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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Décès d'un ancien sénateur

Commission spéciale (Création et nominations)

Questions orales

Mystère du recensement des voies communales

Mme Nathalie Goulet

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Centre d'exploitation et d'intervention de Murat (Cantal)

M. Bernard Delcros

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Gare de triage de Saint-Jean-de-Maurienne

M. Jacques Fernique

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Réduction de la part des projets autoroutiers

M. Daniel Gueret

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Maintien des logements en zone touristique

Mme Sylviane Noël

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Réquisition des logements des Crous pour les jeux Olympiques

M. Pierre-Antoine Levi

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Création d'un Crous en Guyane

M. Georges Patient

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Jours fériés en Alsace-Moselle

Mme Elsa Schalck

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Formations de secrétaire de mairie en Haute-Vienne

Mme Isabelle Briquet

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Fouilles archéologiques préventives

M. François Bonneau

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Biogaz et mobilité lourde

M. Sebastien Pla

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Fonds national de garantie individuelle de ressources

M. Bruno Belin

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Effectifs de police dans le Cher

M. Rémy Pointereau

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Nombre de conseillers municipaux dans les petites communes

Mme Annick Jacquemet

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Gens du voyage

M. Cyril Pellevat

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Conséquences de la nouvelle convention fiscale franco-belge

Mme Véronique Guillotin

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme

Taux du Livret A

Mme Catherine Procaccia

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme

Financement du nucléaire par le Livret A

M. Daniel Breuiller

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme

Conséquences de la suppression de la CVAE sur la présence postale

Mme Gisèle Jourda

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme

Parkings payants des centres hospitaliers universitaires

Mme Véronique Del Fabro

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme

Projets « Territoires zéro chômeur longue durée »

M. Christian Klinger

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme

Situation éducative dans le Val-d'Oise

M. Rachid Temal

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme

Avenir de la culture de la lavande

M. Jean-Yves Roux

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Création d'une école vétérinaire à Limoges

M. Christian Redon-Sarrazy

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Indexation des contrats en matière d'agrivoltaïsme

M. Philippe Bonnecarrère

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Influenceurs sur les réseaux sociaux (Conclusions de la CMP)

Mme Amel Gacquerre, rapporteure pour le Sénat de la CMP

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme

Discussion du texte de la proposition de loi élaboré par la CMP

ARTICLE 2 B

Explications de vote

M. Bernard Buis

M. Rémi Cardon

M. Fabien Gay

M. Michel Canévet

M. André Guiol

Mme Sophie Primas

M. Jean-Louis Lagourgue

M. Daniel Salmon

Accord en CMP

Échec en CMP et modification de l'ordre du jour

Importation de produits issus du travail forcé de la population ouïghoure

M. Guillaume Gontard, auteur de la proposition de résolution

M. Thomas Dossus

M. André Gattolin

M. Rachid Temal

M. Fabien Gay

M. Michel Canévet

Mme Esther Benbassa

M. André Guiol

Mme Pascale Gruny

M. Jean-Louis Lagourgue

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger

Ordre du jour du mardi 6 juin 2023




SÉANCE

du jeudi 1er juin 2023

93e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Alain Richard, vice-président

Secrétaires : M. Pierre Cuypers, Mme Victoire Jasmin.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Louis Moinard, qui fut sénateur de la Vendée de 1987 à 2004.

Commission spéciale (Création et nominations)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle, en application de l'article 16 bis, alinéa 2 du Règlement, la proposition de création d'une commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique. Je soumets cette proposition au Sénat.

Il en est ainsi décidé.

L'ordre du jour appelle la désignation des trente-sept membres de la commission spéciale sur le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique. En application de l'article 8 bis, alinéa 3, de notre Règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées. Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Mystère du recensement des voies communales

Mme Nathalie Goulet .  - La longueur des voies communales, que l'assistance technique fournie par l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (Atesat) permettait autrefois de connaître, est extrêmement importante, puisqu'elle contribue au calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF), par exemple. La commune nouvelle de Val-au-Perche a ainsi reçu une DGF de 509 000 euros, dont 23 000 euros au titre de la voirie. Pour recenser la longueur des voies communales, elle s'est adressée à la préfecture, mais celle-ci n'a pas d'historique. Par quel moyen les communes, notamment les communes nouvelles, peuvent-elles connaître avec précision la longueur de leurs voies ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Chaque année, pour préparer la répartition de la DGF et des fonds de péréquation, la direction générale des collectivités locales (DGCL) procède à un recensement des données physiques et financières des collectivités. Les fractions péréquation et cible de la dotation de solidarité rurale (DSR) sont réparties pour 30 % de leur montant proportionnellement à la longueur de la voirie communale classée dans le domaine public communal -  l'ancien maire que je suis ne l'a pas oublié !

Mais ce travail se fait sur une base déclarative : il appartient aux conseils municipaux de délibérer pour classer ou déclasser dans le domaine public communal les voies et de transmettre leurs délibérations aux préfectures, lesquelles en informent ensuite la DGCL. L'État publie chaque année les données utilisées pour le calcul de la DGF en format ouvert et réutilisable, y compris les longueurs de voirie déclarées.

Mme Nathalie Goulet.  - Je connais ces éléments de réponse, mais sans Atesat et en l'absence d'archives, selon le sous-préfet de Mortagne, il faut aider les communes, notamment les communes nouvelles, dans cette tâche de recensement. J'espère que vos services trouveront une solution : il y va du montant de la DGF.

Centre d'exploitation et d'intervention de Murat (Cantal)

M. Bernard Delcros .  - Le centre d'exploitation et d'intervention (CEI) de Murat, dans le Cantal, est classé en niveau 2, ce qui interdit aux agents de bénéficier de la prime technique de l'entretien des travaux et de l'exploitation déplafonnée prévue par l'arrêté du 30 octobre 2008 pour les services ayant la charge de tunnels de plus d'un kilomètre, ce qui est le cas de celui du Lioran, long de plus de 1 500 mètres. Ce tunnel, à plus de 1 000 mètres d'altitude, dessert la station de Super-Lioran et permet d'éviter un col particulièrement sinueux et difficile. Lorsqu'un incident s'y produit, les agents doivent assurer la gestion du trafic par ce col situé en coeur de station de ski.

Seriez-vous favorable à revoir ce classement du CEI de Murat afin d'ouvrir aux agents de ce centre le bénéfice de cette prime ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - L'engagement des agents des directions interdépartementales des routes, à pied d'oeuvre jour et nuit pour que les Français puissent circuler en toute sécurité, mérite respect et considération. Cinq morts depuis 2020 nous rappellent cruellement les dangers de ce métier.

Selon le décret du 16 avril 2002, cette prime est fixée au sein de chaque service, en tenant compte notamment de la pénibilité, du caractère dangereux, insalubre ou salissant de certaines tâches et de la technicité des missions. Les agents affectés sur certains postes dont les particularités sont fixées par arrêté conjoint - notamment l'exploitation et l'entretien des voies routières à fort trafic et la gestion des tunnels routiers - peuvent bénéficier de son déplafonnement. Le CEI de Murat est donc bien éligible et ses agents bénéficient d'un montant de prime déplafonné, c'est-à-dire supérieur à deux fois le montant minimal fixé par l'arrêté du 16 avril 2002, sans toutefois atteindre les montants maximaux.

Une révision du classement des centres est prévue courant 2023 ; celui de Murat fera l'objet d'un examen extrêmement attentif.

M. Bernard Delcros.  - Merci pour cette réponse qui ouvre des perspectives.

Gare de triage de Saint-Jean-de-Maurienne

M. Jacques Fernique .  - Début mai, à Saint-Jean-de-Maurienne, a débuté le démantèlement de la gare de triage fret, censée déménager à Saint-Avre, ce qui n'est pas sans impact sur le report modal et sur l'emploi. Les 45 agents du fret et la trentaine d'agents au poste d'aiguillage sont menacés. Alors que Saint-Jean-de-Maurienne compte une quarantaine de voies, celle de Saint-Avre n'en a que treize, dont trois seulement seront dédiées au fret ; le triage ne pourra donc plus se faire comme aujourd'hui.

Cette suppression est motivée par la situation de la gare, sur le tracé des accès au tunnel du Lyon-Turin en projet, mais dont les travaux n'ont pas commencé. Et le choix du scénario dit de planification écologique du Conseil d'orientation des infrastructures n'indique pas une volonté d'accélération...

Ce projet ne permettra pas de rattraper la perte de report modal, car la Maurienne ne serait qu'un point de transit, ce qui nie son potentiel. Quelle est l'urgence d'une telle décision en 2023 pour une mise en service théorique du Lyon-Turin après 2040, sinon aux calendes grecques ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Je comprends votre préoccupation. Cette fermeture est effectivement liée au raccordement du nouveau tunnel de base au réseau ferré national, qui nécessite la construction d'ouvrages occupant toutes les emprises ferroviaires de la gare. Le déménagement de l'activité fret a été préparé depuis 2015. La capacité disponible en gare de Saint-Avre a été dimensionnée en conséquence pour absorber le trafic existant, mais pourrait être augmentée en cas de besoin. Le Lyon-Turin a notamment pour objectif un report modal du trafic poids lourds transalpin vers le rail.

Clément Beaune l'a annoncé cette semaine, l'État portera les aides à l'exploitation à près de 330 millions d'euros de 2025 à 2030, contre moins de 100 millions avant 2020, et mènera un programme d'investissement spécifique de 4 milliards d'euros d'ici 2032.

M. Jacques Fernique.  - Je crains la dégradation, voire la destruction d'un outil de transport décarboné. C'est le maillage territorial du fret ferroviaire qui est en jeu.

Réduction de la part des projets autoroutiers

M. Daniel Gueret .  - Les récentes déclarations du ministre Clément Beaune laissent entrevoir la possibilité d'une réduction de la part de projets routiers pour donner une priorité aux transports publics et au ferroviaire. Une étude d'opportunité environnementale a semble-t-il été programmée pour donner un nouvel avis sur une cinquantaine de projets d'infrastructures d'ici l'été, dont sept projets autoroutiers en cours.

Le projet d'aménagement autoroutier de la RN154, dont la mise en concession a été lancée il y a un an et demi par Jean Castex, est structurant pour le département d'Eure-et-Loir et notamment pour l'Agglo du Pays de Dreux et Chartres Métropole. Pouvez-vous nous rassurer sur son sort ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Le projet de liaison autoroutière A154-A120 a été déclaré d'utilité publique en juillet 2018 pour différents motifs : renforcement de la cohésion de la région Centre-Val de Loire et de sa connexion avec le port de Rouen, soutien à l'économie agricole, amélioration de la sécurité et du cadre de vie des habitants, réduction des nuisances et de la congestion en entrée et en traversée d'agglomération.

Cette liaison fait partie de la revue des projets autoroutiers en cours, qui vise à réexaminer avec soin l'ensemble des projets à l'aune de leur cohérence avec les engagements environnementaux du Gouvernement et de tenir compte des spécificités locales et des bénéfices attendus de la réalisation de ces infrastructures, notamment en matière de désenclavement et de développement des territoires ruraux. Les décisions seront annoncées avant l'été.

M. Daniel Gueret.  - Merci. La semaine dernière, les présidents du département d'Eure-et-Loir, de Chartres Métropole et de l'Agglo du Pays de Dreux, des chambres consulaires d'Eure-et-Loir ont rappelé à Mme Borne leur attente. Ne laissez pas tomber l'Eure-et-Loir ! (Applaudissement sur les travées du groupe Les Républicains)

Maintien des logements en zone touristique

Mme Sylviane Noël .  - Les zones touristiques à forte pression foncière sont la proie des promoteurs pour la construction de résidences secondaires. Pour lutter contre cette attrition du logement permanent, certains élus imposent des zonages d'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) prévoyant la construction de 30 à 50 % de logements sociaux.

Malheureusement, l'efficacité est limitée faute d'une inscription au stade du permis de construire. Aucun acte garantissant l'intervention d'un bailleur social n'est prévu. Ainsi, de nombreuses communes se retrouvent sans recours face à des promoteurs peu scrupuleux qui n'ont pas tenu leurs engagements.

Imposer cette formalité dès le stade du permis de construire serait une garantie de la construction de logements sociaux car sans ce document, l'outil de servitude de mixité sociale est incontrôlable. Le Gouvernement envisage-t-il d'ajouter cet engagement aux pièces exigées lors du dépôt de permis de construire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Nous avons formé un groupe de travail sur l'attrition du logement avec Olivia Grégoire et Dominique Faure. Les maires doivent pouvoir agir via les plans locaux d'urbanisme, dont les OAP déterminent les secteurs d'implantation des logements locatifs sociaux.

Cet outil conforte la mixité sociale. Les services instructeurs vérifient l'obligation dès la demande d'autorisation d'urbanisme. Le code de l'urbanisme prévoit un tableau indiquant les surfaces planchers de logements créés, y compris les logements sociaux. Il est annexé au permis de construire.

Pour ne pas alourdir davantage ces dossiers, une nouvelle pièce ne nous semble pas nécessaire. Nous continuerons à lutter contre l'attrition du logement.

Mme Sylviane Noël.  - Ce tableau n'a pas empêché la non-réalisation des logements à Megève. Une convention ou un acte clair garantirait le respect de ces engagements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. François Bonneau applaudit également.)

Réquisition des logements des Crous pour les jeux Olympiques

M. Pierre-Antoine Levi .  - Plus de 3 000 logements des résidences universitaires du centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) d'Île-de-France seraient réquisitionnés pour accueillir le personnel lié à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024. Cette nouvelle a créé une onde de choc parmi les étudiants, en particulier ceux qui avaient prévu de rester en région parisienne pour des raisons professionnelles ou personnelles.

