Accord économique et commercial global UE - Canada (Procédure accélérée - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Article 1er (Suite)
M. Pierre Ouzoulias . - J'ai été blessé par les propos tenus ce matin : comparer nos positions à celles du Front national est offensant, au lendemain de l'hommage à l'amiral de Gaulle.
M. Éric Bocquet. - Absolument !
M. Pierre Ouzoulias. - Ce que nous avons en partage avec les gaullistes, aujourd'hui comme en 1945, c'est la défense de la souveraineté nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et Les Républicains et sur plusieurs travées du GEST et du groupe UC ; M. Éric Jeansannetas applaudit également.)
Or il n'y a pas de souveraineté nationale sans souveraineté alimentaire. Depuis la mise en oeuvre du Ceta, nous avons perdu un million de vaches. Les prix sont trop bas, et le Ceta continuera de les tirer vers le bas.
C'est le sénateur qui parle, mais aussi le petit-fils du fondateur de l'Union des jeunesses agricoles de France, en 1937. Nous n'avons pas dévié : nous avons toujours défendu une agriculture familiale. (On renchérit sur les travées du groupe CRCE-K.) C'est un enjeu agricole, environnemental et politique majeur. Pour maintenir nos paysages, il faut préserver nos paysans, préserver l'élevage. Et pour cela, il faut refuser le Ceta ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
M. Yannick Jadot . - Quel plaisir d'avoir ce débat de lucidité et de responsabilité... que nous aurions dû avoir il y a six ans !
Il y a deux raisons de faire tomber le Ceta.
D'abord, ce qui s'applique déjà. Les conditions d'élevage au Canada n'ont rien à voir avec les nôtres - farines animales, antibiotiques, immenses élevages industriels. Durant la crise agricole, le Gouvernement parlait des clauses miroirs ; aujourd'hui, il est prêt à exposer nos éleveurs à une concurrence déloyale. Quelle hypocrisie !
Ensuite, ce qui ne s'applique pas encore, en matière d'investissement. Le Canada a fait pression sur l'Union européenne pour que nous ne taxions pas les carburants issus des sables bitumineux ; si cet accord entre en vigueur, les entreprises attaqueront nos normes en matière de pesticides ou d'OGM.
Oui, résolument, au Canada, mais non au Ceta ! Et trêve d'hypocrisie, monsieur le ministre ! (Applaudissements à gauche)
M. Olivier Henno . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe INDEP) Je trouve ce débat quelque peu baroque...
Voilà quelque temps, j'ai lu Sérotonine de Michel Houellebecq : il y parle d'un plan social caché, qui ne dit pas son nom. Bien sûr, nous sommes inquiets de la misère agricole, ou plutôt de certains agriculteurs. Mais si l'on croit résoudre leurs difficultés en votant contre le Ceta, on se trompe.
Le Ceta n'est pas un mauvais accord. M. Jadot tape à côté de la plaque : on a l'impression qu'il parle du Mercosur ! (M. Yannick Jadot proteste.)
Pour lutter contre la misère agricole en Europe, il faut une remise à plat de la PAC : voilà qui aurait du sens et de la portée. Je suis favorable au Ceta. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
M. Emmanuel Capus . - Il faut évidemment voter cet accord, pour deux raisons.
D'abord, car c'est un accord avec le Canada, pas avec le Mercosur. Nous ne pouvons dire non à nos cousins au lendemain de la Journée internationale de la francophonie ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe UC ; Mme Nicole Duranton applaudit également.) Ceux qui connaissent le Canada et le Québec ne se trompent pas de choix.
Ensuite, parce que c'est un bon accord pour notre économie. (On ironise à gauche.) Le président de la délégation aux entreprises, M. Rietmann, y est d'ailleurs favorable. C'est un bon accord aussi pour notre sécurité nationale (murmures sur les travées du groupe CRCE-K), car nous ne pouvons rester dépendants de l'uranium et du lithium russes. C'est un bon accord enfin pour nos agriculteurs et nos éleveurs bovins : c'est mentir et souffler sur les braises que de prétendre le contraire !
MM. Jean-Claude Tissot et Yannick Jadot. - C'est faux !
M. Emmanuel Capus. - Nous refuserons aux Canadiens l'usage de l'acide peracétique. (On proteste à gauche et sur quelques travées du groupe Les Républicains, l'orateur ayant épuisé son temps de parole.)
M. le président. Veuillez conclure.
M. Emmanuel Capus. - Le rapporteur Duplomb l'a dit : les Canadiens ne changeront jamais de méthodes. (L'orateur élève la voix pour ne pas être couvert par les protestations croissantes.) C'est bien pourquoi leur boeuf ne viendra jamais dans l'Union européenne ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC)
M. le président. - Je rappelle que les interventions sur article durent deux minutes. (Marques d'ironie sur certaines travées à gauche)
M. Yannick Jadot. - Il a parlé presque trois minutes !
M. Philippe Folliot . - La passion ne peut pas tout justifier. Ce traité s'applique depuis sept ans, nous avons donc du recul pour en apprécier les effets.
Il a donné de bons résultats sur le plan économique, y compris en matière agricole, notamment pour le lait et le vin, mais aussi pour la filière bovine : en 2023, 1 400 tonnes de viande bovine canadienne ont été importées dans l'Union européenne, mais 14 000 tonnes ont été exportées vers le Canada. (Murmures à gauche) C'est la réalité !
