corinne Imbert l'a rappelé.

À rebours de la coercition, le grand défi est celui de l'attractivité des métiers de la santé et de la pharmacie. Il faut aller plus vite et plus loin pour en donner l'envie aux jeunes, mais en matière d'officine, comme ailleurs, leurs aspirations ont changé.

Avec la crise covid, on observe ainsi un regain d'intérêt pour le métier de pharmacien d'officine, ses tâches s'étant multipliées, notamment dans le domaine de la prévention, voire de la prescription. La profession dénonce toutefois leur valorisation insuffisante.

Il faut donc agir sur l'envie de s'installer. S'il y a moins de primo inscrits, notons aussi les 1 027 places perdues au cours du cursus.

Une évaluation de la Cour des comptes de la réforme d'entrée dans les études de santé est en cours, mais d'application variable selon les universités. S'ajoutent des lacunes scientifiques et un manque d'information sur les métiers, dont les contours demeurent flous pour ceux qui s'y destinent.

Ainsi, l'option santé dans les lycées, prévue par l'article 24 de la loi Valletoux, monsieur le ministre, serait un merveilleux outil - pourquoi ne pas vous rapprocher de votre homologue de l'éducation nationale ?

Même s'il reste encore beaucoup de travail, tout n'est pas noir. Au-delà de cette excellente proposition de loi, je suis persuadée que les défis de la formation et de l'attractivité sont essentiels. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP)

M. Laurent Burgoa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi révèle un grand mal français : les textes inappliqués. Le dispositif sur les territoires fragiles assouplit les conditions d'ouverture dans les zones les moins bien dotées, mais six ans après la publication de l'ordonnance, le Gouvernement n'a toujours pas publié le décret nécessaire.

Nous nous réjouissons de l'adoption d'une nouvelle loi ou d'une ordonnance, mais sans décret, ce sont des coquilles vides, de vulgaires opérations de communication.

Avec ces textes inappliqués, les élus se découragent. Résultat : une défiance à l'égard du politique. Il faut en tenir compte pour lutter contre l'abstention et contre ceux qui instrumentalisent cette colère à des fins bassement électoralistes.

Le Parlement peut être tenté de se substituer à l'exécutif, mais le risque est de complexifier notre droit. Pour lutter contre ces textes inappliqués, car inapplicables, nous devons réinvestir notre fonction de contrôle.

La commission des affaires sociales a adopté un texte réécrit sur la proposition de la rapporteure, dont je salue le travail.

Désormais, le texte contraint le Gouvernement à publier le décret avant octobre, sans quoi les directeurs d'ARS détermineront les territoires fragiles sur la base des seuls critères légaux.

La France a perdu plus de 1 800 pharmacies entre 2012 et 2022 alors qu'elle gagnait 3,7 % d'habitants : le Gouvernement doit prendre ses responsabilités pour remédier à la situation. Veillons à maintenir l'accès à une pharmacie dans les communes rurales -  je pense bien sûr à mes Cévennes gardoises.

Nous voterons ce texte ainsi modifié. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du RDSE)

Discussion de l'article unique

Avant l'article unique

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié quinquies, présenté par MM. C. Vial, Pellevat, Houpert, Savin, J.B. Blanc, H. Leroy, Brisson, Panunzi, Perrin, Rietmann, Lefèvre et Allizard, Mmes Bellurot, Demas et Di Folco, MM. Bas et Reynaud, Mmes Lopez, Noël et L. Darcos, MM. Sautarel et J.P. Vogel, Mmes Ventalon et Joseph, MM. Courtial et Darnaud, Mmes Goy-Chavent et Borchio Fontimp, M. P. Martin, Mme Dumont, MM. Paul et Tabarot, Mme Micouleau, M. Bruyen, Mme Pluchet, MM. Rojouan, Meignen, Chaize et Paccaud, Mme Malet et MM. Wattebled, Genet et Cuypers.

