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Table des matières
Ajournés des concours de la fonction publique
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels
Moyens pour l'école publique de proximité
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels
Carte scolaire en milieu rural
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels
« France Travail jeunes » et missions locales pour l'emploi
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels
Exploitation mutualisée de la vidéoprotection
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Aire d'accueil des gens du voyage
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Phénomènes de retrait-gonflement des sols
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Délais de délivrance des titres d'identité
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Potentiel fiscal et financier des communes
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Préservation des moulins à eau
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
ZAN et circonscription portuaire
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Survie de la ligne de l'Aubrac
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Nuisances sonores de l'aéroport de Lille-Lesquin
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Pollution sonore autour de l'aéroport d'Orly
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Méthodologie de la HAS sur des traitements ciblés contre le cancer
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Impact du prix des médicaments sur les entreprises
Financement des projets prévus dans le Ségur de la santé
Protection universelle maladie pour les Français établis hors de France
Maison de retraite de Cabannes et Novès
Défense du pluralisme associatif
Frais de déplacement des aides à domicile
Décret du 23 février 2022 et pensions d'invalidité
Diffusion de la théorie du genre
Double imposition des fonctionnaires franco-belges
Sites de Buitoni à Caudry et de Tereos à Escaudoeuvres
Normes de commercialisation de la viande de volaille
Lutte contre les parasites des cerisiers
Souveraineté alimentaire française
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture
Accès à l'honorariat au grade supérieur pour les réservistes
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire
Établissements ne bénéficiant pas des responsabilités et compétences élargies
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire
Statut de l'administrateur ad hoc
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire
Contrôle des norovirus dans les productions conchylicoles
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
Favoriser les travaux de rénovation énergétique (Conclusions de la CMP)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour le Sénat de la CMP
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs (Conclusions de la CMP)
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat de la CMP
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Discussion du texte élaboré par la CMP
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois
Fusion des filières REP d'emballages ménagers et de papier (Procédure accélérée)
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie
Ajournés des concours de la fonction publique
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels
Moyens pour l'école publique de proximité
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels
Carte scolaire en milieu rural
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels
« France Travail jeunes » et missions locales pour l'emploi
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels
Exploitation mutualisée de la vidéoprotection
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Aire d'accueil des gens du voyage
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Phénomènes de retrait-gonflement des sols
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Délais de délivrance des titres d'identité
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Définition du potentiel fiscal et financier des communes
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Préservation des moulins à eau
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
ZAN et circonscription portuaire
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Survie de la ligne de l'Aubrac
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Nuisances sonores de l'aéroport de Lille-Lesquin
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Pollution sonore autour de l'aéroport d'Orly
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Méthodologie de la HAS sur des traitements ciblés contre le cancer
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Impact du prix des médicaments sur les entreprises
Financement des projets prévus dans le Ségur de la santé
Protection universelle maladie pour certains Français établis hors de France
Maison de retraite de Cabannes et Novès
Défense du pluralisme associatif
Frais de déplacement des aides à domicile
Décret du 23 février 2022 et pensions d'invalidité
Diffusion de la théorie du genre
Double imposition des fonctionnaires franco-belges
Sites de Buitoni à Caudry et de Tereos à Escaudoeuvres
Normes de commercialisation de la viande de volaille
Lutte contre les parasites des cerisiers
Souveraineté alimentaire française
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture
Accès à l'honorariat au grade supérieur pour les réservistes
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire
Établissements ne bénéficiant pas des « responsabilités et compétences élargies »
Statut de l'administrateur ad hoc
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire
Contrôle des norovirus dans les productions conchylicoles
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
Favoriser les travaux de rénovation énergétique (Conclusions de la CMP)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour le Sénat de la CMP
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs (Conclusions de la CMP)
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Discussion du texte élaboré par la CMP
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois
Ordre du jour du mercredi 22 mars 2023
SÉANCE
du mardi 21 mars 2023
73e séance de la session ordinaire 2022-2023
Présidence de M. Pierre Laurent, vice-président
Secrétaires : Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
Ajournés des concours de la fonction publique
M. Gilbert Roger . - Il y a contradiction entre la pénurie de personnels dans l'enseignement et la santé et l'ajournement de candidats aux concours de la fonction publique territoriale.
Les étudiants qui échouent au concours avec une note proche de celle requise sont, le plus souvent, laissés pour compte. Je connais le cas d'une jeune étudiante ajournée à l'agrégation à un point près : aucune proposition ne lui a été faite.
Or ces secteurs font face à des démissions et un manque d'intérêt. Les rectorats en viennent à recruter des contractuels par speed dating...
Quelles mesures le Gouvernement pourrait-il prendre immédiatement pour entrer en contact avec les ajournés et leur proposer des postes de contractuels, avec pour échéance la titularisation ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels . - Si la liste principale des reçus à un concours est complète, le jury peut établir une liste complémentaire, afin de permettre le remplacement des lauréats qui ne pourraient être nommés.
Les jurys apprécient souverainement la qualité des prestations des candidats ; leurs décisions ne sont pas susceptibles de recours, dès lors qu'ils ont fonctionné et délibéré de manière régulière.
Hormis le cas, très spécifique, du recrutement de personnels en situation de handicap, aucune disposition législative ne permet, actuellement, de titulariser un agent contractuel sans concours.
La baisse du nombre de candidats aux concours de l'enseignement s'est traduite, en 2022, par une baisse des rendements des concours d'environ 10 %, dans le premier comme le second degré. Le ministère a donc demandé aux académies de mener une politique volontariste de recrutement de contractuels, en leur proposant une rémunération cohérente avec celle des titulaires.
Plus largement, monsieur le sénateur, votre question renvoie au travail nécessaire sur l'attractivité des métiers de l'enseignement et de la santé. Le chantier de l'amélioration de la rémunération des enseignants en fait partie. D'autres métiers sont concernés, comme les personnels de santé, dont la revalorisation indemnitaire est engagée depuis 2021. Le renforcement de l'attractivité passe aussi par l'amélioration des conditions d'exercice : c'est l'objet des concertations actuellement menées par le ministre de l'éducation nationale.
M. Gilbert Roger. - Que certains ratent l'agrégation à un point près et ne reçoivent aucune proposition quand, dans les Yvelines, on a organisé un speed dating pour recruter, voilà qui suggère des évolutions possibles... S'il faut en passer par la loi, faisons-le. Mais je pense que le Gouvernement a la possibilité, en liaison avec les recteurs, de faire évoluer les choses.
Moyens pour l'école publique de proximité
Mme Cathy Apourceau-Poly . - La colère gronde parmi les enseignants, les parents et les élus. La soustraction est devenue l'opération favorite du Gouvernement.
Dans le Pas-de-Calais, 73 classes et 53 postes sont supprimés en maternelle et en primaire. Dans les collèges et lycées, la baisse drastique de la dotation horaire globale entraîne la suppression de nombreuses options dans des bassins de vie durement touchés par la crise sociale.