Nos collègues communistes sont cohérents avec eux-mêmes. Mais, chers collègues socialistes et Les Républicains, ce n'est pas une course à l'échalote avec les extrêmes qui rehaussera votre crédit ! (M. Emmanuel Capus renchérit avec vigueur ; Mme Cécile Cukierman s'indigne.)
Voix à gauche. - C'est hors sujet !
M. Philippe Folliot. - Vos partis, des partis de gouvernement, ont toujours été favorables à la construction européenne. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
M. Didier Marie . - Je ne veux pas de négociations commerciales avec les règles d'hier ; nous avons besoin de transparence, d'exigences sociales et environnementales et de réciprocité ; nous devons créer un procureur commercial européen. Ces mots ne sont pas les miens, mais ceux d'Emmanuel Macron dans son discours de la Sorbonne, en 2017. (On ironise à gauche.)
Sept ans plus tard, on nous demande de ratifier un accord déséquilibré et absurde, qui augmente les échanges de biens et services polluants, ne contient pas de conditionnalité tarifaire pour le respect des critères de durabilité et ouvre de nouvelles voies aux industriels pour peser contre le renforcement de nos normes sanitaires et environnementales. Votons contre ! (Applaudissements sur de nombreuses travées à gauche)
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - M. Théophile, qui présidait la séance de ce matin, a bien précisé que nous discutions sur le texte adopté par l'Assemblée nationale. Et pour cause : il s'est trouvé en commission une majorité pour supprimer l'article 1er, mais non pour adopter le texte ainsi modifié. Je vois dans cette discordance le signe d'un malaise chez certains, qui ont sans doute fait l'objet d'amicales pressions.
M. Bruno Retailleau. - Dans les deux sens !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Sur le règlement des différends, M. Marie vit dans le monde d'avant la modification du Ceta. Nous bénéficions désormais d'une sorte de veto climatique.
Je rappelle aussi que le Ceta comporte une clause de sauvegarde explicite : jamais le Canada ne pourra atteindre 65 000 tonnes dans l'Union européenne !
M. Philippe Folliot. - Bien sûr !
M. Yan Chantrel . - Je prends la parole car j'ai été nommément interpellé par le ministre. Si quelqu'un est attaché à la relation franco-canadienne, c'est bien moi, pour des raisons personnelles et comme président du groupe d'amitié.
Réduire les relations entre nos deux pays à un accord commercial est une insulte pour nos partenaires ! (Applaudissements à gauche ; Mme Anne-Catherine Loisier et M. Laurent Somon applaudissent également.) Nombreux sont nos échanges universitaires, culturels, linguistiques. Entre amis, nous pouvons nous dire les choses.
Si notre relation se dégrade, c'est le Gouvernement qui en porte la responsabilité : il a choisi de contourner le Parlement, donc les représentants du peuple - un déni de démocratie scandaleux. (M. Franck Riester s'agace.)
Nos avions des échanges économiques avant le Ceta, nous en aurons après. Mais il y a des règles fondamentales, en matière environnementale et sociale, qui doivent être respectées. Dire cela, ce n'est pas faire preuve de défiance à l'égard d'un pays pour lequel nous avons une amitié profonde. Au reste, je rappelle que ce texte comporte un second article. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Henri Cabanel . - Monsieur le ministre, j'attends que vous me répondiez sur les réserves de ma collègue Annick Girardin à propos de la zone économique exclusive et du risque d'enclavement de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Sans conteste, nos modèles agricoles sont différents, nos règles aussi : en Europe, tout ce qui n'est pas autorisé est interdit ; au Canada, c'est l'inverse.
Je comprends la position de nos collègues des départements viticoles - c'est le cas du mien, et je suis vigneron moi-même. Mais, pour qu'il y ait une ferme France, toutes les filières doivent être solidaires. (M. Yannick Jadot renchérit.)
Or on ne peut nier que cet accord présente des risques pour l'élevage. Nous avons déjà utilisé tous nos quotas, mais, pour les Canadiens, la porte est grande ouverte. Je ne voterai pas cet accord.
M. Jean-Pierre Grand . - Je voterai naturellement le Ceta. Ainsi donc, nos collègues communistes, kanak, socialistes, verts et Les Républicains, sans oublier Reconquête et le Rassemblement national, s'allient comme un seul homme contre nos intérêts. C'est une belle victoire pour Jordan Bardella ! (Vives protestations à gauche ; M. Emmanuel Capus applaudit.) Voir ma famille politique prendre position contre le libre-échange m'agace...
En Languedoc-Roussillon, 4 millions d'hectolitres de vin sont stockés en cuve, 4 millions arrivent d'Espagne. Nous avons d'autres priorités que de saborder nos relations avec le Canada !
M. Olivier Cadic . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je soutiens le Ceta dans l'intérêt supérieur de la France. Lors de mon premier déplacement à Montréal, en 2015, les entrepreneurs français m'ont demandé de le faire. Je le fais également en soutien à la chambre de commerce France-Canada.
Son président, Daniel Jouanneau, m'a écrit que ce traité offre aux entreprises européennes un accès bien plus large aux marchés publics canadiens. Ces marchés provinciaux et municipaux sont très importants pour nous, car l'offre française est performante. Derichebourg a remporté des marchés de collecte de déchets à Montréal, Alstom équipera Toronto en trains de banlieue, Stellantis construit une usine de batteries en Ontario, Thalès crée un centre d'excellence numérique au Nouveau-Brunswick, Sanofi ouvre une usine de vaccins à Toronto...
