SÉANCE
du mardi 5 mars 2024
67e séance de la session ordinaire 2023-2024
Présidence de M. Alain Marc, vice-président
Secrétaire : Mme Marie-Pierre Richer.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Finances des départements
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur les finances des départements, à la demande du groupe Les Républicains.
M. Arnaud Bazin, pour le groupe Les Républicains . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) François Hollande en a rêvé, Emmanuel Macron l'a fait ! Souvenons-nous des lois Maptam et NOTRe : sous prétexte de réduire le millefeuille territorial, l'intention de faire disparaître les départements était réelle. Pourtant, à l'évidence, le département est le bon niveau pour les politiques sociales. (« Très bien ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Les mauvaises intentions durent céder devant la mobilisation. Nouveau mot d'ordre : dévitaliser les départements. Selon André Vallini, alors secrétaire d'État, un organe est dévitalisé quand il est privé de sang artériel. Ainsi d'une collectivité qui perd ses ressources financières.
Ce que l'exécutif n'avait pas réussi en 2016, Emmanuel Macron y est parvenu, avec la suppression de la taxe d'habitation (TH). Mais cette bombe à fragmentation démagogique alourdit la dette de l'État de 20 milliards d'euros par an.
Les communes ont ensuite reçu la part du foncier départemental autrefois allouée aux départements, parachevant la dévitalisation annoncée, à la suite d'une initiative de notre ancien collègue Alain Richard. Le même regrettera ensuite publiquement que les départements se retrouvent dépourvus de tout pouvoir de taux...
Les départements ne peuvent donc plus maîtriser leurs recettes, pas plus que leurs dépenses, décidées par le Gouvernement, comme la hausse de 10 % du revenu de solidarité active (RSA), combinée à la baisse de 40 % de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sous François Hollande.
Ils sont totalement dépendants des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). La quasi-totalité des départements est déjà au taux plafond : ils ne peuvent faire autrement. Réduits à constater des baisses de recettes, ils se voient imposer leurs dépenses, entre revalorisations salariales et dépenses sociales : aide sociale à l'enfance (ASE) saturée du fait de l'incapacité de l'État à maîtriser les flux migratoires ; RSA, dont la charge augmentera de 2 milliards d'euros avec la fin de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ; solidarité à la source, qui pourrait coûter 3,5 milliards de plus, vu le taux de non-recours. Je n'oublie pas l'inflation et la non-indexation de la DGF, alors que la remontée des taux d'intérêt a entraîné une baisse des DMTO de 23 % pour les départements, et jusqu'à 30 % pour certains, dans un contexte de crise du logement inédite, alors que l'empilement de normes renchérit la construction et raréfie le foncier.
Il faut faire les comptes : baisse de 51,3 % de l'épargne nette des départements, et de 26,7 % de trésorerie brute, contre respectivement une hausse de 16,9 % et une baisse de 2,7 % pour les communes. Tout cumulé, par rapport à 2021, il manquera 7,5 milliards d'euros aux départements, qui se montrent pourtant solidaires - mais la péréquation ne suffit plus.
Face à cet effet ciseau, l'investissement et l'aide aux communes sont la variable d'ajustement. Routes, fibre optique, collèges : les départements ne se limitent pourtant pas au social !
Quelle hypothèse de recette de DMTO retenez-vous pour 2024 ? Quelle sera l'évolution des allocations, alors que les dépenses sociales représentent plus de 60 % des dépenses de fonctionnement des départements ? Le fonds de sauvegarde - 106 malheureux millions d'euros pour quatorze départements - est-il à la hauteur ?
La ficelle est grosse. Après avoir fini d'asphyxier les départements, le Gouvernement en profitera-t-il recentraliser ? Il faut dire que les électeurs départementaux ont le mauvais goût de voter à droite ou au centre. C'est certes agaçant (M. Thomas Cazenave ironise), mais faut-il pour autant avancer dans la démolition de notre pays ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics . - Le contexte pour les finances publiques et les départements est particulier. Ceux-ci font en effet face à une inflexion de leur situation financière, singulière par rapport aux autres collectivités. D'abord, les dépenses de fonctionnement augmentent - 7,2 % pour celles liées au personnel. La revalorisation du point d'indice, les salaires médico-sociaux et la hausse des dépenses d'énergie y contribuent.
Les recettes, elles, diminuent, avec une baisse de 20 % pour les DMTO. Mais cette correction suit une dynamique exceptionnelle : doublement entre 2012 et 2022, augmentation de 40 % depuis 2017. Au total, les recettes réelles de fonctionnement baissent, c'est une spécificité de l'échelon départemental. Mais la situation est hétérogène.
Je m'engage à poursuivre le dialogue avec Départements de France et M. Sauvadet. Des rendez-vous sont fixés : mars, mai, automne. Quinze départements appellent une attention particulière. Je suis prêt à rencontrer les présidents de département qui le sollicitent.
