Continuité du service public de transports et droit de grève
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l'exercice du droit de grève, présentée par M. Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe UC.
Discussion générale
M. Hervé Marseille, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Marc applaudit également.) Depuis 1947, pas une année sans grève nationale à la SNCF : depuis soixante-dix ans, les années sans grève sont encore plus rares que celles sans déficit budgétaire. (Rires au centre et à droite) L'an dernier, 2,3 millions de kilomètres de trajets n'ont pas été effectués pour cause de grève ; en 2022, 125 608 journées de travail ont été perdues - soit un jour par agent.
Trop, c'est trop : nos concitoyens n'en peuvent plus. Ils sont des millions à s'entasser dans des rames bondées ou à renoncer à travailler ou à prendre des vacances. La défense corporatiste des intérêts des uns se fait au détriment de la liberté des autres. L'intérêt particulier prime l'intérêt général.
Face à cela, le pouvoir politique reste les bras ballants : « nous comprenons l'exaspération », mais « le dialogue social est grippé », « cela passera ».
Au contraire, nous pouvons et devons agir. Le droit de grève n'est pas un totem d'immunité. Nous proposons donc une conciliation entre le droit de grève, droit fondamental, mais pas absolu, et d'autres droits et libertés.
L'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946 est le socle du droit de grève, qui s'exerce dans le cadre des lois - dès le début, il revenait au législateur d'en déterminer le périmètre. Les policiers, les militaires et les magistrats n'ont pas le droit de grève. Depuis plus de trente ans, le Conseil constitutionnel a consacré la constitutionnalité de l'interdiction du droit de grève.
Certes, le droit de grève est fondamental, mais pas plus que la liberté de circuler, le droit au travail, le droit à la famille ou aux loisirs, entre autres.
Le déplacement est un besoin d'intérêt général, ce qui justifie un taux de TVA réduit pour les transports. On ne peut considérer que le transport est un besoin vital sur le plan fiscal, et ne pas en tirer les conséquences en droit social.
Le législateur doit apprécier la situation actuelle, à l'évidence déséquilibrée : une poignée d'individus peut paralyser tout un pays pour des intérêts catégoriels.
Nous devons éviter aussi de porter au droit de grève une atteinte disproportionnée. Ce texte ne prévoit de suspendre le droit de grève que pour les agents dont le travail est indispensable au bon fonctionnement du service, dans la continuité de la loi de 2007 qui instituait le service minimum. Cette suspension est encadrée. Le texte que j'avais déposé sur le bureau du Sénat était déjà équilibré (Mme Raymonde Poncet Monge ironise) ; il l'est encore plus après son passage en commission de l'aménagement du territoire. Difficile de le suspecter d'être liberticide ! Je remercie le rapporteur, Philippe Tabarot, et l'ensemble de la commission.
La période maximale de suspension du droit de grève a été réduite de 15 jours à 7 jours de période continue et de 60 à 30 jours en durée annuelle cumulée.
Le transport aérien, suffisamment encadré par la loi Diard et par la loi Capo-Canellas sur les aiguilleurs du ciel, a été sorti du dispositif, ce qui témoigne de notre recherche d'équilibre.
La commission a été jusqu'à préciser dans la loi les plages horaires et les jours pendant lesquels la suspension pouvait avoir lieu : vacances scolaires, jours d'élections, événements majeurs...
Les périodes de suspension seront fixées par décret en Conseil d'État après négociation avec les partenaires sociaux. La grève est l'ultime recours en cas d'échec du dialogue.
Enfin, la commission a ajouté six articles additionnels permettant au service de s'organiser en cas de grève, notamment avec l'allongement des délais de préavis individuels. L'article permettant de réquisitionner des agents rendra le service minimum efficace. Il faut mettre fin aux préavis illimités ou dormants - certains sont déposés jusqu'en 2040 ! - et contenir les grèves de 59 minutes qui désorganisent le service.
En Italie, le droit de grève peut être suspendu sur certaines périodes ; en trente ans, ce dispositif n'a jamais été sanctionné par les autorités européennes.
Je regrette que cette proposition de loi n'ait pas donné plus lieu à davantage d'échanges avec le ministre, malgré les réactions positives de certains membres de la majorité présidentielle. J'ai lu les propositions complémentaires du président Jean-Marc Zulesi à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, et du RDPI ; M. Alain Marc applaudit également.)
M. Philippe Tabarot, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains ; M. Saïd Omar Oili applaudit également.) Des quais de gare asphyxiés, des Français séparés et qui attendent un train qui ne viendra peut-être jamais... Ce sont des scènes que nous ne supportons plus.
Ce texte répond à une situation inacceptable. À l'occasion des grands événements ou à la veille de vacances scolaires, les Français craignent de ne pas pouvoir se déplacer. Ils préfèrent dès lors la voiture individuelle, alors qu'il faut mobiliser tous les moyens pour favoriser le report modal.
La France est le pays au monde qui totalise le plus de jours de grève des transports. Comme l'a dit Hervé Marseille, il n'y a pas une année sans jour de grève à la SNCF depuis 1947.
L'aspiration aux transports est inversement proportionnelle au pouvoir de nuisance exercée sur eux, devenus un terreau de jeu privilégié pour certains syndicats, alors qu'un jour de grève coûte entre 10 et 20 millions d'euros à la SNCF - et donc au contribuable.
Le droit de grève prime-t-il la continuité des services publics ou le droit constitutionnel de se déplacer librement ? Doit-il empêcher d'aller travailler ou de rejoindre sa famille pour les vacances ?
Cette proposition de loi, pas plus que celle de Bruno Retailleau en 2020 ou la mienne en 2023, n'est contraire au droit de grève.
Elles ne font que le concilier avec d'autres libertés. Il faut substituer cette culture à la gréviculture, tradition française. Ainsi, seize grèves en vingt ans pour le seul mois de décembre à la SNCF, plus de vingt préavis dormants déposés jusqu'en 2045.
Mme Raymonde Poncet Monge. - C'est faux !
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Est-il acceptable que la grève soit devenue un préalable à toute négociation et non un utile recours ? Nous disons oui au droit de grève, mais avec des limites proportionnées. (« Très bien ! » à droite)
Nous voulons réhabiliter le service minimum, devenu impossible. C'est un instrument de justice pour les plus modestes en première ligne, dont la présence est indispensable au bon fonctionnement de notre pays.
J'ai bien conscience que c'est un sujet passionnel pour certains et un serpent de mer pour d'autres.
Je prône la cohérence et le pragmatisme, en sanctuarisant certaines périodes et en limitant le nombre de jours pendant lesquels le service pourrait être suspendu. C'est un système analogue à celui de l'Italie.
Monsieur le ministre, vous parlez d'un problème de constitutionnalité, en vous substituant au Conseil constitutionnel. Toutefois, nous avons réduit le plafond annuel à trente jours, le nombre de jours continus à sept jours, et fixé des plages horaires précises.
Laissons le Conseil constitutionnel faire son travail et le législateur et l'exécutif faire le leur, conformément au préambule de 1946.
Le texte adopté par la commission cite les vacances scolaires, les jours fériés, les élections et référendums, les examens nationaux...
Vous déclarez que cela gênerait la mobilité du quotidien : vous n'avez manifestement pas pris connaissance du texte de la commission (M. Olivier Paccaud renchérit), qui prévoit l'avancement de 24 heures du délai limite de déclaration de participation individuelle à la grève, entre autres.
En outre, il lutte contre les préavis de grève dormants qui contournent la négociation obligatoire. Pour le réseau de bus RATP, c'est 2,3 millions de kilomètres non effectués en 2023. Même chose pour les grèves de 59 minutes dont l'effet est disproportionné.
Certains ont transformé le dialogue social en un monologue social.
Les Français nous ont élus pour agir. Ce texte est équilibré, protégeant les mobilités certains jours spéciaux et améliorant le quotidien des Français : il équilibre le droit de grève et « le devoir de travailler ».
Face à une minorité bruyante qui paralyse le pays, devenez les porte-voix d'une majorité silencieuse en redonnant sa fierté au service public. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Saïd Omar Oili applaudit également.)
M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports . - Ces mots d'un autre temps résonnent pour moi avec beaucoup d'actualité : « Il est parfois nécessaire de changer certaines lois mais le cas est rare, et lorsqu'il arrive, il ne faut y toucher que d'une main tremblante. » (Murmures désapprobateurs à droite)
Le droit de grève a été reconnu par la loi Ollivier de 1864. C'est dans cette longue histoire que s'inscrit notre débat qui rend plus pressante l'exhortation de Montesquieu dans les Lettres persanes.
L'encadrement du droit de grève est une question ancienne, comme la conscience aiguë de l'effet d'un arrêt de travail, comme le dilemme d'une liberté reconnue et le souci de protéger les Français.
Si cette question n'est pas nouvelle, elle est actuelle : j'entends les plaintes des Français qui ne peuvent aller travailler ou se rendre à l'école.
J'entends le même agacement autour de la grève des contrôleurs pendant les vacances d'hiver. Chacun a vu la ressemblance avec les vacances de fin d'année 2022.
Les employeurs ont de lourdes responsabilités pour éviter le conflit. C'est pourquoi le législateur est intervenu pour encadrer le droit de grève sans le supprimer.
Ce dernier est un symbole de l'État de droit. Je redis mon attachement à ce droit, dont l'enjeu est d'être concilié avec la continuité du service public, principe à valeur constitutionnelle.
Mais la continuité du service public ne peut justifier la recherche d'un service normal, fût-ce sur un temps limité. Ce serait une suspension temporaire du droit de grève. Nous partageons les constats à l'origine de l'initiative d'Hervé Marseille. Mais le Gouvernement ne partage pas les remèdes imaginés.
Le Gouvernement veut avant tout renforcer le dialogue social dans les entreprises de transport. (Protestations à droite)
M. Olivier Paccaud. - Bla bla !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - La loi de 2007 a trouvé un point d'équilibre entre plusieurs droits à valeur constitutionnelle autour d'un triptyque simple : éviter le recours à la grève via le dialogue social obligatoire ; éviter la paralysie en cas de grève, grâce à la définition par les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de priorités ; et éviter l'absence d'information pour les usagers, qui doivent bénéficier d'un service réduit, mais prévisible.
Ce système, qui ne repose pas sur un service minimum, mais sur un service prévisible, a beaucoup apporté au secteur. Les usagers peuvent mieux prévoir et s'organiser en conséquence. Faut-il en rester là ? Non.
La conflictualité ne doit pas être le point de départ de la négociation sociale. Le droit de grève suppose le devoir de négocier de bonne foi avant de constater l'échec des discussions.
Je vois un signe positif dans le report du préavis de grève prévu à partir du 30 avril et l'organisation d'une table ronde avec la SNCF. Je le redis, la SNCF fait partie de notre patrimoine national.
Direction et syndicats doivent assumer leurs responsabilités. (Protestations à droite) À la direction d'alimenter le droit social, aux syndicats de porter des revendications légitimes et réalistes. C'est à ce même esprit de responsabilité que j'appelle les acteurs, surtout à l'approche des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). (On acquiesce bruyamment sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. - Très bien !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Personne n'a à gagner à l'inflexibilité ou à l'escalade. Le monde en sera témoin, la nation en sera juge ; c'est une question de confiance et nous en tirerons toutes les conséquences. (M. Laurent Burgoa et Mme Anne Chain-Larché protestent.)
L'interdiction du droit de grève que vous proposez soulève des questions lourdes dont deux incontournables.
D'abord, l'objet de la loi est-il de protéger les Français qui partent en vacances au détriment des transports du quotidien de la France qui travaille ? Il ne s'agit pas de monter une France qui prend des vacances contre une France qui va travailler. (Vives protestations à droite, quelques huées) Évitons cependant de privilégier une catégorie de Français.
M. Laurent Duplomb. - Les premiers de cordée !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Autre question : les doutes les plus sérieux soulevés par la constitutionnalité.
Même avec un champ plus restreint, grâce au rapporteur (quelques « Très bien ! » à droite) et des délais raccourcis, une suspension du droit de grève ne peut répondre qu'à des exigences strictes.
Les conditions ne sont pas réunies pour garantir la conformité de la proposition de loi à nos droits fondamentaux. Le Gouvernement est donc défavorable au texte. (On le déplore bruyamment à droite.)
Il donnera un avis de sagesse aux amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K ; M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l'exercice du droit de grève (n° 493 (2023-2024)
M. Pierre Barros . - Je souhaite d'abord saluer la présence de nombreux syndicalistes dans les tribunes.
M. Didier Mandelli. - Ils ne sont pas au boulot ? (Rires à droite ; Mme Cathy Apourceau-Poly proteste.)
M. Pierre Barros. - « Il y a des hommes pour qui la grève est un scandale, c'est-à-dire non pas seulement une erreur, un désordre ou un délit, mais un crime moral, une action intolérable qui trouble à leurs yeux la Nature », écrivait Roland Barthes en 1957. Restreindre la grève est un désir aussi lointain que le droit de grève lui-même.