Mme Sophie Primas. - Cela ne s'arrêtera pas !
M. Olivier Cadic. - Plus de mille entreprises françaises, dont une majorité de PME, ont une filiale au Canada. Votons le Ceta pour favoriser le développement de la relation économique entre nos deux pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
M. Franck Dhersin . - Le Ceta n'est pas parfait, et je ne voterai jamais le Mercosur. Mais le Ceta n'est pas non plus déséquilibré. Au Salon de l'agriculture, nombre d'agriculteurs m'ont dit qu'il était important pour eux, pour vendre au Canada, par exemple, des fromages et du vin. Oui, cet accord nous est profitable !
Il est aussi bon pour notre souveraineté : voulons-nous nous retrouver dans la situation de l'Allemagne, prisonnière du gaz russe pour avoir renoncé au nucléaire ? Sans le Ceta, nous serons dans ce cas pour les minerais.
Je suis favorable à cet accord, pour les intérêts de la France.
M. Yannick Jadot. - Mais contre le climat !
M. Franck Dhersin. - Il est normal que ce débat soit politique ; je regrette que, relancé par les communistes à la veille des européennes, il soit devenu politicien. Puisqu'ils ont invoqué le gaullisme, je dirai : vive le Ceta libre ! (Sourires sur diverses travées ; applaudissements sur des travées du groupe UC)
M. Alexandre Ouizille . - Nous devrions nous rassembler sur un point : l'État ne peut renoncer à ses tribunaux ni à ses juges. Or, avec l'organisme de règlement des différends, nous y renonçons, alors que les investisseurs européens continueront de relever des tribunaux français : c'est discriminatoire.
Vous invoquez l'intérêt supérieur de la nation ? Une blague ! On parle d'une augmentation de PIB de 0,01 % en 2035, mais de la destruction de filières. Sus aux grands discours !
S'agissant du RN, c'est parce que nous n'avons jamais réécrit la grammaire de la mondialisation que nous en sommes arrivés là ! Arrêtez donc de nous envoyer le RN à la figure ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)
Mme Élisabeth Doineau . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Mon collègue évoquait un débat baroque, je parlerais de débat irrationnel. Dans mon département, cet accord est bénéfique tant pour l'agriculture que pour l'industrie. Alors, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain.
Il y a une multitude de raisons pour voter : voyez la filière lait et le doublement de nos exportations de fromage.
Les clauses miroirs ? Elles n'existaient pas à l'époque !
Lors des débats sur le financement de la sécurité sociale, beaucoup demandent à ne pas augmenter les taxes sur l'alcool : les mêmes votent contre le Ceta, qui a favorisé les exportations d'alcool ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
Demande de clôture
M. Bruno Retailleau. - Au Sénat, nous avons un gentlemen's agreement : on s'interdit de faire de l'obstruction dans les niches. Or je constate une volonté manifeste d'obstruction. Les mêmes arguments reviennent, comme un disque rayé. Je demande donc l'application de l'article 38 de notre Règlement tendant à la clôture des prises de parole sur l'article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC, CRCE-K, SER et du GEST).
Une voix au centre. - On ne peut donc plus s'exprimer ? (Protestations à gauche)
M. le président. - Je rappelle que la clôture peut être proposée quand deux orateurs d'avis contraires se sont exprimés.
M. Claude Malhuret. - Rappel au Règlement ! Je ne comprends pas : s'agit-il d'une clôture immédiate ou une fois que tous les orateurs inscrits se seront exprimés ?
M. le président. - Si le Sénat l'adopte, la clôture sera immédiate.
M. Claude Malhuret. - Ah d'accord... On nous avait pourtant expliqué qu'on avait tout le temps. (Mme Valérie Boyer s'exclame.)
Je ne comprends pas pourquoi Bruno Retailleau parle d'obstruction. Il n'y a aucune manoeuvre ! (On le conteste avec véhémence à gauche.) Les orateurs ont encore une heure pour s'exprimer ! La seule obstruction vient de ceux qui veulent nous empêcher de parler ! (Bronca à gauche)
J'avais moi-même prévu de m'inscrire sur la liste des orateurs à venir. Je vous demande cette inscription, monsieur le président, si l'on peut encore parler ici, bien entendu...
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - (On conteste à gauche le droit de l'orateur à s'exprimer.) En vertu du 2e alinéa de l'article 38, un orateur par groupe peut s'exprimer sur la demande de clôture. (Vives protestations à gauche)
M. le président. - Seul M. Lemoyne a la parole !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je trouve étonnant que l'article 38 soit activé dès la troisième heure des débats. Lors du débat sur les retraites, nous avions attendu plusieurs jours avant de recourir à la clôture.
Mme Céline Brulin. - C'était un texte du Gouvernement !
M. Pascal Savoldelli. - Aujourd'hui, c'est une niche !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Ce n'est pas parce que c'est une niche qu'il faut bâcler l'examen du texte. (Vives protestations à gauche)
M. le président. - Laissez parler l'orateur. (Les protestations redoublent.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Nous parlons de sujets à plusieurs milliards d'euros ! L'activation de l'article 38 est prématurée : nous devons continuer à débattre.
