Immigration et intégration (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit également, suscitant l'étonnement à droite : « C'est l'habitude ! » ; sourires.) Les deux grands défis de notre siècle sont les questions environnementales et les questions migratoires. Si les premières sont visibles de tous, les deuxièmes le sont moins : à lire la presse de ce matin, on pourrait croire que la France est une île - même si cela ne protège pas toujours des flux migratoires...
Il y a pourtant 110 millions de déplacés dans le monde cette année. L'Europe est entourée de terres instables : Caucase, Proche et Moyen-Orient, Sahel, Libye. Les pays du Sud accueillent les trois quarts de ces déplacés, mais l'Europe en prend aussi sa part. Tous les pays, tous les régimes politiques, tous les gouvernements sont concernés. S'ajoutent à cela 21 à 24 millions de réfugiés climatiques par an - 60 000 par jour ! En un mot : nous n'avons pas fini de parler d'immigration.
Tant mieux, d'ailleurs, car cela revient à parler de notre souveraineté, de nos frontières, de qui nous voulons accueillir, de qui nous voulons éloigner. C'est difficile, car il s'agit d'hommes, de femmes, d'enfants, mais nécessaire. Parler d'intégration, c'est parler de notre modèle républicain et de notre modèle social. C'est aussi parler de sécurité. C'est enfin parler aux Français. Comme moi, vous les rencontrez ; ils sont préoccupés par ce problème et nous demandent de légiférer - parfois de manière paradoxale. Ce texte est une proposition en toute humilité d'un ministre de l'intérieur ouvert à la discussion avec le Parlement, pour que nous coconstruisions ensemble un texte ferme, juste et efficace.
Ce qui compte, ce ne sont ni les postures ni les futures majorités, mais l'efficacité : être capable de doter notre pays, nos services de police, nos préfectures des moyens requis pour répondre à la demande d'autorité des Français, aux exigences de l'intégration et pour empêcher les populistes de surfer sur les difficultés des États dans ce domaine.
Le présent texte est cohérent avec la loi de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), votée par le Sénat à une très large majorité, qui octroyait 25 % de crédits supplémentaires pour l'intégration et prévoyait une refonte importante du travail des préfectures - dont je salue les fonctionnaires. Monsieur le président de la commission des lois, cette réforme que vous m'avez demandée il y a plus de deux ans sera effective au début de l'année prochaine. Il s'agit de constater l'intégration des personnes, renvoyer dans leurs pays ceux qui ont abusé de notre générosité, améliorer l'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), devenues le triste exemple de l'impuissance, sans ennuyer ceux qui, présents de longue date sur notre sol, ne créent pas de problèmes et ne font de mal à personne.
Je pense à ce chibani de Tourcoing, présent sur notre sol depuis 45 ans, qui a certes gardé sa nationalité d'origine, mais qui a combattu sous nos drapeaux et qui chante la Marseillaise : la République ne s'honore pas à le faire attendre devant la préfecture pendant des heures pour renouveler son titre de séjour.
Le temps est aussi venu de modifier nos règles européennes sur l'asile. L'Europe n'a pas de gouvernance politique de l'immigration. Alors que nos frontières sont communes, et les enjeux planétaires, nous ne parlons pas d'une seule voix sur ce sujet. Or l'Europe est l'une des grandes réponses aux défis migratoires, nous l'avons vu à Lampedusa. Il faut des règles européennes. Il faut une libre circulation, mais à condition que les frontières extérieures soient fermement tenues - ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. (M. André Reichardt renchérit.) Le Président de la République a fait adopter le pacte sur la migration et l'asile qui traînait depuis vingt ans dans les tiroirs de la Commission.
La France a également réussi à faire adopter deux textes essentiels. D'abord sur Eurodac. Un étranger arrivant en Europe n'est pas enregistré : on ne sait pas qui il est, son âge, pourquoi il vient chez nous. Eurodac, adopté par le Conseil européen et bientôt, je l'espère, par le Parlement européen, permettra de l'enregistrer, de prendre ses empreintes, de connaître son état civil et son âge. Toutes les polices européennes pourront consulter ce fichier et lutter férocement contre l'immigration irrégulière.
Ensuite sur l'asile à la frontière. Nombre de demandeurs d'asile viennent de pays sûrs, où nous partons en vacances et avec lesquels nous avons d'excellentes relations diplomatiques : ils embolisent l'instruction des dossiers au détriment de ceux qui en ont vraiment besoin. Ces deux textes, s'ils sont votés par le Parlement de Strasbourg, aideront tous les Européens, et donc la France, à gagner en efficacité.
C'est humblement mais avec volontarisme que le Gouvernement se présente devant le Sénat pour défendre ce texte, que votre commission des lois a adopté à quelques détails près. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'en amuse.) Elle a supprimé deux des vingt-sept articles du texte initial et en a ajouté vingt-cinq. Le Gouvernement émettra un avis favorable à la quasi-intégralité des ajouts du Sénat, dans un esprit de coconstruction. (On ironise à gauche.)
Le texte que j'ai l'honneur de présenter prend sa source dans un engagement de campagne du Président de la République et repose sur deux mots : fermeté et simplification.
Fermeté contre les étrangers délinquants, d'abord. Les Français ne comprennent pas que l'on ne parvienne pas à éloigner du territoire national des personnes qui s'en prennent à leurs familles, ou trafiquent de la drogue. J'ai obtenu l'expulsion de 2 500 d'entre eux l'année dernière...
M. Roger Karoutchi. - Ce n'est pas assez !
M. Gérald Darmanin, ministre. - ... mais je n'ai pas pu obtenir celle de 4 000 personnes, non pas faute d'un laissez-passer consulaire, mais parce que le législateur a inventé il y a 25 ans les réserves d'ordre public...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Rachid Temal. - C'est Nicolas Sarkozy !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Quelqu'un qui est arrivé à 12 ans et demi sur le territoire national et qui commet un crime à 19 ans ne peut être expulsé - tandis que celui qui est arrivé à 13 ans et demi peut l'être ! Où est la logique ? Je vous demande de lever ces réserves pour répondre à la demande de fermeté des Français, et pour que le ministre de l'intérieur puisse expulser un étranger qui ne respecte pas les valeurs ou les lois de la République.
Fermeté aussi dans le non-renouvellement ou le retrait des titres de séjour pour les personnes qui ne respectent pas les règles - souvent difficiles aujourd'hui.
Fermeté contre les passeurs, contributeurs d'un écosystème mafieux qui utilise la misère humaine pour faire venir en France des femmes, des hommes, des enfants. Ce sont non pas de gentils organisateurs de vacances, mais des criminels qui recyclent leur argent dans la drogue, le terrorisme ou la prostitution. Les vingt-sept morts dans la Manche ne sont pas le fait des sauveteurs, des policiers, des gendarmes qui ont repêché le corps d'une femme enceinte dans une eau à trois degrés. Ce ne sont pas nos règles qui en sont la cause, mais des criminels qui ne sont aujourd'hui passibles que d'un délit, dont ce projet de loi fait un crime. Trafiquer de la drogue ou des êtres humains doit être puni avec la même sévérité.
Fermeté contre les marchands de sommeil. Quel élu n'a pas vu son plan d'urbanisme devenir une passoire ? Ils utilisent la misère des gens pour les loger sans quittance, sans eau, sans électricité, parfois avec des enfants de quelques mois. Être marchand de sommeil, c'est comme être passeur, c'est être un criminel. Pour la première fois, nous allons nous donner les moyens de casser cet écosystème.
Fermeté contre certains patrons voyous, qui embauchent sciemment des salariés en situation irrégulière. C'est inacceptable pour la concurrence, mais surtout pour les étrangers, parfois victimes d'un chantage à la régularisation. L'article 8 était une bonne disposition imaginée avec Olivier Dussopt...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il est où, d'ailleurs ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je vous proposerai donc son rétablissement. Oui, il faut fermer administrativement les entreprises qui embauchent sciemment des sans-papiers, pour tarir le flux des arrivants. Votons l'article 8, travaillons-le s'il est mal rédigé, mais luttons contre ceux qui embauchent des sans-papiers sans les déclarer. (M. Claude Malhuret applaudit.)
M. Rachid Temal. - Alors nous ne ferons pas les jeux Olympiques !
M. Gérald Darmanin, ministre. - D'autres personnes peuvent devenir irrégulières, faute d'une réponse à temps de la préfecture ; leurs employeurs ne sont pas des voyous, à la différence de ceux qui utilisent cette misère humaine pour maximiser leurs profits. Il est du devoir de la droite, de la gauche, du centre et des indépendants de lutter contre une immigration irrégulière favorisée par des patrons sans scrupule.
Fermeté dans les exigences d'intégration. Pour obtenir une carte de séjour, il faut prendre des cours de français, mais personne ne vérifie si c'est efficace. Nous avions prévu un temps d'apprentissage du français pendant le temps de travail, que le Sénat a malheureusement supprimé. Une femme de ménage qui fait une heure et demie de RER le matin et le soir ne peut pas se rendre à la préfecture à 14 heures pour prendre des cours de français. Fidèles à la notion de responsabilité sociale de l'employeur, qui nous avait fait inventer le 1 % logement, nous pensons que celui qui embauche des personnes, souvent des femmes, qui ne parlent pas français, doit leur permettre d'apprendre notre langue pendant leurs heures de travail. Un examen doit ensuite permettre de savoir si cet apprentissage fonctionne - à défaut, l'étranger doit quitter le territoire national. C'est le cas dans la plupart des pays qui nous entourent ou aux États-Unis. C'est aussi une manière de défendre la langue française.
Fermeté donc, mais aussi simplification.
Monsieur le président de la commission des lois, je plaide coupable... de plagiat. (M. Mickaël Vallet soupire.) Je pense à votre rapport, devenu un rapport du Sénat, que tous les groupes politiques ont adopté.
Les délais de procédure sont beaucoup trop longs. La loi Collomb a réduit les délais d'examen de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), d'un an à cinq mois. Mais la justice administrative est toujours trop lente : imaginons un étranger qui arrive en France ce matin et demande indûment l'asile. Il se verra opposer un refus en cinq mois par l'Ofpra qui, loin d'être laxiste, refuse dans 70 % des cas. Il subira le même sort devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui a le même taux de refus, mais qui statue en neuf mois à un an. Le préfet prononcera alors une OQTF, contre laquelle l'étranger pourra déposer un recours devant le tribunal administratif... Le délai s'allonge. Le contentieux des étrangers occupe en effet 40 % du temps des tribunaux administratifs et 60 % de celui des cours administratives d'appel (CAA) - qui ont ainsi moins de temps pour les élus...
Mme Gisèle Jourda, rapporteur de la commission des lois. - C'est vrai.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Après neuf mois, le tribunal administratif rejette la demande - c'est toujours le cas à 70 % -, mais l'étranger peut alors saisir le Conseil d'État...
Un étranger à qui on a déjà dit non trois fois peut ainsi rester deux à trois ans sur le territoire national sans être expulsé. Pendant ce temps, il aura pu être embauché par un patron voyou, avoir accès au logement, à l'assurance-maladie ; il aura pu se marier, faire des enfants - auquel cas il ne pourra plus être expulsé. (M. Bruno Sido le regrette.)
Ce que je vous demande, c'est que l'on puisse dire oui ou non, et le dire vite.
Le Gouvernement ne demande pas la modification des critères de l'asile : nous avons des critères pertinents, des agents compétents, des juges équilibrés. Mais même pour un demandeur d'asile à qui on dit oui au bout de trois ans, est-ce une vie que de survivre avec quelques centaines d'euros ? C'est alors la spirale infernale du travail illégal ou de la délinquance.
Nous vous demandons la rapidité, inspirés par le rapport Buffet. C'est pourquoi nous proposons de passer de douze à trois ou quatre procédures, pour diviser par trois le nombre d'occasions de dire oui ou non rapidement.
Ajoutons-y la vidéo-audience, la territorialisation de l'Ofpra, la simplification du travail des policiers qui, aux frontières de notre pays, ne peuvent pas relever d'empreintes digitales ou inspecter une voiture. À la frontière belge, s'ils voient des bouées ou des moteurs de bateaux dans une voiture, ils ne peuvent rien faire sans autorisation du procureur !
Actuellement, le ministre de l'intérieur ne peut retirer le titre de séjour d'un prétendu réfugié tchétchène, par exemple, qui serait à ce point pourchassé dans son pays qu'il y passerait tous ses étés ! (Murmures à gauche ; MM. Stéphane Ravier et Joshua Hochart renchérissent.)
Supprimons dix types de titres de séjour, qui sont trop nombreux.
Ce texte est ferme, mais non dépourvu d'humanité. Le Gouvernement propose que les enfants de moins de 16 ans ne soient plus envoyés dans des centres de rétention administrative - hors le cas spécifique de Mayotte. Inscrivons cette pratique dans la loi.
Ce texte respecte les outre-mer, qui méritent mieux qu'une ordonnance. On ne peut gérer la Guyane et Mayotte comme la Corrèze.
Enfin, ce texte est ferme, mais pas fermé : le Gouvernement est à l'écoute de la Haute Assemblée et soutiendra des amendements, d'où qu'ils viennent.
Mme Laurence Rossignol. - Surtout de la droite !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous recherchons le meilleur compromis possible, car nous avons compris que les Français nous demandaient de nous mettre d'accord.
Je vous soumettrai plusieurs amendements. Je proposerai que le juge des libertés et de la détention (JLD) ne libère pas un étranger en rétention sans en examiner la dangerosité. Vous avez voté le passage de 1 300 à 3 000 places en centres de rétention administrative (CRA), mais nous y retenons désormais exclusivement des personnes fichées S ou des délinquants. Le public des CRA ayant changé, le JLD ne peut plus agir comme jadis.
Je proposerai de faire passer l'interdiction de retour sur le territoire national des personnes expulsées de cinq à dix ans, durée conforme aux règles européennes et plus efficace au regard de la sécurité.
Je proposerai de limiter les abus en matière de demande d'asile : un étranger irrégulier arrêté pourra toujours la formuler, mais elle sera examinée en accéléré et il attendra la réponse en rétention.
Après le drame d'Annecy, nous proposerons l'irrecevabilité des demandes d'asile de personnes qui l'ont déjà obtenu dans un autre pays.
Le Gouvernement n'épuise pas les autres débats liés à ce texte, constitutionnels ou référendaires - le Président de la République a ainsi proposé que l'immigration puisse faire partie des sujets pouvant faire l'objet d'un référendum.
Personne n'a dit que ce texte était la réponse à tout. Mais personne ne peut dire qu'il ne donne pas des moyens supplémentaires à la police ni que le Gouvernement est fermé à la discussion. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP, sur plusieurs travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Présidence de M. Gérard Larcher
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Voici le dernier avatar d'une litanie de textes sur l'immigration.
C'est une loi ordinaire : nous avons donc dû travailler dans les limites de la Constitution et des engagements européens de la France.
Nous avons voulu nous écarter des poncifs qui nuisent à l'efficacité de notre politique : non, l'immigration n'est pas systématiquement synonyme de délinquance. (Marques d'ironie à gauche) Ce serait faire injure à nos concitoyens d'origine étrangère.
Cela dit, ne soyons pas aveugles : le terrorisme islamiste n'est pas sans lien avec l'immigration. (Murmures à gauche)
Enfin, monsieur le ministre, non, l'immigration n'est pas toujours une chance pour la France.
M. Rachid Temal. - C'est l'histoire de France !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Côtoyer une culture étrangère est enrichissant, c'est vrai ; mais lorsque cette culture crée de l'insécurité culturelle, pour reprendre de Laurent Bouvet... (Mouvements de protestation à gauche)
M. Rachid Temal. - Oh là là...
Mme Audrey Linkenheld. - Et voilà le grand remplacement !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - N'oublions pas enfin que quitter sa terre natale, sa famille et ses traditions est forcément un déchirement. L'émigration est toujours une souffrance (on ironise à gauche), surtout lorsque les économies familiales passent chez ces esclavagistes que sont les passeurs. L'immigré ne vient pas chez nous pour nous rendre service, mais parce qu'il pense que la France est une chance pour lui.
Définir une politique migratoire, c'est dire qui a le droit d'entrer et de rester dans notre pays. Or il existe 187 types de titres de séjour en France...
La commission des lois a introduit un titre premier visant à limiter par des quotas et à conditionner l'entrée sur le territoire. François-Noël Buffet, Philippe Bonnecarrère et moi avons constaté que c'est le trop grand nombre d'entrées qui nuit à l'intégration et que nous ne pouvions pas éloigner les personnes en situation irrégulière.
Ce titre prévoit donc un débat au Parlement pour fixer ces quotas. Nous avons aussi resserré les conditions du regroupement familial et de l'obtention des titres « étudiants » ou « étranger malade ». Tel est l'apport de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Michel Canévet applaudit également.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Comme le disait Gérard Larcher, sur l'immigration, la situation n'est plus tenable. Les rapporteurs ont travaillé de concert. La majorité sénatoriale est d'accord sur la plupart des sujets. (« Ah bon ? » à gauche)
Nous avons identifié des solutions pour réécrire l'article 3. (Marques ironiques de soulagement à gauche)
Nous avons d'abord une obligation de résultat. Personne ne comprendrait que le Sénat n'adopte pas un texte. L'application du temps législatif programmé à l'Assemblée nationale fait peser un doute sur sa capacité à l'examiner jusqu'au bout. Le Sénat, point d'équilibre institutionnel, doit prendre ses responsabilités.
Deuxièmement, ce texte introduit des éléments incontestables de fermeté. C'est bien un nouveau paysage de la politique migratoire qui se dessine, et non une addition de mesures.
Troisièmement, ce texte marque un retour du Parlement : la politique migratoire n'est pas simplement diplomatique ou mémorielle. Elle est régalienne et s'écrit au présent, sous le contrôle du Parlement. Avec le débat annuel proposé à l'article 1er A du texte, nous souhaitons nous donner les moyens d'être plus précis et de fixer les objectifs de la politique migratoire. Le Parlement doit pouvoir décider d'un cap.
Quatrièmement, nous avons travaillé dans le respect de nos engagements constitutionnels et conventionnels. Je ne crois pas que l'État de droit entrave l'action publique. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) admet une marge d'appréciation nationale. Ni elle ni le Conseil constitutionnel n'ont jamais interdit aux pouvoirs publics de mettre en oeuvre leurs politiques. Mais prenons garde à l'inconstitutionnalité : une censure pourrait faire croire à nos concitoyens que l'action publique n'est plus possible.
La politique migratoire peut être efficace, même si elle ne le sera jamais à 100 %. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°1, présentée par Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration (n° 434 rectifié, 2022-2023).
Mme Cécile Cukierman . - Loin de nous l'idée de sous-entendre qu'il n'y aurait pas lieu de débattre de l'immigration. Mais ce n'est pas avec ce texte que l'on répondra au défi de l'explosion des migrations dans le monde et à la lutte contre le terrorisme.
Nous devons tenir un discours de vérité, sans excès, mais sincère. Tel est l'état d'esprit de mon groupe.
Ne laissons pas penser que gestion des politiques migratoires et lutte contre le terrorisme vont de pair. Regardons les dernières décennies : immigration ne rime pas avec terrorisme.
Ne laissons pas les Français croire que ce texte assurera leur sécurité ni que la France pourrait stopper des milliers de migrants chassés par le dérèglement climatique, alors que c'est leur seule chance de survie. Famine, sécheresse, déforestation, exploitation des océans, hyperurbanisation... ce sont souvent les pays riches qui sont responsables.
À cela s'ajoutent de nombreux conflits, bien loin des plateaux télé, avec leurs cortèges de morts, d'enfants soldats et de femmes violées. C'est au péril de leur vie, à pied ou sur des bateaux de fortune que, chaque jour, des milliers de personnes cherchent à atteindre notre pays, qu'ils voient comme un eldorado. Mais à leur arrivée, l'eldorado s'effondre : ils y venaient pour vivre, ils n'y restent que pour survivre.
Au pays de Voltaire et de Victor Hugo, notre devoir est de les accueillir avec humanité, de les sauver des trafiquants. Or votre texte n'en fait rien, il les stigmatise. Vous parlez de ceux qui nuisent ; mais de quelles nuisances parlez-vous ?
Regardez ce magnifique documentaire, Nous les ouvriers. Relisez notre histoire de France : les immigrés ont aidé notre pays à se construire, à se défendre et à se reconstruire. Marocains, Tunisiens, Algériens, Sénégalais, Ivoiriens, Polonais, Italiens, Espagnols, Portugais : tous ont connu l'hostilité mondaine d'un racisme ordinaire, mais, par leur travail et grâce à la République, ils ont su s'intégrer, faisant du commun, et non du communautarisme. (M. Stéphane Ravier proteste.)
Je ne fais pas d'angélisme. Oui, le monde a changé ; nos valeurs ont faibli. Selon notre Constitution, la France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. C'est en appliquant ces quatre principes que nous sortirons du débat nauséabond que nous vivons depuis plusieurs années. C'est en y renonçant que les gouvernements successifs ont affaibli la République, en renvoyant ces personnes vers le communautarisme, en les soumettant aux marchands de sommeil et aux patrons voyous.
