Accord économique et commercial global UE - Canada (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part, et de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part, à la demande du groupe CRCE-K.
Discussion générale
M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité, de la francophonie et des Français de l'étranger . - L'examen par le Sénat du projet de loi autorisant la ratification de l'Accord économique et commercial global (Ceta) et de l'Accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et le Canada nous donne l'occasion de faire le bilan de deux accords en vigueur provisoirement depuis bientôt sept ans.
Je l'affirme avec force : ces deux accords sont bons pour notre économie, nos entreprises, notre agriculture, notre relation stratégique avec le Canada. Les débats enflammés sur le Ceta et les flots de contrevérités feraient presque oublier que nous débattons de deux accords, intimement liés, qui convergent vers un même objectif : renforcer les liens entre l'Union européenne et le Canada.
L'Union européenne et le Canada, ce sont deux phares, deux piliers dans un monde qui perd ses repères, deux garants de l'État de droit, deux défenseurs de la démocratie, des droits humains et sociaux, deux accélérateurs de la transition énergétique. Ils partageant des valeurs et des intérêts, qui doivent maintenir et consolider les liens qui les unissent.
M. Fabien Gay. - Pfff !
M. Franck Riester, ministre délégué. - Ils sont l'un pour l'autre un partenaire incontournable.
Le Canada est plus qu'un allié, c'est un ami, un partenaire historique, francophone, un partenaire qui nous offre des débouchés stables, de long terme, dont nous avons absolument besoin, alors que les tensions géopolitiques perturbent le commerce mondial.
Je veux d'abord évoquer l'Accord de partenariat stratégique. Outre le soutien à l'Ukraine, nous avons renforcé notre coopération avec le Canada sur de nombreux sujets : santé, durabilité des océans, énergie, calcul quantique, intelligence artificielle. L'Union européenne et le Canada tiennent un sommet chaque année pour la mise en oeuvre de ces ambitions communes.
Cet Accord fondamental n'a de sens que s'il se réalise sur le terrain. C'est l'enjeu du deuxième accord. Ce sont deux parties indissociables d'un même engagement politique. Voter l'article 2 sur l'Accord de partenariat stratégique tout en supprimant l'article 1er sur le Ceta reviendrait à rejeter le tout. (Rires sur les travées du groupe CRCE-K) Ce serait une manoeuvre grossière, une manipulation inacceptable, aux lourdes conséquences. (« Oh ! » indignés sur les travées du groupe CRCE-K ; applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Pourquoi certains s'opposent-ils au Ceta, qui est un excellent accord à tous points de vue ?
M. Ian Brossat. - Pourquoi ne l'avez-vous pas voté vous-même ?
M. Franck Riester, ministre délégué. - J'ai entendu tout et son contraire. Ceux qui, à un bout comme à l'autre de l'échiquier politique, instrumentalisent sans vergogne la vérité. Ceux qui, au pouvoir il y a peu encore, usent d'arguments fallacieux, au mépris de la réalité des faits.
M. Pascal Savoldelli. - Vous êtes pour le parti unique ?
M. Franck Riester, ministre délégué. - Appliqué provisoirement depuis sept ans, le Ceta s'est révélé être un bon accord. Il favorise nos PME, nos échanges avec un pays ami. Il est positif pour nos filières agricoles, nos viticulteurs, nos producteurs de fromages.
M. Didier Marie. - Et nos éleveurs ?
M. Franck Riester, ministre délégué. - L'Assemblée nationale a adopté en 2019 le projet de loi de ratification.
M. Fabien Gay. - De justesse.
Mme Cécile Cukierman. - En 2019 !
M. Franck Riester, ministre délégué. - C'est pour moi l'occasion de rendre hommage à Jean-Baptiste Lemoyne, alors au banc du Gouvernement. (Sourires ironiques sur les travées du groupe CRCE-K)
Nous avons le recul nécessaire pour en dresser un bilan solide, après sept années d'application provisoire. Les conséquences de cet accord, nous les connaissons, il a fait son chemin ! C'est pour cela que nous n'avons pas soumis sa ratification au Sénat dans la foulée du vote à l'Assemblée nationale : pour vous permettre de vous prononcer en toute connaissance de cause. (Rires sur les travées du groupe CRCE-K)
M. Fabien Gay. - Mais bien sûr !
M. Franck Riester, ministre délégué. - De grâce, le Gouvernement assume ses responsabilités, assumez-les vôtres !
Mme Cécile Cukierman. - Nous aussi !
M. Bruno Retailleau. - Nous allons les assumer !
M. Franck Riester, ministre délégué. - N'allez pas dire que vous votez contre la ratification car nous aurions dû vous la soumettre plus tôt ! Votez donc en conscience.
Mme Cécile Cukierman. - Contre l'avis du Gouvernement !
M. Franck Riester, ministre délégué. - Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Les exportations françaises ont bondi de 33 % en six ans, tous secteurs confondus : hausse de moitié pour les produits chimiques et cosmétiques, doublement pour les produits sidérurgiques, multiplication par 2,5 pour les textiles et chaussures, plus 71 % pour nos services ! L'excédent commercial du secteur agricole et agroalimentaire a triplé, à 600 millions d'euros. Les exportations de vin ont crû de 24 % ; les exportations de fromages, de 60 %, bénéficiant de l'exemption des droits de douane et de la protection de nos AOP.
Cet accord protège 173 indications géographiques européennes, dont 42 sont françaises. La lentille du Puy est protégée, monsieur le rapporteur Duplomb.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Je vous en parlerai !
Mme Cécile Cukierman. - C'est mesquin.
M. Franck Riester, ministre délégué. - Le camembert de Normandie, monsieur le rapporteur Allizard. Le pruneau d'Agen, madame Bonfanti-Dossat. Le brie de Meaux, monsieur Cuypers.
M. Bruno Retailleau. - Continuez comme cela !
M. Laurent Somon. - Vous allez tout passer en revue ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Et nous, alors ?
M. Franck Riester, ministre délégué. - Que de contrevérités n'a-t-on pas entendues sur l'importation de viande canadienne ! On nous annonçait une invasion incontrôlable, il n'en est rien - mais l'infox continue de tourner, dans vos boîtes mail, sur vos boucles WhatsApp et Telegram (protestations sur divers bancs). Rétablissons la vérité.
M. Fabien Gay. - Vous avez convoqué les journalistes !
M. Franck Riester, ministre délégué. - Nous n'importons depuis le Canada quasiment aucune viande de porc, 7 tonnes équivalent carcasse de viande de volaille, 52 tonnes de viande de boeuf.
M. Jean-Claude Tissot. - C'est 46 000 tonnes dans l'accord.
M. Franck Riester, ministre délégué. - Cela représente 0,001 % de notre consommation de volaille, 0,0034 % pour le boeuf. Cessons d'alimenter des angoisses injustifiées. Ces tendances ne changeront pas à l'avenir, car les filières canadiennes sont loin de pouvoir se structurer pour répondre aux exigences européennes.
M. Jean-Claude Tissot. - Comptez sur eux !
M. Franck Riester, ministre délégué. - Nos réglementations strictes nous prémunissent de l'importation de viande aux hormones ou aux antibiotiques. Ce sont les fameuses mesures miroirs, monsieur Duplomb.
M. Jean-Claude Tissot. - Elles ne sont pas appliquées.
M. Franck Riester, ministre délégué. - Ces réglementations s'appliquent à toutes les importations en provenance de pays tiers, y compris ceux avec lesquels nous avons des accords commerciaux.
Les Canadiens ne peuvent ni ne pourront exporter de boeuf aux hormones, ou tout autre produit qui présenterait un risque pour nos consommateurs. Au demeurant, l'Union européenne effectue un suivi sanitaire au Canada et à l'entrée sur le marché européen, et nous travaillons avec le Canada pour renforcer la qualité des contrôles.
Autre inexactitude : affirmer que l'accord serait davantage bénéfique au Canada. Or il a massivement profité à nos PME, accéléré nos exportations et ouvert à nos entreprises l'accès aux marchés publics canadiens, dans le secteur des transports et des énergies renouvelables.
Certes, nous importons autant que nous exportons. Mais qu'importons-nous ? Du sucre, quasi exclusivement du sirop d'érable. Des Airbus, dont l'assemblage est finalisé au Canada. Des métaux critiques, car le Canada produit quinze des trente métaux clés pour la transition énergétique : c'est le premier producteur de potasse, le deuxième d'uranium, le quatrième de titane. Quant au pétrole canadien, il se substitue au pétrole russe. Pour notre souveraineté, nous avons besoin du Canada ! Nous importons des biens stratégiques et non de la viande aux hormones.
Le Canada est un grand partenaire, une démocratie amie, un pays francophone.
M. Fabien Gay. - Ben oui !
M. Franck Riester, ministre délégué. - Nous partageons des valeurs, des combats pour les droits humains, sociaux, pour l'environnement.
Mme Cécile Cukierman. - Plus pour longtemps.