Je vous rassure, certains mécanismes amortiront cette inflexion. Les DMTO demeurent minoritaires dans les recettes, et sont supérieurs au niveau de 2019. La péréquation réduit l'écart de recette de 40 %.
S'y ajoutent la mise en réserve des sommes non distribuées, pour 250 millions d'euros en 2023, et le fonds de sauvegarde des départements, qui concerne d'abord les collectivités touchées par la baisse des DMTO et la hausse des dépenses sociales - RSA, allocation personnalisée d'autonomie (APA), prestation de compensation du handicap (PCH). La loi de finances pour 2024 l'a porté de 53 à 106 millions d'euros. L'État contribue à parité avec les départements. Cet effort bénéficie à quatorze d'entre eux : 9 millions pour la Gironde, 7 millions pour le Val-de-Marne.
Les départements sont autorisés à mettre en réserve une fraction de DMTO. Au 31 janvier 2024, 35 d'entre eux ont ainsi mis de côté un total de 1 milliard d'euros. Je salue leur esprit de responsabilité.
Dans une conjoncture difficile et exogène, l'État est au rendez-vous. Il l'est aussi pour compenser des hausses de dépenses, notamment liées aux prix de l'énergie. Enfin, la loi de finances 2024 comprend des mesures ciblées, avec 150 millions d'euros supplémentaires pour le budget de la CNSA. De même, le soutien de l'État pour la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) atteint 100 millions d'euros en 2024.
J'en viens à la compensation des récentes réformes de la fiscalité locale : la TVA devient une composante essentielle du panier de ressources des départements, à hauteur de 30 %, soit 22 milliards d'euros en 2023, en hausse de 7 %. La TVA est dynamique. De même, la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) a crû de 7 % en 2023, ce qui amortit la baisse des DMTO.
Surtout, la loi de finances pour 2020 introduit le versement de 250 millions d'euros de fraction de TVA à destination des départements exposés à un reste à charge au titre des allocations de solidarité.
Enfin, même si l'État sera toujours aux côtés des départements, les efforts doivent être partagés. Le premier allié des finances publiques, c'est la croissance. Or le contexte international, incertain, est marqué par les chocs géopolitiques. Comme nos partenaires, nous révisons nos prévisions de croissance et de recettes - d'où l'annulation de 10 milliards d'euros de crédits. Contrairement à ce qui est affirmé parfois, l'État prend sa part. En cohérence, j'en appelle à une responsabilité partagée. (MM. Jean-François Husson et Bruno Belin s'exclament.)
Nous avons, avec les élus, les finances publiques en partage. N'opposons pas l'État et les collectivités alors que nous attend le vaste chantier de redressement de nos finances publiques. (MM. Didier Rambaud et Xavier Iacovelli applaudissent.)
Mme Laure Darcos . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Cent millions d'euros, 30 %, c'est la diminution des DMTO pour mon département de l'Essonne. À l'échelle nationale, les départements ont perdu 3,9 milliards d'euros entre 2022 et 2023. Les dépenses liées à l'APA, à la PCH, au RSA pèsent pour plus de 10 milliards, avec un reste à charge de 50 % pour les collectivités. L'ASE représente 10 milliards d'euros. (M. Xavier Iacovelli se manifeste.)
Les départements doivent assumer une politique migratoire hors de contrôle, les mineurs non accompagnés (MNA) coûtant 2 milliards d'euros, compensés à 6 % seulement. Les 2,5 milliards de plus imposés par l'État en deux ans n'ont pas fait non plus l'objet de compensations.
Vous aviez beau jeu de dire que les départements pouvaient s'appuyer sur les DMTO, mais les recettes ont disparu. Non, cette crise n'est pas une vue de l'esprit. L'aide aux communes et l'investissement ne doivent pas devenir la variable d'ajustement de leur budget. Ne renonçons pas à ces politiques vertueuses, alors que les départements revendiquent leur autonomie fiscale.
Quand le Gouvernement prendra-t-il enfin la mesure de la gravité de la situation ? Quand prévoira-t-il un panier de ressources permettant aux départements de faire face à leurs charges, comme le Sénat le demande depuis longtemps ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Nous partageons le constat quant aux recettes et aux dépenses. Vous appelez à une nouvelle autonomie fiscale, mais les trois quarts des recettes des départements sont fiscales : DMTO, TVA désormais, une bonne nouvelle pour les départements ! (Mme Laure Darcos ironise.) Les régions, qui bénéficient elles aussi d'une part de TVA, ne reviendraient pas en arrière par rapport à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). (On le réfute à droite.)
Car la TVA est dynamique ! (Protestations à droite et à gauche)
M. Jean-François Husson. - Quand il y a des erreurs, on les corrige !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Je suis heureux que le rapporteur général s'invite dans le débat...