Les jours fériés, les vacances seraient notamment concernés, un service minimum serait alors organisé. Votre proposition de loi met fin au préavis dormant et prévoit des réquisitions, rien de moins !
Ces mesures sont anticonstitutionnelles, car elles portent une atteinte disproportionnée à l'alinéa 7 du préambule de 1946. La loi réglemente le droit de grève, elle ne l'interdit pas.
Dès 2004, le rapport Mandelkern battait en brèche de telles propositions. L'interdiction du droit de grève pendant des jours fixés n'est possible que si ces jours-là tous les personnels doivent être présents pour répondre à des besoins essentiels. Quant aux réquisitions, en quoi une grève attente-t-elle au bon ordre, à la sécurité, à la salubrité publique ? Elles seront déclarées illégales par le juge.
L'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen indique que le but de toute association politique peut notamment être la résistance à l'oppression, base du droit de grève. La France est aussi signataire de la convention de 1987 de l'Organisation internationale du travail (OIT), dont l'article 2 préserve le droit de grève. La Constitution exige que nous respections cette convention. Cette proposition de loi est donc anticonstitutionnelle.
M. Olivier Paccaud. - Interprétation !
M. Pierre Barros. - Pourquoi de tels textes s'attaquant aux mouvements sociaux se sont-ils multipliés ces dernières années ? Il est plus facile de s'attaquer aux droits des travailleurs qu'aux vrais problèmes.
Ainsi, l'Autorité de la qualité de service dans les transports (AQST) décrit l'année 2022, année de grève des chefs de bord, comme l'une des plus mauvaises en matière de retards. Mais les causes en étaient, entre autres, une difficile gestion de l'affluence en gare, du matériel et des infrastructures vieillissants.
Dans le ferroviaire, seuls 20 à 25 % des retards relèvent de causes externes - les mouvements sociaux sont en dernière place, après la météo, les obstacles sur les voies, les colis suspects ou les malveillances. L'AQST dénonce aussi la dégradation de l'état du réseau ferroviaire depuis 1954.
Cette proposition de loi ne trompe personne : le sous-investissement est ce qui pénalise vraiment les usagers.
Pourquoi l'effort politique ne se porte-t-il pas sur cette question cruciale ?
À quand une loi de programmation sur les 100 milliards d'euros promis par Mme Borne ?
M. Hervé Gillé. - On l'attend !
M. Pierre Barros. - Ce sont ces choix politiques qui ont saboté les transports du quotidien. Que dire de la liquidation de nos grandes entreprises publiques, comme Fret SNCF, qui a favorisé le transport routier au détriment de la décarbonation du fret !
Attaquons-nous aux causes des dysfonctionnements et non pas aux conséquences, surtout à l'approche des JOP.
Une voix à droite. - Ah !
M. Pierre Barros. - Cette proposition de loi instrumentalise les JOP pour mettre à l'agenda ce vieux rêve d'un syndicalisme de partenariat social. Jacques Delors l'avait inauguré avec le « dialogue social » qui remplaçait la « négociation collective » ; les lois Auroux en 1982 ont ouvert des brèches dans le code du travail, puis la loi El Khomri en 2016, avant les ordonnances Macron de 2017 qui ont créé les comités sociaux et économiques (CSE).
Les organisations syndicales représentatives n'ont désormais aucun poids réel dans les négociations. Pourquoi ne pas respecter l'esprit de la Constitution en créant un cadre de négociation collective ?
Rendons aux syndicats les moyens de faire vivre les discussions. La grève n'est qu'un levier d'action, mais essentiel, qui a permis d'arracher des conquêtes sociales. On ne déclenche pas une grève par plaisir. Les conséquences sont lourdes pour les grévistes qui ne perdent pas de gaieté de coeur le salaire des jours de grève.
Notre pays connaît un contexte de répression syndicale inédit. Plus de mille militants syndicaux sont poursuivis devant les tribunaux. C'est alarmant pour nos libertés publiques.
L'essence de la démocratie réside dans sa capacité à permettre la libre expression des conflits qui la traversent. À Athènes, antique mère de nos démocraties, cela permettait de régler les différends et d'aboutir à un consensus. Empêcher l'expression du conflit ne réglera pas le conflit lui-même.
Cette proposition de loi ne servira pas les intérêts des entreprises concernées. Le patronat a besoin des syndicats, amortisseurs sociaux. Quand le corps social est contraint, il réagit.
La dépénalisation de la grève en 1864 visait à mieux la contrôler.
Comme l'écrivaient Jacques Prévert et le groupe Octobre lors de la grève des travailleurs de Citroën en 1933 : « Mais ceux qu'on a trop longtemps tondus en caniche, / Ceux-là gardent encore une mâchoire de loup, / Pour mordre, pour se défendre, pour attaquer, / Pour faire la grève... » (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)
M. Stéphane Demilly. - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Anne-Marie Nédélec applaudit également.) La proposition de loi examinée aujourd'hui vise à encadrer l'exercice du droit de grève pendant des périodes stratégiques. Elle n'est contraire ni à la Constitution ni à nos engagements internationaux.
En effet, ce droit constitutionnel peut être limité, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1979.
Le droit de grève ne doit pas faire obstacle à la continuité du service public, principe aussi à valeur constitutionnelle.
Ces limitations peuvent aller jusqu'à l'interdiction du droit de grève pour les agents indispensables au fonctionnement du service.
Le droit de grève n'est pas absolu et peut-être encadré. La liberté d'aller et venir est également reconnue par la Constitution.
L'exercice répété du droit de grève à la SNCF porte-t-il atteinte, oui ou non, à la continuité du service public et à la liberté d'aller et venir ?
Soyons factuels. Depuis janvier 2022, on compte 70 mouvements de grève dans le transport ferroviaire, toujours déclenchés pendant les vacances scolaires. Plus de 200 000 personnes ont été laissées sur le quai ! Cette situation n'est pas digne pour nos concitoyens ni pour l'image de l'entreprise. (Murmures sur plusieurs travées à gauche)
Notre pays défend des objectifs de décarbonation des transports. Le train, c'est super, quand cela fonctionne... À ce jour, la protection des passagers n'est pas suffisante. Beaucoup de travailleurs qui se rendent à leur travail grâce aux transports collectifs n'ont pas de solution de substitution - ce serait trop cher ou trop long... Aussi la proposition de loi apporte-t-elle des remèdes à cette situation.
Il s'agit de concilier le droit de grève avec d'autres droits et libertés.
Le déplacement est un besoin d'intérêt général selon un arrêt du Conseil d'État du 7 juillet 1950.
Le champ d'application des dispositions encadrant le droit de grève doit être défini par le législateur - donc par nous.
Les amendements adoptés en commission ont restreint les périodes fixées. Le texte est dosé avec finesse ; il est juste, équilibré et a été élaboré dans un souci de proportionnalité.
Les suspensions ne seront applicables que pour sept jours cumulés et pour une durée maximale de 30 jours annuels. Il s'agit d'un encadrement strict.
Le transport aérien a été sorti du dispositif. La loi du 19 mars 2012 encadre l'exercice du droit de grève du secteur. La loi du 28 décembre 2023 d'origine sénatoriale prévoit que tout agent doit prévenir de son intention de participer à une grève au plus tard l'avant-veille. Le droit de grève est donc suffisamment encadré dans le secteur aérien, qui ne bénéficie pas, rappelons-le, de la même situation monopolistique que le secteur ferroviaire...
Les périodes de suspension ne pourront être fixées par décret en Conseil d'État qu'après un dialogue avec les partenaires sociaux. La grève doit être le dernier recours, en cas d'échec du dialogue. Aux partenaires sociaux d'être responsables.
La commission a ajouté six articles additionnels pour permettre une meilleure organisation des services publics lors des grèves. Il s'agit de lutter contre un exercice abusif du droit de grève.
Des préavis illimités ou dormants se multiplient. Il faut mettre fin à cette épée de Damoclès insupportable. Il en va de même des grèves de 59 minutes dont les usagers - ou clients - de la SNCF sont les otages. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Michel Savin et Olivier Paccaud applaudissent également.)
Je pense ici à Mme Michu qui prend le train pour aller travailler. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; quelques murmures de protestation à gauche)
M. Olivier Paccaud. - Excellent !
M. Stéphane Demilly. - La constitutionnalité de l'obligation de déclaration préalable a été confirmée à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel.
Non seulement la proposition de loi n'est pas inconstitutionnelle, mais elle n'est pas non plus inconventionnelle.
Certes, le droit de grève est protégé par la charte sociale du Conseil de l'Europe, par la Cour européenne des droits de l'homme et par l'article 28 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Cela dit, cette consécration supranationale n'interdit pas son aménagement au profit de la continuité du service public, comme l'ont préconisé plusieurs cours suprêmes en Grèce, en Roumanie ou au Portugal. L'Italie et l'Espagne garantissent un service minimum. Le dispositif proposé par Hervé Marseille est calqué sur le dispositif italien qui existe depuis 30 ans.
Il s'agit de concilier le droit de grève avec d'autres droits fondamentaux.
Selon Sénèque, « ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles. » (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP)
M. Olivier Paccaud. - Bravo ! Vive Sénèque !
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Les auteurs de la motion se réfèrent au préambule de 1946 qui prévoit que le droit de grève s'exerce dans le cadre de la loi. Or la proposition de loi a pour objet de concilier ce droit avec d'autres droits et libertés. Elle s'inspire en outre d'un dispositif existant en Italie depuis 30 ans. Nous avons renforcé la constitutionnalité du dispositif en ciblant sa mise en oeuvre dans le temps, en réduisant son champ d'application et en l'assortissant de mesures disciplinaires et non pénales.
Au cours des débats qui s'étaient tenus en 2007 sur le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public, le groupe communiste avait déjà déposé une motion d'irrecevabilité. Le Conseil constitutionnel avait conclu à la constitutionnalité des dispositions dont il avait été saisi. Avis défavorable.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Sagesse.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Cette proposition de loi va à l'encontre de notre Constitution. (Vives protestations à droite) On n'interprète pas la Constitution comme cela nous arrange...
M. Olivier Paccaud. - C'est ce que vous faites !
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Les salariés en tribune viennent défendre leurs collègues, leur travail et leur droit de grève. Ils ont bien vu le mépris avec lequel vous vous adressiez à eux (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER ; protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Ce texte s'oppose à la Constitution en s'en prenant à la liberté et aux fondements de nos conquêtes sociales.
M. Olivier Paccaud. - Et la liberté de circuler et de travailler ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Avec cette proposition de loi, peu importent les conditions de travail des cheminots, qui doivent travailler et se taire ! Avec ce texte, vous voulez ouvrir la boîte de Pandore.
Ces grèves ont permis de bâtir notre République et d'obtenir des droits nouveaux. Nous voterons la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)
M. Olivier Jacquin. - Le droit de grève est garanti par le préambule de 1946, il est sacré et largement encadré. Il protège le corps social, pour que chacun puisse gagner de nouveaux droits et changer sa vie. Son encadrement par la loi du 21 août 2007 le restreint. Lors de l'examen de la loi d'orientation des mobilités (LOM), nous avons déjà rejeté ces dispositions.
Ce texte n'apporte rien de nouveau. Pis, il est anticonstitutionnel. Or les décisions du Conseil constitutionnel sont de plus en plus remises en cause, comme dernièrement sur la loi Immigration.
Le groupe SER, attaché au contrat social, votera contre ce texte - et donc pour la motion.
Je salue la présence syndicale ici et maintenant. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
M. Guillaume Gontard. - Le GEST votera cette motion. Ce texte est une atteinte au droit de grève et sera donc frappé d'inconstitutionnalité. Vous le savez et jouez avec cela.
Monsieur le ministre, un avis de sagesse sur un texte qui sera frappé d'inconstitutionnalité, est-ce vraiment sérieux ?
Le droit de grève est un moyen de pression, de discussion. On y recourt lorsque le dialogue n'a pas pu avoir lieu.
M. Didier Mandelli. - Ce n'est pas cela !
M. Guillaume Gontard. - Le droit de grève a façonné l'histoire de notre pays. Si nos concitoyens peuvent partir en vacances, c'est parce que de grandes grèves en 1936 ont permis d'obtenir des congés payés. (Applaudissements à gauche ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Le problème du secteur ferroviaire est le manque d'investissements. (Applaudissements à gauche)
La motion n°1 n'est pas adoptée.