Le débat sur l'aide médicale d'État (AME) l'illustre : priver ces personnes de soins préventifs, c'est une catastrophe pour eux comme pour la santé publique.
Ne soyons pas hypocrites : nous connaissons dans nos départements de nombreux parcours de réussite et sollicitons souvent des dérogations aux préfets.
Si le monde a changé, renforçons nos politiques. Renforçons le droit au travail et la prise en charge de l'apprentissage du français pour lutter contre le communautarisme.
Créons des structures d'accueil dignes du pays des droits de l'homme. Inscrivons-les dans la loi au lieu d'augmenter le pouvoir discrétionnaire des préfets.
Nous serons toujours à vos côtés, monsieur le ministre, pour lutter contre le radicalisme islamiste. L'histoire algérienne des années 1990 le démontre : il n'aime pas les progressistes, car à la doctrine de Dieu, nous répondons par celle de la République. À l'immobilisme facilitant l'exploitation de l'homme par l'homme, nous répondons par l'éducation et la construction d'un esprit critique, seul facteur d'émancipation pour les femmes et les hommes. Nous ne voulons pas une République uniformée, mais une République qui rassemble et conjugue les talents de chacun au service de tous.
Quelques remarques de méthode : ce texte participe de l'inflation normative - il y a une loi immigration tous les dix-huit mois - alors que nous ne disposons pas du bilan des lois précédentes. Ce n'est pas respectueux du travail de la représentation nationale.
Le projet de loi porte atteinte au droit de mener une vie familiale normale, protégée aux niveaux constitutionnel et conventionnel.
Le contexte pousse à la stigmatisation, concours Lépine de propositions les plus dures, remettant en cause sans le dire l'État de droit, et bousculant une Constitution que leurs auteurs sont d'habitude plutôt enclins à protéger.
Le texte est contradictoire : comment peut-on accélérer les expulsions tout en augmentant les délais de rétention, ou durcir les sanctions contre les marchands de sommeil sans accompagner les victimes ?
Nous nous opposons à la vision du Gouvernement et à celle de la droite sénatoriale, mais nous débattrons jusqu'au bout.
Bien sûr, cette motion sera rejetée. Mais, nous ne lâcherons rien : article après article, nous vous montrerons que d'autres solutions sont possibles pour apporter plus d'humanité à la République. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, sur plusieurs travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable. Madame Cukierman, vous souhaitez débattre : le texte doit donc poursuivre son cheminement.
Vous appelez à un discours de vérité : c'est bien le point de départ ! Quelque 600 000 à 900 000 personnes présentes illégalement et 150 000 demandeurs d'asile : il faut être conscient de la réalité.
Madame Cukierman, vous avez fait allusion à plusieurs conflits dans le monde. Ce texte correspond bien à une situation géopolitique instable.
Vous avez également appelé à faire du commun. Il s'agit en effet d'un objectif que nous pouvons partager. Pour autant, avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable. Je souhaite moi aussi un débat républicain, car parler d'immigration, c'est parler de femmes, d'hommes et d'enfants ; c'est aussi parler des associations qui les accompagnent, au nom de la République. L'important, c'est l'humain. C'est dans cet esprit que travaille le Gouvernement.
Vingt lois en trente ans, dites-vous ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Vingt-neuf !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Le présent texte est le second depuis l'élection du Président de la République. Une loi tous les six ans, c'est raisonnable.
M. Bruno Retailleau. - Il en faudrait d'autres !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Combien de textes budgétaires, de textes sur l'écologie, sur l'économie ? (Protestations à gauche)
Une voix à droite. - Trop !
M. Rachid Temal. - Parlez du texte !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Les talibans en Afghanistan, les crises climatiques, les coups d'État au Sahel : tout cela a des conséquences sur l'immigration. À nous d'adapter nos règles de droit.
Quand Nicolas Sarkozy a supprimé la double peine, il y a vingt-cinq ans, le contexte international était tout autre ! Comparons ce qui est comparable. Il est normal d'adapter les lois de la République aux désordres du monde. Les gouvernements, de gauche comme de droite, ont fait des lois sur l'immigration, et c'est tant mieux ! (M. Rachid Temal proteste.)
J'en viens à la Cour européenne des droits de l'homme. Le droit à la vie privée et familiale est garanti, mais il n'est pas absolu. Sous François Hollande, le gouvernement Cazeneuve, soutenu par une gauche plurielle, a estimé que ce droit ne valait pas pour les terroristes. Nous disons qu'il ne vaut pas pour les criminels. Un homme condamné pour pédophilie...
Mme Laurence Rossignol. - Pédocriminalité !
M. Gérald Darmanin, ministre. - ... n'a pu être expulsé parce qu'il avait des enfants. C'est absurde ! La vie familiale oui, mais pas à n'importe quel prix.
L'ordre public doit être maintenu. Cessons de nous autocensurer, expulsons lorsque c'est nécessaire. La CEDH ne dit d'ailleurs pas le contraire. Nous avons obtenu l'expulsion de l'imam Hassan Iquioussen, contre l'avis du tribunal administratif, alors qu'il s'était marié en France.
Mme Audrey Linkenheld. - Ce qui veut bien dire que la loi le permet !
M. Gérald Darmanin, ministre. - C'est possible pour le séparatisme, non pour les crimes et délits.
Enfin, le Conseil d'État a émis un avis très favorable à ce texte, et le Conseil constitutionnel saura faire son travail. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Dany Wattebled applaudit également.)
La motion n°1 n'est pas adoptée.
Question préalable
M. le président. - Motion n°6, présentée par MM. Dossus, Benarroche et Parigi, Mme M. Vogel, MM. Gontard, G. Blanc et Dantec, Mmes de Marco et Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration (n° 434 rect., 2022-2023)
M. Thomas Dossus . - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) Quatre ans après la dernière loi Asile et immigration, vous nous présentez un nouveau texte. L'immigration, comme vous l'avez dit, ce sont avant tout des hommes, des femmes, des adolescents, avec leurs parcours et leurs difficultés. De loi en loi, le parcours administratif imposé aux immigrés est devenu indigne. Votre conception dissuasive de l'immigration est un facteur de désordre permanent. La succession perpétuelle d'obstacles, de l'obtention de titres de séjour à l'accès au travail, tout est fait pour rendre le parcours chaotique.
La situation a encore empiré. Un rapport budgétaire de l'Assemblée nationale sur les moyens des préfectures pour l'instruction des demandes de séjour montre que, faute de rendez-vous en préfecture, des personnes en situation régulière basculent brutalement dans l'irrégularité. Entre 2019 et 2022, les réclamations liées au droit des étrangers ont augmenté de 233 %, et le droit des étrangers est devenu le premier motif de saisine du Défenseur des droits, passant de 10 % à 24 % des procédures.
Cette mise en désordre de l'immigration trouve son symbole dans le rétablissement, depuis 2015, de la frontière franco-italienne. Cette frontière militarisée rend les traversées encore plus dangereuses. Il y a deux semaines, un homme est mort dans la Durance en tentant d'échapper à un contrôle. C'est inacceptable. L'idéal européen meurt à petit feu !
Vous nous proposez de contrôler l'immigration. Si vous n'avez que « fermeté » à la bouche, vos motivations sont floues. Le Défenseur des droits et le Conseil d'État ont exprimé leurs réserves : du fait de la faiblesse de son exposé des motifs et de l'absence d'étude d'impact, le texte laisse à craindre des représentations erronées et encore plus d'arbitraire administratif.
Selon vous, le sérieux d'une politique migratoire réside dans notre capacité à expulser. Mais en accumulant OQTF et contraintes, vous ne faites qu'amplifier le désordre et la précarité. La machine administrative broie, alimentant le désarroi des agents des préfectures.
Quant à la levée des protections, c'est un tour de vis supplémentaire, nouvelle double peine qui interroge sur l'égalité devant la loi.
Ensuite, la majorité sénatoriale, avec l'assentiment du ministre, met en danger la santé publique en transformant l'aide médicale de l'État en aide médicale d'urgence. Mais un accord vaut bien la mise en danger de la santé des Français, comme des étrangers ! (Protestations sur les travées du RDPI) Nous connaissons les arguments : l'AME coûterait cher... C'est faux ! Pour des raisons comptables, nous fragilisons des personnes, mais aussi l'ensemble de la population.
Enfin, les associations et les bénévoles, qui font vivre la fraternité républicaine, sont également visés. M. le ministre s'en est pris directement à la Cimade. Lors de maraudes avec Médecins du monde, j'ai vu ce qu'est le harcèlement policier. Ce constat est largement documenté. Ces associations sont pourtant des vigies permanentes qui pallient les manquements de l'État.
Il est temps de parler d'intégration, la carotte après le bâton. Élever le niveau de langue requis inciterait à mieux apprendre le français ? Vous rendez le processus plus excluant encore ! Drôle de carotte...
Nous avons toujours défendu la régularisation des travailleurs sans papiers, qui devraient bénéficier des mêmes droits que les autres. Mais Olivier Dussopt brille par son absence, tout comme la valeur travail dans le logiciel de la droite sénatoriale, qui préfère le travail au noir et l'exploitation ! (Applaudissements à gauche ; M. Yannick Jadot renchérit ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Il faudra qu'un étranger travaille en contournant les contrôles pendant trois ans pour être régularisé.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Ce n'est pas ça !
M. Thomas Dossus. - La crise ukrainienne a montré que nous sommes capables d'une autre politique d'accueil. Ce projet de loi passe à côté : pour assurer un accueil digne, sortons d'une approche sécuritaire.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Thomas Dossus. - Ce texte prend la direction inverse. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et CRCE)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable. Vous nous dites ce qu'il ne faut pas faire, et non ce qu'il faudrait faire. La référence à la situation ukrainienne est une pirouette intellectuelle. (M. Akli Mellouli proteste.)
Vous déplorez l'absence d'étude d'impact ? Les chiffres que j'ai rappelés sont une bonne objectivation du sujet.
Vous parlez d'une disparition de l'idéal européen ? Ma génération s'est construite dans cet idéal, j'y suis très attaché, mais la manière dont l'Europe traite ces questions est préoccupante - le ministre l'a montré. Ce débat n'est pas franco-français ; l'Allemagne et l'Italie sont tout autant concernées. À nous de reconstituer un narratif, voire un idéal européen... Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
La motion n°6 rectifié n'est pas adoptée.
Renvoi en commission
M. le président. - Motion n°53 rectifiée, présentée par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration (n° 304 rectifié, 2022-2023).
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) M. Bonnecarrère parle de « retour du Parlement ». Depuis quelques mois, celui-ci ne fonctionne pas de manière idéale. À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a engagé treize fois sa responsabilité. Mais il existe un îlot de sérieux, de robustesse : le Sénat. (Marques de satisfaction à droite) Dès lors, et pour ne pas malmener notre démocratie parlementaire, je vous demande de voter ce renvoi en commission, pour trois raisons.
Première raison : monsieur le ministre, vous n'êtes pas prêt.
M. Gérald Darmanin, ministre. - À quoi ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce texte, arrivé devant la commission des lois le 15 mars dernier, a été inscrit à l'ordre du jour, puis désinscrit, et le revoilà huit mois plus tard en séance. Le temps pour vous de faire beaucoup d'annonces, d'ailleurs sans effet : vous vouliez expulser tous les radicalisés, puis les fichés S...
Vous êtes bien seul aujourd'hui. M. Dussopt a disparu. Le garde des sceaux est momentanément empêché. (Marques d'ironie sur plusieurs travées) Vous avez déposé 28 amendements, sans avis du Conseil d'État ni étude d'impact. Bref, ce texte n'est pas abouti.
Deuxième raison : monsieur Buffet, la commission n'est pas prête non plus. L'examen a été réalisé avec un tiers de collègues qui ne siègent plus parmi nous. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Sur deux articles majeurs, l'article 3 et l'article 4, la commission n'a pas d'avis, car les rapporteurs ne sont pas d'accord ! D'ailleurs, monsieur le ministre, vous n'avez pas dit un mot sur ces articles.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Si !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ensuite, nous avons vu arriver 28 amendements du Gouvernement et 32 du rapporteur. Le ministre de l'intérieur a estimé nécessaire de délocaliser une réunion de la commission dans la salle à manger de Beauvau. Voilà qui sort de l'ordinaire parlementaire, même si le repas était, m'a-t-on dit, excellent... (Sourires et marques d'ironie)
M. Gérald Darmanin, ministre. - Vous nous avez manqué !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Enfin, troisième raison : le Sénat n'est pas prêt. Le groupe Les Républicains a déposé une proposition de loi constitutionnelle qui fait système avec ce projet de loi. Il aurait été cohérent d'examiner ce dernier après le texte de portée constitutionnelle.
M. François Bonhomme. - Très bien.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Au Sénat, on aime les choses bien faites. La majorité, composée de deux groupes essentiels - je ne veux vexer personne...
M. Roger Karoutchi. - Oui, essentiels !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - ... travaille de conserve ; l'opposition s'oppose, pour des résultats relatifs. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains)
M. André Reichardt. - C'était l'inverse voilà quelques années...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - AME, articles 3 et 4 vous posent problème. On me dit que vous pourriez demander la réserve pour examiner ces articles vendredi. Ce n'est guère sérieux...
Pourquoi le Gouvernement s'obstine-t-il ? Est arrivé le drame d'Arras... Et le ministre de justifier son texte : s'il avait été en vigueur, le drame aurait pu être évité. Le ministre aurait plutôt dû soutenir ses services ; dans ce drame, ils ont fonctionné. La sécurité totale n'existe pas. Vous avez instrumentalisé ce terrible meurtre...
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Cet attentat terroriste !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - ...pour expliquer qu'il fallait voter votre projet, pour éviter surtout d'être mis en cause lors d'un possible drame ultérieur.
Face à ces constats d'impréparation et d'absence d'une position stable, nous souhaitons que la commission puisse retravailler. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, sur plusieurs travées du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable. Merci à Mme de La Gontrie pour son éloge liminaire du travail sénatorial, mais la suite déçoit... (Sourires)
Au total, 32 amendements des rapporteurs ont été adoptés. Je ne peux faire de commentaire sur le nombre d'amendements du Gouvernement.
Certains collègues ne sont plus sénateurs, mais il existe une continuité de l'État, et du Parlement. (MM. Roger Karoutchi et André Reichardt renchérissent.) Notre assemblée est permanente.
Vous avez évoqué le drame d'Arras, mais les dispositions que nous examinons ne s'inscrivent pas dans l'air du temps. Le présent texte n'est pas un texte d'émotion ; il recherche des moyens de long terme. C'est pourquoi je demande le rejet de la motion.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable. Madame de La Gontrie, vos attaques à l'égard de M. le garde des sceaux, qui ne peut se défendre aujourd'hui, manquent de délicatesse - et de courage.
M. André Reichardt. - On ne peut pas lui faire ce reproche...
M. Gérald Darmanin, ministre. - N'hésitez pas à les lancer devant lui !
Mme Laurence Rossignol. - Elle le fera !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je n'hésiterai pas !
M. Gérald Darmanin, ministre. - En fait, j'ai l'impression que vous exprimez une forme de regret.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je souffre déjà !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Peut-être même cherchez-vous à vous rattraper, en disant que nous sommes trop durs. Vous avez fait partie d'une majorité qui prônait la déchéance de nationalité !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - J'ai dit que nous n'étions pas prêts !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Début novembre, le président Hollande a dit que le texte devait être discuté, et peut-être même adopté.
M. Rachid Temal. - Vous l'avez applaudi !
Mme Audrey Linkenheld. - Il n'est pas sur ces travées.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Les socialistes étaient favorables à la déchéance de nationalité (Mmes Laurence Rossignol et Marie-Pierre de La Gontrie le contestent), et vous jugez ce texte trop dur ? Vous ferez le procès du président Hollande plus tard ! (Rires sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Vous dites qu'il y a trop de lois ? Vous en avez voté trois, en cinq ans : en décembre 2012, en juillet 2015 et en mars 2016.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je n'ai pas parlé de cela !
Mme Corinne Narassiguin. - Ce sont les reproches de Mme Cukierman !
M. Gérald Darmanin, ministre. - La loi Cazeneuve de mars 2016, prévoyait des mesures fortes à l'encontre des étrangers coupables d'actes terroristes.
En ce qui concerne la famille de Tchéchènes radicalisés d'Arras, mes services avaient fait leur travail. Ce sont vos amis qui n'ont pas respecté le travail de la police aux frontières ! (Protestations à gauche)
M. Michel Canévet. - C'est vrai !
M. Yannick Jadot. - Il était en CM2 !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Ce sont vos amis, les associations que vous soutenez, qui ont fait libérer cette famille ! S'il y a un drame à Arras, c'est bien celui-là. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP)
La motion n°53 rectifiée n'est pas adoptée.
Discussion générale (Suite)
M. Stéphane Ravier . - Plus de deux millions d'étrangers sont entrés sur notre territoire sous la Macronie, l'équivalent de la ville de Paris. Entre 700 000 et 900 000 étrangers vivent illégalement sur notre sol, l'équivalent de la ville de Marseille. L'AME nous coûte 1,2 milliard d'euros par an. Selon l'Insee, sur les 2,6 millions d'Algériens vivant sur notre sol, 42 % sont chômeurs ou inactifs, tout en bénéficiant d'aides sociales dont ils ne sont pas contributeurs. (Protestations à gauche ; M. Ahmed Laouedj proteste également.) La France n'est plus un Eldorado, mais un radeau !
L'immigration a un coût sécuritaire effarant : les étrangers représentent 25 % de la population carcérale ; ils sont responsables à 50 % de la délinquance et de la criminalité. Sans compter les binationaux comme Mohamed Merah, qui a assassiné des enfants juifs, parce que juifs, des militaires français, parce que français.
La natalité française s'effondre pendant que la natalité exogène explose. Cette réalité de la submersion migratoire a un nom : le grand remplacement ! (« Ah ! » à gauche) Un grand remplacement culturel et civilisationnel. On comptait cent mosquées en 1970, trois mille aujourd'hui. Les manifestations de soutien au Hamas se multiplient aux cris de « Allah Akbar ! ». Vous êtes tous responsables de cette folie, de ce désastre : à gauche, en étant passés du parti de l'étranger au parti des étrangers, à droite en s'étant inquiétés trop tard de cette situation.
Mes chers collègues, j'en appelle à votre courage.
Mme Laurence Rossignol. - Au revoir !
M. Rachid Temal. - Bonne nuit !
M. Stéphane Ravier. - Ensemble, faisons de cette loi la première loi pour la non-immigration ! Il faut une France française et une Europe européenne ! (Protestations à gauche)
M. Dany Wattebled . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) François Mitterrand estimait que la France avait atteint ses capacités maximales d'intégration dès les années 1970. (M. Olivier Paccaud renchérit.) Nos concitoyens voient dans notre incapacité à gérer cette question la manifestation de l'impuissance de l'État. Ni les États, ni Frontex, n'ont les moyens pour faire face aux flux de la migration légale. L'immigration illégale explose également. Cependant, certains continuent à plaider pour l'ouverture inconditionnelle de nos portes. C'est illusoire et dangereux.
Illusoire, car nous ne pouvons pas accueillir tout le monde. Nos concitoyens sont 75% à considérer qu'il y a trop d'étrangers en France.
M. Rachid Temal. - Et donc ?
M. Dany Wattebled. - Ils ne souhaitent pas d'immigration massive. La Hongrie a construit un mur, la Grèce a eu recours à des mesures autoritaires. La France, jamais.
L'enchaînement des crises géopolitiques va continuer d'accroitre les flux migratoires vers l'Europe. Bien encadrée, l'immigration peut être une chance, lorsqu'elle aboutit à l'intégration. En revanche, l'immigration non contrôlée n'est pas souhaitable.
Notre nation rencontre un problème de cohésion. L'accueil d'étrangers désirant nous rejoindre ne peut se faire au prix de l'abandon de nos valeurs. Nous devons reprendre le contrôle, et ce texte y contribue.
Il aggrave les sanctions contre les passeurs et renforce les procédures d'expulsion contre les étrangers dangereux. Aucun de nos compatriotes n'acceptera que ces personnes, qui n'ont pas leur place en France, s'y maintiennent. Nos concitoyens seront mieux protégés.
Nous nous félicitons de voir l'engagement républicain remis au centre de notre politique migratoire : l'égalité femmes-hommes, le respect de la laïcité ne sont pas négociables.
Le projet de loi renforce l'exigence de maîtrise de la langue française, clé de l'intégration. L'article 3, le plus polémique (Mme Audrey Linkenheld ironise), vise à tenir compte des situations existantes sans créer un appel d'air.
M. Rachid Temal. - Le mythe de l'appel d'air...
M. Dany Wattebled. - Nous devons veiller à l'application de nos lois. Nous appelons à une immigration choisie, tenant compte de la volonté d'intégration.
Le projet de loi soulagera les métiers en tension. On a parlé de patrons voyous, mais certains souhaitent régulariser leur personnel. (M. le ministre acquiesce.)
