Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Plan de gestion de l'eau (I)
M. Mathieu Darnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Président de la République a enfin dévoilé le plan Eau. Nous souscrivons à certaines de ses orientations, d'autant qu'il rejoint le rapport de la délégation sénatoriale à la prospective.
Toutefois, la question des financements nous inquiète. Dans un rapport, notre collègue Rémy Pointereau avait dénoncé que l'eau payait, non plus l'eau, mais l'État. Après avoir ponctionné 400 millions d'euros par an sur les agences de l'eau pour financer l'Office français de la biodiversité (OFB), vous avez restitué 475 millions d'euros aux agences de l'eau. Habile tour de passe-passe ! Mais la ficelle est trop grosse : cela ne résoudra pas les problèmes liés à l'eau.
Nous avons noté la volonté du Président de la République de donner écho à la proposition de loi votée par le Sénat sur la gouvernance différenciée de l'eau. S'agit-il d'un écran de fumée ou d'une réelle volonté politique ? (Acclamations et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; applaudissements sur plusieurs travées du RDSE et du groupe INDEP)
M. Jean-François Husson. - Éteignez l'incendie !
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Merci de vous être rendu hommage à vous-même ! (Sourires) J'avais dit à M. Chevrollier que vous retrouveriez dans le plan eau une grande partie de vos petits. Nous nous sommes appuyés sur le récent rapport de la Cour des comptes, mais aussi sur le rapport de la délégation sénatoriale à la prospective.
Mme Cécile Cukierman. - Aucun rapport !
M. Christophe Béchu, ministre. - Il est logique que vous saluiez des solutions déjà reprises.
La question des moyens est centrale. Nous avons échangé avec les agences de l'eau et les comités de bassin. La suppression des plafonds mordants était une demande unanime des territoires.
M. Jean-François Husson. - Et du Sénat, depuis longtemps !
M. Christophe Béchu, ministre. - Les près de 500 millions d'euros de crédits supplémentaires pour les agences de l'eau correspondent à une réponse claire du Gouvernement. Il faut y ajouter 1 milliard d'euros au titre de l'aqua-prêt de la Caisse des dépôts et consignations.
C'est tout sauf un écran de fumée ! Le Président de la République a répondu aux interrogations des élus locaux. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Mathieu Darnaud. - Comptez sur la vigilance du Sénat : nous voulons que vos propos se traduisent en actes. Il faut accompagner nos territoires. Les communes, en particulier, doivent pouvoir faire face aux défis de l'eau. En Ardèche, 26 communes viennent de se voir interdire de délivrer des permis de construire : c'est un véritable enjeu de développement local ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Alain Marc applaudit également.)
Plan de gestion de l'eau (II)
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le Président de la République est venu au lac de Serre-Ponçon, dans les Hautes-Alpes, présenter son plan Eau, appelant à une gestion concertée de l'eau. Ce plan a le mérite de fixer un cap, alors que la politique de l'eau tanguait depuis des années.
La tarification progressive, proche du prix coûtant pour les premiers mètres cubes, paraît simple sur le papier, mais sera compliquée à mettre en oeuvre. En effet, cela suppose une information en temps réel sur la consommation, alors que seuls 40 % des foyers disposent d'un compteur intelligent. Il faudra aussi prendre en compte l'usage fait de l'eau : établirez-vous une hiérarchie ?
Pouvez-vous également nous apporter des précisions sur la gouvernance locale de l'eau ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Loïc Hervé. - Excellent !
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Monsieur le sénateur, vous étiez aux premières loges à Savines-le-Lac, lors de la présentation du plan Eau. Le Sénat s'est fait l'écho d'une inquiétude : pourquoi une règle unique et une marche forcée vers l'intercommunalité ? Des indicateurs y poussent. Préserver la gestion de l'eau par des communes isolées n'est pas une option. En effet, 80 % des communes privées d'eau potable l'an dernier sont dans ce cas, de même que 116 des 170 communes ayant plus de 50 % de fuites. Il faut sortir de la commune isolée, sans nécessairement aller vers l'intercommunalité,... (« Ah » sur plusieurs travées ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)
M. Loïc Hervé. - Ça y est, on y arrive !
M. Christophe Béchu, ministre. - ... mais vers des coopérations qui tiennent compte de la topographie et de la géographie. (Marques de vive satisfaction sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC ; Mmes Françoise Gatel et Vanina Paoli-Gagin, ainsi que M. Martin Lévrier, applaudissent.)
Un groupe de travail parlementaire devrait nous permettre d'avancer dans ce sens. (Mme Cécile Cukierman s'exclame.)
Mme Frédérique Puissat. - C'est une tactique !
