SÉANCE

du mercredi 14 juin 2023

99e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 15 h 05.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Attaque à Annecy (I)

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé, Mme Évelyne Perrot et M. François Patriat applaudissent également.) Ce 8 juin 2023, l'horreur a frappé la paisible ville d'Annecy. Un assaillant a attaqué quatre enfants de 22 à 36 mois, dont deux ont leur pronostic vital engagé ; deux adultes ont aussi été gravement blessés. C'est de l'ordre de l'indicible : on protège, on console, on éduque un enfant, mais au grand jamais on ne le poignarde dans sa poussette !

Le chemin de la guérison physique et psychique sera long. Je salue le préfet, les secours, nos forces de l'ordre, mais aussi la bravoure des héros du quotidien comme Henri qui, malgré leur effroi, ont su faire preuve de bravoure. Je suis reconnaissant aux élus locaux, dont François Astorg, maire d'Annecy, que je soutiens face aux attaques odieuses dont il est victime. Merci à vous, madame la Première ministre, au ministre de l'intérieur et au Président de la République de vous être rendus sur place.

S'il nous faut éviter les polémiques, des zones d'ombre demeurent. Les premiers éléments de l'enquête interrogent : la demande d'asile de l'assaillant a été traitée en plus de six mois, alors qu'elle était a priori irrecevable, le système Eurodac devant permettre de savoir qu'il l'avait déjà obtenu en Suède. Pourquoi de tels délais ?

La liberté de circulation des titulaires de l'asile est une faculté des États et non une obligation. Comptez-vous restreindre ce droit ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Il n'y a rien de plus lâche, de plus choquant, de plus monstrueux que de s'en prendre ainsi à l'innocence. Je me suis immédiatement rendue sur place avec le ministre de l'intérieur. Le Président de la République était là dès le lendemain, pour soutenir les familles. Je pense aux victimes et adresse ma solidarité aux proches comme aux habitants d'Annecy. Je rends hommage aux forces de l'ordre, aux secours, aux soignants et aux citoyens, qui ont permis d'éviter l'irréparable. Comme vous et comme tous les Français, je souhaite que la lumière soit faite sur les faits ; l'enquête est en cours. En attendant, l'heure est à la dignité et au recueillement. Le Gouvernement reste mobilisé plus que jamais pour protéger les Français. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE ; protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Attaque à Annecy (II)

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il faisait beau ce jeudi matin au bord du lac d'Annecy. Soudain, au pied du pont des Amours, dans le square, un assaillant poignarde plusieurs petits enfants jusque dans leurs poussettes avant de s'en prendre à des personnes âgées. Les premiers témoins et les forces de l'ordre sont intervenus très rapidement, permettant de sauver la vie de toutes les victimes : notre reconnaissance à leur égard est immense.

Depuis, la Haute-Savoie est sous le choc. Votre venue, madame la Première ministre, et le rassemblement de dimanche ont été des moments d'unité. De vaines polémiques ont été vite balayées - tant mieux - mais des questions lourdes demeurent, concernant l'asile et la psychiatrie.

Il n'existe pas de liberté d'établissement des titulaires de l'asile aux termes des règles de Schengen ; or l'agresseur était installé depuis sept mois.

L'état de la psychiatrie en Haute-Savoie est catastrophique : des services ferment à Thonon pour être transférés à la Roche-sur-Foron où un tiers des lits sont fermés, faute de personnel. Les services font face à des besoins criants. Comment aller vers ceux qui ont besoin de soins, comme des SDF souvent étrangers et en situation de marginalité ?

Madame la Première ministre, quelles décisions le Gouvernement compte-t-il prendre pour que ce drame ne se reproduise jamais ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Guy Benarroche applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Le drame survenu à Annecy est un choc terrible. À l'heure actuelle, les six blessés sont hors de danger. J'ai une pensée pour eux et leurs proches. Nous devons cette issue à l'action des forces de l'ordre, des secours et des citoyens. Je leur rends hommage.

Aujourd'hui, l'enquête se poursuit. Elle permettra d'en savoir davantage sur l'assaillant.

Nous avons interrogé les services de renseignement des autres pays européens, ainsi que les autorités judiciaires : cet agresseur n'avait fait l'objet d'aucun signalement, notamment psychiatrique.

Toutefois, notre mobilisation continue, avec tous les élus souhaitant, comme vous, agir pour la sécurité de nos concitoyens et le respect des frontières.