M. Franck Riester, ministre délégué. - Nous rappellerons cette relation spéciale en célébrant le 80e anniversaire du Débarquement et de la bataille de Normandie. (« Oh ! » à gauche ; applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Olivier Cadic applaudit également.)
M. Ian Brossat. - Vous passez comme ça du sirop d'érable au Débarquement ?
M. Franck Riester, ministre délégué. - Puis nous accueillerons en octobre le sommet de l'Organisation internationale de la francophonie. Le Sénat participe depuis 1965 à l'Association interparlementaire France-Canada. Tout cela, faut-il le rappeler aux présidents Chantrel et Pointereau et aux membres des groupes d'amitié France-Canada et France-Québec ? Vous le savez bien : un vote négatif serait un signal désastreux envoyé au Canada.
Le commerce a façonné l'économie de notre pays au fil des siècles ; c'est la clé de sa vitalité. Pour être prospère, la France doit exporter. On ne peut se plaindre d'une balance commerciale déficitaire et tuer les initiatives visant à redresser la barre.
Le commerce, en 2024, revêt une dimension globale. Quitte à commercer avec le reste du monde, nous voulons des règles claires. C'est tout le sens des accords commerciaux.
Le Ceta est un bon accord commercial, à la hauteur de l'accord de Paris sur la protection des investissements. Ses règles protègent nos filières et ne dérogent à aucun principe environnemental ou social (M. Fabien Gay proteste) - contrairement à l'accord avec le Mercosur, auquel le Gouvernement s'oppose.
« L'ouverture sur le monde est le socle historique de l'Union européenne. Les bénéfices des marchés ouverts, du commerce et de l'investissement international sont indiscutables pour nos pays. L'Histoire a déjà montré que la fermeture commerciale n'est pas une solution. » Ces mots, monsieur Duplomb, sont ceux de Laurent Wauquiez en 2011.
Mme Cécile Cukierman. - C'est petit !
M. Franck Riester, ministre délégué. - Le protectionnisme est un voyant qui s'allume quand le monde s'apprête à sombrer.
Aux élus de droite, je le dis : ne tombez pas dans le piège d'une alliance incongrue et contre-nature avec les communistes ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Olivier Cadic et Jean-Michel Arnaud applaudissent également ; rires sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Cécile Cukierman s'indigne.) N'entraînez pas notre pays sur la voie du repli. (M. Bruno Retailleau s'exclame.) La droite sénatoriale, héritière d'une famille politique à laquelle j'ai appartenu (on ironise à droite), oubliera-t-elle qu'elle défendit l'Europe, le commerce, un libéralisme respectueux de notre modèle social ?
M. Emmanuel Capus. - Non !
M. Franck Riester, ministre délégué. - S'élèvera-t-elle contre un texte négocié par le Président Sarkozy ?
M. Emmanuel Capus. - Jamais !
M. Franck Riester, ministre délégué. - Ira-t-elle à rebours de l'une de ses grandes figures, Jean-Pierre Raffarin (on se gausse sur les travées du groupe SER), qui appelait encore ce matin sur Public Sénat à ratifier le Ceta ? Aux élus Les Républicains, je le dis : ne suivez pas les partisans du repli sur soi et du recroquevillement.
Mme Cécile Cukierman. - Qui sont ?
M. Franck Riester, ministre délégué. - Aux élus socialistes et écologistes, je le dis : pourquoi ne pas soutenir un accord négocié par François Hollande et soutenu par les socialistes à l'époque ?
M. Daniel Salmon. - Climaticide !
M. Franck Riester, ministre délégué. - Mmes et MM. les ministres Rossignol, Conway-Mouret, Lurel, Carlotti, Kanner, ferez-vous le jeu des protectionnistes et des obscurantistes ? (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste.) Pensant répondre à une colère juste, allez-vous détruire l'oeuvre que vous avez vous-même construite ?
Mme Silvana Silvani. - Où sont les arguments politiques ?
M. Franck Riester, ministre délégué. - Ne faites pas du Ceta le bouc émissaire des crises actuelles, n'ajoutez pas une crise aux crises. J'en appelle à votre sagesse. Jugeons le réel et disons oui à cet accord. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et RDSE)
M. Pascal Allizard, rapporteur de la commission des affaires étrangères . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre, l'excès de vos propos démontre une nouvelle fois le mépris du Gouvernement envers le Sénat (applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE-K, SER, et GEST ; MM. Olivier Cigolotti et Alain Duffourg applaudissent également) et envers ceux qui ne pensent pas comme vous. (Mêmes applaudissements) Ce déni est consternant et pathétique.
M. Stéphane Ravier. - C'est la Macronie !
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Cela fait cinq ans que le Sénat attendait que ce projet de loi de ratification soit inscrit à son ordre du jour.
M. Emmanuel Capus. - Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Nos collègues CRCE-K ont forcé la main du Gouvernement. (M. Olivier Cadic s'exclame.) Mais nous nous prononçons sur un texte dont 90 % sont mis en oeuvre depuis sept ans ! C'est là le péché originel : une procédure bien peu démocratique. L'application provisoire, certes juridiquement possible, visait à mettre les parlementaires au pied du mur, en considérant que nous n'oserions pas dénoncer l'accord après sept ans d'application.
Est-il démocratique de maintenir en vigueur un accord alors que le Parlement chypriote a voté contre ? Certes, le gouvernement chypriote ne l'a pas notifié. Que fera le gouvernement français en cas de rejet du Ceta par le Sénat ? Le notifiera-t-il ? M. le ministre pourra nous éclairer...
Le Gouvernement porte une grande responsabilité dans la fragilisation de l'assise démocratique de cet accord. En n'inscrivant pas ce texte à notre ordre du jour après son adoption de justesse à l'Assemblée nationale, il a préféré le statu quo à un risque de rejet.
À quelque chose malheur est bon : nous pouvons juger in concreto des effets de cet accord. L'impact sur le commerce bilatéral semble positif : les échanges entre la France et le Canada ont augmenté de 33 % entre 2017 et 2023, de 6 à 8 milliards d'euros. Certains secteurs ont vu leur excédent commercial progresser : vins et spiritueux, produits laitiers, grâce au contingent de fromages en franchise de droits. Nous avons consommé nos quotas.
Mais derrière les chiffres, quelle réalité ? L'augmentation du commerce franco-canadien n'est que le reflet de la hausse globale du commerce extérieur français, de 35 %. Notre solde commercial reste déficitaire, de 23 millions d'euros en 2023. Les effets du Ceta sur la croissance française et européenne seront très modestes : 0,02 % pour la France, selon les études prospectives. C'est 40 % d'importations de plus, contre 14 % d'exportations seulement.
Le Ceta est aussi une épée de Damoclès sur notre agriculture, et en particulier sur la filière bovine.
M. Pierre Médevielle. - Faux !
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Certes, le Canada sous-utilise son contingent de viande bovine, du fait de normes européennes dissuasives pour ses producteurs, mais ce faible contingent correspond à des morceaux nobles - c'est la guerre de l'aloyau. Le déséquilibre produit par ce type d'importations sur le secteur est démultiplié.
Par ailleurs, cette situation est loin d'être immuable. La forte dépendance des exportations canadiennes de viande vis-à-vis des marchés américain et asiatique pourrait conduire les producteurs à s'intéresser au marché européen, une fois le Ceta définitivement adopté.
Si les autorités européennes devaient autoriser l'usage de l'acide peracétique pour le traitement des carcasses, comme naguère pour l'acide lactique, un frein important à l'accès au marché européen serait levé. Nos éleveurs ne pourraient faire face à une montée de la concurrence canadienne.
Plus généralement, nous regrettons que la Commission européenne négocie des accords dépourvus de clauses miroirs. L'argument selon lequel l'accord ne remet pas en cause les règles sanitaires et phytosanitaires européennes est spécieux, car les réglementations applicables aux importations de pays tiers diffèrent de celles qui s'imposent à nos agriculteurs. Le Premier ministre a affirmé qu'il se battrait pour un principe simple : « si c'est interdit pour nos agriculteurs, cela ne doit pas entrer chez nous ». Dont acte. Commençons par revoir les accords de libre-échange qui imposent cette concurrence déloyale.
M. Emmanuel Capus. - C'est déjà le cas !
M. Pascal Allizard, rapporteur. - D'autant que la partie canadienne demande une reconnaissance de certaines pratiques ou substances interdites au sein de l'Union - acide peracétique, mais aussi certains néonicotinoïdes - et un assouplissement des règles européennes.
Le risque d'un nivellement par le bas n'est pas à exclure. Le respect de la réglementation européenne suppose un contrôle efficace des importations, or l'accord prévoit la réduction des contrôles physiques côté européen et la Commission a constaté, dans ses audits de 2019 et de 2022, que les contrôles côté canadien étaient défaillants.
Présenté comme un accord de nouvelle génération, le Ceta, qui ne tient pas compte des enjeux de bien-être animal ou de souveraineté alimentaire, est en réalité anachronique. D'où notre amendement de suppression de l'article 1er, pour refuser sa ratification.
