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Table des matières
Prérogatives d'une commission d'enquête
Établissements de spectacles cinématographiques dans les outre-mer (Procédure accélérée)
Mme Catherine Conconne, auteure de la proposition de loi
Mme Sylvie Robert, rapporteure de la commission de la culture
M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer
Discussion de l'article unique
Protection des mineurs et honorabilité dans le sport
M. Sebastien Pla, auteur de la proposition de loi
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur de la commission de la culture
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques
Mme Sonia de La Provôté, auteure de la proposition de loi
Mme Nadia Sollogoub, rapporteur de la commission des affaires sociales
Discussion de l'article unique
Organisation de la navigation aérienne en cas de mouvement social (Procédure accélérée)
M. Vincent Capo-Canellas, auteur de la proposition de loi
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports
Mme Sylvie Robert, auteure de la proposition de loi
M. Michel Canévet, rapporteur de la commission des finances
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports
Ordre du jour du mardi 20 juin 2023
SÉANCE
du jeudi 15 juin 2023
100e séance de la session ordinaire 2022-2023
Présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président
Secrétaires : Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Prérogatives d'une commission d'enquête
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des demandes de la commission de la culture et de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu'il leur confère, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête pour mener une mission conjointe de contrôle afin d'examiner la question du signalement et du traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes.
Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat lors de la séance du 14 juin dernier.
Le Sénat se prononce favorablement.
Établissements de spectacles cinématographiques dans les outre-mer (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre-mer, présentée par Mme Catherine Conconne et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe SER.
Discussion générale
Mme Catherine Conconne, auteure de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.) Je remercie tous ceux qui ont permis à cette initiative de prospérer : mon groupe politique qui l'a inscrite dans sa niche, les ministères, les professionnels du secteur.
Ce texte est symbolique pour ladite outre-mer. Je vous parlerai de culture, dans des territoires où l'offre repose sur des acteurs fragiles.
Qu'est-ce que la culture ? demandait le père de la nation martiniquaise. C'est ce qui rend le monde vivable et la mort affrontable. Elle repousse les horizons, ouvre les imaginaires, et doit à ce titre être préservée des règles qui régissent l'économie. La France le sait bien, qui est à l'origine de l'exception culturelle.
Je vous parlerai aussi de vie chère : bien des familles consacrent l'intégralité de leurs revenus au logement, à la nourriture et au transport. Autant dire que la culture est loin d'être prioritaire. Le cinéma reste un loisir accessible, cependant, et une sortie prisée des familles et des jeunes. Nous devons donc en assurer la survie.
En effet, les cinémas en outre-mer subissent l'attaque coordonnée des distributeurs, notamment américains, qui veulent augmenter le taux de location, c'est-à-dire leur part dans les entrées. Historiquement fixé, chez nous, à 35 %, ce taux permet aux distributeurs de se rémunérer, aux exploitants de se développer, avec un ticket abordable. Sans contrainte légale, il s'est imposé sur tout le territoire car il correspond à une réalité économique.
Les distributeurs veulent désormais le fixer à 50 % comme dans l'Hexagone, ce que rien ne justifie. Un tel taux ne pourrait être absorbé par les exploitants, a fortiori après deux ans de crise covid. Cela conduirait à fermer plusieurs établissements en Guyane, et tous ceux de Guadeloupe, à arrêter les projets d'investissement. En 2018, un inspecteur général des finances préconisait - déjà - un plafonnement du taux de location. Les cinémas ont tenté de négocier, en lien avec le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), mais les distributeurs n'ont rien voulu savoir. Le pot de terre affronte le pot de fer.
Quand le marché échoue, c'est à la puissance publique d'intervenir. La force de la France est dans sa culture de la solidarité et de l'équité. Notre population porte encore les stigmates de l'injustice : lors de la grande crise sociale de 2009, ce sentiment de révolte avait vu naître le néologisme légitime de pwofitasyon. Les enfants de ces pays, en responsabilité, doivent traquer tout ce qui contribue à cette impression.
Je salue votre action, monsieur le ministre. Hier, nous nous battions pour une meilleure continuité territoriale. Vous vous impliquez dans les initiatives des territoires pour réguler la vie chère, avec le bouclier qualité prix (BQP). Il faut oser, bousculer l'ordre établi, « marronner »...
Notre proposition de loi, de bon sens, plafonne les taux de location à 35 % en outre-mer et assure la pérennité des établissements. Ce taux est pourtant en vigueur depuis des décennies, les distributeurs l'ont toujours accepté ! Ils ne vont pas retirer leurs films parce qu'on leur impose de renoncer à une pwofitasyon supplémentaire. Je préfère croire que chacun retrouvera la raison. Nous en sortirons tous gagnants, exploitants, distributeurs et citoyens.
Je me réjouis que ce texte ait convaincu en commission et remercie Sylvie Robert, éprise de culture, de l'avoir défendu. J'espère que le Sénat partagera nos objectifs. Nos territoires dits d'outre-mer nous regardent et attendent qu'on les défende. Ne les décevons pas. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST ; MM. Thani Mohamed Soilihi, Michel Savin et François-Noël Buffet applaudissent également.)
Mme Sylvie Robert, rapporteure de la commission de la culture . - Cette proposition de loi tire la conséquence de l'échec des négociations menées sous l'égide du CNC entre exploitants et distributeurs.
Céline Boulay-Espéronnier, Sonia de La Provôté et Jérémy Bacchi se sont intéressés, dans leur récent rapport sur l'industrie cinématographique, à la situation des distributeurs, chaînon entre les exploitants et les producteurs. La loi encadre la fraction des recettes qui leur revient : entre 25 et 50 %. En métropole, elle est en moyenne de 47 % ; le reste va aux exploitants.
L'outre-mer se singularise de deux manières : TVA de 2,1 % contre 5,5 % en métropole, et taxe sur le prix des entrées, dite TSA, de 5 % contre 10,72 %. Le prix du billet y est plus élevé, l'assiette est donc plus importante. La distribution était assurée au niveau local, souvent par les exploitants eux-mêmes. De ce fait, le taux revenant aux distributeurs s'est établi à 35 %, divisé à parité entre distributeurs nationaux et locaux.
En accord avec les exploitants, les distributeurs ont cependant voulu assumer directement la distribution en outre-mer, d'où des négociations pour fixer la nouvelle répartition des recettes.
Marché étroit, salaires : la vie est chère outre-mer et l'activité économique difficile, le coût d'exploitation des cinémas plus élevé, comme l'ont montré plusieurs rapports des inspections générales. Dès lors, les négociations devraient prendre en compte la volonté des distributeurs d'améliorer leurs revenus en contrepartie d'investissements, et la nécessité pour les cinémas d'une exploitation économique viable.
Mais la négociation a échoué, et une large majorité des exploitants fait valoir le risque de déstabilisation qu'engendrerait un alignement du taux sur la métropole. La situation est bloquée, le législateur se devait de prendre position. Un accord peut encore être conclu.
Je regrette cette scission entre distributeurs et exploitants, et entre exploitants eux-mêmes car l'un d'entre eux s'est dissocié des autres.
Pour les distributeurs, les conséquences sont à relativiser. Les départements d'outre-mer représentent 1,7 % des entrées nationales. Avec une part de 35 %, ils toucheraient, en valeur absolue, à peu près le même montant sur chaque billet qu'en métropole : autour de 2,70 euros. C'est une nette amélioration par rapport à la situation antérieure où ils ne touchaient que la moitié des 35 % revenant à la distribution.
Nous ne pouvons nier le risque d'une moindre implication des distributeurs en outre-mer, mais la grande majorité suivra le chemin tracé par cette proposition de loi. Je vous invite donc à la voter, pour préserver les droits culturels en outre-mer. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que du GEST ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)
M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer . - J'arrive de l'Assemblée nationale où la proposition de loi de Françoise Gatel sur la représentation des communes au sein des conseils communautaires vient d'être adoptée conforme. (Applaudissements sur plusieurs travées)
Andreï Tarkovski disait que le cinéma, c'est l'art de sculpter le temps. Depuis ma prise de fonctions, je m'efforce, avec les forces vives des sociétés ultramarines, de faire de la culture un moteur central du développement de ces territoires.
Le cinéma est l'un des derniers venus dans la panoplie des arts. Mais avec quel panache il est entré dans notre imaginaire, avec son cortège de métiers, manuels, artistiques, artisanaux, et le désir de peindre la vie comme de la changer, de transfigurer la réalité ou de la condamner ! C'est un art total, et il est comme chez lui en outre-mer.
Mais c'est aussi une industrie, et je salue l'engagement de France 2030 pour le financement de studios en outre-mer. La régulation publique doit être partout.
Comment accède-t-on au cinéma dans nos territoires ultramarins ? On se résigne trop à dire que l'art y arrivera de toute façon, au hasard des conjonctures. Il faut parfois suspendre la chance, actionner la volonté, comme le fait la proposition de loi de Catherine Conconne.
Le cinéma, donc, est l'art de sculpter le temps ; et les populations ultramarines voudraient le trouver chez eux. Dans un monde idéal, il y aurait une liberté commerciale régulée par la liberté des prix. Le code du cinéma et de l'image animée encadre cette liberté, avec une TVA réduite à 5,5 % et la TSA, qui finance le CNC, à 10,72 %. La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) perçoit entre 1,51 et 2,02 %. C'est sur ce qui reste du prix du billet que l'exploitant et le distributeur se mettent d'accord, avec un taux revenant au distributeur « librement débattu entre un pourcentage minimum fixé à 25 % et un pourcentage maximum fixé à 50 % », dit la loi. Ce qui est en débat, c'est la portée de ce « librement ».
On parle beaucoup de liberté dans notre société, et c'est tant mieux : nous n'aurions plus ni utilité ni estime si nous dussions échouer à la protéger contre la licence de dominer induite par une position trop avantageuse. L'action publique entre en scène s'il y a un doute sur l'équilibre des échanges et la justesse d'un accord obtenu, si l'intérêt général est lésé : c'est le cas.
Le taux de location est fixé en outre-mer à 35 %, contre 47 % dans l'Hexagone, ce que justifient les spécificités ultramarines. Non, on n'arrive pas à faire vivre nos compatriotes ultramarins avec les règles de tout le monde. Vingt et un établissements et 1 % du parc national : derrière ces chiffres se cache l'infini des imaginaires. Les coûts liés à la sécurité, aux charges d'exploitation, à l'usure accélérée des matériels, à l'investissement, aux contraintes de l'éloignement auraient enterré ces équipements sans adaptation si la République n'avait pas aménagé des adaptations : une TVA à 2,1 % et une TSA à 5 %.
Le rapport commandé par le CNC en 2018 recommandait déjà un plafonnement du taux de location par la loi, pointant la faible rentabilité des salles ultramarines. La proposition de loi prévoit donc un taux de location plafonné à 35 % et non de 50 % comme en métropole.
Sage compromis, alors que le dialogue est engagé depuis des années. Les positions ne se sont pas accordées, même si elles se sont rapprochées. Tout le monde souhaite faire évoluer le modèle de la sous-distribution. Ce texte n'épuise pas la marge de négociation des acteurs ; il existe d'autres outils de liberté commerciale.
Le danger de mort pour les exploitants est réel : avec une situation sanitaire plus difficile, les recettes ont baissé, même si le taux de fréquentation est récemment remonté.
Tout le monde a deux métiers : le sien et celui de critique de cinéma, disait Truffaut. (On apprécie la citation sur plusieurs travées.) Le cinéma est un art à partager, à comprendre, à disséquer. Priver nos compatriotes de la joie d'enrichir leur imaginaire serait une grande erreur. L'équilibre n'est pas aisé à trouver : peut-être y parviendrons-nous grâce à ce texte.
Je dois malheureusement partir à La Haye pour défendre nos outre-mer. M. Riester me suppléera pour la suite de la discussion. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe SER)
Mme Sylvie Robert . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je suis toujours ravie que l'on parle de culture dans cet hémicycle, en particulier dans nos outre-mer. Cette proposition de loi est une dernière chance de préserver le cinéma dans ces territoires, où la situation est très périlleuse en période de reprise post-covid.
Pourquoi le législateur doit-il intervenir ? Pour garantir l'accessibilité des populations ultramarines au cinéma, pilier de la culture française. Le législateur n'aime pas forcément se mêler de tout, mais il régule, par nécessité.
Les exploitants ne survivraient pas à un relèvement du taux de location. Or sans exploitant, pas de salle, pas de diffusion, pas de culture. Nous sommes des garants de l'intérêt général, non des exploitants ou des distributeurs, mais des populations ultramarines, qui ont le droit d'accéder à la culture - autant que celles de la métropole.
L'inspection générale des affaires culturelles (Igac) le soulignait en 2013 : l'offre est limitée et contrainte dans les outre-mer, alors que la sortie au cinéma y est une tradition forte. Les points de projection s'y étaient multipliés dans les années 1950 et 1960. Ce passé cinématographique est aujourd'hui mis à mal : en métropole, on compte un écran pour 11 340 habitants, contre un pour 27 300 en outre-mer.
S'y ajoutent les surcoûts structurels - coût de construction et exigences associées notamment - qui touchent tous les domaines artistiques. Le prix du livre, à cause du coût du transport, est ainsi plus élevé. Je suggère d'ailleurs un débat en séance publique sur l'accessibilité de la culture en outre-mer.
À travers le plafonnement du taux de location, nous tendons vers l'idéal politique d'un égal accès à la culture, formulé dans le préambule de la Constitution de 1946. Si le législateur ne mène pas ce combat, qui le fera ?
Comme en métropole, la population doit aussi avoir accès à des films d'auteur : il faudra évaluer l'impact de cette proposition de loi en la matière, sans oublier la réciprocité car le film d'auteur ultramarin, à la riche histoire, doit aussi être diffusé en métropole.
Je remercie Mme Conconne, qui oeuvre pour la justice et la promotion des droits culturels en présentant ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, UC et du GEST)
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Je demande une suspension de séance, pour laisser le temps à M. Riester de venir me remplacer.
M. le président. - M. Riester peut-il se presser ? Quand on doit relayer un ministre, on ne fait pas attendre tout le Sénat.
La séance est suspendue quelques instants.
Mme Éliane Assassi . - Il y a quelques semaines, la France accueillait le festival de Cannes. Aimé Césaire disait de la culture que « c'est tout ce que l'homme a inventé pour rendre le monde vivable et la mort affrontable ». Mon ami Jack Ralite, ce poète en politique, avait coutume de rappeler que la culture est un droit et un bonheur. Il faut donc s'assurer de son accessibilité pour toutes et tous.
Le cinéma, art populaire, a souffert de la crise sanitaire et de l'essor des plateformes, dans l'Hexagone comme en outre-mer. C'est dans ce contexte que les distributeurs de films veulent porter le taux de location de 35 à 50 %.
L'offre culturelle en outre-mer fait face à de nombreuses contraintes, déjà rappelées, et à des investissements et coûts d'exploitation plus élevés. Le billet y est plus cher, alors que la fiscalité est moindre.
L'échec des négociations engagées entre distributeurs et exploitants touche au principe fondamental de la diffusion culturelle. Les distributeurs prétendent éviter l'appauvrissement de l'offre, les exploitants pointent une menace existentielle, alors que les prix augmentent partout dans un contexte de crise sociale et renchérissement de l'énergie.
Il est regrettable que la seule issue soit la voie législative. Nous espérons cependant que ce texte sera un levier d'apaisement. Le groupe CRCE sera vigilant. Agissons avec responsabilité, car les conséquences pour le cinéma en outre-mer risquent d'être importantes. L'intérêt général est notre boussole : mon groupe votera cette proposition de loi. (Mme Catherine Conconne et M. Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
M. Pierre-Antoine Levi . - Le cinéma est une activité populaire dans les outre-mer, structurée autour de quelques acteurs privés. Les coûts d'exploitation y sont plus élevés qu'en métropole.
Le taux de location, pourcentage sur le prix du billet reversé par l'exploitant au distributeur, a historiquement été fixé à 35 % en outre-mer. Les grands distributeurs souhaitent l'aligner sur le taux en métropole, proche du plafond légal de 50 %, ce qui serait insoutenable pour les exploitants. On craint des fermetures de salle.
Cette proposition de loi, soutenue par les exploitants, maintient le plafond de 35 % dans ladite outre-mer. Toutefois, douze organisations professionnelles de distributeurs s'y sont opposées, soulignant ses effets contre-productifs sur la diversité de l'offre.
Reste que les coûts d'investissement par fauteuil des exploitants sont plus élevés outre-mer qu'en métropole - plus de 9 000 euros contre 4 500 -, tout comme les coûts d'acheminement des matériels, les normes parasismiques et anticycloniques, la climatisation permanente, l'usure des matériels due à l'humidité et la sécurité.
Il est essentiel de préserver la culture outre-mer via des taux de location équitables. Il faut aussi prendre en compte les pertes de recettes occasionnées par la crise covid. Le risque est aussi important pour le consommateur : des places à plus de 14 euros aggraveraient encore la crise du secteur. Le cinéma doit être accessible à tous, indépendamment du lieu de résidence. Nous voterons ce texte. (Applaudissements)
M. Bernard Fialaire . - « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture, » proclame l'alinéa 13 du préambule de la Constitution de 1946.
Tout le monde ne peut pas aller au Louvre et à l'Opéra. Le cinéma, lui, est une expérience authentique et accessible à tous.
La situation des salles outre-mer diffère de celles de métropole : l'équilibre économique est particulier, le marché restreint, les coûts d'exploitation plus élevés. La rentabilité est donc moindre, malgré la taxation avantageuse et un prix du billet élevé. Le taux de location, fixé entre 25 et 50 %, est historiquement de 35 % outre-mer.