Avant l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre V du titre II du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article L. 5125-3, la référence : « L. 5125-6-1 » est remplacée par la référence : « L. 5125-4 » ;

2° Le I de l'article L. 5125-4 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « ou dans les communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1 du présent code » sont supprimés ;

b) À la fin du deuxième alinéa, les mots : « , dans la commune nouvelle ou dans les communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1 » sont remplacés par les mots : « ou dans la commune nouvelle » ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L'ouverture d'une officine par voie de transfert ou de regroupement peut être autorisée dans une commune de moins de 2 500 habitants si elle se trouve dans une zone géographique constituée d'un ensemble de communes contiguës dépourvues d'officine dont le nombre d'habitants est conforme au seuil prévu au premier alinéa du présent I. » ;

3° L'article L. 5125-6-1 est abrogé ;

4° À l'avant-dernier alinéa de l'article L. 5125-18, les mots : « les organisations professionnelles mentionnées à l'article L. 5125-6-1 » sont remplacés par les mots : « le conseil de l'ordre des pharmaciens territorialement compétent et le représentant régional désigné par chaque syndicat représentatif de la profession au sens de l'article L. 162-33 du code de la sécurité sociale » ;

5° Au deuxième alinéa de l'article L. 5125-20, les mots : « ou de communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1 » sont supprimés.

M. Cédric Vial.  - Cet amendement transforme ce texte en vrai texte de loi. Sans cela, celui-ci ne fait qu'imposer au Gouvernement la publication d'un décret -  or l'exécutif aurait dû le faire depuis six ans, après l'avoir promis trimestre après trimestre.

Cet amendement reprend la proposition du RDSE qui reprenait elle-même une proposition de loi que j'avais déposée en 2022. Celle-ci visait à assouplir -  et non à libéraliser  - l'ouverture de pharmacies en zone rurale. Le critère de 2 500 habitants est injuste, car c'est le bassin de vie qui compte, non la population municipale.

Monsieur le ministre, 29 000 communes ont moins de 2 000 habitants, quand le décret attendu réglera le problème pour un millier de communes seulement -  celles entre 2 000 et 2 500 habitants. Pour toutes les 29 000 autres, nous demandons un peu de souplesse.

Mme Guylène Pantel, rapporteure.  - Avis défavorable. La commission a substitué au texte initial de nouvelles dispositions contraignant le Gouvernement à appliquer le dispositif sur les territoires fragiles ou, à défaut, permettant son application directe à compter du 1er octobre prochain, pour répondre aux inquiétudes de la profession. Le dispositif sur les territoires fragiles apportera une première réponse.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - - Votre amendement étend le dispositif sur les territoires fragiles à tout le territoire. Avis défavorable, car on sort du ciblage.

M. Henri Cabanel.  - Je remercie Cédric Vial ; son amendement va dans le sens de l'auteur du texte.

Nous ne dérogeons pas tout à fait à la règle. Nous supprimons juste la référence à la commune centre de 2 000 habitants, mais la population du bassin de vie reste à 2 500 habitants. Le RDSE votera cet amendement.

M. Guillaume Gontard.  - Nous voterons cet amendement qui va dans le bon sens.

Il faut mieux cibler, dites-vous, monsieur le ministre ? Mais c'est ce que nous faisons : nous ciblons les territoires sans commune de plus de 2 000 habitants. C'est le cas dans ma communauté de communes, qui compte 10 000 habitants, mais la commune la plus grande n'en compte que 1 300. Or ces territoires ont aussi besoin d'une pharmacie !

Mme Pascale Gruny.  - Pas moins de 30 000 communes comptent moins de 2 000 habitants. Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de pharmacies dans ces zones ! Certaines ont des officines depuis longtemps, mais celles-ci rencontrent des difficultés, parfois depuis longtemps.

On manque de pharmaciens. Mais inutile de déshabiller Paul pour habiller Pierre, cela ne servirait pas à grand-chose.

En outre, les banques sont très frileuses ; aussi vous ouvrez la porte à d'autres financements et à la financiarisation de la santé. Je ne voterai pas cet amendement.

Mme Corinne Imbert.  - Il ne faut pas se mentir : 18 % des officines sont installées en milieu rural, taux stable. L'accès aux médicaments est-il plus difficile ? Il ne faut pas annoncer des délais de déplacements qui ne reflètent pas la réalité.