M. Emmanuel Capus. - Quelle honte !
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Cela ne signifie pas un retour au protectionnisme. Sans le volet agricole de cet accord, notre position aurait pu être différente.
De l'autre côté de l'Atlantique, ce rejet pourrait surprendre ou décevoir. Ce n'est pas un rejet du Canada, qui reste un pays allié et ami. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER ; M. Stéphane Ravier applaudit également.)
M. Emmanuel Capus. - Ça c'est certain !
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - Comme Pascal Allizard, je tiens à dire que mes propos ne sont en rien dirigés contre nos amis canadiens, avec lesquels nous avons de bonnes relations.
M. Emmanuel Capus. - Ah, cela va les améliorer...
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Mais voilà cinq ans que nous aurions dû nous prononcer sur cet accord. Je déplore les contorsions du Gouvernement après le vote de 2019 à l'Assemblée nationale, qui a d'abord annoncé son inscription à l'ordre du jour du Sénat, puis prié pour que nous l'oubliions. Mais les sénateurs n'ont pas oublié et je remercie le groupe CRCE-K d'avoir exhumé ce projet de loi.
Voilà sept ans que le Ceta est appliqué - sans que le Parlement ait autorisé sa ratification. Nous avons le recul nécessaire pour l'évaluer.
Certes, les premières années furent fructueuses, mais cela s'est inversé depuis quatre ans : notre balance commerciale est déficitaire de 23 millions d'euros en 2023. (M. Emmanuel Capus s'exclame.)
Comme disait Churchill, le Gouvernement ne croit les statistiques que quand il les a lui-même falsifiées. La progression de 33 % de nos exportations vers le Canada, en valeur, est artificiellement gonflée par l'inflation. Selon le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii), cet accord fera augmenter nos importations trois fois plus vite que nos exportations. En 2035, le Ceta fera gagner 4 dollars par an et par Européen, contre 313 dollars par an et par Canadien. Quatre dollars par an : voilà la contrepartie du lourd tribut que nous paierons pour la naïveté coupable de la Commission européenne, engluée dans ses contradictions.
Nous ne pouvons plus accepter chez nous ce que nous interdisons à nos propres producteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE-K) Stop à la concurrence déloyale !
Pourquoi ce silence de la Commission européenne après deux audits révélant des lacunes sur la traçabilité animale au Canada ? En Europe, on nous aurait interdit d'exporter ! Comment nous, Européens, pouvons-nous nous comporter comme des tigres avec nos propres producteurs et comme des agneaux avec les Canadiens ?
En 2013, nous avons accepté l'acide lactique pour la décontamination des carcasses. En 2018, le Parlement européen a demandé l'interdiction des antibiotiques activateurs de croissance dans les feedlots canadiens de plus de 30 000 têtes, mais la Commission a traîné des pieds, pour finir par n'exiger qu'une déclaration sur l'honneur. Et que fera-t-elle face à la demande d'utilisation de l'acide peracétique pour les carcasses ? Elle cédera - comme toujours ! - et notre solde commercial s'érodera. Tout l'inverse de ce que vous promettez.
Je vous appelle donc à rejeter l'article 1er. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe SER et du GEST ; MM. Stéphane Ravier, Franck Menonville et Mme Sonia de La Provôté applaudissent également.)
Renvoi en commission
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Marseille et les membres du groupe Union Centriste.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées le projet de loi autorisant la ratification de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part, et de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part (n° 694, 2018-2019).
M. Daniel Fargeot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Au risque de vous surprendre, je remercie la présidente Cukierman, qui porte la ratification du Ceta au débat, en utilisant habilement la niche de son groupe. Ces accords ont été âprement négociés par Nicolas Sarkozy puis finalisés par François Hollande, dont certains ministres sont ici.
En 2021, 309 sénateurs demandaient l'inscription du projet de ratification à notre ordre du jour. Nous n'en serions pas là si le Gouvernement les avait écoutés. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, CRCE-K, SER et du GEST)
Sept ans après l'entrée en vigueur provisoire de 95 % de l'accord, il est temps d'engager le débat, mais pas dans n'importe quelles conditions, au risque de trahir les fondamentaux de notre institution.
M. Jean-Michel Arnaud. - Très bien !
M. Daniel Fargeot. - Notre demande de renvoi en commission vise à décorréler ce débat du calendrier électoral et médiatique. Il ne s'agit pas de renvoyer ce texte aux calendes grecques, mais de l'étudier avec soin.
Sur le fond, 95 % des clauses de cet accord, qui relèvent des compétences exclusives de l'Union, sont entrées en vigueur dès 2017. (M. Olivier Cadic applaudit.) Si les parlements sont sollicités pour ratification, c'est parce que 5 % de l'accord - le chapitre relatif aux investissements et au règlement des différends - relèvent des compétences partagées.
Le Canada est un partenaire de premier ordre de l'Union européenne. Nos valeurs sont similaires, sur les droits humains et sociaux et sur la gouvernance mondiale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDPI) Nos relations sont étroites. Nous siégeons dans les mêmes organisations internationales. Nous partageons la priorité de la lutte contre le changement climatique. Le Canada n'est pas un loup de l'Alberta, mais un ami et allié de la France. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDPI) Ne réduisons pas trivialement ce débat au boeuf aux hormones. Rien de comparable à l'accord avec le Mercosur.
Ce débat, dans le contexte des élections européennes, ressemble à une mauvaise pièce de théâtre. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC) Il ravive les tensions du monde agricole. Alors, sortons des postures.
Quelques éléments d'appréciation : le Ceta bénéficie globalement à nos entreprises, avec une hausse des exportations d'un tiers entre 2017 et 2023 : de 71 % pour les services, de 46 % pour les produits cosmétiques, chimiques et pharmaceutiques, un doublement pour la sidérurgie, une multiplication par 2,5 pour le textile et la chaussure.
Le Canada nous approvisionne en métaux critiques, indispensables à notre industrie et à la transition écologique. Le pétrole canadien contribue à réduire notre dépendance énergétique à la Russie. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDPI)
Notre excédent agricole et agroalimentaire a triplé - plus 24 % pour la filière viticole, plus 57 % pour le lait et le fromage ; nos importations de viande bovine canadienne pèsent à peine 0,0034 % du marché. Seule une quarantaine d'exploitations sont habilitées à exporter vers l'Union.
Prenons le temps d'un examen poussé, pour répondre aux nombreuses interrogations qui subsistent : quel impact sur nos PME et ETI ? Qu'en est-il des projets d'extraction minière au Canada ? Quelles conséquences d'une sortie du Ceta pour nos industries aéronautiques, militaires et énergétiques ? (« Bravo » sur des travées des groupes UC et INDEP) Le climat politique n'est pas propice à une étude sérieuse des effets de bord. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDPI)
Aurons-nous encore le courage de nos positions quand nos exportations de fromage et de vin chuteront ? Quand nos industriels manqueront de minerais stratégiques ? (Applaudissements et « Bravo » sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDPI)
Quel signal envoyons-nous à nos partenaires européens ? L'Allemagne a ratifié le Ceta, tout en demandant des précisions. Le Ceta reste un accord dynamique, avec une procédure de révision. Demandons, nous aussi, des garanties.
Tant sur le fond que sur la forme, notre opposition à cet accord jetterait un discrédit sans précédent sur le Sénat. Ne sacrifions pas notre réputation de sérieux sur l'autel des postures politiques. Votons cette motion, dont l'unique objectif est de permettre un travail de fond.
N'électrisons pas le Sénat, les stigmates en seraient durables. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDPI ; applaudissements sur quelques travées du RDSE).
Mme Cécile Cukierman. - Rassurez-vous, nous aussi nous voulons un débat serein et approfondi. Encore faut-il qu'il ait lieu. Pour qu'il soit serein, il faut que le Parlement soit respecté. Il a été approfondi, puisque nous avons annoncé début février notre intention de l'inscrire dans notre espace réservé du 21 mars... Les commissions s'en sont saisies, les rapporteurs ont fait leur travail. Nous avons tous reçu des courriers, des appels. Le temps de l'approfondissement a eu lieu, place au débat.
Un nouveau cycle d'auditions ne serait que répétition de ce que nous avons fait depuis quelques semaines, et de ce que fait la presse depuis quelques jours - voyez les pleines pages réservées au Gouvernement dans certains grands quotidiens nationaux.
Monsieur le ministre, votre intervention n'était pas respectueuse du Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et Les Républicains ; M. Yan Chantrel applaudit également.) Vous avez usé d'arguments que l'on n'aurait pas osé employer au temps de la guerre froide. Le Parlement, avec les groupes politiques qui le composent, vote la loi. Votre Gouvernement lui-même passe son temps à chercher des accords avec les uns et les autres. Et je n'aurai pas l'outrecuidance de rappeler avec quelles voix vous avez fait voter la loi Immigration ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, et du GEST) Alors, un peu de respect ! (Brouhaha désapprobateur sur les travées des groupes UC et INDEP)
Vous avez été ministre des relations avec le Parlement.