M. Laurent Somon. - En sept ans, on n'a pas eu le temps ? (Sourires ; M. Éric Bocquet applaudit.)
M. Franck Riester, ministre délégué. - Le Gouvernement a été attaqué pour déni de démocratie, mais il n'en est rien ! (On se gausse sur les travées du groupe CRCE-K) Chacun sera juge de la façon dont le Sénat choisit de clore ce débat.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Et les retraites ?
M. Franck Riester, ministre délégué. - Les accords peuvent être mis en oeuvre à titre provisoire, monsieur Gay ! (Brouhaha sur les travées du groupe CRCE-K) Le ministre peut-il parler ?
Nous avons désormais suffisamment d'informations pour nous prononcer en conscience. Le bilan du Ceta est bon à tout point de vue. (On le conteste sur les travées du groupe CRCE-K)
Le Gouvernement n'est pas d'accord avec le groupe communiste sur les questions économiques : nous pensons que nous avons besoin du commerce international, vous pensez l'inverse ! Vous êtes cohérents. Je n'en dirais pas autant du groupe Les Républicains, qui s'est mis à soutenir les thèses économiques des communistes... (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains ; brouhaha général) Monsieur Retailleau, sans procès d'intention, je constate simplement que vous associez vos votes et vos discours à ceux des communistes. (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE-K)
M. Max Brisson. - Et alors ?
M. Franck Riester, ministre délégué. - Monsieur Jadot, les clauses miroirs relèvent de la législation européenne (M. Yannick Jadot le réfute) qui s'applique à tous les pays avec lesquels nous avons des accords commerciaux et donc au Canada. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC ; le brouhaha et les protestations couvrent progressivement la voix de l'orateur.) Voilà pourquoi nous n'importons pas de boeuf canadien ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC ; on tambourine sur les pupitres à droite ; on proteste à gauche.)
Monsieur Jadot, monsieur Chantrel, c'est vous qui êtes hypocrites ! Vous dites oui au Canada, mais non au Ceta. Mais comment croyez-vous que le Canada prendra le rejet du Sénat ? Après avoir dit pis que pendre des Canadiens, en matière de droits sociaux, notamment... (Intense brouhaha à droite comme à gauche)
M. le président. - Laissez M. le ministre terminer ! On ne peut pas continuer à travailler dans ces conditions !
M. Franck Riester, ministre délégué. - Les Canadiens sont nos partenaires dans nos combats pour l'environnement, pour les droits humains, pour les droits sociaux. Et vous leur faites la leçon, monsieur Jadot ? (Vives protestations, devant la longueur de la durée de l'intervention de M. Franck Riester)
M. Pascal Savoldelli. - Le ministre provoque tout l'hémicycle !
M. le président. - Aux termes du Règlement du Sénat, le temps de parole du Gouvernement n'est pas limité. M. le ministre a seul la parole.
M. Franck Riester, ministre délégué. - Monsieur Marie, vous avez évoqué le procureur commercial européen : il a été nommé, c'est M. Denis Redonnet, auditionné par le Sénat il y a quelques jours. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Il n'existe aucun argument de fond valable pour s'opposer à l'adoption du Ceta.
M. Max Brisson. - Pas de leçon !
M. Franck Riester, ministre délégué. - C'est un coup politique des communistes et des socialistes, avec l'appui du groupe Les Républicains, en pleine campagne électorale, au détriment de l'intérêt général, des agriculteurs et des entreprises exportatrices. (Marques de soulagement à gauche quand le ministre se rassied.)
M. Olivier Cadic. - (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Je demande une suspension de séance.
Il y a eu quinze prises de paroles contre le Ceta. Pour Bruno Retailleau, ceux qui ne partagent pas son avis doivent donc se taire ! La majorité sénatoriale reposait jusqu'à présent sur deux groupes. Nous avons besoin de nous réunir avec notre président de groupe.
M. Pascal Savoldelli. - Il est où ?
M. le président. - Je vous accorde une suspension de séance de cinq minutes, qui ne sera pas décomptée du temps de cet espace réservé.
La séance, suspendue à 15 h 15, reprend à 15 h 20.
M. Joshua Hochart. - Marine Le Pen et Jordan Bardella ont été abondamment cités : merci ! Les Républicains et le parti socialiste se montrent souverainistes ici et mondialistes à Bruxelles : ils ont voté tous les traités de libre-échange avec leurs alliés macronistes ! Ils ne pourront camoufler leur forfaiture indéfiniment.
Les sénateurs non-inscrits n'ont pas eu la parole.
Mme Audrey Linkenheld. - Il fallait la demander !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Stéphane Ravier s'est exprimé !
La clôture est prononcée.
M. Emmanuel Capus. - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 36...
L'interprétation de Bruno Retailleau sur les niches est invraisemblable ! À la lecture du compte rendu analytique, nous verrons bien que les prises de parole contre le Ceta ont été bien plus nombreuses que celles en sa faveur. Ma seule prise de parole, c'est celle-ci. Il est insultant de dire que nous avons fait de l'obstruction, alors que nous n'avons ni déposé d'amendements ni fait de rappel au Règlement. Ce procès d'intention est inacceptable.
Notre gentlemen's agreement sur les niches ne vaut que pour les propositions de loi. (M. Bruno Retailleau le réfute.) Sinon, vous n'auriez pas accepté que Hervé Marseille dépose une motion. (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP et UC ; Mme Cécile Cukierman proteste.)
Discussion des articles (Suite)
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Supprimer cet article.
M. Fabien Gay. - Je retire mon amendement afin de pouvoir passer directement au vote sur l'article 1er. (Applaudissements à gauche)
L'amendement n°2 est retiré.