Les grands ensembles doivent répondre aux grands défis. L'Union européenne doit soutenir les États membres qui sont en première ligne, dont la France. Nous devons négocier des accords de réadmission et renforcer nos capacités de reconduite. La division nous condamne à l'impuissance.
Ce texte est une première réponse aux attentes de nos concitoyens. Pour élever nos moyens à la hauteur de nos ambitions, le groupe INDEP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme Isabelle Florennes . - Enfin, nous allons examiner ce projet de loi, approuvé à 98 % en mars dernier. Il le fallait, car notre droit est inefficace. Les délits commis par des étrangers en situation irrégulière, les images de camps de migrants font la une de l'actualité. (Murmures à gauche) Malgré de très nombreuses lois depuis trente ans, nous demeurons impuissants. Sans nier votre action, monsieur le ministre, la réalité quotidienne est souvent décourageante.
Votre projet de loi ne serait pas, selon son exposé des motifs, une « couche supplémentaire de sédimentation législative ». Espérons-le ! Il vise l'ensemble des aspects de notre politique migratoire - migration économique, asile, intégration et lutte contre l'immigration illégale - mais manquait d'ambition. Notre commission des lois, dont je salue le travail, l'a largement étoffé.
Le défi migratoire concerne l'ensemble de nos voisins, dont l'Italie et la Grèce, plus exposées encore que nous. Cependant, nous ne pouvons attendre que la solution vienne de l'Europe, même s'il faudra agir à ce niveau aussi.
Sommes-nous parvenus à un plafond de verre constitutionnel ? Sur plusieurs aspects, oui. Pour y répondre, notre groupe a présenté une proposition de loi constitutionnelle visant à aménager le droit d'asile, qui prévoit notammnet le dépôt des demandes d'asile auprès de nos ambassades et consulats.
M. André Reichardt. - Très bien !
Mme Isabelle Florennes. - Il faut protéger rapidement ceux qui sont réellement en danger - il y va de l'honneur de la France. Nous ne sommes pas opposés, par principe, à faire évoluer notre Constitution sur ces questions mais dans le respect des exigences conventionnelles. Plutôt que de déroger à la hiérarchie des normes, renégocions les traités ou le droit européen. Le groupe Les Républicains nous invite à en débattre en décembre.
Notre commission des lois a amélioré le projet de loi. L'article 1er A introduit une innovation majeure : un débat annuel au Parlement sur les orientations pluriannuelles en matière migratoire. Le Parlement déterminera le nombre d'étrangers admis à demeurer durablement en France, hors asile. Pour une fois, nous ne subirons pas l'actualité, nous la ferons !
Les articles 9 et 10 sont sortis de l'ombre après l'ignoble assassinat de Dominique Bernard à Arras. Nous avons tous été choqués par le profil de l'agresseur et de sa famille, radicalisée. Il faut faciliter la levée des protections absolues et relatives pour de tels individus, mais gare à ne pas encourir la censure du Conseil constitutionnel.
Quant au fameux article 3, nous ne comprenons pas l'effervescence qu'il suscite.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Vous n'êtes pas la seule...
Mme Isabelle Florennes. - Il ne mérite pas ces réactions excessives. Existe-t-il des travailleurs irréguliers dans notre pays ? Oui. Sont-ils parfois régularisés après quelques années ? Oui, bien sûr ! Le sujet n'est pas nouveau. L'innovation majeure de l'article 3 réside dans la création d'un titre de séjour de plein droit pour une personne ayant travaillé dans notre pays plus de huit mois au cours des deux dernières années. Notre groupe en a longuement débattu. Nier la situation ne résoudra pas le problème.
Une voix à gauche. - C'est vrai !
Mme Isabelle Florennes. - Ces personnes sont, le plus souvent, non expulsables, étant sur le territoire depuis longtemps, intégrées, souvent avec une famille. Inutile de faire grossir le rang des « ni, ni », ni expulsables ni régularisables.
Cependant, ce titre ne nous semble pas la bonne option. Mieux vaut conserver le pouvoir d'appréciation du préfet et réformer le régime en matière d'autorisation du travail : tel est le sens de notre amendement à cet article. Nous proposons aussi la suppression de l'accord préalable de l'employeur pour présenter la demande du salarié. Ni appel d'air ni déni de réalité, nous espérons que notre position fera consensus.
Par pragmatisme, nous souhaitons aussi assouplir l'accès au marché du travail aux demandeurs d'asile issus des pays pour lesquels les demandes sont le plus souvent acceptées.
Pour reprendre une analyse de Jean-Louis Bourlanges, il règne en France un climat de peur et d'insécurité dû à une perte de confiance dans nos institutions. Ce projet de loi répond à une attente de fermeté et d'efficacité - les trois quarts de nos concitoyens y seraient favorables.
Enfin, à ceux qui voudraient fermer nos frontières, je rappelle que la France s'est toujours construite grâce à l'arrivée de nombreux étrangers, à qui elle doit une grande partie de sa richesse et de son rayonnement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP)
Présidence de M. Alain Marc, vice-président
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce trentième texte sur l'immigration depuis les années 1980 est particulièrement déséquilibré : rien sur l'intégration, tout sur la sécurité.
L'immigration est un phénomène historique, normal, et récurrent, qui participe de la construction de notre pays, mais aussi un phénomène géopolitique complexe, lié notamment au changement climatique. Aucun mur, physique ou administratif, n'a jamais empêché l'être humain de se déplacer pour sa survie.
Notre vision ne peut être uniquement sécuritaire. Le ministre de l'intérieur ne doit pas être seul maître d'oeuvre de la politique d'immigration, qui mérite un ministère propre.
Avec ce texte, nous sommes loin de la promesse présidentielle de 2019 : « je crois au vrai en même temps sur la politique migratoire ».
Nous ne sommes pas dupes : la motivation de ce texte est politicienne, quoi qu'en dise M. le ministre. Sinon, comment expliquer qu'il ait été retiré de l'ordre du jour en mars ? Comment expliquer que les lois sur l'immigration se multiplient ? La Première ministre estimait, en avril, que le climat n'était pas apaisé ; l'est-il maintenant ? La politisation est un piège qui ne profitera qu'à certains.
Vous voulez être gentil avec les gentils et méchant avec les méchants - c'était la morale de la fable - mais vous prenez les mesures les plus dures depuis trente ans.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Ce n'est pas incompatible.
M. Guy Benarroche. - Mieux accueillir passerait donc par une baisse des crédits de 36 % pour les demandeurs d'asile ? Le texte ne prévoit rien contre la précarisation des étrangers.
MM. Darmanin et Dussopt prônent l'intégration par le travail. La crise ukrainienne a montré que notre pays pouvait accueillir les immigrés lorsqu'il y avait une volonté politique. La dérogation accordée aux réfugiés ukrainiens ne pourrait-elle pas devenir la règle ?
L'article 3, maigrichonne jambe gauche du texte, se transforme en une régularisation minimale, à la suite d'un accord avec la droite. Ceux qui le veulent doivent pouvoir s'intégrer sans vivre dans la peur : intégrer par le travail, c'est aussi régulariser par le travail.
OQTF en hausse, multiplication des CRA, nouvelles contraintes administratives : telle est la réalité. Nous étions sur le point de féliciter le Gouvernement pour l'interdiction de la détention des mineurs dans les CRA, mais la limitation à 16 ans est une farce.
Vous renoncez à la collégialité de jugement, ce qui n'accélérera rien. Contre l'embolie, il faut des locaux et du personnel.
Elle est loin, la promesse d'Orléans de 2017, quand le Président affirmait qu'aucun demandeur d'asile ne dormirait dehors...
La fin de l'AME est une aberration, l'appel d'air un mythe.
L'inconditionnalité et la dignité de l'accueil sont notre honneur, mais je regrette que celui-ci soit variable, entre l'Aquarius et l'Ocean Viking...
Nous ne sommes ni naïfs ni idéalistes : nous voulons simplement respecter la dignité de chacun. Il nous revient de changer le texte dans les jours qui viennent. (Applaudissements à gauche)
M. Ian Brossat . - (M. Fabien Gay applaudit.) Ce texte, tel qu'adopté par la commission des lois, fait de l'étranger une menace dont il faudrait se prémunir. Nous ne partageons ni cette vision des choses, ni les mesures qui en découlent.
Bien sûr, définir des règles en matière d'émigration est légitime. Mais faire des étrangers des suspects, nous n'y adhérerons jamais.
Les étrangers, qu'ils aient des papiers ou non, travaillent en silence, prennent le premier métro pour nettoyer les bureaux de La Défense. Personne n'en parle jamais. Restaurants, Ehpad, chantiers des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), champs, université : ne pas voir cette grande masse des étrangers, c'est le choix du déni. Or ces femmes et ces hommes sont bien plus patriotes que les émigrés fiscaux qui bénéficient d'un laxisme coupable !
Mme Colombe Brossel. - Excellent !
M. Ian Brossat. - Les mesures adoptées en commission aggravent le texte, avec la limitation du droit du sol, de l'AME ou du regroupement familial. Comment un étranger peut-il s'intégrer sans sa famille ?
Penser réduire les flux migratoires en dégradant les conditions d'accueil est une erreur. Les conditions se détériorent depuis des années sans que les flux ne se tarissent. Le faible taux de recours aux aides - 50 % pour l'AME, 30 % pour le RSA - montre bien qu'on ne vient pas dans notre pays pour les aides.
Ce n'est pas la situation du pays d'accueil mais celle du pays de départ qui provoque l'émigration. Allons-nous rester dans le déni et vendre le mirage d'une immigration zéro, ou regarder la réalité en face et organiser l'intégration par l'école, par la langue, par le travail ?
C'est parce que cette organisation fait débat que nous en sommes là. L'absence de voie légale crée un marché pour les passeurs. L'absence de logement digne crée un marché pour les marchands de sommeil. L'absence de régularisation massive par le travail crée les conditions pour que les patrons voyous profitent de la misère. Le drame n'est pas l'immigration, mais son exploitation. L'article 8 pénalisant les employeurs qui embauchent des sans-papiers est révélateur. Qui est coupable ? Celui qui travaille ou celui qui l'embauche ?
Nous défendons une vision aux antipodes de celle de la commission. Lorsque nous parlons des étrangers, nous parlons d'abord de nous et de nos valeurs. (Applaudissements à gauche)
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Depuis des décennies, le Sénat se plaint du millefeuille administratif. Au menu cette semaine, un autre millefeuille, législatif : depuis les années 1980, 33 lois sur l'immigration ont été votées, soit une tous les 17 mois.
Fallait-il un nouveau texte, alors que nous n'avons pas encore tiré les enseignements de la loi Collomb ?
La version initiale du texte nous a surpris : nous y percevions des mesures positives, bien que mesurées, avec les articles 3 et 4. L'intégration par le travail est efficace.
Qui, ici, n'a pas évoqué le sujet avec un chef d'entreprise de son département ?
Parmi les mesures négatives figurait notamment la réforme du contentieux des étrangers. Certes, nos juridictions sont engorgées, mais cela ne justifie pas de déroger à nos principes fondamentaux, notamment la publicité des débats. Simplifions plutôt le droit.
La première mouture du texte aurait pu nous convenir moyennant quelques amendements. Mais la commission des lois lui a imprimé une tournure radicale. Le remplacement injustifié, à l'article 1er, de l'AME par une aide médicale d'urgence est symptomatique d'un état d'esprit qui empêche tout consensus. L'AME serait un appel d'air ? Moins de 10 % des étrangers invoquent la santé comme une raison de venir en France ! La pandémie nous a au demeurant rappelé les impératifs de santé publique. Supprimer l'AME est un non-sens économique, car les prises en charge tardives sont plus coûteuses.
Les articles 2 bis et 2 ter marquent un net recul du droit du sol. Les enfants et les adolescents sont également menacés. La manifestation de la volonté ne sera qu'une démarche administrative supplémentaire. Avec la condition d'un casier vierge, les jeunes n'auront plus le droit à l'erreur, alors que nous peinons à faire adopter de telles mesures pour les élus...
M. Yannick Jadot. - Bravo !
Mme Maryse Carrère. - Les articles 3 et 4 sont un dernier espoir pour défendre le texte. J'espère un accord, et un apaisement.
La difficile question des OQTF fait le lit du populisme. Certes, nous sommes frappés par le taux d'exécution très faible. Nous devons trouver un équilibre : pas d'OQTF contre des personnes intégrées, mais veillons à leur bonne exécution quand elles sont prononcées.
En l'état, impossible de définir la position de notre groupe. Cela dit, si le texte n'était pas modifié en séance publique, nous ne le voterions pas. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe SER, ainsi que sur des travées du GEST et du CRCE-K ; M. Pierre-Jean Verzelen applaudit également.)
M. Olivier Bitz . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Les flux migratoires se sont accélérés à l'échelle mondiale ces dernières années. Selon l'OCDE, on atteint un niveau record en 2022 dans les pays riches. En France, 320 000 autorisations de séjour ont été délivrées en 2022, pour 131 000 demandes d'asile. Cette trajectoire n'est pas soutenable : elle ne correspond ni à la capacité d'accueil ni à la capacité d'intégration de notre pays.
L'échelle européenne est la bonne : nous nous réjouissons que la présidence française de l'Union européenne ait oeuvré pour le pacte sur la migration et l'asile. Cela dit, nous devons muscler notre droit interne.
La loi du 10 septembre 2018 avait fixé le cap : il faut maintenant accélérer, notamment sur les moyens juridiques et financiers. L'objectif de 3 000 places de rétention administrative est financé.
Je me réjouis que ce texte, enrichi par la commission des lois, ait été repris par le Gouvernement : voilà un bel exemple de coconstruction. (M. Rachid Temal ironise.) Je salue la volonté de dialogue du ministre de l'intérieur.
Rejeter ce texte reviendrait à se satisfaire du droit actuel. Il faut que les demandeurs d'un titre de séjour pluriannuel respectent nos valeurs et maîtrisent notre langue. La menace à l'ordre public doit devenir un motif de retrait de la carte de résident.
La valeur travail est mise à l'honneur. Nous avons entendu tout et n'importe quoi sur l'article 3, dispositif expérimental et limité dans le temps : à l'évidence, il ne mérite pas ces excès.
Représentant l'Orne, un désert médical, je me réjouis des avancées pour les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue).
La simplification du contentieux des étrangers est très attendue. Sans surprise, le RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
La séance est suspendue quelques instants.
Mme Corinne Narassiguin . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Contrairement à ce que d'aucuns prétendent, nous ne sommes pas confrontés à une vague d'immigration. Le regroupement familial reste marginal et doit être préservé. Les mouvements migratoires comptent aussi des étudiants et des demandeurs d'asile, dont le nombre a certes augmenté, mais moins que chez nos voisins.
La question de l'immigration ne devrait donc pas inquiéter la population française. Et pourtant, elle est source de confusions, d'inquiétude et, comme le disent certains auteurs, d'insécurité culturelle. Mais ces sentiments tiennent à l'intégration, pas au fait migratoire.
Nous ne devons pas mentir à nos concitoyens : l'immigration n'est pas quelque chose dont nous pourrions nous départir ; elle est même une chance économique, culturelle et sociale, si l'intégration est réussie. Mais l'intégration en France est un problème. Nous ne parvenons plus à nous départir d'une forme de méfiance à l'égard des migrants.
Ces mots ont été prononcés par Emmanuel Macron, candidat à l'élection présidentielle, en février 2017... Que s'est-il passé depuis ?
Que s'est-il passé, monsieur le ministre, pour que vous nous présentiez le vingt-neuvième texte sur l'immigration depuis les années quatre-vingt en faisant croire qu'il résoudra tous les problèmes ? Pour que vous assumiez d'être autant condamné par la Cour européenne des droits de l'homme ? Pour que vous vous targuiez de défendre le texte le plus dur des trente dernières années sur l'immigration et pour que le Président de la République renonce à ses positions antérieures ?
Héritière d'une histoire complexe, la France est de fait un pays d'immigration et une terre d'accueil. Pour nous, socialistes, une immigration réussie suppose l'intégration, qui passe par trois facteurs essentiels : travail, apprentissage de la langue, mixité sociale.
Ce projet de loi favoriserait l'apprentissage du français ? C'est faux ! Vous utilisez la langue comme barrière à l'entrée et à l'installation durable, au lieu de vous inquiéter de son apprentissage.
Pour s'intégrer, il faut un travail digne et porteur de sens. À l'époque où vous vouliez être gentil avec les gentils, vous proposiez avec Olivier Dussopt, qui a disparu des radars, la régularisation des travailleurs dans les métiers en tension. Nous soutenons l'article 3, insuffisant, mais qui marque un premier pas pour la reconnaissance de ces travailleurs de l'ombre, en première ligne pendant le covid, et qui font tourner notre pays - ne vous en déplaise, ce sont eux qui épluchent nos légumes et font la plonge au restaurant du Sénat.
Au-delà de cette vision utilitariste, nous sommes pour la régularisation de l'ensemble des travailleurs sans papiers, ...
M. Roger Karoutchi. - Et voilà !
Mme Corinne Narassiguin. - ... car ils contribuent à la vie économique, sociale et culturelle de notre pays. Nous proposerons que l'ensemble des travailleurs sans papiers soient régularisés après six mois de CDI, de CDD ou d'intérim, y compris ceux des plateformes. Nous souhaitons aussi qu'il soit possible de travailler dès le dépôt d'une demande d'asile.
Nous avons bien compris, monsieur le ministre, que vous êtes en négociation privilégiée avec la droite extrême, représentée ici par M. Retailleau, qui veut supprimer l'article 3. (M. Roger Karoutchi soupire.)
Une organisation des politiques migratoires est nécessaire, mais fidèle aux valeurs de la République, pour mieux accueillir et mieux intégrer. Votre texte, au contraire, ajoute du désordre au désordre. Instrumentalisant le terrible drame d'Arras, vous multipliez les amalgames, sans vision ni notion d'efficacité.
Loin de cette démagogie, la sécurité de nos concitoyens exigerait pourtant un discours de vérité. Chaque fois que vous essaierez d'embrouiller les Françaises et les Français, nous rappellerons les faits. Les régimes d'expulsion et d'éloignement n'ont pas besoin d'être modifiés : il faut appliquer le droit existant. Donnez aux préfectures les moyens de suivre les individus véritablement dangereux, au lieu de multiplier les OQTF ! Les décisions de la CNDA peuvent envoyer des personnes à la mort : il est essentiel qu'elles restent collégiales.
Nous combattrons les mesures nauséabondes de la droite, qui n'a plus de républicaine que le nom. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Sur la remise en cause du droit du sol, nous sommes choqués du silence du Gouvernement. Monsieur le ministre, réveillez-vous : supprimez les articles 2 bis et 2 ter !
Ce projet de loi est une opération de communication au mieux inutile, au pire néfaste. L'agitation n'est pas l'action, les fanfaronnades ne sont pas l'autorité.
Vous ne vous souciez plus des droits fondamentaux, de notre Constitution, de la Convention européenne des droits de l'homme. Face à ces dérives illibérales, nous serons les garants de l'État de droit.
Il nous faut une immigration, un accueil, une intégration organisés. Vous proposez, vous, mille et une nuances des politiques d'exclusion. (M. André Reichardt s'indigne.) Nous serons de ceux qui soutiennent l'intégration plutôt que l'exclusion, qui n'oublient pas que les hommes, femmes et enfants dont nous parlons sont avant tout des êtres humains. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Ian Brossat applaudit également.)
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les désordres migratoires actuels ne sont sans doute que les prémices de secousses plus violentes, avec les dérèglements climatiques et géopolitiques et le déséquilibre démographique. Dans le monde occidental, nombre de gouvernements, de gauche, de droite ou du centre, durcissent leur législation. Le gouvernement allemand est le dernier en date : M. Scholz a déclaré qu'il fallait expulser à grande échelle ceux qui n'ont pas à rester en Allemagne. Quant à Joe Biden, il a décidé de poursuivre la construction du mur entamé par M. Trump à la frontière mexicaine. Le premier est social-démocrate, le second démocrate.
M. Mickaël Vallet. - Nous sommes socialistes !
M. Bruno Retailleau. - La demande de limitation ne vient pas des classes aisées, qui ont les moyens d'envoyer leurs enfants dans les bonnes écoles et d'habiter les beaux quartiers, mais des classes populaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Monsieur le ministre, vous avez déclaré ne pas avoir de tabous, mais j'ai quelques doutes... Pourquoi autant d'atermoiements, pourquoi un accouchement si difficile ?
Pour votre majorité, l'immigration reste un tabou, et le « en même temps » conduit au double jeu.
Votre premier tabou, c'est la question du nombre, à laquelle tout nous ramène. L'échec de l'intégration vient du nombre de personnes, souvent peu désireuses d'adhérer à nos principes républicains et à notre mode de vie. Qui peut prétendre qu'il n'y a pas de lien entre cet échec et l'insécurité et la multiplication des attentats terroristes ?