De nombreux maires m'interpellent, qu'ils soient du bassin minier, de la côte ou de la ruralité. Du fait de la baisse de moyens dans l'éducation nationale, les classes à triple, voire quadruple niveaux sont de plus en plus nombreuses. Et les remplaçants manquent, y compris lorsque les absences sont prévues.
Je suis surprise de la façon dont se déroule parfois le dialogue entre les maires et l'éducation nationale. Ainsi, au sein du regroupement pédagogique intercommunal (RPI) de Chériennes, Le Quesnoy-en-Artois et Vacqueriette-Erquières, le projet de fermeture de poste a été annoncé à un seul des maires - qui n'est pas celui de la commune concernée. Lorsque les trois maires ont contesté la fermeture, le rectorat leur a répondu, dix jours plus tard, que la décision était déjà validée.
Les maires investissent beaucoup dans les écoles, coeur de nos villes et de nos villages. Mais pour pérenniser l'école publique de proximité, il est indispensable de fidéliser les familles au plus tôt, donc de prendre en compte les enfants de moins de 3 ans dans les moyens alloués. Le Gouvernement va-t-il intégrer ces enfants dans les tableaux d'effectifs ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels . - Dans le contexte actuel de forte baisse démographique, tout dispositif visant à maintenir le service public de l'éducation partout sur le territoire est le bienvenu.
Les RPI sont un outil d'aménagement scolaire précieux : 4 790 structures de ce type pour 9 167 écoles en 2022, contre 4 777 structures pour 9 253 écoles en 2021. Notons que 6 997 communes sans école participent à un regroupement, un chiffre en hausse de 1 % entre 2021 et 2022.
Je salue le travail des maires : pour maintenir une offre scolaire sur leur territoire, ils acceptent de former ces regroupements pour offrir de meilleures conditions d'étude aux enfants de leurs communes.
La préparation de la carte scolaire donne lieu à de nombreux échanges avec les élus locaux ; chaque situation est appréciée finement et objectivement. De janvier à septembre, le dialogue avec les élus est continu et les évolutions d'effectifs sont suivies avec attention. Les efforts de regroupement déjà réalisés sont pris en compte.
Carte scolaire en milieu rural
M. Jean-Yves Roux . - Les écoles rurales, qui représentent 36 % des écoles métropolitaines et 20 % des élèves, se caractérisent par la forte proportion de classes multiniveaux et de regroupements pédagogiques intercommunaux.
Face à la déprise démographique et à la difficulté de pérenniser les équipes pédagogiques, les élus ruraux s'efforcent d'attirer des familles pour faire vivre leur commune et son pilier, l'école. Or, chaque année, ils sont confrontés au couperet des fermetures et ouvertures de classe, sur le seul critère des effectifs : la fameuse carte scolaire, susceptible de bouleverser des équilibres réalisés de haute lutte.
Les collectivités territoriales sont, après l'État, le premier financeur de l'éducation. Malheureusement, les deux membres du couple ne regardent pas dans la même direction...
En 2019, dans notre rapport sur les nouveaux territoires de l'éducation, M. Lafon et moi-même proposions une approche nouvelle pour faire progresser la réussite scolaire en milieu rural. En particulier, nous suggérions de geler les cartes scolaires pendant trois ans, le temps pour les élus de conforter leurs effectifs et pour les équipes pédagogiques d'installer des projets.
La loi 3DS visait à rapprocher l'État du terrain, en soutien aux collectivités territoriales ; l'éducation nationale gagnerait en efficacité en s'inscrivant dans cet esprit. Le Gouvernement compte-t-il expérimenter la stabilité de la carte scolaire pendant trois ans dans la ruralité ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels . - L'engagement présidentiel de ne fermer aucune école sans l'accord préalable du maire, reconduit chaque année depuis 2019, s'applique sans exception.
La démographie scolaire baisse, et cette tendance se poursuivra. Toutefois, nous ne nous en tenons pas à l'arithmétique, compte tenu des enjeux de dynamisation des territoires. La répartition des moyens du service public de l'éducation tient compte des différences de situation, sur la base de critères économiques, territoriaux et sociaux, dont la réussite des élèves issus des catégories les plus défavorisées. L'indicateur territorial que nous utilisons prend en compte l'éloignement des zones urbaines, comme vous l'avez proposé dans votre rapport.
D'autres dispositifs spécifiques sont mis en oeuvre, comme les Territoires éducatifs ruraux, récemment étendus à dix nouvelles académies compte tenu du volontarisme des élus locaux. Je pense aussi à l'extension aux zones rurales des Cordées de la réussite ; 32 000 élèves en bénéficient dans les territoires ruraux. Enfin, les internats d'excellence sont un levier important pour les élèves des territoires ruraux ou isolés.
Soyez assuré que nous continuerons de travailler avec les élus locaux pour que tous nos élèves puissent étudier dans les meilleures conditions.
« France Travail jeunes » et missions locales pour l'emploi
M. Antoine Lefèvre . - Le programme « France Travail jeunes » suscite doutes et inquiétudes au sein du réseau des missions locales pour l'emploi.
Rattaché au chantier France Travail, attendu pour l'année prochaine, il consiste à rebaptiser les missions locales sans leur maintenir l'exclusivité de l'accompagnement des publics accueillis. Les responsables des antennes locales y voient une volonté de l'État de se substituer à eux à terme.
Engagées depuis plus de quarante ans pour l'insertion des jeunes, les missions locales se sont constamment réinventées pour suivre l'évolution des dispositifs d'insertion et fournir une offre adaptée aux territoires et aux publics. Après le dédoublement des objectifs entre les missions locales et Pôle emploi, l'annonce d'une double tutelle apparaît comme une menace pour leur maintien.
Par ailleurs, les élus de l'Union nationale des missions locales ont appris avec perplexité que l'opérateur en charge du demandeur d'emploi serait désigné sur la base d'un algorithme, au risque de déboussoler encore davantage des publics précaires pour lesquels il est essentiel de maintenir le lien de proximité avec le conseiller de mission locale.
Quelle est la portée de ce nouveau programme ? Le Gouvernement peut-il garantir que l'autonomie des missions locales sera maintenue ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels . - Dans le cadre de la préfiguration de France Travail, il est proposé, en effet, que les missions locales qui le souhaitent prennent l'appellation « France Travail jeunes ». Cela ne signifie pas qu'elles seront seules en charge de l'accompagnement des jeunes vers l'insertion professionnelle. Elles auront pour principal objectif de mettre en oeuvre les parcours d'accompagnement des jeunes ayant besoin d'un suivi socioprofessionnel global.
Sur chaque territoire, une proposition de feuille de route sera co-élaborée par ces structures au côté de France Travail, puis soumise à la gouvernance du comité France Travail, coprésidé par l'État et les collectivités territoriales. De ce point de vue, leur rôle est donc renforcé.
Les publics accueillis seront orientés sur la base de critères partagés, ce qui réduira la concurrence entre réseaux. Le contrat d'engagement jeunes continuera d'être mis en oeuvre conjointement par les missions locales et Pôle emploi ; s'agissant des jeunes en rupture, les interventions des premières seront articulées avec celles de structures retenues dans le cadre d'appels à projets. Il s'agit ainsi d'encourager une logique de coopération et de complémentarité.