Les demandes d'asile émanant d'une personne ayant le statut de réfugié dans un autre État membre doivent effectivement être traitées plus rapidement. Nous y travaillons comme nous avons oeuvré pour obtenir au dernier conseil des ministres de l'intérieur de l'Union européenne la définition d'une procédure de demande d'asile obligatoire aux frontières de l'Union. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC, dont M. Loïc Hervé)

Tarifs réglementés du gaz

M. Fabien Gay .  - Le 30 juin, une nouvelle étape dans la libéralisation du secteur de l'énergie sera franchie avec la fin du tarif réglementé, puis, le lendemain,  celle du bouclier tarifaire : 2,6 millions de foyers devront passer à une offre de marché. C'est une folie en pleine crise énergétique !

Votre vision des cours mondiaux du gaz est erronée : la stabilité actuelle n'est qu'une accalmie, à un niveau élevé. Les prix réaugmenteront cet hiver. Le gaz qatari et le gaz naturel liquéfié américain ne suffiront pas, avec la reprise de l'économie chinoise.

La libéralisation devait faire baisser les prix... Pour le gaz, les tarifs ont augmenté de 90 % en dix ans, dont 50 % depuis le début de la crise énergétique. Plus personne ne croit votre fable : pour les collectivités, les entreprises et les usagers, c'est du racket au profit des acteurs alternatifs et des traders. C'est pourquoi le groupe CRCE a déposé une proposition de loi pour prolonger le tarif réglementé.

Allez-vous livrer 2,6 millions de foyers au marché et à la précarité énergétique ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER)

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Ce n'est pas une fable, mais une réalité que je vais vous raconter : depuis un an, les ménages français sont protégés. Rien à voir avec le tarif réglementé de vente (TRV) car, avec ou sans lui, sans bouclier tarifaire, les hausses auraient été exceptionnelles.

Au 1er juillet, le TRV prendra fin, conformément à une loi votée en 2019 et sans changement pour la plupart des ménages que vous mentionnez, qui passeront au tarif passerelle d'Engie. Ceux qui changeront le feront par choix, avec peut-être même une baisse de prix...

M. Fabien Gay.  - Mais bien sûr !

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Le prix du gaz est revenu aux niveaux d'avant la crise. Le marché européen nous y aide. Il faut certes le modifier en ce qui concerne l'électricité, et nous nous y attelons. Mais n'effrayez pas des ménages qui ne verront pas de changement au 1er juillet.

M. Fabien Gay.  - Jusqu'à quand respecterons-nous des règles européennes que nous sommes les seuls à suivre ? Espagnols et Portugais ont obtenu une dérogation. Les Allemands subventionnent le gaz à hauteur de 50 milliards d'euros, pendant que nous restons pieds et poings liés, mettant à bas collectivités, entreprises et usagers. Il faut un grand monopole public de l'énergie : si vous ne le faites pas, nous le ferons ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, sur des travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)

Petite enfance

M. François Patriat .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Comment évoquer les problèmes de l'enfance sans parler de l'acte odieux d'Annecy ? Nos pensées vont aux victimes et à leurs familles.

J'associe à ma question Xavier Iacovelli, particulièrement investi dans ce domaine. (On ironise sur certaines travées à gauche.)

Vous avez annoncé, à l'issue du Conseil national de la refondation, la création d'un service national de la petite enfance. C'était un engagement du Président de la République ; vous l'avez tenu. Recrutements insuffisants, disparités régionales, inégalités sociales importantes : il est indispensable de revaloriser les métiers de l'accueil pour notre politique familiale, mais aussi pour aller vers le plein emploi.

Le fonds est doté de 1,5 milliard de francs...

Nombreuses voix. - D'euros !

M. François Patriat.  - C'est parce que le montant m'impressionne... (Sourires) De 1,5 milliard d'euros, donc, chaque année pendant cinq ans. Vous avez aussi annoncé que les communes seraient les autorités organisatrices. (On s'impatiente sur plusieurs travées.) Pouvez-vous nous donner quelques détails ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; on ironise sur plusieurs travées.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Assurer l'accueil de la petite enfance, c'est construire l'avenir de notre pays, avancer pour l'égalité entre hommes et femmes et lever l'un des freins à l'emploi.

Trop souvent, obtenir une place d'accueil est un parcours d'obstacles. Conformément aux engagements du Président de la République, j'ai annoncé, avec le ministre Combe, la création d'un véritable service public de la petite enfance, avec 200 000 nouvelles places d'accueil. (Exclamations sur plusieurs travées à droite)

M. Roger Karoutchi.  - Payées par les communes !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Le rôle des maires, dont je connais l'engagement, est conforté. Le projet de loi pour le plein emploi prévoit un recensement de l'offre d'accueil à l'échelle de la commune et l'élaboration de schémas stratégiques par les grandes communes. Je sais que votre groupe, monsieur Patriat, y est très attentif. (On ironise à droite.)