Bien que le Crous ait promis relogements et exemptions de loyer pendant cette période, avec la garantie de retrouver leur logement à la rentrée, les organisations étudiantes expriment des doutes.

Quelles actions concrètes le Gouvernement prévoit-il pour minimiser les nuisances pour les étudiants et garantir leur relogement adéquat ? L'occasion unique de célébrer le sport et l'esprit d'équipe que sont les JOP ne doit pas nous faire oublier les droits et les besoins des étudiants.

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - En effet, des résidents de Crous ont bien reçu ce message. Chaque été, 30 % d'entre eux quittent définitivement leur hébergement, ce qui permet de le proposer à d'autres. Ainsi, 7 000 places sont libérées de juin à septembre.

Seules 3 000 de ces places, dans douze des 155 résidences franciliennes, seront mobilisables. Un étudiant qui le souhaite aura la garantie de rester dans son logement pour le même loyer. Les autres n'auront pas à l'acquitter et auront la garantie d'un logement à la rentrée suivante. Les douze résidences font l'objet d'une mention spéciale sur le site de candidature à un logement du Crous.

Enfin, les JOP sont une opportunité pour nos étudiants, avec des missions rémunérées et 20 000 billets offerts, en particulier à ceux qui auront libéré une chambre. Nous nous engageons à ne pas mettre en péril les étudiants et leurs études.

Création d'un Crous en Guyane

M. Georges Patient .  - La Guyane et Mayotte sont les deux seules académies, sur trente, à ne pas disposer de centre régional des oeuvres sociales (Crous). N'existe en Guyane qu'une antenne locale dépendant des Antilles, alors que les effectifs étudiants ont doublé en dix ans pour atteindre 6 000.

La demande est unanime, alors que la Guyane n'est représentée qu'un an sur trois dans la gouvernance en Guadeloupe, et n'a qu'un seul des sept représentants étudiants.

Avec un PIB par habitant de 16 000 euros, contre 25 000 euros pour les Antilles, et 53 % d'étudiants précaires, il y a une plus grande demande d'aides, avec 2 000 étudiants boursiers, dont 80 % à l'échelon 7. Seul un Crous, à l'instar de celui créé en 1977 pour la Corse alors qu'elle compte moins d'étudiants, assurera le suivi approprié.

Ne manque que le feu vert du Gouvernement.

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Nous voulons allouer plus de moyens aux étudiants guyanais, mais le coût d'une nouvelle structure ne serait pas corrélé à une évolution positive pour les usagers.

Le service social bénéfice d'une seconde assistante sociale, et la Guyane a déjà un centre local des oeuvres universitaires et scolaires (Clous) dont le directeur dispose d'une délégation de signature pour les aides d'urgence. De plus, chaque semaine, la commission d'aide ponctuelle alloue des aides aux étudiants en difficulté.

La résidence universitaire de Kourou compte de nombreux logements vacants dès le début de l'année scolaire. Toutes les résidences universitaires, dès la prochaine rentrée, seront équipées de bornes wifi raccordées à la fibre.

Depuis la livraison du nouveau bâtiment, des malfaçons entravent le bon fonctionnement du restaurant universitaire de Cayenne. Toutefois, les difficultés sont identifiées, et 75 000 repas par an pour 460 places sont assurés.

M. Georges Patient.  - Malgré les dysfonctionnements, je relève que vous concluez à la non-autonomie du Crous.

Jours fériés en Alsace-Moselle

Mme Elsa Schalck .  - Le Vendredi saint et la Saint-Étienne sont fériés et chômés en Alsace-Moselle. Cette spécificité historique est reconnue par les lois de la République depuis 2011 et inscrite dans le code général de la fonction publique.

Or l'annualisation du temps de travail de la fonction publique territoriale à 1 607 heures, prévue en 2019 par la loi de transformation de la fonction publique et mise en application le 1er janvier 2022, ne tient pas compte de ces deux jours fériés. Ce sont ainsi 14 heures qui ne sont plus chômées ni rémunérées pour les fonctionnaires territoriaux d'Alsace-Moselle. Cela a été décidé sans aucune concertation.

Je me fais donc l'écho des motions et délibérations votées par de très nombreuses communes alsaciennes pour demander que la durée annuelle de travail soit ramenée à 1 593 heures. Le conseil représentatif pour le droit local alsacien-mosellan a lui aussi manifesté son opposition à cette annualisation, menace inacceptable pour le droit local auquel les Alsaciens sont très attachés.

Confirmez-vous que la loi de 2019 ne modifie en rien les dispositions du droit local ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Pour harmoniser la durée du temps de travail au sein de la fonction publique, l'article 47 de la loi de transformation de la fonction publique a supprimé les régimes dérogatoires mis en place avant 2001 dans les collectivités territoriales. Celles-ci devaient définir dans un délai d'un an à compter du renouvellement de leur assemblée délibérante les nouvelles règles relatives au temps de travail de leurs agents.

Dans les départements de Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, le Vendredi saint et le 26 décembre sont des jours chômés, mais cela ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de la durée du travail annuelle de 1 607 heures, qui s'applique uniformément et indépendamment des jours chômés. La question de la rémunération de ces deux jours est sans effet.

Formations de secrétaire de mairie en Haute-Vienne

Mme Isabelle Briquet .  - Les secrétaires de mairie sont indispensables au fonctionnement de nos communes rurales. Ils doivent être polyvalents, réactifs et répondre à des exigences d'expertise croissantes. Beaucoup de maires peinent à pourvoir ces emplois, d'autant que de nombreux départs en retraite sont attendus dans les prochaines années.

Le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Vienne a, comme beaucoup d'autres, mis en place des formations de secrétaire de mairie, en partenariat avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et la région. Jusqu'à une date récente, Pôle emploi apportait une contribution qui permettait d'organiser une à deux sessions par an. Or son désengagement remet en question ces formations très appréciées.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour consolider la participation financière de Pôle emploi ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Le centre de gestion de la fonction publique de la Haute-Vienne organise des sessions de formation pour les demandeurs d'emploi souhaitant rejoindre son service « missions temporaires », dans le cadre de la mission facultative de mise à disposition d'agents territoriaux prévue par le code général de la fonction publique.

La formation en question, d'une durée de 29 jours, se décline en une partie théorique de quinze jours, dans les domaines comme l'état civil, l'urbanisme ou la commande publique, et en un stage au sein d'une mairie du département, encadré par un tuteur.

Selon la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG), le taux de retour à l'emploi après ces formations est de 90 %. Les centres de gestion n'étant pas des organismes de formation, la question du financement se pose. Le cabinet du ministre de la transformation et de la fonction publiques mène en ce moment des discussions en vue d'une convention nationale entre la FNCDG et Pôle emploi.

Mme Isabelle Briquet.  - Je vous remercie. On peut donc s'attendre à une pérennisation du financement de ces formations, ce qui est une très bonne chose compte tenu des tensions sur ce métier. C'est essentiel pour préserver l'emploi public dans nos communes.

Fouilles archéologiques préventives

M. François Bonneau .  - Dans le cadre de leurs projets d'aménagement, les collectivités doivent procéder à des fouilles archéologiques préventives. Conformément à la convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, cette obligation vise à concilier la recherche scientifique, la conservation du patrimoine et le développement socio-économique. Or le coût de ces fouilles contraint souvent les petites collectivités à renoncer à leurs projets.

Bien que le Fonds national pour l'archéologie préventive (Fnap) subventionne les fouilles dont le coût pourrait compromettre l'équilibre financier des projets d'aménagement, les critères d'éligibilité sont trop restrictifs. Il faudrait élargir le périmètre des subventions, et une mutualisation des dépenses pourrait être envisagée pour faire face à ces coûts.

Comment le Gouvernement compte-t-il soutenir les petites collectivités afin de surmonter ces difficultés ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Dans le cadre du dispositif d'archéologie préventive, lors de l'instruction des projets d'aménagement, les services de l'État chargés de l'archéologie peuvent prendre des mesures de détection et de sauvegarde. Leurs prescriptions s'appuient sur les avis des commissions territoriales de la recherche archéologique. Les petites communes peuvent consulter en amont les directions régionales de l'action culturelle (Drac) sur la sensibilité archéologique des terrains concernés par un projet.

L'aménageur peut bénéficier des aides financières du Fnap, sous la forme de prises en charge ou de subventions. L'impact du coût de la fouille sur l'équilibre financier du projet fait partie des critères d'éligibilité.

Ce fonds est accessible, puisque sur la période 2016-2022, 44 % des fouilles ont reçu un soutien financier ; 53 millions d'euros ont été accordés à ce titre en 2022. L'archéologie préventive dispose donc d'un cadre juridique et financier adapté.

M. François Bonneau.  - Voilà pour la théorie. La pratique, c'est que les montants alloués ne permettent pas de faire émerger les projets à des prix acceptables. Une mutualisation, appuyée sur une cotisation répartie dans un ensemble plus large, faciliterait le financement et éviterait aux communes de renoncer à certains projets.

Biogaz et mobilité lourde

M. Sebastien Pla .  - À Narbonne, l'État investit depuis plus de trente ans, au sein de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), dans le biogaz, première source d'énergie renouvelable locale. Mais la dynamique est en panne.

La proposition de règlement carbone de la Commission européenne ne retient, pour le renouvellement du parc de véhicules de transport lourd, que les technologies électrique et hydrogène. Or ces énergies dépendent de matières premières critiques, importées de pays hors Union européenne. Quelle erreur stratégique, alors que le biométhane est disponible sur le territoire national ! Si l'on considère l'ensemble du cycle de vie, les véhicules fonctionnant au biogaz sont aussi vertueux que les véhicules électriques.

Certes, il faut sortir des énergies fossiles, mais sans obérer notre autonomie énergétique et notre avance technologique. Dans le cadre plan national rétrofit, le Gouvernement prévoit-il d'inclure le bioGNV ? Quelle position comptez-vous adopter vis-à-vis de la Commission européenne pour que le cycle de vie complet soit pris en compte dans le calcul des émissions de gaz à effet de serre (GES) ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - La décarbonation des transports est cruciale pour limiter leur impact sur la santé et sur l'environnement et atteindre nos objectifs climatiques. Les transports sont le premier émetteur de carbone. Au niveau européen, c'est le seul secteur dont les émissions ont augmenté.

Le 14 février dernier, la Commission européenne a proposé une révision du règlement sur les émissions des véhicules lourds neufs. Il nous faut réduire de 55 % les émissions de GES d'ici à 2030 par rapport à 1990, et atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050. Les négociations ne font que débuter. Le calcul se fait au niveau des émissions au pot d'échappement, et le choix des technologies appartient aux constructeurs pour atteindre les objectifs fixés. Le Gouvernement accordera un soutien de 100 millions d'euros en faveur de la décarbonation des transports lourds.

M. Sebastien Pla.  - Vous n'avez pas parlé de biogaz ! Nous faisons une erreur stratégique.

Fonds national de garantie individuelle de ressources

M. Bruno Belin .  - En 2010, on a supprimé la taxe professionnelle (TP) et inventé un mécanisme de compensation, le fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR). 2010... une éternité ! Il s'est passé plein de choses depuis : suppression de la taxe d'habitation (TH), loi NOTRe. Les dotations générales de fonctionnement (DGF) se sont effondrées pour les communes qui ont intégré de grands EPCI à fiscalité propre. Or ce sont ces communes qui contribuent au FNGIR.

Il est temps de revoir le financement des collectivités territoriales. Leurs finances sont asséchées ! Personne ici n'est capable d'expliquer le FNGIR. Le calcul est un mystère, or certaines communes rurales sont impactées à 10 %. Les raisons remontent à la préhistoire.

Le Gouvernement doit revoir la distribution des fonds de l'État, dont la DGF, et supprimer le FNGIR pour les communes contributrices. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Le FNGIR est un mécanisme d'équilibrage des recettes fiscales, institué à la suite de la suppression de la TP. Les collectivités dites gagnantes sont prélevées au profit des collectivités dites perdantes. Les prélèvements sont figés, au titre de la neutralité financière décidée à l'époque.

M. Bruno Belin.  - Pourquoi ?

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Souvent, payer le FNGIR est un avantage : cela signifie que la commune a reçu plus de recettes fiscales à la suite de la suppression de certaines taxes. Depuis 2011, les prélèvements sont restés figés, alors que les compensations, elles, ont augmenté.

Cependant, des entreprises ont quitté certaines communes contributrices. Ainsi, le Gouvernement a prévu dès 2021 un prélèvement sur recettes : il permet aux communes, pour qui le prélèvement au titre du FNGIR représente plus de 2 % de leurs recettes réelles de fonctionnement, et qui ont connu depuis 2012 une baisse de plus de 70 % de leurs bases de cotisation foncière des entreprises, de percevoir annuellement une dotation de l'État égale au tiers de leur contribution au FNGIR.

Au titre de 2022, 273 communes sont éligibles, ce qui représente une somme de 246 millions d'euros. Le Gouvernement ne souhaite donc pas revenir sur ce principe.

Effectifs de police dans le Cher

M. Rémy Pointereau .  - Dans le Cher, j'ai rencontré les syndicats de police. Le constat est inquiétant.

Vierzon n'a pas de brigade anti-criminalité et risque de ne plus avoir de groupe de sécurité de proximité. Il n'y a plus d'officiers. À Bourges, on compte trois départs pour une seule arrivée dans les mouvements profilés. Ainsi, l'unité canine et l'unité anti-stupéfiants risquent de fermer, alors que les services estiment qu'il faudrait quinze postes supplémentaires.