Mais compte tenu du prix du billet et de la fiscalité, la différence reste faible entre ce que perçoit le distributeur outre-mer et en métropole : 2,70 euros contre 2,78 euros. Or les distributeurs veulent un taux de location aligné sur la métropole, tout en reprenant à leur charge la distribution locale, jusqu'ici assurée par un intermédiaire spécialisé.
De nombreux exploitants craignent de devoir mettre la clé sous la porte ; les distributeurs, eux, menacent de réduire l'offre outre-mer et donc l'accessibilité des oeuvres. Le rapport de force est déséquilibré, même si l'enjeu financier est limité.
L'exception culturelle française prend tout son sens : l'égalité n'est pas l'uniformité. Nous espérons que cette proposition de loi, que nous voterons, donnera un nouveau souffle aux négociations. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)
Mme Céline Boulay-Espéronnier . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Les territoires régis par l'article 73 de la Constitution comptent 21 établissements actifs. En outre-mer, le cinéma est un vecteur essentiel de divertissement, d'ouverture au monde et de socialisation. Depuis le covid, avec l'essor les plateformes, le secteur est en crise, même si les spectateurs reviennent dans les salles.
Le rapport de notre mission d'information, rédigé avec Sonia de La Provôté, Jérémy Bacchi, identifie trois atouts majeurs : une offre diversifiée, un succès populaire jamais démenti, et des financements publics à hauteur de 25 %, ce qui est unique. Outre-mer, exploiter une salle coûte plus cher : la sécurité y représente 10 % des charges, contre 1 % en métropole - ce qui justifie une TVA et une TSA plus faibles.
Le taux de location, plus avantageux, est le fruit d'un consensus ancien que les distributeurs veulent remettre en cause, invoquant les coûts nouveaux liés à la distribution directe. La rapporteure Sylvie Robert, dont je salue le travail, y voit plutôt d'une position du principe. La viabilité des exploitants est en jeu, alors que le prix du billet est sensiblement plus élevé qu'en métropole. Évitons des prix dissuasifs pour les familles. Le maintien d'un taux à 35 % était d'ailleurs préconisé par l'IGF en 2018.
En attendant une reprise apaisée des négociations lancées à l'initiative du CNC, notre groupe soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Thani Mohamed Soilihi et Mme Catherine Conconne applaudissent également.)
M. Jean-Pierre Grand . - Malgré une reprise début 2023, la crise sanitaire a fait du mal aux exploitants partout en France. Outre-mer, elle s'ajoute aux surcoûts. La base film y est plus élevée, mais l'équilibre économique des exploitants est menacé. Le billet y coûte plus cher, ce qui questionne sur l'égalité de l'accès à la culture.
La rentabilité économique des établissements est précaire. Augmenter le taux de location entraînerait sûrement des fermetures, alors qu'il n'y a que trois établissements en Martinique, un seul à Mayotte.
On peut regretter que les négociations aient échoué. Cette proposition de loi illustre la nécessité d'adapter notre droit aux spécificités des outre-mer. Nous espérons cependant qu'elle ne conduira pas à un appauvrissement de l'offre, mais au contraire relancera les négociations entre acteurs ; nous la voterons. (Mme Catherine Conconne et M. Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
Mme Monique de Marco . - Les salles de cinéma outre-mer ne sont pas qu'obscures, elles sont aussi fraîches, et l'on s'y réfugie volontiers. Dans ce pays de la saison unique, pour reprendre les mots d'Édouard Glissant, la climatisation y est permanente. D'où un coût d'investissement par fauteuil deux fois plus élevé que dans l'Hexagone, qui explique un taux de location plus faible depuis cinquante ans.
Les distributeurs le remettent aujourd'hui en cause, après le contournement des intermédiaires locaux au profit d'une distribution en direct, le tout dans un contexte d'inflation grave. Une commission d'enquête de l'Assemblée nationale invite le Gouvernement à agir sur le coût de la vie outre-mer. Les exploitants subissent la « captivité économique », contrairement aux distributeurs, d'autant que dans ces territoires durement touchés par le covid, la fréquentation reste inférieure de 32 % en 2022 par rapport à 2017-2019.
Nous voterons cette proposition de loi, qui favorise l'accès au cinéma dans ces territoires. Espérons qu'à terme, le goût du cinéma fasse naître de nouvelles vocations dans des territoires qui disposent de tous les atouts pour attirer les tournages, grâce à une formation renforcée des jeunes et l'aide sélective du CNC. Mais va-t-on soutenir le développement des films si les salles ferment ? (Quelques applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)
M. Thani Mohamed Soilihi . - Le cinéma transcende les frontières, les langues et les cultures, nous divertit, nous fait réfléchir et nous connecte avec le monde entier : chacun, dans l'Hexagone et outre-mer, devrait y avoir accès. Or à Mayotte, par exemple, il n'existe que deux établissements, au fonctionnement irrégulier.
Prix du billet plus élevé, contraintes géologiques et climatiques : les cinémas d'outre-mer sont fragilisés, d'où un fossé culturel inacceptable. Les distributeurs pèsent de tout leur poids pour aligner le taux de location sur celui de l'Hexagone. C'est David contre Goliath !
La hausse de ce taux entraînerait celle du prix du billet, accentuerait le report vers les plateformes et pousserait les établissements à la fermeture. Pourtant, le cinéma combat l'oisiveté et favorise la cohésion sociale - dans mon département, la fermeture des cinémas serait délétère. Aussi le RDPI soutiendra-t-il vivement la proposition de loi. Merci au Gouvernement d'avoir engagé la procédure accélérée.
M. le ministre exposait tout à l'heure les mesures de soutien à nos établissements. L'investissement est essentiel ; il faut aussi soutenir la création locale et son rayonnement national et international.
En votant cette proposition de loi, nous rappelons que l'accès au cinéma est un droit fondamental, indépendamment de la géographie. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes UC et SER)
Discussion de l'article unique
À la demande du groupe SER, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°304 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 341 |
Contre | 0 |
L'article unique est adopté. En conséquence, la proposition de loi est adoptée. (Applaudissements)
M. le président. - Je vous félicite, madame Conconne, pour cette rare unanimité.
Mme Catherine Conconne. - Merci pour cette belle unanimité. Le grand poète a dit : « Tous les hommes ont des devoirs, mais du lot commun il y en a qui ont plus de devoirs que d'autres ».
C'est par sens du devoir que je me bats, au quotidien, pour réclamer plus d'équité et un regard différent sur nos pays à cette République qui s'accommode désormais de sa bienfaisante diversité et fait aujourd'hui honneur à la notion d'équité. Le lien ne doit pas se couper, tel est mon message aux distributeurs : ce n'est pas une loi contre vous ! Le principe des négociations, ce devrait être ces valeurs républicaines. (Applaudissements)
Protection des mineurs et honorabilité dans le sport
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport, présentée par M. Sebastien Pla et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe SER.
Discussion générale
M. Sebastien Pla, auteur de la proposition de loi . - Nous ne voulons plus voir une larme de honte couler sur la joue d'un enfant qui fait du sport, mais seulement des larmes de joie et des étoiles dans les yeux.
Nous avons le devoir de protéger nos enfants, trop nombreux à souffrir dans le silence de leur enfance volée, ployant sous le fardeau qui a brisé leur âme après avoir brisé leur corps.
Écoutons leurs témoignages ; 75 % des enfants connaissent leur agresseur, mais peu le dénoncent par honte et crainte des représailles. Les vestiaires, les douches, l'internat et les soirées festives sont autant de terrains de chasse des prédateurs. L'autorité déstabilise le rapport de force, d'autant que le masculin et l'omerta prédominent.
Sarah Abitbol, dix fois championne de France, médaille de bronze olympique, a porté ce secret durant trente ans. Son témoignage a entraîné 200 athlètes de 40 fédérations dans son sillage. Le coupable n'était pas elle, mais son entraîneur, dont on redoutait la colère et le charisme, qui avait la confiance des parents et lui avait demandé de taire son lourd secret, selon un mécanisme d'emprise bien rodé.
Seules 40 % des victimes sont allées jusqu'au procès, à cause de la prescription, mais aussi de la honte. Celle-ci doit changer de camp.
Ce texte est une proposition de loi Sarah Abitbol, que je porte avec émotion. Je sais pouvoir compter sur vous, chers collègues, madame la ministre. Sanctuarisons le sport. Chaque enfant doit être en sécurité.
J'ai été bouleversé par les témoignages des victimes et la violence des situations, dont les dirigeants de clubs n'ont pas tous pris la mesure. Certains, bénévoles, reconnaissent manquer de formation et de temps. Un sportif sur sept aurait fait l'objet d'atteintes. Il faut couper l'herbe sous le pied des prédateurs et gravir cet Everest pas à pas.
Cette proposition de loi n'est qu'un pas de plus. Accompagnons Mme la ministre dans son combat pour le sport éthique.
En 2019, le rapport de la mission d'information sur la répression des violences contre les mineurs appelait à un renforcement des contrôles de l'honorabilité de tous les adultes en contact avec les mineurs. La loi d'août 2021 confortant le respect des principes de la République a étendu ce contrôle aux éducateurs sportifs bénévoles. Demeurent toutefois des situations où des adultes non contrôlés sont en contact avec des enfants. Je propose d'inverser la charge de la preuve. Il faut responsabiliser le monde sportif. Que les agresseurs se sentent traqués et que l'on forme forment une chaîne de protection autour des enfants.
Merci au rapporteur Lozach qui a enrichi le texte en conciliant son ambition avec la nécessaire préservation du bénévolat. Je salue cette démarche collective et transpartisane.
Il faut agir, et vite. Ainsi, la commission a renforcé le régime d'incapacité et prévu un pouvoir coercitif des préfets. Nous proposons de renforcer le contrôle d'honorabilité, à l'instar de ce qui existe pour le secteur social et médico-social depuis la loi Taquet de 2022 : toute condamnation, même si elle ne figure plus au deuxième bulletin (B2) du casier judiciaire, doit entraîner une incapacité d'exercer.
Sur la moitié des éducateurs sportifs qui ont été contrôlés, la cellule ministérielle a prononcé 440 incapacités. Il faut contrôler chaque année les deux millions d'éducateurs. Je fais miennes les modifications unanimes de la commission de la culture.
C'est au quotidien, dans les clubs, que l'on remportera ce combat. Il faut donc réfléchir à la désignation d'un référent intégrité par club, en contact avec la cellule Signal-sports.
Je remercie les sportifs, artistes, et associations de victimes qui signent ce matin une tribune dans L'Équipe en soutien à ce texte.
Madame la ministre, à la veille de la Coupe du monde de rugby et des jeux Olympiques, je vous propose de décréter la lutte contre les violences sexuelles dans le sport grande cause internationale. Que les sportifs des équipes de France portent ce message sur leur maillot. Soyons dignes du courage des victimes, luttons pour que la honte change de camp. (Vifs applaudissements)
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur de la commission de la culture . - En 2018, la mission d'information sur les violences sexuelles sur mineurs en institutions dressait le terrible constat d'un dispositif de protection aléatoire et insuffisant, dans un secteur où l'omerta a longtemps régné.
Mais les révélations d'athlètes comme Sarah Abitbol ont été un électrochoc. Le volontarisme de la ministre Maracineanu, confirmé depuis, a aussi joué : 907 signalements ont ainsi conduit à 424 interdictions d'exercer. Madame la ministre, vous avez lancé un comité présidé par Marie-George Buffet et Stéphane Diagana pour renforcer l'éthique dans le sport, dont une des missions est de protéger les pratiquants contre toute forme de violence et de discrimination.
Dans la loi d'août 2021, le Sénat a introduit l'obligation pour les clubs de relever l'identité complète des personnes intervenant auprès des mineurs, préalable au contrôle automatisé de leur honorabilité. En quelques mois, la moitié des éducateurs a été contrôlée. Certes il reste du travail, mais quel chemin parcouru ! Les contrôles seront bientôt routiniers.
Cette proposition de loi renforce la protection des mineurs et comble des trous dans la raquette, en prévoyant notamment une vérification à la fois dans le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais) et le B2 du casier judiciaire.
Les échanges avec le mouvement sportif et les services du ministère ont été très constructifs. La commission de la culture a réécrit le texte pour aligner, alléger, responsabiliser.
Nous avons aligné le contrôle des éducateurs sportifs sur le secteur social et médico-social, qui prévoit une consultation du Fijais où les condamnations figurent vingt ans - dix ans si l'auteur est mineur - même lorsqu'elles ont été effacées du B2.
C'était une attente forte des fédérations et du ministère, confrontés à des contentieux de la part d'éducateurs qui ont parfois obtenu l'annulation d'arrêtés d'incapacité d'exercer en raison d'un B2 vide. Nous interdisons aussi la fonction d'éducateurs sportifs aux personnes condamnées à l'étranger.
Nous créons un contrôle annuel de l'honorabilité, tout en allégeant les obligations des présidents des clubs, notamment le contrôle du B3, qui n'est pas exhaustif. Ce contrôle doit rester une prérogative régalienne, dans un contexte de crise du bénévolat.
Nous responsabilisons les dirigeants en leur imposant de signaler des comportements dangereux au préfet. Certains signalent des faits au procureur, mais hésitent à le faire à l'administration, faute de base légale.
Nous prévoyons aussi des sanctions contre les dirigeants qui ferment les yeux sur de telles pratiques : si le préfet peut prendre une mesure contre les sportifs, il n'existe pas actuellement de sanction contre les dirigeants de club, sinon la fermeture administrative. La sanction administrative que nous créons pourra être prise dans trois cas : lorsque le dirigeant fait porter un risque pour les sportifs, lorsqu'il maintient un éducateur sportif frappé d'incapacité d'exercer ou lorsqu'il refuse d'informer le préfet de comportements déviants.
Cette proposition de loi est attendue par le mouvement sportif. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes SER et UC ; MM. Jacques Grosperrin et Michel Savin applaudissent également.)
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques . - Un enfant sur sept est victime de violences dans le sport. Derrière ce chiffre effrayant, combien d'enfants en souffrance, de vies abîmées, parfois brisées ?
Nous devons regarder avec lucidité ces violences, qui prennent des formes diverses : violences physiques, psychologiques, harcèlement, agression, emprise ou encore viol, du sport amateur au plus haut niveau. Les victimes sont à 80 % des mineurs. Le mal touche toutes les disciplines.
Après une prise de conscience collective, hélas bien tardive, nous avons enfin engagé une lutte sans merci contre ces violences, avec comme boussole : tolérance zéro.
Depuis trois ans, nous avons renforcé notre arsenal : création de la cellule Signal-sports, qui a déjà traité 900 dossiers depuis 2020, dont 90 % à caractère sexuel ; signalement systématique au procureur de la République, comme l'impose l'article 40 du code de procédure pénale ; inspections et enquêtes administratives, mesures d'interdiction d'exercer ou fermetures d'établissements sportifs ; mesures disciplinaires, enfin, contre les fédérations qui ont failli.
Cette action commence à porter ses fruits, pour les victimes, grâce à l'allongement des délais de prescription, mais aussi contre les bourreaux, avec plus de 400 interdictions d'exercer et plus de 1 000 mis en cause.
Mais des faits gravissimes sont régulièrement révélés, signe qu'il faut faire mieux encore. C'est pourquoi je remercie Sebastien Pla pour sa proposition de loi, fruit d'un engagement de longue date. Je rends hommage à Sarah Abitbol, dont le témoignage a déclenché un véritable #MeToo sportif : en lui remettant l'ordre national du Mérite, je lui ai dit que nous ne lâcherions rien pour libérer la parole, mais aussi l'écoute.
Je salue aussi le rapporteur, dont l'expertise n'est plus à démontrer, et plus largement l'esprit constructif qui a prévalu dans vos travaux.
Le volet répressif doit s'accompagner d'un renforcement de la prévention, même si un casier vierge n'empêche pas des actes terribles.
Ces dernières années, nous sommes montés en puissance par le biais du contrôle d'honorabilité, c'est-à-dire la vérification des antécédents judiciaires. Autrefois limité aux 250 000 éducateurs titulaires d'une carte professionnelle, il concerne désormais plus de 2 millions de personnes, notamment les éducateurs bénévoles, les juges et arbitres, les maîtres-nageurs et tous les intervenants auprès de mineurs.
Nous avons déployé un dispositif automatisé qui repose sur la remontée des données par les clubs et sur un système d'information dédié. En complément, les services de l'État réalisent des contrôles ponctuels, sans jamais pénaliser le bénévolat ni les clubs locaux.
Les 40 000 cartes professionnelles délivrées chaque année aux éducateurs sportifs font désormais l'objet d'un contrôle systématique. Les fédérations de football, de boxe et de handball ont doublé les contrôles sur les bénévoles. Au 31 mai dernier, près de 1 million de personnes ont été contrôlées et plus de 130 mesures de police administrative prononcées.
Cela dit, nous avons encore des marges de progression. Ce texte y pourvoit, notamment en renforçant l'équilibre entre le rôle régalien de l'État et la responsabilisation des instances sportives.
La consécration législative des modalités concrètes de réalisation de contrôle d'honorabilité prend la forme d'une vérification annuelle du B2 et du Fijais. L'interdiction pourra être prononcée même en cas d'effacement du B2 dès lors que la condamnation subsiste au Fijais. Le préfet pourra interdire d'exercice les responsables d'établissements d'activités physiques et sportives (EAPS), ce qui comble un vide juridique.
Enfin, l'instauration de l'obligation de signalement à l'autorité administrative en cas de comportement inquiétant systématisera les remontées et permettra au préfet d'agir. Un amendement du rapporteur lui donne une dimension nationale, à travers l'obligation pour toute fédération agréée de faire remonter les signalements aux services du ministère. La boucle est bouclée.