Nous allons investir plus de 5 milliards d'euros supplémentaires d'ici à la fin du quinquennat pour améliorer le fonctionnement des collectivités et créer des places. Nous formerons mieux les professionnels de la petite enfance et renforcerons les dispositifs de contrôle. J'ai aussi confié une mission à Florence Dabin, présidente du conseil départemental du Maine-et-Loire, pour prévenir la maltraitance.

Nous oeuvrons ainsi pour l'égalité des chances et l'égalité entre les femmes et les hommes, objectifs que nous partageons tous. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Aide humanitaire à l'Ukraine

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) J'associe à cette question ma collègue Carlotti.

Alors que la guerre se poursuit en Ukraine et que les civils vivent sous d'incessants bombardements, quelle est la stratégie du Gouvernement pour la reconstruction de ce pays ami ?

Ces derniers mois, les infrastructures civiles, dont le barrage de Kakhovka, ont été particulièrement visées, ce qui affecte le quotidien des civils et pose la question de la reconstruction.

Certes, le Gouvernement aide financièrement l'Ukraine, mais il n'a pas précisé sa stratégie pour le rétablissement des services essentiels. Quels secteurs prioritaires ? Avec quels moyens ?

Certains pays de l'Union européenne sont déjà présents ; la France n'est pas au rendez-vous.

Pourtant, des opérateurs, notamment privés, sont prêts à s'engager, à condition que le classement en zone rouge par le ministère des affaires étrangères soit levé.

Quel est le mandat donné aux opérateurs publics tels qu'Expertise France et l'Agence française de développement ?

La France doit être, aujourd'hui et demain, aux côtés du peuple ukrainien ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Cathy Apourceau-Poly et Nadia Sollogoub, ainsi que MMPhilippe Folliot et Jean-Michel Arnaud, applaudissent également.)

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - L'Ukraine ne sera pas vaincue : elle se relèvera et sera pleinement intégrée à la famille européenne.

En complément de l'aide d'urgence, militaire et civile, notamment aux moments les plus difficiles de l'hiver, nous soutenons la résilience du peuple ukrainien : après le sabotage du barrage, nous avons envoyé dix tonnes de matériel.

Nous travaillons aussi à l'après. Nous avons ainsi nommé - nous étions le premier pays du G7 à le faire, en mars  - un envoyé spécial, Pierre Heilbronn, pour identifier les actions prioritaires et trouver des financements en lien avec les bailleurs internationaux.

La France aide les entreprises souhaitant s'engager : en témoigne la conférence tenue le 13 décembre à Bercy. Je participerai le 21 juin, à Londres, à une conférence sur la reconstruction

Il n'est pas trop tôt pour s'occuper de l'après, et nous le faisons déjà !

Gendarmes et jeux Olympiques

Mme Guylène Pantel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024 se tiendront entre juillet et début septembre. Le protocole de sécurité de la cérémonie d'ouverture, signé le 23 mai dernier, prévoit la mobilisation de 35 000 membres des forces de l'ordre ainsi que d'agents de sécurité privée et d'agents de la ville de Paris. Le déploiement de 2 800 agents supplémentaires d'ici aux Jeux a également été annoncé.

Or on voit poindre, dans les territoires ruraux, la probabilité d'une réquisition des agents de sécurité publique, avec pour conséquence l'impossibilité de protéger les événements sociaux, culturels et sportifs dans nos régions. En effet, beaucoup d'associations ne peuvent se permettre d'engager des sociétés privées.

La flamme olympique devrait traverser 60 départements : à quoi bon, si c'est pour priver nos concitoyens d'événements festifs ? Comment garantirez-vous l'équilibre territorial en matière de présence des forces de sécurité ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du GEST ; M. André Gattolin applaudit également.)

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - Les JOP 2024 sont un événement planétaire, qui va mobiliser nos forces de sécurité - M. Darmanin l'a déjà dit devant vous. L'engagement du ministère ne pourra donc être que total pour sécuriser l'événement, mais aussi les territoires.

Chaque jour, 35 000 agents des forces de sécurité intérieure seront mobilisés, y compris une partie des 31 000 réservistes de la gendarmerie nationale. La décision a été prise de suspendre, le temps des Jeux, la distinction entre les zones de police et de gendarmerie, au profit d'une organisation par mission.

L'engagement de tous sera nécessaire, avec l'appui des technologies de sécurité et de renseignement autorisées par la loi. Le ministre a demandé la mise en oeuvre de plans Zéro délinquance pour la sécurité quotidienne, sur tous les territoires.