Alors que nous butons ainsi sur la loi des grands nombres, vous prétendez lutter contre l'immigration illégale tout en lui ouvrant une brèche avec l'article 3. Mais la fraude ne peut être une voie de régularisation ! (Murmures à gauche) Pourquoi aller chercher une main-d'oeuvre bon marché quand plus de 160 000 étrangers en situation régulière n'ont pas d'emploi, que près de 2 millions de nos concitoyens sont au RSA et 3 millions au chômage ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Il n'est pas exact que le travail préviendrait la radicalisation. Voyez l'attentat de Rambouillet : son auteur, Jamel Gorchene, était chauffeur-livreur. Les préfets doivent avoir le pouvoir discrétionnaire de contrôler non seulement l'emploi des personnes, mais aussi leur capacité d'intégration.
Autre tabou, celui du droit. Depuis des années, nous avons abandonné les instruments juridiques de régulation de l'immigration. Nous avons ainsi organisé une impuissance coupable, en multipliant les exceptions, jusqu'à tuer la règle.
Monsieur le ministre, vous voulez créer des exceptions aux exceptions. Nous voulons, nous, anéantir les exceptions, pour que la règle prévale. Nous voulons rétablir le délit de séjour irrégulier, supprimé par Hollande, parce qu'un corps politique, c'est, tout simplement, un dedans et un dehors.
Nous dénonçons les jurisprudences choquantes qui font primer les droits individuels sur l'intérêt collectif. La France a été condamnée pour l'expulsion de deux Tchétchènes radicalisés et dangereux, car rien ne garantissait qu'ils auraient un procès équitable. Fallait-il protéger les Français ou ces deux individus ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - J'ai choisi.
M. Bruno Retailleau. - Nous ne devons plus laisser des interprétations retourner le droit contre la souveraineté populaire. Nous voulons un référendum et une révision de la Constitution ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Le Président de la République a fait un premier pas, mais nous ne sommes pas des perdreaux de l'année. Le « en même temps » est un double jeu. Nous devons envoyer un signal de grande fermeté, pour ne pas ajouter aux appels d'air déjà nombreux dans notre pays.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Mickaël Vallet. - C'est faux !
M. Bruno Retailleau. - Didier Leschi a écrit un livre à ce sujet.
Mme Laurence Rossignol. - Il ne dit pas cela. C'est de la manipulation !
M. Bruno Retailleau. - L'heure est grave : jamais les menaces de partition, de fragmentation communautaire n'ont fragilisé autant l'unité française. Nous ne céderons ni aux postures, ni aux expédients, ni à l'ambiguïté ou aux demi-mesures.
Nous voterons un texte efficace, durci dans le sens de l'intérêt national, comme le demandent les Français d'en bas. Mais nous nous opposerons à un texte où l'ambiguïté persiste. Nous dirons la vérité aux Français pour que, demain, la République soit partout chez elle en France ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. le rapporteur applaudit également.)
M. Georges Patient . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Dans les outre-mer aussi, l'immigration est un enjeu de premier ordre.
L'immensité géographique nous invite à l'humilité. La Guyane a 500 kilomètres de frontière avec le Suriname, 700 avec le Brésil. Aux Antilles, la mer des Caraïbes voit coexister tourisme de masse, misère et grande délinquance. Les ordres de grandeur sont bien loin d'être les mêmes que dans l'Hexagone.
Les deux territoires les plus touchés par l'immigration sont Mayotte et la Guyane, où plus de la moitié et plus du tiers de la population est étrangère. Il faut un débat au Parlement sur les adaptations de la gestion de l'immigration dans les outre-mer. C'est le sens d'un amendement que j'ai déposé visant à supprimer une habilitation à légiférer par ordonnance. Il semble que le Gouvernement ne soit pas opposé à cette démarche.
De même, j'ai déposé un amendement pour lutter contre la filière qui utilise les visas humanitaires accordés par le Brésil pour entrer en Guyane, avec l'Hexagone pour destination. Pour l'heure, Cayenne fait face à un afflux de migrants qui, faute d'hébergements, occupent l'espace public.
Le texte déposé au Sénat en février était relativement équilibré. Les articles 3 et 4 sont essentiels pour l'intégration par le travail. Il faut cesser de faire croire aux Français que nous pouvons nous passer des immigrés. Selon la Dares, 22 % des emplois en Île-de-France sont occupés par des immigrés, et les métiers où ils sont le plus représentés sont les plus pénibles et les plus difficiles à pourvoir. Ce projet de loi permettra à de nombreux travailleurs sans papiers d'entrer dans la légalité.
Par ailleurs, la création d'une nouvelle carte de séjour, à l'article 7, pour les médecins diplômés hors de l'Union européenne est bienvenue pour les outre-mer ; j'espère que les débats permettront de revenir sur la suppression partielle de cette mesure par la commission des lois. J'ai également déposé un amendement pour autoriser le recrutement d'infirmiers hors Union européenne en Guyane, comme c'est le cas à Saint-Pierre-et-Miquelon.
J'espère que nous aurons un débat serein malgré l'actualité récente, et que le bon sens l'emportera. La posture de fermeté de certains ne doit pas nous empêcher d'apporter une réponse plus humaine et plus efficace aux enjeux de l'immigration. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Mickaël Vallet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il me revient de compléter la position du groupe SER sur la politique linguistique et la politique de délivrance de visas.
En matière d'apprentissage du français, si nous approuvons l'objectif théorique, nous regrettons les conclusions tirées par la commission des lois. Le gouvernement du Québec a récemment relevé le niveau de français exigé, en même temps qu'il a augmenté le nombre d'immigrés à accueillir. Qui pourrait l'en blâmer ? La politique d'intégration en français vise à protéger la langue commune, sous pression dans un océan d'anglophonie ; il y va de la cohésion nationale.
En France, la situation n'a rien de comparable. Ce qui est en jeu, c'est surtout la capacité des immigrés à travailler, à avoir une vie sociale et à suivre la scolarité de leurs enfants. C'est non la langue qui est menacée, mais leur possibilité d'intégration.
Exiger pour un titre de séjour annuel ce que nous exigeons actuellement pour un titre de séjour pluriannuel, c'est donc confondre le but - parler français - avec l'outil - le français comme critère de tri. La maîtrise de la langue se polit, s'affûte avec le temps. Vaut-il mieux un bachotage d'un an ou un apprentissage sur le temps long ? Nous défendrons un apprentissage effectif du français dans le cadre d'une politique de formation évaluée et financée.
La commission a prévu un nouveau motif légal de refus de visa de long séjour, visant les ressortissants d'États délivrant un faible nombre de laissez-passer consulaires. Soyons clairs : il n'est pas acceptable que des États sabotent la mise en oeuvre de décisions de justice françaises. Mais nous, socialistes, considérons qu'inscrire cette politique de rétorsion dans la loi ne permettra pas d'atteindre notre objectif. Il arrive que la diplomatie - qui est, comme la préfectorale, un métier - exige de la finesse. De ce point de vue, le travail des chancelleries vaut parfois mieux qu'une démonstration de virilité législative. Cette méthode, du reste, a échoué pour les pays du Maghreb.
La Méditerranée, berceau des civilisations, est devenue un cimetière dans une indifférence dramatique. Distinguons les nécessaires débats sur la politique migratoire de la nécessité absolue de sauver des vies sans condition préalable. Il est grand le mystère de la droite ! Nul, de son côté, n'a cité le chef d'État vaticanais : décidément, les socialistes doivent tout faire... (Sourires à gauche ; applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K ; M. Guy Benarroche applaudit également.)
M. François-Noël Buffet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après la crise du covid-19, notre pays a renoué avec des flux d'immigration irrégulière très importants. Selon Frontex, 232 350 personnes ont franchi irrégulièrement les frontières de l'Union européenne pendant les huit premiers mois de cette année, soit le niveau le plus haut depuis 2016. Sur notre sol, le nombre de personnes en situation irrégulière ne cesse de gonfler : le nombre de bénéficiaires de l'AME a dépassé les 400 000 l'année dernière.
Cette incapacité à maîtriser nos frontières est d'autant plus inquiétante que se pose le problème de la reconduite dans les pays d'origine. Sur les 120 000 OQTF prononcées chaque année, 10 000 seulement sont exécutées.
Nous n'avons jamais délivré autant de titres de séjour - 316 000 l'année dernière -, alors que nous intégrons de moins en moins bien. La plupart des étrangers qui arrivent sur notre territoire maîtrisent mal le français après leur première année de séjour.
Notre système d'asile est au bord de l'embolie, et le Gouvernement anticipe 160 000 demandes l'année prochaine, 20 000 de plus que cette année. La détérioration des délais de traitement complique encore la situation.
De quelle politique migratoire la France veut-elle se doter ? Il faut d'abord répondre à cette question, ensuite prendre des mesures claires et compréhensibles par tous. Pour ma part, j'appelle à suivre trois principes.
D'abord, l'immigration régulière doit être choisie, sur la base d'une immigration économique qualifiée. C'est à cette condition que, oui, l'immigration peut être une chance. Nous devons nous recentrer sur une immigration moins importante, mais plus qualifiée. (M. Roger Karoutchi renchérit.)
Ensuite, nous devons être intransigeants dans la lutte contre l'immigration irrégulière. Les procédures de recours sont nombreuses et très complexes, favorisant les détournements. Résultat : nos juridictions administratives sont saturées. Il faut simplifier le système, ce que prévoit ce texte. Nous devons répondre rapidement aux situations des personnes et établir un rapport de force avec les pays d'origine pour obtenir des laissez-passer consulaires.
Enfin, il nous faut traiter le problème des demandes d'asile, souvent détournées de leur objectif premier. La majorité des demandes sont faites uniquement dans le but de se maintenir sur le territoire national le plus longtemps possible, avant de trouver d'autres moyens d'y rester.
M. Roger Karoutchi. - Très juste !
M. François-Noël Buffet. - Cela se fait au détriment de ceux qui méritent la protection de la France, pour lesquels il faudrait agir vite.
Oui, notre volonté est d'être ferme, mais aussi responsable, en nous donnant les moyens d'intégrer ceux que nous acceptons sur notre territoire. Ce texte clarifie les choses pour plus d'efficacité, un meilleur accueil des personnes qui ont vocation à venir en France, et des procédures respectueuses mais rapides pour les autres. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Roger Karoutchi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Notre premier texte sur la nationalité des étrangers et l'immigration remonte à 1889. Depuis, les gouvernements, de toutes tendances, ont produit une noria de textes, sur les mêmes fondements : l'immigration est une politique régalienne, déterminée par l'État en fonction de sa capacité à intégrer et à maintenir l'unité de la nation.
Mais la situation a bien changé depuis quinze ou vingt ans. J'ai l'honneur de représenter le Sénat à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii). Je le dis calmement, mais sûrement : nous ne parvenons plus à réussir l'intégration. Avec plus de 3 000 milliards d'euros de dette et des fractures sociales et sociétales considérables, nous ne sommes plus en position matérielle et morale de le faire. Lorsqu'Angela Merkel a accepté de nombreux migrants, l'Allemagne était dans une situation forte, économiquement et humainement ; Olaf Scholz change de politique parce que son pays n'est plus dans cette situation. (M. Yannick Jadot le conteste.)
La France, et c'est son honneur, a intégré des Italiens avant la Première Guerre mondiale, des Italiens et des Polonais dans l'Entre-deux-Guerres, des Espagnols, des Portugais ou des Algériens après la Seconde Guerre mondiale. Leur intégration s'est bien passée, et, jusque dans les années soixante-dix, c'était une force de la France.
Tel n'est plus le cas, car nous ne sommes plus capables d'intégrer de grands nombres. Représentant à l'Ofii, je suis régulièrement allé voir dans les salles comment l'enseignement du français se passe : certains ont suivi 80 ou 120 heures de cours, certes, mais ne maîtrisent pas un mot de français. Ce n'est pas acceptable ! La République est là pour tous, mais notre responsabilité est de faire en sorte que la société française ne se fracture pas davantage, que la France reste la nation unie qu'elle a été.
Une voix sur les travées du GEST. - Pas toujours !
M. Roger Karoutchi. - Si nous ne sommes pas capables d'assurer cela, comment pourrons-nous transmettre à d'autres les valeurs républicaines et nationales ?
Nous avons, tous, une introspection à faire. Nous n'avons pas vu la société française se fracturer. Nous n'avons pas vu les territoires perdus apparaître. Nous avons cédé à l'angélisme, mais nous ne sommes plus dans la France, l'Europe ni le monde des années 1950. Nous avons besoin d'une immigration choisie, de flux maîtrisés, d'entrées beaucoup moins nombreuses, pour intégrer ceux qui veulent participer à notre société et être fiers d'être Français. Sans quoi nous fabriquerons les anti-France de demain.
Notre responsabilité d'élus est de décider de ce que nous pouvons faire. Le droit d'asile fait l'objet d'un détournement manifeste : il faut reprendre en main nos structures. Les immigrés doivent être moins nombreux pour être parfaitement intégrés, et ceux qui sont en situation irrégulière doivent être reconduits à la frontière, faute de quoi notre système explosera en vol ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je remercie tous les orateurs. Merci aux groupes RDPI, UC et INDEP pour leur soutien.
J'ai compris que le RDSE et le groupe Les Républicains disaient « on va voir ». J'ai entendu ceux qui s'opposent par nature au Gouvernement...
Mme Laurence Rossignol. - Pas « par nature » ! Vous aurez besoin de nous !
M. Gérald Darmanin, ministre. - ... même s'ils ne refusent pas la discussion : les groupes communiste, socialiste et écologiste.
Monsieur Benarroche, nous devons dépasser les postures et regarder les réalités. Nous n'augmentons pas les crédits de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA), car ce serait anticiper l'inefficacité d'un texte censé accélérer les procédures. L'inscription à l'ADA est automatique ; son montant est fonction du nombre de demandeurs d'asile présents sur le territoire. Si j'avais présenté au Parlement une augmentation de l'ADA, la droite aurait eu beau jeu de protester. (M. Bruno Sido le confirme.) J'essaye d'être cohérent ! En revanche, tous les autres crédits à l'intégration augmentent, y compris ceux consacrés à l'apprentissage de la langue.
Le chancelier Scholz prend des mesures de restriction de l'immigration, ont souligné MM. Karoutchi et Retailleau. Certes, mais un peu tard. L'Allemagne recense 230 000 demandes d'asile par an ; il y a trois ans, c'était 160 000. Dans le même temps, la France passait de 120 000 à 140 000 environ. L'Allemagne referme ses frontières après les avoir beaucoup ouvertes ! (M. Roger Karoutchi le reconnaît.)
Pourquoi ne pas étendre à tous la protection temporaire offerte aux Ukrainiens, demande M. Benarroche. (M. Thomas Dossus s'exclame.) J'ai envie de dire : chiche ! Nous ne leur avons pas accordé l'asile, qui vaut ad vitam aeternam, mais une protection de trois ans, en considérant qu'ils pourront regagner rapidement leur pays. En proposant de remplacer la demande d'asile, telle qu'elle existe depuis la Révolution française, par la simple protection temporaire offerte aux Ukrainiens, le GEST se montre bien sévère !
Monsieur Brossat, je peux comprendre la distinction entre pays d'accueil et pays d'arrivée. Qu'est-ce qui motive le départ ? Certains grands pays d'Afrique offrent une couverture sociale très étendue à leurs citoyens : logement gratuit, gaz et essence quasi gratuits, chômage. Le départ d'une certaine jeunesse, et de catégories socioprofessionnelles élevées, est aussi motivé par la recherche d'un mode de vie, ou d'une protection politique, religieuse ou liée à leur orientation sexuelle. Il serait faux de dire que les personnes qui viennent en France ne cherchent qu'à bénéficier de notre modèle social, bien qu'il soit effectivement généreux. Je précise au passage que les personnes en situation irrégulière ne touchent pas le RSA.
Mais quand 40 % des demandeurs d'asile arrivent depuis d'autres pays européens, c'est bien qu'il y a une comparaison d'attractivité. L'Italie, la Suisse ou l'Espagne sont des démocraties qui protègent tout autant les droits de l'homme. Pourquoi venir en France alors, sinon pour y trouver certains avantages ? Il y a bien quelque chose qui ne va pas. (M. Yannick Jadot proteste.) Soit les demandeurs d'asile multiplient les demandes partout en Europe, ce dont je doute, soit ils trouvent en France un intérêt linguistique, une famille, une communauté, des moyens non officiels de travailler - nous nous y attelons - ou une attractivité sociale. À leur place, je ferais pareil ! Une politique européenne uniforme mettra fin à ces comparaisons entre pays.
Je suis certain par ailleurs que, si ces personnes ne viennent pas en France pour son modèle social, elles y restent pour cette raison. Elles restent car le système ne les incite pas à repartir. Quelqu'un dont l'OQTF a été confirmée par la justice peut créer une autoentreprise sans qu'on lui demande ses papiers ! C'est une machine à créer de l'irrégularité. Voilà pourquoi cette loi est nécessaire. Vous pouvez être en situation irrégulière et accéder à un logement social, à la santé - et même à une couverture à 100 % par l'AME après neuf mois de présence irrégulière ! Vous pouvez vivre en France sans partager les valeurs de la République, sans même parler français. Cela n'incite pas à partir - or l'essentiel des OQTF sont des départs volontaires et non des départs forcés. Il y a une contradiction à accompagner socialement quelqu'un qu'on souhaite voir partir. (M. Christian Cambon opine.)
M. André Reichardt. - Exactement, il faut le dire !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Mme Narassiguin a parlé de « migrants ». Pour ma part, je n'utilise pas ce terme. Soit nous parlons de demandeurs d'asile, soit de personnes qui viennent en France par regroupement familial, soit d'immigrés économiques, soit de clandestins. Or le terme « migrant » rassemble toutes ces réalités.
Des Sénégalais, des Ivoiriens, des Gabonais, des Tunisiens, des Marocains demandent l'asile à Lampedusa ; ce n'est pas possible ! Hormis quelques cas exceptionnels, tous ne sont pas persécutés dans leur pays : ce sont des immigrés économiques, qui embolisent la demande d'asile. (Protestations à gauche) Le terme de « migrant » n'est pas adapté à ces différentes situations.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est pourtant le terme qu'utilise Emmanuel Macron !
M. Gérald Darmanin, ministre. - M. Retailleau a soulevé la question, éminemment politique, de nos capacités d'intégration. J'ai à cet égard une vraie divergence avec la gauche, qui parle non de crise migratoire, mais d'une crise de l'accueil. En tout cas, il y a manifestement une incapacité à intégrer correctement des gens qui l'ont jadis été par la République. C'est un fait.
C'est une question de moyens alloués à l'intégration, mais aussi de capacité pour notre peuple à accueillir ces personnes, sachant que 40 % des immigrés sont en Île-de-France : il y a un problème de répartition sur le territoire.
Sur l'article 3, nous aurons sans doute un long débat.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ah !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Pour nous, il représente 6 000 à 8 000 régularisations par an. À entendre certains, je me dis qu'on ne parle pas du même article 3 ! Je remercie Mme Florennes d'avoir rétabli la vérité. Je suis prêt à en discuter, à le modifier, en notant que votre commission des lois n'en a pas proposé la suppression... Discutons-en ! (M. Rachid Temal s'exclame.)
À lire la presse, je me suis demandé si mon cabinet ou la direction générale des étrangers ne l'avaient pas réécrit nuitamment ! Non, il vise bien « l'étranger qui a exercé une activité professionnelle salariée, figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement ». Ce n'est pas moi qui définis les métiers en tension, mais un arrêté du ministre du travail.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Rachid Temal. - Où est-il ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - La restauration ne figure pas dans la liste des métiers en tension. (Protestations à gauche)
M. Bruno Retailleau. - C'est une vraie question !
M. Gérald Darmanin, ministre. - L'article vise les zones géographiques tendues, où le chômage est très bas - pas celles où l'on pourrait effectivement faire occuper ces emplois par des personnes en situation régulière. La carte de séjour temporaire d'un an n'ouvre pas droit au regroupement familial. Enfin, la disposition est applicable jusqu'au 31 décembre 2026 seulement.
Les orateurs de la gauche qui disent que l'on force à l'irrégularité pendant trois ans n'ont pas lu le bon article.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous sommes les seuls à soutenir votre article !
Mme Laurence Rossignol. - Il faut être gentil avec les gentils !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Ces personnes, présentes sur notre sol depuis au moins trois ans, qui ont fait leur vie en France, qui exercent des métiers en tension - BTP, agriculture, etc. - pourraient être régularisées jusqu'en 2026. Il ne sera pas possible de régulariser en 2027 quelqu'un qui arriverait en France aujourd'hui.
M. Bruno Retailleau. - Nous l'avons lu !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je ne suis pas fermé à la discussion. Aujourd'hui, 7 000 personnes sont régularisées chaque année au titre de la circulaire Valls, et 23 000 au titre du regroupement familial. D'ailleurs, le préfet cherche souvent des critères familiaux pour régulariser des travailleurs dont l'employeur ne demande pas la régularisation.
Mme Corinne Narassiguin. - Ça dépend des préfets...
M. Gérald Darmanin, ministre. - On encourage les étrangers à faire des enfants en France puisque cela facilite la régularisation !