M. Loïc Hervé. - On est loin du Canada.
M. Emmanuel Capus. - Vous votez avec Les Républicains !
Mme Cécile Cukierman. - Vous savez donc que le Gouvernement est maître de l'ordre du jour quinze jours par mois. C'est pourtant notre groupe, dans la continuité de la proposition de résolution votée en 2021 - y compris par les sénateurs UC -, qui a inscrit ce texte à l'ordre du jour du Sénat, sur notre espace réservé - deux fois quatre heures par an ! - alors que le Gouvernement n'inscrit aucun texte les jeudis 28 mars et 4 avril...
Puisque cet accord est si bon, vous auriez pu, et dû, l'inscrire à notre ordre du jour. Pourquoi ne l'avoir jamais fait ? Pour nous laisser le temps de l'apprécier ? (Rires et sourires) On dit parfois que plus l'attente est longue, plus le plaisir est grand (rires), mais à un moment, il faut mettre fin au déni démocratique que vous avez sciemment organisé (applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K), sachant très bien que le Sénat rejetterait le Ceta.
Chers collègues, nous ne voulons pas d'un débat de postures à la veille des élections européennes. (Marques d'ironie sur les travées des groupes INDEP et UC)
M. Emmanuel Capus. - Bien sûr que non...
Mme Cécile Cukierman. - Vous me connaissez, je ne suis pas dans la posture. (On rit sur les travées des groupes INDEP et UC.) Est-ce lié à ce qui se passera ce week-end ? Voulez-vous rendre service au Gouvernement en enterrant le texte ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; dénégations sur les travées du groupe UC) C'est indigne du débat serein et approfondi que nous devons avoir.
M. Emmanuel Capus. - On ne débat pas du Canada sur un coin de niche !
M. Loïc Hervé. - On est loin d'un débat !
Mme Cécile Cukierman. - J'invite l'ensemble des sénateurs à voter contre cette motion.
Je veux rassurer mes enfants : quel que soit notre vote de ce matin, il y aura du sirop d'érable sur les pancakes du dimanche matin. (Rires sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Laurent Duplomb rit également.)
Quel que soit notre vote, les commémorations du Débarquement auront lieu, car notre histoire mérite mieux. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, Les Républicains et du GEST ; M. Henri Cabanel applaudit également.) Et nos coopérations avec la Canada et le Québec se poursuivront.
Notre groupe politique ne se replie sur lui-même, mais défend une agriculture forte et une alimentation saine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. Pascal Allizard, rapporteur. - La commission a rendu un avis défavorable à cette demande de renvoi, contraire à la position du Sénat.
M. Loïc Hervé. - C'est bien dommage.
M. Pascal Allizard, rapporteur. - En effet, le 15 avril 2021, le Sénat a adopté par 300 votes pour et 0 contre - le groupe UC ayant voté pour - une résolution demandant au Gouvernement de poursuivre le processus de ratification du Ceta devant le Sénat. Plus récemment, le rapport de Sophie Primas, Amel Gacquerre et Franck Montaugé demandait la ratification systématique des accords mixtes par les Parlements nationaux. À quoi cela servirait-il de refuser l'obstacle ?
M. Emmanuel Capus. - À travailler !
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Nous l'avons fait...
M. Emmanuel Capus. - Sur un coin de niche !
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Nos concitoyens attendent que le Sénat prenne position, en conscience et en responsabilité. L'inscription de ce texte dans une niche parlementaire n'empêche pas un travail en profondeur. Les délais - cinq ans depuis la transmission au Sénat en 2019 - sont raisonnables et le travail avec la commission des affaires économiques a été étroit. Nous avons tous eu le temps de nous y intéresser. Rejetons cette motion. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, CRCE-K et SER)
M. Franck Riester, ministre délégué. - Sagesse. (On rit et on commente diversement sur de nombreuses travées.)
M. Louis Vogel. - Les chiffres du commerce extérieur prouvent que le Ceta nous est favorable. (M. Loïc Hervé renchérit.)
Que souhaitons-nous obtenir par un vote négatif ? Remettre en cause l'accord avec le Mercosur ? Il est totalement disjoint. Obtenir de nouvelles garanties ? Si oui, lesquelles et avec quels alliés ? En votant contre le Ceta, nous perdrions ses effets bénéfiques pour l'Europe, nous affaiblirions la position française et nous remettrions en cause nos relations historiques avec un allié qui ne nous a jamais fait défaut.
Les conditions pour la tenue d'un vrai débat parlementaire ne sont pas réunies. (M. Loïc Hervé renchérit.) C'est pourquoi notre groupe votera cette motion. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et du RDPI)
M. Emmanuel Capus. - C'est la sagesse !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Dix-sept États membres ont déjà ratifié le Ceta. Dans dix autres, la procédure de ratification est en cours. Cela ne sera pas bouclé en 48 heures ! Le Sénat peut utiliser ce temps additionnel pour mener un travail de fond, complémentaire de celui déjà mené par les rapporteurs. Nous devons faire ce travail tous ensemble.
C'était la première fois que le Parlement disposait d'autant d'informations : études du Cepii et des inspections, plan d'action du Gouvernement... Mais ces éléments méritent d'être actualisés.
Le RDPI votera cette motion. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP et UC)
M. Loïc Hervé. - Très bien.
M. Bruno Retailleau. - Nous ne nous joindrons pas à nos amis centristes.
M. Loïc Hervé. - Dommage !
M. Bruno Retailleau. - Monsieur le ministre, vous qui avez été ministre des relations avec le Parlement, vous connaissez l'esprit du Sénat. Pourtant, vos propos ont été caricaturaux.
Vous voulez nous donner une leçon de cohérence ? Mais rappelez-vous ces ministres et parlementaires qui, debout sur des bottes de paille et la main sur le coeur, ont promis aux agriculteurs que les termes de l'échange ne seront plus jamais déséquilibrés...
M. Emmanuel Capus. - Philippe de ViIliers !
M. Bruno Retailleau. - En 1994, j'ai voté contre la ratification de l'accord de Marrakech sur l'Organisation mondiale du commerce (OMC), dont on a vu l'effet sur la désindustrialisation et la paupérisation des classes moyennes.
Qui êtes-vous pour nous donner une leçon de libéralisme, quand la dépense publique atteint 58 % du PIB ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Quand vous êtes comptable de 900 milliards d'euros de dette supplémentaire depuis 2017 ?
Vous instrumentalisez le débat. Bien sûr, il y a des élections européennes, mais alors que les accords de libre-échange relèvent de la compétence exclusive de l'Union, on a vu, lors du covid, que les populations voulaient désormais plus de souveraineté.
Que chacun balaie devant sa porte. N'y a-t-il pas une instrumentalisation au plus haut niveau de l'État pour faire peur ? (On le confirme sur les travées du groupe CRCE-K)
Si le Parlement avait été respecté, nous n'en serions pas là. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE-K, SER et du GEST ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. Didier Marie. - Dix ans de négociations pour aboutir à un accord en 2016 : nous avons eu le temps de nous y intéresser, malgré l'opacité de ces négociations - dans une pièce fermée, sans téléphone ni bloc-notes. Puis sept ans de mise en oeuvre. Nous voyons les avantages, mais aussi les inconvénients.
M. Jean-Pierre Grand. - François Hollande y était favorable !
M. Didier Marie. - L'Assemblée nationale en a débattu pendant dix heures ; le Sénat n'a toujours pas été saisi par le Gouvernement.
M. Emmanuel Capus. - Vous auriez pu l'inscrire à l'ordre du jour ! Merci les communistes.
M. Didier Marie. - Nous avons tous demandé que le Sénat soit saisi, ce n'est pas pour y renoncer le moment venu. Nous appelons à voter contre le renvoi en commission. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
M. Loïc Hervé. - Quel dommage !
À la demande du groupe CRCE-K, la motion n° 1 rectifié bis est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°158 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l'adoption | 106 |
Contre | 231 |
La motion n° 1 rectifié bis n'est pas adoptée.
(Applaudissements sur quelques travées des groupes CRCE-K et Les Républicains)
Discussion générale (Suite)
M. Didier Marie . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie nos collègues du groupe CRCE-K. Monsieur le ministre, vous auriez dû et pu inscrire ce texte à notre ordre du jour. Malgré vos engagements, nous attendons toujours. C'est un déni de démocratie. Mettez fin à ce mauvais traitement et en cas de rejet, notifiez-le à la Commission européenne !
Vous omettez de préciser que le chiffrage de l'augmentation de nos échanges avec le Canada est en valeur, non retraitée de l'inflation : en volume, selon Eurostat, ce n'est que 0,7 point en plus entre 2017 et 2022. Quant aux secteurs bénéficiaires - textile, vin, fromage - , ils sont marginaux dans notre balance commerciale.
Le Canada n'a quasiment pas utilisé ses quotas de viande bovine, peut-être dans l'attente du resserrement des marchés américain et asiatique. Doit-on être rassuré alors que les boeufs sont nourris avec des farines animales, que le Canada obtient des dérogations pour la décontamination des carcasses et qu'il n'existe aucune garantie sur l'usage d'antibiotiques de croissance ? (M. Emmanuel Capus proteste.)