Si le sport est devenu un fait social total, pour citer Marcel Mauss, c'est aussi par ses valeurs. Nous en sommes les gardiens, à l'approche de plusieurs grands événements sportifs majeurs.
J'ai demandé à Marie-George Buffet et Stéphane Diagana d'intégrer ces objectifs dans les travaux du Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport, qu'ils coprésident.
Je souhaite que cette proposition de loi soit adoptée rapidement à l'Assemblée nationale et veillerai à sa bonne application. (Applaudissements sur les travées du RDPI et à gauche)
Mme Céline Brulin . - Les violences sexuelles n'épargnent pas le milieu sportif. Il faut poursuivre la lutte contre ces phénomènes.
Je salue les victimes qui ont osé prendre la parole. C'est difficile, on le sait, mais le retentissement de ces « affaires » a suscité une réelle prise de conscience.
La cellule créée par votre prédécesseur a recueilli 907 signalements pour 424 interdictions d'exercer. Vous poursuivez dans cette voie avec le Comité pour l'éthique et la vie démocratique dans le sport.
Le sport doit rester une source d'épanouissement pour les jeunes.
Cette proposition de loi donnera une base légale à la cellule Signal-sports, dont il faudra aussi renforcer les moyens.
Le contrôle systématique d'honorabilité sera élargi aux éducateurs bénévoles, 90 % des éducateurs sportifs. Il s'inspire du secteur social et médico-social. À juste titre, la responsabilité du contrôle pèse sur les services de l'État, car il serait contreproductif de faire contrôler le casier judiciaire de bénévoles par les dirigeants sportifs, dans un contexte de crise du bénévolat.
D'autant que la loi Sécurité globale réserve l'agrément en qualité de dirigeant ou d'associé aux personnes dont le casier B2 est vierge, ce qui est plus large que le seul contrôle de l'honorabilité. Le sport peut être une source de réhabilitation : ne lui retirons pas cette dimension. Le bon outil, c'est le Fijais.
Les clubs, les ligues, les fédérations doivent favoriser un environnement serein, effectuer les signalements, non exercer des contrôles. La formation des dirigeants et bénévoles est essentielle : là encore, il faut des moyens.
Nous voterons ce texte. Loin de jeter l'opprobre sur les acteurs qui font vivre le mouvement sportif, nous pensons qu'il les aidera. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes SER et UC ; MM. Michel Savin et Jacques Grosperrin applaudissent également.)
M. Pierre-Antoine Levi . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jacques Grosperrin applaudit également.) Je remercie Sebastien Pla pour son engagement. Le sport est un moyen de s'épanouir, de cultiver de belles valeurs. Cependant, certains individus mal intentionnés profitent de leur proximité avec les jeunes athlètes pour commettre des actes abjects.
Le contrôle actuellement exercé par les clubs est insuffisant. L'État doit s'assurer, via des protocoles rigoureux, de l'honorabilité de toute personne amenée à intervenir auprès de mineurs. La protection des mineurs est une priorité absolue, les jeunes athlètes doivent pouvoir s'épanouir dans un environnement sécurisé.
Selon une étude de l'Institut national d'études démographiques (Ined), 15 % des adultes auraient subi pendant leur enfance des violences sexuelles, entraînant des épisodes dépressifs ou anxieux, des troubles phobiques ou alimentaires, des tentatives de suicide. Les troubles post-traumatiques durent des années. Parfois, le processus de désocialisation peut conduire à la rue ou à la prostitution.
Des témoignages courageux ont sensibilisé le grand public : 610 affaires ont été signalées à la cellule depuis 2020 ; 73 % concernent des faits commis ces dix dernières années, et 107 portent sur la seule saison 2020-2021. Au total, 655 personnes sont mises en cause, et 206 enquêtes sont en cours. La plupart des fédérations sont concernées.
Nous devons exiger un double contrôle, tant par les clubs que par l'État. Certes, il faut protéger la vie privée, mais la protection des mineurs doit prévaloir. Les éducateurs sportifs doivent être dignes de confiance : le texte prévoit donc un contrôle annuel du B2 et du Fijais. Les condamnations par une juridiction étrangère seront également vérifiées.
L'amendement n°4 du rapporteur donne une base légale à la cellule Signal-sports, essentielle pour faire remonter l'information. L'amendement n°5 permet de sanctionner un président de club qui emploierait un éducateur sportif interdit d'exercer par le préfet. C'est une mesure essentielle pour garantir la sécurité de nos jeunes athlètes.
Le groupe UC votera avec conviction ce texte, en espérant son application rapide. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Jean-Claude Requier . - Les violences sexuelles touchent tous les sports, du patinage au rugby. Avec la libération de la parole, ce phénomène longtemps tabou sort peu à peu des vestiaires.
Chaque année, 160 000 mineurs seraient victimes de violences sexuelles, selon la Commission indépendante sur l'inceste. Le milieu du sport, amateur comme professionnel, ne fait pas exception, d'autant que la sacralisation de l'entraîneur a longtemps nourri l'omerta. Cette proposition de loi vise à accélérer la prise de conscience.
Le sport promeut les valeurs de respect, de discipline, de persévérance. Il ne doit pas être le terrain de chasse de prédateurs !
En France, l'encadrement repose principalement sur des bénévoles, or seuls les éducateurs professionnels font l'objet d'un contrôle systématique et annuel de leur honorabilité. Le RDSE, qui se veut le relai éclairé des besoins de nos concitoyens, salue l'extension de cette obligation aux bénévoles.
Depuis 2020, la cellule de signalement a permis de contrôler l'honorabilité de la moitié des bénévoles au contact des mineurs, mais cela reste insuffisant. Les éducateurs sportifs bénévoles, les arbitres et les exploitants d'EAPS ne sont pas soumis à un contrôle systématique. Ce texte met un terme à cette anomalie en traduisant dans le champ sportif des avancées de la loi Taquet. Les contrôles seront annuels ; l'inscription d'une condamnation au Fijais, même effacée du B2, entraînera l'interdiction d'exercer. L'obligation pour les dirigeants de clubs de signaler tout comportement suspect responsabilisera les acteurs.
Le RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Jacques Grosperrin . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Je félicite Sebastien Pla et Jean-Jacques Lozach pour leur travail. Est « honorable » celui qui mérite estime et considération. Je me réjouis de la prise de conscience, certes tardive, qu'il faut un contrôle systématique des bénévoles au contact de mineurs. Il fallait étendre au champ sportif les mesures prises pour le secteur social et médico-social. Trop de présidents de club ferment les yeux ; certains ont pu eux-mêmes commettre des abus.
Je voterai sans état d'âme cette proposition de loi. La France souffre du syndrome de Vichy : ne confondons pas la méprisable délation et la dénonciation, obligatoire dès qu'il y a violence sur les mineurs.
Madame la ministre, vous êtes la 25e ministre de plein exercice. Nous avons eu des hauts-commissaires, comme Maurice Herzog, des ministres sous tutelle du ministère de la ville, de la santé ou de l'éducation nationale. Je regrette qu'un ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ne se soit pas emparé de ce dossier, et que vous ne soyez pas aussi ministre de la jeunesse !
Trop de loi tue la loi, disait Pompidou. Mais comment s'assurer qu'il n'y aura pas de trous dans la raquette ? Quid des sports qui n'ont pas de fédération officielle, des écoles de dessin, de musique ou de théâtre ?
Inversons le mode opératoire et centrons-nous sur l'enfant, sa construction et ses représentations.
L'école est le lieu de la sensibilisation et de la prévention. On peut instaurer des cours d'éducation sexuelle, des ambassadeurs, mais l'essentiel demeure le socle commun des compétences, qui rassemble les valeurs et aptitudes préparant à l'exercice de la citoyenneté. Son huitième pilier englobe la formation de la personne et du citoyen, le respect des choix personnels et la responsabilisation individuelle.
Il faudrait créer un neuvième pilier - cela relève du pouvoir réglementaire - autour du rapport au corps et de la liberté dans ce domaine. L'école doit être un lieu d'échanges et de libération de la parole.
Prenons garde, toutefois, à ne pas légiférer toujours plus. Comme judoka, habitué des clés de bras et des étranglements, je pense à la douleur... Veillons à ne pas nuire au sport.
Madame la ministre, je vous souhaite, l'année prochaine, une grande moisson de médailles d'or ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Sebastien Pla applaudit également.)
M. le président. - J'espère que personne ne sera étranglé dans cet hémicycle... (Sourires)
En accord avec le groupe SER, nous irons au terme de l'examen de ce texte, quitte à dépasser 13 heures.
M. Jean-Pierre Grand . - Fondamental pour l'épanouissement des enfants, école de la vie, le sport peut aussi engendrer des situations à risques, en raison de l'emprise des entraîneurs sur les pratiquants. Un sportif sur dix déclare avoir été victime d'agressions sexuelles au cours de sa carrière.
Voilà plusieurs années que le Sénat travaille sur les violences sexuelles sur mineurs, se montrant ainsi à l'avant-garde. Dès 2019, une mission commune d'information avait insisté sur le renforcement nécessaire du contrôle d'honorabilité des adultes en contact avec des enfants.
Deux ans plus tard, la loi confortant le respect des principes de la République a instauré un contrat d'engagement républicain pour les associations, notamment sportives.
Tout doit être fait pour lutter contre le fléau des violences sexuelles dans le sport. Législateurs, nous devons veiller à ce que plus aucun intervenant en milieu sportif n'ait fait l'objet d'une inscription contraire au contact des enfants ou d'une condamnation.
La présente proposition de loi est bienvenue pour intensifier ce combat. Il est primordial que l'État joue un rôle actif dans le contrôle d'honorabilité en mettant en place des protocoles clairs.
Je salue l'excellent travail de la commission, qui a renforcé la sécurité juridique du dispositif. Je me réjouis qu'elle ait précisé l'incapacité d'exercer du fait d'une condamnation par une juridiction étrangère.
Enfin, je suis favorable à la création d'une mesure administrative et d'une sanction pénale pour les dirigeants dont la conduite serait contraire à l'éthique.
Le groupe INDEP votera cette proposition de loi améliorée par la commission.
M. Thomas Dossus . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je salue ce travail crucial, dans le contexte de libération de la parole qui percute tous les secteurs, en particulier les fédérations sportives.
Devant la gravité des faits, nous sommes parfois frappés de sidération, comme tétanisés. Mais le silence est vécu par les victimes comme une violence supplémentaire. Chaque occasion de parler des violences contre les enfants est donc d'utilité publique.
Le sport peut être un lieu d'emprise et les entraînements devenir un enfer pour les enfants. Depuis la prise de parole de Sarah Abitbol, la parole se libère. À nous d'agir pour que la pratique du sport soit protégée des prédateurs.
Pour que la peur change de camp, la transparence sur le parcours des encadrants doit devenir la norme : c'est l'objet de cette proposition de loi qui, améliorée par le rapporteur, prévoit un panel de mesures concrètes.
En particulier, il s'agit de faire respecter l'interdiction pour certaines personnes condamnées de travailler auprès d'enfants dans le sport. Le texte prévoit le contrôle par l'administration du bulletin n°2 du casier judiciaire. Les conséquences d'une condamnation pourront être effacées sans que celle-ci disparaisse, et toute condamnation définitive figurant dans le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes entraînera l'incapacité d'exercer.
En outre, le texte prévoit une mesure d'interdiction temporaire ou définitive de diriger un club sportif pour tout dirigeant qui mettrait en danger des enfants ou manquerait d'informer l'administration sur des comportements problématiques. Une sanction pénale pourra être prononcée en cas de manquement.
Ce panel de mesures nous semble efficace. Il constitue un premier pas indispensable pour protéger les enfants.
Reste qu'il faudra aller plus loin, notamment en développant l'accompagnement des clubs pour la prévention des actes de violence. Ce travail passe par la formation et ne se fera pas en un jour, car la libération de la parole doit percer une chape de plomb qui a trop longtemps pesé sur ce milieu.
Des moyens financiers seront naturellement nécessaires. Madame la ministre, le prochain projet loi de finances doit marquer une augmentation significative des crédits consacrés à cet objectif.
M. Jacques Grosperrin. - Ce n'est pas gagné...
M. Thomas Dossus. - Vous pourriez vous inspirer du doublement décidé, l'année dernière, par votre collègue de l'enseignement supérieur et de la recherche pour la lutte contre les violences sexuelles et sexistes - même si ce ne serait pas encore suffisant.
Nous voterons cette proposition de loi réécrite par la commission : elle est une première étape indispensable, avant d'aller plus loin. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Samantha Cazebonne . - En 2022, 60 % des Français de quinze ans et plus pratiquaient une activité physique régulière. En 2018, 40 % des pratiquants sportifs étaient des enfants.
Le sport est fondamental pour le développement des enfants, du point de vue de leur santé mais aussi comme vecteur du vivre ensemble.
En Europe, près d'un enfant sur cinq est victime de violences sexuelles. Hélas, le monde du sport n'est pas en reste : près d'un sportif sur dix déclare avoir subi des violences sexuelles.
Le Président de la République a fait de l'enfance l'une des priorités du nouveau quinquennat, et la protection des droits des enfants est au coeur de la feuille de route du Gouvernement. En particulier, le ministère des sports a fait de la lutte contre les violences sexuelles une priorité.
En janvier 2020, Sarah Abitbol déclarait, dans Un si long silence, avoir été violée et harcelée par son ex-entraîneur, déclenchant le #MeToo du sport. Dans la foulée, une cellule a été créée par le ministère pour recueillir la parole des victimes. Trois ans plus tard, près de 1 000 signalements ont été effectués. Néanmoins, selon la coprésidente de la commission de lutte contre les violences sexuelles et les discriminations dans le sport, il faudrait multiplier ce chiffre par dix...
Par ailleurs, plusieurs arrêtés ont renforcé le contrôle de l'honorabilité des éducateurs sportifs, via notamment le système d'information automatisé du contrôle d'honorabilité.
L'objet de cette proposition de loi est de s'assurer qu'aucun intervenant en milieu sportif, professionnel ou bénévole, placé au contact de mineurs ne fait l'objet d'une inscription au Fijais ou d'une condamnation l'empêchant d'exercer.
La commission a ajouté l'obligation pour les dirigeants de signaler tout comportement à risque et une interdiction d'exercer pour tout dirigeant qui emploierait un éducateur au mépris du contrôle d'honorabilité ou présenterait lui-même un danger pour les pratiquants. Elle a confié à l'État la responsabilité d'effectuer les contrôles annuels.
Le RDPI votera ce texte, qui renforcera la protection des mineurs dans le sport. (Applaudissements au banc des commissions ; M. Sebastien Pla et Mme Daphné Ract-Madoux applaudissent également.)
Mme Sabine Van Heghe . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.) Je félicite notre collègue Sebastien Pla. Il a travaillé avec Sarah Abitbol, qui avait dénoncé les viols subis de la part de son entraîneur. D'autres courageux athlètes, comme Isabelle Demongeot, Sébastien Boueilh et Emma Oudiou, ont contribué à briser la loi du silence, alors qu'un enfant sur sept serait victime de violences dans le monde du sport.
Une véritable prise de conscience en est résultée. La cellule de signalement a ainsi conduit à 424 interdictions d'exercer.
Jusqu'à l'année dernière, seuls les éducateurs professionnels étaient systématiquement contrôlés, alors que 90 % des éducateurs sont bénévoles. Je me félicite qu'à la fin du mois de mai dernier, plus d'un million de bénévoles aient été contrôlés.
Notre proposition de loi s'inscrit dans ce vaste mouvement de prise de conscience. Pas un seul encadrant ne doit passer à travers les mailles du filet, faute de contrôles systématiques et complets. Elle est particulièrement bienvenue à l'approche de la Coupe du monde de rugby et des jeux Olympiques et Paralympiques dans notre pays.
Le dispositif initial prévoyait l'obligation pour les dirigeants de club de contrôler l'honorabilité des intervenants auprès de mineurs. Sur l'initiative de Jean-Jacques Lozach, dont je salue le travail, la commission a décidé que le contrôle d'honorabilité resterait une prérogative de l'État. Cette réécriture a aligné les modalités de contrôle des éducateurs sportifs sur celles applicables au secteur médico-social. L'inscription d'une condamnation au Fijais entraînera une interdiction d'exercer, même si cette condamnation ne figure pas au bulletin n°2 du casier judiciaire.
Le nouveau dispositif renforce incontestablement la protection des mineurs, comme l'interdiction d'exercer à la suite d'une condamnation prononcée à l'étranger.
Sur l'initiative du rapporteur, la commission a prévu, en outre, une mesure administrative d'interdiction temporaire ou définitive de diriger un club lorsqu'un dirigeant omet de signaler un intervenant présentant un danger pour les jeunes ou que son propre comportement est à risque. Actuellement, les préfets peuvent fermer un club, mais rien n'empêche le dirigeant d'en ouvrir un autre...
Je me félicite de ces améliorations, adoptées à l'unanimité de ma commission. Elles illustrent notre volonté commune d'être à l'écoute de l'ensemble des acteurs mobilisés contre les violences sexuelles dans le sport.
Je serai attentive, madame la ministre, à la concrétisation de votre engagement de doubler les effectifs affectés au contrôle d'honorabilité.
Notre groupe votera cette proposition de loi, consolidée par notre travail pragmatique commun. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, et M. Pierre-Antoine Levi applaudissent également.)
M. Michel Savin . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Autour de ce texte, toutes les tendances politiques se retrouvent pour renforcer la protection des mineurs dans le cadre des activités physiques et sportives.