Question préalable
M. le président. - Motion n°9, présentée par MM. Fernique, Jacquin, Devinaz, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon, Mmes Senée, Souyris, M. Vogel, Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Durain et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet et Gillé, Mme Harribey, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes de La Gontrie, Le Houerou et Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron et Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l'exercice du droit de grève (n°493, 2023-2024).
M. Jacques Fernique . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Posons-nous la question : franchement, est-ce le moment ? Est-ce vraiment en procédant ainsi que nous apaiserons le climat ? (Plusieurs membres du groupe Les Républicains répondent « oui » à chaque question de l'orateur.)
M. Olivier Paccaud. - Ce n'est jamais le moment !
M. Jacques Fernique. - Est-ce vraiment en procédant ainsi que nous assurerons la continuité du service public des transports durant la délicate passe olympique, dans un contexte de manque de conducteurs, de saturation des réseaux, de mauvais état du matériel roulant ?
Pouvons-nous engager de telles restrictions d'un droit fondamental et renverser les conditions d'encadrement des rapports sociaux, dans l'impromptu parlementaire, la précipitation et la fragilité juridique et constitutionnelle, sans avis du Conseil d'État, avec une consultation des syndicats en 55 minutes en visioconférence ? Sans analyse précise, sans étude d'impact ?
Si nous étions raisonnables, il faudrait répondre : non. Mais ce n'est sans doute pas ce scénario que choisira la majorité sénatoriale...
Avant de malmener en sept articles le droit des salariés à défendre leurs conditions de travail, alors que, avec la précédente motion, vous repoussez une inconstitutionnalité pourtant évidente, souffrez que nous vous disions combien cela serait inopportun, voire contre-productif.
Monsieur le rapporteur, l'opposition à ce texte ne mérite guère de considération, l'idéologie prenant selon vous le dessus au détriment du bon sens.
M. Olivier Jacquin. - Très bien.
M. Jacques Fernique. - Mais qu'avez-vous fait de l'article 1er de la proposition d'origine ? En divisant de 60 à 30 jours et de 15 à 7 jours d'affilée le nombre de jours prévus, et en passant de sanctions pénales à des sanctions disciplinaires, vous révélez combien ce texte correspond peu à son titre. Il y a là comme un aveu du caractère épidermique, déséquilibré et à l'emporte-pièce de ce texte. (M. Olivier Paccaud ironise.)
Avez-vous trouvé un juste milieu ? Non ! Vous aurez beau réduire ce qui est anticonstitutionnel, vous ne changerez pas la nature du texte. L'euphémisme ne trompe personne : la suspension du droit de grève, c'est l'interdiction d'un droit constitutionnel, lorsque son exercice a le plus fort impact. Il s'agit d'opérer une réquisition générale des personnes, à l'encontre de toute jurisprudence constitutionnelle.
Entendons-nous : nos transports collectifs ont une importance majeure du point de vue social, économique, climatique. Un dialogue social permanent et efficace est indispensable - et non pas un monologue dans le vide : sur ce point, je vous rejoins, monsieur Tabarot.
La commission a ajouté au texte une série de revendications des employeurs visant à compliquer l'action collective des salariés. On a monté en épingle pour en faire des dérives, certes réelles, mais caricaturées : les préavis longs, les rétractations, les grèves courtes... Il vaudrait mieux dresser un diagnostic reconnu par tous.
Oui, la grève est une action collective. Elle ne saurait être utilisée pour des motifs de convenance personnelle. Faut-il remettre en cause, pour les seuls transports collectifs terrestres, le régime de préavis résultant d'un texte de 1963 sur les conflits sociaux pour tout le secteur public ? Faisons preuve de circonspection !
Que cherche-t-on à améliorer en réalité : l'information préalable des usagers ? Les détournements de la loi consistant à utiliser le temps de préavis pour mener des pressions systématiques sur chacun des grévistes pressentis ? (M. Olivier Jacquin renchérit.)
L'interdiction des grèves courtes, l'obligation de n'exercer ce droit qu'à la prise de service jusqu'au terme de celui-ci sont des restrictions importantes. Le texte évoque « un risque de désordre manifeste à l'exécution du service public » : cela n'a rien de clair. Les grèves de 59 minutes sont peu visibles en réalité, selon la RATP. En revanche, la baisse de salaire qui en résulte ne couvre pas la baisse de travail effectif : certes, c'est un problème, mais ce n'est pas un risque de désordre manifeste.
L'article 7 franchit carrément un palier. En reprenant la proposition de loi Retailleau de 2020, la réquisition d'un agent devient la façon d'assurer le service garanti fixé par chaque AOM. Si on voulait surcharger la barque, on n'aurait pas fait mieux ! Idéologie ou équilibre, pragmatisme ou affichage ? Avouez que nous pouvons vous retourner la question !
Le texte souffre de carences juridiques et opérationnelles et d'un manque de concertation préalable, ce qui compromettra peut-être la suite de son parcours parlementaire. L'intérêt général va à la recherche d'un équilibre, pour mieux faire fonctionner le régime issu de la loi de 2007 : valorisation des organisations représentatives, déclarations individuelles qui ne soient pas utilisées à des fins de pression, voilà des pistes autrement plus utiles que des interdictions ou des réquisitions.
Pour les usagers, la mise en place du service prévisible et de l'information voyageur a été un réel progrès. Pour les salariés et les employeurs, nombre d'avancées sont dues à des alarmes sociales. Prenons-en la mesure plutôt que de légiférer encore à l'excès : le cadre de 2007 permet à l'intelligence collective de s'exercer. N'attisons pas ce que nous prétendons apaiser.
Le GEST considère, avec le groupe SER, qu'il serait mieux d'en rester là. Il suffit d'adopter la présente motion. (Applaudissements à gauche)
M. Stéphane Le Rudulier. - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC) Je vais vous raconter une histoire : celle d'une jeune Américaine du Midwest installée à Paris, qui a décidé d'inviter ses meilleurs amis à visiter son Paris chéri à l'occasion des jeux Olympiques. Ces touristes en rêvent déjà : Paris, la haute cuisine, les Folies Bergères, le gai Paris, la haute couture, la tour Eiffel, les jardins du Sénat...
Mme Céline Brulin. - Les congés payés !
M. Pierre Barros. - La Révolution française !
M. Guillaume Gontard. - Le service public !
Mme Raymonde Poncet Monge. - La sécurité sociale !
M. Stéphane Le Rudulier. - Cette jeune Américaine a tout prévu pour bien les accueillir, ou presque. Les malheureuses ! C'était sans compter sur la RATP, enfin les syndicats...
M. Pascal Savoldelli. - Et Uber ? En voilà, un raisonnement !
M. Stéphane Le Rudulier. - Le racket arbitraire du transport parisien a déposé un préavis de grève plus de six mois avant les JOP. (M. Olivier Jacquin proteste.)
Certains partenaires sociaux des entreprises de transport se sont transformés en pollueurs sociaux, (on lève les yeux au ciel à gauche) profitant des moments importants pour imposer un chantage à la mobilité et obtenir la rançon la plus élevée possible. Ces agences d'anti-tourisme, ces Robins des bois version Lutèce (sourires à droite) pénalisent les citoyens, les touristes, mais surtout les travailleurs modestes qui ont besoin des transports pour gagner leur vie.
M. Bruno Belin. - Très bien !
M. Stéphane Le Rudulier. - Soyons clairs : refuser de débattre de ce texte est totalement irresponsable.
Comme pour les prélèvements obligatoires, la France est championne du monde en nombre de jours de grève, alors que le taux de syndicalisation ne cesse de se réduire : moins de 10 % en 2022.
Nous comptons 127 jours de grève par an pour 1 000 salariés, contre 49 en Espagne, 46 au Danemark, 19 aux Pays-Bas, 17 en Allemagne. Cette situation, peu envieuse, nous pousse à agir.
Les mobilisations sont souvent suivies par peu de travailleurs, ceux qui le font prennent leurs collègues et les Français en otage. (Mme Raymonde Poncet Monge proteste.) C'est une forme de diktat syndical contre l'intérêt populaire, oubliant qu'un service public est d'abord et avant tout un service au public.
Qui, hormis la RATP et la SNCF, dispose d'un tel potentiel de nuisance ? Aucun commerçant, aucun artisan, aucun salarié de TPE ou PME n'a cette capacité !
Les périodes de grève sont récurrentes, notamment en fin d'année. Il s'agit même d'une tradition, d'un marronnier. Pas moins de seize mouvements sociaux ont été enregistrés à la SNCF en vingt ans.
Et au choix du moment s'ajoute celui de l'exécution. L'incertitude quant à la durée et à la forme de la grève nous plonge dans des conjectures angoissantes (marques d'agacement sur les travées du groupe CRCE-K) et suscite l'exaspération, légitime, de nos compatriotes. Quelque 67 % des Français considèrent que la grève de la SNCF durant les vacances constitue un abus.
Ces phénomènes récurrents contredisent l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : la liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Des transports dépend la liberté d'aller et venir.
La réalité franco-française de la gréviculture est à des années-lumière de ce que connaissent nos voisins. Dès 1990, puis en 2000, l'Italie a établi un service minimum dans les transports. Certains secteurs stratégiques ne peuvent pas exercer le droit de grève à certaines périodes de l'année. Pourtant, le droit de grève est consacré dans la constitution italienne avec les mêmes mots que dans notre texte fondamental : le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Ce n'est donc pas un droit absolu. Le limiter relève de la compétence du législateur.
La France est l'une des démocraties sociales les plus avancées au monde. Hélas, une minorité de bloqueurs fait de cette fierté un repoussoir. Ils ne sont plus les disciples du Front populaire, mais les héritiers des pires conservatismes, des sociétés figées. (« Bravo ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Acceptons une modernisation de notre matrice sociale.
Un événement propulsera la France sous les feux des projecteurs : les JOP. (M. Michel Savin acquiesce, plusieurs fois.) Le monde entier nous regarde, il y va de notre crédibilité. Montrons la qualité de notre accueil, notre force d'organisation ! Cet événement ne doit pas être le pavillon témoin du diktat de la gréviculture. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.)
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Ces prises de position ne sont pas une surprise. Je ne comprends pas : avec cette question préalable, mes chers collègues, vous refusez le dialogue que vous prétendez défendre... (On en doute sur les travées du GEST.)
Le Conseil constitutionnel a souligné dès 1979 la nécessité de concilier le droit de grève et la sauvegarde de l'intérêt général. Le droit de grève étant dénaturé, nous devons revoir l'équilibre actuel.
En région Paca, 90 jours sur 365 sont affectés par la grève. Dès lors que vingt conducteurs de la RATP sont en grève chaque jour sur le fondement d'un préavis dormant, que certains préavis courent jusqu'en 2040 ou 2045, cher Jacques Fernique, peut-on dire que ce droit s'exerce de façon normale et proportionnée ?
Comme l'ont reconnu Dominique Bussereau et Xavier Bertrand, les évolutions positives de la loi de 2007 se heurtent à de nouvelles pratiques : le droit doit évoluer en conséquence.
La grève n'est pas l'alpha et l'oméga de nos politiques de transport, qui souffrent d'un manque d'investissement chronique, mais chaque jour de grève coûte 10 à 15 millions d'euros et creuse les difficultés existantes. Avis défavorable.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Le Gouvernement s'oppose globalement à ce texte, pour les arguments que j'ai évoqués tout à l'heure. Mais nous laissons libre la discussion parlementaire. Sagesse.
M. Laurent Burgoa. - C'est le « en même temps » ?
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Cette proposition de loi est mal rédigée, elle souffre d'un manque de concertation. Légiférer sur le droit de grève par le biais d'une proposition de loi, qui prive les parlementaires d'une étude d'impact, risque d'attiser les tensions sociales. La concertation avec les partenaires sociaux est un préalable à toute modification de notre législation dans ce domaine.
Depuis plusieurs décennies, nos réseaux de transport collectif accumulent les retards et les pannes, sources de blocages. Les grèves, certes source de désagréments, ne sont pas responsables de cette dégradation.
En outre, les grèves sont souvent un moyen de dénoncer le manque de moyens financiers et les efforts de productivité sans contrepartie salariale.
Le texte est déséquilibré et crée une dissonance. Il s'attache à encadrer le droit de grève dans le transport terrestre. Faut-il en conclure qu'il n'y a plus de service public dans le secteur aérien ?
Assurer un dialogue social de qualité est du ressort des dirigeants. Comme au basket, les employeurs ne pousseront-ils pas les organisations syndicales à la faute ?
Notre groupe votera cette motion. (M. Simon Uzenat applaudit.)
