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Table des matières
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer
M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer
M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion
Filet de sécurité pour les collectivités territoriales (I)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement
Occupations illicites de logements
M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement
Filet de sécurité pour les collectivités territoriales (II)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer
Zones d'accélération des énergies renouvelables
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique
Modifications de l'ordre du jour
Ordre du jour du lundi 23 octobre 2023
SÉANCE
du mercredi 18 octobre 2023
9e séance de la session ordinaire 2023-2024
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Véronique Guillotin, M. Philippe Tabarot.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - Lundi dernier, le président de séance a exprimé l'émotion qui nous a étreints après le drame d'Arras. Je salue la mémoire de l'enseignant assassiné, en pensant à la souffrance des élèves qui ont vécu ce drame, de la ville d'Arras et de toute la communauté nationale. Nous aurons l'occasion d'y revenir, dans la dignité.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole.
Conflit israélo-palestinien
Mme Cécile Cukierman . - Je présente mes condoléances à la famille de Dominique Bernard, victime d'un attentat terroriste vendredi dernier.
Nous avons tous été meurtris par l'attaque terroriste menée le 7 octobre par le Hamas contre la population israélienne. Jeunes festivaliers et habitants de kibboutz ont été sauvagement abattus ou pris en otage. Nous avons basculé dans une inhumanité que nous pensions révolue.
Nous demandons la libération de tous les otages.
L'escalade s'accélère, et les représailles font des centaines de morts civils parmi les Palestiniens. Hier, le bombardement d'un hôpital a fait des centaines de victimes.
Je le dis avec gravité : nous refusons de trier les morts civils. Le gouvernement de Benjamin Netanyahou exige le déplacement d'un million d'habitants de Gaza : c'est intolérable et impossible.
Face à l'engrenage militaire, je fais miens les mots d'Ofer Bronchtein, président du Forum international de la paix et ancien collaborateur d'Itzhak Rabin : la seule solution sera diplomatique. Avec mon groupe, fidèle à Jean Jaurès, je serai toujours une combattante de la paix.
La France doit demander haut et fort le respect des accords internationaux prévoyant la création de deux États et la fin de l'occupation et de la colonisation.
Madame la Première ministre, nous exigeons, à la suite d'Antonio Guterres, un cessez-le-feu immédiat. La France déposera-t-elle à l'ONU une résolution en ce sens, pour faire reprendre à tous le chemin de la paix ? (Applaudissements à gauche, sur des travées au centre et sur quelques travées à droite)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Le 7 octobre, une attaque terroriste sans précédent a touché Israël. Nous l'avons condamnée fermement et à plusieurs reprises. Vingt-quatre de nos compatriotes ont perdu la vie, sept sont portés disparus et plusieurs sont probablement retenus en otage.
Je le répète : Israël a le droit à la sécurité, le droit de se défendre, dans le respect du droit international humanitaire.
Rien ne justifie jamais que des civils soient pris pour cible. C'est pourquoi je suis, moi aussi, saisie d'effroi par la frappe sur l'hôpital Al-Ahli. J'ai une pensée pour les familles et les proches des nombreuses victimes palestiniennes. Chaque vie compte.
Les hôpitaux et le personnel médical sont protégés par le droit international humanitaire. Le Président de la République a condamné fermement cette attaque, dont les auteurs devront être identifiés et rendre des comptes.
Nous sommes au côté de nos compatriotes. Je salue le travail de nos diplomates, mobilisés jour et nuit. D'ici ce soir, 3 500 de nos compatriotes seront revenus en France.
Nous demandons la libération de tous les otages, sans délai ni conditions. Catherine Colonna a rencontré leurs familles à Tel-Aviv. Nous travaillons activement à leur libération.
Plusieurs dizaines de nos concitoyens sont bloqués à Gaza. Nous les suivons individuellement et faisons le maximum pour leur permettre de quitter Gaza.
Les populations palestiniennes ne sont pas responsables de la situation. La France apportera 10 millions d'euros supplémentaires pour l'aide humanitaire à Gaza, et nous appelons à un accès humanitaire immédiat pour l'aide des Nations unies.
Enfin, nous multiplions les contacts avec les pays de la région pour éviter l'embrasement régional. Une issue politique avec deux États vivant en sécurité reste le seul horizon pour la paix. À l'ONU, la France soutient le projet de résolution du Brésil qui condamne l'attaque terroriste et appelle à la protection des civils de Gaza.
La France sera toujours un artisan de la sécurité et de la stabilité au Proche-Orient ; elle sera toujours du côté du droit international. Le Parlement débattra de la situation dès la semaine prochaine. (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur quelques travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe CRCE-K ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.)
Attentat d'Arras (I)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du RDSE) Trois années ont passé, mais la douleur de l'assassinat de Samuel Paty est encore présente. La plaie est rouverte à vif par l'assassinat de Dominique Bernard, dans ma ville d'Arras.
Une fois de plus, l'école est une cible pour ceux qui en veulent à la République. Mais le terroriste a trouvé sur son chemin des héros : enseignants, agents, policiers, ils ont sauvé de nombreuses vies au péril de la leur. Les mots sont trop faibles pour leur rendre hommage.