Nos forces de sécurité seront à la hauteur. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

Attaque à Annecy (III)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Jeudi dernier, l'horreur a frappé Annecy. Cette sauvagerie absurde, incompréhensible, a étreint le coeur du pays tout entier. Aux victimes, à leur famille et à tous les habitants d'Annecy, à son maire, le GEST apporte son soutien. Nous admirons le courage des passants, notamment l'héroïsme d'Henri, et le sang-froid de ceux qui ont prodigué les premiers soins. Les médecins ont travaillé sans relâche pour éviter le pire.

Madame la Première ministre, alors que les vautours quittaient leur nid plus vite qu'à l'accoutumée, vous avez appelé, avec la droiture que nous vous connaissons, à la dignité. Face à l'horreur, le pire serait la désunion. La haine néonazie qui s'est déversée en toute impunité à Annecy, la haine raciste qui s'est exprimée contre le maire appellent la plus grande fermeté.

Haine, peur et rejet de l'autre ne protégeront jamais nos enfants ; ce sont la justice, la bienveillance, la solidarité, l'inclusion, la prise en charge de la maladie mentale et la lutte contre la misère et l'isolement qui le feront. Comment agir pour tenir cette ligne, celle de la dignité ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER et du RDPI ; M. Loïc Hervé et Mme Évelyne Perrot applaudissent également.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Ce drame a profondément marqué la communauté nationale. Je redis mon soutien aux victimes, ma solidarité aux familles, aux proches, aux Annéciens, ainsi qu'aux forces de l'ordre, aux secours, aux soignants et aux passants qui ont stoppé le drame.

L'enquête fera la lumière sur les faits - je ne vais pas en anticiper les conclusions. Certains ont qualifié les faits avant même que nous ne connaissions l'identité de l'auteur et alors que les victimes étaient entre la vie et la mort.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Même le ministre de l'intérieur...

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Les récupérations politiques ne sont pas dignes du drame que nous venons de traverser. Le Gouvernement est mobilisé pour protéger les Français. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du GEST)

Revenus des infirmiers

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC) Le Président de la République veut renforcer la souveraineté de la France dans la production de médicaments. C'est bien, mais il faut aussi améliorer les conditions de travail des infirmières libérales.

Je viens de rencontrer, en Corrèze, un collectif de 340 infirmières qui, tous les jours, week-ends et jours fériés compris, se rendent au domicile de leurs patients. Elles sont maltraitées du point de vue de leurs revenus : l'indemnité de frais de déplacement a été revalorisée pour la dernière fois en 2011, l'indemnité kilométrique en 2009.

Pour la nomenclature des actes, le BSI (bilan de soins infirmiers) a été substitué aux AIS (actes infirmiers de soins). Il existe trois forfaits de BSI en fonction du niveau de prise en charge : BSA, BSB et BSC. Une personne de 93 ans dépendante mais non incontinente, avec trois passages par jour au domicile, est classée dans le cadre des AIS.

Certaines infirmières sont obligées de refuser des soins et de nombreux actes sont hors nomenclature.

Les infirmières, ces fantassins du maintien à domicile, n'ont bénéficié d'aucune revalorisation depuis 2011. Comment prendre en compte leurs revendications ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes UC et Les Républicains ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Les infirmières libérales sont essentielles au bon fonctionnement de notre système de santé. Elles sont la première profession de santé libérale, la plus présente dans les territoires ruraux. Avec François Braun, le Gouvernement soutient leur engagement.

Nous accordons la priorité à leur rémunération, car il faut reconnaître leur investissement et le fait qu'elles subissent des tensions sur leur pouvoir d'achat, comme tout un chacun.

Nous avons demandé aux partenaires conventionnels d'ouvrir des négociations. Les échanges de la semaine dernière se sont bien passés et devraient aboutir à un accord.

J'ai échangé avec des infirmières sur le BSI. Le déploiement en a été décalé, mais la réforme du mode de financement demeure pertinente. La profession s'est emparée de cet outil.

Il faut aussi mieux reconnaître leur expertise : je pense au droit de délivrer des certificats de décès ou à l'administration de vaccins. Nous avons lancé, le 26 mai, le chantier de la refondation du métier. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Daniel Chasseing.  - Merci d'écouter ces professionnels, qui accomplissent un travail remarquable pour maintenir les patients à domicile. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Activisme des Soulèvements de la Terre contre le maraîchage

Mme Laurence Garnier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Madame la Première ministre, dimanche dernier, les délinquants des Soulèvements de la Terre ont violé des propriétés privées, détruit des outils de travail et saccagé des cultures économes en eau expérimentées pour préparer la transition écologique du maraîchage.