Nous avons doublé l'abondement de l'État au fonds de solidarité, nous accompagnons les quatorze départements en situation difficile. Il faut cibler les mesures, alors que certains ont mis en réserve une partie de leurs ressources - les DMTO ne sont pas la principale.
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Inflation, chute des DMTO, dépenses liées aux MNA : l'épargne brute des départements se contracte fortement, le tout sans autonomie fiscale ou financière.
La hausse du point d'indice ne dépend pas des collectivités, mais de l'État. De même pour le Ségur ou l'ajustement des régimes indemnitaires.
Comment le Gouvernement accompagnera-t-il les départements, notamment quand l'État décide sans les collectivités ?
Ensuite, la protection civile, essentielle face aux aléas climatiques. Les négociations européennes pourraient assimiler les sapeurs-pompiers volontaires à des salariés de droit commun : les conséquences budgétaires seraient amplifiées. Que fera le Gouvernement ? Mon département des Hautes-Alpes a passé sa contribution au service départemental d'incendie et de secours (Sdis) de 7 millions d'euros en 2021 à 8,5 millions désormais.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Sur le point d'indice, laisser les agents publics sans mesure face au choc inflationniste aurait été irresponsable. Les collectivités sont des employeurs : on ne va pas créer un système compensatoire pour elles. Ou alors il faut ouvrir le débat sur la décorrélation du point d'indice, avec la fin des mesures générales et des collectivités pleinement responsables de leur politique salariale.
Une fraction, dynamique, de la TSCA est affectée aux départements pour la protection civile : 1,4 milliard d'euros en 2023, soit une hausse de 36 % en dix ans. Ainsi, les Hautes-Alpes ont perçu 3 millions, contre 2 millions auparavant.
Lors de l'examen du dernier projet de loi de finances, nous étions favorables à un amendement de M. Husson visant à augmenter de 50 % la part de TSCA au bataillon de marins-pompiers de Marseille, et pour Mayotte. (M. Jean-François Husson s'exclame.)
M. Grégory Blanc . - La situation des départements, ce n'est pas uniquement l'effet ciseau, c'est aussi la pente des dépenses. Le nombre d'enfants placés a doublé en vingt ans, avec une accélération brutale depuis 2019 - dans mon département, la protection de l'enfance représente 160 millions d'euros sur un budget de fonctionnement de 640 millions d'euros.
Globalement, notre société va bien, mais la part de ceux qui vont mal augmente en France : un jeune garçon de 18-24 ans sur huit, une fille sur quatre a connu un épisode dépressif cette année.
Depuis la décentralisation, l'intervention de l'État social a éclaté en morceaux : celui-ci est protéiforme, non coordonné, sans chef de file pour la protection de l'enfance. Face à des dépenses exponentielles, comment accompagnerez-vous les départements ? Chef de filat, recentralisation évoquée par Charlotte Caubel ? Comment absorberez-vous financièrement le choc de l'éclatement des familles ? Comment utiliserez-vous les excédents de la branche famille de la caisse d'allocations familiales (CAF) ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - La protection de l'enfance est une préoccupation largement partagée - un rapport d'information récent du Sénat relève une progression de 29 % des prestations de protection de l'enfance entre 2007 et 2021.
L'État, comme les départements, est au rendez-vous. Ainsi, nous avons augmenté en 2024 notre soutien de 314 millions d'euros : 140 millions pour les contrats départementaux de prévention et de protection de l'enfance, 50 millions pour la prévention des sorties sèches de l'ASE ou 34 millions pour la participation aux revalorisations salariales dans les centres de protection maternelle et infantile (PMI). L'accompagnement des MNA fait l'objet d'une demande importante de Départements de France : l'État a majoré sa participation de 100 millions d'euros.
Sur la question de l'enchevêtrement des compétences, le Président de la République a confié une mission à Éric Woerth qui doit faire des propositions. Je suis favorable à la simplification de l'organisation des compétences avec des chefs de file.
M. Jean-François Husson. - Nous sommes assez grands pour y penser tout seuls !
M. Pascal Savoldelli . - Partageons la vérité ! Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) plaidait pour une réforme des DMTO, voire pour leur suppression. En 2024, les départements perdront 7,5 milliards d'euros de perte pour les départements. Ils n'ont jamais été autant tributaires d'une double tutelle de l'État, via les dotations et la TVA.
Vous venez de dire que l'octroi d'une fraction de TVA était une bonne nouvelle pour eux, mais cela balaie l'article 72 de la Constitution ! C'est la fin de l'autonomie ! Deux choix s'offrent à eux : soit revoir les prestations à la baisse, soit rehausser le coût des services publics.
Nous sommes en train de porter atteinte au dernier levier fiscal à leur disposition des départements. Abandonnez cette proposition ! Sinon, quelles sont vos propositions pour créer de nouveaux leviers fiscaux ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Je tiens à vous rassurer : il n'existe aucun projet de suppression des DMTO !