L'autre réalité, c'est l'attractivité du métier. Certes, il y a des pharmacies dans des communes de moins de 2 000 habitants, mais ce sont elles qui ferment les premières, par volonté du titulaire ou parce qu'il n'y a pas de repreneur - même pour une vente à un euro...

Attention à ne pas faire de démagogie ! La réalité est plus complexe.

J'ai parlé tout à l'heure des conditions d'exercice de ce fabuleux métier. Les pharmaciens sont des professionnels de santé.

Mais ne mentons pas aux gens sur ce qu'il est possible de faire. (M. Laurent Burgoa applaudit.)

Mme Marianne Margaté.  - Nous voterons cet amendement qui tient compte de la réalité des territoires et des bassins de vie.

Dans notre département de Seine-et-Marne, monsieur le ministre, la commune de Jossigny, 650 habitants, comprend un grand centre hospitalier, ce qui justifie une pharmacie. Dans un autre cas, celui de la commune de Saint-Cyr-sur-Morin, il faut prendre en compte le bassin de vie, ce que permet cet amendement.

Mme Corinne Féret.  - Le groupe SER votera cet amendement qui réintègre dans cette proposition de loi l'assouplissement des règles d'installation des pharmacies en milieu rural. De nombreux élus vivent quotidiennement ces problèmes.

J'évoquais tout à l'heure le maire d'une petite commune nouvelle qui se donne beaucoup de mal pour développer sa ville. Ses efforts pourraient être réduits à néant si la pharmacie ne pouvait s'installer.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°5 rectifié quinquies est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°180 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 211
Contre 124

L'amendement n°5 rectifié quinquies est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Mes chers collègues, je vous invite à la plus grande concision si vous souhaitez que l'examen de ce texte puisse être achevé dans les vingt minutes restantes.

Amendement n°6 rectifié quater, présenté par M. C. Vial, Mme Garnier, MM. Pellevat, Sol, Houpert, Savin, J.B. Blanc, H. Leroy, Brisson, Panunzi, Perrin, Rietmann, Lefèvre et Allizard, Mmes Bellurot, Demas et Di Folco, MM. Bas et Reynaud, Mmes Lopez, Noël et L. Darcos, MM. Sautarel et J.P. Vogel, Mmes Ventalon et Joseph, MM. Courtial et Darnaud, Mme Goy-Chavent, M. Michallet, Mme Borchio Fontimp, M. P. Martin, Mme Dumont, MM. Paul et Tabarot, Mme Micouleau, MM. Klinger et Bruyen, Mme Pluchet, MM. Rojouan, Meignen, Chaize et Paccaud, Mmes Malet et de La Provôté et MM. Wattebled, Genet, Chasseing et Cuypers.

Avant l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 5125-4 du code de la santé publique est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« ....  -  Par dérogation aux I à III du présent article et sans préjudice des dispositions de la section 3 du présent chapitre, le directeur général de l'agence régionale de santé peut autoriser l'ouverture d'une officine supplémentaire dans une commune dont le nombre d'habitants est inférieur à 2500 lorsque l'accès au médicament pour la population n'est pas assuré de manière satisfaisante. »

M. Cédric Vial.  - Je remercie nos collègues pour le vote qui vient d'intervenir.

Un système dérogatoire a existé jusqu'en 1999. Nous proposons un droit à la dérogation, ce qui est différent. C'était le système en vigueur de 1999 à 2008.

Je pense à une commune de Loire-Atlantique qui compte 2 487 habitants, mais en aura 2 700 selon le recensement. Nous devons pouvoir traiter ce type de situations. Je pense aussi aux communes de montagne, dont la population est parfois multipliée par quinze en hiver.

Ménageons de la souplesse, avec ce droit à la dérogation aux mains des directeurs généraux d'ARS ; c'est une question de bon sens.

Mme Guylène Pantel, rapporteure.  - Lorsqu'elles ont existé, ces dérogations ont conduit à l'ouverture d'officines peu rentables. Cette disposition serait dangereuse pour le réseau. Avis défavorable.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Avis défavorable.