Aux victimes de violences sexuelles, nous disons qu'elles ne sont ni responsables ni coupables. Notre rôle est de traduire ce soutien dans la loi en facilitant les signalements, en durcissant les sanctions et en permettant aux acteurs de terrain d'agir le plus tôt possible.
La libération de la parole a débouché sur une prise de conscience irréversible. De nombreux sportives et sportifs ont pris la parole pour témoigner de faits d'agressions sexuelles, associés chaque fois à des mécanismes de domination.
Du chemin reste à parcourir, mais le Sénat avance avec détermination vers plus de justice et de sécurité.
En mai 2019, la mission commune d'information présidée par Catherine Deroche avait formulé 38 propositions pour mieux protéger les enfants contre les risques d'agression.
Au-delà de la sensibilisation, l'un des principaux leviers est le contrôle d'honorabilité des encadrants. Cette proposition de loi étend ce contrôle automatisé à tous les adultes qui sont au contact des mineurs. Par ailleurs, elle oblige les présidents de club à signaler les comportements susceptibles de présenter un danger pour les mineurs. Elle crée également une mesure administrative d'interdiction temporaire ou définitive d'exercer pour un dirigeant de club qui manquerait à ses obligations.
Je salue le travail de réécriture du rapporteur. Dans sa version initiale, ce texte faisait peser un poids trop lourd sur les dirigeants, au point de menacer, à terme, la survie de certains clubs.
Reste en suspens la question des bénévoles non licenciés, qui peuvent passer à travers les mailles du filet.
Enfin, je souhaite, à titre personnel, faire part de mon opposition à l'amendement déposé à l'article 1er, visant à exclure des infractions conduisant à une interdiction d'exercice la participation à un attroupement après sommation ayant fait l'objet d'une condamnation par un juge. J'attends avec impatience de connaître la position du Gouvernement sur ce point.
Le groupe Les Républicains votera ce texte pour renforcer la protection des plus fragiles. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, au banc des commissions, ainsi que sur des travées du groupe SER)
Discussion des articles
ARTICLE 1er
M. Jean-Claude Requier . - Je m'exprime au nom de Nathalie Delattre. Chaque année, 50 000 personnes passent le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (Bafa) ou le brevet d'aptitude aux fonctions de directeur (BAFD), indispensables notamment pour encadrer des classes vertes ou des colonies de vacances. Les organismes formateurs respectent un cahier des charges comportant dix critères.
Alors que plusieurs centaines de mineurs sont victimes d'agressions sexuelles de la part de titulaires de ces brevets chaque année, la politique de l'autruche doit cesser. Mme Delattre appelle à la création d'un onzième critère, portant sur la prévention des violences sexuelles.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le 6° du I est complété par les mots : « à l'exception de l'article 431-4 » ;
M. Thomas Dossus. - Voici donc l'amendement annoncé par M. Savin... L'article L. 212-9 du code du sport fixe une longue liste d'infractions entraînant l'interdiction d'exercer, la plupart très graves. Certaines, toutefois, nous semblent éloignées de l'objectif de protection des mineurs. C'est le cas de la participation à un attroupement après sommation, que nous souhaitons retirer de la liste.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Avis favorable, étant entendu que l'exclusion de la liste ne concerne que des personnes non armées et n'ayant pas commis le délit de dissimulation volontaire du visage lors d'une manifestation créé par la loi de 2019 issue de la proposition de loi Retailleau. Il n'est évidemment pas question de permettre à des black blocs de devenir éducateurs... De fait, il arrive que des manifestants non violents n'arrivent pas à se disperser à temps.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. - Avis défavorable. Il s'agit de protéger l'ensemble des pratiquants contre toutes les formes de violence. N'ouvrons pas une brèche après nous être efforcés de les refermer toutes... D'autant que nous ne parlons pas d'une infraction anodine : il s'agit d'un attroupement illégal après plusieurs sommations, incivilité grave porteuse de troubles à l'ordre public et délit puni d'un an de prison et 15 000 euros d'amende. Je vous invite à rester cohérent. (Marques d'assentiment à droite)
M. Michel Savin. - Je me félicite de la position de la ministre. Monsieur Dossus, nous parlons de personnes condamnées par la justice. On ne peut leur confier l'encadrement de jeunes. Ceux qui ont été simplement pris dans une fin de manifestation difficile sont rapidement libérés. Rejetons cet amendement pour éviter toute ambiguïté.
M. Jacques Grosperrin. - Qu'est-ce que l'honorabilité ? Selon le dictionnaire, ce qui mérite l'estime et la considération d'autrui. Les comportements dont nous parlons sont-ils honorables ? (M. Thomas Dossus s'exclame.) La valeur d'exemple importe dans le sport, comme pour les enseignants.
M. Pierre-Antoine Levi. - Compte tenu des explications de la ministre et de M. Savin, et même si l'argumentation du rapporteur est louable, nous voterons contre l'amendement. Nous devons assurer une exemplarité totale des intervenants.
Mme Céline Brulin. - Faisons preuve de discernement. Je suis d'accord avec le rapporteur. Il ne s'agit évidemment pas que des black blocs puissent encadrer des jeunes. Mais il est arrivé à nombre d'entre nous d'être piégés, à notre corps défendant, dans certaines manifestations. Je pense à cette personne qui a eu maille à partir avec la justice parce qu'elle s'est trouvée par hasard mêlée à une manifestation en sortant de sa salle de sport...
M. Michel Savin. - Elle n'a pas été condamnée !
Mme Céline Brulin. - En commission, je me suis interrogée sur la notion d'honorabilité. La définition proposée par Jacques Grosperrin ne me semble pas être pertinente. Qui d'entre nous peut décider ce qui est digne d'estime ?
Il faut empêcher les prédateurs d'encadrer des enfants, mais agissons avec clairvoyance et n'ajoutons pas du chaos au chaos.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. - Je répète que nous parlons de personnes condamnées : il y a donc eu enquête, et leur culpabilité a été établie.
M. Michel Savin. - Absolument !
M. Thomas Dossus. - Lisez les comptes rendus de comparutions immédiates : les jugements sont parfois rendus à la volée, sans beaucoup d'égards pour les réalités... Je regrette que cet amendement ait fait l'objet d'amalgames peu sérieux.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°1 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°305 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l'adoption | 92 |
Contre | 241 |
L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Lozach, au nom de la commission.
Après l'alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° L'article L. 131-8-1 est ainsi rétabli :
« Art. L. 131-8-1. - Les fédérations agréées informent sans délai le ministre chargé des sports lorsqu'elles ont connaissance du comportement d'une personne mentionnée au I de l'article L. 212-9 ou à l'article L. 322-1 dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants. » ;
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Cet amendement crée une base légale pour la cellule Signal sport, qui a fait ses preuves. Les fédérations seront tenues d'opérer un signalement lorsqu'elles ont connaissance de comportements à risque.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°4 est adopté.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Lozach, au nom de la commission.
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
ou en méconnaissance de l'article L. 212-13, de personnes faisant l'objet d'une mesure prise en application du même article L. 212-13
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Cet amendement complète la sanction administrative à l'encontre d'un dirigeant de club qui emploierait un éducateur sportif interdit d'exercice.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. - Avis favorable à cet apport majeur du texte.
L'amendement n°5 est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
À la demande du groupe SER, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°306 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 343 |
Contre | 0 |
La proposition de loi est adoptée. (Applaudissements)
M. Sebastien Pla. - Nous avons joué ce match en équipe, avec engagement. Ce texte est un geste important envers les victimes et leurs associations et un signal fort contre les prédateurs sexuels : la peur doit changer de camp. L'éthique doit être une valeur cardinale dans le sport.
Je remercie les témoins, le ministère et la commission. Permettez-moi d'avoir une pensée particulière pour Sarah Abitbol, qui, depuis Miami, où elle se repose après sa tournée Holiday on Ice, doit être heureuse de notre vote unanime.
La séance est suspendue à 13 h 15.
Présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente
La séance reprend à 14 h 45.
Registre national des cancers
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à mettre en place un registre national des cancers, présentée par Mme Sonia de La Provôté et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe UC.
Discussion générale
Mme Sonia de La Provôté, auteure de la proposition de loi . - C'est avec émotion que je vous présente cette proposition de loi. Je remercie mon groupe et tous ceux qui ont soutenu cette initiative, la rapporteure ainsi que la commission des affaires sociales.
Ce texte est l'aboutissement de plusieurs années de travail. Nombre d'acteurs considèrent un registre national des cancers comme un outil indispensable dans la lutte contre le cancer. Le bien-fondé de cet outil m'est apparu dans le cadre de la rédaction de ma thèse, soutenue en 1998, sur les liens entre l'exposition professionnelle à l'amiante et le risque de cancer digestif. Mon travail n'aurait pas abouti sans l'existence d'un registre des cancers digestifs dans mon département, le Calvados, qui a permis de mettre en évidence une surincidence.
L'épidémiologie n'approche de la vérité scientifique qu'adossée à l'observation rigoureuse des pathologies. Je plaide donc en faveur de la création d'un tel registre. Pour améliorer le dépistage, nous avons besoin d'identifier les nouveaux facteurs de risques dans un environnement changeant. L'accès rapide à une donnée fiable et rigoureuse est essentiel pour le suivi des patients.
Chercheurs, médecins et professeurs, associations de patients, Ligue contre le cancer, réseaux régionaux : la volonté est là. Je remercie le professeur Guilhot, auteur d'un rapport présenté en décembre 2021 à l'Académie de médecine, pour son soutien constant.
La révolution numérique et la promesse de l'intelligence artificielle laissent envisager de nouvelles perspectives, mais il faut un contrôle public ferme et exclusif sur les données recueillies, qui alimentent de nombreux appétits - des manipulations aux usages mercantiles. Sur ces sujets, la start-up nation avance, mais le contrôle humain est encore plus indispensable qu'hier.
Le registre serait hébergé par l'Institut national du cancer (INCa), ce qui garantirait la protection des données collectées.
J'ai l'intime conviction de la nécessité d'un registre national des cancers. Il est temps de mettre un terme aux tergiversations. Les outils et les compétences sont là. Vous pouvez compter sur ma détermination, qui trouve sa force dans votre soutien et dans celui de la société civile. (Applaudissements)
Mme Nadia Sollogoub, rapporteur de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains) N'étant ni médecin ni chercheur, je pensais naïvement qu'un registre national des cancers existait depuis longtemps. Or nous ne disposons que d'estimations fondées sur l'extrapolation de données datant de 2018 et portant sur 24 % de la population.
Un registre est un recueil de données nominatives repérées auprès de divers acteurs : laboratoires, établissements de santé, acteurs administratifs de la santé, assurance maladie, etc. Le travail effectué sur le terrain conditionne la qualité des données. Actuellement, le parcours de soins est haché : les recherches prennent du temps.
Il existe 19 registres couvrant 24 départements, dont 5 ultramarins, et 12 registres spécialisés sur certains types de cancer, des registres nationaux pour les cancers des enfants et des adolescents, ainsi que pour les mésothéliomes et pour les tumeurs rares du péritoine.
Cependant, les modalités d'organisation du système sont complexes. Le réseau Francim est hébergé par les Hospices civils de Lyon et financé à hauteur des deux tiers par l'INCa et Santé publique France.
Pour être efficace, le registre doit être interopérable et souple, avec des possibilités de croisement, notamment avec les données de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav). Or ce croisement ne se fait que de manière probabiliste.
L'autorisation par voie réglementaire d'utiliser un identifiant national du NIR (numéro de sécurité sociale) améliorerait grandement la qualité du registre. L'utilisation de données pseudonymisées et encodées déconnecte le registre des patients. L'accès aux certificats de décès nominatifs serait une avancée.
Une forte demande émane du monde associatif et des patients. Un rapport de 2017 préconisait des registres nationaux pour certaines molécules afin d'exploiter tout le potentiel des données de vie réelle. En 2020, dans son évaluation du troisième plan Cancer, l'inspection générale des affaires sociales (Igas) demandait des données à une échelle géographique plus fine. En 2021 enfin, l'Académie de médecine proposait un registre national du cancer, adossé à une déclaration obligatoire de la maladie.
J'ai été maire d'une commune à 2 kilomètres d'une centrale nucléaire : la population attend de tels registres dans des sites sensibles. Cela permet aussi de tordre le cou aux théories du complot.
Certains ont exprimé des réserves sur le rapport coût-efficacité de cette opération. En effet, le monde de la recherche se plaint d'un accès difficile aux crédits et d'un manque de visibilité. La création d'un registre national devrait s'accompagner d'une ligne budgétaire dédiée. Les moyens financiers des registres sont stables depuis quinze ans, malgré l'augmentation des cancers.
Il serait regrettable que le monde de la recherche s'autocensure et se contente de données parcellaires. Bien sûr, tout cela a un coût, notamment en raison du travail de fourmi de recueil des données. Mais la généralisation d'une base nationale rendra du temps à la recherche, évitera les doublons, améliorera le suivi des patients. L'enregistrement en continu des données réduira les délais de production des rapports.
Les données ont un coût, mais aussi un prix : si les industriels ne trouvent pas de données en France pour mettre au point leurs traitements, ils iront les chercher ailleurs, comme en Allemagne ou au Royaume-Uni. C'est en enjeu de compétitivité.
La recherche avance chaque jour. Le niveau de connaissance de chaque pathologie s'affine : on ne parle plus du cancer mais bien des cancers, que l'on individualise de mieux en mieux.
En poussant le raisonnement, on peut considérer que chaque cancer sera bientôt un cancer rare, d'où l'intérêt des cohortes européennes. Après la création de l'INCa, un modèle envié, il y a une vraie logique à le doter d'un registre national. Nous savons ce que nous en attendons : sauver le plus de vies possible. Donnons-nous les moyens de le faire. (Applaudissements)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - « Notre combat contre le cancer est juste, notre combat pour les personnes atteintes du cancer est éminemment juste. » Ces mots du regretté Axel Kahn, président d'honneur de la ligue contre le cancer, soulignent ce qui nous rassemble.
Je salue votre engagement, Mme la rapporteure et Mme de La Provôté, pour faire avancer cette cause. Derrière le diagnostic toujours difficile, il y a des vies et des familles. Désormais, grâce aux progrès de la science, on peut guérir du cancer ou mieux vivre avec. Dépistage, prises en charge innovantes, nouvelles thérapies augmentent les chances des malades. Nous touchons à l'espoir de vaincre cette maladie au XXIe siècle.
La collecte et l'analyse des données progressent chaque jour. La bioinformatique, la biostatistique, la data sont à la base de nos avancées dans la connaissance de la centaine de maladies regroupées sous le terme de cancer.
Il faut se donner les moyens d'observer et de suivre la prévalence et l'évolution des cancers. Notre pays est en avance en matière de données de santé. Le système national des données de santé (SNDS) est un ensemble unique au monde, notamment composé de toute la base médico-administrative de l'assurance maladie. Il y a aussi les initiatives complémentaires que sont les registres spéciaux déjà cités ou l'Onco Data Hub.
Le cancer nécessitant des soins coûteux et prolongés, les patients relèvent de droit du régime d'affection de longue durée (ALD). Les données relatives à chaque patient pris en charge pour un cancer sont donc déjà répertoriées dans nos bases avec le Health Data Hub. « Mon espace santé » et le carnet de santé numérique ouvrent de nouvelles perspectives en matière de vision des évolutions.
La croissance des données émises et échangées est exponentielle. Le débat n'est pas tant de créer une base nationale des cancers, que de mettre cette ressource précieuse au service de la recherche, avec le défi à venir du traitement algorithmique des données de santé.
C'est l'objet de la plateforme des données de santé créée en 2019. La création d'entrepôts de données de santé hospitalières vient soutenir cette dynamique. Dans le cadre du plan France 2030, avec un budget de 42 millions d'euros, six projets ont été identifiés pour constituer la première pierre d'un réseau national de partage des données hospitalières. Les données de vie réelle sont les plus pertinentes. Les entrepôts hospitaliers ont bénéficié d'une enveloppe supplémentaire de 25 millions d'euros.
La valeur de la donnée n'est pas intrinsèque : elle dépend de son utilisation. Les nouveaux outils technologiques décupleront les facultés d'analyse de ces données. C'est l'objectif de l'INCa et le nôtre, quand nous développons les instituts hospitalo-universitaires (IHU) et les bioclusters, comme celui de Paris-Saclay.
Il est important d'adopter une vision globale fondée sur la mise en perspective et le croisement des données à l'échelle internationale.
La France fait figure de leader dans ce domaine. L'implantation en France du centre international de recherche contre le cancer de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) enrichit notre panel scientifique.
Si je salue votre démarche transpartisane, en 2023, l'heure n'est plus à la constitution de registres. Nous disposons déjà de données exhaustives. Le défi est de continuer à en explorer les possibilités. Malgré les réserves exprimées sur l'opérationnalité de la mesure, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat ; si la navette devait se poursuivre, le texte nécessiterait un travail collectif soutenu.
M. Alain Duffourg . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi a été cosignée par la quasi-totalité des membres de notre groupe et, au-delà, par une centaine de signataires.
Le cancer est la première cause de mortalité pour les hommes et la deuxième pour les femmes. Avec 150 000 décès par an, le registre national du cancer est une priorité, malgré les réserves sur son coût émises par l'INCa qui sera chargé de sa gestion. L'Académie de médecine préconise de mobiliser les fonds dédiés au programme national du numérique en santé.
Madame la ministre, pourriez-vous rassurer l'INCa à ce sujet en augmentant ses crédits dans le projet de loi de finances ? La prise en charge du cancer aurait représenté 5,9 milliards d'euros de dépenses hospitalières en 2020. Un registre national doit être une priorité majeure, alors qu'en trente ans, l'incidence de la maladie a augmenté de 65 % chez les hommes et de 93 % chez les femmes.