Vous avez annoncé neuf postes : huit à Bourges et un à Vierzon. Je reconnais l'avancée - on ne tire plus sur le pianiste -, mais je m'inquiète de l'épuisement des effectifs de police. Il manque toujours dix-sept policiers. Que faites-vous pour endiguer la situation, qui expose les habitants du Cher à davantage d'impunité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - La question des effectifs est centrale. Un effort exceptionnel a été engagé depuis 2017 avec le plan « 10 000 jeunes ». Le mouvement est amplifié par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), qui prévoit une montée en puissance des réserves opérationnelles de la police et de la gendarmerie, le recrutement de plus de 7 000 policiers et gendarmes et la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie.

La circonscription de sécurité publique de Bourges compte 100 gradés et gardiens de la paix, contre 108 en 2016 et 105 en 2020. La circonscription de police de Vierzon compte 50 gradés et gardiens de la paix, chiffre stable par rapport à 2016, mais en hausse par rapport à 2020.

Nous serons très attentifs à la situation de ce département. Nous prévoyons d'affecter douze policiers supplémentaires dans ces deux circonscriptions. La police bénéficie de l'appui des unités départementales de la direction départementale de la sécurité publique (DDSP), dont les effectifs sont passés de 22 à 24 policiers depuis 2016. Dans le Cher, comme partout en France, nous voulons déployer plus de forces sur le terrain, pour faire reculer la délinquance et répondre aux attentes légitimes des citoyens.

M. Rémy Pointereau.  - Il faut réformer les règles de mutation. Une seule vague par an ne suffit pas. Il est anormal de dire aux victimes que l'on ne peut pas traiter leurs dossiers par manque d'effectifs.

Nombre de conseillers municipaux dans les petites communes

Mme Annick Jacquemet .  - J'associe M. Longeot à ma question. Les communes de 3 000 habitants comptent 23 conseillers municipaux, soit un élu pour 130 habitants. À Besançon, qui compte 117 000 habitants, il y a 55 conseillers, soit un élu pour 2 127 habitants. Il est plus aisé de constituer une équipe municipale dans une grande ville que dans une petite commune rurale. De plus, de moins en moins de concitoyens souhaitent s'engager pour six ans. Les personnes recrutées sont parfois moins motivées, ce qui explique l'absentéisme et les démissions. Le scrutin de liste paritaire complexifie l'affaire.

Plusieurs maires de mon département, dont la maire du Russey, souhaitent ouvrir une réflexion sur la réduction du nombre de conseillers municipaux dans les petites communes. Selon eux, cela améliorerait la vie démocratique locale -  à condition de renforcer la formation  - sans dégrader la qualité du lien entre le conseil municipal et la population. Une diminution du nombre de conseillers municipaux dans les petites communes est-elle envisageable pour les élections municipales de 2026 ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Le nombre de conseillers municipaux est un sujet complexe : il y va d'enjeux de représentation démographique, de participation à la vie publique et de bon fonctionnement des conseils municipaux.

Le législateur a tenu compte des difficultés des communes les moins peuplées. En 2013, le nombre de conseillers est passé de sept à cinq pour les communes de moins de 100 habitants. Il faut neuf conseillers pour les communes de 100 à 499 habitants. En cas de démission, le conseil municipal peut continuer de fonctionner, sans qu'il soit nécessaire, dans certains cas, de convoquer de nouvelles élections. Le Gouvernement n'envisage donc pas de réduire le nombre de conseillers municipaux, qui sont essentiels pour faire vivre la démocratie locale.

Concernant la formation, le Gouvernement est attentif au fait de proposer aux élus une offre de qualité et adaptée, en particulier dans les petites communes. L'offre proposée aux élus fait désormais l'objet d'une régulation renforcée, sur le modèle de la formation professionnelle.

Gens du voyage

M. Cyril Pellevat .  - S'il est possible de vivre paisiblement avec la majorité des gens du voyage, certains groupes posent problème, en particulier en Haute-Savoie.

Des élus font état d'incivilités incessantes : malpropreté menaçant la salubrité publique, dégradations, installations illégales, raccordements sauvages à l'eau ou à l'électricité. Ils parlent de groupes entravant le fonctionnement de commerces ou d'individus déféquant devant des écoles, dont certaines ont même dû être fermées.

Ces groupes de gens du voyage ne sont jamais en contact avec le reste de la société. Les enfants ne sont pas scolarisés, et des fillettes deviennent mères, contribuant à une augmentation exponentielle de la population. Les délits y sont monnaie courante : vol, détention illégale d'armes, braconnage... L'impunité est totale, car ils sont si menaçants qu'il devient dangereux pour les maires, et même pour les forces de l'ordre, d'intervenir. L'obligation de respecter en toutes circonstances le sacro-saint schéma départemental d'accueil pour pouvoir les expulser ne fait que renforcer leur sentiment d'impunité.

Considérez-vous que ces comportements respectent les principes de la République ? Ne pourraient-ils s'apparenter à des dérives sectaires, et la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a-t-elle déjà été saisie à ce sujet ? Envisagez-vous des dérogations au respect obligatoire du schéma départemental pour procéder à des expulsions lorsque l'ordre public est menacé ?

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Le régime applicable en matière de stationnement des gens du voyage est prévu par la loi du 5 juillet 2000. Le maire, le président de l'EPCI ou le propriétaire d'un terrain peut demander au préfet de mettre des occupants en demeure de quitter les lieux, lorsqu'ils violent un arrêté interdisant le stationnement en dehors des aires dédiées. L'édiction d'un tel arrêté est possible même lorsque la commune ou l'EPCI ne remplit pas les prescriptions du schéma départemental, notamment si l'EPCI dispose d'un emplacement provisoire agréé par le préfet.

La loi du 7 novembre 2018 a étendu l'amende forfaitaire au délit d'installation illicite et en réunion sur un terrain. Cette procédure a été expérimentée dans plusieurs parquets, dont Créteil, Foix et Lille. L'opportunité d'une généralisation est en cours d'examen.

Les délits et incivilités commis par ces personnes ne constituent pas en eux-mêmes une dérive sectaire. Il appartient au maire qui constaterait de telles dérives de solliciter la Miviludes en lien avec le préfet et, le cas échéant, de saisir le procureur de la République.

Lorsque des enfants sont en danger, il revient aux élus de faire un signalement au procureur ou aux cellules de recueil des informations préoccupantes mises en place par les conseils départementaux.

M. Cyril Pellevat.  - Dans les faits, il est très difficile pour les collectivités d'agir, les mesures prises étant souvent déjugées par le tribunal administratif. Si je parle de dimension sectaire, c'est notamment parce que, je le répète, des filles de 12 ou 13 ans ne sont pas scolarisées. Je vous demande d'intervenir sur ce sujet.

Conséquences de la nouvelle convention fiscale franco-belge

Mme Véronique Guillotin .  - La région Grand Est compte 165 000 travailleurs frontaliers. Dans le nord de la Meurthe-et-Moselle, le fait transfrontalier est quotidien ; certaines communes sont voisines à la fois de la Belgique et du Luxembourg.

Afin d'éviter les doubles impositions sur le revenu, la France et la Belgique ont signé une nouvelle convention fiscale le 9 novembre 2021. Dans l'attente de sa ratification, je vous alerte sur les inquiétudes de certains frontaliers, dont l'impôt pourrait augmenter brutalement.

La nouvelle convention fixe, pour les rémunérations de source publique, le principe de l'imposition par l'État qui verse les revenus. Ainsi, les résidents français travaillant dans le secteur public belge seront désormais imposés en Belgique, où le taux est bien plus élevé. Pour certains, la perte de revenus pourrait atteindre 30 %, remettant en question certains choix de vie.

Le gouvernement belge, tout dernièrement, se serait déclaré favorable à un statu quo pour les infirmières jusqu'en 2034. Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ?

Par ailleurs, le statut dérogatoire des frontaliers salariés du privé prendra fin dans une dizaine d'années : ne serait-il pas judicieux de négocier dès maintenant un nouveau statut général des frontaliers, avec un accord sur le télétravail, pour lequel aucune tolérance n'est prévue pour les salariés du privé vivant entre la France et la Belgique ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - En novembre 2021, une nouvelle convention fiscale a été signée entre la France et la Belgique ; l'actuelle remonte à 1964. Cette convention comporte de nombreuses avancées favorables à la France, dont l'une visant à limiter l'exil fiscal des personnes physiques disposant d'un patrimoine important. Elle préserve aussi le régime spécifique des frontaliers.

Le projet de loi de ratification sera déposé dans les mois à venir.

Le traitement fiscal des rémunérations de source publique sera simplifié selon le principe d'imposition par l'État qui verse les revenus. La convention est conforme sur ce sujet au modèle de l'OCDE. C'est une disposition courante dans notre réseau conventionnel, en particulier dans des accords récemment négociés.

La nouvelle convention n'entraînera de changements que pour les résidents français possédant la seule nationalité française, percevant des traitements publics de source belge et exerçant leur activité en Belgique, dont les revenus seront désormais imposables dans ce pays. Nous continuons d'échanger avec le gouvernement belge pour nous assurer de la neutralité de ces évolutions.

Je transmettrai votre question à Gabriel Attal, s'agissant notamment du calendrier de dépôt du projet de loi.

Mme Véronique Guillotin.  - La convention franco-luxembourgeoise a instauré le même système, or elle est gelée compte tenu des effets dont je parle. Essayons de nous y prendre à l'avance pour le cas des Français travaillant en Belgique.

Taux du Livret A

Mme Catherine Procaccia .  - Le 15 juillet, la Banque de France calculera le taux actualisé du Livret A, qui devrait être revalorisé.

Le Livret A est l'outil d'épargne préféré des Français, avec 55 millions de détenteurs pour qui une hausse de taux serait l'une des rares éclaircies dans un contexte difficile pour le pouvoir d'achat.

Pourtant, de nombreux acteurs se mobilisent pour éviter une hausse, alors que le taux du Livret A ne suit plus l'inflation depuis de nombreuses années. Le taux actuel correspond ainsi à une dérogation défavorable aux épargnants, qui ont donc déjà consenti des efforts.

Le ministre de l'économie saura-t-il résister aux pressions pour protéger le pouvoir d'achat des ménages ? Bercy prendra-t-il ses responsabilités en augmentant le taux du Livret A ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - Le taux du Livret A a été multiplié par six en un peu plus d'un an. À 3 %, il est très supérieur à ceux des produits non réglementés comme l'assurance vie en euros, dont le rendement moyen était de 2 % l'année dernière, ou les livrets ordinaires, à 0,5 % en mars.

Les taux sont aussi plus rémunérateurs que ceux des autres pays européens, pour des volumes d'épargne inégalés, sans compter les autres avantages : liquidité totale, intérêts garantis, revenus exonérés.

C'est pourquoi il est très attractif pour les Français : la collecte nette sur les livrets A et livret de développement durable et solidaire (LDDS) a dépassé 25 milliards d'euros au premier trimestre de cette année.

La variation du taux du Livret A affecte directement d'autres acteurs, comme les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales, dont la dette contractée auprès de la Caisse des dépôts et consignations est souvent indexée sur ce taux. Une hausse de celui-ci renchérit donc la dette de ces acteurs, qui font face à des besoins d'investissement importants.

Il s'agit donc de déterminer une juste rémunération pour les épargnants tout en assurant de bonnes conditions de financement aux autres acteurs. La situation sera appréciée le moment venu.

Enfin, près de la moitié des Français peuvent recourir au Livret d'épargne populaire, qui, avec un taux de 6,1 %, protège intégralement de l'inflation. Nous avons mené des actions de simplification et de promotion de ce dispositif, avec succès : l'encours total a augmenté de 44 %. Cet été, Bercy prendra ses responsabilités.

Mme Catherine Procaccia.  - En effet, le taux du Livret d'épargne populaire correspond à peu près à l'inflation, mais ce n'est pas du tout le cas de celui du Livret A. Par le passé, il a été beaucoup plus haut que 50 % du taux d'inflation... Le Livret A est un pacte entre plusieurs acteurs, dont ceux du logement social, qui bénéficient de conditions d'emprunt privilégiées. Si les Français font de l'épargne de précaution, c'est parce qu'ils sont inquiets pour l'avenir.

Financement du nucléaire par le Livret A

M. Daniel Breuiller .  - L'article L. 518-2 du code monétaire et financier dispose que la Caisse des dépôts et consignations et ses filiales constituent un groupe public au service de l'intérêt général et du développement économique du pays. Placé sous la surveillance du Parlement, il est chargé de la protection de l'épargne populaire, du financement du logement social et de la gestion d'organismes de retraite.

En février dernier, Les Échos annonçaient que le Livret A était en lice pour financer les nouveaux réacteurs nucléaires. Or lors des débats sur le projet de loi relatif à l'accélération du nucléaire, cette hypothèse n'a jamais été évoquée. Après les fusions de bailleurs à marche forcée et les effets de la hausse du taux du Livret A sur les capacités d'investissement des offices d'HLM, ce serait un coup supplémentaire porté au secteur du logement social.

Fin 2021, la Caisse des dépôts et consignations a affecté 170 milliards d'euros au financement du logement social et de la politique de la ville. Plus de 160 000 logements sociaux ont ainsi été construits ou réhabilités. Le logement social est la chance de notre pays, a déclaré le ministre Olivier Klein : il a raison !

Dans ces conditions, il serait inconcevable d'altérer le financement du logement social pour payer plus de 52 milliards d'euros d'EPR. Oui ou non, le Gouvernement entend-il financer l'accélération du nucléaire par le Livret A ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - La mission historique du Livret A est de financer le logement social. Sur 12,8 milliards d'euros de prêts versés par le fonds d'épargne l'an dernier, 11,2 milliards ont bénéficié au logement social et à la politique de la ville. Ce fonds détient un encours de prêts au logement social de 174 milliards d'euros, soit 89 % du total de ses prêts. Il est, de très loin, le premier financeur du secteur HLM.