M. le président. - Amendement identique n°3, présenté par M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Didier Marie. - Retiré. (Applaudissements à gauche)
L'amendement n°3 est retiré.
M. le président. - Amendement identique n°5, présenté par M. Allizard, au nom de la commission des affaires étrangères.
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Retiré, afin de voter contre l'article 1er. (Applaudissements à gauche)
L'amendement n°5 est retiré.
M. le président. - Amendement identique n°6, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Retiré. (Applaudissements à gauche)
L'amendement n°6 est retiré.
M. Martin Lévrier. - Au risque de vous surprendre, je remercie le groupe CRCE-K d'avoir utilisé cette niche pour débattre de ce sujet.
Je regrette que nous n'ayons pas adopté à l'unanimité la motion de rejet en commission. C'est une occasion ratée.
Près de 90 % des interventions ont trait à l'agriculture. Mais le Ceta ne traite pas que de l'agriculture. Sommes-nous prêts à faire tomber un traité pour protéger quelques-uns au détriment de la majorité ? Un accord gagnant-gagnant, c'est quand la France et le Canada y gagnent. Un accord avec la France gagnante sur tout, cela n'existe pas. (Mme Sophie Primas s'exclame.)
Je regrette l'application de l'article 38 : M. Capus a raison, les prises de parole ont été majoritairement contre le Ceta. Ce déni de démocratie est incompréhensible.
Demande de clôture
Mme Cécile Cukierman. - Après les interventions de MM. Allizard et Lévrier, je sollicite l'application de l'article 38 du Règlement afin de clôturer les explications de vote sur l'article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST ; M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)
M. le président. - Quel est l'orateur qui s'est exprimé contre ?
Mme Cécile Cukierman. - M. Lévrier s'est exprimé pour ; M. le rapporteur, contre.
M. Joshua Hochart. - Une nouvelle fois, je vous remercie de nous avoir cités régulièrement pour notre constance à nous opposer au Ceta, ce qui n'est pas le cas de tous ici. (Mme Élisabeth Doineau s'exclame.)
Au moment où tout montre que la mondialisation heureuse touche à sa fin, nous nous prononçons contre cet accord commercial dangereux - pourtant déjà en vigueur, sans l'aval du Parlement et d'une dizaine de pays européens.
Le Gouvernement macroniste fait fi de la représentation nationale. Des gilets jaunes en crise agricole, il persiste dans sa vision dépassée et mortifère du libre-échange.
Nous nous réjouissons que le Sénat s'oppose à ce texte, pourtant voté par tous les groupes à Bruxelles : il est facile de se dire souverainiste au palais du Luxembourg...
Vous vouliez un orateur contre, vous l'avez !
M. Hervé Marseille. - Rappel au Règlement ! Je ne pensais pas que nous en arriverions à une telle situation.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Nous non plus !
M. Hervé Marseille. - Tout a été organisé pour que le vote contre l'emporte. Mme Cukierman a évoqué les élections européennes : c'est comme parler de corde dans la maison d'un pendu.
M. Pascal Savoldelli. - Mais vous étiez où ?
M. Hervé Marseille. - J'étais à l'hôpital.
M. Pascal Savoldelli. - Dont acte.
M. Emmanuel Capus. - La classe !
M. Hervé Marseille. - Je vois que le parti communiste n'a pas perdu ses bonnes habitudes.
Comme on ne peut plus parler, nous allons vous laisser entre vous : je vais donc demander à mes collègues de sortir. (La plupart des membres du groupe UC quittent l'hémicycle)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je m'oppose à la clôture : nous avons besoin d'être éclairés par les explications de vote. (M. Roger Karoutchi s'en amuse.)
Cet accord a été signé le 30 octobre 2016. Les collègues qui ont eu la chance de siéger au conseil des ministres le savent, de tels accords y font l'objet de communications. Monsieur Kanner, que s'est-il dit lors des conseils des ministres du 26 octobre 2016 ou du 3 novembre 2016, sous la présidence de François Hollande ? (Protestations sur les travées du groupe SER)
Aujourd'hui, le groupe SER souhaite rejeter le texte. J'ai du mal à comprendre : à sept ans de distance, vous avez donc changé d'avis ? L'accord a pourtant été amélioré avec la mise en place d'un veto climatique pour répondre aux préoccupations environnementales exprimées par Yannick Jadot lors des comités de suivi de la politique commerciale... (M. Yannick Jadot le confirme.) Je lui en sais gré et j'espère qu'il concédera que les lignes ont bougé puisque la Commission européenne y a souscrit. (Marques d'impatience à gauche)
M. Joshua Hochart. - (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K) Je trouve cette volonté de clore les débats assez cavalière ; les explications de nos collègues de gauche comme de droite qui essaient de se racheter une bonne conduite sont pourtant très intéressantes...
M. Ian Brossat. - Allons au vote !
M. Joshua Hochart. - Monsieur le président, quel est le délai qui reste pour l'examen de ce texte ?
M. le président. - La fin du temps réservé est prévue à 16 h 20.
M. Emmanuel Capus. - (Exclamations sur les travées du GEST) Nous avons quand même le droit de nous exprimer sur la demande de clôture !
Le président Marseille l'a dit, tout était bien rodé dans ce temps réservé, pour un vote contre le Ceta. (M. Yannick Jadot s'exclame.) Tout se déroulait bien : chacun présentait son point de vue aimablement - parfois en rongeant son frein, comme c'était mon cas... Et là, ça part en vrille (on le conteste à gauche), à cause d'une provocation du groupe Les Républicains !