M. Pascal Savoldelli. - Il y a quelques jours, j'étais au technicentre SNCF des Ardoines, à Vitry-sur-Seine, pour discuter de cette proposition de loi avec les cheminots du RER C. (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai aussi rencontré des usagers. C'est le travail normal d'un parlementaire ! Les sénateurs qui promeuvent cette proposition de loi ont-ils rencontré, des cheminots, des machinistes ? (Vives protestations à droite)
Ils auraient pu expliquer leurs conditions de travail. Deux cheminots décédés la semaine dernière dans l'exercice de leurs fonctions, cinq salariés sous-traitants décédés l'année dernière. La réalité, c'est que 19 à 30 rames du RER C sont chaque jour immobilisées au technicentre, parce que vieillissantes. Cette situation est insupportable, pour les cheminots comme pour les Franciliens. La grève, c'est d'abord un droit d'alerte après l'échec de revendications non entendues. Les usagers ne sont pas dupes de la dégradation des transports en commun !
Mais enfin, est-ce la grève qui est responsable du manque de personnel, du refus d'augmenter le versement transport (VT) et donc du manque d'investissement sur le matériel vieillissant ? Est-ce la grève qui est responsable de la dégradation des conditions de travail après la casse du statut ? Est-ce la grève qui est responsable de la privatisation de l'entretien des réseaux ? (« Oui ! » à droite) Tout cela, ce sont des choix politiques : ceux que vous avez votés, chers collègues de droite !
Le groupe CRCE-K votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST ; M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
À la demande du groupe SER, la motion n°9 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°171 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 98 |
Contre | 243 |
La motion n°9 n'est pas adoptée.
Discussion générale (Suite)
M. Saïd Omar Oili . - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-François Longeot applaudit également.) Nous devons nous prononcer sur la conciliation entre continuité du service public et droit de grève, encore une fois. En effet, depuis quelques années, les propositions de loi sur ce sujet reviennent régulièrement, souvent peu de temps avant ou après une grève majeure.
La proposition de loi Retailleau de 2020, la proposition de loi Tabarot ou, plus récemment, la proposition de loi promulguée de Vincent Capo-Canellas sur la prévisibilité des services de navigation aérienne en attestent. Une proposition de loi n'arrive jamais par hasard : les grèves dans les transports sont un vrai sujet. La SNCF n'a pas connu une année sans grève depuis 1947.
Les grèves s'imposent de plus en plus comme la solution unique à la résolution des conflits sociaux. Mais n'oublions pas que derrière ces menaces, ce sont les familles qui en subissent les conséquences. Lors de la réservation d'un billet, la première pensée est souvent la crainte d'une annulation pour cause de grève, empêchant les familles de se retrouver.
Au-delà des loisirs, les grèves pèsent avant tout sur les trajets du quotidien, en particulier franciliens. Lorsqu'on se lève tôt pour faire une heure de transport, on peut comprendre le ras-le-bol qui s'exprime. Ainsi, certaines grèves s'appuient sur des préavis dits dormants ; la période de négociation ne joue alors plus son rôle de prévention de conflits. Même constat pour les grèves de 59 minutes, qui lèsent bien souvent les plus modestes, qui ne disposent pas de solution alternative ou d'accès au télétravail.
La continuité des transports est donc essentielle à la vie quotidienne des Français. Les grèves ont aussi des conséquences sur l'environnement : à force, les Français finissent par utiliser la voiture, plus polluante. (M. Jean-François Longeot renchérit.)
Nous partageons donc l'esprit de cette proposition de loi. Il faut proportionner le droit de grève à d'autres droits constitutionnels et lutter contre certains abus sociaux.
Le texte ne concerne que les transports terrestres et maritimes réguliers. Je salue l'amendement de Didier Mandelli, qui l'étend aux îles françaises, dont Mayotte. Le texte prévoit aussi une limitation à sept jours consécutifs et à 30 jours toute l'année, durant certains jours seulement. Il limite la durée des préavis de grève à 30 jours et rend caducs les préavis non utilisés.
Enfin, le rapporteur a mieux circonscrit la limitation du droit de grève. Il y a de bonnes intentions, mais aussi un droit garanti par le Conseil constitutionnel. Celui-ci, en 1979, a précisé que la reconnaissance du droit de grève ne saurait empêcher le législateur de le limiter en vue d'assurer la continuité du service public.
Le RDPI s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Olivier Jacquin . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE-K) Le droit de grève est constitutionnel. Aussi nous attacherons-nous toujours à le défendre, même si son exercice traduit l'échec : l'échec du dialogue social, mais aussi l'échec d'une aspiration à changer sa vie pour mieux vivre.
Vous vous attardez sur ses modalités, sans aborder ses causes. Votre texte est donc confus, dogmatique et idéologique : il n'a d'autre effet que de semer le trouble.
Confus, d'abord : il mêle transports collectifs privés et publics, en dépit du vote de 2018 de la loi Pacte ferroviaire, qui a fait des TGV et des Ouigo des transports librement organisés. Finalement, vous avouez que l'ouverture à la concurrence est un échec, ayant dégradé la qualité des transports et favorisé la hausse des prix - sauf sur quelques sillons rentables.
La qualité, les acteurs sociaux se mobilisent pour la défendre. S'il ne s'agit que de prohiber la critique de votre oeuvre destructrice, dites-le.
Confus, car le droit de grève est déjà largement encadré. Votre texte s'attaque au symbole des cheminots, après vous être payé le scalp de leur statut. La loi encadre les modalités d'exercice de ce droit, là où vous voulez le réglementer et le prohiber. Cette confusion avec le pouvoir réglementaire ouvre une boîte de Pandore. Ce pouvoir doit rester aux parlementaires : faire la loi et veiller à l'intérêt général.
Confus encore, car la majorité sénatoriale tente de se réapproprier le droit aux vacances, mais c'est en fait un droit aux TGV du vendredi soir, qui exclut les 87 % de gares qui ne voient jamais passer un TGV et les 40 % des concitoyens ne partant pas en vacances. Vous n'avez rien inventé : l'article 24 de la Déclaration universelle des droits de l'homme prévoit le droit au repos et au loisir. La brutale réforme des retraites, la loi Pacte ferroviaire montrent, au contraire, votre projet détestable.
Mais face au fantasme des nantis de la SNCF, la réalité est celle d'un secteur qui peine à recruter. La seule voie qui reste est donc la négociation, que vous ne cessez de dénigrer.
Ce texte est une boîte de Pandore, où se cache le désir de ne plus négocier, de ne plus subir le compromis empêchant la découpe de la SNCF, en autorisant les transporteurs à pratiquer l'emploi à la tâche, comme si le travail avait été féodalisé. La boîte de Pandore cache votre dégoût des transports publics terrestres et de ceux qui les font vivre.
Pourtant, ne disaient-ils pas que seul SNCF Voyageurs devrait financer les réseaux pour maximiser les profits de la concurrence ? Ne disaient-ils pas qu'il y aurait une baisse de l'offre pour les lignes les moins rentables ? Ne disaient-ils pas que la profession perdrait en attractivité après la mise au ban du statut ? Les organisations représentatives des travailleurs dénonçaient déjà tout ce qui se passe aujourd'hui.
Confus, toujours : le texte remet sur la table des sujets déjà discutés dès la LOM. On ne peut pas encore embaucher de cheminots intérimaires ou louer des trains à la journée pour casser des grèves. Mais voilà ce qui se cache, enfin, dans votre boîte de Pandore : employer des intérimaires précarisés dignes d'un contrat social féodalisé, comme dans les compagnies aériennes low cost qui rémunèrent les pilotes au vol. Le transport collectif terrestre ira-t-il jusque-là ?
Le groupe SER votera contre ce texte inutile et malvenu, qui restreint un droit fondamental, sans concertation. Il votera contre un texte aux précédents jamais fructueux, et toujours nuisible au contrat social, contre un texte à contretemps des enjeux des transports terrestres, quand il faudrait aider Fret SNCF ou retravailler le contrat de performance et le plan de 100 milliards d'euros, introuvable. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)
Mme Pascale Gruny . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Cette proposition de loi s'inscrit dans la lignée de celle de Bruno Retailleau, adoptée le 4 février 2020, dont j'étais rapporteur, et toujours en attente d'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Ce texte posait déjà le principe d'un service garanti, contre les abus du droit de grève, complétant utilement la loi de 2007.
Je me réjouis donc de l'examen de la proposition de loi d'Hervé Marseille, enrichie par Philippe Tabarot, qui comprend des mesures complémentaires en régulant les grèves et en permettant aux AOM d'enjoindre les entreprises de transport d'adopter un niveau minimum de service.
Je le disais déjà il y a quatre ans : les grèves à répétition rendent la vie impossible aux plus fragiles de nos concitoyens, qui ne peuvent se permettre de poser des congés, de télétravailler, de faire garder leurs enfants, qui n'ont pas d'autre solution que d'utiliser les transports en commun.
Si le droit de grève est constitutionnel, il n'est pas absolu ou supérieur aux autres droits, ce que juge avec constance le Conseil constitutionnel, dont on espère qu'il reste indépendant. Cette jurisprudence a guidé la commission : celle-ci a renforcé la constitutionnalité du principal dispositif de la proposition de loi, à savoir la possibilité de suspendre sous peine de sanctions disciplinaires le droit de grève pour des périodes continues de sept jours au maximum, dans la limite de trente jours par an. C'est là une juste et nécessaire conciliation du droit de grève avec la liberté d'aller et venir.
Comme en 2020, cette proposition de loi lutte, avec quelques variations, contre les détournements du droit de grève, tels que les préavis dormants qui demeurent, même si le conflit a cessé, un dévoiement manifeste de la loi de 2007. Désormais, tout préavis sera limité à 30 jours et sera déclaré caduc s'il n'est pas utilisé par au moins deux agents pendant une période de 48 heures, empêchant ainsi un détournement individuel d'un droit collectif.
Je salue l'article 4, qui lutte contre les grèves très courtes, dites de 59 minutes. Un salarié en grève au milieu de son service oblige un remplacement pour l'intégralité de la journée, sans réaffectation possible. L'employeur doit donc pouvoir imposer au salarié de faire grève pour toute la durée de service, ce que la loi Transformation de la fonction publique de 2019 permet déjà aux collectivités.
Parce que notre mission première est de faire preuve de bon sens, le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)
M. Aymeric Durox . - Le droit de grève est un élément fondamental de la démocratie sociale et des droits des travailleurs. Néanmoins, les concitoyens observent ses dérives avec dépit et parfois avec colère. L'encadrement ici proposé vise donc un certain équilibre : préavis raisonnable, limitation des perturbations excessives.
Il ne s'agit pas d'entraver le droit de grève, mais de le rendre plus transparent et prévisible. Cependant, ce prétexte ne doit pas être utilisé avec excès - nous connaissons la passion du Gouvernement pour, je cite le Président de la République, « emmerder » nos compatriotes...
Ainsi, nous ne pouvons laisser le pouvoir de limiter le droit de grève au seul Conseil des ministres. Nous proposons donc un amendement prévoyant des jours d'encadrement, plutôt que de les laisser à la main du Gouvernement. Il faut articuler droit de grève et préservation des usagers, souvent pris au piège, par exemple au seuil des vacances.
Ce texte apparaît donc cohérent, mais il faudra veiller à ce qu'il ne dégrade pas les droits des salariés. Il a des avantages, mais aussi des inconvénients : en limitant le droit de grève, nous prenons le risque de voir se prolonger les périodes de grève, faute d'avancée dans les négociations.
Il est anormal que la confrontation se substitue au dialogue.
Garantir la continuité du service public est un principe que nous soutenons. Néanmoins, restons vigilants quant aux droits des travailleurs. Les sénateurs du Rassemblement national sont favorables à ce texte, mais il faudra inscrire les limitations du droit de grève dans la loi, au risque d'une censure constitutionnelle et sociale.
M. Pierre Jean Rochette . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Bernard Fialaire, Franck Dhersin et Jean-François Longeot applaudissent également.) Notre groupe a toujours défendu le droit de grève, constitutionnel. Mais nous soutenons aussi l'équilibre avec les autres droits constitutionnels. Cette proposition de loi est donc la bienvenue - j'en salue l'auteur et le rapporteur : le chemin de crête n'est pas évident.
Le sujet clive. Échanger participe du processus démocratique. Si la grève doit pouvoir s'exercer, son encadrement est le garant de cet exercice et l'acceptation de ce droit. Je distingue deux catégories qui subissent la grève.
Premièrement, les usagers, particulièrement ceux du train : travailleurs empêchés d'aller travailler, entreprises pénalisées, parents, enfants de familles recomposées ne pouvant se réunir alors que le besoin de lien n'a jamais été aussi grand. Adolescents passant un examen, adultes en reconversion : c'est la France qui fait nation.