M. Christophe Béchu, ministre. - Pour la tarification, il ne s'agit pas de désavantager les familles nombreuses, mais de faire le tri entre les usages. Nous confierons au Conseil économique, social et environnemental (Cese), dans un premier temps, une demande de préconisations, puis vous serez associés, tout comme les associations d'élus responsables de la tarification. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Jean-Michel Arnaud. - Le Président de la République a appelé de ses voeux un modèle pluriel et différencié. Monsieur le ministre, vous annoncez le retour des syndicats pour gérer l'eau au plus près et la création d'une mission parlementaire. Nous y collaborerons, y compris en défendant la gestion communale là où c'est nécessaire, mais avec la volonté d'un compromis, pour que tout soit clair au 1er janvier 2026, date butoir du transfert de compétences. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Réforme des retraites (I)
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Madame la Première ministre, votre réunion avec l'intersyndicale a échoué.
Une voix à droite. - Eh oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'était prévisible, tant le Gouvernement et le Président de la République s'entêtent dans leur refus d'entendre les Français, le Parlement et le monde du travail. Votre stratégie jusqu'au-boutiste mène au désordre : imaginez-vous sortir de l'impasse par le rappel à l'ordre et la peur du chaos ?
Les Français ne sont pas dupes, et la crise démocratique s'ajoute à la crise sociale. L'avenir du pays et la confiance en la République sont en jeu. Il est temps d'atterrir : quand retirerez-vous la réforme des retraites ? (Applaudissements à gauche)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion . - Ce matin, nous avons reçu toute l'intersyndicale. Une étape importante a été franchie.
M. Didier Marie. - Il ne s'est rien passé !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Cette réunion a été l'occasion d'écouter chacun, dans le respect. (Marques d'ironie à gauche) Nous avons entendu des désaccords répétés...
M. Daniel Salmon. - Vous ne les aviez pas encore entendus ?
M. Olivier Dussopt, ministre. - ... et évoqué d'autres sujets : carrières longues et usure professionnelle, notamment. (Protestations à gauche)
Le désaccord qui persiste sur l'âge n'a pas permis d'aller plus avant sur ces thèmes. Les représentants, à la sortie de la réunion, ont fait part de leur souhait d'y travailler ultérieurement. Nous y sommes favorables.
M. Fabien Gay. - Soyons sérieux !
M. David Assouline. - Quel fiasco !
M. Olivier Dussopt, ministre. - La Première ministre a réaffirmé la conviction du Gouvernement que cette réforme est nécessaire, pour éviter d'aller dans le mur. Nous attendons la décision du Conseil Constitutionnel. (M. François Patriat applaudit.)
M. Éric Kerrouche. - Vous êtes seuls !
M. David Assouline. - Vous avez grillé toutes vos cartouches !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Il faut être archi-sourd pour ne pas avoir entendu les arguments des syndicats plus tôt. La pénibilité et les carrières longues étaient au coeur des débats au Sénat. Si cette réforme est indispensable, demandez l'arbitrage du peuple ! (M. Marc-Philippe Daubresse proteste.) C'est peut-être la seule issue. Nous exigeons un référendum ou le retrait. (Applaudissements à gauche)
Rémunération des intérimaires à l'hôpital
M. Michel Dagbert . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Avant-hier, la loi Rist est entrée en vigueur, dont l'article 33 fixe un montant maximal de rémunération des praticiens intérimaires de 1 390 euros par vacation de 24 heures.
J'ai échangé avec le directeur adjoint de l'agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France. La surenchère à laquelle étaient soumis les directeurs d'établissement nuisait aux finances des hôpitaux et fragilisait les équipes médicales en place, posant une question éthique.
Les nouvelles dispositions n'ont pas vocation à mettre fin à l'intérim, qui coûte 1,5 milliard d'euros, mais à appeler chacun à la responsabilité, en rappelant les principes déontologiques. Les grandes fédérations hospitalières s'y sont montrées favorables, de même que nos concitoyens.
Quel sera l'impact de cette mesure sur l'ensemble du territoire ? (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - Je vous remercie de souligner que le Gouvernement fait bien appliquer la loi votée par le Parlement. (Exclamations sur de nombreuses travées à gauche et à droite)
Nous voulons lutter contre les dérives de l'intérim, financières notamment, qui entraînent la destruction de l'hôpital public. Comment expliquer à un médecin de l'hôpital qu'un intérimaire venu 24 heures gagne deux fois plus que lui en un mois ?
En parallèle, reconnaissons la pénibilité des carrières des praticiens hospitaliers, qui sont la colonne vertébrale de notre service public hospitalier. Je prolonge les discussions avec leurs représentants pour améliorer leurs conditions de travail.