M. Laurent Burgoa.  - Nous sommes nombreux à demander moins d'État. Cet amendement propose plus d'État. Je resterai cohérent et voterai contre. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.)

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°6 rectifié quater est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°181 :

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 317
Pour l'adoption 158
Contre 159

L'amendement n°6 rectifié quater n'est pas adopté.

Article unique

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Folliot, Menonville et Courtial, Mme Devésa, MM. Cambier, J.M. Arnaud et Chauvet, Mme Tetuanui, MM. Duffourg, Hingray et L. Hervé, Mme Romagny, M. Canévet, Mme Saint-Pé et M. Pillefer.

Avant l'alinéa 1er

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  L'article L. 4211-3 du code de la sante? publique est ainsi modifie? :

1° Au premier aline?a, les mots : « selon une liste e?tablie par le ministre charge? de la sante?, apre?s avis du Conseil national de l'ordre des me?decins et du Conseil national de l'ordre des pharmaciens » sont remplace?s par les mots : « ne?cessaires a? leurs soins » ;

2° Apre?s le premier aline?a, sont inse?re?s deux aline?as ainsi re?dige?s :

« Les me?decins be?ne?ficiant de cette autorisation sont autorise?s a? avoir chez eux un de?po?t de me?dicaments et a? de?livrer les me?dicaments inscrits sur les prescriptions me?dicales de tous les professionnels me?dicaux exerc?ant leur activite? au sein d'une maison de sante? au sens de l'article L. 6323-3 du pre?sent code.

« Ils sont autorise?s a? de?livrer aux patients dont ils sont le me?decin traitant les me?dicaments remboursables auxquels s'applique l'article L. 5121-8, qui be?ne?ficient d'une autorisation d'importation paralle?le ou qui font l'objet d'une distribution paralle?le a? condition que lesdits me?dicaments aient e?te? prescrits par des me?decins spe?cialistes. » ;

3° Au deuxie?me aline?a, apre?s la premie?re occurrence du mot : « me?decin », sont inse?re?s les mots : « ou l'infirmier pratiquant des soins a? domicile pour ses patients de?pendants » ;

4° Apre?s le quatrie?me aline?a, il est inse?re? un aline?a ainsi re?dige? :

« Les me?decins be?ne?ficiant de cette autorisation sont inscrits sur les listes des pharmacies e?tablies par les agences re?gionales de sante?. » ;

5° À l'avant-dernier aline?a, le mot : « me?decins » est remplace? par les mots : « professionnels de sante? » ;

6° Le dernier aline?a est comple?te? par les mots : « , ou bien par les me?decins et spe?cialistes qui exercent avec eux dans le cadre d'une maison de sante? » ;

7° Il est ajoute? un aline?a ainsi re?dige? :

« L'assure? acquitte une participation forfaitaire, en sus de la franchise laisse?e a? la charge de l'assure? en application du III de l'article L. 160-13 du code de la se?curite? sociale, lorsque le me?decin lui de?livre des me?dicaments remboursables en application des dispositions du pre?sent article. Son montant est fixe?, dans des limites et conditions pre?vues par un de?cret en Conseil d'E?tat, par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. »

M. Philippe Folliot.  - Allier, Hautes-Alpes, Ardèche, Ardennes, Côte-d'Or, Drôme, Eure-et-Loir, Indre-et-Loire, Pas-de-Calais, Tarn : ce sont quelques-uns des départements dotés d'un ou plusieurs médecins propharmaciens, dans une logique d'accès aux soins.

Loin d'être une survivance du passé, les médecins propharmaciens permettent à nos concitoyens d'accéder aux médicaments dans de bonnes conditions. Les faits montrent qu'ils ne prescrivent pas plus que les médecins et dispensent davantage de génériques.

Cet amendement vise à leur permettre de délivrer un plus large panel de produits - je pense notamment aux vaccins.

Mme Guylène Pantel, rapporteure.  - Je comprends l'importance des médecins propharmaciens dans certains départements - la Lozère en est un. Mais cet amendement supprime des garanties indispensables à la sécurité sanitaire. Avis défavorable.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Avis défavorable. Les médecins propharmaciens délivrent les médicaments qu'ils prescrivent, mais non ceux prescrits par d'autres.