Ce débat était important, à tel point que le président Marseille a proposé le renvoi en commission pour avoir plus de temps, mais vous l'avez refusé. Que les communistes, opposés au libre-échange, ou les écologistes, qui sont décroissants (exclamations sur les travées du GEST), votent contre, cela s'entend. Mais pourquoi le président Kanner, qui était ministre de François Hollande, a-t-il changé d'avis ? (Protestations à gauche) Et pourquoi (se tournant vers la droite de l'hémicycle) un parti qui a toujours défendu le libre-échange urbi et orbi a-t-il changé d'avis ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; marques d'impatience à gauche)
M. Max Brisson. - Pas sur l'agriculture ! Contresens historique !
La clôture est prononcée.
À la demande des groupes CRCE-K et Les Républicains, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°159 :
Nombre de votants | 269 |
Nombre de suffrages exprimés | 255 |
Pour l'adoption | 44 |
Contre | 211 |
L'article 1er n'est pas adopté.
(Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)
M. Martin Lévrier. - Vous devrez le dire aux Français !
M. Fabien Gay. - . On ne va pas se gêner !
Article 2
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - J'appelle les sénateurs en accord avec notre position à voter l'article 2.
M. Fabien Gay . - Je suis plutôt contre l'article 2.
Demande de clôture
Mme Cécile Cukierman. - Je souhaite que nous puissions voter. Un orateur pour et un orateur contre s'étant exprimés, je demande l'application de l'article 38. (M. Emmanuel Capus fulmine.)
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Par cohérence avec mes propos liminaires, et parce qu'il y a deux articles sur lesquels les votes peuvent être opposés, j'appelle à voter cet article 2.
M. Franck Riester, ministre délégué. - Voter l'article 2 après avoir supprimé l'article 1er est une manoeuvre grossière, tant les deux articles sont liés, portant sur un accord commercial et sur la coopération politique qui l'accompagne.
En ne ratifiant pas le Ceta, vous envoyez un très mauvais signal à nos agriculteurs, à nos exportateurs et aux Canadiens. (MM. Martin Lévrier et Bernard Fialaire applaudissent.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Franchement, c'est tout de même surréaliste ! Le dérouleur en atteste : il n'y avait pas d'inscrits sur l'article 2. (On ironise sur les travées du GEST.)
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Oui, mais on a une montre !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - C'est de la provocation pure et simple et un précédent que nous n'oublierons pas. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST)
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - C'est l'arroseur arrosé !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Vous ne pourrez plus nous donner de leçons quand nous utiliserons cette disposition au bout de dix jours de débats... (Vives protestations à gauche)
Avec l'article 38, le Parlement s'autocensure. Le RDPI ne se prêtera pas à cette mascarade ! C'est triste pour cette assemblée, d'autant que nous avions besoin d'être éclairés.
Nous estimons qu'il convient de ne pas disjoindre l'article 1er de l'article 2. (M. Guy Benarroche s'exclame.)
Voici ce que le président Larcher tweetait en 2016 : « L'accord conclu avec la Wallonie sur le Ceta est une bonne nouvelle. » (M. Emmanuel Capus applaudit.) Nous voterons contre la demande de clôture.
M. Emmanuel Capus. - (Marques d'impatience à gauche) Rassurez-vous : le texte sera rejeté. M. Retailleau s'est un peu affolé, mais tout va bien se passer pour vous. (M. Roger Karoutchi s'en amuse.)
Monsieur Chantrel, vous avez dit que le Ceta était améliorable ; un traité signé par François Hollande, par définition, est améliorable ! (Marques de gaieté à droite et sur certaines travées au centre)
Il n'y a pas d'amour, uniquement des preuves d'amour : c'était l'occasion d'en donner au Canada. (On soupire à gauche.)
Trois dates marqueront l'histoire : 1763, le traité de Paris, l'abandon de la Nouvelle-France (marques d'agacement à gauche et sur quelques travées du groupe Les Républicains) ; 1944, le sang des Canadiens tombés sur les plages de Normandie (vives protestations à gauche et sur quelques travées du groupe Les Républicains) ; 21 mars 2024 : le naufrage du groupe Les Républicains, qui abandonne en même temps le libre-échange et nos amis canadiens. C'est pathétique. (Vives protestations à droite ; M. Martin Lévrier applaudit.)
M. Mathieu Darnaud. - On prend de la hauteur... Pathétique, en effet !
La proposition de clôture est adoptée.
(Les membres du RDPI quittent l'hémicycle.)
M. Claude Malhuret. - Ce qui vient de se passer montre que nous avions raison : utiliser une niche pour examiner un traité fondamental était une façon d'escamoter le débat. (Marques d'indignation sur les travées du GEST)
Mme Valérie Boyer. - Nous aurions bien aimé que le Gouvernement le mette à l'ordre du jour !
M. Claude Malhuret. - Jusqu'à ce que Bruno Retailleau prenne la parole, le débat se passait normalement. L'utilisation de l'article 38 l'a anormalement conflictualisé.