Mme Laurence Rossignol. - C'est bon pour la natalité ! (Marques d'amusement à gauche)
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous avons besoin d'une avancée législative pour régulariser des personnes qui mériteraient de l'être quand l'employeur s'y refuse. C'est d'ailleurs un drôle d'employeur qui embauche des sans-papiers et refuse leur régularisation.
Mme Audrey Linkenheld. - C'est méchant !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Notons que 50 % de ces employeurs sont eux-mêmes étrangers.
M. Rachid Temal. - L'arnaque, c'est pour tout le monde !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Tous les élus locaux le savent : dans le BTP, dans la sous-traitance, dans l'agriculture, les sans-papiers sont légion.
L'article 3 n'est pas ce qu'on en dit. Je suis prêt au compromis, et notamment à le compléter en intégrant le critère de respect des valeurs de la République : pas question de régulariser quelqu'un qui aurait un casier judiciaire, ou adhérerait à une idéologie radicale.
L'article 10 prévoit encore trop d'exceptions, a dit M. Retailleau. Il a raison ! Initialement, nous faisions sauter toutes les protections, à l'exception de celle qui protège les mineurs. L'avis du Conseil d'État - peu clair, il faut le dire - a semblé considérer que nous rapprochions trop le régime de l'expulsion et celui de l'éloignement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il y a confusion.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Votre commission a eu raison de clarifier les choses. J'ai proposé un amendement à l'article 10 pour faire sauter le verrou des protections, sauf pour les mineurs, et revenir à la rédaction initiale du Gouvernement. Attention toutefois, car rien ne serait pire qu'une censure de cette mesure par le Conseil constitutionnel.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Eh oui !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Comme vous, nous voulons en finir avec les exceptions et les jurisprudences.
Le délit de séjour irrégulier, supprimé par François Hollande en 2012 - j'avais voté contre - émane d'une directive européenne, élaborée par le parti populaire européen (PPE).
M. Bruno Retailleau. - Pas de prison, mais une amende.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Toutefois, il existe toujours un délit de maintien : j'ai donné instruction aux services de police de l'utiliser davantage. Je note que vous ne proposez pas de réinstaurer une peine de prison, mais une simple amende.
Monsieur le président Buffet, je suis très favorable à la disposition introduite en commission au sujet des laissez-passer consulaires contre visas. Ce n'est pas la panacée, mais une méthode utile. Toutefois, c'est un sujet européen. Le Président de la République a été courageux en imposant ces restrictions aux pays du Maghreb. Mais l'Espagne ouvrait les vannes... Nous devons donc avancer au niveau européen. Nous avons déjà trouvé un accord avec l'Irak.
Monsieur Patient, les dispositions relatives à l'outre-mer figureront bien dans le dur du texte, notamment pour ce qui concerne la Guyane et Mayotte. Je veux aussi avancer sur les dispositions constitutionnelles, notamment en ce qui concerne le droit du sol à Mayotte.
Discussion des articles
AVANT L'ARTICLE 1er A
M. le président. - Amendement n°518 rectifié, présenté par MM. Ravier et Rochette.
Avant l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article L. 110-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « , sous réserve du droit de l'Union européenne et des conventions internationales » sont supprimés.
M. Stéphane Ravier. - Commençons par le commencement, en supprimant au premier article du Ceseda (code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) la mention explicite de la soumission de notre droit national au droit de l'Union européenne et aux conventions internationales.
La décision de la CJUE contre le refoulement d'étrangers en situation irrégulière nous dépossède de notre liberté d'agir souverainement. Elle résulte d'une saisine de la Cimade, association d'extrême gauche qui a naguère empêché l'expulsion de Mohammed Mogouchkov, l'assassin de Dominique Bernard.
Ces procédés font fi des décisions juridictionnelles et rendent l'État impuissant. Idem pour la CEDH. Nous sommes pieds et poings liés au droit international, qui ne connaît pas le droit des peuples. Au point que le ministre britannique de l'immigration envisage de retirer le Royaume-Uni de la Convention européenne des droits de l'homme pour faciliter les expulsions. M. Darmanin lui-même juge ces jurisprudences dangereuses. Sortons de ce carcan !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable : aucun amendement ne peut changer la hiérarchie des normes.
M. Rachid Temal. - Premier cours de droit !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°518 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°233, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Avant l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Il est créée une Conférence nationale du consensus sur l'immigration, le droit d'asile et l'intégration des étrangers composée de représentants de l'État, des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, de représentants des groupes politiques représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat, de représentants des délégations françaises représentées au Parlement européen, du Président du Conseil économique, social et environnemental, de représentants des organisations syndicales et patronales, et des représentants des associations et organisations non gouvernementales dont l'objet statutaire comporte la défense des droits des étrangers et des demandeurs d'asile.
II. - Préalablement à leur inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ou du Sénat, tout projet de loi relatif aux droits des étrangers et au droit d'asile est soumis pour avis à cette Conférence nationale. Cet avis est rendu public.
III. - Cette Conférence nationale se réunit au moins une fois par an afin de dresser l'état des lieux de l'application des textes et règlements en vigueur et de formuler des recommandations.
IV. - Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'État.
M. Rachid Temal. - Nous croyons bien sûr au débat parlementaire, mais proposons d'y conjuguer une conférence nationale du consensus, associant les présidents des chambres, les groupes parlementaires, les syndicats de salariés et d'employeurs et les associations. Privilégions le consensus aux débats politiciens sur l'immigration qui nuisent à l'union nationale !
Les socialistes ont toujours reconnu à chaque État le droit de choisir qui entre dans ses frontières, mais plaident pour un débat apaisé.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable : nous comprenons votre intention, mais nous voulons que le débat se tienne devant le Parlement, avec la fixation d'objectifs. Une logique de comité, pour ne pas dire de comitologie, affaiblirait notre volonté d'un débat parlementaire fort. En outre, évitons de marcher sur les plates-bandes du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Mais encore une fois, votre point de vue est parfaitement défendable.
M. Rachid Temal. - Merci.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Sagesse.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ah ! Allez !
M. Bruno Retailleau. - Désolé... (Sourires)
L'amendement n°233 n'est pas adopté.
ARTICLE 1er A
Mme Hélène Conway-Mouret . - Certes, ce texte relève de la politique intérieure, mais nos débats dépasseront les murs de cet hémicycle, et même nos frontières. La France a la réputation d'être une terre d'accueil : le débat affectera sa place dans les relations internationales. Élue des Français de l'étranger, je peux témoigner de l'érosion de notre relation avec des populations pourtant francophones, dont le désir de France a été déçu par une politique de visas restrictive et mal perçue. Choose France ? Seul le ministre de l'économie y croit...
Faisons preuve de pédagogie, car notre politique migratoire est une chance pour la France. Le vieillissement de la population européenne impose d'être lucides. N'envoyons pas le message d'une France qui renonce à son histoire et à ses valeurs.
M. Olivier Paccaud . - L'article 1er A prévoit un débat annuel sur la politique migratoire. Il faut évoquer ce sujet sans tabou, avec calme, mais aussi avec courage. Depuis des décennies, notre politique migratoire se fourvoie. Qui trop embrasse, mal étreint. À accueillir des étrangers en trop grand nombre, nous échouons à les intégrer, à fonder une harmonie culturelle et identitaire pour faire nation.
Nous devons retrouver la maîtrise des flux migratoires, sans faire de notre pays un Fort Chabrol. Réduire le nombre d'étrangers sur notre sol n'a rien de honteux. Personne n'a le monopole du coeur (exclamations sur les travées du groupe SER), même si certains s'arrogent la boussole de la bonne conscience. François Mitterrand reconnaissait qu'un seuil de tolérance avait été atteint dès les années 1970...
Réussir l'intégration, c'est maîtriser une immigration choisie et non subie, faire reculer le communautarisme, contrôler l'aide au développement. Bien sûr, l'histoire de notre pays regorge de superbes exemples d'immigrés : Marie Curie, Gambetta, Joséphine Baker... Mais l'immigration incontrôlée n'est pas une chance.
Votre projet de loi comporte d'incontestables points positifs, mais aussi quelques écueils. Quand il y a une volonté, il y a un chemin !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Et réciproquement !
M. le président. - Amendement n°331 rectifié, présenté par MM. Dossus et Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Supprimer cet article.
M. Thomas Dossus. - Bien sûr, nous sommes favorables au débat, mais nous nous opposons à la logique qui sous-tend cet article. La politique du chiffre déshumanise. Une immigration choisie et non subie, c'était le slogan de Nicolas Sarkozy ; sa politique a lamentablement échoué. Nous sommes opposés à toute politique de quotas.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable. Nous tenons à l'article 1er A. Nous souhaitons non seulement que le Parlement débatte, mais aussi qu'il fixe des objectifs, notamment pour les titres à caractère professionnel - sachant qu'il ne pourra fixer de plafond pour les demandes d'asile ou le regroupement familial.
C'est une occasion de susciter le débat le plus complet, à partir de données larges, au sein du Parlement.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Le Gouvernement n'est pas défavorable à la disposition introduite par la commission des lois. En novembre 2019, le Premier ministre de l'époque avait organisé un comité interministériel qui prévoyait un débat annuel au Parlement pour fixer annuellement des cibles.
Le droit de l'Union européenne n'empêche pas de fixer des quotas ou des volumes d'entrée en provenance de pays tiers. Les quotas étant limités aux titres économiques, la disposition est conforme tant à la Constitution qu'aux règles supranationales. Dès lors, avis défavorable à l'amendement n°331 et soutien au dispositif prévu par la commission.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cet article comprend des propositions intéressantes. Mais sa conclusion est préoccupante : prévoir que le Parlement détermine le nombre d'étrangers admis, c'est instaurer une politique de quotas. (On le confirme à droite.)
M. André Reichardt. - Bien sûr !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Vous exceptez les demandeurs d'asile - encore heureux ! -, mais ni les étudiants ni le regroupement familial. Dans ce dernier cas, on se heurtera à des dispositions internationales.
Nous sommes en désaccord avec ce dernier alinéa et voterons donc l'amendement de suppression.
L'amendement n°331 rectifié n'est pas adopté.
La séance est suspendue à 20 heures.
Présidence de Mme Sophie Primas, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 30.
Mme la présidente. - Amendement n°363 rectifié, présenté par MM. Duffourg et Verzelen, Mme Lermytte et MM. Hingray, Wattebled et Gremillet.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
peuvent faire
par le mot :
font
M. Alain Duffourg. - Cet amendement vise à faire du débat annuel un rendez-vous régulier, pour que le Parlement évalue efficacement la politique d'immigration.
Mme la présidente. - Amendement identique n°519, présenté par M. Ravier.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
peuvent faire
par le mot :
font
M. Stéphane Ravier. - Il existe un débat annuel sur la maîtrise des dépenses publiques ; pourquoi ne pas faire de même pour l'immigration, qui coûte entre 35 et 54 milliards d'euros chaque année à notre pays ? Nous devons tenir compte de l'avis des Français sur cette gabegie, qui engage le pays pour trente, quarante, cinquante ans.
En 2019, après l'attentat de la préfecture de police de Paris, le Président de la République s'était engagé à organiser un débat national sur l'immigration. Il a eu lieu une fois, mais n'a jamais été reconduit - quelle considération pour les familles des victimes...
Aucune consultation référendaire n'a été organisée sur l'immigration. Si vous ne votez pas cet amendement, vous actez une forme de déconnexion entre nos institutions et les préoccupations des Français.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Nous ne sommes pas déconnectés : avis favorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
Les amendements identiques nos363 rectifié et 519 sont adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°158, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
avant le 1er juin de chaque année
par les mots :
à la date de son choix
Mme Audrey Linkenheld. - Cet amendement porte non pas sur le débat annuel, mais sur le rapport annuel relatif aux orientations pluriannuelles de la politique d'asile, d'immigration et d'intégration. Le Gouvernement doit le présenter chaque année avant le 1er octobre, or nous ne l'avons pas reçu. Idem pour 2021.
Le groupe SER, à la fois facétieux et réaliste, propose donc que le Gouvernement puisse déposer ce rapport quand bon lui semble.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Nous avons en effet considéré qu'il s'agissait d'un amendement facétieux. Avis défavorable, mais nous souhaitons entendre l'avis du ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis. Le rapport pour 2021 vous a été remis, ce qui n'est pas le cas pour l'année 2022. Cette erreur sera corrigée. (Plusieurs « ah ! » sur les travées du groupe SER)
L'amendement n°158 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°369 rectifié, présenté par MM. Duffourg et Verzelen, Mme Lermytte, M. Hingray, Mme Guidez et MM. Wattebled et Gremillet.
Alinéa 3
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
cinq
M. Alain Duffourg. - Un état des lieux plus fréquent - cinq ans, et non dix - est nécessaire.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis défavorable : qui peut le plus peut le moins. Il nous paraît intéressant d'avoir un avis sur dix ans.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°369 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°149, présenté par Mme Conway-Mouret et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour les visas de long séjour portant la mention « étudiant », le rapport indique, par pays, le nombre de visas accordés et rejetés, en précisant si l'étudiant dispose d'un baccalauréat français ou d'un diplôme étranger, le délai moyen d'instruction des demandes, le nombre des avis, positifs et négatifs, émis par Campus France pour des demandes de départ vers la France, et le nombre d'étudiants qui abandonnent leurs études en France en cours de cursus.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Cet amendement vise à renforcer la transparence sur les admissions d'étudiants étrangers. Une telle immigration est une richesse, culturelle comme économique, et doit être soutenue dans un contexte de compétition internationale accrue - il y va de notre influence. Les délais d'attente pour obtenir des rendez-vous et les délais d'instruction constituent des obstacles qu'il faut lever.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis favorable : des données supplémentaires sont bienvenues.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°149 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°160, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 10
Après le mot :
rétention
insérer les mots :
ou en zone d'attente
Mme Corinne Narassiguin. - Nous sommes inquiets quant aux conditions d'accueil des mineurs. Nous devons savoir combien ont fait l'objet d'un placement en zone d'attente.
Mme la présidente. - Amendement n°311 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Après l'alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° L'ensemble des données relatives à la mise en oeuvre des mesures de rétention, de maintien en zone d'attente et d'assignation à résidence ayant concerné des mineurs accompagnants ou non accompagnés ;
M. Guy Benarroche. - Les pratiques relatives à l'enfermement administratif des mineurs sont opaques et les données disparates. Nous voulons savoir le nombre d'enfants dont les parents sont assignés à résidence.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Nous sommes favorables à l'amendement n°160. Une plus grande transparence est bienvenue, d'autant plus que M. le ministre a dit qu'il n'y aurait plus de mineurs dans les CRA.
L'amendement n°311 rectifié de M. Benarroche ajoute une donnée supplémentaire : le nombre de mineurs assignés à résidence avec leur famille. L'adoption du premier amendement ferait tomber le second, mais je souhaiterais que le ministre précise les choses.
Avis favorable à l'amendement n°160, légèrement mieux rédigé. Toutefois, avis favorable à l'amendement n°311 rectifié si l'amendement n°160 n'était pas adopté.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ah non !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis. Si le texte est voté tel que nous le proposons, il n'y aura plus de mineurs en CRA, sauf à Mayotte. Les CRA doivent être distingués des locaux de rétention administrative (LRA) et des assignations à résidence.
Sans être un lieu carcéral, un CRA est un lieu difficile, a fortiori pour des enfants. Pour une meilleure efficacité des reconduites à la frontière, il est possible que nous assignions à résidence des familles, très temporairement. Nous choisissons d'envoyer dans les CRA des individus dangereux. Quelque 98 % des personnes dans les CRA sont des hommes ; il n'y a plus d'enfants et très peu de femmes.
À Mayotte, la situation est particulière : 50 % des reconduites à la frontière y sont exécutées, en raison de la proximité avec les Comores. Nous avons besoin de temps pour adapter la solution à ce territoire spécifique.
Je suis prêt à l'exercice de transparence demandé par le Parlement, et donc favorable à l'amendement de Mme de La Gontrie.
M. Guy Benarroche. - Je suis d'accord avec le ministre : il y a de moins en moins d'enfants dans les CRA. Raison de plus pour obtenir les chiffres que je demande. Combien y a-t-il de mineurs de moins de 16 ans, avec leurs parents, assignés à résidence ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Oui, nous voulons être transparents. Monsieur Benarroche, si Mme de La Gontrie l'accepte, nous sommes ouverts à ce que l'amendement n°160 soit sous-amendé pour répondre à votre demande.
La séance est suspendue quelques instants.
Mme la présidente. - Nous estimons que la nouvelle rédaction de l'amendement n°160 n'est pas claire. Nous y remédierons lors de la navette.
L'amendement n°160 est adopté.
L'amendement n°311 rectifié n'a plus d'objet.
Mme la présidente. - Amendement n°569 rectifié ter, présenté par MM. Reichardt, Daubresse et Bonneau, Mme N. Goulet, MM. Bruyen, Klinger, Paccaud, Rietmann et Pellevat, Mme Lopez, M. Lefèvre, Mme V. Boyer, M. Maurey, Mmes Schalck, Pluchet, Muller-Bronn et Dumont, M. Bas, Mme Herzog, M. Pointereau, Mme Drexler, MM. Belin et Cadec, Mmes Micouleau et Bellurot, MM. Genet et Panunzi, Mme Belrhiti, MM. Bouchet, Duffourg, Chatillon, Cuypers et Gueret, Mme Aeschlimann et MM. Levi et Gremillet.
Après l'alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Une indication du nombre de demandes d'asile comparant, pour chaque nationalité, le nombre de demandes déposées depuis le pays d'origine et le nombre de demandes déposées depuis le territoire français.
M. André Reichardt. - Cet amendement a pour objectif immédiat de différencier les demandes d'asile déposées dans les pays d'origine et celles déposées en France, puis de les quantifier. La solution de dépôt dans le pays d'origine est évidente dans les pays sûrs, et accélère les démarches. Pour le reste des pays avec lesquels la France a des relations stables, cela peut aussi simplifier les choses.
Par ailleurs, voilà qui répondrait indirectement à un certain nombre de problèmes, notamment à la place déraisonnable qu'occupent les personnes en situation irrégulière sur le marché du travail.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis favorable. Cela entre dans la logique de transparence que nous poursuivons, même si la fin de votre propos nous a confirmé que malice il y avait.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis favorable, d'autant plus facilement que la réponse à votre question sera zéro : aucune demande d'asile n'est déposée dans les consulats ou les ambassades. Cela supposerait une révision constitutionnelle.
M. André Reichardt. - On va la faire !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je n'ai pas dit que j'étais contre !
Il faudrait alors modifier le préambule de la Constitution de 1946, notamment son 4e alinéa.
Pour le moment, le demandeur d'asile doit formuler sa demande sur le territoire national. Toutefois, nous accordons des visas pour que les demandeurs puissent déposer leur dossier.
Il faudrait aussi envisager le recours à des pays tiers : comment déposer une demande d'asile dans un pays où l'on est persécuté ?
Nous aurons sans doute ce débat constitutionnel lors de l'examen de votre proposition de loi constitutionnelle, monsieur Reichardt.
M. André Reichardt. - J'avoue avoir été malicieux. Cela dit, merci, monsieur le ministre, de nous avoir donné un modus operandi pour rédiger notre proposition de loi constitutionnelle.
M. Olivier Cadic. - Je suis surpris par les propos du ministre. Cette année, je me suis rendu au consulat d'Istanbul : on y étudie des demandes d'asile.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Non, des visas !
M. Olivier Cadic. - Je parle bien de demandes d'asile. Idem à Addis-Abeba.
M. Bruno Retailleau. - L'idée de M. Reichardt est excellente.
Monsieur le ministre, comment articulez-vous votre raisonnement avec le pacte européen sur la migration et l'asile ?
Les chefs d'État se sont accordés sur la fiction juridique - un point essentiel - consistant à dire que, bien qu'étant parvenus physiquement sur le territoire européen, les demandeurs ne sont pas juridiquement sur le territoire et qu'ils restent en situation d'attente tant que le dossier n'a pas été instruit. C'est une disposition très intéressante. Dès lors, si elle était adoptée à l'échelle européenne, comment l'articuleriez-vous avec votre propre raisonnement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Trois grands paquets figurent dans les négociations sur le pacte. Le premier porte sur l'enregistrement. Les États de première entrée, comme l'Italie ou la Grèce, devront obligatoirement enregistrer tout étranger arrivant sur leur sol. Tout étranger visant à contourner le droit d'asile sera alors immédiatement écarté. Bien sûr, les demandeurs venant d'un pays au fort taux de protection seront protégés.
Pour ceux dont la réponse sera négative, le principe de la fiction juridique s'appliquera : malgré leur entrée physique, ils seront considérés comme non entrés juridiquement. Cela s'articule parfaitement avec l'article 53-1 de la Constitution.
Les deux raisonnements ne sont donc pas incompatibles. Nous ne sommes pas opposés au dépôt de demandes d'asile en dehors du territoire, mais nous nous opposons à l'obligation totale d'un dépôt en dehors du territoire - ce serait inconstitutionnel.
Monsieur Cadic, le consulat d'Istanbul accorde un visa pour que le demandeur puisse déposer son dossier de demande d'asile.