Cela dit, le débat sur la distinction de l'autonomie financière et fiscale n'est pas nouveau.
C'est l'autonomie financière qui garantit la libre administration des collectivités territoriales. L'autonomie fiscale, c'est la faculté de moduler le taux. Or est-ce plus important d'avoir une autonomie financière ou fiscale ?
Plusieurs voix sur les travées du groupe UC. - Il faut les deux !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - La liberté de fixer les taux, oui, mais pourquoi ? Pour organiser la concurrence entre les territoires ! (Protestations au centre et à droite)
La Constitution garantit l'autonomie financière. Je vous invite à examiner le rapport de Jean-René Cazeneuve sur le sujet.
M. Arnaud Bazin. - C'est l'administration qui parle !
M. Pascal Savoldelli. - Je ne doute pas de votre sincérité personnelle. Mais j'ai des doutes sur votre sincérité politique : c'est ce Gouvernement qui a supprimé la CVAE et la taxe d'habitation sans prévenir ! (M. Thomas Cazenave le conteste.)
Il n'y a pas d'autonomie financière en dehors de l'autonomie fiscale pour toutes les collectivités territoriales ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, UC, Les Républicains et du GEST)
Franchement, monsieur le ministre ! Dans le Val-de-Marne, j'ai 43 000 allocataires du RSA ; 27 communes font face à un risque d'inondation !
Il faut partager les responsabilités ! Autonomie financière et autonomie fiscale sont un couple indéfectible. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, du GEST, des groupes UC et Les Républicains, et sur plusieurs travées du groupe SER)
Une voix à droite. - Très bien !
M. Michel Masset . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je salue l'initiative de ce débat.
Nombreux sont les départements à avoir eu la prudence de constituer des réserves, mais elles fondent comme neige au soleil.
L'effet ciseau est devenu une constante budgétaire. Chaque nouvelle annonce en alourdit l'effet.
Au-delà de son aspect inique sur le plan social, la suppression de l'ASS revient à transférer la coquette somme de 2 milliards d'euros aux départements. Les 15 heures de bénévolat prévu pour les allocataires du RSA ne peuvent se faire sans accompagnement humain : dans le Lot-et-Garonne, cela représente 600 000 heures à trouver chaque mois. Sans autonomie fiscale, cela se traduira par un recul de l'investissement public.
Monsieur le ministre, vous connaissez le rôle de pilier des départements au sein des collectivités territoriales. N'est-ce pas le moment d'instaurer des clauses de revoyure pour les transferts de charges et les suppressions de recettes ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Attendons les conclusions de la mission Woerth. Son mandat est large et porte sur le financement, notamment.
La politique de l'emploi, assumée par l'État, et les politiques sociales des départements sont complémentaires. France Travail fait le jeu des départements : des bénéficiaires du RSA mieux accompagnés, ce sont autant de personnes qui retrouvent un emploi, et donc moins de dépenses pour les départements. D'où l'intérêt de prévoir une bonne collaboration entre tous les acteurs.
Vous évoquez la fin de l'ASS, mais nous souhaitons aussi accélérer le retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA. (Mme Pascale Gruny proteste.)
La TVA a toujours été une ressource plus dynamique que la CVAE, par exemple.
M. Didier Rambaud . - L'année 2023 se caractérise par une conjoncture immobilière dégradée. Résultat : une baisse de 20 % des DMTO - la principale ressource des départements. Mais l'impact de la crise immobilière n'est pas le même selon les territoires.
Après deux années plus favorables, les résultats de 2023 sont préoccupants : c'est pourquoi le Gouvernement a doublé la part de l'État dans le fonds de sauvegarde, pour un montant de 106 millions d'euros.
Quelle sera l'ampleur du soutien accordé et quels seront les départements bénéficiaires ?
Moi aussi je préfère l'autonomie financière à l'autonomie fiscale : sans base fiscale, l'autonomie ne vous sert à rien ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Vous avez dressé le bon constat (on ironise à droite), celui de l'hétérogénéité des départements : certains sont plus touchés par la crise, notamment ceux qui ont plus de bénéficiaires du RSA.
Il faut du cousu main pour les aider ! C'est ce que nous avons fait avec le fonds de sauvegarde. Le fonds de solidarité est mobilisé pour les 14 départements les plus touchés. (M. Pascal Savoldelli et Mme Michelle Gréaume s'exclament.)
Je crois à l'efficacité du fonds de solidarité que nous avons dopé dans le budget 2024. (M. Jean-François Husson s'exclame.)
Mme Isabelle Briquet . - Lors du projet de loi de finances pour 2024, le Sénat avait voté un renfort de 100 millions d'euros au profit de certains départements.