M. Philippe Folliot.  - J'avoue ne pas comprendre vos positions. Pour une bronchiolite, par exemple, un médecin propharmacien ne peut délivrer les médicaments nécessaires ! Cette demande est légitime.

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°7 rectifié bis est retiré.

L'article unique est adopté.

Après l'article unique

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et Pantel, MM. Bilhac, Cabanel et Daubet, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve et MM. Laouedj, Masset, Roux et Menonville.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa de l'article L. 5125-16, après la première occurrence du mot : « santé », sont insérés les mots : « afin de ne pas compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente ou » ;

2° Le deuxième alinéa de l'article L. 5125-22 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sur demande du titulaire de l'officine, ce délai peut être renouvelé une fois par décision du directeur général de l'agence régionale de santé. »

Mme Maryse Carrère.  - Défendu.

L'amendement n°4 rectifié bis, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Médevielle, Grand, Chevalier et Rochette, Mme L. Darcos, MM. L. Vogel et A. Marc, Mme Paoli-Gagin, MM. Malhuret, Capus et Brault, Mmes Bourcier et Lermytte, MM. Wattebled et V. Louault, Mme Vermeillet, MM. H. Leroy, Menonville, Haye, Chatillon et J.P. Vogel, Mme Aeschlimann, MM. Lefèvre et Lemoyne, Mme Demas, MM. Nougein, Longeot et Lévrier, Mme Jacquemet, MM. Favreau, Milon, Laménie et Reynaud et Mme Romagny.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase du n du 2° du II de l'article L. 162-31-1 du code la sécurité sociale, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Dans le cas où aucune antenne n'est créée dans les conditions prévues précédemment, l'autorisation peut être élargie à un pharmacien titulaire d'une officine d'une commune non limitrophe ou plus éloignée. »

M. Daniel Chasseing.  - Je félicite le RDSE pour les deux propositions de loi pragmatiques examinées aujourd'hui.

Dans les territoires ruraux, les pharmaciens sont très importants ; ils sont souvent les seuls professionnels ouverts le samedi. La perte d'une pharmacie dans une commune rurale dégrade l'attractivité de celle-ci.

Nous proposons l'ouverture d'une antenne par un pharmacien d'une commune non limitrophe.

Mme Guylène Pantel, rapporteure.  - Je comprends l'intention, mais l'expérimentation des antennes n'ayant pas encore eu lieu, il serait prématuré d'en assouplir les conditions. Avis défavorable.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Même avis. L'expérimentation va démarrer à l'été : ne modifions pas le droit pour le moment.

L'amendement n°1 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements sur de nombreuses travées)

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales.  - Je suis déçu de voir le texte ainsi modifié. En voulant bien faire, vous risquez d'obtenir le contraire de ce que vous souhaitez. Vous aviez obtenu l'accord du Gouvernement pour publier le décret prévu...

M. Cédric Vial.  - Il y a six ans !

M. Philippe Mouiller, président de la commission.  - De nombreuses pharmacies rurales ont déjà du mal à s'équilibrer. Je crains que ce texte ne prospère pas au-delà de nos murs.

Prochaine séance, mardi 30 avril 2024, à 14 heures.

La séance est levée à 16 heures.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 30 avril 2024

Séance publique

À 14 heures et à 17 h 15

Présidence :

M. Loïc Hervé, vice-président, M. Gérard Larcher, président.

Secrétaires :

M. François Bonhomme, Mme Nicole Bonnefoy

1. Débat sur le programme de stabilité et l'orientation des finances publiques (demande de la commission des finances)

2. Débat sur le thème : « Planification écologique et COP régionales : quelle efficacité ? » (demande du groupe Les Républicains)

3. Examen d'une proposition de création d'une commission spéciale en vue de l'examen du projet de loi de simplification, sous réserve de son dépôt

4. Sous réserve de la décision de sa création, désignation des trente-sept membres de la commission spéciale sur le projet de loi de simplification, sous réserve de son dépôt

5. Questions d'actualité