LR d'un côté, PC de l'autre : ce débat est escamoté, comme c'était le but au départ. Nous suivons le président Marseille. Comme l'avait dit Maurice Clavel, « messieurs les censeurs, bonsoir ! » (Les membres du groupe INDEP quittent l'hémicycle ; hilarité sur les travées du GEST et du groupe CRCE-K)
M. Yannick Jadot. - (Imitant la voix de Valéry Giscard d'Estaing) « Au revoir » !
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Sur vingt-sept pays de l'Union européenne, dix-sept ont ratifié le Ceta, dix ne l'ont pas fait. S'agissant de l'accord stratégique, seuls trois pays ne l'ont pas fait, dont la France, preuve que les accords sont distincts. Je vous invite à voter l'article 2. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Sophie Primas. - Très bien !
Mme Cécile Cukierman. - Nous avons entendu de mauvaises interprétations politiques, voire politiciennes...
M. Claude Malhuret. - (Sur le point de quitter l'hémicycle) C'est l'hôpital qui se moque de la charité !
Mme Cécile Cukierman. - Oui, cet accord méritait un vrai temps de débat. Depuis 2017, le Gouvernement dispose de quinze jours par mois pour inscrire ce texte à l'ordre du jour du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST et sur plusieurs travées des groupes SER et Les Républicains)
Il n'y a pas de mascarade ; il y a seulement que le groupe CRCE-K dispose de huit heures de temps réservé. Nous voulions que l'examen de ce texte aille à son terme.
Certains collègues ont quitté l'hémicycle, sans doute pour ne pas voir le résultat final.
Monsieur le ministre, aucun texte n'est inscrit les jeudis des deux prochaines semaines. Vous aviez tout loisir d'agir. Nous ne recourons à l'article 38 que pour obtenir ce vote final. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)
L'article 2 est adopté.
Intitulé du projet de loi
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Rédiger ainsi cet intitulé :
Projet de loi de ratification de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part
M. Didier Marie. - Nous proposons de modifier l'intitulé du texte pour tenir compte du vote sur l'article 1er.
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Avis favorable à cette mise en cohérence.
M. Franck Riester, ministre délégué. - Contre ! (On ironise sur les travées du GEST.)
L'amendement n°4 est adopté.
Vote sur l'ensemble
M. Bruno Retailleau . - J'essaierai de revenir au fond, en évitant la caricature.
Pourquoi un temps réservé de l'ordre du jour ? Car, comme nous l'avions dit unanimement en 2021, le Parlement voulait examiner cet accord. Or depuis, rien ! Hier soir, à la Conférence des présidents, le Gouvernement aurait pu demander l'inscription à l'ordre du jour d'un projet de loi... Mais non.
Certains ont convoqué les valeurs, voire les morts... Bien sûr, le Canada reste un allié et un ami. Laissons les morts de côté !
Il s'agit de valeurs, mais surtout de nos intérêts. Le Canada compte 38 millions de consommateurs, l'Union européenne 450 millions : nous sommes donc en mesure de faire valoir nos intérêts et ceux de nos territoires, de nos terroirs - derrière les secteurs économiques, il y a des hommes et des femmes, ne les oublions pas !
Cet accord est daté. Dans les années 1990, nous avons cru que le marché, le droit, la paix perpétuelle s'imposeraient partout. Aujourd'hui, tous les grands pays se défendent, se protègent.
Soyons cohérents : à quoi servirait-il, à l'article 1er du futur grand texte sur l'agriculture, de proclamer la souveraineté alimentaire, si nous ne votons pas en cohérence cet après-midi ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
M. Didier Marie . - Nous arrivons au terme d'un débat qui touche à nos convictions mais aussi aux capacités de l'Union européenne à promouvoir ses normes. Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas assumé ce débat.
M. Franck Riester, ministre délégué. - Il l'assume !
M. Didier Marie. - Cela va bien au-delà du Ceta : la crise de confiance est là. Il doit exister une autre façon d'organiser les rapports commerciaux. Face à l'enjeu climatique, nous devons aller plus loin et plus vite. L'Union européenne, lorsqu'elle s'en donne les moyens, peut être prescriptive, comme sur la déforestation. Elle doit redonner confiance dans son projet. Une brèche s'est ouverte dans le dogme libéral, laissant plus de place à la souveraineté. Ce vote sur le Ceta y contribue. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)
M. Daniel Salmon . - Nous venons de vivre un moment important, qui aurait mérité davantage de sérénité. Le Sénat s'honore à refuser de ratifier cet accord d'un autre temps.
Les Français demandent davantage de protection pour notre industrie et notre agriculture. Cet accord fait tout le contraire : les accords de libre-échange ouvrent la voie à une compétitivité faussée par le dumping social et environnemental. Ils sont presque toujours climaticides, la multiplication des échanges engendrant toujours plus de transport et d'émissions de gaz à effet de serre. Nous ne nous opposons pas au commerce, mais défendons une logique de subsidiarité.
Cette journée est importante, car le Sénat s'est montré à l'écoute des Français. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Fabien Gay . - Nous vivons un moment important, une victoire démocratique ! Le Sénat a enfin pu débattre et voter sur ce traité de libre-échange.
Je ne veux pas instrumentaliser quoi que ce soit : je sais que nous avons des différences, notamment avec la droite, sur les questions de libre-échange ou de relocalisation ; mais, aujourd'hui, nous nous retrouvons sur une question démocratique.
Il faut retrouver de la réciprocité dans les échanges. Nous continuerons à commercer avec le Canada : le commerce n'est pas apparu en 2017, il existe depuis l'Antiquité et existera demain !