Pis, il y avait parmi eux des élus de la République,...

Une voix à droite.  - Qui ?

Mme Laurence Garnier.  - ... avec leur écharpe tricolore. (On s'indigne à droite) Ils sont la honte de la République ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et sur plusieurs travées du groupe INDEP et du RDSE)

Le 25 mai à Saint-Brevin-les-Pins, ils manifestaient, la main sur le coeur, contre l'extrême droite ; le 11 juin, à Pont-Saint-Martin, ils soutenaient les violences des éco-terroristes d'extrême gauche !

Madame la Première ministre, vous qui êtes garante de l'ordre public, vous avez les moyens d'agir. La dissolution promise des Soulèvements de la Terre n'a toujours pas été prononcée. C'est pour quand ? Vous devez aussi suspendre les élus impliqués, comme le code général des collectivités territoriales vous y autorise. (Exclamations ironiques à gauche)

M. David Assouline.  - Vous aussi, vous en voulez aux élus locaux !

Mme Laurence Garnier.  - L'écologie est le totem d'immunité de l'extrême gauche, qui veut zadifier notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes INDEP et UC ; M. Stéphane Ravier applaudit également.) Vous avez cédé à Notre-Dame-des-Landes. Ne cédez plus face au totalitarisme vert ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées)

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Je partage votre constat, qui dépasse les clivages politiques. (Exclamations ironiques à droite ; protestations à gauche) On n'arrache pas des salades quand on milite pour l'environnement, vous rappelez des évidences. Le Gouvernement a la ferme intention de présenter en Conseil des ministres le dossier de dissolution des Soulèvements de la Terre.

M. David Assouline.  - Et pour l'activisme d'extrême droite, c'est quand ?

M. Olivier Véran, ministre délégué.  - Quant à la présence d'élus, il y a quelque chose qui ne va pas. Un élu n'a pas à participer à une manifestation interdite par la préfecture. C'est la base. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes Les Républicains et UC ; Mme Laurence Rossignol proteste.) Il n'a pas à cautionner par sa présence des exactions contre des agriculteurs. (On apostrophe le ministre sur plusieurs travées à gauche.) Quand on porte une écharpe tricolore, on doit être à la hauteur de la confiance de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC ; nouvelles protestations à gauche)

France Travail et conditionnalité du RSA

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Un récent rapport de l'Observatoire des inégalités, parfaitement documenté, prouve que la fracture sociale continue de se creuser en France. Les 20 % d'ouvriers et employés ne voient pas leurs conditions de vie et perspectives s'améliorer - et subiront de plein fouet votre réforme des retraites.

Le projet de loi pour le plein emploi devait être l'occasion d'instaurer le travail obligatoire pour les bénéficiaires du RSA. Cette mesure incongrue et impossible à mettre en oeuvre n'y figure plus, certes, mais le projet de loi jettera encore l'opprobre sur les plus pauvres. Il est simpliste de penser mettre en emploi ceux qui en sont le plus éloignés.

Comment comptez-vous lutter contre la fracture sociale sans stigmatiser les plus pauvres ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - L'une des causes de la fracture sociale est la précarité et le maintien dans la précarité, l'exclusion et le maintien dans l'exclusion. Selon un rapport de 2022 de la Cour des comptes, 42 % des allocataires du RSA y sont toujours après sept ans, et seulement 33 % ont retrouvé un emploi, souvent précaire. (Exclamations à gauche)

C'est un échec collectif. En 1988, la loi créant le RMI prévoyait de consacrer 80 % des fonds à l'allocation et 20 % à l'insertion. Or nous n'y consacrons que 10 %. Le Gouvernement va investir massivement dans l'accompagnement, comme le préconise le rapport du haut-commissaire, avec des moyens, des diagnostics personnalisés, un suivi social et professionnel.

Le contrat d'engagement réciproque existe depuis la loi de 1988. Il ne s'agit pas de bénévolat obligatoire ou de travail gratuit, mais bien d'accompagnement. Nous ne renoncerons pas, car il est intolérable que 1,95 million de foyers ne vivent que du RSA. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Monique Lubin.  - Une fois n'est pas coutume, je partage votre avis. L'inclusion ne fonctionne pas, la Cour des comptes l'a dit. Mais je ne comprends pas certaines mesures de votre projet de loi, et il y manque des moyens supplémentaires. Je crains que l'accompagnement ne soit confié à des personnes qui ne connaissent pas ces publics. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

Zones à faibles émissions

M. Philippe Tabarot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.) La loi d'orientation des mobilités et la loi Climat et résilience ont créé les zones à faibles émissions (ZFE), censées éviter les 7 000 décès par an liés aux oxydes d'azote.