Le champ de cet accord est large, incluant la libéralisation des services publics, jusque-là protégés.
Alors que l'accord de Paris engage à restreindre l'importation d'énergies fossiles, elles représentent 40 % des échanges du Ceta. Parmi les vingt secteurs qui progressent le plus, on trouve les produits chimiques, le pétrole issu de sables bitumineux, les engrais, l'aluminium, tous fortement carbonés.
Nous sommes donc loin de l'image idyllique qu'on nous présente. Si l'accord de Paris est évoqué dans les déclarations interprétatives, rien ne le rend contraignant. Rien non plus ni sur les clauses miroirs ni sur le principe de précaution.
Dès 2017, la commission Schubert avait alerté sur ces points, mais les promesses du Gouvernement se sont évaporées. Elle qualifiait la coopération réglementaire de « la plus préjudiciable ». Cet accord instaure la prééminence du droit commercial sur la protection de l'environnement, des consommateurs, des travailleurs.
Alors que 90 % du Ceta est en oeuvre, nous sommes appelés à ratifier cet accord mixte - dont un mécanisme de règlement de différends qui permettra aux multinationales de peser sur les États. C'est une menace a priori sur l'édiction des normes et a posteriori avec des dommages et intérêts exorbitants.
Dernière incongruité, alors que la France sort du traité sur la Charte de l'énergie qui protégeait les investissements dans les énergies fossiles, le Ceta couvre ces derniers par une clause.
Le bilan, mitigé pour le commerce, est négatif sur l'environnement. Nous appelons à rejeter le Ceta, à un moratoire sur les autres accords, et à revoir notre logiciel en matière d'échanges commerciaux. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
M. Laurent Duplomb . - Autoriser cette ratification, c'est ouvrir la voie à l'accord sur le Mercosur. (Protestations sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC)
M. Emmanuel Capus. - C'est l'inverse !
M. Laurent Duplomb. - L'agriculture canadienne nous est souvent présentée comme celle, bucolique, du Québec, qui ressemble à la nôtre. Mais la réalité, c'est que ces 100 000 tonnes de blé, ces 48 000 tonnes de viande de boeuf sont issues d'une tout autre agriculture. L'Alberta est la jumelle des États-Unis et du Brésil !
Plus de quarante molécules chimiques autorisées au Canada sont interdites dans l'Union européenne, comme l'atrazine et l'oxyde d'éthylène, sujet de mon rapport sur le sésame et interdit depuis 1991 !
M. le ministre a parlé des lentilles vertes du Puy. Au Canada, le glyphosate est utilisé pour accélérer la maturation des lentilles jusqu'à quatre jours avant récolte. C'est interdit en France. On est passés de 0,1 à 10 microgrammes par kilogramme pour les lentilles importées, alors que les Canadiens, pour leur consommation, se limitent à 4 !
M. Ian Brossat. - Très bien !
M. Laurent Duplomb. - Au Canada, les feedlots engraissent jusqu'à 30 000 bovins, sans traçabilité ; 91 % des bovins sont abattus dans quatre usines, les animaux roulent parfois 36 heures sans eau, quand l'Europe limite les trajets à quatorze heures, bientôt neuf.
Cette concurrence déloyale est mortifère pour notre souveraineté alimentaire. L'importation pourrait concerner 67 000 tonnes de viande, l'équivalent de 600 000 bovins, soit le cheptel perdu depuis dix ans !
Comment continuer de plaider pour un changement de modèle, pour une agriculture agroécologique, alors que notre agriculture est déjà très verte, tout en voulant importer des modèles totalement opposés ?
Mme Cécile Cukierman. - Exactement.
M. Laurent Duplomb. - Les Canadiens ne veulent pas changer le modèle : tout est dit ! Alors, actons notre désaccord et rejetons l'article 1er sur le Ceta - ce qui n'est pas un acte hostile contre nos amis canadiens. (On ironise sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC et du RDPI)
Nous voterons en revanche l'article 2. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE-K et SER)
M. Stéphane Ravier . - Ce n'est pas pour rien que la gauche socialiste, emmenée par François Hollande, a signé le Ceta : le libre-échange à l'extérieur est l'ennemi de la libre entreprise à l'intérieur.
La commission von der Leyen cherche à libéraliser les échanges tout en submergeant de contraintes les entrepreneurs français et européens. Pour les paysans, moins de compétitivité, plus de compétition. Il n'y a pas de mondialisation heureuse, mais des gagnants et des perdants. Nous sommes des perdants consentants : non seulement vous voulez nous faire cocus, mais vous exigez que nous soyons contents !
Le Ceta supprime 98 % des droits de douane ; en même temps, les 75 lois du Pacte vert administrent l'agriculture à la parcelle près.
Or le méga éleveur canadien est un concurrent déloyal du paysan français. Depuis la mise en oeuvre partielle du traité, le déficit commercial français s'élève non à 23, mais à 48 millions d'euros avec le Canada.
Un échange sans réciprocité n'est pas un libre-échange. Alors que les agriculteurs français sont surveillés par les impitoyables agents armés de l'Office français de la biodiversité (OFB), on importe du boeuf aux hormones, nourri aux farines animales, à l'origine de la vache folle. (M. Emmanuel Capus proteste.) Le Ceta, c'est la mise en concurrence déloyale des céréaliers, qui subiront l'importation de colza OGM et traités avec des pesticides interdits en France.
Avec les nouveaux accords de libre-échange avec le Mercosur ou la Nouvelle-Zélande, vous court-circuitez les circuits courts.
Nous refusons ce libre-échange kolkhozien où l'agriculteur n'est plus qu'un ouvrier employé par la Commission ! Nous voulons des barrières douanières qui garantissent la libre entreprise sur notre sol. Du poulet du Maine plutôt que d'Ukraine, du boeuf de Lozère et non de Vancouver, la Corrèze avant le Zambèze, encore et toujours ! (Exclamations)
Nous voulons une Europe puissance et non une Europe nuisance. Nous voterons contre ce traité. (Protestations sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe UC)
M. Loïc Hervé. - Cela fait peur...
M. Vincent Louault . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Les paysans vont mal dans toute l'Union européenne, et ce n'est pas nouveau : surtransposition, non-respect des normes sanitaires par des pays européens, importations de blé dur russe via la Turquie. La liste est longue, la colère légitime.
Balayons déjà devant notre porte. Nous ne sommes pas condamnés à l'impuissance : l'Union européenne a su agir contre la vache folle.
Toute filière d'importation doit être construite et contrôlée par l'Europe avant l'arrivée d'un kilo de viande. Disons-le clairement : le boeuf aux hormones n'est pas possible sur le territoire européen, et ne le sera jamais. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)
M. Didier Marie. - S'il y a des contrôles ! Mais il n'y en a pas...
M. Vincent Louault. - Certains jouent sur la peur du grand remplacement du boeuf français par le boeuf canadien, mais le Ceta n'est pas le traité sur le Mercosur. Oui au Ceta, non au Mercosur !
Le Ceta, c'est l'exportation de fromages français, c'est Alstom qui a rénové le métro de Montréal, ce sont des minerais stratégiques qui réduisent notre dépendance aux régimes autoritaires. Qui dans cet hémicycle préfère importer le pétrole de Poutine plutôt que celui de nos amis canadiens ? Assumons de commercer avec des partenaires de longue date ! (M. Joshua Hochart proteste.) Le Canada est un pays frère.
Il est très malin, de la part des communistes, de sortir ce projet du bois... (Exclamations à gauche)
M. Pierre Ouzoulias. - Merci !
M. Vincent Louault. - Je suis un paysan, éleveur de vaches limousines. Après le vote, on distinguera ceux qui ont fait le choix, opportuniste, de l'émotion, et ceux qui ont fait le choix du pragmatisme économique et de la cohérence avec leurs convictions. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC et du RDSE ; Mme Nicole Duranton applaudit également.)
M. Olivier Cadic . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Claude Malhuret applaudit également.) Notre groupe est majoritairement favorable à la ratification du Ceta, provisoirement entré en vigueur le 21 septembre 2017. Sept ans plus tard, son bilan se révèle très positif. Grâce au Ceta, nos exportations ont progressé d'un tiers avec le Canada. Tous les secteurs sont gagnants : industrie, agriculture et agroalimentaire, services...
Le Canada est devenu un partenaire majeur de notre souveraineté économique. Selon la chambre de commerce France-Canada, cet accord a créé un espace économique sûr entre l'Europe et le Canada, avec des règles du jeu transparentes, stables et prévisibles. À ce jour, dix-sept pays de l'Union européenne ont ratifié le Ceta. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
Le rapporteur appelle à rejeter le Ceta. Alors que le Sénat ne peut renverser le Gouvernement, peut-il annuler un accord ratifié par les deux tiers des pays européens ?