Le temps est au deuil, mais le recueillement n'occulte pas tout à fait les questions.
Après trois décennies d'attentats et une trentaine de lois, nous possédons un arsenal juridique. Est-il suffisant ? L'attentat d'Arras prouve qu'il y a des failles. Mais une énième loi de circonstance n'aurait guère d'intérêt. J'en appelle à la sagesse du Sénat pour trouver dans la future loi Immigration des réponses justes et fermes.
Il faut miser surtout sur une véritable politique éducative et parentale, pour réarmer moralement la jeunesse : l'école doit demeurer un sanctuaire à l'abri de la violence de certains foyers et des idéologies mortifères, un lieu où l'on s'émancipe par l'apprentissage.
Monsieur le ministre, comment allez-vous assurer la protection des établissements scolaires ? Grilles et circulaires ne suffiront pas. Qu'allez-vous faire pour que le travail éducatif et civique de Samuel Paty, de Dominique Bernard et de tous les enseignants de notre pays ne soit pas vain ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et du RDSE ainsi que sur quelques travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Ensemble, à Arras, nous avons rencontré une communauté éducative traumatisée, mais debout, qui a choisi de rouvrir le collège dès le lendemain de l'attentat. Je rends hommage à cette exemplaire mobilisation dans ces circonstances dramatiques.
Dominique Bernard est tombé en héros. Ses collègues qui sont intervenus ont également été héroïques. Mais la vocation d'un enseignant est de sauver des vies par la pédagogie, pas en s'interposant entre un terroriste armé et des élèves. Notre responsabilité est de leur assurer, ainsi qu'à tous les personnels et aux élèves, les conditions nécessaires de sécurité et de sérénité.
S'agissant de la sécurité des bâtiments, j'ai rencontré les présidents d'association d'élus et nous publierons dans quelques heures une déclaration commune. Des progrès ont été accomplis depuis 2015, lorsqu'a été engagé un travail massif de sécurisation, avec des plans de mise à l'abri qui ont probablement évité un carnage à Arras, où la réaction du personnel a été exemplaire. Nous sommes déterminés à aller plus loin, de concert.
Nous devons assurer aussi la sécurité intellectuelle de nos enseignants. L'école doit rester un sanctuaire - et, là où c'est nécessaire, le redevenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudit également.)
Attentat d'Arras (II)
Mme Monique de Marco . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Trois ans après Samuel Paty, un autre professeur, Dominique Bernard, est mort assassiné. Nos pensées vont à ses proches, ses élèves et ses collègues. À travers nos enseignants, ce sont le savoir et nos valeurs qui sont attaqués.
L'école ne peut être la seule réponse à cette violence dont l'effondrement de l'État social fait le lit. Elle doit rester un lieu de transmission du savoir et d'émancipation, de tolérance et de vivre-ensemble, où la communauté éducative se sent entendue. Malgré la sidération, la colère et la tristesse, elle ne doit pas devenir une forteresse.
Lundi dernier, alors qu'une minute de silence était observée dans tous les établissements, notre commission d'enquête sur le traitement des menaces et agressions contre les enseignants a repris ses travaux. La faiblesse de la formation des enseignants a été pointée. J'interpellais déjà M. Blanquer sur cette question il y a trois ans, mais rien n'a changé. On parle d'un retour aux écoles normales, mais est-ce la solution ?
Hier, la soeur de Samuel Paty a dénoncé le défaut d'accompagnement institutionnel auquel s'est heurté son frère. Les récentes circulaires n'ont en rien amélioré la prise en compte de la parole des enseignants. Cette surdité institutionnelle est accablante.
Au-delà des discours de circonstance, nous attendons des actes. Quels seront les vôtres, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Merci d'avoir rappelé la mission fondamentale de l'école, qui est la raison même pour laquelle les terroristes islamistes s'en prennent à elle. Ils veulent éloigner le plus grand nombre du savoir pour imposer leur obscurantisme ; notre école accueille tout le monde. Ils veulent soumettre les femmes ; notre école accueille toutes les petites filles avec tous les petits garçons de France. Ils veulent imposer le règne de la religion ; notre école impose celui de la République et de la laïcité.
En matière de laïcité, le soutien aux enseignants doit être absolu. Il passe par des actes clairs. C'est pourquoi, à la rentrée, j'ai pris une décision importante pour assurer le respect de la loi de 2004 sur les tenues religieuses à l'école. Malheureusement, des voix politiques ont manqué au soutien de cette mesure nécessaire. (Applaudissements au centre et à droite) Nous, responsables politiques, devons être unis pour défendre ces valeurs.
Oui, la formation des enseignants est un enjeu crucial. La formation initiale est en cours de refonte, en liaison avec les syndicats. En matière de formation continue, nous avons mis en place des modules sur la laïcité ; les 1,3 million d'agents de l'éducation nationale seront formés d'ici 2027.
J'espère pouvoir compter sur l'ensemble de la représentation nationale pour nous accompagner. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Attentat d'Arras (III)
M. Jean-François Rapin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.) Les mots ne réparent pas les coeurs, n'assèchent pas les pleurs ; mais parfois, ils réconfortent.