Il existe 33 registres des cancers, 19 généraux et 14 spécialisés, mais ils ne couvrent que 22 % de la population française : c'est par extrapolation que les données sont établies.
Le corps n'est pas une formule mathématique. C'est l'environnement, et ses mutations induites, qui nous ont fait passer de l'homo erectus à l'homo sapiens. Chaque territoire induit des expositions différentes, et la recherche en santé ne se satisfait pas des extrapolations, porteuses de biais et de lacunes.
Ce texte répond à une forte demande. La commission d'enquête du Sénat sur la pollution des sols a rendu des conclusions en ce sens. L'Igas a préconisé en 2020 de recueillir des données géographiques plus précises. Enfin, l'Académie de médecine a appelé en 2021 à la création d'un tel registre.
L'INCa serait l'hébergeur et le gestionnaire de ce registre, qui s'appuierait sur le réseau Francim. Nous ne ferions que rattraper notre retard, puisque 22 pays européens se sont déjà dotés d'un registre. Il pourrait s'intégrer dans une base de données européenne.
L'ensemble du groupe UC votera en faveur de ce texte. (Applaudissements)
M. Jean-Claude Requier . - Le cancer est une réalité à laquelle nous sommes tous confrontés. Il frappe sans discernement. Selon l'OMS, il est l'une des principales causes de décès dans le monde. En France, chaque année, on enregistre 382 000 nouveaux cas et 175 000 décès.
Le RDSE salue l'auteure et le rapporteur de ce texte qui nous donnera les outils nécessaires pour améliorer la surveillance et l'épidémiologie. La couverture du territoire par les 33 registres existants reste partielle - les registres nationaux ne couvrent que 22 % de la population.
La demande de création d'un registre national est récurrente depuis plusieurs années ; elle émane, entre autres, de l'Académie nationale de médecine.
Cet outil marquerait une étape importante en vue d'une prochaine harmonisation européenne : l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède ont déjà des registres nationaux. La centralisation des données est nécessaire pour améliorer la prévention et le dépistage.
Ce registre serait essentiel pour étudier la maladie et sauver des vies. Les premiers résultats de l'étude Cascade montrent qu'à consommation égale de tabac, les femmes seraient plus sensibles au cancer du poumon que les hommes. Cela expliquerait la très forte augmentation de l'incidence du cancer chez les femmes, qui est en passe d'en faire la première cause de mortalité. C'est le cancer avec le pronostic le plus mauvais : le détecter à un stade précoce permettrait d'augmenter les chances de guérison. Le RDSE votera ce texte. (Applaudissements)
Mme Florence Lassarade . - Le cancer est un ennemi à combattre. Depuis les années 1970, des registres spécialisés permettent une surveillance de la maladie. Ils sont indispensables à la surveillance des cancers, mais aussi à l'observation de leur prise en charge. Les données populationnelles contribuent à l'élaboration des politiques publiques, ainsi qu'aux actions préventives, curatives et de recherche.
Le dispositif national existant couvre 22 % de la population métropolitaine et trois départements et régions d'outre-mer (Drom). En revanche, le registre dédié aux enfants est exhaustif depuis 2011.
Le dispositif mis en place par l'INCa et Santé publique France, en partenariat avec les registres des cancers et le service de biostatistique des hospices civils de Lyon, permet des estimations nationales tous les cinq ans.
La couverture du territoire reste cependant partielle, les difficultés financières sont réelles et la récolte des données prend du temps.
Malgré l'évidente utilité de ces registres, nous nous interrogeons sur l'efficience du système actuel. La complexité de la collecte ne doit pas être un obstacle dirimant à la constitution d'un registre national.
Je suis donc favorable à la constitution d'un tel registre, dont des pays comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni se sont dotés. L'Allemagne a rendu ces registres obligatoires dès 1995 dans les Länder, avec un budget de 7,2 millions d'euros porté par la ligue allemande contre le cancer. Les frais courants représentent 140 euros par cas ; ils sont couverts par la caisse d'assurance maladie à 90 %, et à 10 % par les Länder.
En France, 8 millions d'euros sont consacrés au seul recueil des cas - il faut y ajouter les coûts d'exploitation et ceux des études. La création d'un registre national doit s'accompagner d'un financement à la hauteur : nous attendons des engagements du Gouvernement.
Un registre national peut être articulé avec d'autres sources, notamment les données d'exposition : c'est ainsi que la Suède a pu établir un lien entre le tabagisme pendant la grossesse et cancer des enfants.
Je salue le travail de Mmes de La Provôté et Sollogoub. Ce texte ajoute aux missions de l'INCa la mise en oeuvre d'un registre national afin d'améliorer le dépistage et le diagnostic thérapeutique, tout en facilitant l'appariement avec le SNDS.
Il autorise également l'INCa à labelliser des entités de recherche en cancérologie et à développer et héberger des systèmes d'information, pour faciliter l'hébergement des registres existants.
Ce registre sera un outil précieux dans la lutte contre la maladie ; mais pour être efficace, il aura besoin de financements. (Applaudissements)
Mme Colette Mélot . - En 2018, 382 000 nouveaux cas de cancer étaient enregistrés. L'incidence des cancers du foie, du poumon ou du pancréas ne cesse de progresser, y compris chez les moins de 50 ans. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que la France ne disposait pas d'un registre national !
Il existe déjà une vingtaine de registres généraux et une douzaine plus spécialisés sur certains types de cancers, mais ne couvrant que 24 % de la population. Le calcul de l'incidence et de la prévalence au niveau national se fonde sur des extrapolations. Collecter ces données est un travail de fourmi, nécessitant de croiser les données des hôpitaux et de l'assurance maladie. Cela varie d'un registre à l'autre, d'où un manque d'exhaustivité ou des doublons et un rendu tous les cinq ans.
Cela empêche de tenir compte des spécificités des territoires. En 2010, des manifestants accusaient l'ARS de Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) de dissimuler des données sur les cancers autour de l'étang de Berre et de Fos-sur-Mer, or ces chiffres n'existaient tout simplement pas !
Quelque 100 000 cancers de la peau seraient dépistés en France chaque année, chiffre doublant tous les dix ans. Vendée et Loire-Atlantique seraient les plus touchés, mais ces deux départements disposent de registres.
Mme Sonia de La Provôté. - C'est vrai.
Mme Colette Mélot. - Un registre national permettrait de comparer les données et détecter les facteurs de risque. Les opposants en dénoncent le coût, non l'intérêt. Ce n'est pas opposable face à l'une des premières causes de mortalité en France.
Je salue l'avis de sagesse de la ministre. Notre groupe votera le texte. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC ; Mmes Laurence Cohen et Angèle Préville applaudissent également.)
Mme Raymonde Poncet Monge . - Le papyrus chirurgical, 1 500 ans avant notre ère, faisait déjà référence à un cancer du sein. Les registres sont de précieux outils en cancérologie.
On estime que 382 000 cancers ont touché de nouveaux patients en 2018, extrapolation basée sur les données d'un quart de la population - à supposer que les zones couvertes soient représentatives. De nouveaux registres, notamment en région parisienne et sur des sites sensibles, non couverts, tendent à corriger ces biais.
Comme en Allemagne et en Scandinavie, il faut un registre national populationnel pour mieux analyser les risques environnementaux et socioprofessionnels, harmoniser les systèmes informatiques et homogénéiser les données tout en pérennisant les financements.
Cela permettra de dépister rapidement de nouveaux clusters à partir de signaux faibles, et la France améliorera sa participation au registre européen des cancers, pour mieux appréhender les risques multifactoriels. Ainsi, le risque de cancer du sein chez les femmes augmente de 26 % lorsqu'elles travaillent de nuit. En Suède, un lien avec la manipulation de papier journal a été établi.
L'Académie de médecine souligne l'intérêt de ce registre pour la prévention, la veille sanitaire et la santé publique. La principale objection est le coût économique : nous ne la partageons pas. La maîtrise des dépenses de santé réside dans la prévention.
Le GEST remercie le groupe UC pour sa proposition de loi, et approuve la création du registre. (Mmes Laurence Cohen, Angèle Préville et Sonia de La Provôté applaudissent.)
M. Julien Bargeton . - Le cancer touche toutes les familles, et chacun d'entre nous. Je salue le travail de Sonia de La Provôté et de Mme la rapporteure. Nous partageons tous votre objectif d'améliorer le suivi des cancers. Toutefois, je m'interroge, et l'INCa a exprimé des doutes.
Depuis 1975, des registres nationaux couvrent une partie du territoire, et une coordination a été instaurée entre les opérateurs.
Vous attendez du registre une meilleure représentativité, mais un atlas métropolitain devrait être opérationnel en 2025. Vous souhaitez un registre national, mais une meilleure exploitation et coordination des données existantes ne rempliraient-elles pas cet objectif ? (Mme Sonia de La Provôté se récrie.)
C'est pourquoi nous opterons pour une abstention constructive et bienveillante pour la suite de la navette, afin de compléter le dispositif ou atteindre votre objectif par des voies différentes.
Mme Émilienne Poumirol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Le registre confié à l'INCa orientera l'offre de soins et la prise en charge thérapeutique, sans oublier la prévention. Aux Pays-Bas, le registre a contribué à réduire la mortalité postopératoire du cancer du pancréas de 24 à 4 %.
Ce registre permettra une meilleure prise en charge et serait une base de données pour les chercheurs. Il s'inscrit dans un mouvement européen d'harmonisation. Le groupe SER partage ces objectifs.
Néanmoins, les acteurs auditionnés soulignent qu'il faut avant tout soutenir les registres existants ; le recueil même des données pose problème, car beaucoup reposent sur des estimations.
De plus, le règlement européen sur la protection des données (RGPD) freine le croisement de ces données avec celles du SNDS et des certificats de décès. (Mme Nadia Sollogoub acquiesce.) Je me réjouis toutefois de l'amendement de la commission facilitant ce point.
Par ailleurs, la nature des données doit être élargie : les données environnementales sont insuffisamment prises en compte, alors que selon l'Agence européenne pour l'environnement (AEE), les risques environnementaux et professionnels sont responsables de 10 % des cancers. En France, on estime à 40 % les cancers pouvant être évités en améliorant les environnements et comportements. Il faut donc incrémenter le registre de données environnementales, ce que demandaient Nicole Bonnefoy dans son rapport issu de la commission d'enquête sur les risques industriels, et Gisèle Jourda pour la commission d'enquête sur la pollution des sols. Cela permettrait d'évaluer le lien entre certains cancers et l'exposition à l'arsenic dans l'Aude, aux métaux lourds dans le Gard.
Enfin, l'INCa souligne que les financements stagnent depuis dix ans alors que le nombre de cancers augmente. Les universités, les associations et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) alimentent ces registres. Le coût de traitement est pris en charge par différents opérateurs. Madame la ministre, je vous appelle à allouer les ressources nécessaires à ces objectifs. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST ; Mmes Colette Mélot, Sonia de La Provôté et Évelyne Perrot applaudissent également.)
Mme Laurence Cohen . - En France, les cancers sont la première cause de décès de l'homme et la deuxième de la femme, avec respectivement le cancer de la prostate et du sein. Les inégalités socio-économiques pèsent lourd : les personnes les moins éduquées en souffrent plus. Les études européennes le confirment. Ce n'est pas surprenant, sachant que le dépistage est une pratique sociale inégalitaire. Ainsi, 75 % des femmes les plus modestes ont recours au dépistage du cancer du col de l'utérus, contre 87 % pour les plus aisées - 61 et 76 % respectivement pour le cancer du sein. Le risque professionnel est sous-estimé : ainsi, 20 % des cancers au moins sont imputables à l'activité professionnelle chez les ouvrières et ouvriers.
L'attribution à des causes professionnelles suppose de complexes investigations. Dès lors, le registre national est pertinent pour fournir les données populationnelles nécessaires à l'orientation des politiques de santé publique, mais aussi pour améliorer la prévention des cancers et leur traitement, et évaluer les facteurs de risque.
Je regrette que le comité national des registres, créé en 1996, ait été supprimé en 2013 et que les 33 registres des cancers territoriaux ou spécialisés ne recouvrent que 22 % de la population. Nous espérons que la gestion par l'INCa du registre national comblera ce retard, avec un soutien financier, madame la ministre.
Enfin, n'oublions pas la protection des données personnelles.
Le groupe CRCE votera la proposition de loi et en remercie les auteurs et rapporteur. (Applaudissements)
Discussion de l'article unique
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Pellevat et Karoutchi, Mmes V. Boyer et Estrosi Sassone, MM. Tabarot, Paccaud et Saury, Mme Micouleau, MM. Lefèvre et Cadec, Mme Belrhiti, MM. Klinger et D. Laurent, Mme Dindar, MM. Pointereau et Bouchet, Mme Gosselin, M. Charon, Mmes Jacquemet, Billon et Tetuanui, MM. Détraigne, Duffourg, Moga, Folliot et Longeot, Mmes Perrot et Bellurot, M. Genet, Mme Muller-Bronn, M. Longuet, Mme Dumont, MM. Allizard, E. Blanc, Cambon et Anglars, Mmes Vermeillet et Férat, M. H. Leroy, Mmes Goy-Chavent et Drexler et MM. C. Vial, Rapin, Belin et P. Martin.
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi que les données relatives aux cas détectés d'anomalies génétiques prédisposant aux cancers
M. Antoine Lefèvre. - Le registre national devant améliorer la prévention, il est opportun de collecter les données relatives aux prédispositions génétiques au cancer. Cet amendement le précise donc.
Mme Nadia Sollogoub, rapporteur. - Il s'agit bien d'un registre des cancers déclarés. Ce serait un tout autre travail que de recenser les prédispositions génétiques.
En revanche, une fois le cancer déclaré, ces données seront intégrées au dossier et donc votre amendement serait satisfait. Retrait.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.
Intervention sur l'ensemble
M. Mickaël Vallet . - Nous entendons les réticences organisationnelles et budgétaires, mais il faut les dépasser. À proximité de La Rochelle, dans la plaine d'Aunis, entre 2009 et 2018, au moins six enfants ont développé des cancers.
Les médecins ont objectivé la situation grâce au registre des cancers, sans lequel un temps précieux aurait été perdu. Il n'est pas pour autant suffisant : déterminer les causalités et les facteurs de risque suppose encore un travail long et laborieux.
L'agglomération de La Rochelle joue un rôle volontariste qui devrait être celui de l'État, lequel rase les murs : réunions publiques, mesures de la qualité de l'air, communication entre acteurs, entre autres. Madame la ministre, demandez à votre collègue de l'agriculture l'étude de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qu'il nous avait promise pour septembre 2022, et toujours repoussée ! Cela devient indécent, voire suspect. Pour un débat constructif, il faut des données ouvertes et accessibles.
Ne privons pas 75 % du territoire national de cette première étape. Je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe UC ; Mmes Laurence Cohen et Raymonde Poncet Monge applaudissent également.)
À la demande du groupe UC, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°307 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Pour l'adoption | 321 |
Contre | 0 |
L'article unique est adopté.En conséquence, la proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements ; Mme Sonia de La Provôté remercie ses collègues pour leur vote unanime.)
La séance est suspendue quelques instants.
Organisation de la navigation aérienne en cas de mouvement social (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic, présentée par M. Vincent Capo-Canellas et plusieurs de ses collègues à la demande du groupe UC.
Discussion générale
M. Vincent Capo-Canellas, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissement au banc des commissions) Le contrôle aérien est un service public essentiel au pays. Il participe de notre souveraineté, assure le contrôle de notre espace aérien et, pour nos territoires, garantit la connectivité du pays. Il assure aussi la sécurité des vols et permet notre ouverture.
En 2018, j'ai publié un rapport assez critique sur ce service public, dont je reconnais aujourd'hui qu'il est engagé dans une démarche de modernisation appréciable.
Plusieurs parlementaires, comme le président Retailleau ou Joël Guerriau, ont déjà présenté des propositions de loi sur le sujet. Je les remercie tous deux de s'être associés à ce texte.
Les contrôleurs aériens sont soumis à des règles strictes, au nom de du respect du survol, de la continuité, de la sécurité et du ciel unique européen. Ils ont été exemptés de la loi Diard, notamment car ils ont un service minimum. Mais le dispositif fonctionne aujourd'hui assez mal. Souvent, malgré les abattements de vols après le dépôt d'un préavis de grève, des vols sont annulés à chaud, ce qui pose de nombreux désagréments aux passagers comme aux compagnies aériennes.
En cas de préavis de grève, la direction générale de l'aviation civile (DGAC) demande aux compagnies de réduire leurs plans de vol. Mais c'est parfois excessif : la réduction de trafic n'est alors pas proportionnée au nombre de grévistes effectifs.
Selon les classements européens, notre pays est celui qui connaît le nombre de retards et d'annulations de vols le plus élevé. C'est difficile à vivre, y compris pour les contrôleurs aériens eux-mêmes, dont l'une des missions est d'assurer des routes droites pour diminuer les émissions de CO2.
Ma démarche est déconnectée de procédures médiatiques menées par des compagnies étrangères. Nous devons trouver une solution.
Bien sûr, nous devons respecter le droit de grève, principe constitutionnel auquel nous sommes tous attachés. Je propose d'assurer une meilleure prévisibilité du nombre de grévistes, et donc une meilleure organisation du service minimum.
Ce dispositif spécifique trouvera sa place dans le code de la fonction publique, les contrôleurs aériens étant des fonctionnaires, plutôt que dans le code des transports.