Mais nombre de nos concitoyens vivent très mal ces mesures, comme en témoigne la récente consultation organisée par le Sénat : 86 % des répondants y sont défavorables. Nos concitoyens voudraient bien se séparer de leur automobile, mais ne le peuvent pas, faute de moyens ou d'offre de transport en commun.

C'est pourquoi notre mission d'information va formuler plusieurs recommandations réalistes et de bon sens pour répondre à la colère et aux inquiétudes.

Êtes-vous prêt à renforcer les dispositifs d'accompagnement pour les ménages modestes, comme le leasing social ou le prêt à taux zéro ? À synchroniser le développement d'offres de transport en commun et à assouplir le calendrier des restrictions de circulation ? À engager une planification de long terme pour éviter d'envoyer à la casse 13 millions d'automobiles d'ici deux ans ? Bref, êtes-vous prêt à réconcilier qualité de l'air et acceptabilité sociale ?

Si ce n'est pas le cas, les tensions provoquées par la taxe carbone ou les 80 km/h n'auront été qu'un hors-d'oeuvre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Je suis prêt à vous recevoir, avec le président Longeot, pour entendre vos recommandations.

Le 10 juillet, France urbaine et les élus concernés par les ZFE, notamment Jean-Luc Moudenc et Anne-Marie Jean, me remettront un rapport sur les moyens d'améliorer le dispositif et de le rendre plus acceptable. La presse s'est faite l'écho d'idées pertinentes.

Rien dans la loi ne prévoit l'interdiction des Crit'Air 2. Pour les Crit'Air 3, ne seront concernées que les cinq agglomérations qui dépassent le seuil. Une partie des 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants pourront bénéficier d'exonérations.

Si l'on demandait aux Français s'ils sont pour ou contre la réduction des décès liés à la pollution de l'air, 100 % d'entre eux seraient pour. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Pour atteindre l'objectif, il faut une approche globale, car le transport routier n'est pas seul en cause. Nous voulons protéger la santé de nos citoyens, assouplir le dispositif des ZFE tout en préservant l'essentiel, en évitant les crispations qui pourraient résulter d'une application aveugle.

Accord européen sur le télétravail

M. Jean-Marie Mizzon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Un accord européen sur la durée de travail en télétravail des travailleurs frontaliers permettrait dès le 1er juillet, avec autorisation de l'employeur, de passer de 25 à 49 % d'heures télétravaillées tout en maintenant le régime de couverture sociale.

Dans mon beau département de Moselle, plus de 100 000 travailleurs frontaliers passent quotidiennement la frontière - ou plutôt tentent de la passer, tant les axes sont saturés et les bus et trains bondés. Cet accord aurait des conséquences sociales mais aussi environnementales, et améliorerait leur qualité de vie.

Encore faudrait-il que la France, à l'instar de l'Allemagne et de la Belgique, le ratifie. Le ferez-vous, et quand ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Gérard Longuet et Franck Menonville applaudissent également.)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - En application du règlement européen 883 dit de coordination des régimes de sécurité sociale, les travailleurs qui travaillent plus d'un jour par semaine dans leur État de résidence voient leur protection sociale basculer dans cet État, et non plus dans l'État de l'employeur.

Depuis la crise sanitaire, les États ont trouvé un accord dérogatoire et provisoire pour augmenter le nombre de jours de télétravail en évitant cette bascule. Cette période de flexibilité a neutralisé les effets sociaux du télétravail. Nous avons travaillé pour intégrer durablement ces changements et prévu, grâce à une commission ad hoc, une période de flexibilité jusqu'au 30 juin.

Nous évaluons les conséquences exactes de cet accord multilatéral, y compris en termes de recettes de cotisations sociales, d'externalités sur les bassins d'emploi, de dépenses d'indemnisation chômage ou de recrutement, en lien avec le projet de révision du règlement 883. Le texte est encore à l'instruction ; nous arrêterons notre position définitive dans les prochains jours. (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)

Port de l'abaya et atteintes à la laïcité

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La semaine dernière, sur le site gouvernemental jeveuxaider.gouv.fr, on pouvait voir une jeune fille voilée, sous le drapeau français - discrètement remplacée depuis.