Mais comment des mots pourraient-ils exprimer l'impensable, une fois de plus reproduit à Arras ? Une immense colère nous envahit tous, même si nous devons rester dignes en de telles circonstances. Mais la retenue politiquement correcte, nous en sommes coupables après le père Hamel, après Nice, après Charlie, après le Bataclan et le Stade de France, après Samuel Paty et, aujourd'hui, après Dominique Bernard.
Cette colère, par quels mots et, surtout, quels actes allez-vous tenter de l'apaiser ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Je partage vos mots et votre colère, après que, dans notre région, on s'est attaqué à un professeur. Le corps enseignant a réagi avec courage et dignité. Les policiers sont intervenus avec courage et en moins de quatre minutes.
Sans faiblir, nous devons prendre des mesures pour que cela ne se reproduise pas.
Sur le projet de loi immigration, je ferai miennes les modifications du Sénat. J'ai pour boussole la fermeté nécessaire, notamment pour l'intégration et contre les délinquants étrangers, qui ne peuvent rester sur notre sol.
Mon autre boussole est l'efficacité. J'aborde ce texte compliqué avec des idées simples. Si des propositions, d'où qu'elles viennent, permettent de faire preuve de fermeté contre ceux qui veulent attenter aux valeurs françaises et aux libertés publiques, qui veulent, fondamentalement, blesser la nation, j'y serai favorable.
Travaillons ensemble, dans un esprit de concorde nationale. (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur des travées des groupes INDEP et UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Rapin. - La situation perdurera si rien n'est fait. Pendant des années, les ennemis de la France ont bénéficié d'une trop grande tolérance. Nos faiblesses apparaissent au grand jour : des OQTF prononcées par la justice sont contrariées par une minorité d'activistes trop écoutés et, malheureusement, entendus. (Applaudissements à droite ; murmures sur certaines travées du GEST)
Agissez contre les ennemis de la République : que ceux qui n'aiment pas la France partent ! Nous ne les retenons pas ; et, surtout, nous ne devons pas les attirer, ni en France ni en Europe. Car moi, la France, je l'aime. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Attentat d'Arras (IV)
Mme Nadège Havet . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Lundi dernier, dans toute la France, nous nous sommes rassemblés pour rendre hommage à Dominique Bernard, assassiné trois ans après Samuel Paty - deux enseignants tombés sous les coups d'une barbarie qui porte un nom : le terrorisme islamiste.
Nous saluons le courage de celles et ceux qui se sont interposés et des forces de l'ordre, qui sont intervenues rapidement. Nous pensons à nos amis belges et suédois, également endeuillés.
Dominique Bernard était un porteur de flambeau, alors que le djihadisme se projette contre l'école, qui est au coeur de notre République et de sa promesse d'émancipation. Ne tombons pas dans les pièges tendus par les fanatiques, en faisant des amalgames ou en nous divisant. Réaffirmons, ensemble, nos valeurs communes, dont la laïcité.
Je pense à Caroline Fourest, qui, parmi d'autres, défend le génie de la laïcité, dénonçant les renoncements du « pas de vague » ou nés d'un cynisme électoral. Cessons, comme elle le dit, de penser que l'école laïque est islamophobe. La laïcité est le principe qui permet de croire ou de ne pas croire : défendons ce cadre de neutralité, condition de notre vie collective.
Il est impératif que la parole des enseignants menacés se libère. Comment mieux les protéger ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Oui, la parole doit être libre. Pour que les enseignants, les personnels de direction et l'ensemble des équipes éducatives signalent les atteintes à nos valeurs, en particulier à la laïcité, il faut qu'ils aient la certitude d'être soutenus et suivis. Notre attitude à cet égard doit être très claire et très ferme.
À la veille des hommages à Samuel Paty et Dominique Bernard, j'ai été très clair : toute contestation, provocation ou perturbation donnerait lieu à des sanctions exemplaires et à la saisine de la justice. Près de 360 faits ont été signalés, dont certains s'apparentent à des menaces de mort ou à l'apologie du terrorisme. Ce sont autant de signalements faits au procureur et autant de procédures disciplinaires engagées. Pour les cas les plus graves, plusieurs dizaines, j'ai demandé l'exclusion sans délai des élèves concernés. (On s'en félicite à droite.)
Si nous ne sommes pas fermes et clairs, nous n'arriverons pas à faire appliquer nos règles. D'aucuns parlent de criminalisation d'élèves. Mais, le crime, ce serait de laisser faire !
Le souvenir de professeurs tombés pour l'école, on ne le piétine pas : on l'honore. Et l'autorité de l'école et de la République, on ne la conteste pas : on s'y soumet. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)
Attentat d'Arras (V)
M. Louis Vogel . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Samuel Paty, Dominique Bernard... Comment en sommes-nous arrivés là ? L'école républicaine est un lieu où chacun peut tirer le meilleur de lui-même, le creuset de notre démocratie et de notre unité nationale. Mais nous avons laissé le pacte républicain se faire grignoter par petits bouts. Nous sommes désormais engagés dans un combat de valeurs : la République contre l'intégrisme, les Lumières contre l'obscurantisme, la démocratie contre le fanatisme.