Par ailleurs, l'État continue de soutenir les missions locales, à hauteur de 600 millions d'euros cette année. Le soutien à l'Union nationale des missions locales a été considérablement renforcé depuis 2022.
M. Antoine Lefèvre. - Président d'une mission locale depuis plus de vingt ans, je sais d'expérience que jeunes, élus et partenaires ont besoin de signes clairs. Il faut une prise en charge exclusive au plus près des territoires. Près de 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans qualification : ce n'est pas un algorithme qui améliorera leur prise en charge. Faites confiance aux missions locales !
Exploitation mutualisée de la vidéoprotection
M. Gilbert-Luc Devinaz . - La mutualisation de l'exploitation de la vidéoprotection entre plusieurs communes est restreinte par des contraintes juridiques, alors que ses avantages sont nombreux : capacités d'investissement accrues, mise en commun des charges, élargissement du territoire couvert.
Une telle mutualisation peut être mise en oeuvre dans le cadre d'un syndicat à usage unique ou d'une entente intercommunale par convention. La seconde solution offre des avantages de souplesse, sans augmenter le nombre de structures. Pour autant, elle se heurte à des difficultés qui en réduisent l'attrait pour les communes intéressées.
L'instruction gouvernementale du 4 mars 2022 laisse entendre que, dans le cadre d'une entente intercommunale, l'exploitation des images des communes associées ne peut être faite que par un policier municipal. Si les communes affectent à cette mission un agent technique ou un agent de surveillance de la voie publique, celui-ci ne pourrait visualiser que les images de la commune qui le rémunère. L'intérêt d'une telle mutualisation disparaît donc.
Est-il envisageable que, dans le cadre d'une entente intercommunale, des opérateurs de vidéoprotection ou des agents de surveillance de la voie publique puissent accéder aux images de toutes les communes ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - La loi Sécurité globale offre de nombreuses possibilités nouvelles pour développer la vidéoprotection et la mise en commun de polices municipales.
Son article 42 étend la possibilité de visionner des images à des agents territoriaux hors police municipale, dans le cadre d'un agrément préfectoral. La loi ne prévoit pas de mutualisation pluricommunale de ces agents, mais autorise la mise à disposition des communes d'opérateurs de vidéoprotection qui ne sont pas policiers municipaux par les EPCI compétents et les syndicats mixtes. Ces agents peuvent alors être habilités à visionner les images d'un territoire regroupant plusieurs communes.
En revanche, il n'a pas été prévu que deux communes mutualisent leur vidéoprotection par simple convention en employant des opérateurs autres que des policiers municipaux. Cette question n'a pas été soulevée lors de la discussion de la loi.
Commençons par évaluer l'efficacité des nouveaux dispositifs à la main des communes avant d'envisager un régime supplémentaire de mutualisation d'agents.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - J'anticipais cette réponse. On peut comprendre la volonté de ne pas augmenter le nombre de structures sur un territoire, ainsi que celle d'affecter les policiers municipaux plutôt sur le terrain. D'où ma proposition d'ouvrir la consultation des images à des agents non policiers municipaux, pour tout le territoire des communes associées.
Aire d'accueil des gens du voyage
M. Laurent Burgoa . - Sur l'aire d'accueil de Villeneuve-lès-Avignon, dans le Gard, des gens du voyage originaires des pays de l'Est se sédentarisent et organisent divers trafics. Je ne parlerai pas ici des problèmes occasionnés...
Les élus des communes gardoises de Villeneuve-lès-Avignon et Les Angles ne savent pas vers qui se tourner, l'aire étant gérée par l'agglomération du Grand Avignon, située dans le département du Vaucluse, et même dans une autre région, la région Sud. Quel préfet ces communes doivent-elles saisir ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Aux termes de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000, le maire peut demander au préfet du département de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux, lorsque l'occupation viole un arrêté du maire ou du président de l'EPCI et porte atteinte à la sécurité, à la tranquillité ou à la salubrité publique.
En dehors de l'hypothèse du stationnement illicite, le maintien de l'ordre public relève en principe du maire. Toutefois, le préfet est compétent pour prendre toute mesure relative au maintien de l'ordre public si aucune mesure n'a été prise par le maire malgré une mise en demeure.
La commune de Villeneuve-lès-Avignon est membre de la communauté d'agglomération du Grand Avignon, dont le siège est situé dans le Vaucluse. Pour autant, s'agissant d'une commune gardoise, c'est le préfet du Gard qui est compétent.
M. Laurent Burgoa. - Je pensais bien que c'était la préfète du Gard, qui a d'excellentes relations avec les élus, qui était compétente, et vous remercie de l'avoir précisé. Le maire des Angles, nouvellement élu, ne savait pas à qui s'adresser. Les aires d'accueil et la politique de la ville relèvent des agglomérations : du fait des interférences entre différents départements, voire différentes régions, il peut être compliqué pour les nouveaux élus de s'y retrouver.
Phénomènes de retrait-gonflement des sols
M. François Bonhomme . - Les phénomènes de retrait-gonflement des sols touchent près de la moitié du territoire. Les conséquences en sont souvent désastreuses, pour l'habitat individuel comme pour les bâtiments publics. Dans la plupart des cas, le coût des réparations est insupportable pour les propriétaires sans protection assurantielle liée à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
Des dédommagements sont prévus par le régime CatNat et la loi de 2001, mais seule la moitié des communes concernées obtiennent une telle reconnaissance.
Par ailleurs, l'accroissement du phénomène pose la question du financement du risque, dont le coût est estimé à plus de 3 milliards d'euros dans les prochaines années.
L'ordonnance du 8 février dernier, qui doit augmenter le nombre de communes éligibles à la reconnaissance, limiterait les indemnisations aux sinistres les plus graves, ce qui ferait sortir certains propriétaires de la couverture assurantielle.
Quelles mesures complémentaires entendez-vous prendre pour que les communes concernées bénéficient de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et que tous les propriétaires touchés soient éligibles à l'indemnisation ? Quel est le plan de financement envisagé pour maintenir l'équilibre du régime CatNat ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - L'indemnisation des dégâts causés par le phénomène de sécheresse-réhydratation des sols est assurée par la garantie catastrophes naturelles. La loi 3DS habilite le Gouvernement à réformer par voie d'ordonnance les modalités d'indemnisation au sein de ce régime.
Dans ce cadre, l'ordonnance du 8 février dernier assouplit les critères pris en compte pour analyser le caractère anormal des épisodes de sécheresse, prend en compte les communes ayant subi une succession anormale de sécheresses significatives mais non exceptionnelles et améliore la prise en compte des communes adjacentes. En outre, elle encadre la réalisation des expertises et prévoit des contrôles et des sanctions pesant sur les experts.
L'indemnisation sera concentrée sur les sinistres susceptibles d'affecter la solidité du bâtiment ou d'en entraver l'usage normal. Le Gouvernement souhaite accompagner en priorité les sinistrés confrontés à ces situations.