Comment nous faire croire que le Gouvernement lutte contre l'abaya, alors qu'il affiche ouvertement des personnes voilées sur les sites officiels ? Quelle est la ligne du gouvernement en matière de lutte contre l'inquiétante offensive islamiste en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - Il ne m'appartient pas de commenter cet exemple, mais nous ne sommes pas naïfs : la loi de 2004 est prise pour cible par des organisations islamistes, notamment via les réseaux sociaux. Les services de renseignements documentent une hausse préoccupante des atteintes à la laïcité à l'école.

Enseignants et chefs d'établissement demandent à disposer de consignes claires.

La loi de 2004 interdit explicitement le port de tout vêtement ostentatoire en milieu scolaire public, en application du principe de laïcité. Or abayas et qamis sont bien des vêtements religieux par destination dès lors que la finalité qui s'attache à leur port ne fait aucun doute et constitue une tentative de contournement manifeste de la loi de 2004. Les chefs d'établissement sont donc fondés à prendre des sanctions contre les élèves.

Voilà la ligne du Gouvernement, indiquée dans la circulaire du ministère de l'intérieur du 17 octobre dernier.

M. Max Brisson.  - Et le ministre de l'éducation nationale ?

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État.  - La loi de 2004 est une loi protectrice et d'émancipation, nous devons veiller à sa stricte application sans naïveté ni complaisance.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Je doute que les Français soient rassurés par vos propos. Comment expliquez-vous qu'une conférence sur l'entrisme musulman se soit tenue à la Sorbonne sous haute protection, sans le soutien de la ministre concernée ? Comment expliquez-vous l'inaction du ministre de l'éducation nationale pour attribuer le nom de Samuel Paty au collège de Conflans ? Comment expliquez-vous l'ambiguïté du discours gouvernemental sur l'abaya, signe du rigorisme wahhabite qui gagne nos établissements ? Comment expliquez-vous le silence du ministère à l'égalité entre les femmes et les hommes sur ces sujets, alors que de plus en plus de petites filles sont voilées, qu'on leur inculque l'idée que leur corps est impur ?

Les mots « non » et « interdit » peuvent être compris à tout âge. Ne pas répondre avec clarté, ne pas être ferme, c'est permettre à l'offensive islamiste de progresser : vous en serez comptables devant les Français ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

Pollution aux perfluorés dans le Rhône

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Poêles en téflon, textiles, emballages : les per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont partout dans notre quotidien. Quasiment indestructibles, ces molécules envahissent nos rivières, nos sols et notre alimentation, jusqu'au lait maternel. Serait-ce le poison du siècle ?

Je viens de la région la plus exposée à ces polluants éternels. L'ARS recommande de ne plus consommer les poissons du Rhône et de ne plus manger les oeufs ni la volaille dans trois communes voisines de l'usine Arkema. Et un documentaire vient de révéler l'imprégnation élevée des riverains de l'usine, à des niveaux sept fois supérieurs à la moyenne. Une plainte a été déposée par un collectif local.

Alors que les effets toxiques de certaines substances sont reconnus, la France ne réglemente aucun PFAS ; ce constat, dressé par l'inspection générale de l'environnement, est sévère pour notre pays.

Le Gouvernement a annoncé un plan d'action triennal, mais aucune norme n'est envisagée en matière de rejets industriels. Comment le Gouvernement compte-t-il accompagner les collectivités touchées, notamment pour dépolluer les sites ? À quand une vaste étude d'imprégnation sur les populations locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Mieux prendre en compte les effets des PFAS et maîtriser leurs risques est un enjeu essentiel de santé publique et une priorité de notre action nationale et européenne. En la matière, nous devons une transparence complète.

Avec Christophe Béchu, nous avons haussé notre ambition collective dans le cadre d'un plan d'action lancé en janvier. Des actions concrètes sont prévues, notamment en matière de maîtrise des rejets industriels. La priorité est l'amélioration de la connaissance de ces rejets et de l'imprégnation des milieux pour réduire l'exposition des populations.

Un projet d'arrêté sur l'analyse des effluents susceptibles de contenir des PFAS est ouvert à la consultation du public. Il couvrira 5 000 sites industriels, la quasi-totalité de ceux pouvant produire ou rejeter des PFAS. Il s'agit de mieux surveiller les rejets en vue de les réduire.

Par ailleurs, la directive Eau potable rendra obligatoire le contrôle des PFAS dans l'eau en 2026. Nous anticipons cette exigence depuis le début de l'année.

Le préfet du Rhône a prescrit à Arkema la réduction progressive puis l'arrêt des rejets sur le site de Pierre-Bénite d'ici fin 2024. L'entreprise devra réaliser des mesures supplémentaires dans les sols et les végétaux, à ses frais.

Enfin, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a été saisie en novembre dernier et le futur programme national de biosurveillance de Santé publique France s'intéressera particulièrement aux PFAS. (M. Alain Richard applaudit.)