Ce n'est pas un hasard si les professeurs d'histoire sont les premières cibles. Mais tous les enseignants sont en première ligne et leurs témoignages se multiplient : intimidations, menaces, harcèlement sur les réseaux sociaux...
Comme les élus, les enseignants sont les garants de l'ordre républicain. Nous devons les protéger. Mais cela ne suffit pas. Nous devrions peut-être aussi les laisser moins seuls dans leur mission d'éducation civique ; intervenir dès leur formation, pour les préparer à leur rôle de hussards noirs de la République. Que comptez-vous faire pour mieux aider nos enseignants ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)
M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Un enseignant sur deux déclare s'être déjà autocensuré dans ses enseignements par crainte des représailles. C'est dire combien le phénomène est structurant : il touche les professeurs d'histoire-géographie, de lettres, de philosophie, de sciences de la vie et de la terre. Nous devons le regarder en face et nous montrer implacables : être aux côtés de nos enseignants et prendre des sanctions exemplaires.
Nous devons aussi rappeler en toutes circonstances que la relation entre l'enseignant et les élèves n'est pas une relation d'égal à égal...
M. Laurent Duplomb. - Eh bien quand même !
M. Gabriel Attal, ministre. - Il y a celui qui sait, et ceux qui apprennent. Cette évidence doit malheureusement être rappelée.
Nous devons aussi travailler avec les enseignants pour adapter le format de certains cours. Comme l'ont évoqué devant moi des enseignants sur le terrain, on pourrait imaginer de leur adjoindre, à leur demande, des membres du personnel de l'Éducation nationale lors des cours sur la laïcité - je pense aux équipes Valeurs de la République des rectorats - pour les décharger d'une partie de leur responsabilité. Nous étudions ces pistes avec les organisations syndicales représentatives des enseignants. Je sais pouvoir compter sur la représentation nationale pour ce chantier fondamental pour notre école, donc pour notre République. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP et du RDSE)
Attentat d'Arras (VI)
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Alors que, comme l'écrivait Jean Zay, l'école devrait être « l'asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas », un enseignant a de nouveau été assassiné dans son établissement, plongeant le pays dans la sidération. Le RDSE s'associe aux hommages à Dominique Bernard, tombé parce que professeur, tombé parce qu'il tenait, selon les mots de Jaurès, « l'intelligence et l'âme des enfants en ses mains ».
L'assassin s'est attaqué à dessein au lieu où se forment l'esprit critique et la liberté de conscience, là où lui-même avait étudié. Ce drame doit nous interroger sur la pérennité de notre modèle républicain.
Je vous ai interrogé en juin dernier sur la banalisation de la violence au quotidien. Je souhaiterais à nouveau vous parler de culture citoyenne et du sens de l'engagement. Je sais le Gouvernement attentif au sujet, notamment avec le service national universel (SNU).
Vous nous trouverez à vos côtés : nous discuterons prochainement une proposition de loi d'Henri Cabanel visant à renforcer la culture citoyenne. Chacun doit pouvoir s'inscrire dans une société apaisée. Quels sont vos projets pour favoriser l'éveil à la citoyenneté ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Vous rappelez la mission fondamentale de l'école : former une communauté de républicains et de citoyens éclairés.
C'est pourquoi l'enseignement moral et civique est fondamental. Mon prédécesseur avait saisi le Conseil supérieur des programmes afin de le réformer. Les constats sont connus : les cours n'ont pas lieu partout, car ils servent souvent de variable d'ajustement - ce qui pose la question de l'étendue des programmes d'histoire. Il faut recentrer leur contenu et renforcer leur volume horaire. Nous y travaillons avec Prisca Thévenot et avec la représentation nationale - j'en ai notamment convenu avec le président de votre commission de la culture.
Ensuite, il y a le SNU, auquel je tiens beaucoup, que j'avais lancé en 2018 et que Prisca Thévenot poursuit. Je veux en faire un moment clé dans la formation des citoyens en France. Il faut aller vers la généralisation afin de former une communauté de citoyens et républicains éclairés et unis. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Attentat d'Arras (VII)
M. Jérôme Darras . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Vendredi, alors que les manifestants quittaient tranquillement la place des Héros après avoir participé au débat démocratique qui fait la grandeur de notre pays, les rues d'Arras retentissaient de sirènes hurlantes, et Dominique Bernard tombait sous les coups de couteau d'un terroriste islamiste. Arras, le Pas-de-Calais et la France entière étaient frappés par la barbarie au coeur du lieu où la République exerce sa mission la plus noble, nous replongeant dans l'horreur des attentats de 2015 et de l'assassinat de Samuel Paty.
La République est en deuil. Je salue la famille de Dominique Bernard, formule des voeux de rétablissement pour les blessés et exprime toute ma solidarité avec les élèves et la communauté éducative. Je salue le courage des forces de sécurité et de secours.
Rassemblons-nous autour de la liberté, de l'égalité, de la fraternité et de la laïcité.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué le contexte au Proche-Orient. Avez-vous connaissance d'une menace particulière qui y serait liée ?