La collecte sur les livrets réglementés est très supérieure aux besoins de financement du logement social. Le fonds d'épargne finance déjà d'autres projets d'intérêt général, quand le financement privé est inexistant ou insuffisant. Dans ce cadre, les projets du secteur public local bénéficient d'une enveloppe de prêts de 28 milliards d'euros, ouverte jusqu'en 2027.

Pour rémunérer l'épargne des particuliers, le fonds d'épargne doit dégager du rendement sur ses actifs. Il doit obtenir un rendement moyen supérieur au coût de sa ressource : cet enjeu revêt une acuité particulière dans un contexte de forte collecte et de taux élevé du Livret A. Une diversification des emplois du fonds d'épargne paraît donc de bonne gestion.

Le Gouvernement doit s'assurer que l'excès de liquidités sur le fonds d'épargne serve le collectif, à travers le financement de projets d'intérêt public et une rémunération attractive des épargnants. S'agissant du financement de l'accélération du nucléaire, il ne m'appartient pas d'évoquer des sujets qui n'ont pas encore été arbitrés ni rendus publics.

M. Daniel Breuiller.  - S'il s'agit de dégager des rendements élevés, le nucléaire n'est certainement pas la bonne solution : il arrivera trop tard pour la crise climatique et sera trop cher. Non, le logement n'a pas les financements indispensables à son développement. Cette mission de l'épargne réglementée doit donc rester la priorité absolue !

Conséquences de la suppression de la CVAE sur la présence postale

Mme Gisèle Jourda .  - Le contrat de présence postale, créé par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, permet à La Poste de contribuer à la mission d'aménagement et de développement du territoire et répond au besoin vital de maintien d'une présence postale partout. Il participe notamment à la mise en place des maisons France Services et concourt au renforcement de l'inclusion numérique.

Il est financé par le fonds postal national de péréquation territoriale, alimenté par un abattement de taxes locales dues par La Poste, principalement la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Or la loi de finances pour 2023 supprime la CVAE sur deux ans, en 2023 et 2024. L'engagement du Gouvernement de compenser cette suppression à l'euro près est loin d'être tenu.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour garantir le financement du fonds de péréquation et l'exercice par La Poste de ses missions de service public ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - Le Gouvernement soutient La Poste dans sa mission de service public d'aménagement du territoire. Depuis 2021, la baisse de rendement de la CVAE avait déjà entraîné un risque de baisse du montant du fonds de péréquation, auquel l'État a répondu en versant 74 millions d'euros sous forme d'une dotation votée en loi de finances. Le fonds de péréquation avait pu être maintenu à hauteur du montant maximal fixé par le contrat de présence postale -  174 millions d'euros. Pour 2023, la dotation a tenu compte de la disparition de ce rendement d'abattement sur la CVAE, estimé fin 2022 à 31 millions d'euros : cette somme s'est ajoutée au montant initial de la dotation, pour un total de 105 millions d'euros.

Les rendements d'abattements des taxes locales sont prévisionnels au moment du vote de la loi de finances, les montants définitifs n'étant connus qu'au début de l'année N+1. Le montant supplémentaire de la dotation pour 2023 correspond donc bien aux estimations de rendement si cette première part de CVAE avait été maintenue. Certes, un écart limité est possible, mais un réajustement peut intervenir lors de la fixation de la dotation annuelle suivante par le Parlement.

Mme Gisèle Jourda.  - Nous veillerons à ce que la compensation soit au rendez-vous. Avec la présence postale, il en va de la survie des territoires ruraux.

Parkings payants des centres hospitaliers universitaires

Mme Véronique Del Fabro .  - Quel est le point commun entre Nancy, Bordeaux, Caen, Lorient, Épinal, Cambrai, Le Mans, Amiens, Toulouse, Le Havre, Lyon, Avignon, et La Roche-sur-Yon ? Les hôpitaux publics de toutes ces villes ont rendu leurs parkings payants pour les patients, leur famille, et dans certains cas pour le personnel. Désormais, à Nancy, au-delà des 30 premières minutes gratuites, il faut débourser 6 euros pour la première heure et 30 euros pour 3 heures ! C'est un problème pour le personnel de santé, qui a des horaires irréguliers et travaille souvent tard le soir ou tôt le matin, mais aussi pour les patients et leur famille : de nombreux patients doivent se rendre plusieurs fois par mois, voire quotidiennement à l'hôpital ; les coûts de stationnement peuvent devenir un frein à l'accès aux soins.

Le ministre de la santé a récemment reconnu ce problème dans une interview, tout en bottant en touche sur les solutions, estimant que sa priorité est de redresser l'hôpital public, et non les parkings. Or si l'on ferme les yeux sur la dérive obligée par les coûts prohibitifs du privé, à savoir le bon de transport et la consultation chez le médecin, les comptes de la sécurité sociale vont forcément s'en ressentir.

Le Gouvernement remettra-t-il en place l'accès gratuit aux parkings des hôpitaux ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - La gestion du stationnement ne fait pas partie des missions de l'hôpital public. Elle est propre à chaque établissement, qui peut la confier à des opérateurs privés, et varie en fonction des besoins des hôpitaux et de leurs possibilités financières. Les tarifs doivent cependant être affichés et des emplacements dédiés aux personnes à mobilité réduite sur chaque site -  il faudrait aussi prévoir des places pour les femmes enceintes.

Ce sujet peut être inscrit à l'ordre du jour de la commission des usagers. L'instauration d'un parking payant peut également servir à entretenir et à améliorer les installations de stationnement, ainsi qu'à assurer la sécurité des véhicules. Il faut garantir la rotation des véhicules pour que tous ceux qui en ont besoin puissent y accéder. Le ministère relaiera ce sujet auprès des agences régionales de santé (ARS), s'il s'avère que l'accès au service public de la santé est menacé.

Mme Véronique Del Fabro.  - N'oubliez pas les dommages collatéraux pour les riverains, bloqués par des véhicules les empêchant de rentrer chez eux.

Projets « Territoires zéro chômeur longue durée »

M. Christian Klinger .  - En 2020, la loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique a permis l'expérimentation des « Territoires zéro chômeur de longue durée », démarche intéressante et louable mais dont la méthode et le modèle économique et financier interrogent. Le caractère obligatoire de la dépense pour les départements soulève deux problèmes : l'élargissement de facto des compétences du département, et l'ingénierie financière puisque pour qu'un projet soit validé, le département doit financer 15 % du montant de la participation de l'État, sans limitation de durée. Comme d'habitude, l'État se défausse sur les collectivités.

Pour seulement trois projets, la Collectivité européenne d'Alsace (CEA) serait engagée, en 2023, à hauteur de 108 000 euros pour 36 ETP ; en 2024, de 217 000 euros pour 72 ETP ; en 2025, de 435 000 euros pour 144 ETP. Dans un contexte économique contraint, la CEA, comme la plupart des départements, n'a pas donné une suite favorable à ces projets. Les départements souhaitent jouer leur rôle, mais ce public relève de l'État. Comment permettre ces expérimentations sans faire les poches des départements ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - Cette expérimentation est soutenue et financée par l'État depuis la loi du 29 février 2016. Elle a été prolongée pour cinq ans par la loi du 14 décembre 2020 afin qu'au moins cinquante territoires supplémentaires puissent être habilités, en plus des dix territoires historiques.

L'expérimentation bénéficie du concours financier de l'État, des collectivités territoriales, en particulier des départements, des EPCI et des organismes publics et privés volontaires.

L'État verse la contribution au développement de l'emploi - pour chaque ETP, entre 53 % et 102 % du Smic brut. Il accompagne la croissance du nombre de territoires concernés grâce à un budget qui augmente en 2023 de 25 %, passant de 36 millions à 44,94 millions d'euros, qui financera 2 480 emplois au 31 décembre 2023.

La loi prévoit que les départements contribuent, pour chaque ETP, pour 15 % du montant de la participation de l'État, et qu'un territoire ne peut être candidat à l'expérimentation qu'avec l'accord du président du conseil départemental. Il appartient au partenariat local de susciter des mobilisations financières supplémentaires.

Le coût de l'expérimentation sera évalué dès 2023. Le comité scientifique est en cours d'installation.

M. Christian Klinger.  - L'augmentation du budget tient aussi à l'augmentation du nombre de bénéficiaires. Si le problème du reste à charge pour les départements est réglé, ce peut être un succès.

Situation éducative dans le Val-d'Oise

M. Rachid Temal .  - Hier, nous étions nombreux à manifester, à Magny-en-Vexin, à l'appel de l'association des élus de la communauté de communes de Vexin-Val-de-Seine, pour demander, comme depuis trente ans, la création d'un lycée. Les élèves font trois heures de trajet pour se rendre au lycée de Cergy-Pontoise, ce qui a des impacts importants sur leur niveau scolaire, leur santé, la vie des familles et l'attractivité du territoire.

L'ensemble des élus et des parents d'élèves réclament ce lycée ; la région Île-de-France y est favorable. Ne manque que l'accord de l'État : quand l'obtiendrons-nous ? Le terrain appartient déjà à la commune, et la construction de ce lycée ne pose aucun problème. La soutenez-vous ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - La construction d'un lycée relève de la compétence des régions : le Conseil régional définit la localisation des établissements.

Toutefois, l'implantation d'un lycée dans ce secteur concerne également les Hauts-de-France et le secteur de Chaumont-en-Vexin, ainsi que la zone du lycée de Gisors, en Normandie. La réflexion doit donc être conduite de manière coordonnée. Les trois académies franciliennes prennent en compte les évolutions démographiques dans les effectifs de lycée pour les années à venir, afin que la région priorise ses investissements et que l'État propose une offre adaptée aux territoires en croissance démographique.

Les services de l'État et de la région expertisent les besoins ; le travail commun des trois académies de Versailles, d'Amiens et de Normandie sera partagé avec les collectivités régionales. Mais l'État ne peut intervenir en la matière sans porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, cher aux sénateurs. Si ma réponse vous semble incomplète, le ministre Pap Ndiaye reste à votre disposition.

M. Rachid Temal.  - Cela fait des mois, voire des années, que l'on écrit au ministre ; les parlementaires de la circonscription lui demanderont un rendez-vous. L'État évoque maintenant une solution sur plusieurs académies, mais cela n'est pas sérieux : dans une même famille, les élèves de collège et de lycée seraient en vacances à des dates différentes ? Le Val-d'Oise est le plus jeune département de France, et ses effectifs scolaires augmentent de 1 400 élèves à la prochaine rentrée. L'argument démographique n'a pas de sens. Nous continuerons le combat : la région a voté le projet, le terrain existe, il ne manque plus que la décision du Gouvernement.

Avenir de la culture de la lavande

M. Jean-Yves Roux .  - « La lavande est l'âme de la Provence », disait Jean Giono, mais cette filière agricole et industrielle de 3 000 exploitations est fragilisée depuis un an par les intempéries, la cécidomyie, la concurrence déloyale et la crise énergétique.

En juillet 2022, le Sénat avait adopté une aide exceptionnelle à la filière de 10 millions d'euros, récemment autorisée par la Commission européenne. Mais les lavandiculteurs doivent se préparer au règlement Reach et au règlement relatif à la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances et des mélanges, dit CLP, qui prévoient une évaluation de la dangerosité des composants des huiles essentielles, pouvant conduire à classer ces dernières comme substances chimiques.

Il est possible de protéger les consommateurs et d'assurer la pérennité de la production de la lavande dans des conditions optimales de sécurité. La filière lavandière est suspendue à des décisions dont nous devons anticiper les conséquences. Quelle position est défendue par la France dans la révision du CLP ? Des mesures dérogatoires ou des analyses supplémentaires sont-elles prévues afin de protéger la filière ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - La position de la France sur les règlements Reach et CLP est constante : nous voulons que la spécificité des huiles essentielles soit prise en compte, et que des adaptations soient prévues. Nous défendons une approche par constituants, en relayant les inquiétudes des professionnels au sujet de la confusion possible entre perturbateurs endocriniens et substances entraînant une activité endocrinienne.

L'enjeu de la révision de la réglementation reste l'application de la règle des mélanges à l'ensemble des substances de plus d'un constituant, dites Mocs. La France défend une dérogation à cette règle pour tenir compte des spécificités de certaines substances complexes comme les huiles essentielles naturelles. Les secteurs concernés devront ensuite justifier d'une exemption, les dossiers devant être évalués dans un délai raisonnable.

Par ailleurs, nous tenons notre engagement budgétaire pour un plan de filière. Le risque de disparition était important, notamment dans votre région. Une partie des pertes de chiffre d'affaires des producteurs traditionnels sera prise en charge sur la base d'un régime d'aide d'État notifié à la Commission européenne. De plus, plus d'un million d'euros seront alloués pour trouver des solutions alternatives à la suppression de produits phytosanitaires.

Création d'une école vétérinaire à Limoges

M. Christian Redon-Sarrazy .  - La création à Limoges d'une cinquième école nationale vétérinaire, soutenue par le président de Nouvelle-Aquitaine, vise à répondre à la déprise vétérinaire en zone rurale. Première région agricole française et européenne, la Nouvelle-Aquitaine souffre d'une chute de 20 % en cinq ans du nombre de vétérinaires spécialisés en animaux de rente.

L'implantation de cette école à Limoges, où se trouvent des universités de médecine et de pharmacie, permettrait d'ouvrir un pôle de recherche unique en France cohérent avec la stratégie One Health, fédérant les praticiens vétérinaires, les formations universitaires, les laboratoires de recherche et les entreprises du secteur. École publique avec des classes préparatoires intégrées, recrutant de nouveaux profils issus du monde rural, cet établissement permettrait des innovations pédagogiques et pratiques.