Enfin, l'ordonnance augmente le nombre de communes éligibles à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
M. François Bonhomme. - Vous ne m'avez pas répondu sur l'équilibre financier du régime CatNat. Le Bureau de recherches géologiques et minières estime à dix millions le nombre d'habitations concernées et le coût de la sinistralité sécheresse à 43 milliards d'euros au cours des vingt prochaines années. Sans effort de financement, le nombre de personnes couvertes devra encore être réduit.
Délais de délivrance des titres d'identité
Mme Corinne Féret . - En matière de délivrance des cartes nationales d'identité et des passeports, des difficultés perdurent dans le Calvados comme ailleurs.
Les Français ont aujourd'hui davantage besoin de présenter un titre en cours de validité. Or avec la crise sanitaire, le Brexit et l'augmentation structurelle de la demande, les délais de délivrance s'allongent. Actuellement, le délai moyen pour obtenir un rendez-vous en mairie est de 58 jours - en zone urbaine, c'est bien davantage...
Les résultats du plan d'urgence lancé en mai dernier sont très insuffisants. Cette année, les Français sont cinq millions de plus que l'an dernier à devoir refaire leur pièce d'identité. Les collectivités territoriales devront embaucher pour faire face.
Les maires et les agents communaux sont les victimes collatérales des dysfonctionnements, confrontés à l'agacement des usagers et parfois victimes de violences verbales, voire pire.
Comment le Gouvernement compte-t-il assurer un délai de délivrance raisonnable et garantir une offre de proximité sur l'ensemble du territoire ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - De nouvelles mesures ont été mises en oeuvre en 2022 face à l'augmentation exceptionnelle des demandes de titres, pour en limiter les conséquences sur les services des mairies.
La définition de règles nationales de priorisation et de mesures dérogatoires pour le passage des examens avec un titre périmé depuis moins de cinq ans doit contenir le volume des demandes. Le moteur de recherche de rendez-vous permet de réduire le nombre de rendez-vous non honorés. La pré-demande en ligne réduit la durée des rendez-vous de recueil.
S'ajoute la revalorisation exceptionnelle de la dotation titres sécurisés, portée à 73 millions d'euros cette année.
Pour une plus grande proximité, 500 nouveaux dispositifs de recueil sont en cours de déploiement. Des effectifs supplémentaires pérennes sont prévus dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
Le Gouvernement s'engage ainsi pour un service de proximité et de qualité pour tous les usagers.
Mme Corinne Féret. - Plusieurs maires du Calvados m'ont fait part de leurs difficultés. Vous annoncez des nouvelles machines et de nouveaux agents, mais cela prendra du temps. Or il y a urgence, car nos concitoyens attendent depuis trop longtemps !
Habitat inclusif
M. Jean Pierre Vogel . - Promu par le Gouvernement, l'habitat inclusif, défini par la loi Élan de 2018, permet aux personnes handicapées ou âgées de concilier inclusion sociale et vie autonome, au domicile. La demande est croissante et le regroupement de plusieurs personnes handicapées indispensable pour la mutualisation des prestations, financées par le conseil départemental.
L'Association des infirmes moteurs cérébraux de la Sarthe gère depuis 1994 un habitat inclusif de seize logements adaptés aux personnes à mobilité réduite (PMR++), dans un immeuble de 25 appartements. Or la commission de sécurité du Sdis a requalifié l'immeuble en établissement recevant du public (ERP), se fondant sur un arrêté de 1980 aux termes duquel la présence de plus de six personnes en situation de handicap dans un même immeuble emporte de facto cette qualification.
Le bailleur social propriétaire n'ayant pas réalisé les travaux d'adaptation dans les délais, le maire du Mans a prononcé la fermeture administrative et les occupants se retrouvent menacés d'expulsion.
Le risque est de voir tous les habitats inclusifs accueillant plus de six personnes requalifiés en ERP, avec à la clé des fermetures administratives et des menaces d'expulsion, ce qui porterait un coup d'arrêt à l'habitat inclusif.
Que compte faire le Gouvernement pour sauvegarder l'habitat inclusif et permettre son développement ? Envisagez-vous de soutenir financièrement les bailleurs publics et privés afin qu'ils prévoient la création de logements adaptés dans toute construction nouvelle et d'imposer un certain nombre de logements destinés à l'habitat inclusif pour chaque nouvelle construction ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - L'habitat inclusif fait l'objet d'échanges interministériels visant à concilier la préservation du lien social avec l'impérieuse nécessité de protéger les plus fragiles, particulièrement exposés en cas d'incendie.
En l'espèce, le bâtiment concerné comporte quinze logements répartis dans des étages accueillant des infirmes moteurs cérébraux reconnus comme handicapés sévères, les privant d'autonomie pour accomplir les actes de la vie quotidienne.
En application de la réglementation, la sous-commission départementale de sécurité a proposé au maire, après une visite sur place en avril 2022, le classement en ERP. Le propriétaire n'ayant pas mis son bâtiment en conformité avec la réglementation, le maire a pris un arrêté de fermeture le 8 décembre 2022 qui a fait l'objet d'un contentieux administratif. Le Conseil d'État a confirmé, le 20 février 2023, le statut d'ERP, en s'appuyant notamment sur la situation de fragilité des résidents.
Les porteurs de projets doivent donc intégrer que l'autonomie du public accueilli est un des critères déterminants du statut juridique de l'établissement.
Communes voisines des ZRR
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Le classement en zone de revitalisation rurale (ZRR) apporte des avantages fiscaux, sociaux et d'attractivité à quelque 18 000 collectivités. Mais les communes limitrophes de ces zones rencontrent des difficultés, notamment pour attirer des professionnels de santé, faute de pouvoir offrir un régime aussi intéressant que les ZRR voisines. Des réflexions sont-elles en cours pour amoindrir cet effet frontière, afin que ces communes, qui ont elles aussi des besoins, ne soient pas pénalisées ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Il existe en effet un dispositif d'exonération fiscale pour les médecins généralistes exerçant dans une commune en ZRR.
Le dispositif ZRR prend fin au 31 décembre 2023, il convient donc d'en imaginer les nouveaux contours. J'y travaille depuis l'été 2022. Ce travail s'appuie, pour partie, sur le rapport des sénateurs Espagnac et Delcros, mais aussi sur une mission conduite par le préfet Philizot.
Les effets de frontière inhérents aux ZRR sont bien identifiés, notamment en matière de déserts médicaux. Cette problématique rejoint aussi, pour partie, celle des communes rurales membres d'un EPCI non classé en ZRR.
Des annonces seront faites prochainement sur l'avenir des ZRR, mais également sur une nouvelle déclinaison de l'agenda rural. Elles s'inscriront dans un plan national à destination des territoires ruraux, qui apportera des solutions concrètes et adaptées aux problématiques de chaque territoire. J'aurai alors plaisir à vous le présenter.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Merci de ces éléments. Je salue le travail de nos collègues Delcros et Espagnac, et j'espère que la réflexion engagée permettra de conforter les ZRR et d'apporter des solutions aux communes riveraines.
Lors d'un déplacement à Migennes dans l'Yonne, Jean Castex s'était dit prêt à y travailler dans le cadre d'un PLF ou d'un PLFSS. Nul doute que nous aboutirons.