Comment résoudre la redoutable équation entre fermeté et respect de l'État de droit, inventé par nos Lumières ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE-K ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Depuis que je suis ministre de l'intérieur, je n'ai de cesse de rappeler l'importance de la menace terroriste, singulièrement islamiste. À ce jour, 43 attentats islamistes ont été déjoués, un tous les mois et demi ; 1 500 personnes ont été interpellées, en lien avec le terrorisme, depuis cinq ans ; 6 500 personnes par an sont mises sous surveillance. Pas moins de 922 fichés S irréguliers ont été expulsés. Sur les 489 qui restent, la moitié est en prison, les autres en rétention administrative, assignés à résidence ou en contentieux juridique - j'espère à cet égard que la loi immigration permettra d'aller plus vite, plus fort, plus ferme.
La menace exogène augmente certes, du fait de la situation au Sahel, au Proche Orient, en Afghanistan, au Levant.
Mais la menace principale est endogène : une ubérisation du terrorisme, qui se nourrit de complots sur internet, qui attend la publication de caricatures, de prétendus blasphèmes pour passer à l'acte. Il existe un djihadisme d'atmosphère, lié à l'écosystème islamiste. C'est cela que le Gouvernement combat, par la loi contre le séparatisme, par les lois contre le terrorisme, et grâce aux services de renseignement.
S'il n'y a pas de menace directe et organisée liée à la situation en Israël, il est évident que le climat n'est pas bon. J'ai une pensée pour nos compatriotes de confession juive qui ont peur : la République les protège, chaque jour et chaque nuit. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)
Attentat d'Arras (VIII)
Mme Annick Petrus . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Une rage sourde et la crainte envahissent le monde enseignant : comment peut-on mourir d'enseigner en France ?
J'ai passé 35 ans à enseigner et j'ai été heureuse chaque matin de me rendre à mon établissement. Je ne suis pas sûre que ce serait encore le cas aujourd'hui.
À la colère et à la tristesse s'ajoute l'effroi à l'idée que n'importe quel enseignant peut devenir une cible.
Dans une société de plus en plus violente, les professeurs sont souvent seuls face à de potentiels assaillants, qui profitent de l'interclasse pour entrer et tuer. Ils ne veulent pas de minutes de silence, le bras le long du corps et la montre en main. Ils veulent enseigner, instruire, élever : c'est leur destin. Et ils veulent un soutien clair et sans faille de l'État.
Qu'entendez-vous mettre en oeuvre pour qu'ils puissent assurer leur mission ? Comment comptez-vous les réarmer et leur assurer une formation digne de ce que furent les écoles normales à la fin du XIXe siècle ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Dominique Théophile applaudit également.)
M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Vous avez raison, notre école a été la cible de terroristes islamistes, car elle promeut des valeurs contraires aux leurs. Elle ne doit jamais céder un iota sur ce terrain.
Depuis vendredi dernier, 860 000 enseignants se disent que cela aurait pu être eux. Leur sécurité est notre responsabilité.
J'ai rencontré les associations d'élus ce midi ; nous sommes unis pour assurer cette sécurité. Des efforts ont été réalisés ces dernières années - formation face aux intrusions, équipements... Mais il faut aller encore plus loin.
L'État ne s'est pas dérobé devant ses responsabilités. Depuis 2017, le ministère de l'intérieur a consacré 100 millions d'euros à sécuriser les établissements publics dans le cadre du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Nous continuerons en ce sens, à travers notamment le prochain projet de loi de finances.
Nous devons aux enseignants la sécurité de leurs établissements pour la sérénité de leur enseignement. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Prélèvements Agirc-Arrco
Mme Monique Lubin . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Après ces graves et nécessaires questions liées au drame qu'a vécu notre République, je dois changer de sujet.
Monsieur le ministre du travail, confirmez-vous votre intention de ponctionner, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, les caisses de l'Agirc-Arrco de 1 à 3 milliards d'euros ? Quels sont vos arguments ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et du CRCE-K, ainsi que du GEST)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion . - L'Agirc-Arrco est bien gérée par les partenaires sociaux.
M. Rachid Temal. - Ah, la démocratie sociale !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Il y a quatre ans, ils ont voté une décote sur les pensions, à titre provisoire certes, de ceux qui partent à la retraite avant 65 ans.
L'Agirc-Arrco dégage déjà des excédents. Nous considérons que la réforme des retraites dégagera, à horizon 2026, des excédents supplémentaires à hauteur de 1,2 milliard d'euros. Pour l'Agirc-Arrco, ce serait 1 milliard. L'écart est mince. (Marques d'ironie à gauche)
Avec la Première ministre, nous estimons que ce rendement supplémentaire doit participer au retour à l'équilibre général du système de retraite. Les partenaires sociaux optent, eux, pour une revalorisation des pensions et la suppression de la décote, soit 1 milliard d'euros de dépenses publiques supplémentaires. Dans les trois années à venir, nous devrons trouver des marges. Nous continuerons les discussions avec les partenaires sociaux quant à l'usage de ces excédents. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Monique Lubin. - Je suis heureuse de vous entendre dire que ces excédents proviennent de sacrifices consentis par les salariés du privé, qui, à partir de la génération de 1957, ont accepté une baisse de 10 % de leurs retraites complémentaires. Les générations suivantes devront travailler deux à trois ans de plus. Voilà comment les caisses de l'Agirc-Arrco se remplissent, pour financer les retraites !