Aucun territoire n'est sans solution. Certains étaient dans une situation très difficile - je pense aux maternités de Carhaix et Landerneau -, mais nous avons trouvé des solutions presque partout. Pour certains lieux souffrant de difficultés préexistantes, tels que les maternités de Sarlat et Sedan, nous avons mis en place des parcours de soins pour les parturientes.
Avec les ARS, nous continuons à lutter contre les inégalités territoriales. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Réforme des retraites (II)
Mme Corinne Féret . - Injuste, injustifiable, imposée, votre réforme des retraites, refusée par les Français, doit être retirée. (Marques d'agacement à droite ; quelques membres du groupe SER applaudissent.) Après deux mois d'un mouvement social inédit, largement soutenu par la population, demain, des centaines de milliers de Français vous le rediront. L'absence de réponse de l'exécutif a mené à une tension extrême. Vous avez opté pour le mépris, laissant sans réponse l'intersyndicale qui demandait à être reçue. Votre refus du débat parlementaire en dit long sur votre conception de la démocratie sociale.
Les Français ont compris que vous aviez essayé de les berner. Ce matin, la Première ministre a daigné recevoir l'intersyndicale, et cela a été un échec. Nous vivons une grave crise démocratique. Quand entendrez-vous la colère et retirerez-vous votre réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE et du GEST)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion . - J'ai déjà dit à Mme Lienemann combien nous tenions à un dialogue social productif, dans le respect, et combien nous étions heureux que la rencontre de ce matin ait pu se tenir.
M. Hussein Bourgi. - C'est un grand succès !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Retirer la réforme, c'est laisser les déficits s'accumuler. (Mmes Laurence Rossignol et Monique Lubin protestent.)
M. David Assouline. - Cela ne passera pas !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Il n'y a que vous qui pensiez que la marche serait plus facile à gravir dans quelques années. Au contraire, les déficits s'accumulent. Nous voulons éviter que le niveau des pensions de retraite ne décroche par rapport au niveau de vie moyen. Nous ne souhaitons pas l'appauvrissement des retraités.
M. David Assouline. - Le disque est rayé !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Chacune des contrepropositions a été examinée. Augmenter les cotisations, c'est diminuer le pouvoir d'achat et la compétitivité. (Exclamations à gauche)
J'ai le souvenir de l'esprit de responsabilité qui régnait en 2013, lors de la réforme que j'ai votée.
M. David Assouline. - Rien à voir !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Vous l'avez votée aussi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Corinne Féret. - Arrêtez de vouloir noyer le poisson. Les Français en ont assez ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Nous n'avons aucune leçon à recevoir de vous. La sagesse aurait été d'écouter les Français. On ne peut pas mettre les gens autour de la table et continuer comme si de rien n'était. Encourager les fractures dans un pays au bord de l'implosion ne peut que mener au pire. Donnez la parole au peuple ! (Applaudissements à gauche)
Service national universel
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Michel Canévet applaudit également.) Dans un contexte de défiance exacerbée envers les élus, il est urgent de resserrer les liens avec les citoyens. Il faut réinventer une culture citoyenne, notamment pour les jeunes, qui ne se sentent ni écoutés ni compris - l'abstention en témoigne. J'ai été rapporteur d'une mission à ce sujet présidée par Stéphane Piednoir. Plusieurs outils existent, dont le service national universel (SNU). Généralisé, obligatoire, abandonné ? Tout a été dit.
De fausses informations, concernant une militarisation des jeunes par exemple, circulent. Il faut coconstruire le SNU avec les parties prenantes, dont les élus. Le service civique, qui a fait ses preuves, doit être maintenu. Quel est l'avenir de ces dispositifs ? Quid de la généralisation du SNU ? Envisagez-vous un débat parlementaire ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. François Patriat et Xavier Iacovelli applaudissent également.)
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel . - Vous avez mille fois raison : nous manquons d'une culture citoyenne. (M. David Assouline proteste.)
Mme Laurence Rossignol. - Elle est dégradée ! On s'essuie les pieds sur les Français et après...
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. - Elle se construit en transversalité. (Exclamations à gauche) Citons aussi le rapport Jeansannetas sur le financement du SNU.
La culture citoyenne commence à l'école, de la démocratie scolaire à l'éducation civique, sans oublier la relation avec les élus. Neuf jeunes sur dix ont boudé les urnes aux élections régionales. (Mme Laurence Rossignol et M. Bernard Jomier protestent.) Le SNU sera un temps pivot, mais non exclusif, complétant la journée défense et mémoire. Cela renforcera la force morale de la jeunesse qui a besoin de confiance dans nos institutions. (Mme Éliane Assassi et M. Pierre Laurent protestent.)
Le SNU permet aussi aux jeunes ultramarins de venir en métropole...