L'intérêt d'une réponse européenne coordonnée est une meilleure répartition des flux de demandeurs d'asile. J'espère un vote favorable du PPE, même si je note, monsieur Retailleau, que les six députés français de ce parti se sont divisés sur ce point.
L'amendement n°569 rectifié ter est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°260 rectifié, présenté par M. Ouizille et Mme Narassiguin.
Après l'alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Sur les dix dernières années, l'évaluation en point de PIB, en milliards d'euros, en volume horaire total agrégé, de la masse salariale concernées par les 1° , 2° , 3° , 4° , 5° et 8° du présent article. »
M. Alexandre Ouizille. - Cet amendement vise à modifier l'énumération figurant à l'article 1er A pour tenir compte de l'apport à la nation des travailleurs étrangers. Pour enrichir notre regard sur l'immigration, nous souhaitons connaître en points de PIB la masse salariale que représentent les travailleurs étrangers.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable : le ministère dispose des statistiques, qui sont à votre disposition.
Mme Audrey Linkenheld. - Où donc ? Dans le rapport ?
M. Rachid Temal. - ... qui va arriver. (Sourires)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Agréger tant de données supposerait d'enquêter dans toutes les entreprises françaises : le travail de consolidation serait excessif.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
M. Alexandre Ouizille. - L'absence de M. Dussopt en témoigne : ce texte ne présente aucune vision interministérielle. Le ministère de l'intérieur a la mainmise.
M. Olivier Paccaud. - La bicéphalie, cela ne marche jamais !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je suis étonnée des arguments du rapporteur. Vous proposez un rapport très complet, mais votre vision de l'immigration est particulière, celle d'une immigration qui coûte. Pourquoi fermer les yeux sur les apports des étrangers ? Adoptons une vision panoramique.
M. Éric Kerrouche. - Dire que les données n'existent pas est faux. Cela suppose simplement un peu de volonté. Mais on préfère se fonder sur une logique uniquement comptable. Fermer les yeux sur l'aspect qualitatif de l'immigration revient à se cantonner à une vision tronquée, source de toutes les dérives et de tous les délires. Cela relève de la mauvaise foi, de la folie douce.
L'amendement n°260 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°261 rectifié, présenté par M. Ouizille et Mme Narassiguin.
Après l'alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le nombre d'accidents du travail et de décès au travail des personnes concernées par les 1° , 2° , 3° , 4° , 5° , 8° du présent article, par branche d'activité et par taille d'entreprises. »
M. Alexandre Ouizille. - Nous nous intéressons cette fois aux accidents du travail. Je pense notamment aux décès survenus dans le secteur viticole cet été et à la forte accidentologie des métiers manuels.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°261 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°619, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission.
Après l'alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Une évaluation de l'application des accords internationaux conclus avec les pays d'émigration ainsi qu'avec leurs organismes de sécurité sociale.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Dans le cadre du débat, nous souhaiterions évaluer les accords internationaux conclus avec les pays d'émigration et vérifier les opérations entre les caisses de sécurité sociale.
M. Christian Cambon. - Excellent amendement !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis favorable.
M. Rachid Temal. - Voilà quelques secondes, vous avez refusé notre amendement tendant à consolider des données. J'ai fait une recherche à l'instant : les données existent ! (M. Rachid Temal montre son téléphone.) Là, vous inventez une usine à gaz. C'est deux poids, deux mesures.
M. Christian Cambon. - Ce n'est pas pareil !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Cher collègue, votre propos est excessif. (Rires ironiques sur les travées du groupe SER) Votre demande suppose un travail approfondi de l'Urssaf, qui n'a pas d'information sur la situation administrative de la personne. Ce que vous demandez est impossible ! (M. Rachid Temal brandit son téléphone.)
À l'inverse, nous savons que les caisses d'assurance maladie disposent des informations que nous demandons. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Jocelyne Guidez. - Très bien !
Mme Corinne Narassiguin. - Nous voterons cet amendement, mais peut-être aurait-il fallu cette évaluation avant d'adopter, en commission, l'article 14 A, relatif aux pays peu coopératifs...
L'amendement n°619 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°259 rectifié, présenté par M. Ouizille et Mme Narassiguin.
Après l'alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Sur les dix dernières années, le montant annuel des cotisations sociales versées aux régimes obligatoires de la sécurité sociale et aux caisses de retraites obligatoires par l'ensemble des personnes concernées par le 1°, 2°, 3°, 4°, 5° et 8° du présent article. »
M. Alexandre Ouizille. - Allons au plus simple : je pense qu'il est possible d'accéder aux données actualisées de notre protection sociale. Faisons pièce au postulat selon lequel les immigrés seraient des assistés : leur revenu est inférieur de 20 % à la moyenne, une fois les prestations sociales perçues. Le travail est supposé être au coeur de cette loi : intégrons-le dans ce rapport !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable, pour les raisons développées précédemment. (On le déplore sur les travées du groupe SER.)
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°259 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°212, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'alinéa 21
insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° L'évaluation quantitative et qualitative des moyens financiers et humains des bureaux du droit des étrangers au sein des préfectures et les délais de traitement des demandes qu'ils sont chargés d'instruire.
M. Jérôme Durain. - Nous souhaitons évaluer les moyens financiers et humains des bureaux du droit des étrangers dans les préfectures. En effet, les associations dénoncent une maltraitance institutionnelle.
Les rapporteurs spéciaux de la mission « Immigration, asile et intégration » de l'Assemblée, Stella Dupont et Jean-Noël Barrot, ont rédigé un rapport à ce sujet en 2021. (M. Rachid Temal acquiesce.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable : nous connaissons tous les dysfonctionnements que vous mentionnez. Le ministre a précisé qu'il engagerait une réforme. En outre, ces éléments figurent déjà dans les avis budgétaires.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je n'ai rien à cacher : sagesse. Monsieur Durain, je suis d'accord, il y a beaucoup à faire pour améliorer le système. Ces problèmes sont le fait non pas des agents, mais de la complexité des procédures - et, pour la première fois depuis 25 ans, nous remettons des agents dans les préfectures. (M. Jérôme Durain en convient.)
Ainsi, on atteint 134 jours pour un premier titre en 2022 - l'objectif est de 90 jours - et 77 jours pour un renouvellement - l'objectif est de 30 jours.
Je n'ai pas à cacher la température, même si elle est mauvaise. L'action administrative doit se concentrer sur la délivrance des premiers titres, avec un renouvellement automatique, sauf lorsque la justice est saisie. La situation n'est satisfaisante ni pour les étrangers ni pour les agents, que je salue.
L'amendement n°212 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°620, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission.
I. - Alinéa 22, dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ainsi que des actions conduites par les collectivités territoriales compte tenu de la politique nationale d'immigration et d'intégration
II. - Alinéa 26
Supprimer cet alinéa.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Nous souhaitons que le rapport annuel tienne compte des actions des collectivités en faveur de l'intégration. Au Danemark, par exemple, elles sont très importantes.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°620 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°159, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 27
Supprimer cet alinéa.
Mme Laurence Harribey. - Supprimons les quotas migratoires contraignants, vieille lune de la droite française, « irréalisable ou sans intérêt » de l'aveu même de Pierre Mazeaud, mandaté par Brice Hortefeux en 2008.
Les demandes d'asile et l'immigration familiale en sont exclues. Au-delà de l'affichage, des quotas sur l'immigration étudiante et l'immigration professionnelle seraient contraires aux intérêts du pays.
Mme la présidente. - Amendement identique n°448, présenté par M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
M. Ian Brossat. - Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la commission Mazeaud avait déclaré les quotas inefficaces et irréalisables.
De plus, quels critères seraient retenus ? Différencier par nationalité irait à l'encontre du principe d'égalité.
Mme la présidente. - Amendement n°332 rectifié, présenté par MM. Dossus et Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Alinéa 27
Remplacer les mots :
l'intérêt national
par les mots et deux phrases ainsi rédigées :
l'équilibre du système de retraites par répartition. Ce nombre ne pourra être inférieur au nombre de personnes nécessaires pour atteindre un ratio de deux cotisants pour un retraité à l'échelle nationale sur une année. Ce nombre sera fourni par le Gouvernement au Parlement au sein du rapport mentionné au présent article.
M. Thomas Dossus. - Cet amendement m'a été soufflé par une déclaration de Bruno Retailleau (on s'en amuse à gauche) lorsque nous travaillions sur la réforme des retraites, selon laquelle l'alternative était de valoriser celles qui ont mis au monde des enfants et ont contribué à consolider le régime par répartition, ou davantage d'immigration.
Puisque, dans notre société dominée par les woke où les femmes sont attachées à leur liberté, la première hypothèse est compliquée, (sourires ironiques à gauche) je propose que, si nous fixons des quotas, ce soit pour équilibrer notre régime par répartition. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER)
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Sur les amendements identiques nos159 et 448, je me demande, chers collègues, pourquoi vous vous acharnez à vouloir supprimer des quotas dont vous dites qu'ils sont inopérants - maintenez-les ! (Protestations à gauche) Ils sont le coeur du dispositif de maîtrise des flux entrants. Avis défavorable.
Sur l'amendement n°332 de M. Dossus, nous avons compris que nous sommes passés de la malice à la provocation. Avis défavorable. (Protestations amusées sur les travées du GEST)
M. Daniel Salmon. - C'est cohérent !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Mêmes avis.
Mme Cécile Cukierman. - La question n'est pas de s'acharner sur les quotas. Nous tenons un discours de vérité : ils ne fonctionnent pas. Lorsqu'un tiers de la population mondiale n'a pas l'eau potable, migrer est une question de survie ! La culture et l'image de la France, pays des droits de l'homme, doivent perdurer. (M. Stéphane Ravier s'exclame.)
Vous vendez du rêve en promouvant des quotas. Notre réponse, peut-être moins facile à résumer en 150 caractères et moins tendance, est de travailler à l'échelle mondiale, européenne et nationale pour que les personnes soient intégrées quand elles viennent dans notre pays.
M. Rémi Cardon. - Pour mettre un peu d'humour dans le débat...
M. Gérald Darmanin, ministre. - C'était drôle, déjà...
M. Rémi Cardon. - ... le candidat Emmanuel Macron déclarait, en 2017, à Lille...
Mme Audrey Linkenheld. - Voilà !
M. Rémi Cardon. - ... que la politique des quotas, telle qu'elle était défendue par Marie Le Pen, était inefficace. On voit le chemin idéologique parcouru par le Gouvernement. Vous donnez l'exemple de ce que la politique a de moins noble. (Protestations exaspérées sur les travées du groupe Les Républicains)
M. André Reichardt. - Donneur de leçons !
M. Guy Benarroche. - Monsieur le ministre, cette politique de quotas va à l'encontre de votre texte initial, qui visait à intégrer par le travail et à choisir l'immigration. Les résultats seront donc liés à ces critères, et non aux quotas, qui ne seront qu'une provocation. Monsieur le ministre, vous devriez y être défavorable, et nous serions nombreux à vous suivre !
M. Stéphane Ravier. - Je suis favorable aux quotas (marques de surprise feinte à gauche), mais à des quotas de remigration ! Comme 54 % des Français qui veulent un ministère de la remigration. Avec 2 millions d'entrées dans notre pays en cinq ans et entre 700 000 et 900 000 clandestins sur notre territoire,...
M. Rachid Temal. - Seulement !
M. Stéphane Ravier. - ... alors que 10 millions de nos compatriotes vivent sous le seuil de pauvreté et que le logement est en crise, comment pouvez-vous faire croire que nous pourrions accueillir qui que ce soit ?
M. Mickaël Vallet. - Même pas les Ukrainiens ?
M. Stéphane Ravier. - La France serait un pays d'accueil : tordons le cou à ce mensonge historique ! Il n'y a pas eu d'immigration massive jusqu'à la fin du XIXe siècle. Désormais, c'est une véritable invasion. (Vives protestations à gauche) Les liens ont été rompus avec certains pays, mais ils étaient français autrefois. Ils ont voulu l'indépendance, qu'ils se débrouillent ! (Tumulte à gauche)
Mme Raymonde Poncet Monge. - Je suis étonnée : l'amendement de Thomas Dossus n'est pas provocateur. Alors qu'en 2070 - la droite sénatoriale le rappelle - il y aura un cotisant pour un retraité, l'immigration fait partie des solutions.
Mme Valérie Boyer. - Et le chômage ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - D'autres pays l'ont fait, mais vous le refusez par idéologie.
M. Fabien Gay. - Pour nous, l'immigration n'est pas un sujet comptable. Nous parlons d'êtres humains - même si je sais que cela ne touchera pas les travées d'en face. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Dans le monde dans lequel nous vivons - instabilité démographique, crises écologique et sociale - pourrions-nous accueillir des personnes fuyant la guerre comme nous l'avons fait pour les Ukrainiens si nous instaurions des quotas ?
Par ailleurs, contrairement à ce que dit l'extrême droite sur l'immigration étudiante et le regroupement familial, il est simplement impossible de choisir qui peut venir ou non ! On voudrait 50 000 étudiants, contre 110 000 aujourd'hui : est-ce au ministre de les choisir ?
M. Olivier Paccaud. - À en croire nos collègues des travées d'en face, nous serions sans coeur. Pourtant, des pays qui ne sont pas connus pour être fascisants - le Canada, le Danemark, par exemple - appliquent des quotas.
À mon tour d'être provocateur : il fut un temps, chers amis socialistes, où la SFIO prônait les quotas, en 1931. (Protestations sur les travées du groupe SER)
Mme Audrey Linkenheld. - Et alors ?
M. Rachid Temal. - Le monde a changé !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous avons déjà dit pourquoi les quotas n'étaient ni un drame absolu ni la panacée qu'évoque M. Ravier.
M. Stéphane Ravier. - Pas dans la même direction !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Cette mesure ne concerne que les domaines sur lesquels le Gouvernement a prise. Nous parlons donc de l'immigration économique et étudiante.
Les quotas ne sont pas prescriptifs et ne sont donc pas négatifs en eux-mêmes : avec M. Roussel aux responsabilités, les quotas seraient peut-être plus généreux qu'avec M. Retailleau...
Le débat vise simplement à lever le voile sur les non-dits de l'immigration. Régulièrement, la FNSEA vient me voir pour demander des quotas de travailleurs étrangers pour aller dans les champs. Des quotas économiques, pas d'asile.
Mme Cécile Cukierman. - C'est ce que nous disons !
M. Guy Benarroche. - À quoi vont servir les quotas ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Si cela ne sert à rien, pourquoi voulez-vous les supprimer ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Par exemple, le Gouvernement assume de faire venir des médecins étrangers. C'est une question de politique économique que de choisir qui vient sur notre sol.
J'ai trouvé pathétique la démonstration de Rémi Cardon. Le Président de la République parlait de quotas sur l'ensemble de l'immigration. (M. Rémi Cardon proteste.) Personne ici ne le propose !
Il n'y a pas de méchants contre le camp du bien. (Protestations à gauche) Si des populistes l'emportent comme dans ma région, terre de gauche, c'est parce que, avec Terra Nova, vous avez choisi les immigrants contre les ouvriers. Nous n'avons pas de leçons à recevoir de vous ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains ; vives protestations à gauche)
Les amendements identiques nos159 et 448 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°332 rectifié.
M. Rachid Temal. - Le Sénat va voter un article qui prévoit d'instaurer des quotas sans méthode, sans critères. Nous n'avons pas d'éléments économiques pour le faire. Sur quoi porteront ces quotas ?
Ensuite, avec l'alinéa 26, de quelles collectivités le Sénat décidera-t-il de la politique migratoire ?
Enfin, il s'agit de quotas pour trois ans pour un débat annuel.
M. Guy Benarroche. - Pardon d'insister, mais ce qui me choque le plus, monsieur le ministre, est l'incohérence. On parle d'intégrer par le travail, tout en ayant des quotas provocants. Avec les quotas, nous abandonnons la sélection selon les métiers en tension.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous aurons ce débat à l'article 3, que vous anticipez.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Pas vous ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - L'idée de quota est reprise pour les métiers en tension, notamment par un amendement de M. Szpiner. Faites preuve d'imagination, monsieur Benarroche... Vous avez perdu votre allant révolutionnaire depuis que vous êtes sénateur ! (Sourires)
L'article 1er A, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 1er A
Mme la présidente. - Amendement n°100 rectifié quater, présenté par MM. L. Vogel et Longeot, Mme Aeschlimann, MM. A. Marc, Courtial, Guerriau, Somon, Rochette, Brault et V. Louault, Mme Lermytte, MM. Médevielle et Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled, Verzelen et Fialaire, Mme Romagny, M. Maurey, Mme L. Darcos et MM. Pellevat, Malhuret et Gremillet.
Après l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 123-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 123-... ainsi rédigé :
« Art. L. 123-.... - Les orientations pluriannuelles de la politique migratoire de l'Union européenne peuvent faire l'objet d'un débat annuel au Parlement.
« Le Parlement prend alors connaissance d'un rapport du Gouvernement, rendu avant le 1er juin de chaque année, qui indique et commente, pour les deux années précédentes, les applications sur le territoire national et communautaire :
« 1° Du règlement relatif à l'examen préliminaire tel qu'issu du pacte européen Asile et Immigration ;
« 2° Du règlement Eurodac tel qu'issu du pacte européen Asile et Immigration ;
« 3° Du règlement sur les procédures d'asile tel qu'issu du pacte européen Asile et Immigration ;
« 4° Du règlement relatif à la gestion de l'asile et des migrations tel qu'issu du pacte européen Asile et Immigration ;
« 5° Du règlement relatif aux situations de crise et de force majeure tel qu'issu du pacte européen Asile et Immigration ;
« 6° Du bilan de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.
« Le Gouvernement présente, en outre, les conditions démographiques, économiques, géopolitiques, sociales et culturelles dans lesquelles s'inscrit la politique nationale d'immigration et d'intégration en lien avec la politique migratoire de l'Union européenne. Il rend compte des actions qu'il mène pour que la politique européenne d'immigration et d'intégration soit conforme à l'intérêt national et gage d'une action intégrée avec nos partenaires européens.
« Sont jointes au rapport du Gouvernement les rapports et informations de :
« a) L'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes ;
« b) La conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement ;
« c) La base de données européenne des empreintes digitales des demandeurs d'asile ;
« d) L'Organisation internationale pour les migrations.
« Le Parlement, par les commissions des affaires européennes, est consulté sur les actions conjointes conduites par les instances de l'Union européenne compte tenu de la politique nationale d'immigration et d'intégration, par l'organisation d'un débat pluriannuel.
« Si le Parlement détermine, pour les trois années à venir, le nombre des étrangers admis à s'installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l'exception de l'asile, compte tenu de l'intérêt national, cette démarche doit s'inscrire en connaissance des critères retenus par l'Union Européenne. L'objectif en matière d'immigration familiale est établi dans le respect des principes qui s'attachent à ce droit. »
M. Louis Vogel. - Notre politique d'immigration ne sera efficace que dans le cadre des règles de l'Union européenne. Le Parlement doit être informé des données de la politique européenne en la matière, et nous y veillerons au sein de la commission des affaires européennes. Sachant que cet appel sera entendu, je retire l'amendement.
L'amendement n°100 est retiré.
Le sous-amendement n°652 rectifié n'a plus d'objet.
Mme la présidente. - Amendement n°490 rectifié bis, présenté par MM. Levi, Laugier et Wattebled, Mmes Guidez, Perrot et Herzog, MM. Pellevat, Houpert et Chasseing, Mmes O. Richard et Vérien et MM. A. Marc, J.M. Arnaud, Chatillon, Menonville, L. Hervé, Hingray et Gremillet.
Après l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 333-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « Si l'entreprise de transport aérien ou maritime se trouve dans l'impossibilité de réacheminer l'étranger en raison de son comportement récalcitrant, seules les autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière seront compétentes pour l'y contraindre. »
M. Pierre-Antoine Levi. - Cet amendement touche à un problème spécifique, mais crucial. Les entreprises de transport font parfois face à des étrangers récalcitrants. Nous proposons de clarifier le principe selon lequel leur responsabilité ne saurait être engagée : seules les autorités sont compétentes pour contraindre un individu à être réacheminé.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Vous mettez le doigt sur une difficulté réelle, mais il me semble que l'article 40 s'oppose à l'adoption de l'amendement. La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, ministre. - À mes yeux, l'amendement est satisfait. Lorsqu'un passager est récalcitrant, soit des policiers l'accompagnent, ce qui exonère la compagnie de toute responsabilité, soit il empruntera un vol affrété par le ministère. Avis défavorable.
M. Pierre-Antoine Levi. - Si nous adoptons cet amendement, il sera complètement satisfait... (Sourires)
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis favorable, alors !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Favorable.
L'amendement n°490 rectifié bis est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°520 rectifié bis, présenté par M. Ravier.
Après l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 5 du titre II du chapitre III du livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifiée :
1° Les articles L. 423-14 à L. 423-20 sont abrogés.