Autrement dit, les salariés font tous les sacrifices ! (Applaudissements à gauche) Ils travaillent plus longtemps, acceptent de gagner moins. On leur refuse même un grand débat sur les salaires. Ils sont la force vive de ce pays, mais le Gouvernement ne semble pas les aimer. J'en veux pour preuve les propos du ministre des relations avec le Parlement, qui fustige les partenaires sociaux, sous-entendant qu'ils seraient des irresponsables parce qu'ils refuseraient de refinancer le système des retraites. (Applaudissements à gauche)
Filet de sécurité pour les collectivités territoriales (I)
M. Fabien Genet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Gouvernement a publié hier la liste des collectivités bénéficiant du filet de sécurité énergétique et les montants perçus. Je me fais le relais des profondes inquiétudes des maires face à l'explosion de leurs budgets. Ils attendaient ce filet pour investir pour plus de sobriété et ainsi réaliser des économies.
Le Sénat vous a alerté dès 2022 sur l'usine à gaz inventée par Bercy. Ce filet s'est transformé en nasse : il ne soutient que 2 942 collectivités, dix fois moins qu'annoncé. Cette nasse n'aurait pas déplu au marquis de Sade (murmures) : elle oblige près de 3 000 collectivités à rembourser l'acompte perçu ! Deux communes sur trois sont concernées en Saône-et-Loire. Après le piteux échec des contrats de confiance, voilà le nouveau filet de la défiance entre l'État et les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe SER ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - (« Ah ! » sur de nombreuses travées) À l'été 2022...
Une voix à gauche. - Rendez l'argent !
M. Christophe Béchu, ministre. - ... vous défendiez un article dans la loi de finances rectificative, pour accorder une dotation de 430 millions d'euros aux communes impactées par la hausse du prix de l'énergie et celle du point d'indice.
Nous avons acté conjointement un montant, et trois critères : épargne brute représentant moins de 22 % des recettes de fonctionnement, et ayant baissé de plus de 25 % en 2022, potentiel fiscal inférieur au double de la moyenne de leur groupe.
La consolidation des comptes administratifs de l'année 2022 par la direction générale des finances publiques a permis d'arrêter la liste. Ainsi, certaines communes n'ont pas droit à l'aide. Quelques chiffres : 4 000 acomptes versés, pour 3 000 bénéficiaires réels, un montant consolidé de 405 millions d'euros, très proche de la somme globale décidée ensemble.
Les sommes sont parfois significatives : 9 millions d'euros pour Lille, 7 millions pour Rennes...
M. Mathieu Darnaud. - Et la ruralité ?
M. Christophe Béchu, ministre. - En Saône-et-Loire, 364 000 euros pour Montchanin, 275 000 euros pour Montceau-les-Mines. Le Gouvernement a écouté le Parlement et a ventilé les crédits. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)
M. Jean-François Husson. - Il fallait écouter le Sénat ! (On acquiesce à droite.)
M. Fabien Genet. - Votre filet est à la sécurité ce que le match de dimanche soir est à la Coupe du monde de rugby : un immense espoir devenu une terrible déception.
Mme Cécile Cukierman. - Voilà !
M. Fabien Genet. - À la fin, c'est toujours Bercy qui gagne, en dépensant moins que prévu. C'est injuste, et surtout révélateur du peu de confiance que les collectivités peuvent porter à votre action gouvernementale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et SER)
Crise du logement
Mme Amel Gacquerre . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il y a quelques jours, le congrès HLM réunissait les acteurs du logement à Nantes. Le constat est accablant : alors que 2,5 millions de ménages sont en attente d'un logement social, seuls 85 000 logements seront mis en chantier cette année.
Soutien à la transition écologique, bonification des prêts, prorogation du prêt à taux zéro (PTZ) pour l'accession sociale à la propriété : les annonces vont certes dans le bon sens mais n'enrayerons pas la crise.
L'État est massivement intervenu à chaque grande crise du logement : dans l'après-guerre, dans les années 1970-1980. Pourtant, votre projet de loi de finances ne semble pas prendre la mesure des enjeux, de la massification de la rénovation thermique au logement des étudiants et des plus fragiles.
Il est temps de tenir un discours de vérité, de clarté. Quelles sont vos stratégies ? Vos priorités ? Les professionnels du secteur manquent cruellement de visibilité. Comment répondrez-vous à leurs attentes et, surtout, avec quels moyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement . - Le Gouvernement est parfaitement conscient de la crise du logement (marques d'ironie sur les travées du groupe SER) et a engagé des mesures fortes pour y répondre, y compris dans le projet de loi de finances pour 2024.
Nous nous intéressons à tous les fondamentaux de la politique du logement. Il n'y a pas une recette magique, mais de nombreux ingrédients.