M. David Assouline. - Comme si avant, ils ne venaient pas !
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. - ... aux jeunes ruraux de venir en zone urbaine, et aux urbains de découvrir la beauté des territoires ruraux. Je me tiens à votre disposition pour un débat parlementaire sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Laurence Rossignol. - La ministre d'un pays imaginaire !
M. Henri Cabanel. - Nous voulons ce débat, essentiel pour notre jeunesse. Le SNU et le service civique doivent devenir des moyens d'intégration sociale et d'éducation à la citoyenneté.
Pêche dans les aires protégées
M. Jacques Fernique . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Dimanche, monsieur le secrétaire d'État à la mer, vous avez crânement annoncé avoir fait reculer Bruxelles sur le chalutage de fond dans les aires marines protégées. Non, vous n'avez pas fait plier la Commission européenne puisque dès le départ, son plan d'action n'était pas obligatoire. En racontant aux pêcheurs que la Commission allait condamner la pêche artisanale française dès demain, vous avez joué un jeu dangereux et aggravé un climat déjà électrique à l'encontre des défenseurs de l'environnement. (Marques d'agacement sur les travées du groupe Les Républicains)
Vous prévaloir de la cause de la pêche artisanale pour soutenir le chalutage industriel était assez gonflé... C'est comme si vous subventionniez Amazon en prétendant défendre le commerce de proximité !
Nos pêcheurs, qui refusent la casse sociale, n'ont pas besoin d'une telle duperie, mais d'un écosystème en bon état pour pouvoir pêcher dans vingt ou trente ans. Vous vous érigez en héraut de la pêche artisanale alors que vous laissez des chalutiers géants détruire la pêche côtière.
Les pêcheurs sont en colère. Mais sans solution durable, pas d'apaisement. Nous ne voulons pas qu'un incendie comme celui qui a touché le site de Brest de l'Office français de la biodiversité (OFB) de Brest se reproduise. Plutôt que de stigmatiser les défenseurs de l'environnement, quand mettrez-vous en cohérence vos déclarations et vos actes ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)
M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer . - Je suis désolé, monsieur Fernique, mais où êtes-vous allé pêcher tout ça ? (Sourires) C'est faux ! Comme au Sénat, je n'ai fait que confirmer que ce plan de communication n'avait pas vocation à être traduit en actes législatifs. Mais il y avait à craindre que la Commission européenne ne veuille le rendre obligatoire. Je lui ai donc demandé de préciser ses intentions, qui sont floues : comme vous le savez, il peut y avoir un loup... (M. Jacques Fernique le confirme.)
M. Marc-Philippe Daubresse. - ... un loup de mer !
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - La majorité dont votre groupe faisait partie a créé des aires marines protégées entre 2012 et 2014 : tout n'y était pas interdit ! Il existe des gradations. Certaines activités de pêche sont vertueuses.
Depuis vingt ans, nous avons montré qu'on pouvait avoir une pêche côtière respectueuse : les pêcheurs de coquilles ou de langoustines respectent la planète !
Nous assumons le maintien de cette pratique de pêche côtière. (On le conteste sur les travées du groupe SER ; applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC.)
M. Jacques Fernique. - Votre communiqué victorieux du 1er avril sonnait comme un poisson d'avril un peu décalé.
Où sont les mesures structurelles pour nos pêcheurs artisanaux et pour une pêche durable ? Protéger le statu quo, c'est, à terme, couler les pêcheurs ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Démissions d'élus locaux (I)
M. Franck Menonville . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Près de quatre mille élus ont démissionné depuis le début de leur mandat en 2020, et le seuil de mille maires démissionnaires a été passé. Dans la Meuse, on recense les démissions de dix maires, 64 adjoints et 207 conseillers.
Les élus de proximité exercent leur mission dans un climat délétère et subissent transferts de compétences et lourdeurs administratives et bureaucratiques. Il est de plus en plus difficile de concilier mandat et vie personnelle et professionnelle, et je ne parle pas des intimidations, de la radicalisation, de l'agressivité, de l'individualisme et du durcissement de la société post-covid. Trois ans avant les prochaines élections municipales, il faut restaurer l'attractivité de cet engagement. Comment y parviendrez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; M. Paul Toussaint Parigi applaudit également.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Pas moins de 1 293 maires ont démissionné depuis le début de leur mandat en 2020. Entre 2014 à 2020, il y en avait eu 2 925 : nous sommes sur une moyenne comparable de 40 démissions par mois. Beaucoup ont démissionné en début de mandat, certainement à cause du covid. Je vois dans mon département du Maine-et-Loire des équipes dans lesquelles la mayonnaise n'a pas pris, faute d'avoir pu travailler ensemble.