Si le texte prospère, les contrôleurs aériens devront se déclarer grévistes 48 heures à l'avance. En contrepartie, la DGAC devra informer les contrôleurs aériens d'éventuelles astreintes sous 48 heures également.
Depuis le début de l'année et le mouvement des retraites, on recense 40 jours d'astreinte, ce qui pose problème pour les contrôleurs aériens eux-mêmes avec des réorganisations de dernière minute. Monsieur le ministre, le décret organisant le service minimum devra être revu.
Ma démarche participe d'un équilibre : mieux organiser le service et réduire le trafic proportionnellement au suivi de la grève.
Je m'inscris dans le dialogue social et je suis attaché à la modernisation de la DGAC. Les agents subissent eux-mêmes un système qui est à bout de souffle, tout autant que les passagers et les compagnies.
Voilà une réponse proportionnée et adaptée à la réalité de ce métier essentiel pour le pays. Si nous y parvenons, la DGAC pourra poursuivre sa modernisation. (Applaudissements sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)
Mme Évelyne Perrot, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Ce sujet - les mouvements sociaux des contrôleurs aériens - est bien identifié par le grand public. Le cadre actuel n'est pas satisfaisant.
Si les organisations syndicales doivent déposer un préavis de grève cinq jours à l'avance, la DGAC n'a pas les moyens de savoir avec précision combien d'agents y participeront. Par prévention, elle procède souvent à des abattements de vol, parfois de manière disproportionnée pour éviter les annulations à chaud, qui sont les plus pénalisantes pour les passagers.
Les contrôleurs aériens peuvent annoncer qu'ils font grève sans réellement passer à l'action, puisque les abattements de vol sont programmés avant le début du mouvement. Les effets de la grève sont donc déjà atteints avant même le début du mouvement.
Parfois, la DGAC peut être trop optimiste : il faut alors annuler des vols à chaud, ce qui désorganise profondément le système aérien et peut causer, dans les aéroports, des troubles à l'ordre public.
De plus, cette incertitude est pénalisante pour les contrôleurs eux-mêmes, qui sont soumis à un service minimum, notamment pour assurer la continuité territoriale avec la Corse et les outre-mer, ainsi que la continuité du survol du territoire. Ce service minimum nécessite des réquisitions, qui empêchent les contrôleurs concernés de participer au mouvement de grève.
Parfois, le service minimum peut être instauré tardivement : il est alors difficile de notifier aux contrôleurs aériens leur réquisition. Dans de rares cas, les forces de l'ordre doivent s'en charger : cela n'est pas satisfaisant.
Le 11 février dernier, les contrôleurs aériens ont rejoint une grève de la fonction publique qui n'avait pas été relayée par les syndicats de la DGAC, d'où de nombreuses annulations à chaud. Les semaines suivantes, le recours au service minimum s'est multiplié, ce qui n'est pas satisfaisant.
Alors qu'approchent la Coupe du monde de rugby et les jeux Olympiques et Paralympiques, il faut régler le problème. La proposition de loi prévoit que les contrôleurs aériens devront individuellement se déclarer grévistes 48 heures à l'avance. L'autorité administrative pourra alors décider d'éventuelles réquisitions : les adaptations du trafic aérien seront ainsi mieux proportionnées à l'ampleur du mouvement et les annulations à chaud évitées.
Le système se rapprocherait des règles en vigueur dans le secteur du transport terrestre depuis 2007 et à celles s'appliquant aux salariés du privé dans le secteur aérien depuis la loi Diard de 2012.
La commission a adopté un amendement couvrant la déclaration individuelle du secret professionnel, sous peine de sanction.
J'ai cherché à m'inscrire dans une logique d'équilibre et de pragmatisme. Le texte de la commission crée donc une nouvelle obligation pour les contrôleurs, mais aussi une contrainte pour l'administration ; tout le monde devrait y gagner.
Je souhaite que ce texte puisse être largement adopté par le Sénat, et que l'Assemblée nationale se l'approprie. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que du RDSE)
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports . - Ce texte vise une meilleure organisation de la navigation aérienne. Dans mes fonctions de ministre, j'échange aussi bien avec les contrôleurs aériens qu'avec les passagers, les compagnies ou les aéroports.
Je partage avec Vincent Capo-Canellas quelques convictions solides : le service français du contrôle aérien est de grande qualité - notre pays est le plus survolé d'Europe, compte tenu de sa position géographique. Ces derniers mois, il a affronté des difficultés, au point d'être à certains égards à bout de souffle. Nous devons trouver des solutions adaptées, innovantes et équilibrées.
L'organisation actuelle me conduit à devoir déclencher le service minimum sans mesurer au préalable l'impact qu'aura un mouvement social et sur la base d'informations partielles, éparses et subjectives.
Pour éviter des annulations à chaud - les plus gênantes pour les passagers - nous déclenchons des annulations préventives, souvent plus nombreuses que nécessaire. Nous sommes confrontés à un paradoxe : avec moins de mobilisation, le service est plus touché et les nuisances sont nombreuses. Cela nuit à son image et à de nombreux passagers.
La grève surprise du 11 février dernier a ainsi montré les limites du système.
Je suis très attaché au respect du droit de grève, que ce texte ne modifie en rien. La proposition de loi me semble en effet équilibrée et efficace - et je remercie le questeur Capo-Canellas de s'être saisi du problème.
Elle introduit l'obligation de se déclarer gréviste à midi l'avant-veille d'une journée de grève, comme dans les transports terrestres, pour les « personnes des services de la navigation aérienne qui assument des fonctions de contrôle d'informations de vol ou d'alerte ».
Avec la déclaration préalable, le service minimum sera moins souvent déclenché. J'entends les inquiétudes, mais le texte y répond.
Si cette proposition de loi était adoptée, je prends l'engagement d'adapter les règles relatives au service minimum. Le Gouvernement est donc favorable à ce texte. Je serai très attentif au respect du dialogue pour sa mise en oeuvre. (Applaudissements au banc des commissions ; M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. Jean-Claude Requier . - Les perturbations liées aux mouvements sociaux des aiguilleurs du ciel sont fréquentes. Le dispositif de service minimum actuellement en place vise à gérer la pénurie, le droit de grève étant protégé par la Constitution.
Je salue l'initiative de Vincent Capo-Canellas, ancien maire du Bourget, qui vise à apporter une réponse à ce problème. En son temps, notre ancienne collègue Josiane Costes avait rédigé un rapport sur les lignes aériennes assurant la continuité territoriale pour des départements qui constituent de véritables îles intérieures, comme le Cantal.
La stratégie nationale du transport aérien pour 2025 a-t-elle porté ses fruits ? Quel bilan à la veille des jeux Olympiques ? Deux tiers des grèves de contrôleurs aériens en Europe ont lieu en France : les clichés se vérifient...
Dans la situation actuelle, les réquisitions montrent leurs limites. Il s'agit donc bien d'un problème d'organisation.
Selon la rapporteure, le texte renforcerait paradoxalement le droit de grève. Cela dépendra des conditions de sa mise en oeuvre et de la qualité du dialogue social.
La commission du développement durable a couvert du secret professionnel les déclarations individuelles des contrôleurs aériens. Les membres du RDSE voteront ce texte, moins quelques abstentions. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Philippe Tabarot . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Cinquante jours de grève depuis le début de l'année, 3 000 vols annulés par anticipation, 6 000 vols annulés à chaud. À Nice, 100 000 passagers n'ont pas pu prendre leur avion du 1er janvier à fin mai. Face à ce constat, la proposition de loi de Vincent Capo-Canellas est plus que nécessaire.
Aujourd'hui, la DGAC est incapable de connaître le nombre de contrôleurs aériens grévistes. Comment l'expliquer, alors qu'ils doivent assurer un service minimum ? Comment expliquer que la DGAC annule des vols, préventivement ou à chaud ?
Cela suscite l'exaspération des passagers, des compagnies et du personnel des aéroports lorsque certains - je dis bien certains - confondent tour de contrôle et tour d'ivoire...
Oui, c'est un métier qui comporte de multiples responsabilités - comme d'autres. Mais il est nécessaire d'adapter les demandes de réduction de programme à la réalité du suivi du mouvement pour éviter des annulations inutiles.
Les contrôleurs ont multiplié les grèves ces derniers mois, dans le silence médiatique, comme si l'avion était le plus grand fossoyeur climatique et ne méritait plus de voler. Le service minimum et le respect des voyageurs ont la même valeur pour tous. Il faut atterrir, chers collègues : le service minimum n'est pas de droite ou de gauche.
Le texte ne porte pas atteinte au droit de grève constitutionnel. Monsieur le ministre, ne restez pas sourd à ces propositions. Comme dans les transports en commun - sur lesquels portent la proposition de loi Retailleau et celle que j'ai déposée récemment avec 45 collègues - il faut concilier ce droit avec la liberté d'aller et venir.
Je souhaite que le Sénat et le Gouvernement restent mobilisés. Je regrette qu'on ne s'attaque pas aux préavis dormants, parfois anciens de plusieurs années, mais dont tout un chacun peut se réclamer. Pourquoi ne pas allonger le délai de la déclaration individuelle, pour plus de lisibilité ?
Néanmoins, nous voterons ce texte, qui est un début de réponse. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE)
M. André Reichardt. - Très bien !
M. Jean-Pierre Grand . - Qui n'a pas subi un retard, qui ne s'est pas retrouvé bloqué, une fois embarqué, qui n'a pas subi une annulation à son arrivée à l'aéroport ? Je pense aux urgences, au voyage d'une vie manqué. Je pense à la réputation de la France, tristement championne des retards et des annulations.
Le groupe Les Indépendants est investi sur ce sujet avec la proposition de loi de notre collègue Joël Guerriau. Notre ligne est claire : préserver le droit de grève et trouver un équilibre pour garantir la continuité de l'activité aérienne, essentielle à la vie économique et sociale et à l'attractivité de la France.
Il faut faire évoluer le système actuel. L'obligation de déclarer son intention ou son renoncement à faire grève est le point central. Le service minimum de précaution n'est pas satisfaisant.
Dans le décret qui régit ce dernier, l'aéroport de Montpellier ne figure pas sur la liste des aéroports où les services de la navigation aérienne nécessaires doivent être exécutés, alors que dans l'Hérault, le rail n'est pas une option naturelle de remplacement ; il faut y remédier, monsieur le ministre.
Le groupe Les Indépendants considère que les contrôleurs aériens ne peuvent être plus longtemps exonérés des règles qui régissent le droit de grève. Dans une société moderne, les voyageurs doivent pouvoir s'organiser en amont sans préjudice du droit de grève. Notre groupe votera ce texte tout en restant attentif aux évolutions réglementaires. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC)
M. Jacques Fernique . - Ce sujet est sensible. Il touche à la liberté de se déplacer ou au droit de grève. En tant que fonctionnaires, les contrôleurs aériens ne peuvent participer à une grève que si un préavis a été déposé cinq jours à l'avance. Contrairement aux agents de la SNCF, les contrôleurs aériens ne sont pas contraints de se déclarer grévistes - limitation individuelle d'un droit par essence collectif.
Depuis la loi de 1984, les contrôleurs aériens doivent cependant assurer un service minimum, avec un taux de réquisition variable, entre 30 % et 80 %. Comme la DGAC ne peut connaître le nombre de grévistes, elle peut être amenée à annuler des vols à la dernière minute.
Ce texte est une réaction aux perturbations engendrées par la puissante mobilisation contre la réforme des retraites. Le 11 février, il n'y a pas eu de service minimum. La mobilisation a ensuite duré un mois et demi, parfois il est vrai aux dépens des voyageurs.
Toutes les annulations de vols ne sont pas dues aux grèves. Les 4 000 contrôleurs environ travaillent sous pression, souvent en sous-effectif ; il faut conforter ce service public essentiel en améliorant ses conditions techniques d'exercice. La déclaration préalable combinée au service minimum serait un affaiblissement du droit de grève.
Car ce qui ne fonctionne pas bien, c'est le service minimum. Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, monsieur le ministre. Le décret est obsolète, inadapté : il intègre dans la liste l'aéroport de Deauville, mais pas celui de Montpellier ; il faut le réviser. La balle est dans le camp du Gouvernement.
Cette proposition de loi est inopportune. L'équilibre doit être trouvé par le dialogue social. Notre groupe ne votera donc pas ce texte.
M. Julien Bargeton . - Face à la disproportion entre le nombre de grévistes et les perturbations engendrées, notre collègue et Mme la rapporteure nous proposent un texte proportionné. Le texte respecte en effet les grands équilibres entre la continuité du service public et le respect du droit de grève.
Parfois, un mouvement de grève est annoncé, des vols sont annulés alors que les grévistes sont en réalité peu nombreux.
Le dispositif revient à étendre la loi Diard aux personnels de navigation aérienne qui assurent les opérations de contrôle et d'alerte.
Il est clair, ciblé et bien conçu. Notre groupe le votera, le droit de grève étant respecté. Toute la chaîne, de l'administration à l'usager, disposera de l'information nécessaire à une meilleure organisation et adaptation. Nous suivrons la rapporteure sur les amendements proposés.
Après la crise covid, Paris et la région capitale sont redevenues la première destination touristique mondiale. Beaucoup de Français ont besoin des aéroports parisiens. Nous voulons tous un transport aérien plus écologique, plus décarboné. (M. le ministre acquiesce.)
C'est dans ce sens constructif que nous devons travailler. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe UC)
M. Gilbert-Luc Devinaz . - Il ne s'agit pas d'être pour ou contre l'avion. Le secteur aérien fait partie de l'avenir et de la mobilité durable : à cet égard, les gares de Charles de Gaulle 2 et de Saint-Exupéry à Lyon doivent étoffer l'intermodalité. Je me suis d'ailleurs toujours interrogé sur l'impact sur la biodiversité des kilomètres de routes ou de rails par rapport à un couloir aérien.
Nous partageons l'intention de cette proposition de loi et je remercie notre questeur pour cela, mais je poserai le problème différemment. Les graves perturbations de ces derniers mois marqueront l'année 2023 - 40 jours de grève entre février et mars. La journée du 11 février est mémorable : alors que la DGAC en avait connaissance, le trafic européen a été fortement perturbé : cette gestion catastrophique mérite des améliorations.
Les contrôleurs aériens sont des fonctionnaires. Ils sont donc soumis au service minimum. Ce dernier aurait dû permettre d'éviter ce genre de situation le 11 février. L'absence de contrôleurs aériens a provoqué à Orly ce jour-là un énorme chaos. Est-ce la faute des grévistes ? Je m'interroge sur la façon dont la DGAC a géré la situation.
En l'état, l'application d'un service minimum avec réquisition n'a pas permis de gérer la situation de façon satisfaisante. Aurait-ce été mieux avec une déclaration individuelle ? Ce n'est pas sûr.
Quoi qu'il en soit, le service minimum est obsolète, remontant à un décret de 1985. Il est indispensable de le réactualiser pour le rendre plus efficace. Son application est à géométrie variable : les abattements de vol sont appliqués différemment selon les territoires, certains d'entre eux se voyant réquisitionnés de façon disproportionnée, sans transparence. Je m'interroge donc sur la nécessité de légiférer avant cette nécessaire réforme.
Il est urgent de renouer le dialogue social et de restaurer la confiance au sein de la profession. Les contrôleurs aériens assurent des missions hautement stratégiques avec une responsabilité de tous les instants. Ils ne peuvent pas endosser la double peine, avec un droit de grève altéré et une réquisition reposant sur un décret obsolète. Les agents favorables au texte demandent à le conjuguer avec une réduction des obligations de service public.
Ne mettons pas la charrue avant les boeufs. Nous voterons contre cette proposition de loi.
M. Gérard Lahellec . - En application de la loi du 13 août 2004, j'ai contribué à la pérennité des activités civiles de cinq aéroports entre 2007 et 2020. En toute modestie, j'ai vécu un petit échantillonnage des turbulences économiques et sociales qui secouent le transport aérien. Tous ces problèmes ne sont manifestement pas surmontés ni imputables à l'exercice du droit de grève, que personne ne remet en cause ici - je vous remercie de l'avoir rappelé... (Sourires)
On me rétorquera que je n'ai eu qu'à connaître de petits aéroports de province.
Mme Évelyne Perrot. - Mais quelle province !
M. Gérard Lahellec. - Et pourtant dans ces petits aéroports se concentrent des problématiques similaires. Si à Paris, on connaît mieux l'opéra que l'opérette, le radar de Loperhet, dans le Finistère, couvre 400 000 km², 40 % de l'espace aérien français. Les 300 contrôleurs aériens, diplômés de l'École nationale de l'aviation civile (Enac) après des prépas scientifiques, y utilisent 17 radars, dont trois sont en Espagne et deux en Irlande. Ce qui frappe, c'est le silence, la solennité de leur travail. Nous pouvons nous honorer d'avoir en France une catégorie professionnelle capable d'une telle maturité, bien loin des sauvageons irresponsables que l'on dépeint.
Certes, des difficultés ont eu lieu ce 11 février.
M. André Reichardt. - C'est souvent.
M. Gérard Lahellec. - Sans ignorer le sujet, se déclarer gréviste à l'avance ne réglera pas les problèmes. Il ne faudrait pas que cela édulcore la nécessité de négocier. Attention à ce que cela ne devienne un avant-goût d'une extension à d'autres secteurs. Je vous remercie à cet égard de ne pas avoir retenu en commission un amendement qui remettait en cause le droit de grève dans la fonction publique. Nous voterons contre le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST)
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette initiative est bienvenue, attendue par les acteurs du secteur aérien et, surtout, par les usagers. Les limites du système actuel ont été montrées. La DGAC doit piloter à vue, faute d'outils pour connaître le nombre de contrôleurs aériens grévistes. Des abattements massifs de vols sont parfois en totale disproportion avec l'ampleur du mouvement.