La région, prête à financer une partie de son implantation, a besoin du soutien de l'État pour concrétiser ce projet, mais celui-ci reste hélas au point mort. L'État s'engagera-t-il clairement ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Au niveau national, l'ouverture d'un concours post-bac permet à davantage de jeunes d'accéder aux études vétérinaires. Un plan renforce les quatre écoles nationales existantes, auquel s'ajoute la création d'une école vétérinaire privée en 2022. Les stages en milieu rural constituent un élément d'attractivité, et nous sommes prêts à développer le plan de soutien à l'installation des vétérinaires en zone rurale.

En 2030, 840 vétérinaires seront formés en France, soit 75 % de plus qu'en 2017. D'ici la fin de l'année, une mission du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) établira si la création de cette école répond aux besoins démographiques, à la sécurisation de l'installation des jeunes diplômés dans les territoires concernés, et expertisera financièrement la création de cette école.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Nous sommes impatients. Vous n'avez pas mentionné le lien avec la recherche et les laboratoires de l'université de Limoges, pourtant important. La situation est préoccupante : seuls 19% des vétérinaires exercent auprès des animaux de production. Les délais d'intervention sont allongés, ce qui a un impact sur la situation sanitaire et économique. Les écoles existantes sont saturées, et de nombreux étudiants se forment à l'étranger, où les études sont moins onéreuses, ce qui est problématique pour le premier pays agricole d'Europe... Lorsque les collectivités locales proposent un projet innovant, l'État doit les soutenir.

Indexation des contrats en matière d'agrivoltaïsme

M. Philippe Bonnecarrère .  - Dans le projet de loi relatif à l'industrie verte, aucune réponse sur l'artificialisation des sols : le développement du photovoltaïque et de l'agrivoltaïsme est bloqué, tant que nous n'avons pas de réponse sur sa prise en compte ou non dans le « zéro artificialisation nette » (ZAN).

Il reste étonnant que la fixation des modalités d'indexation entre bailleurs et locataires soit effectuée par l'État. Je ne conteste pas l'idée que l'État maîtrise le coût de l'énergie, mais il me semble curieux que la relation de droit privé entre l'agriculteur et l'exploitant énergétique soit soumise au contrôle de l'État. Si l'État tient vraiment à intervenir dans la relation entre propriétaire et bailleur, qu'il tienne au moins compte de l'évolution des prix de l'énergie !

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Je réponds à la place de Christophe Béchu, au coeur de ces questions. Même si je n'ignore pas le sujet de l'agrivoltaïsme, la fixation du tarif de l'électricité ainsi produite ne relève pas totalement de mon périmètre.

L'indexation permet de faire évoluer, au cours de la durée de vie du contrat d'achat ou de complément de rémunération, les tarifs de l'électricité produite par l'installation agrivoltaïque. Ces tarifs sont initialement fixés par contrat entre EDF Obligation d'Achat et l'exploitant du parc photovoltaïque. Le loyer versé à l'agriculteur par l'exploitant du parc, fixé par un contrat entre personnes privées, ne dépend donc pas directement du tarif dont bénéficie l'exploitant.

L'État apporte un complément de rémunération par rapport aux prix de marché pour garantir l'équilibre des projets ; son intervention dans les contrats n'est donc pas illégitime. Néanmoins, face aux difficultés rencontrées, le ministère de la transition énergétique a décidé de mesures d'urgence pour prendre en compte l'augmentation des coûts des matières premières des panneaux photovoltaïques, selon une formule d'indexation du tarif avant activation du contrat. Le Gouvernement souhaite renforcer la résilience des projets photovoltaïques, afin de limiter les risques d'externalités négatives sur les parties tierces, dont les agriculteurs. Cette indexation pourra évoluer en fonction des discussions à venir portant sur l'agrivoltaïsme, pour que sa formule reflète au mieux la réalité des projets.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Monsieur le ministre, je n'adhère pas totalement à vos propos, car les sujets agricoles sont liés aux sujets environnementaux : tant pour l'agrivoltaïsme que pour l'eau, votre ministère est directement concerné. Je vous demande à nouveau de vous investir dans le dossier de la retenue de Sivens.

La séance est suspendue à 12 h 30.

Présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Influenceurs sur les réseaux sociaux (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion la proposition de loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure pour le Sénat de la CMP .  - La semaine dernière, ce texte a fait l'objet d'un accord unanime en CMP. C'est inédit : nous avons voté le premier texte de loi sur ce sujet en Europe. Inédit parce que cette initiative parlementaire a bénéficié du soutien du Gouvernement, inédit parce que les attentes des citoyens étaient particulièrement fortes face aux fraudes, aux arnaques, au trading douteux. C'est un véritable Far West de la consommation où l'impunité règne.

Dans un contexte de forte dénonciation de ces pratiques, le Sénat a entendu toutes les parties prenantes, sans préjugés, pour déterminer le niveau adéquat de régulation et offrir à tous la protection nécessaire. Le Sénat s'est montré ambitieux : je me félicite du respect de ces ambitions.

Grâce à une définition consensuelle, le texte concernera l'ensemble des influenceurs, en distinguant bien leur activité de la publicité classique. Ils devront clairement afficher le caractère publicitaire ou commercial de leur activité, pour éviter la publicité dissimulée. Il faut les inciter à la sincérité.

Nous avons aussi intégré au texte les influenceurs établis à l'étranger qui s'adressent à un public français. Ils devront désigner un représentant légal résidant dans l'Union européenne - c'est un apport majeur du Sénat.

Encore faut-il que le cadre légal que nous créons soit respecté : nous avons souhaité renforcer les moyens de contrôle et d'action des autorités, dont ceux de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Dans le Far West de la consommation, les shérifs sont multiples et doivent avoir les moyens de leur action : nous y veillerons au moment du prochain projet de loi de finances.

Expliquer sans stigmatiser : c'est la condition du développement d'un secteur économique récent. Il ne fallait pas pénaliser le commerce en ligne ou la filière française des crypto-actifs. Les corrections du Sénat en ce sens ont été conservées.

Enfin, nous renforçons la protection des consommateurs, des épargnants, des jeunes et de la santé publique. Les apports de la commission sur la promotion des paris sportifs et sur l'obligation de mentionner l'interdiction des jeux d'argent aux moins de 18 ans ont été conservés. De même pour l'obligation de mentionner l'utilisation d'images virtuelles.

Votons ce texte équilibré. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI ; Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit également.)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - Comme je l'ai dit nuitamment à vos collègues députés, je salue l'engagement des parlementaires sur ce sujet et salue la qualité de leur travail.

Il y a quelques mois, Bruno Le Maire lançait une concertation sur l'encadrement et les besoins de l'écosystème naissant de l'influence commerciale. Deux députés que rien ne rassemblait ont ensuite commencé à travailler sur une proposition de loi qu'ils ont appelée leur « bulle de paix ». Il y a quelques semaines, le Sénat accueillait ce texte dans le même esprit, pour aboutir à une proposition de loi précise, ambitieuse et inédite en Europe.

Les débats ont permis à nos concitoyens de prendre la mesure du phénomène, avec 150 000 Français exerçant l'activité d'influence commerciale. Le cadre est désormais clair et juridiquement sécurisé.

Je propose que le guide de bonne conduite présenté en mars à Bercy soit mis à jour avec les apports de votre texte.

Je vous remercie, au nom du Gouvernement, pour l'état d'esprit constructif qui a permis d'aboutir à une régulation équilibrée de l'influence commerciale. (Applaudissements sur les travées du RDPI et au banc des commissions ; M. Serge Babary applaudit également.)

Discussion du texte de la proposition de loi élaboré par la CMP

ARTICLE 2 B

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 18

Après le mot :

consultation

insérer les mots :

de l'Autorité nationale des jeux et

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - L'Autorité nationale des jeux (ANJ) doit participer à l'élaboration du référentiel tendant à préserver les mineurs des publicités pour les jeux d'argent et de hasard. C'est en effet le principal acteur de la régulation du secteur.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Avis favorable.

Explications de vote

M. Bernard Buis .  - (Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit.) Cette proposition fixe enfin le cadre de la très jeune profession d'influenceur. Sans jugement moral, la très grande majorité d'entre eux étant respectueux des règles, reconnaissons que l'absence de cadre clair a laissé prospérer certaines pratiques choquantes.

Nous ne stigmatisons pas, mais le dispositif proposé restaurera, au contraire, la confiance. Le Gouvernement s'était déjà saisi du sujet, et je salue en particulier le travail de la DGCCRF.

Le cadre rappelle les droits et les devoirs des 150 000 influenceurs français tout en protégeant les quarante millions de consommateurs qui effectuent au moins un achat en ligne chaque année. Or la confiance n'exclut pas le contrôle : la proposition de loi transpartisane devrait à la fois encadrer et accompagner une activité économique en expansion, qu'on le veuille ou non.

Reconnaissons que l'équilibre trouvé à l'issue de la CMP est bon. Ainsi, la définition de l'influenceur retenue est compréhensible par tous. La CMP a affiné la définition de l'activité d'agent d'influenceur, ce qui est fondamental. La suppression de la notion de mise en relation resserre utilement la définition, alors que les agents s'organisent de manière trop cavalière aujourd'hui.

Préciser les règles applicables et les interdictions propres à l'influence commerciale réduit les angles morts dans lesquels quelques influenceurs malhonnêtes se sont engouffrés. Je retiens en particulier l'interdiction de la promotion de la chirurgie esthétique et de l'abstinence thérapeutique, alors que des ignares à forte notoriété en ligne remettent les médecins en cause dans le pays de Pasteur. (Mme la présidente de la commission des affaires économiques apprécie.)

La réglementation protégera la jeunesse des jeux d'argent. La mention « publicité » obligatoire mettra les points sur les i.

Ce texte montre qu'il est possible de trouver des consensus dans notre pays. (Sourires au banc des commissions) Le RDPI le votera. (Applaudissements au banc des commissions)

M. Rémi Cardon .  - Le groupe SER se réjouit que cette proposition de loi de MM. Delaporte et Vojetta aboutisse et salue leur démarche transpartisane.

Les associations de victimes et de consommateurs auront enfin un cadre pour lutter contre les dérives de l'influence commerciale. Nous répondons aux craintes légitimes devant certaines dérives et produits irrespectueux des règles éthiques. Le message est que tout n'est pas permis.

Si la majorité sénatoriale et le Gouvernement ont abordé le texte sous l'angle de la seule régulation économique, je salue les avancées obtenues en CMP. Ainsi de l'interdiction de promouvoir la chirurgie esthétique, de l'affichage obligatoire de la mention « publicité », de l'inscription dans la loi d'un cadre de régulation pour la promotion des produits de santé, et du rappel de l'obligation d'affichage des normes s'appliquant aux produits alimentaires trop sucrés, trop salés ou trop gras, promu par notre collègue député socialiste Dominique Potier.

Le Gouvernement doit désormais mettre en place les moyens de contrôle nécessaires à l'application de cette proposition de loi. Le mois dernier, Bruno Le Maire avait annoncé la publication d'une liste d'influenceurs n'ayant pas respecté les règles : simple coup de communication ? Nous l'attendons avec impatience.

Cette première étape sera complétée par la transposition du Digital Services Act (DSA) et du Digital Markets Act (DMA) et le projet de loi de régulation de l'espace numérique. En attendant, nous créons le premier cadre de régulation dans ce domaine en Europe. Le groupe SER votera ce texte. (Applaudissements au banc des commissions)

M. Fabien Gay .  - Les évolutions de notre économie s'intensifient avec le numérique : nouvelles formes d'activité, nouvelles habitudes de consommation, nouvelles pratiques commerciales, nouvelles formes de publicité. Le logiciel de contrôle de ces activités, pensé pour le monde physique, doit par conséquent se renouveler.

L'activité d'influence s'est développée à une vitesse fulgurante, dans de nombreux domaines : modes de vie, cuisine, mode, jeux vidéo, etc.

L'intérêt commercial est évident : les influenceurs fidélisent des communautés d'abonnés qui les suivent au quotidien, adoptent leurs comportements, se fient à leurs conseils. Cette confiance est le socle qui transforme l'abonné en consommateur, mieux que la publicité au milieu du film...

C'est tout l'enjeu de la régulation : un besoin de clarté, de lisibilité, d'information. Certains sont exemplaires et mentionnent leurs partenariats rémunérés, d'autres les font passer pour des conseils de bonne foi - délibérément, ou par simple ignorance des obligations imposées par le code de la consommation.

Sans statut encadré par la loi, il est difficile de connaître ses devoirs et facile de s'y soustraire. Le cadre n'est donc pas une punition mais une nécessité pour protéger les plus jeunes, mais aussi les créateurs de contenus, vulnérables à des contrats leur portant parfois atteinte.

Le texte de la CMP mérite d'être salué. La responsabilité solidaire entre influenceurs et agents et l'imposition d'un contrat de droit français si le public visé est sur notre territoire sont essentielles. En effet, beaucoup d'influenceurs s'installent à l'étranger pour éviter nos impôts, tout en s'adressant à des Français.

De même, la représentation légale obligatoire sur le territoire européen mettra un terme aux abus et aux pratiques déloyales.

Cela dit, les effectifs de la DGCCRF seront au coeur de cette régulation : dix agents pour 150 000 influenceurs, ce n'est pas... (L'orateur fait mine de chercher le mot juste.)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Suffisant ?

M. Fabien Gay.  - C'est cela. Merci, madame la ministre ! (Sourires)

Nous demanderons donc à nouveau, au budget, un renforcement de vos équipes. Je suis sûr que nous serons entendus ! (Nouveaux sourires)

Il convient aussi de mieux encadrer le copy trading, d'interdire certains filtres photo, de prévenir les dégâts physiques et psychiques liés à l'influence : espoir de devenir riche sans travailler, volonté de façonner son corps selon des standards fantasmés.