Potentiel fiscal et financier des communes
M. Bruno Belin . - La loi NOTRe du 7 août 2015 a été un séisme pour nombre de collectivités. Les départements ont perdu la clause de compétence générale, la compétence économique, mais aussi des compétences de proximité symboliques comme le transport scolaire, au profit de grandes régions sur lesquelles il y aurait beaucoup à dire. Notons au passage que la création de ces grandes régions n'a permis aucune économie de fonctionnement.
Ce fut un cataclysme pour les communes les plus rurales, que l'on a fait rentrer, souvent contre leur gré, dans des communautés urbaines - je pense à des exemples dans la Vienne, autour de Poitiers. Elles ont ainsi vu leur potentiel financier doubler, voire tripler. Conséquence : un effondrement de leur DGF. Asphyxiées, des communes comme Liniers, Bonnes ou Cloué ne sont plus en mesure d'investir, faute de pouvoir boucler leur budget de fonctionnement. Que compte faire le Gouvernement pour les aider ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Le potentiel fiscal et le potentiel financier communal retranscrivent de manière objective, en neutralisant les choix budgétaires et de gestion, le niveau de ressources libres d'emploi qu'une commune est en mesure de retirer de la fiscalité locale et de la fiscalité transférée, mais aussi la richesse qu'elle tire de son appartenance à un EPCI à fiscalité propre, via la fiscalité économique, les prélèvements ou reversements fiscaux intercommunaux ou encore la répartition des attributions de compensation décidées par le conseil communautaire. Ce mode de calcul assure la comparabilité du niveau de ressources potentielles et la répartition objective et équitable des composantes de la DGF au niveau national.
Le niveau local joue toutefois un rôle essentiel pour assurer une plus grande solidarité entre les communes. Il dispose pour cela d'outils de péréquation dédiés, comme la révision libre des attributions de compensation ou l'institution d'une dotation de solidarité communautaire, mais aussi d'un dispositif de répartition locale de la DGF afin de définir des règles de réallocation des attributions de DGF. Avec l'ensemble de ces outils, les collectivités peuvent donc faire jouer la solidarité intercommunale.
M. Bruno Belin. - L'Évangile selon saint Bercy est bien connu. La réalité du terrain est toute autre. Pour avoir présidé une intercommunalité, je connais bien le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) : il nécessite l'unanimité du conseil communautaire ! Autant dire que cela ne marche jamais.
Il faut absolument créer des fonds de compensation pour sauver les communes rurales. (MM. Olivier Cigolotti et Vincent Segouin applaudissent.)
Décompte de l'objectif ZAN
M. Cédric Vial . - Lors du Congrès des maires, Mme la Première ministre a confirmé l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) en 2050, précisé que les objectifs seraient territorialisés et différenciés, et indiqué que les projets d'envergure nationale seraient décomptés à l'échelle nationale. Toutefois, des questions subsistent.
En Isère, l'entreprise STMicroelectronics a annoncé une extension de son usine qui doublera la capacité de production, avec à la clé la création de plus de mille emplois. Ce projet entre dans la stratégie nationale de soutien de la filière électronique. Dès lors, cette extension sera-t-elle décomptée à l'échelle nationale ? Tiendra-t-on compte uniquement du tènement foncier, ou aussi des conséquences de l'arrivée de mille nouveaux salariés en termes de logements, de services publics et d'équipements ?
S'il n'est pas décompté au niveau national, ce projet impacterait l'enveloppe foncière disponible de trois Scot (Schémas de cohérence territoriale) différents, empêchant toute autre forme de développement endogène. Leurs enveloppes ne pourraient être augmentées qu'en diminuant la capacité de développement des autres Scot régionaux pour conserver les objectifs à l'échelle du Sraddet (Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires), qui devra lui aussi être modifié. Compte tenu des délais de mise à jour de ces nombreux documents, l'entreprise ne pourra déposer de permis de construire avant plusieurs années ! Tous ces documents - Sraddet, Scot, plan local d'urbanisme - risquent même de bloquer tout projet important.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Veuillez excuser M. Christophe Béchu.
La Première ministre a réaffirmé l'objectif ZAN en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) sur la décennie 2021-2030. C'est indispensable pour stocker du carbone, préserver la biodiversité et nous protéger des impacts du changement climatique.
Le Gouvernement a indiqué qu'il souhaitait que les projets d'envergure nationale ne soient pas décomptés à l'échelle de chaque région, mais à l'échelle nationale, afin de mutualiser les efforts. Cette mesure est en cours de discussion dans le cadre de la proposition de loi sénatoriale sur le ZAN. Une réflexion est en cours sur le périmètre des projets économiques jugés d'intérêt national, avec des évolutions possibles dans le cadre du projet de loi Industrie verte.
Par ailleurs, la loi Climat et résilience prévoit déjà une mutualisation au niveau régional des projets d'envergure.
Inclure les besoins connexes induits par les projets d'ampleur nationale ou régionale conduirait à prendre en compte des projets purement locaux. Le Sénat n'y est pas favorable, et les amendements que vous avez portés sur le sujet n'ont d'ailleurs pas été adoptés.
Versement de MaPrimeRénov'
M. Olivier Cigolotti . - MaPrimeRénov' a incité les ménages et les entreprises, souvent artisanales, à se lancer dans des travaux de rénovation énergétique, entraînant une forte augmentation du nombre de dossiers.
Cependant, du fait des difficultés rencontrées par l'Agence nationale pour l'habitat (Anah), le versement se fait attendre, contraignant les bénéficiaires à consentir de lourdes avances de trésorerie. Certains se retrouvent à devoir négocier avec les banques, voire envisager la cessation d'activité.
Dans certains départements, dont la Haute-Loire, les difficultés de versement de MaPrimeRénov' remettent en cause l'existence même de certaines entreprises et pénalisent également les ménages, notamment les plus modestes.
Comment le Gouvernement compte-t-il accélérer et sécuriser le versement de cette prime indispensable à la rénovation énergétique du parc de logements ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - MaPrimeRénov', principale aide de l'État en matière de rénovation énergétique, a bénéficié à 1,4 million d'usagers depuis son lancement en janvier 2020. Dans un contexte de forte demande, avec l'extension des publics éligibles en 2021 et les primes exceptionnelles dans le cadre du plan de résilience Gaz en 2022, certains dossiers n'ont pu aboutir dans les délais habituels. Mais le nombre de cas est très limité.
L'Anah se mobilise pour fluidifier les parcours avec une équipe dédiée aux situations les plus difficiles, qui font l'objet d'un suivi individualisé.
Le délai moyen de traitement pour un dossier MaPrimeRénov' est inférieur à cinq semaines. Pour un dossier complet ne nécessitant aucun contrôle renforcé, il est d'environ deux semaines pour une demande de subvention et trois semaines pour le paiement. Lorsqu'un dossier nécessite des justificatifs complémentaires ou fait l'objet d'un contrôle sur place, ces délais peuvent être allongés et atteindre trois mois. Sans nier les difficultés, ramenons-les à leur juste proportion.