La déclaration individuelle préalable a un double avantage : la DGAC pourra d'abord anticiper l'ampleur réelle de la grève dans un ciel dégagé, comme cela se fait déjà pour les autres professionnels des secteurs aérien et ferroviaire. Nous avons vu la différence le 6 juin dernier : 30 % des vols ont été annulés à Orly, alors que les trains ont circulé.
Ensuite, la déclaration est très peu contraignante. Elle ne remet pas en cause le droit de grève ni n'empêche les perturbations. Elle met simplement fin aux perturbations aberrantes lors de grèves peu suivies.
Ce texte équilibré permettra un atterrissage en douceur du système actuel et répondra aux difficultés que rencontrent les contrôleurs aériens. Le dialogue social s'en trouvera renforcé. J'attends d'ailleurs du Gouvernement qu'il mette à jour le cadre réglementaire du service minimum.
Le trafic aérien n'a toujours pas retrouvé son niveau d'avant crise : 85 %, contre 88 % pour les compagnies étrangères, dont la concurrence est importante. Dans ce ciel incertain, il faut limiter les turbulences du secteur pour qu'il retrouve sa vitesse de croisière le plus rapidement possible. Vincent Capo-Canellas a su mener un exercice de haute voltige : rédiger un texte acceptable pour tous qui résout un maximum de situations problématiques. Qu'il en soit remercié ainsi qu'Évelyne Perrot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Procaccia . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À quelques mois de la fin de mon mandat, je vis une période enthousiasmante, avec l'examen de textes sur des sujets qui me tiennent à coeur : la lutte contre le squat, le service minimum dans les transports.
M. André Reichardt. - Exact !
Mme Catherine Procaccia. - Je remercie Vincent Capo-Canellas de cette initiative. Le combat se poursuit, non contre les contrôleurs aériens, mais pour les voyageurs. Il s'agit de permettre aux compagnies d'être informées et d'adapter le trafic à la réalité du nombre de grévistes.
En tant que passagère, j'ai récemment subi cette grève d'autant plus inacceptable qu'elle est secrète : c'est dans l'avion que nous avons appris que nous partirions « quand les aiguilleurs du ciel l'auront décidé », avec au moins une heure de retard. Tant pis pour les correspondances ! Aéroports de Paris (ADP) m'a ensuite renvoyée sur la DGAC, qui aurait oublié de communiquer...
Instauré par la loi de 2007 dont j'étais rapporteur, le préavis de 48 heures sur les transports terrestres a amélioré la prévisibilité des perturbations sans empêcher le droit de grève. J'ai par la suite déposé une proposition de loi sur le transport aérien, jamais examinée ; quant à la loi Diard, elle ne concerne pas les contrôleurs. Après quinze ans, la DGAC va enfin pouvoir adapter le trafic. Pourtant, en 2007, puis en 2010 lors d'un débat sur le service minimum, et encore en 2018, sur la proposition de loi Guerriau, elle jugeait la déclaration préalable inutile.
Le droit de grève des aiguilleurs du ciel a bientôt 40 ans, et la réquisition ne fonctionne pas. Les grévistes n'étant pas obligés de se déclarer à l'avance, on annule préventivement plus de vols que nécessaire, disait le ministre des transports en 2010, ajoutant qu'il faudrait peut-être modifier la loi.
Monsieur le ministre, serez-vous celui qui appliquera ce texte mesuré ? J'espère que vous l'inscrirez à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, sans craindre des grèves à l'approche des vacances.
Les correspondances ratées en France ont des effets en cascade. Il y a quelques années, quatre compagnies aériennes portaient plainte, le survol de l'Hexagone leur ayant été interdit pour près de 16 000 vols en un trimestre. L'association Airlines for Europe (A4E) demande à la Commission européenne la protection des survols en cas de grève, comme cela existe déjà en Italie. Monsieur le ministre, agirez-vous pour éviter une condamnation ?
Selon Eurocontrol, les transporteurs ont volé en moyenne 96 000 km de plus par jour de grève : encore un argument décisif, quand on prétend faire de la sobriété énergétique une priorité !
Je voterai ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE ; M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)
Discussion des articles
AVANT L'ARTICLE UNIQUE
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Tabarot.
Avant l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre Ier du code général de la fonction publique est complétée par un article L. 114-2-... ainsi rédigé :
« Art. L. 114-2-.... - Un préavis déposé dans les conditions prévues à l'article L. 2512-2 du code du travail, qui n'a pas donné lieu à une cessation concertée du travail par au moins deux agents publics de l'État, des autorités administratives indépendantes, des autorités publiques indépendantes et des établissements publics de l'État, des collectivités territoriales autres que les communes comptant au plus 10 000 habitants et de leurs établissements publics ainsi que des établissements publics mentionnés à l'article L. 5 du présent code, pendant une période de vingt-quatre heures, est caduc. L'autorité administrative dont ils relèvent constate la caducité du préavis et en informe la ou les organisations syndicales l'ayant déposé.
« En cas de caducité du préavis, les déclarations individuelles présentées antérieurement à ce constat et mentionnées à l'article L. 114-9 du présent code ne peuvent produire d'effet. »
M. Philippe Tabarot. - Il s'agit de rendre caducs les préavis de grève n'ayant pas donné lieu à une cessation concertée du travail. En effet, un préavis illimité rend toute anticipation impossible.
Mme Évelyne Perrot, rapporteure. - L'objectif est pertinent : éviter de faire peser une épée de Damoclès sur la prévisibilité. Toutefois, la portée de l'amendement, qui vise tout préavis au sein de la fonction publique, excède le champ de la proposition de loi et fragiliserait ses équilibres. Retrait ?
M. Clément Beaune, ministre délégué. - Même avis. L'amendement risquerait de remettre en cause le subtil équilibre du texte.
Le 11 février, la DGAC et le ministre des transports n'avaient aucune information autre que des rumeurs : la grève surprise a été déclenchée par une petite minorité de grévistes, s'appuyant sur un préavis existant.
Cette proposition de loi n'est pas de circonstance, mais de bon sens. Elle n'est pas contre les contrôleurs aériens mais pour eux, car ils sont les premiers affectés. Leur mission est essentielle, leur responsabilité lourde. Les transformations à venir supposent un investissement considérable dans les systèmes d'information : nous y consacrons plusieurs centaines de millions d'euros.
Il faut d'abord une intervention du législateur car l'organisation d'un service minimum touche à un droit constitutionnel. Je m'engage à procéder aux modifications réglementaires qui en découleront, et à ajuster la liste des aéroports concernés.
M. Vincent Capo-Canellas. - Très bien !
M. Clément Beaune, ministre délégué. - Les premières victimes d'annulations surcalibrées sont les voyageurs et les compagnies françaises. Ce texte protège aussi le pavillon français.
Je souhaite que le Sénat l'adopte, et qu'il soit rapidement inscrit à l'ordre du jour à l'Assemblée nationale. Nous avons d'ailleurs engagé la procédure accélérée. (Mme Catherine Procaccia et M. Vincent Capo-Canellas applaudissent.)
M. André Reichardt. - Pour une fois, cela se justifie !
M. Philippe Tabarot. - Je souhaitais ouvrir le débat sur les préavis illimités. Pour ne pas faire obstacle au texte, je retire l'amendement tout en appelant à rester mobilisés. (M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Christine Chauvin et M. Jean-François Longeot applaudissent.)
L'amendement n°1 rectifié est retiré.
ARTICLE UNIQUE
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Pellevat, Regnard, Calvet et Frassa, Mme F. Gerbaud, MM. Daubresse, Kern et D. Laurent, Mme Garriaud-Maylam, MM. C. Vial, Panunzi et H. Leroy, Mme Dumont, M. Mandelli, Mme Belrhiti, M. Charon, Mme Jacquemet, MM. Belin et Genet, Mme Bellurot et MM. Klinger et Laménie.
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
l'avant-veille
par les mots :
la veille
M. André Reichardt. - Cet amendement réduit de 48 à 24 heures le délai minimal de renonciation à la participation à une grève, pour aligner le secteur de la navigation aérienne sur ce qui est prévu pour d'autres secteurs par la loi du 16 janvier 1984 et par le code des transports.
De plus, dans la perspective d'un éventuel contrôle de constitutionnalité, ce délai concilie l'exercice du droit de grève et la continuité du service, et a déjà été jugé conforme.
Mme Évelyne Perrot, rapporteure. - L'objectif est louable, mais l'amendement pose des difficultés opérationnelles. Ce nouveau délai permettrait au personnel gréviste de renoncer à la grève la veille à 18 heures, et non 24 heures avant le début de la grève, comme le prévoit la loi Diard, ce qui laisse trop peu de temps pour organiser les abattements de vols. Les contrôleurs aériens ne bénéficieraient pas de l'organisation en amont du service minimum. Enfin, l'administration devrait toujours engager le service minimum l'avant-veille à 18 heures. Retrait ou avis défavorable.
M. Clément Beaune, ministre délégué. - Même avis. Le délai laissé à la DGAC serait trop court. Préservons l'équilibre fin du texte.
M. André Reichardt. - Pourquoi la DGAC ne pourrait-elle faire ce que font d'autres autorités, soumises à un délai de 24 heures ?
Toutefois, je veux que cela fonctionne. Au vu de l'accord entre l'auteur, le rapporteur et le ministre, pour faire plaisir à Catherine Procaccia, qui attend depuis des années, et parce que le ministre a engagé la procédure accélérée, je retire mon amendement. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)
L'amendement n°2 rectifié est retiré.
À la demande du groupe UC, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°308 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l'adoption | 250 |
Contre | 92 |
L'article unique est adopté. En conséquence, la proposition de loi est adoptée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, du RDPI et du RDSE)
Mécénat culturel
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à développer l'attractivité culturelle, touristique et économique des territoires via l'ouverture du mécénat culturel aux sociétés publiques locales, présentée par Mme Sylvie Robert et plusieurs de ses collègues, à la demande des groupes SER et UC.
Discussion générale
Mme Sylvie Robert, auteure de la proposition de loi . - Comme chaque année depuis 2019, en loi de finances ou dans les textes relatifs aux collectivités territoriales, nous évoquons l'ouverture du mécénat aux sociétés publiques locales (SPL) culturelles. C'est un cheval de bataille du Sénat. Mais les amendements ont hélas toujours été repoussés en CMP. Cette fois, nous déposons non des amendements mais une proposition de loi transpartisane. Les temps de concorde sont rares : savourons-les. J'espère que le Gouvernement, dans sa sagesse, s'y joindra. J'associe mes coauteurs, Julien Bargeton, Hervé Marseille et Antoine Lefèvre.
Il s'agit avant tout de revenir sur une inégalité de traitement entre l'État et les collectivités. Aux termes de l'article 238 bis du code général des impôts, l'État, seul ou conjointement avec une ou plusieurs collectivités, peut recourir au mécénat pour financer des projets culturels.
La proposition de loi consacre cette logique d'association vertueuse en l'appliquant aux collectivités qui s'unissent en vue de réaliser un projet culturel. Nous ne créons pas de dérogation, mais permettons aux collectivités ce que l'État s'autorise. Les collectivités seraient-elles moins légitimes à s'associer que l'État ? Moins garantes de l'intérêt général ? Moins précautionneuses ? Le Sénat ne peut que s'inscrire en faux. Le Gouvernement est-il prêt à faire confiance aux collectivités regroupées en SPL pour déployer une ambition culturelle sur leur territoire ?
On parle souvent de big bang ou d'acte III de la décentralisation, mais les petits pas de Robert Schuman et de Jean Monnet existent aussi. Ce texte en est un : comment croire à votre ambition décentralisatrice si vous ne le saisissez pas ?
Je veux répondre aux questionnements juridiques soulevés. Rappelons d'abord que selon l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales, les seuls actionnaires des SPL sont des collectivités territoriales, ce qui leur permet de mener des actions d'intérêt général, en privilégiant mutualisation, souplesse, subsidiarité.
Deuxièmement, les SPL ne peuvent créer de filiales et se contentent d'agir pour le compte de leurs collectivités-actionnaires.
Troisièmement, elles sont contrôlées en aval par les collectivités, les chambres régionales des comptes, les commissaires aux comptes et au titre du contrôle de légalité.
Quatrièmement, la loi 3DS a affermi les règles en matière de déontologie, de transparence et de prévention des conflits d'intérêts.
Enfin, le rapporteur a sécurisé le texte en prévoyant que le conseil d'administration ou de surveillance statue sur l'acceptation des dons, par analogie au régime des dons et legs aux communes. L'édifice est parachevé.
Sur le plan budgétaire, la dépense fiscale s'élèverait à 1,7 million d'euros par an, sans compter les retombées économiques et fiscales indirectes. Tous mes interlocuteurs ont insisté sur l'effet de levier de la culture pour l'attractivité touristique et économique. (Mme Sonia de La Provôté acquiesce.) Il faut octroyer aux collectivités un maximum de moyens pour dynamiser leur territoire. Oui, c'est une dépense fiscale. A-t-elle un impact positif ? Oui, tant pour les collectivités que pour l'État. C'est un investissement. Le dispositif devra bien sûr être évalué.
Cette proposition de loi, enfin, soutient le secteur de la culture, mis à rude épreuve par la crise sanitaire. La reprise est encore timide alors que l'environnement se dégrade - je pense entre autres au coût de l'énergie.
Perpétuelle variable d'ajustement, terrain du résurgent combat idéologique et civilisationnel, la culture mérite d'être protégée, ici et maintenant. Cette proposition de loi participe d'une politique plus large de sauvegarde et de valorisation de la vie culturelle de nos territoires. Elle conduirait à amplifier leur activité culturelle.
Élan décentralisateur, rigueur juridique, dépense faible, instrument au service d'une ambition culturelle, autant de raisons de voter cette proposition de loi. Je ne doute pas du soutien du Sénat. J'espère que le Gouvernement s'y montrera favorable, envoyant ainsi un signal favorable aux collectivités et au monde culturel. (Applaudissements)
M. Michel Canévet, rapporteur de la commission des finances . - (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC) La France est connue pour son rayonnement culturel, qui tient à la richesse de son patrimoine et à la diversité des activités culturelles. Les acteurs publics, l'État et les collectivités territoriales, sont des acteurs incontournables du développement culturel, et la richesse de la vie associative fait essaimer l'action culturelle en tout point du territoire.
La commission des finances soutient ce texte de bon sens.
Les entreprises locales sont les sociétés d'économie mixte (SEM), les SEM à opération unique et, depuis la loi de 2010, les SPL. Dans mon département, le Finistère, c'est une SPL, Eau du Ponant, qui gère l'eau et l'assainissement ; dans le Morbihan, la Compagnie du Morbihan assure la gestion des ports ; Destination Rennes assure le développement touristique. Les exemples sont nombreux, avec 500 SPL à travers le pays.
Ce texte vise à élargir le bénéfice de la disposition fiscale en faveur du mécénat culturel, au titre de l'article 238 bis du code général des impôts, aux SPL, qui sont des outils purement publics, sachant que cette possibilité est déjà ouverte aux entreprises où siège l'État.
Le coût de cette mesure est modique - 1,7 million d'euros, à comparer aux 900 millions à 1,2 milliard d'euros consacrés au mécénat culturel. Nous sommes dans l'épaisseur du trait, d'autant que certains acteurs pourraient se déporter vers les SPL. (Mme Sonia de La Provôté et M. Julien Bargeton opinent.)
Pourquoi les collectivités ne pourraient-elles pas bénéficier des avantages du mécénat culturel ? Il s'agit de favoriser la parité de traitement, quel que soit le mode de gestion choisi.
Je vous invite à voter ce texte empreint de bon sens. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports . - Voilà vingt ans, la loi Aillagon donnait un nouvel élan au mécénat, en prévoyant que les dons des entreprises à des oeuvres culturelles ou sociales ouvrent droit à des réductions d'impôt. Cet effet de levier fiscal est devenu la colonne vertébrale du soutien à la générosité dans notre pays. Il représente chaque année un effort de plus de 3 milliards d'euros : 1,1 milliard pour le mécénat des entreprises, 1,8 milliard pour les dons des particuliers et plus de 130 millions d'euros au titre de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Chaque donateur décide librement où allouer sa contribution et celle de l'État.
Le champ culturel est très bien couvert : arts plastiques, livre, cinéma, spectacle vivant, patrimoine, formation artistique, restauration de monuments, entre autres, sont éligibles. Le mécénat permet aussi la prise en compte de contributions en nature.
Ce soutien fiscal s'accompagne d'autres exonérations, notamment en matière de droits de donation. Le dispositif est complet et large ; son succès réside dans la liberté laissée aux Français et aux entreprises pour choisir les causes qu'ils souhaitent soutenir.
Nous devons préserver cet environnement fiscal. En 2020, le plafond de versement est passé de 10 000 à 20 000 euros pour les petites entreprises. Des aménagements ont été prévus pour de grandes causes nationales comme la restauration de Notre-Dame de Paris, ou pour les associations caritatives pendant la crise sanitaire.
Avec le prélèvement à la source, nous avons intégré les réductions d'impôt pour les particuliers dans le champ de l'avance de janvier.
Bref, le Gouvernement a considérablement mobilisé le levier fiscal au service de la générosité. Mais il faut rester fidèle aux grands principes : poursuite d'un objectif d'intérêt général, gestion désintéressée de l'organisme, caractère non lucratif des organismes soutenus.
Je sais que le Sénat veille à la bonne utilisation des deniers publics. Nous avons, avec vous, renforcé les dispositifs de contrôle de la défiscalisation des dons. Dans son rapport de novembre 2018, la Cour des comptes insistait sur le dynamisme de la dépense fiscale, dans un contexte de baisse du taux de l'impôt sur les sociétés.