Mais cela n'explique pas tout. Je salue les efforts d'Éric Dupond-Moretti et de Gérald Darmanin. Il faut aller plus loin. La mission sénatoriale sur l'avenir de la commune objectivera la situation. La semaine prochaine, Élisabeth Borne recevra les associations d'élus. Nous avons commencé à travailler avec le président de l'Association des maires de France, David Lisnard. Les maires sont les fantassins de la République, à portée de baffe de nos concitoyens ; nous devons mieux les accompagner. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe INDEP)
Fusillades à Marseille
M. Stéphane Le Rudulier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ces dernières heures, la guerre des gangs a fait rage à Marseille : trois morts de plus, et nous nous dirigeons vers un nouveau record après les 39 victimes de 2021. Ces 300 morts en dix ans font du Vieux-Port un nouveau Medellin, une nouvelle French Connection. Marseille est l'otage des cartels, alors que les moyens sécuritaires sont mis en oeuvre : plus de 300 policiers supplémentaires, 39 points de deal démantelés, des forces de l'ordre combattant au quotidien. Certes, c'est une guerre d'usure, mais l'arsenal juridique semble marquer le pas. La réponse judiciaire est-elle à la hauteur ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Je vous prie d'excuser le garde des sceaux. Je tiens à saluer l'engagement de nos forces de l'ordre, qui mènent dans cette ville magnifique mais gangrenée par le trafic des opérations antidrogue toutes les demi-heures. Depuis le début de l'année, 1,2 tonne de cannabis a été saisie et 509 interpellations ont été effectuées.
Mais il faut faire davantage ; la justice doit pouvoir suivre cette activité de police. C'est pourquoi magistrats - cent pour la seule ville de Marseille -, juges du siège et greffiers sont déployés. Le parquet de Marseille a reçu des moyens importants. Il y a également le fisc, la douane, le soutien de la ville et de la métropole.
Des moyens législatifs doivent aussi être mobilisés : l'une des difficultés est que les écoutes téléphoniques à la papa, si vous me passez l'expression, fonctionnent mal face à des réseaux qui passent par internet et des conversations cryptées. Il faudrait pouvoir utiliser, contre le grand banditisme, les moyens mobilisés face au terrorisme. Je soumets cette proposition à la sagacité de votre assemblée. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Stéphane Le Rudulier. - Il faut améliorer la chaîne pénale, avec des places de prison supplémentaires, moins de non-lieux et de classements sans suite qui nourrissent un sentiment de superpuissance des cartels. Le ministre de la justice a récemment déclaré qu'il n'y avait pas de coupe-gorge en France : qu'il vienne voir dans ces narco-cités de Marseille où la kalachnikov a remplacé Marianne ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Alain Duffourg et Stéphane Ravier applaudissent également ; murmures sur les travées du groupe SER)
Utilisation du S-métolachlore
Mme Florence Blatrix Contat . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le S-métolachlore est un herbicide agricole qui a un impact avéré sur la qualité de l'eau. Ses produits de dégradation s'accumulent dans les nappes phréatiques. Depuis le 1er janvier 2021, ses métabolites font partie des molécules recherchées dans l'eau : dans de nombreuses collectivités territoriales, sa concentration est supérieure à la norme et 1,6 million de nos concitoyens sont concernés.
En juin dernier, l'Agence européenne des produits chimiques a classé la substance comme cancérogène et perturbateur endocrinien suspectés.
Le 15 février, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), après plusieurs études, engageait logiquement une procédure de retrait de cet herbicide. Puis, la veille de la présentation du plan Eau par le Président de la République, le ministre de l'agriculture annonçait devant la FNSEA avoir demandé à l'Anses de revenir sur sa décision...
La souveraineté alimentaire a parfois bon dos. Voulez-vous jouer avec la santé de nos concitoyens ? Le Gouvernement entend-il réellement revenir sur la décision de l'Anses ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST)
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Veuillez excuser l'absence de Marc Fesneau, qui accompagne le Président de la République en Chine.
Nous avons l'objectif partagé de nous débarrasser des pesticides. Comme vous l'avez dit, cette substance est un cancérogène suspecté : le principe de précaution commande de le retirer. C'est le sens de l'Histoire.
Mais nous devons avancer en Européens sur cette question : si la France était le seul pays à interdire le S-métolachlore, nous serions dans la situation abracadabrantesque de devoir importer des produits que nous ne serions plus capables de produire, mais qui auraient été traités aux mêmes substances !