Les transports collectifs sont aussi une force pour la transition écologique, contre l'autosolisme.
Deuxièmement, les salariés non grévistes des services de transports. Assurant le service minimum, ils sont en première ligne du mécontentement des usagers, et l'image de la France en souffre.
La grève n'est que le reflet d'un dialogue social qui a échoué. Dans les entreprises de transport privées, la grève diminue, preuve que le dialogue social peut fonctionner. En outre, ce texte est protecteur, car les entreprises étrangères pourraient profiter d'un report des voyageurs excédés par les grèves. (M. Jean-François Longeot renchérit.)
Je me réjouis donc du temps de négociation préalable proposé à l'article 1er, dont le train de mesures met fin aux abus qui desservent la cause. De même pour la division par deux des périodes et la liste des périodes ciblées.
Les autres avancées proportionnalisent le droit de grève : il faut mettre fin au préavis dormant. Faisons grève pour quelque chose ! De même pour les grèves de 59 minutes, que subissent de trop nombreux usagers. La prévisibilité n'est pas un voeu pieux.
Cette pratique a pour seul but de désordonner les services, et donc notre tissu économique.
Enfin, les AOM pourront faire appel aux personnels indispensables.
Pour conclure, il faut un droit de grève préservé et équilibré par rapport aux autres droits, ce qui le renforcera in fine. Le groupe Les Indépendants votera ce texte, sauf si les débats le vidaient de sa substance. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, sur plusieurs travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Franck Dhersin . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.) Ce texte est au coeur de la vie quotidienne de nos compatriotes : qui n'a jamais été touché par une grève de transports ?
Je sais combien notre tradition ouvrière et syndicale s'est organisée autour de mouvements sociaux massifs. Avant que certains n'intentent un procès en autoritarisme à la majorité sénatoriale, je réponds : sachons raison garder, ce texte n'est nullement une violation du droit de grève.
L'alinéa 7 du Préambule de 1946 garantit le droit de grève « dans le cadre des lois qui le réglementent ».
Dans sa décision du 25 juillet 1979, le Conseil constitutionnel a laissé au législateur la liberté d'opérer la nécessaire conciliation entre la défense des intérêts professionnels et la sauvegarde de l'intérêt général.
Cette liberté garantie doit aussi s'apprécier au regard des restrictions de déplacement des citoyens que nous représentons.
Toutes les travées s'accordent sur la nécessité d'un dialogue social de qualité. Malheureusement, pour réussir, il faut une volonté de toutes les parties.
Comme l'a dit le rapporteur, il y a, dans le secteur des transports, une culture de la grève : une grève tous les ans à la SNCF depuis 1947. Triste record. Voici une discipline où nous aurons la médaille d'or ! (Mme Cécile Cukierman et M. Fabien Gay protestent.)
Poussé à l'extrême, le droit de grève exerce une pression non proportionnée sur les conditions de circulation : grand nombre de personnes affectées, petit nombre de grévistes. Tout particulièrement lors de certaines périodes de pointe. Il n'est pas anormal de sanctuariser ces moments, quand le trouble occasionné à l'intérêt général n'est plus proportionné à la défense de l'intérêt des travailleurs. C'est tout le sens de cette proposition de loi.
D'autres pays, comme l'Italie, ont trouvé un point d'équilibre. Les précisions apportées en commission permettront de garantir la constitutionnalité de ce texte et de converger vers un tel équilibre.
Qui peut supporter les mêmes chantages à la grève à chaque Noël ? Quels parents acceptent que leur enfant rate un examen, faute de transport public ? Qui peut comprendre que des préavis de grève dormants aient été déposés jusqu'en 2040 ? Les Français réprouvent ces comportements dommageables.
Les grèves de 59 minutes, savamment décidées pour perturber toute une journée, ne sont pas acceptables : elles méritent d'être mieux encadrées. Le texte de la commission permettra aux opérateurs de bénéficier d'une information fiable sur les effectifs présents 72 heures à l'avance et mettra un terme à la technique des préavis dormants.
Il ne faut pas avoir honte de nous mettre au diapason d'autres réglementations européennes. Il revient au législateur de décider des modalités d'exercice du droit de grève.
Oui, nous sommes attachés au droit de grève, qui est constitutionnel. Oui, le texte est équilibré. Le groupe UC votera ce texte légitime et attendu. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)
Mme Raymonde Poncet Monge . - Après la proposition de loi Retailleau, celles de Stéphane Le Rudulier et celle de Roger Karoutchi, voici une énième proposition de loi qui s'attaque au droit de grève. Faute de pouvoir le faire frontalement, on se drape dans la défense du droit de voyager, d'assister aux JOP et d'entreprendre sans entrave...
Les ajouts en commission témoignent d'une volonté de détricoter le droit de grève. Même objectif que Nicolas Sarkozy en 2007 : lorsqu'il y a une grève, il ne faut pas que cela se voie.
Mais quand on légifère sans étude d'impact, sans concertation avec les partenaires sociaux, sans intention de favoriser un dialogue social de qualité, et en voulant contraindre une seule des parties prenantes, cela se voit.
N'en déplaise au Premier ministre, la grève respecte un dispositif très contraignant pour les deux parties : alarme sociale, période de dialogue social, constat de désaccord, deuxième moment de négociation, et enfin, préavis de grève. Seule une minorité d'alarmes débouchent sur un préavis de grève et c'est alors la marque de l'échec du dialogue social. Vous voulez dédouaner la partie patronale de cet échec. Mais alors, pourquoi les directions dialogueraient, si le droit de grève est devenu un droit de papier ?
Cette proposition s'inscrit dans la lignée de tout ce qui a porté atteinte au dialogue social, et notamment les lois Travail successives depuis 2016.
Or la grève, c'est aussi la résistance à la dégradation des conditions de travail. Voyez la RATP : moins d'embauches en CDI, plus de départs, plus de journées d'absence pour accidents du travail, augmentation du taux de rotation du personnel... Voilà le résultat de votre politique de dégradation d'un service public essentiel pour le droit à la mobilité.
Dans ce secteur, la grève n'est pas une habitude, mais la marque de l'échec du dialogue social. Les préavis avant les JO sont d'abord la conséquence de la proposition indigne de la RATP d'une prime de 15 euros... La droite voudrait empêcher une grève au nom du droit de participer aux JO. Il y a des limites à la collusion avec les directions des entreprises !
La non-continuité du service est due à un manque d'investissement et de maintenance, à la baisse des effectifs et à la perte d'attractivité des métiers à la suite du démantèlement des statuts.
La garantie d'un droit à la mobilité ne doit pas passer par une atteinte au droit de grève, qui fragilise les capacités de négociation de tous les travailleurs.
Les transports collectifs et le droit à la mobilité durable sont des objectifs majeurs pour les écologistes, également attachés à la justice sociale. Le GEST votera donc contre cette proposition de loi qui détricote le droit de grève. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)
Mme Marie-Claude Varaillas . - Pour la deuxième fois en moins d'un an, vous nous proposez de remettre en cause l'exercice du droit de grève dans les transports. C'est ainsi en France : on légifère à chaque turbulence.
En 2022, le TGV avait un taux de retard de 14,3 % ; en 2023, la ponctualité dans l'ensemble du ferroviaire s'est dégradée ; sur le RER B, pas une semaine sans incident ; la ligne Bergerac-Bordeaux subit régulièrement des retards. Nous voulons des transports qui fonctionnent toute l'année, y compris quand il n'y a pas de grève.
Quand le fret a dû se soumettre aux injonctions de Bruxelles, notre assemblée n'a rien fait - nous aurions pu le déclarer d'intérêt public. En matière de transport de voyageurs, nous aurions pu explorer les causes des difficultés de recrutement et de réservation. Au nom de la rentabilité financière et des réformes libérales, le statut des cheminots et l'entretien du réseau ont été abandonnés. Où sont les 100 milliards d'euros annoncés par Mme Borne ? Où en est la promesse d'une nouvelle donne ferroviaire ?
Partout où les transports ont été libéralisés, les conditions de transport des usagers - infrastructures, sécurité, tarifs - se sont dégradées. Les grévistes n'en sont pas la cause.
Aucun salarié ne fait la grève par plaisir, car il perd son salaire pour défendre son outil de travail et le service public.
Avec cette proposition de loi, nous ne sommes pas loin d'un calendrier fixant les dates auxquelles les salariés auraient le droit de faire grève.
Les grèves de 1936 ont permis les congés payés, le salaire minimum, l'encadrement du temps de travail et les grèves féministes des avancées sur l'égalité femmes-hommes et la constitutionnalisation du droit à l'IVG. Interdit sous Vichy, le droit de grève a été constitutionnalisé en 1946. Pensons aux canuts lyonnais et aux mineurs du Nord, morts pour sa conquête.
Les grèves sont la résultante de négociations absentes, mal menées ou qui éclatent lorsque la démocratie est bafouée, comme lors de la réforme des retraites. À trois mois des JO, ce texte est une provocation qui risque de mettre le feu aux poudres. Nous souhaitons tous que ces Jeux soient un succès, mais sans toucher aux droits sociaux.
Le droit de grève est constitutif de notre République.
En ne votant pas ce texte, le groupe CRCE-Kanaky apporte tout son soutien aux syndicats et à tous les grévistes qui se mobilisent pour le progrès social et écologique et pour les droits des travailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe SER)
M. Jean-Yves Roux . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'exercice du droit de grève est confronté à de nouveaux défis. Son affirmation comme droit constitutionnel n'a fait que s'atténuer, avec une interprétation extensive de l'intérêt général. Notre rôle en tant que législateur est de déterminer ses modalités d'exercice.
Sa définition dans le préambule de 1946 fait penser à un pouvoir de nuisance, qui contrarierait les autres droits. L'ambiguïté de cette proposition de loi est qu'elle prétend concilier le droit de grève avec les autres droits. Mais réduire la nuisance de la grève, c'est réduire sa raison d'être.
La suppression pure et simple de l'exercice de ce droit, même pour une période, est une ligne rouge que le RDSE refuse de franchir.
La grève est un moment particulier du dialogue social et intervient en dernier ressort. Voter ce texte, c'est amoindrir la capacité des salariés à peser sur la négociation collective. Si les outils des uns sont disproportionnés par rapport à ceux des autres, le système s'effondre, conduisant à des détournements du droit de grève. Oui, la grève doit rester un droit revendicatif et collectif.
Le législateur doit pouvoir apporter des limites au droit de grève pour assurer la continuité du service public. Cette proposition de loi a au moins le mérite d'apporter des réponses au recours abusif aux préavis dormants et aux grèves de 59 minutes.
Le droit de grève s'exerce dans un contexte en forte mutation. Le constituant nous autorise à le faire évoluer. Plus de dialogue social, peut-être plus en amont ; mais pas une suppression, même transitoire. Nous devons promouvoir la négociation qui doit bénéficier d'un minimum de temps, dans notre pays réputé conflictuel. Prenons le parti d'un modèle de régulation du social, mais ne soufflons pas sur les braises d'un contexte social tendu à la veille des JOP. Il faudra trouver de nouvelles formes d'expression des travailleurs, respectueuses des droits d'autrui. Supprimer le droit de grève n'est pas la solution.
Le RDSE votera à une large majorité contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST, du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)
M. Hervé Reynaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À nous de vous faire préférer le train, scandait la SNCF... Mais, depuis 1947, pas une année sans un jour de grève !
Le dispositif mis en place par la loi de 2007 a atteint ses limites. Candidats recalés d'office, Français empêchés de partir en vacances, voire de se rendre sur leur lieu de travail. Comment, dans ces conditions, inciter au report modal ? En février dernier, 64 % des Français considéraient que la grève pendant les vacances scolaires était un abus.
Notre rôle est de modifier l'arsenal législatif à l'aune des évolutions et des retours d'expérience. Nous devons trouver un nouvel équilibre entre droit de grève et droit à la mobilité. L'Italie l'a fait ; pourquoi pas nous ?
Je salue Hervé Marseille, auteur de cette proposition de loi et notre rapporteur Philippe Tabarot qui a su mener un débat vif, mais sincère.
La région Auvergne-Rhône-Alpes vient de voter un voeu en ce sens.
Le droit constitutionnel de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le régissent. S'il est un moyen et non une fin, il doit arriver en dernier recours, lorsque la négociation n'a pas abouti. La législation française est insuffisante pour encourager le dialogue social. Cela permet à des collectifs de créer des situations de quasi-blocage.
Nous souscrivons donc aux objectifs de ce texte. La commission a adopté des amendements pour garantir la constitutionnalité du texte, éviter les abus - notamment les préavis dormants - et garantir un service minimal pour les déplacements du quotidien.