M. Didier Marie. - À voir !
M. Olivier Cadic. - La démocratie n'est pas la dictature d'une minorité !
M. Jean-Michel Arnaud. - Très bien !
Mme Olivia Richard. - Bravo !
M. Olivier Cadic. - Vous allez affaiblir notre pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC et du RDPI)
Les communistes combattent le libre-échange qui serait à l'origine d'une mondialisation malheureuse pour les peuples. (Mme Cécile Cukierman se gausse.) Ils veulent casser la mécanique européenne, comme l'extrême droite. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; on ironise sur les travées du groupe CRCE-K.)
Plus troublant est le revirement de nos collègues socialistes. Le Ceta a été signé sous la présidence de François Hollande, pas une virgule n'a changé. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
M. Loïc Hervé. - Eh oui !
M. Olivier Cadic. - Or ils appellent à le rejeter, eux qui comptent dans leurs rangs le président du groupe d'amitié France-Canada. Cela ne les grandit pas ! (Mêmes applaudissements)
M. Didier Marie. - Pas sûr !
M. Olivier Cadic. - Jacques Delors, réveille-toi, ils sont devenus fous ! (M. Emmanuel Capus applaudit ; marques d'exaspération à gauche.)
Comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nos rapporteurs s'essaient au trumpisme, dénonçant une « naïveté coupable » de la Commission européenne. Le Ceta devient un bouc émissaire bon pour l'abattoir. (On apprécie.) Vivant en Angleterre, je connais ces tirades démagogiques, ce sont celles des Brexiteurs ! (M. Pierre Ouzoulias s'exclame.)
Nos collègues Les Républicains, qui s'allieront aux communistes (on ironise sur les travées du groupe CRCE-K), pensent capitaliser sur la colère agricole. Ils trahissent les présidents Chirac et Sarkozy.
M. Max Brisson. - Et Séguin ?
M. Olivier Cadic. - Comme la majorité du groupe UC et dans l'intérêt supérieur de la nation, je voterai la ratification du Ceta, qui a fait ses preuves. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC ; MM. Bernard Fialaire et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)
Mme Audrey Linkenheld. - Il faut rester calme...
M. Guillaume Gontard . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je remercie le groupe CRCE-K de soumettre enfin au Sénat la ratification du Ceta. Cela fait sept ans que nous demandons que cesse ce hold-up démocratique. À croire que le Gouvernement a peur du Parlement... (On ironise à gauche.)
Négocié sous Sarkozy, poursuivi sous Hollande, il aura fallu du temps pour percevoir enfin les effets délétères du Ceta. Cela fait dix ans que les écologistes, dont Yannick Jadot, se battent contre ce traité, mais c'est la première fois que notre chambre en est réellement saisie. Il s'applique déjà à 90 % alors que dix pays ne l'ont pas ratifié. Pire, nous ne savons pas si son rejet entraînera une notification du Gouvernement.
L'institut Veblen montre que le Ceta est catastrophique pour le climat, pour notre santé et pour notre souveraineté, et soumet nos agriculteurs à une concurrence déloyale. On promettait 700 000 emplois européens tirés par les exportations, mais selon Eurostat et la direction générale du commerce de l'Union, la part des emplois européens liés aux exportations est stable, au niveau européen comme français.
Les négociateurs avaient fait miroiter de vastes marchés aux PME, mais cela ne se vérifie que dans quelques secteurs : automobile, pharmacie, nucléaire. Nous importons deux fois plus d'engrais qu'avant la crise, plus de minerais stratégiques : où est la souveraineté ? Et nous importons 50 % de plus de pétrole issu de schistes bitumineux, trois à quatre fois plus polluant que le pétrole conventionnel.
M. Didier Marie. - Eh oui !
M. Guillaume Gontard. - Cette barbarie environnementale pollue des forêts à jamais.
Devant la Convention citoyenne pour le climat, le Président de la République s'était dit prêt à abandonner le Ceta s'il ne respectait pas l'accord de Paris. Passons de la parole aux actes ! (M. Guy Benarroche applaudit.)
Le rapport Schubert a montré que le Canada employait des pesticides et des farines animales interdites dans l'Union européenne. Comment accepter de telles entorses, alors que nous mettons en place, à juste titre, des réglementations plus ambitieuses ?
Quant aux fameuses clauses miroirs, c'est surtout le Canada qui fait pression pour abaisser nos standards, avec des plaintes devant l'OMC en 2019 et en 2023.
La ratification du Ceta entraînerait l'application de son dernier volet, peut-être le plus dangereux, qui autorise le recours à des tribunaux d'arbitrage privés. Les multinationales pourront ainsi attaquer des États, qui risquent de devoir renoncer à légiférer jusqu'à vingt ans après la sortie de l'accord.
Nous sommes pour les échanges, mais contre le libre-échange, la dérégulation, le libéralisme destructeur. Les écologistes diront oui au Canada et résolument non au Ceta ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE-K ; M. Rémi Féraud applaudit également.)
M. Fabien Gay . - (On encourage l'orateur sur les travées du groupe CRCE-K.) Enfin ! Enfin, nous y sommes. Après de multiples questions écrites et orales de tous les groupes, après un débat en 2018, déjà à notre initiative, sur les répercussions du Ceta, après une résolution adoptée à l'unanimité en 2021 invitant le Gouvernement à poursuivre la ratification, après sept longues années d'attente, le Sénat peut enfin se prononcer sur la ratification du Ceta. C'est déjà une victoire démocratique pour notre assemblée.
Fait inédit, cette ratification a été inscrite à l'ordre du jour par un groupe d'opposition, parce que nous rejetons le déni démocratique.
Cet accord a été négocié au troisième sous-sol de la Commission européenne sans que jamais le mandat de négociation ne soit publié.
Dix-sept États membres l'ont ratifié, dont l'Allemagne l'année dernière. Et nous ? Eh bien non ! Après l'avoir fait ratifier de justesse, au coeur de l'été 2019, par l'Assemblée nationale où vous aviez alors une écrasante majorité, vous avez toujours refusé de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat. Vous en êtes personnellement responsable, monsieur le ministre, ayant été dix-huit mois ministre des relations avec le Parlement. Pourquoi ? Parce que vous aviez peur de perdre le vote.
N'ayez pas peur ! Le débat argumenté et le vote sont à la base de la démocratie. Or vous voyez le Parlement comme un obstacle : pour vous, la démocratie, c'est le vote, mais seulement si vous êtes sûrs de gagner ! (Mme Émilienne Poumirol et M. Guy Benarroche applaudissent.)
Mme Cécile Cukierman. - Très bien.
M. Fabien Gay. - Après le 49.3 sur les retraites, les coupes de 10 milliards d'euros dans les finances publiques, vous aviez décidé de ne pas inscrire un texte qui s'applique déjà de façon provisoire.
Chacun connaît notre opposition à ce traité, climaticide et qui crée de la concurrence déloyale pour nos agriculteurs. Les clauses miroirs, malgré vos mensonges, sont absentes des 2 344 pages du traité.
Cet accord crée des tribunaux privés, juridictions supranationales devant lesquelles les multinationales pourront faire condamner les États.
Nous allons importer du boeuf aux hormones, du soja OGM, du gaz de schiste. (M. Emmanuel Capus s'exclame.)
Quel que soit votre vote, chers collègues, il n'aura été permis que parce que nous avons inscrit ce texte à notre ordre du jour, malgré les pressions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)
M. Loïc Hervé. - La belle affaire !
M. Fabien Gay. - Le groupe communiste n'a que deux niches par an. Il a pris le risque d'un vote contraire à ses combats, car il est temps que le processus démocratique soit enfin respecté, et que ces traités de libre-échange débattus en huis clos le soient devant les deux chambres.
Le Gouvernement respectera-t-il le vote du Sénat ? Il se murmure déjà que vous envisagez de ne pas transmettre le texte à l'Assemblée nationale pour éviter un nouveau débat. Est-ce vrai ?
M. Didier Marie. - Ce n'est pas possible !
Mme Audrey Linkenheld. - Quand même pas !
M. Fabien Gay. - Ce serait un déni démocratique, un coup de force.
Monsieur le ministre, vous engagez-vous à transmettre le texte à l'Assemblée nationale ? (Marques d'impatience sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. Emmanuel Capus. - Votre temps est dépassé !
M. Fabien Gay. - Un tel coup de force s'apparenterait à un nouveau 4 février 2008, quand la France a ratifié le traité de Lisbonne malgré le vote des Français.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Fabien Gay. - On nous reproche un « coup politique », mais nous ne sommes pas un club de belote. Nous ferons un choix politique. Bon vote à toutes et tous. (Applaudissements à gauche et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Henri Cabanel . - Enfin. Enfin, nous pourrons voter, ou non, le Ceta, plus de sept ans après sa signature. Nous avons assisté à un déni de démocratie. En 2017, exigence du Canada, un Ceta provisoire a été mis en place. En 2019, un seul vote à l'Assemblée nationale, avec 54 voix d'avance. Pourquoi le Sénat en a-t-il été privé ? Parce que son vote dérange ?