Notre dispositif de défiscalisation est l'un des plus généreux et efficaces au monde.
La proposition de loi rend éligible au mécénat les dons à des SPL, qui sont des sociétés commerciales, lorsqu'elles ont pour activité principale la présentation publique de spectacles, l'organisation d'expositions d'art contemporain, l'accès public au patrimoine ou la gestion de musées.
Le Gouvernement n'y est pas favorable. D'abord pour éviter une hiérarchisation des causes d'intérêt général : pourquoi la culture, mais pas des associations caritatives ou de protection de l'environnement ?
Ensuite, car cela aboutirait à faire financer par l'État des activités lucratives. Votre proposition de loi étend très substantiellement une disposition certes dérogatoire, mais circonscrite, et conditionnée à la présence de l'État au capital. L'ouvrir davantage fragiliserait l'ensemble.
Enfin, car le volet relatif au patrimoine ouvrirait la réduction fiscale à des activités non éligibles à la réduction d'impôt de droit commun. Il faut maintenir le régime fiscal du mécénat dans un champ d'activité connu.
C'est pourquoi le Gouvernement ne peut être favorable à votre proposition de loi.
M. Jean-Claude Requier . - Le mécénat culturel est un moyen ancien et efficace de soutenir la préservation de notre patrimoine. Ancien, car il remonte à Mécène, qui, à la fin de la République romaine, consacra sa fortune au soutien des arts et des lettres. Efficace, car il constitue une alternative au soutien public - je pense à l'afflux de dons pour la restauration de Notre-Dame de Paris et à l'engouement pour le Loto du patrimoine.
La culture et le spectacle vivant ont souffert de la crise sanitaire, malgré le quoi qu'il en coûte. Ils sont pourtant de première nécessité.
Le mécénat culturel des entreprises dépend fortement de la conjoncture. De leur côté, les collectivités territoriales assurent près de 70 % de l'investissement dans le secteur culturel.
Rechercher de nouvelles sources de financement est louable. Maire de Martel pendant près de trente ans, je suis sensible à la valorisation du patrimoine historique et architectural. Je regrette à cet égard la suppression de la réserve parlementaire...
M. Antoine Lefèvre. - Quelle erreur !
M. Jean-Claude Requier. - Cette proposition de loi transpartisane rassemble les quatre plus grands groupes du Sénat - dommage que les plus petits n'y aient pas été associés. Son coût budgétaire semble très limité. Les entreprises trouveront avantage à soutenir les SPL, notamment en termes d'image de marque.
Un amendement de la commission des finances vise à assurer le suivi des fonds et à prévenir les conflits d'intérêts au sein des SPL.
Le RDSE votera ce texte. (M. Marc Laménie applaudit.)
M. Antoine Lefèvre . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Depuis leur création par la loi du 28 mai 2010, les SPL ont montré leur efficacité, en complément des services publics industriels et commerciaux (Spic), en particulier dans la promotion de la culture, si pénalisée par la crise sanitaire.
Les collectivités territoriales financent le secteur culturel à 70 %. Tour Eiffel, Palais des papes, Château des ducs de Bretagne, abbaye de Fontevraud : autant de sites administrés par des SPL, qui gèrent aussi de nombreux théâtres, cinémas et festivals. Ouvrir le mécénat culturel aux SPL serait une juste reconnaissance d'un modèle qui fonctionne.
La gouvernance des SPL est intégralement publique, et la loi 3DS a instauré des mécanismes de prévention des conflits d'intérêts. Mésusage des fonds ou faits du prince ne sont pas à craindre.
Notre proposition de loi crée un système vertueux. Pari gagnant sur tous les plans, pour les entreprises et les collectivités territoriales.
Je remercie mes trois coauteurs et j'espère que l'Assemblée nationale sera sensible à notre travail transpartisan. Je regrette la position du ministre, aux antipodes de la nôtre, car ce texte est dans l'intérêt de nos territoires et de la vitalité culturelle. (Applaudissements)
M. Jean-Pierre Grand . - Le monde de la culture a été durement éprouvé par la pandémie. Qu'est-ce qu'un théâtre, un cinéma ou un musée sans public ? Le modèle économique a été mis à mal, même si Gouvernement et Parlement se sont très tôt mobilisés pour aider les acteurs, en plus des collectivités territoriales.
Nous devons inventer de nouvelles ressources pour pérenniser les activités culturelles. Notre groupe avait formulé plusieurs propositions lors du débat budgétaire. Le présent texte s'inscrit dans la même logique.
Je regrette que notre groupe n'ait pas été associé à cette initiative transpartisane, que nous voterons cependant. Nous souhaitons même aller plus loin, en autorisant les dons des particuliers aux SPL. Nous regrettons que l'amendement en ce sens de Mme Paoli-Gagin ait été déclaré irrecevable par une application restrictive de l'article 45.
Sur l'initiative de Mme Mélot, auteure d'une proposition de loi sur le sujet, nous proposerons d'ouvrir le mécénat à l'art numérique, qui connaît un développement dynamique, notamment auprès de la jeunesse. Il faut adapter notre cadre législatif à cette nouvelle donne.
Le groupe Les Indépendants soutient sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI, ainsi qu'au banc des commissions)
M. Daniel Breuiller . - Je salue les travaux de nos collègues, ainsi que du rapporteur. Le GEST soutient sans ambiguïté ce texte qui permet aux SPL d'accéder au mécénat culturel, comme le peut l'État lorsqu'il est actionnaire de sociétés de capitaux. Monsieur le ministre, l'État, ce sont aussi les collectivités territoriales !
M. Antoine Lefèvre. - Eh oui !
M. Daniel Breuiller. - Ce texte répond à la demande de la Fédération des élus des entreprises publiques locales, de la Fédération nationale des collectivités pour la culture et de nombreux élus présidant des sociétés publiques locales culturelles.
Après la pandémie, et avec l'inflation, le spectacle vivant retrouve difficilement son public d'avant-crise, les métiers techniques sont en tension et de nombreux artistes sont confrontés à la triple précarité relevée par la Cour des comptes dans un rapport de mai 2022 : contrats courts, pluriactivité, bas salaires. De plus, les grands événements sportifs risquent d'entamer les moyens dont disposeront les acteurs culturels. Et le secteur, énergivore, doit relever le défi de la décarbonation.
Les collectivités territoriales subissent la baisse des aides de l'État. Il en résulte une double peine pour le monde culturel. J'ai une pensée pour l'Institut des arts et du design de Toulouse, qui connaît une crise sans précédent, menaçant l'avenir des étudiants et 39 postes d'enseignant.
Selon le Cese, les crédits des directions des affaires culturelles baissent de 10 ou 20 %, par petites touches. Souvent, quand on coupe dans les budgets, on s'en prend d'abord à la culture. Or si elle n'est plus soutenue par les collectivités, la culture sera faite par quelques-uns pour quelques-uns. La biodiversité culturelle doit être protégée partout, et les jeunes pousses sont essentielles à cet écosystème.
En 2014, Ariane Mnouchkine disait : « Surtout, disons à nos enfants qu'ils arrivent sur terre quasiment au début d'une histoire et non pas à sa fin désenchantée. Il faut qu'ils sachent que, ô merveille, ils ont une oeuvre, faite de mille oeuvres, à accomplir, ensemble. Quel plus riche héritage pouvons-nous léguer à nos enfants que la joie de savoir que la genèse n'est pas encore terminée et qu'elle leur appartient. » (Applaudissements)
M. Teva Rohfritsch . - Voici un marronnier de notre commission des finances. Voté à plusieurs reprises par notre Assemblée, le dispositif proposé par nos collègues vise à rendre éligibles aux dons les SPL intervenant dans le domaine de la culture.
À ce jour, seuls les dons réalisés à certains organismes d'intérêt général peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt de 60 % - 40 % pour les dons excédant 2 millions d'euros.
Le rapporteur a répondu en grande partie aux arguments qui avaient justifié la suppression du dispositif par l'Assemblée nationale.
Une alternative aurait été de créer un fonds de dotation ou un établissement public en association avec l'État. Mais cela ne répondrait que partiellement à l'enjeu, puisque les dons reversés aux SPL seraient soumis à la TVA et que la création d'un établissement public engendrerait des coûts de fonctionnement. (M. Michel Canévet opine.)
L'article 2 de la proposition de loi réduit grandement les risques de conflit d'intérêts.
Le coût du dispositif pour les finances publiques - 1,7 million d'euros - reste modeste et pourrait même être revu à la baisse.
Enfin, la loi de finances pour 2023 a déjà autorisé le don à des entités publiques où l'État n'est pas représenté. Les entreprises peuvent effectuer des dons en faveur des groupements de collectivité aux fins de défense de l'environnement. Ce n'est donc pas un précédent isolé.
Nous nous interrogeons certes sur l'incidence réelle du dispositif, mais gageons qu'il sera gagnant pour la culture comme pour les collectivités territoriales. Cette proposition coûtera peu à l'État, mais sera utile pour l'action culturelle de nos collectivités. (Applaudissements)
M. Vincent Éblé . - Le secteur culturel est en difficulté, singulièrement depuis les crises sanitaire puis économique. Les sorties culturelles et les loisirs sont les premières variables d'ajustement des familles dans le contexte actuel d'inflation. Si l'État a agi pendant le covid via des aides spécifiques au secteur culturel, celui-ci a encore besoin d'être conforté par l'action publique.
Nous devons innover pour relancer le secteur de la culture. La proposition de loi de Sylvie Robert, dont je salue l'engagement de longue date, apporte un nouvel outil pour faciliter les investissements des collectivités en matière culturelle. Celles-ci assurent 70 % des investissements culturels, soit 9,5 milliards d'euros. Mais lorsque la conjoncture économique se dégrade, le risque de désengagements cumulatifs est élevé. Il faut donc des financements complémentaires.
Les SPL sont exclues du mécénat culturel, réservé aux sociétés dont l'État est actionnaire. Cette proposition de loi y remédie. Son adoption enverra un signal de confiance aux élus territoriaux, qui sont les mieux à même de construire des politiques culturelles en adéquation avec les attentes des populations.
Nous soutenons donc avec conviction cette proposition de loi transpartisane.
Des études montrent que la participation à l'attractivité du territoire est la deuxième priorité des entreprises dans le mécénat culturel. Avec cette proposition de loi, les dons des TPE et PME seront mieux en phase avec les besoins des territoires. La comptabilité analytique isolera les activités patrimoniales et culturelles, avec les dons afférents.
Le coût estimé, de 1,7 million d'euros, représente moins de 1 % des 230 millions d'euros que pèse chaque année le mécénat culturel.
Nous déplorons vivement l'avis défavorable du Gouvernement, qui méconnaît l'inégalité de traitement entre l'État et les collectivités territoriales. Les grands électeurs sauront s'en souvenir.
Enfin, nous saluons le travail de sécurisation accompli par le rapporteur.
Notre groupe votera ce texte et souhaite qu'il entre en vigueur dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Éric Bocquet . - Nous voterons cette proposition de loi visant à irriguer les SPL d'argent issu du mécénat privé. La culture est dans l'ADN des élus communistes. Toutefois, il faut relativiser l'importance du dispositif. Le montant de 1,7 million d'euros pourrait être neutre en cas de report des dons défiscalisés désormais orientés vers les SPL. Les dons escomptés s'élèvent donc à 2,85 millions d'euros.
Il n'y a que 51 SPL culturelles sur notre territoire, dont une seule dans le Nord. Le mécénat fige les inégalités territoriales : 56 % des dons en Île-de-France, qui représente 30 % du PIB, contre 4 % dans les Hauts-de-France, qui pèse 7,1 % du PIB. La concentration est extrême. C'est pourquoi le mécénat ne saurait se substituer au financement fondé sur l'impôt. Au surplus, ce ne sont pas les TPE et PME, mais les grandes entreprises, qui assurent la plus grande part du mécénat. Trois quarts des dons sont versés par 3,4 % des entreprises.
Il faut toutefois reconnaître l'inégalité de traitement entre les entreprises publiques locales selon leur statut et les associations culturelles. L'anthropologie fiscale pourrait indiquer que le législateur n'a pas voulu, pour les SPL aux capitaux 100 % publics, que les dons soient conditionnés à des contre-dons, pour reprendre l'expression de Marcel Mauss. De fait, les SPL doivent verser une contrepartie de 25 % des dons pour attirer les donateurs privés.
Enfin, l'incitation fiscale proposée est un tantinet contradictoire avec l'arrêt du Conseil d'État du 14 novembre 2018.
Malgré ces réserves, nous voterons la proposition de loi, qui résorbe une inégalité de traitement, est demandée par les acteurs du secteur, et dont l'effet sur les finances publiques sera faible. (MM. Marc Laménie et Antoine Lefèvre applaudissent.)
M. Vincent Capo-Canellas . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Face à la perte d'activité pendant la crise sanitaire et à l'évolution des pratiques, le besoin de financement du secteur culturel est préoccupant. Les collectivités territoriales sont investies : elles fournissent 70 % des investissements dans le secteur culturel, via leurs SPL. Or leur situation budgétaire est fragilisée, alors que les besoins de financement restent importants. Il nous faut mobiliser d'autres leviers, au travers du mécénat.
Je rends hommage aux auteurs du texte et salue le travail du rapporteur. Les dons aux SPL n'ouvrent pas droit aux réductions d'impôt, ce qui renvoie les TPE, PME et ETI locales vers des acteurs privés ou des sociétés publiques dont l'État est actionnaire. Pourquoi l'État et pas les collectivités territoriales ? Ce texte répond à cette injustice.
Les dons des entreprises aux SPL à vocation culturelle ouvriront droit à réduction d'impôt. Ce sera un appel d'air en faveur du financement de la culture, deuxième domaine d'investissement des entreprises après le sport. Les dons devront être autorisés par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance des SPL.
Le groupe UC votera ce texte essentiel à l'attractivité culturelle, économique et touristique de nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que du RDPI)
Mme Anne Ventalon . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Un consensus se dégage. Notre offre culturelle survivrait-elle sans les collectivités territoriales ? Certainement pas. Ces dernières doivent-elles assumer cette responsabilité seules ? Non. Il faut encourager les initiatives privées et le mécénat, d'autant plus qu'il est le fait d'entreprises locales. Faisons sauter les verrous juridiques qui brident les initiatives.
L'ouverture du mécénat aux SPL permettra la mise en valeur du patrimoine. Cette proposition de loi est donc salutaire. Elle traduit une volonté exprimée à plusieurs reprises par le Sénat, notamment Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, rapporteurs de la loi 3DS.
Encourageons les Guggenheim ou Pierre Cardin du XXIe siècle à investir dans le capital culturel des territoires. Notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que du RDPI)
Discussion des articles
ARTICLE 1er
M. Jean-François Longeot . - J'apporte mon soutien enthousiaste à l'initiative audacieuse défendue par Mme Mélot. L'art numérique connaît une expansion sans précédent, c'est une révolution culturelle qui transcende les clivages. Je pense aux spectacles sons et lumières qui permettent à nos villages de valoriser leur patrimoine et de renforcer leur rayonnement touristique. Encourageons un domaine dans lequel la France est à la pointe ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Marc Laménie . - J'apporte mon soutien à cette proposition de loi et salue ses auteurs.
Dès mars 2020, le secteur culturel a été durement affecté. Dans nos 36 000 communes, la culture est une richesse précieuse. Avec les bénévoles et les associations, l'État et les collectivités concourent à sa promotion. Je salue l'ouverture du mécénat aux SPL, un signe fort en faveur de la culture.
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Mélot, MM. Grand, Malhuret, Lagourgue, Wattebled, Guerriau, A. Marc et Chasseing, Mmes Paoli-Gagin et de La Provôté et M. Fialaire.
I. - Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Après le mot : « audiovisuelles », sont insérés les mots : « , sur support analogique ou numérique, » ;
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. Jean-Pierre Grand. - Cet amendement intègre l'art numérique, qui connaît un développement dynamique, notamment auprès des jeunes générations. En commission, le rapporteur a précisé que la doctrine fiscale intègre déjà cette forme de création, mais mieux vaut l'inscrire dans la loi.
M. Michel Canévet, rapporteur. - Le coût du mécénat d'entreprises est de 1,7 milliard d'euros, dont 230 millions d'euros pour le mécénat culturel. L'estimation de 1,7 million d'euros vient de la Fédération des entreprises locales. L'amendement est satisfait : le bulletin officiel pour l'application des déductions fiscales précise que toutes les formes d'art contemporain sont éligibles. Retrait ?
M. Clément Beaune, ministre délégué. - Avis défavorable.
L'amendement n°2 rectifié est retiré.
L'article 1er est adopté.
L'article 2 est adopté.
La proposition de loi est adoptée.
Mme Sylvie Robert. - Je remercie mes collègues pour leur unanimité et leur constance. L'avis défavorable du Gouvernement lui fait manquer l'occasion d'adresser un signal de confiance aux collectivités et au monde de la culture, c'est regrettable vu le contexte. (MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller et Antoine Lefèvre applaudissent.)
Prochaine séance, mardi 20 juin 2023, à 14 h 30.
La séance est levée à 18 h 30.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 20 juin 2023
Séance publique
À 14 h 30 et à 21 h 30
Présidence : M. Vincent Delahaye, vice-président, Mme Nathalie Delattre, vice-présidente, Mme Valérie Létard, vice-présidente
Secrétaires : M. Joël Guerriau - Mme Françoise Férat
1. Projet de loi relatif à l'industrie verte (Procédure accélérée) (Texte de la commission, n°737, 2022-2023)
2. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 29 et 30 juin 2023