Il a été plusieurs fois affirmé que des restrictions à la publicité pour les produits trop gras, trop sucrés ou trop salés seraient une rupture d'égalité avec d'autres supports. Cela montre la nécessité de réfléchir à une régulation de la publicité dans son ensemble.

En attendant, le groupe CRCE votera le texte. (Applaudissements sur les travées du GEST et au banc des commissions ; M. Serge Babary applaudit également.)

M. Michel Canévet .  - Le groupe UC est heureux que ce texte ait prospéré, grâce au travail acharné de la rapporteure... sous l'autorité de la présidente de la commission ! (Sourires)

Notre groupe n'est pas pour la législation à outrance : il faut autant de liberté que possible et de régulation que nécessaire. Mais il fallait prendre en compte les nouvelles pratiques qui se développent, avec un nombre d'influenceurs en augmentation constante.

Il fallait éviter que les usagers d'internet ne soient dupés. Les interdictions posées par le texte relèvent du bon sens. On ne pouvait laisser proliférer les messages publicitaires sans contrôle.

Cher Fabien Gay, l'aspect répressif est certes une dimension du texte, mais celui-ci fixe surtout les limites pour tous ceux qui pratiquent l'activité d'influence, pour qu'ils sachent comment se comporter. Seuls seront punis ceux qui ne respectent pas les règles du jeu.

Bien entendu, le groupe UC votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements au banc des commissions et sur les travées du RDPI ; M. Serge Babary applaudit également.)

M. André Guiol .  - Les innovations numériques ont bouleversé le monde du travail, mais toutes les composantes du monde 2.0 ne sont pas bonnes à prendre.

Avec les réseaux sociaux, des personnes publiques aussi célèbres que les vedettes classiques, mais méconnaissant les règles commerciales apparaissent. Les stars de YouTube ou de TikTok nagent parfois en eaux troubles. Elles sont suivies par nombre de followers, souvent très jeunes, commercialisent leur notoriété sans aucune considération éthique, et promeuvent tout, et bien souvent n'importe quoi.

Les jeunes étant plus influençables et peu conscients des risques, ils peuvent être victimes de la promotion de pratiques néfastes pour la santé - produits de beauté, chirurgie esthétique ou produits pour perdre du poids sans l'avis de professionnels de santé - porteurs d'addictions ou relevant de l'escroquerie : jeux vidéo, jeux d'argent, conseils relatifs à l'entrepreneuriat ou à la finance...

Les influenceurs, rémunérés parfois jusqu'à des centaines de milliers d'euros, oublient les conséquences de leurs actes.

C'est pourquoi une régulation s'impose pour encadrer les influenceurs et protéger les internautes : le RDSE salue cette initiative des auteurs de la proposition de loi et se réjouit de l'accord trouvé en CMP.

La notion d'influenceur a été précisée et je salue l'ajout des mentions « publicité » et « collaboration commerciale ».

L'ajout des avantages en nature à l'article 1er satisfait la demande de notre collègue Henri Cabanel.

Le renforcement de l'encadrement des publicités autour de la santé publique, en y intégrant les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, est également une bonne chose.

La régulation des pronostics sportifs ou des jeux d'argent est bienvenue, compte tenu des dérives constatées au sein de ce qu'Henri Cabanel qualifiait de métier devenu sans état d'âme. Le RDSE souhaite que ce texte aboutisse et le votera. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Amel Gacquerre applaudit également.)

Mme Sophie Primas .  - À mon tour de me réjouir de cet accord historique. Je salue la qualité des travaux transpartisans menés par l'Assemblée nationale et prolongés par le Sénat.

L'accord unanime en CMP n'aurait pas été possible sans l'engagement de notre rapporteure, de nos collègues députés Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte et de Mme la ministre.

C'est la première fois qu'un pays de l'Union européenne s'apprête à adopter une loi portant sur ce sujet : j'espère que notre pays fera des émules. Le droit s'arrête aux frontières, mais les activités numériques les traversent avec une aisance qui nous surprend parfois.

Avec ce texte, nous clarifions le cadre légal avec pédagogie, sans stigmatiser un secteur en pleine expansion, mais en le responsabilisant.

Notre accord est équilibré et reprend le meilleur de nos deux assemblées, mettant un terme à l'illusion de la dérégulation.

Cela dit, ce texte n'est que le premier d'une longue série qui contribuera à réguler davantage dans le monde numérique. Je pense notamment à l'intelligence artificielle. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Mme Amel Gacquerre et M. Serge Babary applaudissent.)

M. Jean-Louis Lagourgue .  - On compterait 150 000 influenceurs en France pour un marché mondial estimé à 32 milliards de dollars : c'est vertigineux !

Le Parlement a souhaité réguler cette activité économique. Les influenceurs signent parfois des partenariats avec des marques et publient ainsi du contenu promotionnel.

Bien sûr, la majorité des influenceurs respecte la loi. Mais une minorité abuse de la confiance de ceux qui les suivent, notamment les plus jeunes, et se transforment en « influvoleurs », pénalisant toute la profession.

Ce texte bienvenu et transpartisan témoigne d'un vaste consensus.

Je me réjouis que la CMP soit parvenue à un accord. La définition du métier d'influenceur retient des apports de l'Assemblée nationale et du Sénat : c'est une bonne chose. Je félicite les auteurs du texte, les rapporteurs, et salue votre engagement, madame la ministre.

Un contrôle strict doit protéger les consommateurs, a fortiori les mineurs.

Cette proposition de loi améliore le cadre juridique existant et les évolutions de la CMP vont dans le bon sens. Avec ce texte inédit au sein de l'Union européenne, nous pouvons être fiers de cette première pierre en faveur de la régulation numérique. Le groupe INDEP votera ce texte équilibré sur un sujet essentiel.

M. Daniel Salmon .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et du RDPI) Nous saluons le travail des auteurs et des rapporteurs sur ce texte attendu qui responsabilise un secteur en voie de structuration. Le marché mondial atteint 15,5 milliards d'euros en 2022 - une hausse de 20 % en un an.

Poser des règles était nécessaire. Certes, nombre d'acteurs sont honnêtes, mais certains s'affranchissent des règles. Il faut saluer le rôle précurseur de la France : nous ne sommes pas loin de la surtransposition honnie par certains...

Toutefois, nous regrettons que la promotion de certains produits nocifs ne soit pas interdite, ou à tout le moins encadrée - je pense aux boissons et aliments trop riches en sucre, en sel ou en matière grasse, qui avaient suscité des débats nourris en séance. Tant l'OMS que Santé publique France dénoncent les risques de surpoids et de diabète liés à une telle alimentation.

Les influenceurs touchent surtout les enfants et les jeunes adultes, bien plus que les médias traditionnels. Nous regrettons la suppression de l'article 2 CA, qui interdisait aux jeunes de moins de 16 ans de promouvoir aliments et boissons trop sucrés, sous prétexte d'éviter une rupture d'égalité avec les autres supports de promotion. C'est en réalité une position politique : le refus d'un niveau élevé de régulation pour favoriser l'économie, au détriment de la santé des plus jeunes.

Nous rejoignons Fabien Gay : à quand une grande loi-cadre sur une réelle régulation de la publicité, qui envahit notre imaginaire, incite à surconsommer, « greenwashe » des produits polluants ? Il faut l'encadrer.

Certains dispositifs ont été supprimés car apparemment satisfaits, comme la promotion d'abonnements. En revanche, nous regrettons la suppression des dispositions contre la promotion de traitements médicamenteux ou chirurgicaux, apport important du Sénat.

Malgré ces points problématiques, le GEST votera ce texte. Certes, il manque d'ambition, mais c'est une première pierre.

Madame la ministre, nous saluons votre engagement à augmenter le nombre de postes de la DGCCRF. Nous y veillerons au prochain projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du GEST et du RDPI ; Mme la rapporteure applaudit également.)

À la demande du groupe Les Républicains, le texte élaboré par la CMP est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°293 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 342
Contre     0

Le texte élaboré par la CMP est adopté.

(Applaudissements)

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Échec en CMP et modification de l'ordre du jour

M. le président.  - Par ailleurs, j'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

En conséquence, la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire est retirée de l'ordre du jour du jeudi 8 juin, en accord avec le Gouvernement.

Il en est ainsi décidé.

Importation de produits issus du travail forcé de la population ouïghoure

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution, en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à interdire l'importation de produits issus du travail forcé de la population ouïghoure en République populaire de Chine, présentée par Mme Mélanie Vogel, M. Guillaume Gontard et plusieurs de leurs collègues, à la demande du GEST.

M. Guillaume Gontard, auteur de la proposition de résolution .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Yan Chantrel applaudit également.) Sur l'initiative de Mélanie Vogel, dont je vous prie de bien vouloir excuser l'absence, le GEST propose que le Sénat prenne position, après l'Assemblée nationale, sur l'indicible crime contre l'humanité opéré méthodiquement depuis plus de dix ans dans l'Ouest de la Chine.

Nous voulons compléter la résolution de l'Assemblée nationale en stoppant l'importation des produits fabriqués par les Ouïghours.

Grâce à la mobilisation de la diaspora et du député européen Raphaël Glucksmann, nous connaissons le traitement inhumain dont sont victimes des Ouïghours. Depuis 2010, et surtout depuis l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping, la République populaire de Chine pratique une politique d'assimilation violente des minorités, particulièrement des musulmans ouïghours.

Cette politique se traduit par l'interdiction de pratiques religieuses et culturelles, la destruction de lieux de culte et de cimetières ou encore la surveillance de masse. Le Xinjiang est devenu le laboratoire de l'assimilation répressive du parti communiste chinois (PCC).

Sous couvert d'antiterrorisme, le pouvoir chinois veut diminuer la place de l'islam dans le pays : la pratique du ramadan, la consommation de nourriture halal, une apparence considérée comme trop religieuse ou l'enseignement coranique valent aux Ouïghours l'envoi dans des camps de concentration ou de rééducation, où les détenus sont forcés d'abandonner leur religion, contraints à boire de l'alcool ou à manger du porc.

Les témoignages font froid dans le dos : les femmes kazakhes et ouïghoures sont soumises à un strict contrôle des naissances et subissent prise contrainte de contraceptifs, avortements, stérilisations forcées, entre autres, sous peine de sanction. Tout cela est constitutif d'un génocide selon la définition internationale établie en 1948.

Au mitan des années 2010, pour des prétextes dérisoires, comme une conversation avec un étranger, les incarcérations se font en dehors de tout système judiciaire. Des fonctionnaires sont envoyés dans les familles musulmanes pour surveiller leur mode de vie. Les autorités encouragent une politique de délation qui rappelle les heures sombres de l'humanité. Les Ouïghours vivant à l'étranger doivent donner des informations sur la diaspora, sous peine que l'État s'en prenne à leur famille restée au pays.

Les premières preuves des camps émergent en 2017. Amnesty International et l'ONU estiment à 1 700 le nombre de camps de concentration et le nombre de prisonniers à un million. Un musulman sur six serait concerné.

De l'aveu même d'un rapport de 2020 des autorités chinoises, 2,6 millions de citoyens ouïghours ont été placés dans des fermes ou des usines : les industriels peuvent passer commande de travailleurs à leur guise. Tous les habitants turciques de plus de 16 ans peuvent être prélevés dans leurs familles selon des quotas, puis entassés dans des dortoirs, et travaillent pendant un nombre incalculable d'heures, pour de très bas salaires.

Le Xinjiang s'est couvert d'immenses complexes industriels. Le secteur textile est le plus concerné : on y trouve Adidas, Zara, Nike, Uniqlo, entre autres. L'automobile, les jouets et les panneaux solaires sont aussi concernés. C'est que nous avons délégué à l'appareil industriel chinois le soin de produire des biens de consommation courante. Notre attitude était tout autre lorsqu'il s'agissait de l'industrie soviétique.

Michelle Bachelet, alors haut-commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, a rendu un rapport accablant qui confirme les informations des associations de défense des droits de l'homme, mais les marques s'étant retirées de cette production se comptent sur les doigts de la main. Les indignations ne suffisent plus. En 2021, le commerce direct entre le Xinjiang et l'Union européenne a même augmenté de 13,6 %. Combattons ce système fondé sur l'exploitation des êtres humains. Un vêtement sur cinq dans le monde pourrait être le fruit du travail forcé ouïghour... C'est vertigineux !

Nous avons le devoir de nous doter d'une politique commerciale exigeante qui respecte les droits humains les plus basiques. La France se veut le phare de la promotion des droits : elle doit agir.

Les États-Unis ont ainsi interdit en 2021 l'importation de produits issus du Xinjiang, à charge pour les importateurs de prouver le contraire. En septembre dernier, la Commission européenne a proposé d'interdire certains produits, une enquête pouvant être lancée en cas de doute.

Nous souhaiterions que la France et l'Union européenne adoptent une position similaire à celle des États-Unis en inversant la charge de la preuve : ce n'est pas aux pouvoirs publics ou aux associations, mais bien aux industriels d'effectuer ce travail.

Bien sûr, il ne s'agit pas de s'aligner sur la politique de guerre commerciale des États-Unis...

M. André Gattolin.  - Ah !

M. Guillaume Gontard.  - ... mais compte tenu des bouleversements géopolitiques majeurs, l'Europe et la France doivent construire une politique chinoise qui leur soit propre, dont la fermeté face aux crimes contre l'humanité serait une composante essentielle.

En janvier 2022, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de résolution sur les crimes perpétrés par la Chine contre les Ouïghours, comment pouvons-nous continuer à importer des produits issus d'un travail forcé n'ayant rien à envier au goulag ?

Il faut cesser d'offrir un débouché commercial aux crimes contre l'humanité, comme le disait Mélanie Vogel.