L'amélioration de l'information aux usagers est également une priorité. Ainsi, la création du service public France Rénov' en 2022, complétée par la montée en charge progressive de MonAccompagnateurRenov' en 2023, facilitera le parcours des ménages dans leur projet de rénovation.
M. Olivier Cigolotti. - Ce dispositif a suscité beaucoup d'intérêt, mais aussi de grandes déceptions, en raison des délais de paiement et des difficultés opérationnelles. Il est urgent de fluidifier le traitement des dossiers.
Préservation des moulins à eau
M. Vincent Segouin . - Certains moulins et seuils de l'Orne sont menacés par des arrêtés préfectoraux. Le Gouvernement a beau prétendre vouloir préserver notre patrimoine, les actes ne sont pas à la hauteur des attentes. Ce manque de considération à l'égard de notre héritage patrimonial conduit à sa disparition. Pire, il se traduit par la destruction volontaire de monuments historiques qui font la fierté et l'histoire de nos territoires.
Dans l'Orne, en 2010, le préfet a ainsi commandé l'effacement du seuil de la Bataille à Clécy, sans aucune discussion, alors qu'avait été proposé au préfet et à la Direction départementale des territoires un projet de microcentrale hydroélectrique par la réhabilitation d'un bâtiment historique remontant au XIIIe siècle. Nous ne nous en sommes pas remis.
De nombreux moulins historiques étant en passe d'être détruits, je m'interroge sur la constance de l'engagement du Gouvernement ou sur le respect de ses consignes par l'administration. En réponse à deux précédentes questions, vos prédécesseurs m'avaient pourtant assuré vouloir sauvegarder les moulins à forte valeur patrimoniale ou producteurs de petite hydroélectricité.
Quelles sont vos orientations en termes de continuité écologique, de préservation du patrimoine et de production propre ? Sont-elles partagées par l'ensemble des ministres concernés ? L'information est-elle relayée auprès des préfets et des administrations compétentes ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - La protection du patrimoine n'est pas incompatible avec la continuité écologique, et le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires travaille avec le ministère de la culture pour identifier les ouvrages nécessitant une attention particulière. Les effacements ou arasements de moulins, dans l'Orne et ailleurs, ne touchent en général qu'au seuil du moulin et peuvent être l'occasion d'en rénover des éléments clés.
Concernant le seuil de la Bataille à Clécy, la solution retenue a fait l'objet d'une concertation au sein de la commission locale de l'eau du Sage (schéma d'aménagement et de gestion de l'eau) Orne moyenne. Conformément aux recommandations du Sage, la hauteur de l'ouvrage a été réduite.
Les débats sur la loi d'accélération des énergies renouvelables ont rappelé que la contribution des moulins à la production d'électricité était modeste et ne pouvait justifier les atteintes au milieu aquatique.
Enfin, depuis août 2021, la loi interdit aux services de l'État de prescrire l'effacement d'un moulin en réponse à l'obligation de rétablissement de la continuité écologique. Des consignes en ce sens ont été passées et sont respectées. Néanmoins, un propriétaire peut toujours demander l'abrogation de son droit et souhaiter la remise en état du cours d'eau, plutôt que d'aménager et supporter les charges d'entretien d'un seuil. Il n'appartient pas aux services du ministère de s'opposer à une telle requête de la part du propriétaire exerçant son droit.
M. Vincent Segouin. - Ce ne sont pas les propriétaires qui demandent l'arasement des seuils, mais bien les organismes de sauvegarde de la continuité écologique, sans considération de la valeur patrimoniale ou du potentiel hydroélectrique. Pour les populations, c'est un traumatisme. Nous voulons une administration compréhensive et objective.
ZAN et circonscription portuaire
Mme Agnès Canayer . - L'Axe Seine est l'artère fluviale de notre pays. Son lien étroit avec Haropa, premier port commercial de France, en fait la route stratégique de notre politique exportatrice. Relais entre la capitale et la façade maritime, l'Axe Seine est aussi un outil majeur pour la réindustrialisation ; il est d'ailleurs inscrit depuis 2019 à l'initiative Territoire d'Industrie.
Mais que ce soit dans ses boucles ou dans son estuaire, la Seine sera concernée par le principe du ZAN, dont l'application stricte va entraver le développement des circonscriptions portuaires. Ainsi, l'usine H2V à Saint-Jean-de-Folleville, l'association Industries Caux Seine ou le projet Synerzip au Havre interdiront demain toute autre initiative dans les territoires sur lesquels ils sont implantés. Sans compte foncier séparé pour l'Axe Seine, la ligne nouvelle Paris-Normandie ou Haropa-Port, des projets locaux seront à l'arrêt, comme PJ3 à Port-Jérôme-sur-Seine.
Quid de la compensation environnementale et de l'absence d'incitation fiscale à la réutilisation des friches ? Madame la Ministre, comptez-vous inscrire dans les comptes fonciers nationaux les opérations d'aménagement dans les circonscriptions portuaires ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Chaque année, 20 000 ha d'espaces naturels, agricoles et forestiers sont consommés en moyenne en France. Les conséquences sont écologiques, mais aussi socioéconomiques. D'où l'objectif ZAN en 2050.
La loi Climat et résilience permet déjà à la région de mutualiser des projets d'envergure, comme ceux portés par Haropa port. La Première ministre s'est déclarée favorable à ce que les projets d'envergure nationale soient mutualisés à l'échelle nationale, afin que les territoires concernés ne soient pas pénalisés par leur implantation.
Lors de l'examen de la proposition de loi sénatoriale, le Gouvernement a présenté un amendement visant à intégrer explicitement les grands ports dans les grands projets d'envergure nationale. La rédaction englobe les actions ou opérations d'aménagement réalisées sur leur circonscription par un grand port maritime ou fluviomaritime de l'État, ou pour leur compte.
L'objectif de sobriété foncière est ambitieux, mais nécessaire. Pour accompagner les territoires, plusieurs aides sont déjà déployées, que ce soit à travers le renforcement de l'ingénierie territoriale, l'encouragement à la contractualisation ou la mobilisation de leviers fiscaux ou budgétaires, en particulier le Fonds vert doté de 2 milliards d'euros en 2023.
Mme Agnès Canayer. - Je ne remets nullement en cause l'objectif de sobriété foncière, mais attention à ne pas décourager les acteurs.
Survie de la ligne de l'Aubrac
M. Bernard Delcros . - La ligne de l'Aubrac, emblématique du Massif central, relie Clermont-Ferrand à Béziers et dessert les départements du Puy-de-Dôme, du Cantal, de la Lozère, de l'Aveyron et l'Hérault. Sur le plan économique, elle assure le fret pour l'usine Arcelor Mittal de Saint-Chély-d'Apcher, premier employeur du secteur. Sur le plan touristique, elle franchit le célèbre viaduc de Garabit, construit par Eiffel, et traverse le site classé des gorges de la Truyère.
Autant d'atouts qui ont conduit l'État à renouveler le classement de cette ligne en Train d'Équilibre du Territoire jusqu'en 2031, reconnaissant ainsi son intérêt national.