Pour ce qui est de l'accession à la propriété, le PTZ a été recentré, les plafonds augmentés et le périmètre élargi. (Mme Dominique Estrosi Sassone proteste.) Au total, dans les zones concernées, il bénéficiera à 70 % de nos concitoyens, contre 50 % auparavant. (Mme Sophie Primas proteste.) Les plafonds du bail solidaire ont été rehaussés : il y aura davantage de PTZ, malgré des taux d'emprunt à 3,8 %.
Pour ce qui est du logement social (Mmes Dominique Estrosi Sassone et Sophie Primas renouvellent leurs protestations), 14 milliards d'euros de prêts bonifiés. Le mouvement HLM a signé cet accord...
Mme Cécile Cukierman. - Il n'avait pas le choix !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - ... car il a bien compris, lui, qu'il permet d'accélérer. (Protestations nourries à gauche)
J'ai annoncé ce matin la création d'une nouvelle démarche « Territoire engagé pour le logement » (vives exclamations et marques d'ironie à droite comme à gauche), pour accélérer la production de logements. Les préfets devront identifier les sites les plus adaptés. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Mme Amel Gacquerre. - Bref, tout va très bien dans le meilleur des mondes possibles ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Je ne doute pas que vous fassiez des efforts, mais avons besoin de visibilité, s'il vous plaît ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Occupations illicites de logements
M. Cyril Pellevat . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis six ans, les habitants d'un immeuble d'Annemasse vivent une situation ubuesque : un faux syndic, créé par quelques copropriétaires sur simple déclaration auprès de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), en a pris possession. Cela a commencé par la facturation de fausses prestations. Le vrai syndic a porté plainte en 2022, plainte refusée par la police. Le procureur, lui, n'a pas donné suite.
Ensuite, deux appartements vides ont été spoliés, puis loués à l'insu de leurs propriétaires. En septembre 2023, le faux syndic a expulsé frauduleusement deux locataires, puis signé un faux bail pour empocher les loyers. Les arrestations ne sont intervenues qu'après la médiatisation de l'affaire.
Dans notre État de droit, comment ces pratiques mafieuses ont-elles pu durer aussi longtemps ? Comment l'Anah a-t-elle accepté l'immatriculation du faux syndic ? Comment expliquez-vous le refus de plainte ? Pourquoi des arrestations si tardives ? La représentation nationale a pourtant voté des dispositions cette année pour expulser plus rapidement les squatteurs.
Il ne reste aux victimes de squats que le tribunal médiatique. Comment assurerez-vous le traitement efficace des plaintes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Dominique Théophile applaudissent également.)
M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement . - La situation d'Annemasse méritera un examen particulier. Le Gouvernement s'est largement mobilisé contre le squat (quelques marques d'ironie à gauche), aux côtés des parlementaires. Les moyens existent. Depuis juillet 2023, les peines maximales pour le délit de violation de domicile ont été triplées : trois ans et 45 000 euros d'amende. Le délit d'occupation frauduleuse des locaux à usage divers a élargi le spectre du squat : il est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
Mais il faut aussi libérer les lieux. Depuis 2020, le préfet peut accélérer les expulsions, sous 48 heures. En 2021, 170 propriétaires ont ainsi récupéré leurs locaux. (M. Loïc Hervé s'exclame.)
Vous le voyez, le Gouvernement protège le droit constitutionnel à la propriété. (MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Stéphane Demilly applaudissent.)
Filet de sécurité pour les collectivités territoriales (II)
M. David Ros . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les finances locales sont sous tension. Alors que les conseils municipaux s'apprêtent à voter leurs décisions budgétaires modificatives, les mauvaises nouvelles tombent comme les feuilles à l'automne : non-compensation de la hausse du point d'indice, inflation, baisse drastique des droits de mutation...
Et voilà qu'un arrêté sur le filet de sécurité est publié, qui en réduit encore le nombre de bénéficiaires. Pourtant, le comité des finances locales vous avait alerté : « trop peu, trop tard, trop compliqué ».
Des 22 000 bénéficiaires annoncés dans l'enthousiasme, il n'en reste plus que 6 531. Et si l'on retranche les 3 500 qui vont devoir rembourser les sommes perçues, on tombe à moins de 3 000...
Confirmez-vous ces chiffres ? Exigerez-vous ces remboursements ? Quel soutien financier apporterez-vous l'année prochaine aux communes qui font face à l'inflation ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - C'est le Parlement qui a défini les critères du filet de sécurité. Pour tenir compte des critiques, les critères pour 2023 ont été réduits à deux, et les crédits sont passés de 400 millions à 1,5 milliard d'euros. Oui, le filet pour 2022 était moins généreux, avec des critères et des crédits différents. Vous avez décidé d'élargir le filet pour 2023. Pour notre part, nous avons respecté le vote du Parlement.
Sur les acomptes reçus par 4 000 communes, quelque 60 millions d'euros n'étaient pas justifiés. Consigne a été donnée à la DGFiP d'en lisser le remboursement sur plusieurs années. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)
M. David Ros. - C'était donc bien un filet de pêche pour draguer les communes ! Mais pour celles qui devront rembourser, ce filet les fera plonger. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Pêche
M. Alain Cadec . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Avec le plan d'aide dit « Ukraine », la pêche a bénéficié d'une aide de 20 centimes d'euro par litre de carburant. L'annonce de l'arrêt du versement de cette aide au 15 octobre a provoqué une levée de boucliers des pêcheurs.