La France ferait peser une vraie chape de plomb sur la Chine qui mise énormément sur le développement du Xinjiang, au coeur de la politique des nouvelles routes de la soie. La Chine comprend uniquement le rapport de force : il faut s'attaquer à son portefeuille pour tenter de retrouver le sens de notre humanité ! (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE ; M. Serge Babary applaudit également.)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je remplace Mélanie Vogel, initiatrice de ce texte. Depuis 2017, des millions d'Ouïghours et d'autres minorités musulmanes ont disparu dans les camps du Xinjiang. Nous parlons d'un génocide culturel : stérilisation forcée, endoctrinement politique, renonciation à la culture sous la torture. Voilà trois ans que l'Australian Strategic Policy Institute a rendu son rapport sur le travail forcé, recensant 83 marques dans les secteurs de la technologie, l'industrie et surtout la mode, qui utilisaient massivement ce système concentrationnaire.

Depuis, quelques marques comme Adidas ou Nike ont cessé leur approvisionnement là-bas, d'autres comme Zara ou Hugo Boss ont condamné le système avant de revenir sur leurs déclarations pour ne pas froisser la Chine, mais la plupart sont restées silencieuses.

De nombreuses associations ont porté plainte, mais 20 % du coton mondial reste produit au Xinjiang. Dans cet hémicycle, les vêtements, écrans et téléphones sont sans doute les produits de cet esclavage, carburant sanglant des nouvelles routes de la soie de Pékin.

Un, voire deux millions de personnes sont enfermées et torturées dans des camps de travail, parfois juste pour avoir parlé leur langue, soit 10 % de la population ouïghoure.

M. Rachid Temal.  - C'est vrai !

M. Thomas Dossus.  - C'est la plus grande campagne d'internement depuis la Seconde Guerre mondiale.

Que fait la France ? Trop peu, hélas. Symboliquement, et nous le saluons, l'Assemblée nationale a reconnu que c'était un crime contre l'humanité l'année dernière, mais rien ne fait obstacle à ces produits. Nous invitons le Gouvernement à travailler à l'échelle européenne - plus grand marché mondial - au contrôle des produits issus du travail forcé, comme l'ont fait les États-Unis et le Canada en inversant la charge de la preuve. Résultat, les importations chinoises ont baissé dans ces pays, mais ont été compensées par une hausse en France.

Demandons, nous aussi, aux entreprises de prouver une traçabilité sans reproche. Or Bruxelles s'apprête à mettre en place le processus inverse, qui impose aux États membres de fournir la preuve du travail forcé pour interdire les produits ; c'est absurde et inefficace.

Notre proposition de résolution est de bon sens. Comment dénoncer un crime contre l'humanité et en rester là ? Il y va de l'honneur de la France, un message clair à l'adresse de Pékin, mais aussi universel contre l'esclavage moderne, qui doit être rendu impossible. C'est pourquoi nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe SER et du RDPI)

M. André Gattolin .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER) Je remercie le GEST : c'est la première fois que notre Haute Assemblée débat de cette abominable stratégie. Il était temps ! Quand j'ai invité le Congrès mondial ouïghour dans nos murs, il y a dix ans, rares étaient les parlementaires informés - un moment de solitude.

Depuis, la coercition massive à leur encontre n'a cessé d'augmenter. Il aura fallu l'incroyable persévérance d'associations et de chercheurs pour documenter ce processus génocidaire.

Même si le travail forcé n'en est qu'une dimension, nous voyons la résurgence de l'esclavage moderne, en Chine et ailleurs. La Convention sur le travail forcé remonte à 1930, elle est l'une des premières de l'Organisation internationale du travail (OIT), créée en 1919. Suit une convention sur son abolition, en 1957. Sur le papier, elles sont ratifiées presque partout - même la République populaire de Chine l'a fait le 12 août 2022, pour une application d'ici deux mois et demi...

Les faits sont têtus et la réalité coriace : le travail forcé ne fait que croître depuis les années 2010. Ainsi, 28 millions de personnes en souffriraient selon l'OIT en 2021, 3 millions de plus qu'en 2016. Si l'OIT ne publie que des agrégats régionaux pour des raisons politiques, la fondation Walk Free, il y a une semaine, révélait que la Chine, avec 5,8 millions de personnes concernées, est au deuxième rang mondial, derrière l'Inde, de son index agrégeant travail forcé, mariage forcé et traite humaine. En Chine continentale, ce chiffre a progressé de plus de 70 % ces cinq dernières années. Contrairement à l'Inde, où le phénomène est diffus, le travail forcé est très concentré au Xinjiang et au Tibet, et est, comme en Corée du Nord, le fruit d'une politique délibérée de l'État.

Il serait illusoire de croire que la ratification des conventions de l'OIT changera les choses. Qui à l'OIT, ira sur le terrain ? Rappelons-nous la tragicomédie de l'inspection de l'OMS au laboratoire de virologie de Wuhan et le fiasco du déplacement de Michelle Bachelet au Xinjiang en mai 2022. Quand la Chine a officiellement aboli la rééducation par le travail, le seul changement a été une requalification sémantique des camps en « centres de formation professionnelle ».

L'accord global sur les investissements entre la Chine et l'Union européenne, signé le 30 décembre 2020 en catimini, n'a été suspendu que face au tollé provoqué par les sanctions imposées par Pékin à plusieurs eurodéputés défendant les Ouïghours. Pour ne pas perdre la face, la Commission européenne finalise un règlement qui interdirait l'importation de produits issus du travail forcé, mais sans moyens opérationnels pour vérifier la traçabilité, faisant peser la charge de la preuve sur le régulateur -  qui a déjà du mal à suivre les autres accords commerciaux.

Or cette proposition de résolution propose l'inverse. Ce n'est pas une mesure d'exception : elle s'applique déjà à d'autres domaines, et est conforme au droit communautaire. Les produits issus du travail forcé représentent 12 milliards de dollars par an en France, dont 8 pour ceux provenant de la Chine. Le RDPI votera cette proposition. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Rachid Temal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Notre chambre a parfois l'occasion d'être à la hauteur de l'histoire, ainsi de l'adoption du projet de loi relatif à la restitution de bien culturels ayant fait l'objet de spoliations antisémites en mai dernier, ou la résolution sur le génocide assyro-chaldéen en février. Cela aurait aussi pu être le cas sur la proposition de loi relative à la commémoration de la répression d'Algériens le 17 octobre 1961 et les jours suivants à Paris que j'avais présentée. C'est à nouveau le cas aujourd'hui.

Je remercie Mélanie Vogel et son groupe, et rends hommage aux Ouïghours qui témoignent des crimes subis par leur peuple.

Je ne puis qu'avoir à l'esprit ce triste parallèle : en mai, nous commémorions la journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leur abolition. La France est le seul État à avoir déclaré la traite négrière et l'esclavage crime contre l'humanité.

Les faits sont documentés et incontestables : au moins 2 millions d'habitants au Xinjiang sont envoyés dans des camps pour y travailler de force. Selon l'OIT, il s'agit d'un travail contraint par la violence, l'intimidation ou la dette. Les 11 millions d'Ouïghours, Kazakhs et autres musulmans du Xinjiang sont soumis à un contrôle policier totalitaire. Des centaines de milliers sont envoyés en camp de rééducation.

Les Xinjiang Police Files ont mis des visages sur les victimes de ces horreurs : la plus jeune détenue, Rahile Orner, n'a que 14 ans. Dans le canton rural de Konasheher, 12 % des adultes sont en prison ou dans des camps.

Fin 2018, la Chine a reconnu l'existence de ces camps, les présentant - une honte - comme de sympathiques lieux de formation professionnelle. Les récits de ces prisonniers mentionnent tortures, viols, lavage de cerveau, entre autres.

Le rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, publié à la fin du mandat de Michelle Bachelet le 31 août 2021 en raison du blocage de la Chine, concluait à de graves violations des droits de l'homme. La torture et les violences sexuelles étaient jugées crédibles.

C'est là la conséquence d'un libéralisme fou et d'un emprisonnement numérique, avec l'éradication organisée d'un peuple, d'une religion, d'une culture, à travers la stérilisation des femmes.

L'Assemblée nationale a adopté en janvier 2022 une résolution sur le caractère génocidaire de ces violences. En juin 2022, le Parlement européen adoptait une résolution relative à la situation des droits de l'homme au Xinjiang et une autre sur un nouvel instrument commercial visant à interdire les produits issus du travail forcé : en représailles, Pékin avait sanctionné dès 2021 une dizaine de personnalités européennes, dont l'eurodéputé français Raphaël Glucksmann. Ces sanctions contre des élus doivent être condamnées.

La Commission européenne propose d'interdire le commerce issu du travail forcé. Il appartiendra aux autorités de chaque État de faire la preuve que les produits soupçonnés ont bien été fabriqués dans des conditions de travail forcé. C'est une avancée, mais insuffisante. La proposition de résolution invite à réviser cette position, en s'inspirant du modèle américain. L'application serait simplifiée et ne devrait pas poser problème aux 83 entreprises concernées.

Chaque personne qui porte une fibre de coton produite en Chine doit se dire qu'il profite de ce travail forcé... Le seul responsable, c'est le Gouvernement chinois. J'espère que notre assemblée appellera à le condamner et à soutenir la population ouïghoure.

Selon l'OIT, 30 millions de personnes sont soumises au travail forcé, dont 86 % dans l'économie privée et 14 % dans l'économie dirigée par l'État. C'est inacceptable.

Le groupe SER votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du RDPI ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Fabien Gay .  - Je remercie le GEST pour sa proposition de résolution. Sans réserve, nous condamnons les crimes de masse commis à l'encontre des Ouïghours. Le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU présente des éléments probants : travail forcé, contrôle des naissances, tortures, voire viols. Toutefois, il n'utilise pas la qualification de génocide, contrairement à cette proposition de résolution. Vous connaissez nos réserves sur ce point, tant que l'ONU ne s'est pas prononcée.

Cela suffit cependant à nous conforter dans notre condamnation de cette répression. Nous appelons la Chine à autoriser rapidement une enquête indépendante.

Les États ne doivent pas rester silencieux : l'interdiction de produits issus du travail forcé peut être prononcée. Pas de deux poids deux mesures dans la fraternité humaine : notre groupe condamne tous les crimes commis à l'encontre d'un peuple - les Ouïghours, les Palestiniens, les Sahraouis, les Cubains, qui subissent un blocus insupportable, les Rohingyas, les Coréens du Nord, les Ukrainiens depuis l'invasion russe.

S'il faut interdire l'importation de produits issus du travail forcé, nous ne comprenons pas l'intérêt de réduire la résolution européenne, plus large, au cas des seuls Ouïghours. Les décisions états-uniennes relèvent d'une logique de guerre économique. La lutte contre le travail forcé ne doit pas être à géométrie variable : selon l'OIT, il concernerait 27 millions de personnes. Trop de populations sont exploitées, pour des salaires indignes : 50 millions de personnes, dans toutes les régions du monde, subissent une forme d'esclavage moderne.

Depuis 2017, la pandémie, les conflits, la crise climatique exposent les populations à l'exploitation débridée et à de graves atteintes aux droits de l'homme. Trop de multinationales s'en rendent coupables, guidées par une logique de profit maximal, trouvant leur compte dans le moins-disant social et environnemental. Elles font système dans le monde de l'argent roi et des traités de libre-échange.

Dénonçons toutes les situations de travail forcé : en Chine, mais aussi au Qatar, ou encore en République démocratique du Congo, où 300 000 enfants travaillent dans l'enfer des mines de cobalt. Le rapport de l'OIT mentionne l'agriculture, les mines, l'industrie.

Même si nous divergeons sur la portée du règlement européen, l'ensemble de notre groupe, à deux exceptions près, votera la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST, du RDSE et du RDPI ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Michel Canévet .  - La France est très attachée aux droits de l'homme. Nous devons l'abolition de l'esclavage à notre prédécesseur Victor Schoelcher. (Marques d'approbation à gauche) Soyons-en fiers. La Déclaration universelle des droits de l'homme a été signée en France : ses articles 4 et 5 précisent que nul ne doit subir l'esclavage ou des sévices. Ces valeurs nous sont fondamentales.

La France est aussi attachée à l'expression de minorités, notamment régionales - élu de Bretagne, j'y suis vigilant. Ce qui est vrai pour la Bretagne doit l'être pour la France et pour le monde entier : oeuvrons pour une liberté effective.

Trente millions de personnes seraient soumises au travail forcé : nous ne pouvons l'accepter. Je souscris aux propos de Fabien Gay appelant à une enquête indépendante en République populaire de Chine, susceptible d'apporter des preuves irréfutables des comportements que nous dénonçons.

Les conflits se poursuivent à travers le monde, comme en Ukraine ou en Arménie. Il faut agir, et il faut donc sanctionner, comme cela a été décidé à l'encontre de la Russie. Dans un monde où les échanges de biens croissent, les sanctions économiques sont une arme importante pour exprimer notre réprobation.

Le groupe UC est foncièrement attaché à nos valeurs humanistes, libérales et sociales. Nous les défendons toujours, notamment dans le cadre des groupes d'amitié.

Le texte du GEST n'appelle pas d'objection sur le fond.

Toutefois, nous regrettons deux choses sur la forme : la charge de la preuve sera très difficile à établir. Soyons prudents. En outre, nous privilégions une approche transpartisane, plutôt que l'initiative isolée d'un groupe, dont la manière de voir n'est pas intégralement partagée.

À l'exception de trois de ses membres, le groupe UC s'abstiendra sur cette proposition de résolution.