L'Union européenne s'est donné deux ans pour relever ce défi. Nous allons y arriver. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Florence Blatrix Contat. - C'est une question de santé publique : il faut trouver d'autres solutions pour nos agriculteurs. Prenons de l'avance sur nos partenaires européens. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST)
Police aux frontières dans les aéroports
Mme Anne Chain-Larché . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En septembre, la France accueille la coupe du monde de rugby, en août 2024, les jeux Olympiques. On attend 10 millions de voyageurs supplémentaires dans nos aéroports, principalement à Roissy-Charles-de-Gaulle, vaisseau amiral d'Aéroports de Paris (ADP). Rappelez-vous, le groupe ADP, c'est cette entreprise que Bruno Le Maire voulait à tout prix privatiser pour payer la facture des gilets jaunes... Elle va rapporter 150 millions d'euros de dividendes à l'État actionnaire : nous avons bien fait de nous y opposer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC, SER et CRCE)
Les sas de passage rapide aux frontières extérieures (Parafe) ne sont pas assez nombreux et souvent fermés, faute de personnel : 355 postes de la police aux frontières ont été supprimés... Il y a donc parfois jusqu'à deux heures d'attente à ces portiques. Belle première image de la France ! Les voyageurs qui en ont les moyens préféreront atterrir à Bruxelles ou Francfort, pour terminer le voyage en train. Nous nous dirigeons vers une pagaille qui ternira encore plus l'image de notre pays. Que comptez-vous faire pour l'éviter ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - L'accueil de ces voyageurs est-il parfait ? Non. Les responsabilités sont partagées entre ADP et la police aux frontières. Le nombre de portiques Parafe est insuffisant ; c'est pourquoi ADP prévoit l'installation de 40 % de portiques supplémentaires, dont une cinquantaine avant l'été.
Y a-t-il assez de personnel pour contrôler les arrivants ? Non. C'est pourquoi 510 personnes sont en cours de recrutement, dont 300 d'ici avril. Après ce cap, je m'engage à ce que les choses se passent au mieux dès cet été. Chacun peut désormais connaître le temps d'attente terminal par terminal, publié chaque semaine.
La solution n'est pas forcément dans les recrutements à la police aux frontières, qui a des tâches plus importantes à mener, comme les reconduites. En revanche, nous pourrions mobiliser du personnel civil et militaire du ministère de l'intérieur formé à la fraude documentaire, ainsi que des contractuels. Nous ferons tout pour être prêts dès le mois de mai. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Mme Anne Chain-Larché. - Nous ne demandons qu'à vous croire. La France fait peur aux visiteurs. Avec Sainte-Soline, les émeutes, les mairies en flammes, les black blocs, elle est bien loin, notre douce France ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
Fermetures de classes en zone rurale
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) « On est dans de telles circonstances exceptionnelles que les ouvertures et fermetures de classes qui se prévoient en ce moment, nous les revoyons... Il ne doit pas y avoir de querelle entre quiconque sur ces sujets actuellement. » Ainsi s'exprimait, le 27 mars 2020, le ministre de l'éducation nationale. Les circonstances exceptionnelles, c'était la crise sanitaire.
Or nous vivons à nouveau des circonstances exceptionnelles avec la crise des territoires ruraux. En visite à Nevers voici quelques jours, madame la Première ministre, vous avez dit que les fermetures seraient désormais annoncées trois ans à l'avance : ce n'est pas ce que j'attendais. Que répondez-vous aux maires désemparés, déçus mais qui espèrent encore que vous ne fermerez pas leurs 1 500 classes ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels . - Veuillez excuser M. le ministre de l'éducation nationale, retenu à l'Assemblée nationale. Deux chiffres dessinent une nouvelle réalité : 300 000 élèves en moins en cinq ans, et 500 000 en moins prévus entre 2022 et 2027. La Première ministre et le ministre de l'éducation nationale l'ont rappelé à Nevers.
Une fermeture de classe a un impact important pour les communes rurales. La méthode d'anticipation à trois ans, annoncée par la Première ministre, permettra un dialogue avec les élus tout en tenant compte de la baisse démographique. Car le taux d'encadrement progresse : 5,98 enseignants pour 100 élèves en 2023, contre 5,46 en 2017.
Il n'y a aucune classe à plus de 24 élèves dans votre département. Nous avons d'ailleurs décidé de maintenir trois classes qui devaient fermer.
Nous voulons étendre la méthode présentée à tous les territoires.
Mme Nadia Sollogoub. - Je ne comprends pas : oui, il y a moins d'enfants et le même nombre de professeurs... mais pourquoi fermer des classes ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Jean-Pierre Sueur et Mme Victoire Jasmin applaudissent également.) Notre taux d'encadrement est le plus mauvais d'Europe, avec 24 élèves par classe contre 22 en moyenne européenne.
Ces fermetures à trois ans n'aident personne : les enfants seront mis sur les routes, avec des coûts supplémentaires en matière de transport scolaire pour les collectivités. Vous ajouterez de la fatigue à la colère. Il faut un geste d'apaisement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; Mmes Martine Filleul et Victoire Jasmin applaudissent également.)