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Surveiller, c'est bien ; agir, c'est mieux. Pourquoi attendre l'aboutissement des procédures européennes ? Le Danemark interdit certains PFAS depuis 2020... Prenons, nous aussi, des mesures coercitives ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST)

Centre national de la fonction publique territoriale

M. Bruno Sido .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.) Madame la Première ministre, vous vantez à raison les mérites de l'apprentissage. Vous incitez les collectivités territoriales à recruter et à former plus de jeunes, mais sans aide de l'État, elles n'y parviendront pas.

Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les employeurs territoriaux cherchent depuis 2019 un accord de financement pérenne. La loi de finances pour 2022 prévoit une taxe d'apprentissage de 0,1 % pour les employeurs territoriaux, en contrepartie d'engagements de l'État et de France Compétences, pour 15 millions d'euros chacun, et du CNFPT, pour 13 millions d'euros.

Sous la pression des employeurs locaux, vous maintenez la contribution de l'État pour trois ans de plus. Mais voilà que, par une circulaire du 10 mars, vous actez unilatéralement le désengagement de France Compétences dès l'année prochaine.

Une réelle dynamique s'est engagée en faveur de l'apprentissage : 8 000 contrats en 2020, 12 000 en 2022, 18 000 cette année. L'engagement financier, qui dépasse les 160 millions d'euros, n'est pas tenable ; il manque près de 87 millions d'euros.

Vous demandez aux employeurs locaux de faire plus, tout en vous désengageant. Comment comptez-vous garantir le développement de l'apprentissage dans les collectivités ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - L'encouragement de l'apprentissage dans les collectivités territoriales est au coeur de nos priorités : c'est un tremplin pour l'emploi en même temps qu'une chance pour les collectivités.

C'est pourquoi nous maintenons notre engagement à hauteur de 15 millions d'euros par an pour les années à venir. La Première ministre l'a entériné dans sa circulaire du 10 mars. Il s'agit d'atteindre l'objectif, fixé par le Président de la République, d'un million d'apprentis dans les collectivités territoriales d'ici la fin du quinquennat.

Nous sommes sur le point de finaliser la convention qui lie l'État et le CNFPT.

Nous devons également lever les blocages statutaires, pour faire de l'apprentissage une voie de recrutement pérenne. C'est l'un des axes du chantier « Accès, parcours et rémunérations » mené par Stanislas Guerini. (M. Pierre Charon proteste.)

M. Bruno Sido.  - Vous subventionnez l'apprentissage dans les entreprises à hauteur de 6 milliards d'euros par an. Un apprenti du public est-il moins méritant qu'un apprenti du privé ? Est-ce une énième façon de reporter une charge sur les collectivités territoriales ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Conséquences pour les collectivités de l'augmentation du point d'indice

Mme Daphné Ract-Madoux .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le Gouvernement vient d'annoncer une revalorisation du point d'indice de 1,5% au 1er juillet, ainsi que des mesures complémentaires pour les catégories B et C l'année prochaine. C'est un coup de pouce nécessaire pour les agents publics.

Toutefois, les budgets des communes ont déjà été votés. Ils sont déjà contraints, certaines devant augmenter les impôts pour continuer d'investir. Les factures d'énergie s'envolent, parfois de 40 % dans mon département. Nos villes et villages n'ont plus de marge budgétaire.

Sans aide, l'équilibre de leurs budgets sera compromis. Faute de moyens pour amorcer des projets, nos communes ne pourront prétendre à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), à la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ou au fonds vert. Les élus ont le sentiment qu'on reprend d'un côté ce qu'on leur donne de l'autre...

L'augmentation du point d'indice, décidée par l'État, sera-t-elle compensée par celui-ci ? Cela avait été fait, certes partiellement, en août dernier. Avez-vous consulté les associations d'élus ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains)

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques .  - Oui, nous les avons consultées le 23 mai, puis le 12 juin, avant de recevoir les organisations syndicales. Nous avons tenu compte de leur avis. Elles souhaitaient que l'effort indiciaire soit le plus modéré possible, concentré sur le bas de l'échelle salariale et lissé dans le temps. Mes annonces répondent à ces demandes : l'effort est de 1,5 %, contre 3,5 % l'année dernière ; il est concentré sur les bas salaires ; la distribution de points supplémentaires interviendra en janvier prochain.

Si les collectivités avaient été seules décisionnaires, quel choix auraient-elles fait, dans le contexte actuel d'inflation ? Sans doute le même. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Mme Sophie Primas.  - Un choix bien meilleur !

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 30.