Mme Esther Benbassa .  - Vous avez certainement entendu parler de Shein, emblème de la fast fashion. T-shirt à 2 euros, robe à 9 euros : tel est le prix de l'esclavage moderne. Le 5 mai, sa boutique éphémère en plein coeur de Paris a attiré des milliers de clients. À qui jeter la pierre ? Au consommateur, qui, face à l'inflation, souhaite acheter à moindre coût ? Ou au Gouvernement, qui permet à ce géant chinois exploitant une main-d'oeuvre forcée de s'installer impunément sur notre sol ? La marque Shein enregistre un chiffre d'affaires de 30 milliards d'euros, mais ne rémunère ses employés ouïghours que quelques centimes, en leur imposant des conditions exécrables.

Le 9 juin 2022, veille de la commémoration de l'abolition de l'esclavage, le Parlement européen a proposé d'interdire l'importation de produits issus du travail forcé des Ouïghours, mais sans s'en donner les moyens. Alors qu'un génocide se profile, l'effectivité des mesures européennes est faible : il faut aller plus loin pour défendre les droits de l'homme. Trop de géants de la mode font des profits colossaux en vendant des produits fabriqués en Chine au mépris des droits de l'homme. En avril, le combat des ONG a été classé sans suite. De nouveaux instruments s'imposent en vue d'assurer une meilleure traçabilité des produits importés. L'industrie textile ne doit plus se cacher derrière son ignorance.

Apportons notre soutien à cette juste cause : l'Histoire ne doit pas nous juger pour notre inaction. Ne disons pas plus tard que nous ne savions pas. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; M. André Gattolin applaudit également.)

M. André Guiol .  - (M. Michel Canévet applaudit.) Au lendemain des crimes contre l'humanité commis dans les camps par Hitler ou Staline, nous pensions avoir tourné la page de la barbarie. Tel n'est pas le cas : depuis plusieurs années, la République populaire de Chine bafoue les droits humains des Ouïghours et d'autres peuples turciques, dans l'indifférence de la communauté internationale.

La répression des Ouïghours, population chinoise musulmane originaire du Xinjiang, est documentée : arrestations arbitraires, déportations, travail forcé, violences morales et physiques. Internés dans les camps, ils subissent des flagellations, des électrifications, des stérilisations et avortements forcés, des viols. Ils ne peuvent exercer librement leur culte et se voient forcés d'ingérer du porc ou de l'alcool. L'imagination des autorités chinoises est sans borne, et ces atrocités n'épargnent pas les enfants, eux aussi soumis au travail forcé.

Chaque Ouïghour de la diaspora compte au moins un proche dans les camps, les prisons, les usines de travail forcé. Selon un groupe d'avocats et d'experts des droits humains, il s'agit bien d'un génocide, car les autorités chinoises s'attachent à éradiquer cette population en raison de sa confession et à la rééduquer, culturellement et politiquement.

C'est pourquoi nous devons dénoncer et boycotter les multinationales qui, à l'instar de SMCP, Inditex ou Shein, profitent du travail forcé de la population ouïghoure. Leurs bénéfices ont le goût du sang.

En toute impunité, la Chine bafoue l'article 33 de sa propre Constitution, selon lequel « l'État respecte et garantit les droits de l'homme », et les textes fondateurs du droit humanitaire international.

La communauté internationale a le devoir de protéger la population ouïghoure. Depuis deux ans, les États-Unis interdisent l'achat de produits fabriqués en partie ou totalement dans le Xinjiang. L'Europe, plus timide, ménage la Chine. Voyez pourtant comment la Russie nous a rendu notre bienveillance : la peur de contrarier n'évite pas le danger !

La France doit s'impliquer pour un embargo européen strict sur les produits issus du travail forcé, autour d'un dispositif clair et opérationnel. Le RDSE votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. André Gattolin applaudit également.)

Mme Pascale Gruny .  - En dépit de ses dénégations obstinées, le régime chinois ne parvient plus à dissimuler ses crimes contre la minorité ouïghoure.

Les témoignages sont toujours plus nombreux, précis et étayés : surveillance généralisée, restrictions religieuses et linguistiques, arrestations arbitraires, internements de masse, travail forcé, viols, stérilisations, torture. La qualification exacte fait l'objet de débats d'experts, mais la réalité du supplice vécu par les Ouïghours ne peut plus être mise en doute.

Or la réaction internationale est modeste. La polarisation du monde, la prépondérance de la Chine dans les relations internationales risquent d'entraver encore longtemps la réponse des instances multilatérales.

En 2021, l'Union européenne a haussé le ton, en adoptant des sanctions, les premières depuis Tiananmen. Mais le simple gel des avoirs de quelques responsables chinois, interdits de territoire européen, semble bien modeste au regard des faits incriminés.

La réponse de l'Union européenne doit dépasser le seul terrain diplomatique et viser également les échanges commerciaux.

Notre relation à la Chine, notamment commerciale, est un sujet délicat. La proposition de règlement européen sur l'interdiction des produits issus du travail forcé doit donc être saluée. Certes, le projet ne vise pas spécifiquement la Chine, et pour cause : près de 28 millions de personnes sont touchées par cette forme d'esclavage moderne, sur les cinq continents. Cela ne doit toutefois pas empêcher l'Europe de cibler ses efforts en orientant les investigations vers les zones jugées les plus à risque. Les autorités devront prendre en compte les témoignages individuels ou émanant d'ONG, ou les données recueillies par les entreprises dans le cadre de leur devoir de vigilance. Elles pourront aussi s'appuyer sur les lignes directrices et les indicateurs de risques publiés par l'Union européenne. L'application du dispositif aboutira inévitablement à placer le Xinjiang en haut de la liste.

La présente proposition de résolution adopte une approche différente. Tout d'abord, elle condamne les crimes contre les Ouïghours. Nous pouvons tous nous retrouver là-dessus.

Elle appelle également à un embargo sur les produits issus du travail forcé de la population ouïghoure. Comment ne pas y souscrire ? Mais je m'interroge. À l'instar du mécanisme retenu par les États-Unis, toute marchandise en provenance du Xinjiang serait présumée issue du travail forcé, sauf si l'importateur prouve le contraire. Dans le labyrinthe des chaînes d'approvisionnement, éliminer tout doute sera impossible, notamment pour les PME.

Ce n'est pas un obstacle pour les autorités, dont le projet de règlement européen prévoit qu'elles pourront interdire la commercialisation d'un produit même s'il n'est pas absolument prouvé qu'il est issu du travail forcé. Dès lors, une inversion de la charge de la preuve n'apparaît pas indispensable, d'autant qu'elle ferait peser une responsabilité exorbitante sur les entreprises. Déjà, nombre d'entreprises ont annoncé qu'elles cesseraient de s'approvisionner dans le Xinjiang, pour conserver l'accès au marché américain. Un embargo général priverait le Xinjiang de tout débouché économique.

Évitons les ruptures et avançons pas à pas. Privilégions les logiques partenariales entre des États de plus en plus exigeants, à juste titre, et des entreprises de plus en plus engagées. Nous comprenons l'objectif de la proposition de résolution, mais le dispositif proposé ne nous semble pas opportun. Le groupe Les Républicains s'abstiendra.

M. Jean-Louis Lagourgue .  - Ses prouesses économiques nous feraient presque oublier que la Chine est communiste. L'enfer des camps nous le rappelle.

Les onze millions de Ouïghours sont la cible d'une persécution génocidaire, sous couvert de lutte contre l'islamisme. Dans la droite ligne totalitaire communiste, le Parti organise la rééducation à travers un système concentrationnaire, endoctrine pour briser les consciences. Le marxisme n'ayant jamais été très convaincant (M. Fabien Gay s'exclame), on recourt à la torture, aux viols et au travail forcé.

Le conseil des droits de l'homme de l'ONU accuse la Chine de stérilisations forcées. Il s'agit d'effacer non seulement la culture et la langue, mais la minorité ouïghoure dans son ensemble. Ces actes qui déshonorent la Chine millénaire appellent la plus ferme condamnation. C'est le sens du présent texte, que notre groupe a cosigné à l'unanimité.

Avant les Ouïghours, il y eut les nationalistes, les contre-révolutionnaires, les militants des droits humains, les Tibétains : 50 millions de personnes sont passées par les camps du Parti, 20 millions y sont mortes. La Chine a toujours eu recours à l'emprisonnement de masse car hors de la majorité, il n'y a que des ennemis du peuple. Surveillance et contrôle garantissent l'obéissance, la disparition du droit de propriété et de la liberté.

Un tel système carcéral coûte cher : on rééquilibre donc en recourant au travail forcé. Les marchandises qui en sont issues sont souillées du sang des victimes. Défenseurs de la liberté, nous ne devons pas commercer avec ses fossoyeurs.

Le groupe INDEP votera cette résolution à l'unanimité. Comme toutes les minorités, les Ouïghours ont droit à la liberté. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Esther Benbassa et M. André Gattolin applaudissent également.)

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger .  - Depuis plusieurs années, la situation des droits de l'homme au Xinjiang fait l'objet de vives préoccupations. Des témoignages étayés font état d'internements de masse et de détentions arbitraires, de disparitions forcées, de violences sexuelles, de surveillance généralisée ainsi que de travail forcé. Ces faits ont été confirmés par le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations unies, publié en août 2022, qui estime qu'ils pourraient être constitutifs de crimes internationaux, en particulier de crimes contre l'humanité. Le rapport constate des éléments de coercition dans les programmes de travail et d'emploi, rejoignant en cela les conclusions du rapporteur général de l'ONU sur les formes contemporaines d'esclavage.

La France est pleinement mobilisée face à la gravité de la situation. D'abord dans le cadre de notre relation bilatérale avec la Chine, en relayant nos préoccupations auprès des autorités chinoises, au plus haut niveau. Le Président de la République s'est exprimé à plusieurs reprises avec force sur ce sujet, et notre ambassade en Chine apporte son soutien à la société civile et aux militants des droits de l'homme.

Sur le territoire national, le Gouvernement veille au respect des droits fondamentaux et à la sécurité des Ouïghours établis en France.

Au niveau européen, nous avons adopté, le 22 mars 2021, des sanctions contre quatre individus et une entité - une première depuis 1989. Le Xinjiang a été au menu de la 38e session de dialogue Union européenne - Chine sur les droits de l'homme du 17 février 2023, ainsi que de la réunion triennale entre la présidente de la Commission, le Président de la République et le président Xi Jinping. L'accord global sur les investissements entre l'Union européenne et la Chine comprend également des engagements formels en matière de travail forcé.

Cette vigilance a abouti à la ratification par la Chine des conventions 29 et 105 de l'OIT sur le travail forcé. Leur mise en oeuvre est toujours évoquée dans nos échanges avec Pékin. Au demeurant, le processus de ratification de l'accord sur les investissements est suspendu depuis les sanctions chinoises contre des élus et parlementaires européens.

La France soutient systématiquement les déclarations et résolutions de l'ONU sur le sujet. Le 6 octobre dernier, lors de la 51e session du conseil des droits de l'homme, elle a appelé à un débat sur la situation des droits de l'homme dans le Xinjiang.

La France est la première à s'être dotée, dès 2017, d'une loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères. Elle impose aux entreprises d'établir un plan de vigilance, inclus dans le rapport de gestion. Nous conduisons des actions de sensibilisation afin que le secteur privé prenne sa part de responsabilité pour lutter contre le travail forcé.

La France a plaidé pour un capitalisme responsable lors de la présidence française du Conseil de l'Union européenne et participé à l'élaboration du projet de directive sur le devoir de vigilance des entreprises présenté par la Commission en février 2022. Elle met son expérience au service de la négociation en cours et participe aux travaux en vue d'interdire la mise sur le marché de produits issus du travail forcé.

Elle sera attentive à ce que le projet de règlement soit clarifié pour être opérationnel et prévisible pour les entreprises. Nous souhaitons que les discussions s'accélèrent.

En outre, la France promeut l'application effective des normes internationales pour interdire le travail forcé. La ratification par la Chine des conventions 29 et 105 déclenchera les mécanismes de suivi.

Le Gouvernement conteste également tout financement, y compris par l'intermédiaire des banques, de projets susceptibles de contribuer au travail forcé ou à la répression, notamment dans le Xinjiang.

La France tient aussi un rôle moteur au sein de l'Alliance 8.7, qui lutte contre le travail forcé. Au sein du G7, elle a signé plusieurs déclarations politiques, notamment à Hiroshima le 20 mai 2023.

La France est aussi active dans la négociation sur les entreprises responsables au sein de l'OCDE.

Notre pays est donc engagé à tous les niveaux. Vous pouvez constater la convergence avec votre proposition de résolution.

Le problème est toutefois d'ampleur mondiale : la réponse doit l'être aussi. La France et l'Union européenne privilégient une approche transversale, gage d'efficacité et de concurrence équitable. Nous poursuivons notre dialogue, exigeant et difficile, avec la Chine sur les droits de l'homme au Xinjiang, en l'appelant à ratifier le pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies.

Sans relâche, nous continuerons à nous battre pour que les objectifs européens en matière de droits de l'homme aux Xinjiang soient tenus, notamment dans le cadre de la politique commerciale et d'investissement. Dans les instances internationales, nous défendons le caractère inaliénable des droits de l'homme : la Chine doit les respecter, en cohérence avec ses engagements internationaux.

À la demande du GEST, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°294 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 144
Pour l'adoption 144
Contre    0

La proposition de résolution est adoptée.

Prochaine séance, mardi 6 juin 2023, à 9 h 30.

La séance est levée à 16 h 35.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 6 juin 2023

Séance publique

À 9 h 30, 14 h 30 et 21 h 30

Présidence : Mme Pascale Gruny, vice-président, M. Pierre Laurent, vice-président M. Gérard Larcher, président

Secrétaires : Mme Esther Benbassa - M. Daniel Gremillet

1. Questions orales

2. Projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (procédure accélérée) (texte de la commission n°661, 2022-2023) et projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire (procédure accélérée) (texte de la commission n°662, 2022-2023)

3. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à la politique étrangère de la France en Afrique