2° IL est inséré un article L. 423-... est ainsi rédigé :
« Art. L. 423-.... - Le ressortissant étranger reconnu comme réfugié au titre de l'article L. 511-1 peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de moins de dix-huit ans. »
M. Stéphane Ravier. - Supprimons le regroupement familial, hormis pour les réfugiés - les vrais ! (On s'en gausse sur plusieurs travées à gauche) Le regroupement familial est contraire à l'immigration choisie. Entre 1870 et 1918, 3 millions d'Italiens se sont installés en France, dont 2 millions sont repartis. Nous pouvons avoir besoin ponctuellement d'étrangers, mais pas de leur famille. Depuis 2017, 500 000 personnes, soit l'équivalent de la ville de Toulouse, ont profité du regroupement familial sans contribuer à notre pays !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Décidément, les amendements provocateurs proviennent de toutes les travées... Vous n'ignorez pas la hiérarchie des normes : le regroupement familial est régi par une directive européenne de 2003.
M. Joshua Hochart. - C'est le problème !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Monsieur Ravier, vous confondez regroupement et réunification familiale. Le premier bénéficie à des étrangers disposant de titres de séjour classiques, le second aux réfugiés, sans condition de ressources. J'ignore quels sont à vos yeux les vrais et les faux réfugiés... En tout état de cause, vous auriez dû parler de réunification familiale. Avis défavorable.
M. Éric Kerrouche. - Au-delà de la relecture maladive de l'histoire de France par M. Ravier, la justification de son amendement est complètement fausse. Ce n'est pas une erreur, c'est volontaire : il s'agit de pouvoir dire n'importe quoi sur des bases apparemment objectives.
M. Ian Brossat. - Cet amendement vise à supprimer le regroupement familial, mais il n'y a pas d'intégration sans possibilité de vivre en famille. Il est totalement contradictoire de plaider à la fois pour l'intégration, voire l'assimilation, et pour l'interdiction du regroupement familial. Cet amendement est à côté de la plaque !
M. Alexandre Ouizille. - M. Ravier est un partisan de la remigration.
M. Stéphane Ravier. - Tout juste : je suis pour le regroupement, mais en sens inverse !
M. Alexandre Ouizille. - Les seuls au monde à avoir interdit le regroupement familial, c'est la dynastie wahhabite des Saoud. Les pétromonarchies du Golfe, voilà le modèle de M. Ravier !
L'amendement n°520 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°150, présenté par M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard douze mois après la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant les conditions de délivrances des visas par nos postes consulaires et présentant les principes directeurs d'une réforme relative à l'organisation des services des visas. Cette réforme devra permettre aux services des visas, dans chaque poste diplomatique et consulaire, de disposer de moyens humains et financiers directement proportionnés à l'activité dont ils ont la charge et aux ressources qu'elle engendre. Elle intégrera des dispositifs permettant de faire la promotion des études supérieures en France et consistera également à donner à nos établissements d'enseignement supérieur et de recherche les moyens dédiés à la sélection des candidats étrangers.
M. Yan Chantrel. - Votre politique de délivrance des visas, inefficace et désastreuse, affaiblit notre pays. Nous nous sommes mis à dos de nombreux pays sous la présidence d'Emmanuel Macron. Nos postes consulaires sont sous-dotés pour traiter les demandes, le personnel est mis en tension. Pourtant, les étudiants étrangers, notamment, participent du rayonnement de notre pays : votre politique est contre-productive.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Il est probable que l'amendement pointe un problème réel, mais un rapport n'y changera rien. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur Chantrel. Lorsqu'un pays ne délivre pas de laissez-passer consulaires, que proposez-vous ? Encore plus de visas ?
M. Yan Chantrel. - Est-ce que cette politique a fonctionné ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Oui, elle fonctionne beaucoup mieux.
M. Yan Chantrel. - Vous l'avez arrêtée !
M. Gérald Darmanin, ministre. - On voit qu'il y a longtemps que vous n'êtes plus aux responsabilités : avis défavorable.
L'amendement n°150 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°511 rectifié bis, présenté par M. Marseille.
Après l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur les mesures susceptibles de simplifier l'architecture des titres, cartes et documents de séjour et de circulation pour étranger en France.
Mme Isabelle Florennes. - L'action des préfectures est entravée par l'existence de dizaines de titres différents, avec des procédures et des pièces tout aussi différentes. Ce n'est pas tenable. Un travail de simplification doit être mené.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Il s'agit d'une demande de rapport : retrait ou avis défavorable. Reste que le problème est d'importance. Monsieur le ministre, vous avez annoncé vouloir réformer le système des guichets de préfecture et accélérer la délivrance des titres. Malgré les moyens supplémentaires prévus, vous n'y parviendrez pas avec 187 titres de séjour différents ! Quand lancerez-vous le nécessaire chantier de simplification ? Nous n'avons pas d'a priori : Conseil d'État, parlementaires en mission, travail de vos services. Mais nous nous étonnons de l'absence d'avancée.
M. Gérald Darmanin, ministre. - J'entends le questionnement né de cet amendement d'appel. En effet, il existe de nombreux titres de séjour. Mon premier élan était aussi de les simplifier. Mais l'enfer est pavé de bonnes intentions... La situation actuelle permet aussi d'éviter de trop grandes régularisations. Les titres de séjour, c'est comme la dotation globale de fonctionnement (DGF) : tout le monde veut simplifier, mais personne ne le fait !
Nous améliorerons la proposition du président Buffet sur l'examen à 360 degrés - actuellement, le demandeur peut jouer de la diversité des procédures pour se maintenir sur notre sol.
Que des parlementaires en mission réfléchissent à une simplification des titres sans ouvrir de possibilités trop larges de régularisation, je n'y vois aucun inconvénient.
L'amendement n°511 rectifié bis est retiré.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je le reprends !
Mme la présidente. - Il s'agit donc de l'amendement n°511 rectifié ter.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable.
L'amendement n°511 rectifié ter n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°236 rectifié quinquies, présenté par M. Joyandet, Mme Berthet et MM. Houpert, Courtial, Pointereau, Rietmann, Bruyen et Gremillet.
Après l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant la possibilité, pour l'État, de mettre en place des visas francophones « travailleur » et « entrepreneur », qui permettraient à tout ressortissant d'un pays membre de l'Organisation internationale de la Francophonie de venir plus aisément en France, afin d'y occuper un emploi dans un secteur en tension ou d'y effectuer toute démarche utile à l'accomplissement de ses responsabilités économiques.
M. Alain Joyandet. - La francophonie est une force considérable pour notre pays, y compris en termes d'échanges économiques. Créons un visa francophone pour simplifier les déplacements des ressortissants des pays utilisant la langue française. Certes, c'est une demande de rapport, mais cette question est importante. (Applaudissements sur des travées du GEST)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Ce vif soutien à la francophonie est digne de tout éloge. Toutefois, il n'infléchira pas notre jurisprudence sur les demandes de rapport...
M. Rachid Temal. - Ils peuvent parler français, mais chez eux !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis favorable. Toutefois, cela concerne potentiellement des dizaines de millions de personnes...
M. Rachid Temal. - 321 millions !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Un tel visa offrirait des droits nouveaux.
M. Rachid Temal. - Bref, ce n'est pas très tendance...
M. Gérald Darmanin, ministre. - Discutons-en. Le rapport Hermelin est intéressant à cet égard.
M. Mickaël Vallet. - Je soutiens la proposition de M. Joyandet. En raison du 49.3, la moitié du Parlement ne peut s'exprimer. L'autre est limitée par l'article 40. N'ayons pas, en plus, de fausses pudeurs sur les demandes de rapport.
L'idée d'un passeport francophone n'est pas nouvelle ; Pouria Amirshahi, par exemple, l'avait soutenue. Ce serait un moyen de concrétiser le discours - excellent sur le papier - du Président de la République à Villers-Cotterêts.
M. Alain Joyandet. - Les Anglais ont déjà pris cette initiative. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre avis favorable. J'ai compris que la commission émet un avis défavorable non sur le fond, mais sur la forme. Je maintiens donc l'amendement. (M. Mickaël Vallet s'en félicite.)
L'amendement n°236 rectifié quinquies est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 1er B
Mme la présidente. - Amendement n°16 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj, Roux, Fialaire et Grosvalet, Mmes Guillotin et Pantel et M. Masset.
Supprimer cet article.
Mme Maryse Carrère. - Ce n'est, hélas, pas la première fois que nous avons à débattre d'une restriction au regroupement familial. Ce n'est pas en durcissant les règles que les demandes cesseront d'être formulées. La seule conséquence serait de précariser davantage les personnes concernées. Supprimons l'article 1er B.
Mme la présidente. - Amendement identique n°161, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Éric Kerrouche. - Cet article contrevient à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Si ce dernier déclenche l'hubris de nos collègues de droite, rappelons que la jurisprudence est relativement équilibrée et laisse une forte latitude aux États.
Le regroupement familial nourrit les fantasmes les plus fous, notamment à l'extrême droite. Mais il représente 12 000 personnes par an, soit 4,5 % de la totalité des titres de séjour. Pourquoi retarder cette possibilité, alors qu'il s'agit non de la mer, mais de l'écume ?
Mme la présidente. - Amendement identique n°374 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Mme Mélanie Vogel. - Le regroupement familial est déjà très restreint : 18 mois, c'est plus qu'en Espagne, en Italie, en Belgique ou encore aux Pays-Bas.
Ensuite, il y a une contradiction intrinsèque entre vouloir que les étrangers vivent bien dans notre société et leur refuser le droit de faire venir leur famille.
Vos ajouts sont absurdes : le critère de ressources régulières risque d'exclure les journalistes, les artistes ou les indépendants ; et comment avoir une assurance maladie pour ses proches s'ils ne sont pas encore en France ?
Mme la présidente. - Amendement identique n°449, présenté par M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
M. Ian Brossat. - La droite se fait fort de défendre le travail, mais elle est contre la régularisation des travailleurs ; les valeurs familiales, mais elle est contre la possibilité de vivre en famille quand on est étranger. C'est assez contradictoire...
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Je vous trouve bien durs avec la directive européenne sur le regroupement familial, dont, somme toute, nous ne faisons que reprendre les termes. Ce texte, s'il rend le regroupement familial plus compliqué, facilitera aussi l'intégration. (Marques d'incrédulité sur les travées du GEST) Avoir une stabilité financière est un critère d'intégration, de même que disposer d'une assurance sociale pour soi et sa famille. Avis défavorable à tous les amendements.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Cette disposition ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement, mais un texte sur l'immigration peut traiter du regroupement familial.
L'immigration familiale, c'est 90 000 personnes par an, dont plus de la moitié de conjoints de Français ou ressortissants d'un autre État européen. Le regroupement familial ne représente que 12 000 à 14 000 personnes par an et la réunification familiale, 4 000 à 5 000.
Les personnes peuvent-elles vivre dans de bonnes conditions ? Il est légitime de se poser la question.
Avis de sagesse : cet article mérite d'être davantage travaillé, et nous y reviendrons à l'Assemblée nationale. En outre, je vous invite à vous concentrer sur l'article suivant, qui me paraît plus important : il s'agit de donner aux maires les moyens concrets de contrôler les critères.
Lorsque j'ai été élu maire, je me suis aperçu que je devais signer les attestations pour le regroupement familial. Dans les petites communes, cela ne pose pas de problème, vu le faible nombre de demandes ; la situation est différente dans les grandes communes. Je refusais 70 % des demandes, car celles-ci n'étaient pas conformes à la loi.
Concentrons-nous sur les moyens à donner aux maires pour vérifier que les critères sont remplis, sinon nous ouvrons la porte à la fraude.
Quant à l'allongement prévu, j'entends la position de la commission : si cela permet aux élus et à la préfecture de faire leur travail correctement, je n'y vois pas d'inconvénient. C'est assez cohérent avec ce que le Gouvernement propose en matière d'apprentissage du français.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Le ministre l'a dit : le regroupement familial ne figurait pas dans le texte initial. Le Conseil constitutionnel sera saisi au titre de l'article 45 de la Constitution.
Les amendements identiques nos16 rectifié, 161, 374 rectifié et 449 ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°376 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
Mme Mélanie Vogel. - Cet amendement de repli vise à maintenir la durée de séjour minimal en France ouvrant droit au regroupement familial à 18 mois. En effet, une fois la demande faite, il faut encore deux ou trois ans : des familles vivent séparées pendant cinq ans ! Que vont changer ces six mois supplémentaires, qui ne concernent que quelques milliers de personnes ? Rien, sinon leur apporter six mois de tristesse.
Mme la présidente. - Amendement n°621, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission.
I. - Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
...° L'article L. 434-2 est ainsi modifié :
...) Au premier alinéa, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;
...) Au 1°, après le mot : « dernier », la fin de l'alinéa est ainsi rédigée : « et l'étranger demandant à être rejoint sont âgés d'au moins vingt-et-un ans ; »
II. - Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
...° Le premier alinéa de l'article L. 434-8 est ainsi modifié :
a) L'avant-dernière occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et à l'article L. 821-1 du code de la construction et de l'habitation ».
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Nous utilisons les moyens offerts par la directive Regroupement familial, qui permet de fixer à 21 ans l'âge minimal pour le regroupement familial.
Nous excluons également les APL des prestations prises en compte pour apprécier les ressources du demandeur.
Mme la présidente. - Amendement n°375 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Alinéa 2
Remplacer le mot :
vingt-quatre
par le mot :
treize
Mme Mélanie Vogel. - Défendu.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements qui prévoient une durée minimale inférieure à 24 mois.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable aux amendements de Mme Vogel et favorable à celui de Mme la rapporteur.
L'amendement n°376 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°621 est adopté.
L'amendement n°375 rectifié n'a plus d'objet.
Mme la présidente. - Amendement n°339 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Aeschlimann, MM. Allizard, Bacci et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Bruyen, Burgoa et Cadec, Mme Canayer, M. Cambon, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques, Josende et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Nédélec, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pernot et Perrin, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel, Bouloux, Cuypers et Khalifé et Mme Petrus.
I. - Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et, au troisième alinéa du même article, les mots : « mineurs de dix-huit » sont remplacés par les mots : « âgés de moins de seize »
II. - Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Au premier alinéa de l'article L. 434-3, les mots : « mineurs de dix-huit ans » sont remplacés par les mots : « âgés de moins de seize ans » ;
Mme Valérie Boyer. - Cet amendement, tiré de la proposition de loi Buffet, vise à abaisser l'âge maximal d'éligibilité au regroupement familial des enfants du demandeur de 18 à 16 ans.
La situation s'est aggravée à la suite de la loi Collomb, qui a élargi le regroupement familial : le nombre de titres de séjour a augmenté de 17 % entre 2018 et 2021.
La commission des lois en a durci les conditions, dans les limites du droit européen. Nous voulons aller plus loin pour mettre fin à cette immigration incontrôlée.
Mme la présidente. - Amendement n°252 rectifié, présenté par MM. Le Rudulier, Anglars, Menonville et Frassa, Mme Josende, MM. Rochette et Courtial, Mmes Puissat et V. Boyer, MM. Ravier et Paccaud, Mmes Petrus et Bellurot, MM. Chasseing et Wattebled, Mme Lopez, M. Bruyen, Mmes Micouleau et Belrhiti et MM. Genet et Duffourg.
I. - Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Au 2°de l'article L. 434-2, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « seize » ;
...° Au premier alinéa de l'article L. 434-3 et à l'article L. 434-4, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « seize » ;
II. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
...° L'article L. 434-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 434-9. - Le droit au regroupement familial est exclu pour les étrangers polygames. »
M. Jean-Claude Anglars. - Cet amendement vise à porter à 24 mois la durée minimale de résidence régulière en France pour prétendre au regroupement familial et à exclure de ce droit les étrangers polygames.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'amendement n°339 rectifié, dont nous partageons l'esprit, est antinomique avec les dispositions de la directive européenne. Avis défavorable.
L'amendement n°252 rectifié est déjà satisfait, notamment depuis le vote de la loi confortant le respect des principes de la République, codifiée dans le Ceseda. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
Mme Valérie Boyer. - Nous sommes en effet soumis à ces directives, que tous les États n'appliquent pas de la même façon. Il faut pouvoir les modifier. Je comprends votre réponse, mais elle renforce notre volonté de modifier la Constitution, via un référendum, pour reprendre la main.
L'amendement n°252 rectifié est retiré.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Vous me demandez de modifier une directive adoptée en 2003, sous un gouvernement de droite. Je n'ai pas connaissance d'États membres qui feraient droit à la mesure que vous proposez... Nous travaillons au niveau européen, mais il est difficile de faire évoluer un texte qui est déjà en application.
M. Bruno Retailleau. - Monsieur le ministre, vous m'avez taquiné tout à l'heure sur un vote du PPE. Je vous rappelle qu'au Parlement européen, la délégation Renaissance s'est opposée à un amendement du PPE reprenant au mot près les conclusions du Conseil européen adoptées en février, invitant les États membres à renforcer la protection des frontières !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Vous avez raison, je regrette ce vote du groupe Renew - comme vous regrettez celui du PPE ! (Sourires)
M. Yannick Jadot. - Bel exemple de regroupement familial !
L'amendement n°339 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°377 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Alinéas 3 à 6
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
...° Le deuxième alinéa de l'article L. 434-8 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l'indice national des prix à la consommation, hors tabac, atteint un niveau correspondant à une hausse d'au moins 2 % au cours des douze derniers mois, le montant du plancher de ressources mentionné à la première phrase est minoré par un montant équivalent à la hausse de l'indice national des prix à la consommation, hors tabac sur la période des douze derniers mois. »
Mme Mélanie Vogel. - Le plancher de ressources nécessaires pour pouvoir demander le regroupement familial est indexé sur le Smic. En période de forte inflation, cela pénalise les personnes qui ne bénéficient pas de l'indexation du Smic. Nous prévoyons que ce plancher soit diminué du montant de l'inflation quand celle-ci dépasse les 2 %.
Mme la présidente. - Amendement n°378 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
Mme Mélanie Vogel. - Qu'il y ait une condition de ressources, que celles-ci soient stables, soit. Mais pourquoi régulières ? La régularité des ressources est une notion floue. Quid des journalistes, des artistes, des indépendants ? Vous les pénalisez injustement.
Mme la présidente. - Amendement n°379 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Alinéa 6
Remplacer les mots :
pour lui-même et pour les membres de sa famille
par les mots :
ou est couvert par la protection universelle maladie prévue à l'article L 160-1 du code de la sécurité sociale
Mme Mélanie Vogel. - Exiger une assurance maladie pour ouvrir le droit au regroupement familial n'a pas de sens. On ne peut être affilié à la sécurité sociale française si l'on ne vit pas en France.
Même une assurance privée ne vaut pas pour la France, a fortiori si la personne n'a pas encore de titre de séjour. Cette condition est de facto impossible à remplir.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable. Nous avons souhaité une condition de ressources effective et prévu la régularité des ressources - notion qui figure dans la directive de 2003.
La personne à l'origine du regroupement familial doit être en mesure de fournir une couverture maladie pour sa famille, le cas échéant privée. Nous ne voulons pas que des personnes viennent sur notre territoire sans couverture médicale, car cela représenterait une charge pour la solidarité nationale.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°377 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos378 rectifié et 379 rectifié.
Mme la présidente. - Amendement n°338 rectifié, présenté par M. Tabarot, Mme Aeschlimann, MM. Allizard, Bacci, Bas, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Bruyen, Burgoa et Cambon, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques, Josende et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Nédélec, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot et Perrin, Mmes Pluchet, Primas et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol et Somon, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel, Bouloux, Cuypers et Khalifé et Mme Petrus.
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
« 5° Il justifie d'une somme d'argent destinée à assurer son installation, dont le montant est adapté à la taille de sa famille. » ;
...° La section 2 du chapitre IV du titre III du livre IV est complétée par un article L. 434-9-... ainsi rédigé :
« Art. L. 434-9-.... - La somme d'argent mentionnée au 5° de l'article L. 434-7 est indexée sur le salaire minimum interprofessionnel de croissance à temps complet et équivaut à quatre mois de salaire pour une famille de deux personnes et à six mois de salaire pour une famille de trois personnes. Au-delà du troisième membre de la famille, ce seuil est majoré d'un montant équivalent à un mois de salaire minimum supplémentaire pour chacune des personnes faisant l'objet d'une procédure de regroupement familial. Le demandeur apporte par écrit la preuve qu'il dispose des fonds. Ces fonds ne peuvent résulter d'un emprunt ou de toute autre immobilisation. Ils sont immédiatement disponibles pour subvenir aux besoins de la famille. Un imprimé officiel et identifiable d'un établissement bancaire situé en France doit faire apparaître l'existence de ces fonds, les informations de son titulaire et ses moyens de paiements. Ce document précise également tous soldes, prêts, dettes et impayés le concernant ainsi que la date d'ouverture des comptes, leur solde moyen sur six mois et leur solde actuel. »
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Défendu.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Vous créez un fonds d'installation préalable au regroupement familial : sagesse.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°338 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°514 rectifié, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Belin, Duffourg, Klinger et Bouchet, Mme Belrhiti, MM. Reynaud et Laugier, Mme Berthet, MM. Genet et Favreau, Mmes Jacques et Bellurot, MM. Tabarot, Gremillet et Menonville, Mme Canayer et M. Khalifé.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Il justifie d'un examen médical, pour chaque personne faisant l'objet d'une demande de regroupement familial, réalisé dans le pays d'origine datant de moins de trois mois. Les modalités de cet examen médical sont fixées par décret en Conseil d'État. »
Mme Marie-Do Aeschlimann. - L'examen médical obligatoire peut être effectué dans le pays d'origine si l'Ofii a une antenne sur place. À défaut, il a lieu après l'arrivée en France, les candidats au regroupement familial bénéficiant d'un visa temporaire. Ceux qui ne remplissent pas les conditions médicales exigées devraient retourner dans leur pays, mais beaucoup restent sur le territoire, dans la clandestinité. Cet amendement instaure un contrôle médical préventif dans le pays d'origine.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Nous comprenons l'intention, mais, avec votre rédaction, cet examen n'emporte aucune conséquence sur le séjour. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je comprends le problème. Avis favorable, à condition de prévoir une condition de sanction lors de la navette.