Je remercie le groupe CRCE-K qui a mis ce texte sous le feu des projecteurs en 2021. Le bilan du Ceta est très bon pour les uns, fragile pour les autres. Les exportations françaises vers le Canada ont augmenté de 33 %, mais les importations de 35 %, soit un effet neutre, voire légèrement négatif.
Le RDSE étant partagé, je resterai objectif. Le Ceta est en effet un catalyseur d'échanges avec le Canada dans certains secteurs comme le textile et les vins et spiritueux, qui bénéficient à la France, et profite aux secteurs canadiens du fer, du nickel, du cuivre. L'Union européenne dépend ainsi moins des marchés russe et chinois.
Mais les concessions de la Commission européenne sont en totale contradiction avec le pacte vert : les protéines animales transformées, les farines animales, les 41 substances actives phytosanitaires, non autorisées en Europe !
La défaillance du contrôle sanitaire canadien est avérée par deux audits de la commission des affaires économiques, en 2019 et 2022. L'interdiction de l'importation d'animaux nourris aux hormones de croissance s'appuie sur une simple attestation sur l'honneur. En pleine crise agricole, il n'y a pas de clause miroir.
L'article 44 de la loi Égalim interdit la vente de produits agricoles ou de denrées alimentaires non autorisés en France. C'est pourtant le cas. Comment est-ce possible ?
Comme le rappelait Annick Girardin le 6 mars, le Ceta reconnaît la zone économique exclusive (ZEE) et le plateau continental du Canada, mais pas de l'Union européenne. Il est urgent de confirmer que les travaux sur ce sujet sont bien en cours.
En cas de refus du Ceta par le Sénat, le Gouvernement convoquera-t-il une CMP ? Enverra-t-il le texte en deuxième lecture à l'Assemblée nationale ? Refusera-t-il de l'inscrire à l'ordre du jour ?
M. Didier Marie. - Bonnes questions...
M. Henri Cabanel. - Dans un contexte exacerbé de mal-être des agriculteurs et de pressions sociétales, ce texte ne fera pas l'unanimité. Le vigneron que je suis, dont la filière est bénéficiaire, ne peut accepter qu'un accord fasse des gagnants et des perdants. Il faut être solidaire. Pour ma part je ne voterai pas le Ceta. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du RDSE ; M. Guy Benarroche applaudit également.)
Mme Nicole Duranton . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous nous prononçons plus de quatre ans après nos collègues du palais Bourbon, où la discussion avait été houleuse.
Le premier bilan concret est positif. Le Ceta permet à l'Union européenne de tirer un avantage substantiel de ses relations avec le Canada : 19 milliards d'euros. La suppression de 98 % des barrières tarifaires favorise des produits français dont les Canadiens raffolent : le Canada est notre huitième client mondial pour les vins, le septième pour les spiritueux. Les exportations de fromage ont augmenté de 60 %. Le Ceta offre une multitude d'avantages commerciaux pour l'Union européenne et la France. Nos exportations de services ont augmenté de 71 % entre 2017 et 2022.
Grâce à cet accord de libre-échange de nouvelle génération, nos entreprises peuvent participer aux marchés publics canadiens. Il est essentiel à la bonne santé économique et commerciale de ses parties.
Les inquiétudes des représentants agricoles et de l'agroalimentaire sont réelles, mais trop souvent l'information côtoie la désinformation. (M. Laurent Duplomb hausse les épaules.) Le Ceta s'est révélé largement favorable à nos agriculteurs. L'excédent a été accru. La filière laitière en a directement profité. Il reconnaît 42 indications géographiques françaises - roquefort, cantal, pruneaux d'Agen, etc.
Contrairement à ce que prétendent ses détracteurs, les importations sont marginales. Non, le marché français n'a pas été envahi de boeuf canadien : nous n'avons importé que 0,0034 % de la consommation française ! Nous n'importons que les produits répondant aux normes européennes, donc pas de boeuf aux hormones, par exemple.
En 2022, l'Union européenne a intégré une nouvelle approche, en élevant l'accord de Paris au rang d'élément essentiel des accords de libre-échange, au même titre que le respect des droits de l'homme.
Le Ceta est un moteur de la coopération entre l'Union européenne et le Canada. Les deux parties ont ainsi créé l'alliance verte dans les domaines du climat, de l'énergie et des océans - un pas dans une bonne direction, alors que nous sommes entourés de climatosceptiques. Quinze des trente matières premières stratégiques se trouvent au Canada, premier producteur de potasse et deuxième d'uranium. Le partenariat signé en septembre 2023 assure l'approvisionnement de notre industrie. J'espère, après une heure de débat, que vous reconnaîtrez les avantages du Ceta pour notre économie.
N'ayons pas la mémoire courte : l'accord a été signé par François Hollande en 2017, après les travaux lancés en 2009 par Nicolas Sarkozy. Ne soyons pas dogmatiques. (On ironise à gauche.) Son bilan est plus que positif. Sa ratification n'implique rien de plus que l'application de dispositifs ayant fait leurs preuves. Ce n'est pas un premier pas vers l'accord avec le Mercosur. Il fera rayonner la France. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains, l'oratrice ayant dépassé son temps de parole.)
La majorité des sénateurs du RDPI voteront pour la ratification. (MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Olivier Cadic applaudissent.)
M. Jean-Claude Tissot . - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER) Après des années de mobilisation de la société civile, de syndicats et d'ONG, nous avons enfin l'occasion de nous prononcer sur le Ceta.
L'inscription de ce projet de loi de ratification dans un espace réservé est un désaveu pour le Gouvernement, qui voulait contourner le Sénat.
Partout en Europe, les agriculteurs se sont mobilisés autour de deux revendications : vivre dignement de leur travail et ne plus subir une concurrence déloyale. Le Ceta a un impact direct sur ces deux aspects.
Certaines filières sont gagnantes, d'autres perdantes. En tant que législateurs, nous devons en faire le bilan.
Avec le recul, nous constatons que les avantages du Ceta sont minimes si nous regardons en volume, et non en valeur. La part des fromages exportés ne représente que 0,55 % de la production fromagère française, tandis que la lentille souffre d'une forte concurrence. La filière bovine est épargnée pour l'instant, mais le Canada est loin d'avoir utilisé tous ses quotas.
Nous ne pouvons accepter du boeuf aux hormones ou nourri avec des farines animales, des lentilles au glyphosate ou l'une des 41 molécules interdites en Europe, mais autorisées au Canada.
Quel modèle agricole voulons-nous ? Le Canada a toujours cherché à affaiblir notre agriculture, en réclamant des dérogations. Ce lobbying n'est pas à la hauteur des ambitions climatiques.
Le Ceta a déstabilisé la filière laitière canadienne, qui bénéficiait auparavant d'une rémunération juste des producteurs : les effets sont dommageables pour les paysans des deux côtés de l'Atlantique.
Nous avons importé plus de produits fortement carbonés, ce qui est intolérable.
Nous ne sommes pas opposés au commerce et aux échanges, indispensables à notre agriculture et à notre industrie, mais nous ne voulons plus de traités de libre-échange tirant les normes sociales et environnementales vers le bas.
Les clauses miroir n'ont de sens que si elles sont réellement inscrites dans l'accord - or ce n'est pas le cas. Nous représentons 27 démocraties et plus de 400 millions de consommateurs. Monsieur le ministre, vous avez les cartes en main !
Nous nous opposerons avec conviction à la ratification du Ceta. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Guy Benarroche applaudit également.)
Mme Valérie Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Sénat doit se prononcer sur le Ceta, après le rejet en commission. Je salue les travaux des rapporteurs.
Ce rejet ne remet pas en cause nos liens avec le Canada, notamment le Québec, avec lequel nous partageons une histoire et une langue commune. Mais nous ne pouvons pas tout accepter au nom de cette amitié. Il n'y a pas d'un côté le libéralisme incontrôlé, de l'autre le protectionnisme conservateur. Halte aux caricatures, monsieur le ministre ! Place à la cohérence. Un équilibre doit être trouvé. Bruno Retailleau l'a rappelé : nous croyons à la liberté dans le commerce. Les accords commerciaux ont des avantages et des inconvénients, mais cela doit constituer un équilibre pour une prospérité globale.
Comme je l'ai dit en 2019 à l'Assemblée nationale, le Ceta ne répond pas à ces objectifs globaux. Ce Golem échappe à ses créateurs, les nations, et fait peser une épée de Damoclès sur notre agriculture.
Ceta, Mercosur, accord avec la Nouvelle-Zélande : ces accords fragilisent notre agriculture et notre souveraineté alimentaire ; ils ne permettent pas d'obtenir une réciprocité.
Faisons preuve de pragmatisme commercial et de cohérence. Est-il cohérent de voter cet accord alors que nous apportons notre soutien aux agriculteurs ?
M. Emmanuel Capus. - Oui !
Mme Valérie Boyer. - Comment dire que nous protégeons l'environnement, que nous voulons une production raisonnée tout en important des aliments issus de pratiques d'élevage interdites ?