Abordons sereinement ce débat pour ne pas renvoyer au monde entier l'image d'un pays à l'arrêt. Cette proposition de loi devrait permettre une réconciliation entre usagers et grévistes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Discussion des articles
Article 1er
Mme Raymonde Poncet Monge . - Cet article est très probablement inconstitutionnel, puisqu'il conduit à interdire l'exercice du droit constitutionnel de grève.
C'est un article inique, car il ne contraint qu'une seule partie, les salariés, dont les capacités de négociation sont bridées.
Permettre de suspendre le droit de grève « pendant les événements d'importance majeure » - c'est flou - dévoile l'intention : il s'agit de brider les capacités de négociation des travailleurs en rendant la grève inoffensive et d'ouvrir la voie au détricotage du droit du travail.
Les travailleurs négocient actuellement pour l'amélioration de leurs conditions de travail pendant les JOP et des compensations justes. Mais ce texte n'en a que faire.
M. Philippe Grosvalet . - Le désordre et le chaos, tel est le fantasme associé de tout temps au droit de grève, d'autant plus lorsqu'il s'agit des services publics. En 1948, l'Action ouvrière, proche du RPF du général de Gaulle, considérait que la grève dans les services publics essentiels à la nation n'était pas admissible.
Selon le ministre de l'économie, en réponse à notre collègue Yves Détraigne en 2018, les grèves ne coûtent pas plus de 0,1 à 0,3 point de PIB trimestriel et ces périodes sont souvent suivies d'un rebond qui en annule les effets. Bon an mal an, on compte une journée de grève par an et par agent. En 2018, année record depuis 1968, il y a eu cinq journées de grève par agent.
La grève est source de progrès sociaux et économiques : semaine de 40 heures, congés payés, et retraites notamment. Le progrès social est source de progrès économique. Voilà pourquoi nous devons reconnaître le droit de grève comme un bien commun inaliénable. Chacun a le droit d'y recourir sans jamais en abuser. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes SER et CRCE-K)
Mme Cécile Cukierman . - Ce texte est une violente attaque contre tous ceux qui se sont battus pour améliorer les conditions de travail. C'est parce qu'il y a eu les grèves de 1936 que nous pouvons aujourd'hui nous poser la question : faut-il faire grève le jour du départ en congés payés ? Vous pouvez sourire, mais les exemples sont nombreux, et mes collègues me les soufflent : dockers du Havre, mineurs du Pas-de-Calais... Les luttes sur la façon dont on se rend au travail ont fait l'histoire de notre République.
Oui, nous rencontrons quotidiennement des femmes et des hommes qui veulent se déplacer en toute sérénité. Il existe une exigence de la régularité des transports. Or les conditions des transports du quotidien se sont dégradées. Dans la Loire, sur l'une des lignes de TER les plus fréquentées de France, nous connaissons chaque semaine retards et annulations de trains. Le problème, ce ne sont pas les salariés, mais les infrastructures. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER, du GEST et du RDSE)
M. Michel Savin . - Je dirai tout le contraire de ma collègue. (Mme Cécile Cukierman s'exclame.) Certes, nous partageons le constat d'une situation dégradée des transports. Mais peut-on prendre en otage des milliers de Français qui se sont sacrifiés pour acheter des billets et assister à des compétitions, tout comme des milliers de touristes étrangers ? (Mme Cécile Cukierman proteste.) Nous risquons de donner une image catastrophique de notre pays. Cette grande fête populaire et sportive se déroule une fois tous les 100 ans !
Le Gouvernement ne pourra pas dire qu'il ne savait pas ; il doit prendre ses responsabilités et inscrire ce texte à l'ordre du jour à l'Assemblée nationale en mai ou en juin. J'espère que vous aurez ce courage politique, Monsieur le ministre.
M. Hervé Gillé . - À force de parler ainsi, vous allez susciter les grèves. Nous devons créer un climat de confiance. Or vous faites l'inverse. (M. Didier Mandelli proteste.) Cette proposition de loi est d'une grande maladresse.
Jusqu'à présent, votre camp prônait la négociation des droits au sein des conventions collectives : vous vous reniez... Vous faites référence à l'Italie, mais là-bas les négociations ont abouti à un accord, avec des contreparties salariales.
Vos propositions sont contre-productives et vous agitez inutilement un chiffon rouge. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Fabien Gay . - Avec un peu de solennité, dans notre pays qui a connu le Bataclan, comparer les salariés qui font grève à des terroristes (on s'interroge à droite), à des preneurs d'otages, n'est pas acceptable. (Mme Marianne Margaté applaudit, M. Philippe Grosvalet approuve également.)
Mme Catherine Di Folco. - Il ne faut pas exagérer !
M. Fabien Gay. - J'ai entendu dire qu'on pouvait faire grève par culture ou par plaisir. Mais les travailleurs qui perdent une partie voire la totalité de leur salaire pour l'intérêt général ne le font pas par plaisir !
Cette proposition de loi n'ira même pas à l'Assemblée nationale : elle ne réglera donc pas le problème des transports pendant les JO. Le problème, c'est celui du sous-investissement. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du RDSE)
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Supprimer cet article.
M. Olivier Jacquin. - Nous nous opposons à la restriction du droit de grève dans les transports publics de voyageurs. Un cadre existe déjà : alerte sociale, préavis de grève, déclaration individuelle, plan de transport, plan d'information des usagers, entre autres. Il permet de mettre en place un service certes réduit, mais prévisible.
Une concertation avec les partenaires sociaux est un préalable à toute modification de notre législation sur le droit de grève. Le faire via une proposition de loi risque, dans un contexte de malaise social grandissant, d'attiser les tensions. Supprimons cet article.
M. le président. - Amendement identique n°11, présenté par MM. Fernique et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
M. Jacques Fernique. - La commission a réduit de moitié le dispositif initialement prévu. Néanmoins, cet article sera très probablement censuré par le juge constitutionnel, car il supprime un droit essentiel. En outre, cette proposition de loi ne correspond nullement au modèle italien qu'elle prétend transposer.
M. le président. - Amendement identique n°18 rectifié, présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Laouedj et Masset et Mme Pantel.
M. Philippe Grosvalet. - Le droit de grève a une valeur constitutionnelle qui exige la plus grande prudence. Ce véhicule législatif, sans étude d'impact, est inadapté. Le timing, la forme et les réponses apportées ne sont pas les bonnes.
M. Demilly a fait allusion à Mme Béchu...
Plusieurs voix à droite. - Michu ! (Sourires)
M. Philippe Grosvalet. - Il ne faisait probablement pas référence à la Mme Michu de Balzac, mais à celle inventée par les publicitaires pour représenter la Française moyenne, avec un certain mépris de classe. Fort heureusement, les millions de MM. et Mmes Michu, qui n'ont plus les moyens de faire grève, sont heureux et fiers que d'autres puissent les défendre à leur place.
M. Olivier Paccaud. - Je n'en suis pas sûr !
M. le président. - Amendement identique n°25, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
M. Pascal Savoldelli. - Si M. Le Rudulier était encore présent, je lui demanderais si son Américaine à Paris était gréviste... Aux États-Unis, les grévistes du secteur automobile ont obtenu 25 % d'augmentation de salaire !
Fabien Gay a rappelé que l'image de la prise d'otages était à manier avec prudence.
Les centristes auraient aussi pu nous parler de la grève fiscale ! La grève serait catastrophique, car elle nous ferait perdre entre 10 et 15 millions d'euros ? Mais selon l'Insee, il nous manquerait entre 20 et 25 milliards d'euros de recettes publiques chaque année. Alors, supprimons cet article et décidons plutôt d'interdire la grève fiscale ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Le cadre de prévisibilité des conflits sociaux existe, mais il est inadapté : le dialogue social n'est plus le préalable à la grève et aucun service minimum n'est garanti dans les transports. L'exemple italien fonctionne, ne vous en déplaise. La commission a amélioré la constitutionnalité du texte en limitant la durée des périodes concernées, en ne visant que les personnes concourant directement au fonctionnement du service, et en transformant les sanctions pénales en sanctions disciplinaires.
Enfin, en tant que rapporteur de la loi Climat et résilience et de celle sur les services express régionaux métropolitains (Serm) et en tant que rapporteur pour avis des crédits sur les transports ferroviaires, j'ai à coeur de développer les transports collectifs. Mais cela n'exclut pas de limiter les effets négatifs des grèves qui contribuent, elles aussi, à la dégradation de la qualité du service. Avis défavorable.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Sagesse.
Sur l'Italie, un accord entre les partenaires sociaux a précédé la loi.
Avec mon homologue allemand, la semaine dernière, nous faisions le constat de la dégradation du réseau ferroviaire partout en Europe.
Nous pouvons nous réjouir de l'augmentation du budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), de la régénération du réseau ferroviaire et des RER métropolitains. Il faut soutenir ce type de projet.
Les amendements identiques nos2, 11, 18 rectifié et 25 ne sont pas adoptés.
L'article 1er est adopté.
Article 2
Mme Raymonde Poncet Monge . - Il y a des textes dont le seul but est de tromper. Ici, on fait croire aux travailleurs que l'on va améliorer les transports en s'attaquant au droit de grève. Votre cauchemar, ce sont des syndicats capables de négocier. La source de ce mauvais rêve, ce sont les préavis dormants. Mais c'est la rigidité du dispositif qui les impose, comme on l'a vu pendant la mobilisation contre les retraites.
Les préavis dormants menaceraient les JOP ? Non ! C'est une alerte sociale, faute d'ouverture d'une négociation sincère par la direction.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Supprimer cet article.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Cet article vise à empêcher les préavis dormants en limitant à 30 jours le délai de préavis. C'est excessif.
D'après le rapporteur, ces préavis seraient utilisés pour des raisons individuelles, sans que ces affirmations puissent être vérifiées. Mais dans toute organisation sociale, il existe des passagers clandestins : ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain.
Ces préavis de longue durée sont un outil légitime lorsque les négociations sont au point mort. Supprimons cet article.
M. le président. - Amendement identique n°12, présenté par MM. Fernique et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
M. Jacques Fernique. - Ces préavis de grève de longue durée suscitent des légendes urbaines, ou plutôt ferroviaires. Certains préavis courraient jusqu'en 2040 ou 2045 - je demande à voir. Nous avons besoin d'un diagnostic partagé sur ces préavis. Chez SUD-Rail, il y aurait deux préavis dormants depuis 2017. Pour la CGT, le plus ancien date de 2019.
Si cet article 2 était adopté, en quoi permettrait-il d'atteindre les objectifs visés ? C'est un jeu des gendarmes et des voleurs dont on ne sortira pas.
M. le président. - Amendement identique n°20 rectifié, présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Laouedj et Masset et Mme Pantel.
M. Philippe Grosvalet. - Selon la Cour de cassation, un préavis de 30 jours complexifierait le droit de grève, en obligeant les organisations syndicales à entrer dans une logique cyclique. Cette temporalité ne correspond pas toujours aux autres parties prenantes du conflit social. Voilà pourquoi nous souhaitons supprimer cet article.
M. le président. - Amendement identique n°26, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
M. Jean-Pierre Corbisez. - Votre problème avec les préavis de 30 jours, c'est que vous risquez de devoir négocier avec les syndicats pendant tout ce temps, c'est long si vous n'en avez pas l'habitude. Alors voilà une sorte de 49.3 pour faire taire les syndicats.
C'est contradictoire, d'un côté vous vous plaignez qu'il y a trop de grèves, et ici vous obligez les agents à faire grève lorsqu'ils l'annoncent.
Le pouvoir de nuisance des grèves perlées vous dérange. Vous voulez des grèves qui ne dérangent pas, des grèves silencieuses, comme le président de la République d'alors, un certain Nicolas Sarkozy, qui a fait beaucoup contre le droit de grève - service minimum en 2007, enseignants en 2008.
Mais qui saccage les transports publics ici ? Les grévistes ? Non, les politiques d'austérité du Gouvernement dont vous devenez complices.
Pour les pénuries de personnels dans les hôpitaux ou l'éducation nationale, nul besoin de préavis, cela dure toute l'année.
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Les préavis dormants sont un contournement du droit de grève. Nous ne les avons pas inventés, ils existent ! Par exemple, vingt conducteurs de métro les utilisent, en moyenne.
Ils contournent la période de négociation, à laquelle nous sommes tous attachés. Ils désorganisent en profondeur les services de transport public. Ils sont utilisés par des collectifs non-syndiqués, pour des mouvements parfois sans lien évident avec le préavis déposé.
Limitons donc les préavis dans la durée. Rien n'interdira aux organisations syndicales de déposer de nouveaux préavis au bout de trente jours, ce qui permettra d'engager une nouvelle étape du dialogue social.