M. André Reichardt. - Très bien !
L'amendement n°514 rectifié n'est pas adopté.
L'article 1er B, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 1er B
Mme la présidente. - Amendement n°380 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Après l'article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° Pour les couples homosexuels composés d'au moins une personne résidant ou originaire d'un pays où les couples homosexuels ne peuvent pas se marier, par son partenaire ou sa partenaire avec lequel l'étranger a conclu un partenariat civil avant sa venue en France ;
« ...° Pour les couples homosexuels composés d'au moins une personne résidant ou originaire d'un pays où les couples homosexuels ne peuvent ni se marier ni conclure un partenariat civil, par son partenaire ou sa partenaire avec lequel l'étranger menait une vie commune suffisamment stable et continue sa venue en France. »
Mme Mélanie Vogel. - Nous rendons possible le regroupement familial pour les couples de même sexe quand il y a un partenariat civil ou la démonstration d'une vie commune. Pourquoi viser les couples homosexuels, demande Mme la rapporteure ? Parce que beaucoup de pays dans le monde n'ont pas autorisé le mariage pour tous, comme la France l'a fait en 2013, à votre grand dam. La non-discrimination sur la base de l'orientation sexuelle est garantie par la Constitution et par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable, même si nous avons compris votre intention, très respectable.
La rédaction pose problème, car vous créez une discrimination envers les couples hétérosexuels. Surtout, inutile d'introduire une disposition totémique : une circulaire du 10 septembre 2010 ouvre le droit de séjour aux étrangers entretenant une relation dûment attestée et durable. Nous n'avons pas eu connaissance de difficultés particulières.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
Mme Corinne Narassiguin. - Le groupe socialiste votera cet amendement : il faut inscrire ce droit dans le Ceseda et ne pas se contenter d'une simple circulaire. Il y a encore beaucoup de pays où les couples homosexuels ne sont pas reconnus, voire sont en danger.
L'amendement n°380 rectifié n'est pas adopté.
ARTICLE 1er C
Mme la présidente. - Amendement n°162, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Supprimer cet article.
Mme Audrey Linkenheld. - La langue doit être un facteur non pas d'exclusion, mais d'intégration. Or cet article conditionne le regroupement familial à un niveau de langue préalable à l'arrivée en France. Imaginez que la même règle s'applique aux Français souhaitant s'établir à l'étranger ! Dans certains pays, l'accès à cet apprentissage sera particulièrement difficile. Cette mesure est discriminatoire, inefficace et disproportionnée.
Mme la présidente. - Amendement identique n°381 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Mme Mélanie Vogel. - Il est impossible d'organiser des cours de français dans le monde entier pour les prétendants au regroupement familial. Exige-t-on des conjoints d'expatriés qui partent en Chine qu'ils parlent le mandarin ? Nombre de Français de l'étranger ne maîtrisaient pas la langue de leur pays de résidence avant leur arrivée.
En outre, l'accès à l'éducation est très difficile dans certains pays : comment exiger des femmes afghanes qu'elles acquièrent un niveau B2 en français ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Très bien !
Mme Valérie Boyer. - Elles ne sont pas concernées !
Mme Mélanie Vogel. - Quid des jeunes enfants ? Cet article est absurde : il créerait des situations que nous n'accepterions jamais vis-à-vis de nos compatriotes.
Mme la présidente. - Amendement identique n°450, présenté par M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Mme Cécile Cukierman. - Bon courage pour définir la notion de maîtrise « d'expressions familières et quotidiennes ». Les ajouts de la commission avant l'article restreignent à l'envi le regroupement familial : il ne faut pas être malade, avoir des ressources, maîtriser le français... Cela ne concernera plus grand monde ! Même du temps de la grandeur de l'Alliance française, cette condition aurait été impossible à remplir !
Le problème est ailleurs : quels moyens pour permettre aux étrangers de maîtriser réellement la langue française, condition indispensable pour s'intégrer ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - En effet, maîtriser la langue, c'est s'intégrer, d'où cet article. Le niveau demandé correspond à un référentiel européen. Le niveau A1 témoigne d'un niveau élémentaire de langue. Ce dispositif a déjà existé avec le précontrat d'intégration républicaine ; il avait fait ses preuves, avant d'être supprimé pour des raisons idéologiques. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - L'article 1er C n'exige pas une maîtrise parfaite du français.
Quant aux femmes afghanes, elles relèvent de l'asile, non du regroupement familial.
Le contrat d'intégration, qui exigeait un niveau de langue minimal, n'a été supprimé qu'en décembre 2016 - il a perduré pendant l'essentiel du quinquennat Hollande, la République ne s'est pas effondrée ! L'Allemagne exige également une maîtrise élémentaire de sa langue ; elle a pourtant un gouvernement rose et vert.
On doit pouvoir trouver par décret une solution pour les rares pays qui ne disposent ni d'une antenne de l'Ofii, ni d'accès à des cours en ligne, ni d'Alliance française. Le texte de la commission est frappé au coin du bon sens : avis défavorable aux amendements de suppression.
M. Guy Benarroche. - Je ne suis pas convaincu. Même s'il existe des centres de formation, ils ne sont pas forcément accessibles à toutes et tous.
Mme la rapporteure soutient que le dispositif fonctionnait avant d'être supprimé. A-t-on assisté à une explosion des regroupements familiaux depuis sa suppression ? Avez-vous évalué le nombre de personnes qui seraient touchées par toutes ces mesures restrictives ? Le but inavoué est de dissuader ou empêcher le regroupement familial.
Mme Mélanie Vogel. - Imaginez un Français partant travailler au Japon. Imaginez exiger que son conjoint attende deux ans, dispose d'une assurance et d'une maîtrise de la langue japonaise de niveau A1... Rendez-vous compte du résultat concret dans votre vie ! (Mme Jacqueline Eustache-Brinio proteste.)
Les amendements identiques nos162, 381 rectifié et 450 ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°382 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 434-7-1. - Sous demande, l'autorité administrative compétente donne des renseignements sur les cours de langues proposées dans la région à l'étranger qui se voit autoriser d'entrer en France dans le cadre de la procédure du regroupement familial. »
Mme Mélanie Vogel. - Plutôt que d'adopter des dispositions inapplicables, nous proposons que les autorités consulaires informent les ressortissants de pays tiers de la disponibilité des cours de français.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Les regroupés familiaux bénéficient du contrat d'intégration, qui prévoit des cours de langue.
Mme Mélanie Vogel. - Lorsqu'ils sont en France !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Évidemment. Il ne peut s'agir que des cours dispensés sur le territoire français. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°382 rectifié n'est pas adopté.
L'article 1er C est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 1er C
Mme la présidente. - Amendement n°101 rectifié quater, présenté par MM. L. Vogel, V. Louault et Longeot, Mme Paoli-Gagin, MM. Capus et Médevielle, Mme Lermytte, MM. Brault, A. Marc, Rochette, Somon, Courtial et Guerriau, Mme Aeschlimann, MM. Wattebled, Verzelen et Fialaire, Mmes Romagny et L. Darcos et MM. Pellevat, Malhuret et Gremillet.
Après l'article 1er C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le onzième alinéa de l'article L. 120-2 du code du service national, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° De participer à la conception des contenus relatifs à la formation civique, historique et linguistique visant à une meilleure intégration des étrangers par la langue et le travail. »
M. Louis Vogel. - Je propose d'utiliser le service national universel (SNU) comme facteur d'intégration. Nous devons passer d'une logique d'immigration par les droits à une logique d'immigration par les devoirs et fonder la démarche migratoire sur un véritable pacte de réciprocité. Mon amendement relevant du domaine réglementaire, je le retire, mais je souhaiterais connaître les intentions du ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je ne suis pas le ministre compétent pour vous répondre, mais je partage votre philosophie d'une intégration par l'engagement citoyen, à laquelle je ne vois que des avantages.
L'amendement n°101 rectifié quater est retiré.
ARTICLE 1er D
Mme la présidente. - Amendement n°36 rectifié, présenté par M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Supprimer cet article.
M. Fabien Gay. - Monsieur le ministre, vous avez dit qu'il revenait aux maires de contrôler l'exercice du droit de séjour des étrangers. Mais comment peuvent-ils vérifier les conditions de ressources sans les moyens nécessaires ? L'État se déresponsabilise. Supprimons cet article !
Mme la présidente. - Amendement identique n°98 rectifié, présenté par MM. Laouedj, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Guérini, Guiol et Roux, Mme Girardin, M. Grosvalet, Mme Pantel et M. Masset.
Mme Maryse Carrère. - Cet article durcit encore l'accès au regroupement familial : en cas de silence, au bout de deux mois, l'avis du maire sera réputé défavorable. L'effet incitatif est très contestable, voire inexistant. Ne surchargeons pas les services des mairies, et respectons le droit et la dignité des familles.
Mme la présidente. - Amendement identique n°163, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Mme Colombe Brossel. - La commission propose d'inverser la charge de la preuve. Dans le droit existant, sans réponse dans les délais, l'avis est favorable. Désormais, cela vaudrait refus.
Ce serait nous mettre collectivement en situation de fragilité démocratique : un ou plusieurs maires pourraient refuser systématiquement d'examiner les dossiers, quand bien même les conditions seraient remplies.
Mme la présidente. - Amendement identique n°322 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
M. Guy Benarroche. - Cet amendement a été excellemment défendu. Permettez-moi une taquinerie : non, cette loi n'est pas faite pour améliorer les conditions d'accueil et d'intégration, mais pour contrôler les flux migratoires, y compris par des voies détournées. Mais n'oublions pas la Convention européenne des droits de l'homme, dont l'article 8 garantit le droit au respect de la vie familiale.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Vos reproches sont vifs et excessifs. L'obligation imposée aux maires est ancienne et souvent peu respectée. L'Ofii ne peut prendre le relais.
Monsieur Benarroche, vous soupçonnez un calcul épouvantable. Nous respectons l'article 8 de la Convention, car nous n'avons pas imposé un avis conforme des maires - les politiques d'accueil sont régaliennes. Votre inquiétude est infondée : au bout du compte, le préfet décidera. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
Les amendements identiques nos36 rectifié, 98 rectifié, 163 et 322 rectifié ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°383 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
I. - Alinéa 3
1° Remplacer le mot :
procède
par les mots :
peut procéder
2° Après le mot :
logement
supprimer la fin de cet alinéa
II. - Alinéa 4
Remplacer le mot :
défavorable
par le mot :
favorable
III. - Alinéas 5 à 6
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
À l'article L. 434-11, les mots : « et après que le maire a vérifié » sont remplacés par les mots : «. Le maire peut vérifier ».
Mme Mélanie Vogel. - Cet amendement vise à revenir sur l'inversion de la charge de la preuve. J'ai bien compris que l'avis du maire était consultatif, mais si on le demande, c'est qu'il a une utilité.
Vous renvoyez le délai de réponse à un décret. Les mairies sont souvent engorgées, ce qui empêche le maire de donner un avis, alors que les conditions sont remplies. Un prof qui n'a pas eu le temps de corriger ses copies ne met pas une mauvaise note à tous ses élèves !
Par ailleurs, des maires opposés au regroupement familial pourraient choisir de ne pas donner d'avis. C'est rendre les personnes vulnérables face aux manquements de l'administration. L'administration assume la charge de la preuve, c'est un principe de base du droit public.
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Bazin et Daubresse, Mme Dumas, M. Mandelli, Mme V. Boyer, M. Reichardt, Mmes Belrhiti et Dumont, MM. E. Blanc, Brisson, Somon, Belin et Courtial, Mme Di Folco, MM. Bouchet et Paccaud, Mme Borchio Fontimp, M. Pointereau, Mme Bellurot, MM. Meignen, Frassa, Burgoa, Piednoir et J.P. Vogel, Mmes Demas, Micouleau, Aeschlimann, F. Gerbaud et Josende, M. Anglars, Mme Noël, MM. Genet et Bas, Mmes Drexler et Joseph et MM. Chatillon, de Nicolaÿ, Grosperrin et Savin.
Alinéa 3
Après le mot :
procède
insérer le mot :
systématiquement
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - J'ai été maire, comme M. le ministre. Il est de la responsabilité des maires de vérifier ce qu'il se passe dans leur commune. Je demande donc une vérification systématique des conditions de ressources. Le maire doit s'engager.
Mme la présidente. - Amendement identique n°367 rectifié bis, présenté par MM. Duffourg, Verzelen et Hingray, Mme Devésa, M. Chasseing, Mme Guidez et M. Wattebled.
M. Dany Wattebled. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°622, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission.
I.- Alinéa 3
Remplacer le mot :
décret
par les mots :
le décret en Conseil d'État mentionné à l'article L. 434-12
II.- Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En l'absence d'avis rendu dans ce délai, il est réputé défavorable. » ;
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Amendement de précision.
Madame Vogel, le délai prévu est de deux mois. Votre amendement n°383 rectifié rend les conditions de vérification facultatives, mais la diligence demandée aux communes nous semble pertinente.
En revanche, rendre cette vérification systématique pose problème. En pratique, l'obligation n'est pas respectée. Quelle serait la sanction si nous la rendions obligatoire ?
Avis défavorable aux trois autres amendements.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis favorable à l'amendement n°622, avis défavorable à l'amendement n°383 rectifié et sagesse pour les amendements nos2 rectifié bis et 367 rectifié bis.
M. Guy Benarroche. - La sanction n'est pas pour le maire, elle est pour la personne vulnérable. Continuons de demander des choses aux maires qui ne pourront pas les appliquer... C'est inacceptable et illogique ! (Mme Valérie Boyer proteste.)
M. André Reichardt. - Le dispositif de la commission est équilibré. En effet, nous demandons beaucoup aux maires, et l'absence de réponse est une question de moyens. Généraliser le fichier domiciliaire, en vigueur en Alsace-Moselle, dispenserait le maire d'une visite.
Monsieur le ministre, je reviens à la charge sur ce sujet comme je l'ai fait avec tous les ministres de l'intérieur qui se sont succédé depuis que je suis sénateur. (M. Olivier Paccaud renchérit.)
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je ne suis pas chargé des collectivités territoriales...
M. Daniel Salmon. - La situation est ubuesque ! Les maires ne sont pas en capacité de faire cet examen, mais on leur demande un avis. Et on voudrait que l'avis, s'il n'est pas donné, soit défavorable. Je n'en reviens pas. (On s'en émeut sur quelques travées du groupe Les Républicains.) Si l'on demande un avis, il doit être éclairé.
Mme Valérie Boyer. - Cela existe déjà !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Bien sûr !
Mme Valérie Boyer. - Certaines mairies font ce contrôle, d'autres non. L'amendement de Jacqueline Eustache-Brinio est excellent !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Bien sûr...
Mme Valérie Boyer. - Votons-le et réfléchissons à la proposition d'André Reichardt. Certaines villes ne le font pas pour des raisons idéologiques.
Mme Mélanie Vogel. - Ce qui existe, ce sont les contrôles. Ce qui n'existe pas et que vous voulez changer, c'est que l'avis soit réputé négatif s'il n'est pas donné. (Mme Valérie Boyer proteste.)
Si vous aviez été cohérente, vous auriez supprimé l'avis s'il n'est pas donné. Pourquoi ne pas faire plus simple et écrire dans la loi que, par définition, l'avis des maires sera défavorable ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je ne sais pas si des maires nous écoutent. En tout cas, ils doivent être surpris de la teneur des débats de la Haute Assemblée...
Actuellement, tout le monde doit le faire, que ce soit le maire ou ses services.
Mme Valérie Boyer. - Mais bien sûr !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Le maire assume cette compétence non pas en tant qu'élu territorial, mais en tant que représentant de l'État.
Lorsque la même personne formule une demande huit fois, c'est qu'il y a un problème. Les services remontent les problèmes au maire (Mme Valérie Boyer renchérit), qui est capable de se rendre compte des abus éventuels.
En cas de carence de la part de l'élu - comme lorsqu'un maire refuse de prononcer un mariage, par exemple -, le préfet prendrait ses responsabilités. Le refus qui découlerait d'un motif idéologique pourrait faire l'objet d'un recours. Sauf à considérer qu'il faudrait des sanctions contre le maire qui refuserait de faire les contrôles, je ne comprends pas l'objet de votre ire.
L'idéologie peut s'exprimer des deux côtés : quelle sanction pour un élu qui donnerait un avis favorable à toutes les demandes ?
Une modification de l'amendement de Mme Eustache Brinio pourrait représenter un compromis. Quelles sanctions en cas de carence de la part de l'élu ? J'y travaille en vue de l'examen à l'Assemblée.
Faisons confiance à nos élus - je m'étonne de devoir le rappeler ici, au Sénat. (On renchérit à droite.)
M. François-Noël Buffet. - Madame Eustache Brinio, les maires doivent faire cette visite, c'est déjà le droit. Ajouter « systématiquement » ne change rien à cette réalité juridique. Les rapporteurs ont inclus dans le texte le fait que les maires qui ne feraient pas les contrôles auraient un avis réputé défavorable. Avant d'ajouter une sanction, il faut réfléchir à la manière de le faire. (Quelques protestations à gauche)
L'amendement n°383 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos2 rectifié bis et 367 rectifié bis.
L'amendement n°622 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°104 rectifié bis, présenté par MM. Brisson, Karoutchi et Mouiller, Mme Lavarde, MM. J.M. Boyer, Burgoa, Pellevat, Bas, Perrin, Rietmann, Pointereau et Reynaud, Mmes Dumont, Borchio Fontimp, Garnier, Micouleau et Bellurot, MM. D. Laurent et Reichardt, Mme Puissat, M. Savin, Mme Evren, MM. Genet et Sol, Mmes Drexler, Goy-Chavent et Belrhiti, MM. Bouchet, Sido et Frassa, Mmes Canayer et P. Martin, MM. Tabarot, Gueret et Cuypers, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bouloux et Mandelli, Mme Josende, M. Paumier et Mme de Cidrac.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À ces fins, le maire peut obtenir le soutien de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ou de toute autre autorité administrative.
M. Max Brisson. - Nous voulons que l'Ofii puisse aider les maires dans leurs contrôles préalables au regroupement familial.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Retrait ou avis défavorable. Le maire reste le mieux placé pour réaliser ce contrôle. L'Ofii peut agir en dernier ressort, mais n'est pas en capacité d'intervenir partout en France. N'inversons pas les rôles.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je comprends l'interrogation de M. Brisson. Actuellement, l'Ofii peut déjà aider les maires. Pourquoi ne pas prévoir une convention dans certaines parties du territoire ? Je suis prêt à examiner ce point lors de la navette.
L'amendement n°104 rectifié bis est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°164, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 6
Remplacer les mots :
au maire de la commune de résidence de l'étranger ou au maire de la commune où il envisage de s'établir
par les mots :
à l'Office français de l'immigration et de l'intégration
M. Christophe Chaillou. - Il y a une incohérence : pendant la campagne des élections sénatoriales dans le Loiret, j'ai entendu des candidats dire qu'on ne peut tout demander aux maires. Mais vous demandez au maire une vérification supplémentaire en cas de suspicion de fraude ! Aucun maire ne le demande. L'Ofii doit assumer cette charge.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Nous avons tous entendu la même chose durant la campagne électorale, mais cette obligation existe depuis de nombreuses années : nulle nouveauté en la matière. Il est important que le maire conserve cette responsabilité, et que le soutien de l'Ofii demeure ponctuel. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°164 n'est pas adopté.
L'article 1er D, modifié, est adopté.
Mme la présidente. - Nous avons examiné 57 amendements au cours de la journée ; il en reste 527 à examiner.
Prochaine séance aujourd'hui, mardi 7 novembre 2023, à 14 h 30.
La séance est levée à 1 h 05.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 7 novembre 2023
Séance publique
À 14 h 30, le soir et la nuit
Présidence : M. Mathieu Darnaud, vice-président, Mme Sylvie Robert, vice-présidente
Secrétaires : Mme Sonia de La Provôté - M. Mickaël Vallet
. Suite du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration (procédure accélérée) (texte de la commission, n°434 rectifié, 2022-2023)