Démissions d'élus locaux (II)
Mme Véronique Del Fabro . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Pas moins de 4 751 élus ont raccroché leur écharpe depuis 2020 : 275 maires, 3 563 élus municipaux ont estimé que la violence, physique et morale, et la complexité étaient trop fortes pour continuer à exercer leur mandat. Les trois quarts des démissions ont eu lieu dans des communes de moins de 1 500 habitants.
Animateurs de leur équipe municipale, employeurs, garants des deniers publics, gestionnaires de classes : ils jettent l'éponge face à tant de missions et à l'inflation législative - le code général des collectivités territoriales a triplé en vingt ans. Certains parlent d'un harcèlement textuel !
Ces élus souffrent d'un manque de considération au plus haut niveau de l'État, d'un paternalisme exaspérant. Les maires aspirent à plus de liberté et moins de contraintes. Je suis sûre que vous connaissez ces difficultés, mais comment allez-vous y remédier ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - J'ai eu la chance d'exercer le mandat de maire pendant près de dix ans. Je réaffirme mon soutien à tous les parlementaires et à tous les élus locaux ayant récemment subi des agressions inacceptables.
Depuis juillet, j'ai rencontré plus de mille élus locaux qui témoignent du bonheur d'être maire. Mais il ne faut pas nier la lassitude des élus, sentiment exprimé par le président de l'Association des maires de France (AMF), David Lisnard.
Je sais le Sénat mobilisé aussi, comme en témoigne la mission d'information en cours sur l'avenir de la commune et du maire.
La loi Engagement et proximité de 2019 a permis une revalorisation des indemnités des élus des petites communes. Mais tout ne se résume pas à des dispositions statutaires ; je ne me résous pas à ce mal profond. J'essaie de comprendre les causes de ces décisions en rencontrant les élus concernés.
Dans les prochaines semaines, je formulerai des propositions en vue de bâtir une feuille de route commune sur la place de l'élu local au sein de notre République. Les maires sont le ciment, le pilier de notre démocratie. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Véronique Del Fabro. - Merci pour votre réponse sincère ; je me félicite de votre soutien. J'étais moi-même encore maire il y a trois mois.
Le statut est important, mais ce n'est pas l'essentiel : les maires aspirent à plus de liberté. Pourquoi étatiser la tarification de l'eau ? Pourquoi tous ces schémas directeurs ? Faites confiance aux élus locaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot, MM. Pierre Louault et Jean-Marie Mizzon applaudissent également.)
Minima sociaux et inflation
Mme Michelle Meunier . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je ne parlerai pas de fin de vie ni de fin de carrière professionnelle, mais de la fin du mois des plus précaires. Revenu de solidarité active (RSA), allocation adulte handicapé (AAH), minimum vieillesse : les minima sociaux ont été relevés de 1,6 % au 1er avril, après une hausse de 4 % en juillet 2022. Mais l'inflation, elle, était de 7 %, et celle du budget alimentation des plus modestes de 14 %. Les dépenses d'une femme seule avec deux enfants augmentent de 170 euros par mois, ses minima sociaux de 17 euros !
Le collectif Alerte, qui regroupe des organisations d'élus, demande l'indexation des minima sociaux sur le budget de référence des ménages modestes, et une hausse immédiate de 5 % Que leur répondez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Jean-Pierre Sueur. - Voilà une question claire !
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées . - Depuis 18 mois, le Gouvernement agit sans relâche et à la racine contre l'inflation, notamment avec le bouclier tarifaire. Nous avons en effet revalorisé de manière anticipée les minima sociaux en juillet 2022, à hauteur de 4 %. Nous avons distribué 160 euros en moyenne par ménage à la rentrée scolaire, auxquels s'ajoute un chèque énergie compris entre 100 et 200 euros. Au 1er avril, les prestations sociales ont augmenté de 5,6 % sur douze mois, soit le niveau de l'inflation calculé par l'Insee. Nous avons donc protégé les plus modestes.
En 2023, l'inflation continue pour les produits alimentaires. C'est pourquoi nous avons mis en place le trimestre contre l'inflation et le programme « Mieux manger pour tous », pour que les Français modestes puissent acheter des légumes, de la viande et du poisson de qualité.
Nous ferons le point dans deux mois avec les associations de solidarité, que j'ai récemment réunies. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Michelle Meunier. - Nous sommes loin du compte ! Pour répondre à cette situation, il faut sortir de votre politique fiscale qui concentre les aides sur les plus fortunés des Français. Votre politique était dangereuse pour le climat, elle est alarmante pour le climat social ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Daniel Salmon applaudit également.)