Le gazole est leur principal poste de dépense, or il ne cesse d'augmenter. Au Guilvinec, monsieur le ministre, vous avez annoncé - à grand renfort de communication - la prolongation de cette aide jusqu'au 4 décembre. Mais cela ne change rien !
Vous avez également annoncé une ristourne de Total de 13 centimes l'année prochaine, dans le cadre de l'introduction de biocarburants dans le gazole. Pouvez-vous nous confirmer cette aide ? Est-elle eurocompatible ? Quelle en sera la durée ? Sa mise en place risque de prendre du temps, car peu de ports fournissent du biocarburant.
Alors que le Brexit a entamé notre capacité de production, nous devons faire entendre notre voix à Bruxelles. La situation est grave : voulons-nous la mort de la pêche française et importer davantage de produits qui ne respectent pas nos normes ? Sauvons notre modèle ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Didier Marie et Franck Montaugé applaudissent également.)
M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer . - La pêche est une activité essentielle pour nos territoires et notre souveraineté. Nous devons accompagner tous nos pêcheurs, qui exercent un métier difficile.
Parce que nous croyons en l'avenir de notre pêche, nous la soutenons avec force et constance. La voix de la France porte : à la demande du Président de la République et de la Première ministre, nous avons prolongé à quatre reprises l'aide au carburant, dispositif unique en Europe, doté de 75 millions d'euros. De plus, le plafond est passé de 30 000 à 330 000 euros.
L'État continue de se mobiliser aux côtés des pêcheurs : nous avons demandé une prolongation de l'aide au carburant l'année prochaine, ainsi que le relèvement du plafond.
Au Guilvinec, il ne s'agissait pas de communication, mais de l'annonce de mesures concrètes et attendues. (M. Didier Mandelli le conteste.)
Notre responsabilité est aussi de préparer l'avenir, notamment la transition énergétique. C'est pourquoi nous avons annoncé 450 millions d'euros d'aides pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles : il y va de notre souveraineté énergétique et alimentaire. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Zones d'accélération des énergies renouvelables
Mme Annick Jacquemet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Afin de porter la part d'énergies renouvelables à 33 % de notre consommation finale d'énergie d'ici à 2030, la loi Accélération des énergies renouvelables demande aux communes de définir des zones d'accélération des énergies renouvelables.
Dans le Doubs comme ailleurs, de nombreuses difficultés d'application apparaissent. Alors que les décrets d'application ne sont pas parus, les élus doivent, avant le 31 décembre, identifier les zones d'accélération, modifier les documents d'urbanisme, consulter la population et s'inscrire sur un portail numérique dédié - qui n'est même pas opérationnel...
Quand les décrets seront-ils publiés ? Seront-ils bien conformes à l'esprit de la loi ? Sans cela, les élus ne pourront entamer leurs démarches. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique . - Votre question témoigne de votre engagement en faveur des énergies renouvelables.
Avec la loi Accélération des énergies renouvelables, largement votée au Sénat, les élus locaux sont placés au coeur de la planification énergétique. Les maires peuvent définir des zones d'accélération des énergies renouvelables, mais aussi des zones d'interdiction. Ainsi, les élus qui s'engagent bénéficieront des avantages ouverts par la loi, dont le partage de la valeur des projets.
Madame Jacquemet, nul besoin de décret pour définir ces zones : le portail cartographique et les points d'entrée en préfecture sont d'ores et déjà opérationnels. J'ai écrit aux 35 000 maires et présidents d'intercommunalité pour les en informer.
Les documents d'urbanisme n'ont pas à être modifiés ; il suffit de transmettre le zonage souhaité aux comités régionaux de l'énergie.
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Enfin, le 31 décembre n'est pas un butoir, mais ne ralentissons pas les communes qui sont déjà au travail. J'organise des conférences chaque mois pour accompagner les communes. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Modifications de l'ordre du jour
M. le président. - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l'inscription à l'ordre du jour du mardi 24 octobre, l'après-midi, d'une déclaration, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à la situation au Proche-Orient. (On s'en félicite sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce débat pourrait avoir lieu à partir de 17 h 30.
Il en est ainsi décidé.
Par ailleurs, le Gouvernement demande le retrait de l'ordre du jour des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique, inscrites le mercredi 8 novembre.
Acte est donné de cette demande.
M. Loïc Hervé. - Très bien !
CMP (Nominations)
M. le président. - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur le projet de loi pour le plein emploi ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
Prochaine séance, lundi 23 octobre 2023, à 16 heures.
La séance est levée à 16 h 20.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du lundi 23 octobre 2023
Séance publique
À 16 heures et le soir
Présidence : Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Mathieu Darnaud, vice-président
Secrétaires : M. François Bonhomme - Mme Nicole Bonnefoy
1. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux services express régionaux métropolitains (n°749, 2022-2023)
2. Proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP, présentée par M. Vincent Capo-Canellas et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée) (n°943, 2022-2023)