Monsieur le ministre, il faut que le Gouvernement entende le vote du Sénat. Il n'est pas possible qu'il fasse comme celui de Chypre, qui a refusé de notifier un tel vote à la Commission. Vous devez déposer un projet de loi sur le bureau de l'Assemblée nationale et respecter le vote du Parlement. (Applaudissements à gauche)
M. Pascal Allizard, rapporteur . - Les votes sur les amendements sont conformes aux votes d'hier en commission des affaires étrangères, après un débat aussi nourri. C'est une bonne chose ! Ce n'est pas un message d'inimitié au Canada.
M. Franck Riester, ministre délégué. - Si !
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Monsieur le ministre, vous devriez parfois écouter le Parlement... (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE-K et du GEST)
Les temps ont changé. Je travaille sur ces accords internationaux depuis 2018 : il est grand temps d'exclure l'alimentation de leur champ, car ce ne sont pas des produits comme les autres ! (« Bravo ! » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)
M. Yannick Jadot . - Merci au groupe communiste d'avoir pris cette initiative. Cela fait des années que nous demandions un tel débat.
J'ai entendu M. Lemoyne dire pourquoi il quittait l'hémicycle, mais il a été au Gouvernement : il était de sa responsabilité de demander son inscription à l'ordre du jour !
Notre combat n'est pas protectionniste : nous nous battons contre le Ceta depuis de longues années avec des associations canadiennes - comme les éleveurs laitiers canadiens, par exemple. Il faut respecter leur dignité et protéger leurs revenus.
Oui, nous voulons une agriculture souveraine. Oui, nous voulons protéger le climat. Oui, nous voulons des droits sociaux. Oui, nous voulons des États capables de porter des règles, notamment sur le social, l'environnement et le climat.
Fabien Gay a raison : il serait inconcevable que ce vote reste sans effet, ce serait un tapis rouge déroulé devant l'extrême droite ! Si le Gouvernement ne notifie pas ce vote à la Commission européenne, vous porterez la responsabilité d'avoir nourri la défiance dans notre pays. (Applaudissements à gauche)
M. Franck Riester, ministre délégué . - C'est une très mauvaise journée pour nos agriculteurs (Mme Sophie Primas proteste), pour tous ceux qui exportent et sont protégés par les IGP au Canada.
Monsieur Jadot, vous êtes formidable dans vos démonstrations !
M. Yannick Jadot. - Merci !
M. Franck Riester, ministre délégué. - Vous invoquez les difficultés des éleveurs laitiers canadiens : mais d'où viennent-elles ? Du fait qu'ils ne peuvent plus vendre du faux roquefort, du faux cantal, du faux brie ! (Protestations sur les travées du GEST)
M. Yannick Jadot. - Continuez à donner des milliards à Lactalis !
M. Franck Riester, ministre délégué. - Le Ceta permet de tisser des liens avec le Canada et de réduire notre dépendance à l'égard de pays autoritaires, notamment pour le gaz, le pétrole, l'uranium ou le lithium. (Protestations à gauche ; Mme Sophie Primas s'exclame.)
Nous renonçons à ce partenariat avec un pays ami avec lequel nous partageons tant de combats et de valeurs !
Monsieur Retailleau, vous oubliez les viticulteurs, qui ont trouvé des débouchés au Canada.
Mme Sophie Primas. - Pour quels volumes ?
M. Franck Riester, ministre délégué. - Vous ne parlez plus des producteurs de lait qui ont pu exporter au Canada grâce à la baisse des droits de douane. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Sophie Primas. - Arrêtez !
M. Franck Riester, ministre délégué. - Vous ne parlez pas des femmes et des hommes qui travaillent dans le textile, la chimie, les cosmétiques et qui ont des débouchés au Canada.
M. Max Brisson. - Démagogie !
M. Franck Riester, ministre délégué. - Notre pays doit faire face à des défis considérables. Nous ne réglerons pas nos problèmes si nous refusons de travailler avec des amis (exclamations à gauche) et nous recroquevillons sur nous-mêmes. Quelle mauvaise nouvelle pour l'amitié entre nos deux pays ! (Protestations à gauche et à droite)
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Assez de leçons !
À la demande des groupes Les Républicains et CRCE-K, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°160 :
Nombre de votants | 297 |
Nombre de suffrages exprimés | 269 |
Pour l'adoption | 243 |
Contre | 26 |
Le projet de loi est adopté.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE-K et du GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER)
Mme Cécile Cukierman. - Compte tenu des quelques minutes qui restent, nous retirons la proposition de résolution inscrite dans notre temps réservé, ce qui n'enlève rien à la nécessité d'une paix durable au Proche-Orient. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Alain Duffourg applaudit également.)
Acte en est donné.
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Anne-Sophie Romagny. - Lors du scrutin public n°159, sur l'article 1er, je souhaitais m'abstenir.
Acte en est donné.
Prochaine séance mardi 26 mars 2024, à 14 h 30.
La séance est levée à 16 h 20.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 26 mars 2024
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence : M. Pierre Ouzoulias, vice-président, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente.
Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne
1. Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur la proposition de loi rendant obligatoires les « tests PME » et créant un dispositif « Impact Entreprises » (texte de la commission, n°421, 2023-2024)
2. Projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (n°291, 2023-2024)
3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement instituée par la loi n°2021-1031 du 4 août 2021 (texte de la commission, n°449, 2023-2024)
4. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels (texte de la commission, n°446, 2023-2024)