M. Franck Riester, ministre délégué. - Nous n'en importons pas.
Mme Valérie Boyer. - Concernant les farines animales, les antibiotiques, les hormones de croissance, la traçabilité par lots et non individuelle représente un risque sanitaire.
Ce n'est pas un débat pour ou contre le Canada, pour ou contre le libre-échange. Nous sommes pour un libre-échange équilibré, avec des clauses miroirs, non des miroirs aux alouettes. Voulons-nous une France divisée entre ceux qui peuvent manger de façon éclairée, et les autres ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Exactement !
Mme Valérie Boyer. - La crise du covid a révélé nos vulnérabilités ; la crise ukrainienne, l'importance de la souveraineté alimentaire. Le monde a changé, il faut s'adapter si nous voulons conserver la trinité chère à Fernand Braudel : pays, paysan, paysages. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Cécile Cukierman et Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)
Mme Anne-Catherine Loisier . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je regrette que le Gouvernement n'ait pas mis à profit les sept dernières années pour engager les débats sur le Ceta et prévoir les fameuses mesures miroirs promises.
En 2021, déjà, nous affirmions notre souhait de développer nos échanges avec le Canada, pays ami avec lequel nous partageons une histoire, des intérêts convergents et surtout des perspectives d'avenir.
M. Loïc Hervé. - Eh oui !
Mme Anne-Catherine Loisier. - Depuis sept ans, malgré les réussites pour les filières fromages, vins, spiritueux ou encore cosmétiques, notre bilan commercial est passé de plus 25 millions d'euros à moins 23 millions d'euros, les exportations ayant augmenté trois fois moins vite que les importations.
Nous restons favorables à un accord qui serait équilibré, mais le Ceta ne garantit pas le respect des normes sanitaires. Le Canada utilise quarante molécules interdites dans l'Union européenne, et souhaite décontaminer les carcasses à l'acide peracétique, interdit en France. Cet accord créerait une distorsion de concurrence insoutenable pour les agriculteurs, qui pèse sur notre sécurité sanitaire et alimentaire.
Mais le débat ne porte pas que sur la filière bovine. Quelle est la cohérence d'un traité négocié par l'Union européenne, inflexible sur les règles chez elle, mais laxiste sur les produits importés ?
Cet accord d'avant le covid et l'état d'urgence climatique ignore les écorégimes, les circuits courts, le Green Deal, les analyses de cycles de vie, les normes RSE.
Le commerce international, est-ce importer ce que nous ne voulons pas pour vendre ce que nous voulons ? Le président Macron disait en février : « ouvrir nos marchés sans respecter les mêmes règles, je ne suis pas pour ». Nous sommes d'accord !
Le mécanisme de juridiction d'exception entre investisseur et État prévu par le Ceta interroge même nos amis canadiens : ils l'ont exclu de l'Alena, car il leur a coûté plus de 300 millions de dollars et place le droit des entreprises au-dessus de la souveraineté et de la régulation au service de l'intérêt général.
La politique commerciale européenne ne doit plus faire de telle ou telle filière une monnaie d'échange. L'Union doit rester souveraine sans être empêchée par des accords et menacée par des multinationales.
Au sein du groupe UC, chacun votera selon ses convictions, mais tous souhaitent un partenariat commercial juste et équilibré avec ce pays frère qu'est le Canada. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Emmanuel Capus. - Il suffit de signer !
Mme Béatrice Gosselin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il a fallu sept ans pour que la ratification du Ceta soit proposée au vote de notre Haute Assemblée.
Son adoption a entraîné la suppression de nombre de barrières tarifaires, avec la suppression de 94 % des droits de douane dans le secteur agricole. Le Ceta s'est révélé bénéfique pour quelques produits français, dont les fromages, dont les exportations ont augmenté de 63 %. Sénatrice de la Manche, je rappelle que le lait est le premier secteur de l'économie agricole, avec 1,4 milliard d'euros de chiffre d'affaires. La région Normandie fabrique 83 % des camemberts et une bonne partie des fromages frais. Avant le Ceta, les droits de douane pouvaient atteindre 227 %. Le Canada a accepté une ouverture progressive sur cinq ans, mais les quotas sont déjà atteints. Quelque 173 nouvelles IGP sont protégées, dont 42 françaises sur les 260 recensées.
Malgré cela, une majorité des acteurs agricoles s'opposent au traité, faute de garanties nécessaires. La différence des conditions d'élevage et la faiblesse des contrôles sanitaires au Canada peuvent favoriser l'importation de viande bovine produite avec des accélérateurs de croissance. Nous mettrions en péril la filière bovine française.
Un partenariat sur les matières premières critiques est prévu depuis 2021 : aluminium, nickel, cuivre, plomb, zinc... Signé en 2023, il supprime les droits de douane sur ces métaux stratégiques nécessaires à la transition énergétique. C'est un atout. Cependant, le Ceta ne saurait être conclu au détriment des agriculteurs.
Nous sommes pour le libre-échange, mais il faut supprimer l'article 1er de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
Article 1er
M. Pascal Allizard, rapporteur de la commission des affaires étrangères . - Si dix parlements nationaux n'ont pas ratifié le Ceta, seuls trois parlements, dont le nôtre, n'ont pas adopté l'Accord stratégique - preuve que ces deux accords sont dissociables.
Le dangereux mécanisme juridictionnel de protection des investissements figure dans le Ceta, non dans le partenariat stratégique.
Favorables à un resserrement des liens avec le Canada, nous vous proposons donc de supprimer uniquement l'article 1er.
M. Franck Menonville . - Nous sommes attachés au partenariat avec le Canada. Sénateur de la Meuse, je connais notre histoire commune.
Ce traité, négocié sous Nicolas Sarkozy, signé par François Hollande, appliqué depuis 2017, suscite de nombreuses contestations. En sept ans, beaucoup de choses ont changé. Nous avons renforcé les contraintes et les exigences sur nos agriculteurs, sans que les mêmes obligations soient imposées à nos partenaires commerciaux. Soit nous exigeons des clauses miroirs - or il n'y en a aucune, même sur les hormones ! - soit nous lançons un choc de simplification pour des règles de concurrence équitable.
En n'imposant pas les mêmes règles à nos partenaires commerciaux, nous instaurons des distorsions de concurrence insupportables. Notre vote n'est pas un vote de défiance, mais de rejet de politiques européennes contradictoires.
Il n'est pas satisfaisant de traiter un sujet aussi stratégique dans un temps d'ordre du jour réservé. Je voterai la suppression de cet article.
Mme Michelle Gréaume . - En 2021, le Gouvernement promettait de soumettre le Ceta au vote du Sénat ; pourtant, sans notre initiative, nous attendrions toujours.
Comme vous, nous voulons une politique commerciale qui accroisse la résilience climatique et sanitaire de l'Union européenne. C'est pourquoi nous sommes opposés à la ratification de cet accord. À l'heure où le climat se dérègle, comment croire que la multiplication des échanges puisse être une solution viable, que l'importation de pétrole de schiste soit une bonne nouvelle ? Pourquoi mettre en concurrence des éleveurs qui n'ont pas les mêmes normes ? Car la réalité est têtue : les règles européennes ne sont pas respectées par les agriculteurs canadiens, le Ceta ne cite pas explicitement le principe de précaution, et les conditions de traçabilité ne permettent pas de s'assurer qu'il n'y a pas eu d'utilisation d'hormones.
M. Daniel Gremillet . - Le débat, à cet instant, est un peu tronqué. Nous aurons parfois des votes identiques - mais en raison de motivations opposées. (M. Emmanuel Capus s'exclame.)
Je ne vous ai pas interrompu... (Mme Dominique Estrosi Sassone renchérit ; applaudissements sur quelques travées du groupe SER et du GEST) Sans respect, on ne peut travailler ensemble.
M. le président. - Poursuivez, je vous en prie.
M. Daniel Gremillet. - Le Ceta a été signé en 2016, car nous estimions alors qu'un tel accord serait possible entre l'Union européenne et le Canada. Monsieur le ministre, vous nous dites que rejeter cet accord aujourd'hui serait désastreux - mais vous en êtes largement responsable ! (M. Franck Riester s'en étonne.) Après avoir signé un tel accord, il fallait mettre l'Europe en position de concurrencer le Canada, sans distorsion. Or vous avez fait l'inverse : vous avez alourdi les contraintes économiques, au-delà de la seule agriculture.
Je suis désormais convaincu de voter contre l'article 1er. Le Parlement européen vient d'ajouter une contrainte supplémentaire sur les émissions industrielles, en y intégrant la partie agricole !
Le sujet n'est pas le Canada, pays que je respecte. Le gouvernement canadien a rempli sa mission. C'est le Gouvernement français qui n'a pas rempli la sienne ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) Qu'avez-vous fait pour rendre cet accord supportable et équilibré ? Nous reparlerons bientôt de l'énergie, qui subit les mêmes déséquilibres. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
La séance est suspendue à 13 heures.
Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.