Autre chiffre intéressant : pour le réseau de bus RATP, les préavis illimités ont empêché la couverture de 2,3 millions de kilomètres pour la simple année 2023...
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Sagesse.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Depuis 2007, une procédure existe, contraignante pour les deux parties. Les syndicats n'y étaient pas défavorables, puisque cela permet d'informer et de s'organiser.
Il suffirait de redéposer un préavis, dites-vous ? Mais l'alarme sociale ne peut pas être déposée deux fois pour le même motif. Pour le coup, ce serait un détournement.
Les préavis dormants permettent de tenir l'alarme sociale jusqu'à ce qu'un accord ait été trouvé entre les deux parties.
Les amendements identiques nos3, 12, 20 rectifié et 26 ne sont pas adoptés.
L'article 2 est adopté.
Article 3
Mme Raymonde Poncet Monge . - La commission poursuit son travail de sape avec l'article 3, qui allonge les délais de déclaration à 72 heures et de rétractation à 48 heures : celle-ci devrait donc avoir lieu avant la grève - c'est particulier ! Quoi de mieux pour briser les grèves que de donner du temps aux directions pour séparer les salariés ?
Rafael Pagan, chez Nestlé, disait : « coopérez avec les réalistes, dialoguez avec les idéalistes pour les convertir en réalistes, isolez les radicaux et avalez les opportunistes. » Voilà l'objectif !
Cette disposition n'a pas vocation à faciliter la négociation collective, mais à l'empêcher. Elle manque dès lors l'objectif d'améliorer les services de la RATP.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Supprimer cet article.
M. Hervé Gillé. - Le rapport de la commission souligne que les délais actuels de 24 heures et 48 heures sont trop courts pour que les autorités organisatrices de transport puissent adapter l'organisation du service - c'est l'avis de l'Union des transports publics et ferroviaires, mais pas des organisations représentatives des salariés, pour qui cet allongement donne plus de temps aux employeurs pour briser les grèves grâce à des personnes extérieures.
Il n'est pas prouvé que le fait de porter le délai de prévenance à 72 heures aura des conséquences sur la continuité du service.
M. le président. - Amendement identique n°13, présenté par MM. Fernique et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
M. Jacques Fernique. - Ce changement du délai de prévenance permet de dissuader les salariés d'exercer leur droit de grève, en leur laissant moins de temps pour se décider.
Plutôt que de jouer sur le curseur du délai, il faudrait plutôt veiller au bon fonctionnement du régime issu de la loi de 2007
M. le président. - Amendement identique n°21 rectifié, présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Laouedj et Masset et Mme Pantel.
M. Philippe Grosvalet. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°27, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
M. Gérard Lahellec. - Une nouvelle fois, vous montrez vos contradictions en incitant à la grève plutôt qu'à la négociation.
Les dispositions prévues actent en réalité par avance l'échec de la négociation, qui peut trouver un aboutissement jusqu'à la grève.
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur la loi de 2007 instituant la procédure de déclaration individuelle, a considéré que le délai apporté à l'exercice du droit de grève n'était pas disproportionné au regard de l'objectif poursuivi par le législateur. Un aménagement de vingt-quatre heures me paraît nécessaire et proportionné.
Il a été question précédemment du fiasco du Stade de France. Avec un délai de prévenance de 72 heures, les conséquences sur les transports en commun n'auraient pas été si déplorables... (Marques d'approbation à droite ; M. Hervé Gillé fronce les sourcils ; M. Fabien Gay secoue la tête.) L'information, c'est la base ! C'est ce qu'a considéré la commission : comment bâtir un plan de transport sûr et bien dimensionné et fournir une information fiable si l'on ne sait pas qui fait grève ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Sagesse.
Les amendements identiques nos4, 13, 21 rectifié et 27 ne sont pas adoptés.
L'article 3 est adopté.
Article 4
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Supprimer cet article.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Ce nouvel article, qui impose que la grève commence au début et se termine à la fin du service interdit de fait toute grève de courte durée, que l'Union des transports publics et ferroviaires juge illégitime. Mais les organisations syndicales considèrent, au contraire, que ce type de préavis appartient au cadre général.
Le cadre de prévention des conflits et de dialogue social permet déjà de mettre en place un service, certes réduit, mais prévisible.
Toute modification de notre législation sur notre droit de grève nécessite en outre une concertation avec les partenaires sociaux. Cette législation ne peut en aucun cas être modifiée par le biais d'une proposition de loi qui prive le Parlement d'étude d'impact et d'avis du Conseil d'État.
M. le président. - Amendement identique n°14, présenté par MM. Fernique et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
M. Jacques Fernique. - Prenons garde à cet article 4, dont je doute qu'il soit opérant : l'appréciation par l'employeur d'un « risque de désordre manifeste à l'exécution du service public » ne sera pas facile.
Ce que nous a dit la RATP en audition, c'est que les grèves de 59 minutes se voient peu sur l'offre de service, mais que la baisse de salaire qui en résulte pour les grévistes ne couvre pas la baisse d'activité associée. Cet article est mal ficelé.
M. le président. - Amendement identique n°22 rectifié, présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Laouedj et Masset et Mme Pantel.
M. Philippe Grosvalet. - Il y a plusieurs façons de faire grève ; mais aucun salarié ne fait grève par plaisir. La grève est génératrice de fraternité et même de créativité... (On ironise à droite.) Pourquoi ne se serait-elle pas adaptée aux circonstances économiques nouvelles ? La grève perlée est une façon moderne (Murmures désapprobateurs à droite) de faire grève sans agir trop fortement sur les ressources des grévistes !
M. le président. - Amendement identique n°28, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Mme Céline Brulin. - Votre tentative de rendre votre proposition de loi conforme à la Constitution frise le ridicule à travers cet article inopérant.
Tout d'abord, cela revient à dire aux salariés que s'ils ne travaillent pas, personne ne s'en apercevra... Il y a des manières plus élégantes de développer le dialogue social !
De plus, vous interdisez certaines formes de grève, ce qui conduira à allonger la durée des grèves. Des grèves de douze heures seront possibles, et des grèves de deux heures ne le seraient pas ! Allez expliquer aux usagers que c'est pour leur rendre service... Je vous souhaite bon courage.
Le droit de grève est déjà limité ; si vous le contraignez encore plus, d'autres formes de colère, de révolte ou de manifestations risquent de survenir, beaucoup plus difficiles à canaliser. Cela réveille peut-être des souvenirs...
Enfin, monsieur le rapporteur, dire que c'est la grève qui a conduit au chaos que nous avons connu après la finale de la Ligue des champions, c'est un peu fort de café ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe CRCE-K)
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Monsieur Grosvalet, je ne sais pas ce qu'est une grève moderne - je vois dans la grève perlée un contournement de la loi de 2007. Est-ce être moderne que de faire grève 59 minutes pour désorganiser au maximum le service ?
Cette disposition ne pourrait être appliquée qu'en cas de risque de désordre manifeste à l'exécution du service public et uniquement aux salariés concernés par l'obligation de déclaration individuelle - ceux qui sont indispensables au fonctionnement du service selon le plan de prévisibilité.
L'objectif n'est pas d'interdire totalement les grèves de 59 minutes, mais de les encadrer. Avis défavorable.
M. Jacques Grosperrin. - Très bien !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Sagesse.
Les amendements identiques nos5, 14, 22 rectifié et 28 ne sont pas adoptés.
L'article 4 est adopté.
Article 5
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Supprimer cet article.
Mme Nicole Bonnefoy. - Cet article, issu d'un amendement de M. Mandelli, étend le texte à la desserte maritime des îles françaises.
Une concertation avec les partenaires sociaux est un préalable indispensable. Il existe sans doute des spécificités propres à ces transports maritimes ; il ne faut pas plaquer sur eux des dispositions prévues pour le transport terrestre. Concernant un droit constitutionnellement garanti, la négociation est indispensable.
La loi du 21 août 2007, dite loi Bertrand, avait exclu de son champ d'application les transports aérien et maritime. S'il faut inclure ce dernier, cela ne peut en aucun cas passer par une proposition de loi, sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État.
M. le président. - Amendement identique n°15, présenté par MM. Fernique et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
M. Jacques Fernique. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°23 rectifié, présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Laouedj et Masset et Mme Pantel.
M. Philippe Grosvalet. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°29, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
M. Pierre Barros. - Puisque nous parlons du transport maritime, pourquoi le transport aérien reste-t-il écarté du dispositif ? Est-ce par crainte de mettre le feu à des modes de transport ayant des répercussions internationales plus lourdes ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Nous avons considéré que la loi Diard et la loi Capo-Canellas que nous avons votées sur les contrôleurs aériens couvraient le sujet du transport aérien - lequel compte peu de lignes de service public.
La commission a estimé que l'absence d'intégration du transport maritime créait des inégalités entre les territoires. Comment justifier que certains de nos concitoyens n'aient pas le même droit de disposer d'une information fiable pour leurs déplacements les jours de grève ?
Nous avons été interpellés à ce sujet par la compagnie Océane qui dessert les îles bretonnes, dont les salariés peuvent se déclarer grévistes le jour même. Avis défavorable.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Sagesse.
Les amendements identiques nos6, 15, 23 rectifié et 29 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°10 rectifié, présenté par MM. Mandelli et Anglars, Mme Lavarde, MM. H. Leroy et Sol, Mme Josende, MM. Karoutchi et Piednoir, Mme Aeschlimann, M. Chaize, Mme Petrus, MM. Burgoa, Milon, Reynaud et Bouchet, Mmes Valente Le Hir, Deseyne et Lassarade, M. D. Laurent, Mmes M. Mercier et Chain-Larché, M. P. Martin, Mmes Gruny et Gosselin, M. Savin, Mme Dumont et MM. Panunzi, Brisson, Lefèvre, de Nicolaÿ, Saury, Belin, Favreau, Bruyen, Sido, Genet et C. Vial.
Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article L. 1821-5, il est inséré un article L. 1821-5-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1821-5-.... - Pour l'application à Mayotte de l'article L. 1222-1, les mots : "la desserte des îles françaises mentionnés à l'article L. 5431-1" sont remplacés par les mots : "les liaisons entre la Grande-Terre, la Petite-Terre et les autres îles et îlots situés dans le récif les entourant". » ;
...° L'article L. 1821-8 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 1821-8. - Pour l'application à Mayotte de l'article L. 1324-1, les mots : "la desserte des îles françaises mentionnés à l'article L. 5431-1" sont remplacés par les mots : "les liaisons entre la Grande-Terre, la Petite-Terre et les autres îles et îlots situés dans le récif les entourant". »
M. Didier Mandelli. - Cet amendement étend à Mayotte les dispositions de l'article 5. La France a le deuxième domaine maritime du monde : cela mérite de s'y intéresser.
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Avis favorable. Comme vous l'avez remarqué avec M. Omar Oili, Mayotte n'était effectivement pas directement citée, alors que le transport maritime est l'unique mode de transport entre Grande-Terre et Petite-Terre.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Sagesse.
L'amendement n°10 rectifié est adopté.
L'article 5, modifié, est adopté.
Article 6
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Supprimer cet article.
M. Olivier Jacquin. - Les causes de la dégradation de la qualité des transports du quotidien sont connues de tous : mauvais entretien du réseau, manque de chauffeurs... Les grèves n'en sont en aucun cas responsables. Souvent, elles dénoncent d'ailleurs le manque de moyens et de personnel, ou les efforts demandés sans contrepartie salariale. Une réduction du droit de grève n'améliorera pas les conditions de transport.
M. le président. - Amendement identique n°16, présenté par MM. Fernique et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
M. Jacques Fernique. - Cet article 6 complète l'article 1222-3 du code des transports par ces cinq mots : « notamment aux heures de pointe ». Faut-il vraiment le préciser dans la loi ?
M. le président. - Amendement identique n°24 rectifié, présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Laouedj et Masset et Mme Pantel.
M. Philippe Grosvalet. - Le cadre de prévisibilité des conflits sociaux existe déjà : alerte sociale, permis de grève, plan de transport adapté... sans doute faut-il affiner certains dispositifs, mais cela suppose un dialogue en amont avec les partenaires sociaux. Or cette concertation n'a pas eu lieu, les conséquences de cet article sont floues, et quand c'est flou...
M. le président. - Amendement identique n°30, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
M. Ian Brossat. - Si tant de nos concitoyens sont confrontés à la galère dans les transports, c'est le résultat d'un sous-investissement qui ne date pas d'hier.
Ce débat est malaisant. À travers chaque article, on cible une partie de la population : les cheminots. Ce populisme est dangereux ; je ne suis pas persuadé que le jugement des Français sur les sénateurs serait plus favorable que sur les cheminots, par exemple...