Malgré des travaux sur la ligne, l'absence d'anticipation et d'entretien sur certains tronçons a conduit à sa fermeture durant onze mois en 2021. Et selon plusieurs sources, la ligne pourrait à nouveau fermer dans les mois à venir si des travaux n'étaient pas engagés rapidement, notamment sur le tronçon entre Andelat et Loubaresse, dans le Cantal.
Classer une ligne ferroviaire d'intérêt national puis la fermer faute d'entretien ne serait ni cohérent ni acceptable. Pouvez-vous nous assurer que la ligne de l'Aubrac ne subira pas de nouvelle fermeture pour défaut d'entretien ou de travaux non effectués, et nous indiquer le calendrier des travaux envisagés pour l'éviter ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - L'État est pleinement engagé aux côtés des régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes en faveur des deux lignes interrégionales de l'Aubrac et des Cévennes et a intégralement tenu les engagements financiers pris au titre des contrats de plan État-région 2015-2022.
L'État a par ailleurs fait des propositions aux deux régions pour assurer le financement dans la durée des investissements nécessaires à leur sauvegarde, dans le cadre d'un projet de protocole d'accord interrégional destiné à donner une visibilité à dix ans. Je suis en attente de leur réponse.
Sur la ligne de l'Aubrac, certains rails, de type double-champignon, entre Neussargues et Saint-Chély-d'Apcher doivent être remplacés rapidement afin de pérenniser les circulations de voyageurs et de fret sur cette section. Je vous confirme que l'État est prêt à participer au financement. Les discussions sont en cours avec les régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes pour compléter le tour de table financier de ces travaux prévus en 2024.
M. Bernard Delcros. - Notre réseau de petites lignes ferroviaires est une chance pour le pays, pour la lutte contre le réchauffement climatique. La ligne de l'Aubrac est entièrement électrifiée et contribue à la mobilité en milieu rural, à laquelle je vous sais attachée. Ne la laissez pas tomber !
Nuisances sonores de l'aéroport de Lille-Lesquin
Mme Martine Filleul . - Si la modernisation de l'aéroport de Lille-Lesquin est nécessaire, son extension inquiète les 55 000 riverains et les élus.
L'Agence régionale de santé (ARS) a alerté sur l'effet des nuisances sonores dues à l'augmentation des vols de nuit sur l'apprentissage scolaire, les troubles du sommeil et les risques d'infarctus... Il faudrait instaurer un couvre-feu de 23 heures à 5 heures du matin. Cette mesure de bon sens s'applique aux autres aéroports comme Bâle-Mulhouse ou Nantes ; pourquoi pas à Lille ? Le Gouvernement, interpellé à plusieurs reprises par des parlementaires, esquive en arguant d'une étude d'impact, qui n'est pas nécessaire pour décider d'un couvre-feu. Allez-vous l'instaurer ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Le syndicat mixte, propriétaire de l'aéroport, et l'exploitant veulent porter le trafic de passagers de 2,2 millions en 2019 à 3,4 millions en 2039 - une ambition en légère baisse en raison des changements de pratiques et de la restructuration de la compagnie Hop, qui maintient la ligne vers Lyon mais abandonne les dessertes de Bordeaux, Nantes, Marseille, Nice et Toulouse. En 2022, le trafic était de 1,8 million de passagers, pour 13 683 mouvements, contre plus de 20 000 en 2019.
Le syndicat mixte et l'exploitant se sont engagés à plafonner le nombre de vols de nuit au chiffre de 2019, soit 1 566 mouvements, hors les vols d'avions de l'État et les vols sanitaires. Une étude d'impact selon la méthodologie de l'approche équilibrée, pilotée par le préfet du Nord, a été lancée à la demande du ministre des transports. Elle est imposée par la réglementation nationale avant la mise en place de toute mesure de restriction d'exploitation, et comprend des analyses socio-économiques et la concertation des parties prenantes. Elle déterminera les mesures de réduction du bruit et d'éventuelles restrictions d'exploitation adaptées à la situation locale et proportionnées. Une large concertation sera organisée, avec un point d'avancement lors de la réunion de la commission consultative de l'environnement en juin prochain.
Mme Martine Filleul. - La modernisation de l'aéroport est bienvenue. Mais votre réponse sur le plafonnement des vols de nuits ne me satisfait pas. J'accepte l'augure d'une étude d'impact, mais habitants et élus sont impatients de voir des mesures mises en oeuvre.
Pollution sonore autour de l'aéroport d'Orly
M. Jean-Raymond Hugonet . - L'association de défense des riverains de l'aéroport d'Orly (Drapo), présidée par M. Gérard Bouthier, rassemble plus de trente communes et trente associations. À leurs côtés, nous militons depuis plus de vingt ans pour une exploitation rationnelle de l'aéroport, qui prenne en compte la protection de la santé, le respect des droits des populations survolées, ainsi que les impératifs d'une activité territoriale responsable et durable. Le 12 juillet 2021, nous avons demandé l'application du règlement européen qui établit les normes et les procédures pour la réduction du bruit des grands aéroports ; il exige que les États membres désignent une ou plusieurs autorités compétentes, indépendantes de toute organisation participant à l'exploitation de l'aéroport.
Or, en désignant la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), l'État enfreint cette règle d'indépendance. En avril 2022, le Conseil d'État a reconnu que la DGAC n'était pas impartiale et a demandé à la Première ministre de nommer une nouvelle autorité indépendante dans les six mois. Dix mois après, la DGAC est toujours juge et partie ; pourquoi ? Il est grand temps d'agir pour protéger la santé des populations. Les riverains ont droit à être entendus et à voir leurs droits fondamentaux respectés.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Le trafic d'Orly est soumis à un ensemble de contraintes à visée environnementale strictement surveillées par les autorités locales de l'aviation civile. Depuis 1968, un couvre-feu est en vigueur entre 23 h 30 et 6 heures du matin. Le nombre de créneaux est plafonné à 250 000 par an.
Le plan de prévention du bruit dans l'environnement propre à l'aéroport a été adopté le 17 mars 2022. Seul plan avec un objectif de réduction du bruit quantifié, il prévoit de diminuer d'au moins six décibels l'indicateur moyen de gêne sonore ressenti entre 22 heures et 6 heures et de réduire de 50 % le nombre de personnes affectées par de fortes perturbations du sommeil. Une étude d'impact, selon l'approche équilibrée en application du règlement UE 598/2014, étudiera les mesures et les restrictions d'exploitation complémentaires éventuelles.
Un projet de décret portant désignation d'une nouvelle autorité compétente est soumis à l'examen du Conseil d'État ; c'est un préalable indispensable à la réalisation de l'étude d'impact.
Le Gouvernement reste attaché à la lutte contre les nuisances sonores.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Qu'en termes galants ces choses-là sont dites ! L'État bafoue une décision du Conseil d'État. Vous aviez six mois pour la respecter. Votre réponse est un sabir technocratique. Nous attendons que vous désigniez une autorité indépendante.