Maillage territorial des maternités
Mme Else Joseph . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En matière de santé, c'est un vrai désaménagement du territoire que nous vivons. Cela dure depuis vingt ans, mais le sujet n'était pas dans le programme de campagne du Président de la République.
Nous sommes sensibles aux excès de l'intérim, mais la loi Rist aggravera les déserts médicaux. Certains habitants sont en grand danger, notamment en milieu rural.
Une étude remise à l'Académie de médecine préconise la fermeture des maternités accueillant moins de 1 000 naissances par an. La maternité de Sedan, qui a dû suspendre provisoirement les accouchements faute de personnel, est visée. Ce critère arbitraire relève d'une vision purement comptable de la médecine et d'une approche réductrice de ce qu'est la naissance.
Certes, vous avez levé le numerus clausus, mais les places en faculté n'augmentent pas, et vos choix en matière de répartition des spécialités à l'internat ne sont pas judicieux. Les appels à la réserve sanitaire sont infructueux.
Qu'allez-vous faire pour ne pas sacrifier les femmes et enfants sur l'autel de la comptabilité technocratique ? Nous n'aurons bientôt plus qu'une seule maternité dans les Ardennes. La situation est extrêmement grave, les Français le savent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - Lutter contre les inégalités territoriales est ma priorité. Mais il faut dire la vérité : malgré la fin du numerus clausus, nous n'aurons pas 10 000 médecins supplémentaires dès demain. Il y a déjà 15 % d'étudiants en plus en deuxième année de médecine, mais il faut dix ans pour former un médecin.
Le rapport du professeur Krivine n'est qu'un élément de la discussion et n'engage en rien le Gouvernement. Pour les maternités, il faut associer proximité et sécurité des soins. C'est ma responsabilité. Or nous manquons de professionnels. L'équation est complexe. Les maternités ferment non pour des raisons financières - c'était avant - mais par manque d'effectifs. Je m'engage à trouver une solution pour chaque territoire.
Nous construisons de nouveaux parcours de soins pour les parturientes, en lien avec la maternité de Charleville-Mézières. Il y a aussi la solution innovante des centres de maternité, comme à Autun, où la femme enceinte peut rester jusqu'à l'accouchement près de chez elle et revenir au même endroit douze heures après l'accouchement. Voilà les pistes de travail à explorer avec les élus. (M. François Patriat applaudit.)
Compensation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises
Mme Annick Jacquemet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Quid de la compensation pour 2023 de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), dont la suppression a été décidée dans la dernière loi de finances ?
Les collectivités territoriales se voient affecter une fraction de la TVA nationale de manière pérenne et dynamique à titre de compensation. Toutefois, après avoir pris connaissance - avec trois mois de retard - du montant de leur compensation, les élus locaux concernés ont fait part de leur incompréhension. Selon l'Association des maires de France (AMF) et Intercommunalités de France, le montant de la compensation est nettement inférieur à ce qu'aurait été la CVAE en 2023. L'engagement du Gouvernement de compenser à l'euro près n'est donc pas tenu : il manquerait 650 millions d'euros.
Nous ne remettons pas en cause le choix de calculer la compensation sur la base de la CVAE moyenne perçue entre 2020 et 2023, pour lisser les écarts. Mais les élus demandaient l'exclusion de l'année 2021, année de baisse exceptionnelle de la CVAE en raison de la crise sanitaire. Quelles sont les intentions du Gouvernement pour compenser sans porter atteinte aux finances des collectivités ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Guillaume Chevrollier et André Reichardt applaudissent également.)
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics . - Il est un point sur lequel nous nous retrouvons : la volonté de restaurer notre industrie et de créer des emplois industriels. Le débat porte sur les moyens d'y parvenir : nous considérons qu'il faut baisser les impôts de production. Nous assumons la suppression de la CVAE, et je suis persuadé que le choix de la majorité sénatoriale de voter son rétablissement tenait davantage à des doutes concernant la compensation pour les collectivités territoriales.
Les engagements du Gouvernement ont été tenus : pas un euro n'est gardé par l'État, puisque sur les 650 millions d'euros que vous évoquez, 500 millions sont versés au fonds vert et 150 millions aux services départementaux d'incendie et de secours (Sdis).
L'écrasante majorité des communes voient les montants versés augmenter par rapport à 2022 ; c'est le cas dans le Doubs. La proposition de l'AMF de retirer l'année 2021 ferait 45 % de perdants au sein des EPCI et 40 % au sein des communes.
Nous poursuivons le travail de négociation avec les collectivités territoriales, en lien avec les parlementaires. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)
La séance est suspendue à 16 h 15.
Présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président
La séance reprend à 16 h 30.