Mais le Gouvernement alourdit leurs charges en supprimant l'ASS et en transférant les bénéficiaires vers le RSA. Cette décision met en péril leur équation budgétaire : cela coûterait plus de 2 milliards d'euros en RSA - plus de 7 millions pour la seule Haute-Vienne. Sans mesure compensatoire, ce sont autant de renoncements qu'il faudra prévoir.
Comment l'État compensera-t-il la suppression de l'ASS imposée aux départements ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Nous avons instauré un fonds de solidarité pour aider les départements et compenser cet effet ciseau. Je le répète : les DMTO ne sont pas la principale ressource des départements.
Les dépenses liées au RSA sont couvertes à plus de 97,5 % par l'État. (Protestations à droite)
Sur l'ASS, les travaux démarrent. Il ne faut pas considérer la suppression de l'ASS de manière isolée, mais l'envisager de manière plus globale : nous misons sur une politique de retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA pour atteindre le plein emploi. (Mme Silvana Silvani proteste.) Tel est l'objet de la création de France Travail. Nous avons une stratégie gagnant-gagnant avec les départements en la matière.
Mme Isabelle Briquet. - Je ne partage pas votre optimisme et ne crois pas à l'emploi magique. Votre réforme aboutira à une réduction des droits sociaux et à une paupérisation des citoyens fragiles. L'ASS est cumulable avec l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ; ce ne sera plus le cas avec le RSA. Plus de 300 000 personnes sont en danger.
L'ASS était aussi un moyen d'acquérir des trimestres de retraite. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
Mme Valérie Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le nombre de MNA a été multiplié par quatre entre 2014 et 2023, passant de 5 000 à 19 370 personnes !
Le coût moyen annuel est de 50 000 euros par mineur. L'État demande aux collectivités territoriales de gérer un problème relevant du régalien. Les dispositifs de l'ASE sont mis à mal par cet afflux.
Les MNA n'entrent jamais seuls sur le territoire et sont aux mains de trafiquants d'êtres humains.
Inexpulsables, bénéficiant d'un accès facilité à la nationalité, les MNA sont devenus une filière d'immigration illégale. L'ASE est un dispositif qui honore la France, mais celui-ci est mis à mal par le trop grand nombre de faux mineurs, qui sont en réalité des migrants économiques ou des délinquants.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - L'État et les départements ont renforcé l'ASE, dont les crédits ont augmenté de plus de 30 % entre 2007 et 2021.
Quelques chiffres : 214 millions d'euros pour le soutien de l'État à la protection de l'enfance, 140 millions pour les contrats départementaux de prévention et de protection de l'enfance, sans oublier le renforcement de la prévention des sorties sèches de l'ASE. Les crédits en faveur de l'accompagnement des MNA ont augmenté de 30 %, pour atteindre 100 millions d'euros.
Madame la sénatrice, c'est un enjeu sur lequel nous sommes mobilisés en concertation avec les départements.
Mme Jocelyne Antoine . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les dernières mesures sur le RSA ont un impact considérable sur les dépenses des départements. Or ceux-ci n'ont pas été consultés.
Les dépenses liées au RSA sont couvertes à plus de 97,5 % par l'État, dites-vous ? Je n'en suis pas si sûre... Le basculement des bénéficiaires de l'ASS vers le RSA représentera une charge supplémentaire de 2,1 milliards d'euros. L'État délègue, mais ne compense pas.
Cet effet ciseau ne peut pas durer. Comment comptez-vous aider les départements à mobiliser les 5,5 milliards d'euros nécessaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Je le répète : le taux de couverture des dépenses du RSA est bien de 97,5 %, contre 85 % en 2020.
La solidarité à la source impacte les départements ; c'est un enjeu pour les bénéficiaires du RSA et un outil de simplification et de lutte contre la fraude. Nous travaillons sur ce chantier main dans la main avec les départements. Il s'agit de mieux maîtriser nos dépenses et d'éviter les erreurs.
Mme Jocelyne Antoine. - Certains départements sont bien plus en difficulté que d'autres. Vous avez évoqué les quatorze départements bénéficiaires du fonds de sauvegarde. Mais une lecture nationale ne suffit pas : on ne peut pas traiter de la même façon les départements très peuplés comme la Gironde et un département de 180 000 habitants comme la Meuse.
Les départements les plus fragiles, les ultra-ruraux, méritent d'être étudiés sous un prisme différent. En tant que conseillère départementale, je vous accueillerai dans la Meuse avec plaisir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Jean-François Husson. - Un Girondin va découvrir la Meuse !
M. Vincent Éblé . - J'associe à ma question Corinne Narassiguin et Adel Ziane, sénateurs de la Seine-Saint-Denis, ainsi que Stéphane Troussel, président du département.
Nos départements sont confrontés à une hausse sans précédent de la demande sociale de nos concitoyens. Mais leurs marges de manoeuvre sont réduites : cette situation de dépendance financière à la conjoncture fragilise leur rôle d'amortisseur social.