M. Franck Dhersin. - Parlez pour vous !
M. Ian Brossat. - À trop jouer avec le feu, on finit par se brûler.
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Sagesse.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Les heures de pointe, ce sont les trajets vers et depuis le travail, seule priorité ; mais la société s'est précarisée, et les trajets vers le travail ont désormais lieu toute la journée !
Puisque vous vous abritez derrière la défense du droit des travailleurs à aller au travail, mieux vaut une bonne négociation dès l'alarme sociale, pour que les plus précaires puissent, eux aussi, aller travailler.
Les amendements identiques nos7, 16, 24 rectifié et 30 ne sont pas adoptés.
L'article 6 est adopté.
Article 7
Mme Raymonde Poncet Monge . - Cet article prévoit la réquisition du personnel en grève s'il n'y a pas assez de non-grévistes : la boucle est bouclée ! C'est la voiture-balai ! Si les précédents articles n'ont pas empêché les salariés de faire grève, on les réquisitionne, en s'accommodant d'un service dégradé plutôt que de mener un dialogue. Les usagers et les touristes étrangers ont bon dos, alors que le métier est en crise et qu'il faut renouveler le matériel.
Il faut peu emprunter le RER pour croire que les grèves sont la cause des dysfonctionnements. Sur le RER B, en 2021, il y a eu 151 heures de perturbations pour panne de signalisation, presque autant pour panne de matériel, 70 heures pour panne électrique, 22 heures pour incidents techniques, 38 heures pour panne de caténaire... Au total, 600 heures de perdues, bien plus que pour les grèves. (M. Laurent Duplomb s'exclame.)
Avec cet article, vous empêchez tout simplement la grève, au lieu de résoudre les problèmes.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Supprimer cet article.
M. Olivier Jacquin. - Cet article, c'est le bouquet ! En cas de grève, le service minimum garanti serait assuré par réquisition sur injonction de l'AOM.
Le cadre de prévisibilité des conflits sociaux permet déjà un service réduit, mais prévisible. La réquisition n'améliorera pas le trafic en cas de grève. Au contraire, le chiffon rouge qu'elle représente attisera les tensions. Tout cela semble peu opérant...
M. le président. - Amendement identique n°17, présenté par MM. Fernique et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
M. Jacques Fernique. - Cet article, introduit en commission, dépasse largement l'ambition initiale du texte. Même ce que les employeurs ne demandent pas, vous l'ajoutez ! La direction de la SNCF considère que ce serait une déclaration de guerre et que la conduite par des agents contraints serait contraire aux exigences de sécurité.
En outre, faire des autorités organisatrices des acteurs du conflit social est problématique : êtes-vous prêts à assumer une géométrie variable selon les territoires ? Est-ce un gage de négociation ?
Cet article est sans doute destiné à sauter lors d'une hypothétique CMP...
M. le président. - Amendement identique n°19 rectifié, présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Laouedj et Masset et Mme Pantel.
M. Philippe Grosvalet. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°31, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
M. Pierre Barros. - Celles et ceux qui ont eu à mettre en place un service minimum dans les collectivités sans casser la grève - objectif affiché de cette loi - connaissent la difficulté de l'exercice.
Constitutionnellement, réquisitionner des grévistes atteint un sommet : vos intentions se dévoilent.
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - L'objet de cet article 7 est de parer aux situations les plus critiques, uniquement lorsque le niveau minimal de service n'est pas atteint durant trois jours consécutifs, ce qui encadre suffisamment le dispositif. On est loin du service normal.
C'est le dernier levier à activer, sous conditions strictes. Il devrait être rarement utilisé.
Monsieur Fernique, seuls les personnels indispensables sont concernés. Un tel dispositif est prévu pour le contrôle aérien, notamment pour éviter l'isolement de la Corse et des collectivités ultramarines. Il en est de même pour des sociétés chargées des signaux de radio et de télévision. Le prévoir pour les transports publics, comme le proposait en commission Daniel Gueret, n'est pas aberrant. (M. Daniel Gueret apprécie.)
Les contraintes à Paris et Mulhouse ne sont pas les mêmes : aux AOM d'apprécier. Avis défavorable.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Sagesse. Les JOP ont été souvent invoqués. Le Gouvernement fait confiance aux directions et aux syndicats pour défendre l'image de la France à cette occasion ; cela peut être une opportunité de valoriser ces entreprises, qui font aussi gagner la France.
Les amendements identiques nos8, 17, 19 rectifié et 31 ne sont pas adoptés.
L'article 7 est adopté.
Vote sur l'ensemble
M. Philippe Grosvalet . - J'évoque régulièrement le dynamisme économique et industriel de Saint-Nazaire, ma ville, où les Chantiers de l'Atlantique et Airbus contribuent au rayonnement de la France et à sa balance commerciale. Si nous avons le dernier grand chantier naval civil en France, qui invente le transport maritime de demain avec les navires à voiles, qui produira notre futur porte-avions, nous le devons à notre génie, mais aussi à notre histoire et à nos innovations sociales et sociétales, nées des conflits sociaux.
En 1967, le petit garçon de 9 ans que j'étais a vu une grève de 62 jours consécutifs. Imaginez l'effort consenti de ces femmes et hommes, parfois au détriment de leur famille, mais pour l'intérêt général et l'avenir de leur entreprise !
Faisons confiance aux acteurs sociaux et à la loi. La grève est l'ultime recours lorsque le dialogue social est rompu. Ne jetons pas de l'huile sur le feu, ne votons pas ce texte contraire à notre histoire, qui plongera le pays dans un désordre dont les auteurs prétendent nous protéger. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST, des groupes SER et CRCE-K ; M. Bernard Buis applaudit également.)
M. Hervé Gillé. - Très bien !
Mme Raymonde Poncet Monge . - Cette envolée est très juste.
Toute cette proposition de loi tend à empêcher syndicats et salariés d'user du dernier recours en cas d'échec du dialogue social. Vous finissez avec un dernier recours offert à la direction à l'article 7. Qui demande la réquisition ? Vous vous êtes laissés entraîner par votre logique antigrève, empêchant le rapport de force de s'installer en cas de l'échec du dialogue social, qui est un échec des deux parties. (Murmures à droite)
Pour préserver les JO, j'attends l'article 8, qui exigera de la direction un retour responsable au dialogue.
M. Pierre Jean Rochette . - (Se tournant vers la gauche de l'hémicycle) Vous avez dit plusieurs fois qu'on ne faisait pas grève par plaisir ; j'en conviens. Vous nous parlez du déficit d'investissement ; c'est, là encore, une évidence, mais ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui.
L'immense majorité des Français pense qu'il y a un abus du droit de grève, qui les contraint dans leur vie quotidienne. Pas un ne niera ce fait.
Ce texte n'est pas contre le droit de grève ; il l'adapte pour le concilier avec d'autres droits constitutionnels : aller et venir, entreprendre, commercer. Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC ; M. Olivier Rietmann applaudit également.)
M. Pierre Barros . - Nous voterons contre cette proposition de loi. Il y a, à la base, un problème de droit constitutionnel ; je rappelle le rapport Mandelkern de 2004.
Il y a, ensuite, un problème de cible : les grèves sont la dernière cause des dysfonctionnements des transports, bien après le déficit chronique d'investissement : les infrastructures, créées au XIXe siècle, n'ont souvent pas évolué depuis des décennies. L'ouverture à la concurrence a aussi dégradé le service : ceux qui prennent le train depuis 30 ans ont pu le constater, alors que la population francilienne est passée de 8 à 12 millions d'habitants.
Enfin, le dialogue social doit être paritaire et équilibré. Sans cela, ça craque.
M. Hervé Marseille . - Je remercie l'ensemble des intervenants dans ce débat très riche. On a parlé du droit de grève, mais beaucoup moins des autres droits de niveau égal : circuler, entreprendre. Il y a ceux qui font grève, et les autres - mais tout s'est passé comme s'ils n'existaient pas !
Si j'ai déposé ma proposition de loi, c'est qu'il y a des abus. On convoque Léon Blum et les congés payés... mais encore faut-il pouvoir en profiter !
En décembre 2022, en février dernier, qui a lancé les grèves ? Pas les syndicats, mais des comités politisés ! (MM. Pierre Barros et Fabien Gay s'exclament.)
Les grèves issues de l'échec d'un dialogue social concernaient des revendications pour l'ensemble des salariés, pas pour une catégorie - au contraire de celles que je vise.
Monsieur le ministre, comme d'autres avant vous, vous invitez à ne pas en parler, de peur que cela déclenche la colère. Mais si le Parlement ne peut plus parler, où va-t-on ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Vous appelez au dialogue social. Mais qui est le patron ? C'est vous, pas M. Farandou ! Rendez-vous dans les mois prochains : j'espère un dialogue social de qualité. (Mêmes mouvements)
M. Olivier Jacquin . - Je suis ravi d'intervenir après Hervé Marseille qui, en parlant des collectifs nouveaux, a révélé la raison d'être de sa proposition de loi épidermique et caricaturale.
C'est pourtant par le dialogue social qu'on trouvera des solutions. (Mme Sophie Primas le confirme.)
Il y a eu des positions variées dans cet hémicycle : des caricatures, mais aussi des propos courageux, comme ceux du ministre. (Rires à droite)
M. André Reichardt. - Ça, on l'a vu !
M. Olivier Jacquin. - Cela me rappelle 2018, quand la majorité parlementaire a eu le scalp des statuts. Cette proposition de loi qui agite le chiffon rouge aura l'effet inverse de celui qu'elle vise. Elle n'ira pas à l'Assemblée nationale...
Mme Sophie Primas. - Pour ce qu'elle fait !
M. Olivier Jacquin. - Il faut investir dans les réseaux, retrouver l'introuvable plan à 100 milliards d'euros. Nous voterons résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Barros applaudit également.)
M. Guillaume Gontard . - Le GEST votera évidemment contre ce texte.
Qu'avons-nous fait, pendant ces trois heures ? (« Quatre ! » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Didier Mandelli montre le chiffre quatre avec ses doigts.)
M. Jacques Grosperrin. - Palabrer !
M. Guillaume Gontard. - Nous aurions pu parler du ferroviaire, des mobilités, des territoires ruraux, chercher des solutions pour financer les infrastructures, problèmes qui assignent nos concitoyens à résidence.
Mais non, nous avons passé tout ce temps à stigmatiser les grévistes, à attiser les tensions sociales, qui plus est sur un texte sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État, qui s'assoit sur notre Constitution et sur notre histoire.
Tout cela n'est pas sérieux. Au Luxembourg, la dépense ferroviaire par habitant atteint 607 euros ; en Allemagne, elle est de 124 euros ; en France, c'est 45 euros... Dans les territoires ruraux, nos concitoyens attendent des TER qui partent et arrivent à l'heure. Chez moi, récemment, le train n'est pas parti par deux fois, l'une faute d'essuie-glaces, l'autre de contrôleur.
Ces enjeux sont financiers. Au lieu de les traiter, nous avons perdu du temps ! (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Frédérique Puissat . - Je remercie Hervé Marseille pour cette proposition de loi et le rapporteur Tabarot pour son expertise, qui a permis d'enrichir le texte. Celui-ci est respectueux des équilibres : la grève est un droit, mais circuler, entreprendre ou partir en congés en sont aussi. Le groupe Les Républicains votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)
À la demande du groupe CRCE-K, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°172 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l'adoption | 211 |
Contre | 112 |
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Je remercie le président Marseille pour son courage et le président Retailleau pour son soutien sans faille. Merci aussi au président Longeot, à M. le ministre pour son écoute attentive et aux collègues qui ont soutenu notre travail. Je remercie les autres pour notre dialogue apaisé et constructif, surtout en commission - monsieur Gillé, je ne souhaitais blesser personne, mais défendre mes idées avec conviction. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Jean-François Longeot, président de la commission. - Je remercie vivement Hervé Marseille pour cette proposition de loi. Grand merci aussi à Philippe Tabarot pour la justesse de ses propositions, alliant respect du droit de grève et continuité du service public.
Issu de la fonction publique territoriale, j'ai toujours défendu l'idée que le service public doit être au service du public. S'il ne l'est pas, les agents publics sont caricaturés et montrés du doigt : je ne veux plus entendre qu'ils ne serviraient à rien.
Notre réseau est souvent en mauvais état : la SNCF peut-elle se priver de recettes dans ce contexte ? Pouvons-nous risquer que les usagers se tournent vers d'autres modes de transport, alors que nous voulons promouvoir le rail ? Si nous ne réglons pas le problème de la continuité, nous ferons l'inverse de ce que nous souhaitons.
Merci à tous pour ces débats courtois et enrichissants. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)