L'année 2023 en est la preuve. La situation est encore plus marquée pour les départements franciliens - hors Paris - avec une perte de 800 millions d'euros de DMTO.
La croissance réelle de 2023 est inférieure à 3 %. Dans ce contexte, nombre de départements ont dû réduire leurs investissements. Or, chaque année, les collectivités devront investir 12 milliards d'euros au titre de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).
Certes, l'État a prévu le fonds vert, mais celui-ci semble insuffisant pour faire face à ce mur d'investissements. Or les départements, qui sont déjà en première ligne pour répondre aux défis sociaux, doivent agir maintenant en faveur de la transition écologique - après, il sera trop tard. Comment les accompagner ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Au risque de ne pas faire consensus, j'affirme que l'autonomie financière des collectivités territoriales - surtout celle des départements - a progressé.
M. Jean-François Husson. - C'est flagrant ! (M. François Bonhomme renchérit.)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Les ressources fiscales, particulièrement celles qui sont variables, ne garantissent rien. La TVA est plus dynamique, plus protégée des cycles que les DMTO. (Protestations à droite)
M. Jean-François Husson. - Et le rabot ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Je le redis, les chiffres sont têtus. (Protestations à droite et à gauche) Le basculement d'une fraction de TVA est une bonne chose.
M. Jean-François Husson. - Ça baisse !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Par ailleurs, nous consacrons 2 milliards d'euros au fonds vert. C'est une nouveauté.
M. Bruno Belin. - Quel est le rapport ?
Plusieurs voix à droite. - Vous rabotez !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - C'est un effort historique : cet engagement sera tenu et les départements en bénéficieront, vous le savez ! (Les protestations à droite se poursuivent.)
M. Christian Bruyen . - Ce qui conduit tous les départements dans l'impasse, c'est l'effet ciseau. Vos mesures ne représentent que 800 millions d'euros, péréquation horizontale comprise - bien loin des 9 milliards d'euros de reste à charge pour les allocations individuelles de solidarité (AIS).
Ce n'est pas d'aujourd'hui que les départements sont asphyxiés, mais cela s'est vertigineusement accéléré, permettant aux ennemis de la décentralisation d'affirmer que nos missions de solidarité sont mal exercées. Mais ce n'est pas parce qu'une décision est prise dans la capitale qu'elle est adaptée !
Soit il est temps d'avouer que c'est une stratégie pour faire des départements de simples opérateurs de l'État, soit il faut redonner des marges de manoeuvre à cet échelon fondamental.
Êtes-vous prêt à redonner aux départements un vrai levier fiscal - une CSG, peut-être -, avec un vrai pouvoir de taux ? Car la libre administration est là, pas dans l'autonomie financière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Franck Menonville et Vincent Louault applaudissent également.)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Notre désaccord est clair. Nous respectons le principe de valeur constitutionnelle : l'autonomie financière, qui progresse - pas l'autonomie fiscale, je vous l'accorde.
Mais le plus important est-il de modifier un taux au risque de la concurrence fiscale... (protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC) ou bien de garantir aux départements des ressources dynamiques comme la TVA qui lui permettent d'éviter l'effet ciseau ? (M. Clément Pernot secoue la tête.) Les DMTO sont très variables, comme la CVAE, au contraire de la TVA.
Il faut des paniers de ressources prévisibles, pour prendre des décisions d'investissement.
M. Laurent Somon. - Et l'autonomie fiscale ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Comment engager la transition écologique sans connaître vos ressources fiscales ?
M. Christian Bruyen. - On nous a endormis avec la loi 3DS... On aurait mieux fait de ne pas aller si loin dans l'alphabet, avec une loi 3C : confiance, confiance, confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Franck Menonville et Vincent Louault applaudissent également.)
M. David Ros . - Nous assistons à une baisse brutale des aides sociales - Isabelle Briquet vous a alerté sur l'ASS.
Avec Frédérique Espagnac, je vous invite à un voyage d'Évry à Biarritz, pour vous montrer que les problématiques sont identiques dans des territoires si différents : dès 2025, les bénéficiaires de l'ASS devront se tourner vers les aides départementales, pour 30 millions d'euros en Essonne. Les Pyrénées-Atlantiques subissent 20 % de baisse des DMTO. Pour l'Essonne, c'est 30 % - soit 100 millions de moins -, et 30 000 bénéficiaires du RSA de plus - 15 000 dans les Pyrénées-Atlantiques.
Le Gouvernement va-t-il compenser tout ou partie de ces dépenses de solidarité ? Sinon, comment les départements pourront-ils investir dans la transition écologique, les réseaux routiers ou les équipements pour les pompiers ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Je fais ce voyage d'Évry à Biarritz : je suis ainsi allé à Biriatou récemment !
Si nous consacrons un fonds de solidarité exceptionnelle pour quatorze départements, c'est bien qu'ils ont des besoins spécifiques et que nos réponses ne sont pas uniformes.
Resituons la réforme de l'ASS dans le cadre global de notre objectif de plein emploi. Nous avons réduit le nombre de demandeurs d'emploi, à 7,4 %, et de bénéficiaires du RSA (Mmes Michelle Gréaume et Silvana Silvani protestent) : voilà notre combat commun ! Souvenez-vous de l'époque du chômage de masse. Avec France Travail, les bénéficiaires du RSA seront mieux accompagnés pour qu'ils retrouvent plus vite une activité : c'est bon pour eux, comme pour les départements.
M. Laurent Somon. - D'où sortez-vous vos chiffres ?
M. David Ros. - Vous avez pu faire disparaître 10 milliards d'euros et faire apparaître le plein emploi : partagez donc votre baguette magique ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Fabien Genet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vos explications sur l'état des finances locales sont euphorisantes : tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes... Mais votre cousu main a un arrière-goût de tutelle et, en cette fashion week, le corset étouffe les départements. (Sourires) Laissez-les respirer !
Plusieurs membres du groupe Les Républicains. - De l'air !
M. Fabien Genet. - La Saône-et-Loire montre combien ils peuvent être innovants - centres de santé, très haut débit, soutien au monde rural.
Nos Ehpad sont dans une situation inquiétante : sur les 56 Ehpad publics de Saône-et-Loire, 50 avaient un déficit de la section autonomie - pour 7,8 millions d'euros -, et 36 de la section hébergement - pour 7,9 millions d'euros.
Avec l'inflation et l'explosion des prix des matières premières, les départements doivent mettre en place des boucliers tarifaires pour éviter une trop forte augmentation du prix de journée. Que proposez-vous ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Je ne nie pas les difficultés financières des départements - je l'ai dit dans mon intervention. J'appelle simplement à les regarder de manière différenciée. Ils ont leurs spécificités : leurs missions sociales et des ressources soumises aux variations des prix immobiliers. Certains départements ont anticipé et mis 1 milliard d'euros mis en réserve ! N'oublions pas les 250 millions de péréquation.
À la suite du rapport Pires Beaune, nous avons mis en place un fonds de secours exceptionnel de 100 millions d'euros pour les Ehpad, plus un abondement exceptionnel de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) de 150 millions pour les départements. Nous expérimentons une réforme structurelle, avec la fusion des sections soins et hébergement.
M. Fabien Genet. - Plutôt que de faire tout gérer par l'ARS, il serait préférable de faire confiance aux départements.
M. Clément Pernot . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est en tant qu'encore président du conseil départemental du Jura que je m'exprime, la peine au coeur, pour vous rappeler ce qu'ont subi les départements ces dernières années : l'amputation des compétences transport, économie et agriculture - excusez du peu -, au profit des grandes régions, prétendument plus efficaces...
Le lien fiscal avec nos administrés a été remplacé par une dépendance à des dotations plafonnées et non indexées sur l'inflation. Nous n'avons plus aucune marche de manoeuvre et prenons de plein fouet l'effondrement du marché immobilier. Vous ne pourrez plus, monsieur le ministre, nous parler d'autonomie financière.
La revalorisation non concertée des rémunérations du personnel et la hausse du RSA détruisent nos capacités financières. Dans le même temps, nous subissons l'explosion des dépenses sociales : Ehpad, ASE, MNA...
Devant notre délégation aux collectivités territoriales, le président Sauvadet a parlé d'asphyxie. Beaucoup y voient une condamnation à mort des départements. (Marques d'assentiment à droite)
Quelle est votre réponse, monsieur le ministre ? Jusqu'à présent, vous avez été très habile, mais sans apporter de réponse structurelle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Notre organisation territoriale ne donne pas satisfaction. Nous payons l'illisibilité de l'action publique : derrière le ruban, nous sommes six ou sept élus (M. Clément Pernot hoche la tête) - c'est coûteux en temps et en finances publiques.
Une réforme est nécessaire. Avec la mission confiée à Éric Woerth (M. Fabien Genet s'exclame), nous attendons une organisation plus simple et plus responsabilisante, avec plus de confiance dans l'action publique, car nos concitoyens ne s'y retrouvent pas.
Nous n'avons nulle intention d'asphyxier les départements ! (On ironise à droite.) Nous avons remplacé les DMTO par une fraction de TVA, plus dynamique, soit 250 millions d'euros supplémentaires.
Nulle volonté d'empêcher les départements, mais le souhait d'aller vers une organisation plus efficace.
M. Fabien Genet. - On peut s'inquiéter !
M. Rémy Pointereau . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En matière de gestion de l'eau, l'insécurité juridique et les défis techniques sont considérables pour les départements. Lors de notre récente mission avec Hervé Gillé, nous avons constaté que seuls quelques départements ont réussi à maintenir leur engagement dans le grand cycle de l'eau compte tenu de leurs capacités financières et d'ingénierie, créant une disparité dans la gestion de cette ressource vitale. Des départements comme le Cher ont pris des initiatives comme Concert'eau 18. Mais leur réussite et leur généralisation dépendent de l'appui financier et législatif de l'État.
En dehors des aides des agences de l'eau - qui fondent comme neige au soleil -, comment le Gouvernement compte-t-il aider les départements ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, vous avez rejeté le plan Eau et la réforme des redevances.
L'eau relève de la compétence du bloc communal, même si les départements participent, comme les agences de l'eau et l'État, avec la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), le fonds vert et le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
Avec le plan Eau, Christophe Béchu souhaite renforcer le financement de cette politique publique prioritaire.
M. Hervé Reynaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.) De nombreux indicateurs financiers départementaux sont dans le rouge et l'investissement sert de variable d'ajustement.
Il n'y a pas d'autonomie de gestion sans autonomie fiscale - or les départements sont dans une recherche structurelle de produits fiscaux. Dans la Loire, 84 % des maires ont déclaré que leurs projets n'auraient pu voir le jour sans le département. Le fonds de sauvegarde créé en 2020 n'est plus à la hauteur, car les restes à charge sont toujours plus élevés. Les départements veulent continuer à participer au développement de leur territoire.
Nous espérons que la mission Woerth restaurera l'autonomie financière et la capacité d'action du département. La clarification des compétences ne doit pas conduire à faire des départements des agences sociales de l'État à la main des préfets et des sous-préfets. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Je suis heureux que nous trouvions un consensus, car vous parlez d'autonomie financière - qui permet la libre administration des collectivités -, et non pas d'autonomie fiscale.
Les départements ont besoin d'un panier de ressources prévisibles. Or leurs ressources actuelles sont aux trois quarts des ressources fiscales : DMTO, TVA ou taxe de solidarité additionnelle (TSA).
La part de l'État du fonds de sauvegarde - porté à 350 millions d'euros tout de même - a été doublée. Je sais votre groupe attaché aux comptes publics : cet effort est considérable.
Je nourris les mêmes espoirs que vous sur la mission d'Éric Woerth : plus de lisibilité, d'efficacité et d'autonomie financière.
M. Hervé Reynaud. - Nous en avions déjà débattu, et vous disiez alors que nous ne nous comprenions pas. Le partage de l'effort, ce n'est pas seulement « ce qui est à moi est à moi, ce qui est à toi est négociable ». Il faut une véritable autonomie des départements.
M. Stéphane Sautarel, pour le groupe Les Républicains - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La situation financière des départements, niveau de collectivité le plus exposé à la conjoncture, fait consensus.
Lors du PLF pour 2024, vous vous étiez engagé à traiter la situation sans délai, mais les mesures ont été indigentes, consistant à maintenir à flot les plus en difficulté - et encore.
Les départements sont vertueux et solidaires : péréquation horizontale, approche collective et mises en réserve. Mais les DMTO sont passés sous leur niveau de 2019. À cette perte de 4 milliards s'ajoute la fragilité structurelle des dépenses des départements. En deux ans, 2,5 milliards d'euros de dépenses imposées par l'État n'ont pas été compensés.
Une nouvelle hausse du RSA représentera 460 millions en 2024 - je conteste votre chiffre de 97 % de couverture ; le reste à charge des AIS dépasse les 9 milliards d'euros ; les dépenses d'aide sociale à l'enfance ont augmenté d'un tiers en dix ans, pour atteindre 10 milliards d'euros ; l'État ne compense que 6 % des dépenses liées aux MNA, qui s'élèvent à 2 milliards d'euros, alors qu'il s'agit d'une politique régalienne.
L'inflation touche aussi les départements dans leur rôle d'aménageur du territoire, d'accompagnateur des communes et d'investisseur public. Cet effet ciseau met en cause les missions essentielles de cette collectivité de bonne dimension et de bonne proximité.
Amortisseur social et territorial, le département va faire face à un choc démographique inévitable lié à la prise en charge des personnes âgées.
L'asphyxie des départements fait courir un risque à notre modèle de décentralisation que je veux voir amplifié, non rogné. Le Sénat a fait des propositions en ce sens et contribue à la mission Woerth. La recentralisation pérenne du RSA dans trois départements n'est pas de bon augure... Les départements ne sont pas des guichets de l'État - démontrez, très vite, que telle n'est pas votre intention.
Enfin, il faut revoir en profondeur le financement des départements : les DMTO sont largement assis sur la richesse des départements, alors que les dépenses sociales lui sont inversement proportionnelles.
L'autonomie financière, c'est d'abord « qui paie, décide ». La proximité de l'action permet le consentement à l'impôt. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)