Méthodologie de la HAS sur des traitements ciblés contre le cancer
Mme Pascale Gruny . - Un article du Parisien du 8 février 2023 évoque un désaccord entre les médecins et la Haute Autorité de santé (HAS) concernant l'efficacité de certains traitements cibles contre le cancer qui disposent d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) et ont fait leurs preuves dans le cadre d'essais cliniques. Or la HAS estime les données cliniques actuelles insuffisantes pour considérer que le service médical rendu (SMR) justifie une prise en charge par la solidarité nationale.
Face à la maladie, tous nos concitoyens doivent bénéficier des meilleurs traitements. Pourquoi la HAS considère-t-elle que ces traitements ne devraient pas être remboursés ? Dispose-t-elle des outils nécessaires pour appréhender ces nouvelles thérapies ? La réglementation permet-elle de prendre en compte des études menées sur une population plus restreinte ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - M. François Braun m'a chargée de vous répondre.
L'évaluation des produits de santé vise à garantir que les médicaments autorisés sur le marché présentent un niveau d'efficacité suffisant et un profil bénéfices-risques favorable au vu des alternatives disponibles. Leur prise en charge repose en France sur une double exigence : d'une part identifier les médicaments justifiant une prise en charge, d'autre part, permettre à l'ensemble des patients éligibles d'accéder à ces médicaments.
La HAS évalue pour chaque médicament le SMR et l'amélioration du SMR par rapport aux alternatives existantes. Son niveau d'exigence est élevé, en particulier concernant les données soumises par les industriels. Des études cliniques comparatives randomisées en double aveugle restent un prérequis.
Néanmoins, ces études sont parfois impossibles. La Commission de la transparence tient compte de ces situations particulières en ce qui concerne les traitements pour lesquels la HAS a conclu à une absence de SMR. Cela ne s'assimile pas à un refus de remboursement puisque ces traitements, s'ils sont à destination du secteur hospitalier, sont pris en charge au travers des tarifs hospitaliers. Enfin, certains traitements font l'objet d'AMM conditionnelles : le rapport bénéfices-risques n'a pas encore été confirmé de manière certaine et l'Agence européenne des médicaments (EMA) conditionne cette autorisation à la collecte de nouvelles données.
Par ailleurs, notre système national de prise en charge précoce des médicaments permet un accès aux traitements présumés innovants pour les patients souffrant de maladies graves et rares pour lesquelles il n'y a pas d'autre traitement approprié disponible en France. Cela permet aux patients français d'accéder aux traitements les plus innovants, avant même qu'ils ne disposent d'une AMM.
Mme Pascale Gruny. - Les médecins qui expérimentent ces médicaments en essais cliniques déplorent ces pertes de chance pour leurs patients. La France est membre de l'Union européenne, or ces médicaments sont autorisés dans l'Union.
L'actuelle pénurie est en partie liée au prix ; les médicaments innovants sont plus chers. En matière de santé, c'est inaudible. La perte de chance est inexplicable pour les patients. J'espère que le ministre entendra cette demande.
Droit à mourir et fin de vie
M. François Bonneau . - À la suite de la deuxième phase de la convention sur la fin de vie organisée par le Conseil économique, social et environnemental (Cese), en février 2023, 75 % des citoyens interrogés se sont prononcés en faveur d'une aide active à mourir, qu'il s'agisse du suicide assisté ou de l'euthanasie, aux personnes majeures ou mineures sans que le pronostic vital ne soit nécessairement engagé.
Toutefois, la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, ainsi qu'un rapport du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) publié en 2022, suggèrent que l'aide à mourir doit être circonscrite à des conditions strictes, telles qu'une affection grave et incurable ou bien lorsque le pronostic vital est engagé. C'est le cas dans de nombreux pays - Belgique, États-Unis, Autriche, Pays-Bas - où l'aide à mourir a été encadrée.
Même si l'accompagnement de la fin de vie doit être réformé au vu du « mal mourir », la mauvaise prise en charge de la souffrance met également en lumière les inégalités d'accès aux soins palliatifs : selon un rapport du Sénat de 2021, 26 départements ne disposaient pas d'unité de soins palliatifs ou d'au moins un lit pour 100 000 habitants en 2019.
Quelle est la position du Gouvernement sur la fin de vie et le droit à mourir, et quelles politiques seront mises en oeuvre pour améliorer l'accompagnement de la souffrance en fin de vie, notamment pour renforcer l'accès aux soins palliatifs ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Le Président de la République a souhaité qu'un débat soit organisé à différents niveaux : convention citoyenne, commissions des affaires sociales des deux assemblées, Cour des comptes. La mission que je mène avec Olivier Véran et des parlementaires et professionnels de santé s'articule autour de débats thématiques sur l'anticipation, la culture palliative, l'accompagnement du deuil, la reconnaissance des aidants, pour définir une future stratégie d'accompagnement de la fin de vie.
J'ai demandé la rénovation de la circulaire de 2008 relative à l'offre de soins palliatifs. La troisième édition de l'Atlas des soins palliatifs souligne les progrès réalisés : si vingt départements ne disposent pas d'une unité, 171 équipes mobiles de soins palliatifs sont déployées sur l'ensemble du territoire national, qu'il s'agisse de lits de soins palliatifs en établissement sanitaire comme en services de soins de suite et de réadaptation. Lors de mes déplacements, j'ai rencontré des soignants, personnels et bénévoles très investis et mus par une profonde humanité.
Si beaucoup a été fait, je souhaite passer un nouveau cap. Le dialogue national sur la fin de vie est loin d'être achevé. Quelle qu'en soit l'issue, gardons à l'esprit le caractère profondément singulier, douloureux et complexe de chaque fin de vie.
M. François Bonneau. - Je ne doute pas de votre volonté. Mais dans les pays où la législation est la plus avancée, les unités de soins palliatifs sont parfois les grands perdants. (Mme la ministre le conteste ; M. Loïc Hervé applaudit.)
Impact du prix des médicaments sur les entreprises
Mme Laurence Harribey . - Les entreprises produisant des médicaments matures rencontrent d'énormes difficultés en raison du prix des médicaments. L'inflation accroît le coût des intrants et de l'énergie, la réglementation est toujours plus contraignante, tandis que le prix des médicaments est fixé par un accord-cadre avec le Comité économique des produits de santé (Ceps). À chaque loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), les budgets pour l'achat de médicaments matures sont réduits, ce qui précarise ces entreprises. Or il y va de la souveraineté sanitaire et de l'accès de nos concitoyens à ces médicaments. Comment la disposition prévoyant que le Ceps puisse fixer le prix des médicaments en tenant compte de l'impératif de sécurité d'approvisionnement est-elle effectivement mise en oeuvre ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Le ministre François Braun m'a chargée de vous répondre. La tarification d'un médicament s'appuie majoritairement sur sa valeur clinique, notamment son niveau d'amélioration du service médical rendu (SMR). Un nouveau critère de tarification, créé par la LFSS 2022, prend mieux en considération la sécurité d'approvisionnement du marché français. Le Ceps a élaboré une doctrine de critères d'éligibilité et de niveau de valorisation, qui peut dorénavant être mise en pratique pour les entreprises commercialisant des produits essentiels. Lorsque le prix n'est plus compatible avec un maintien sur le marché, l'article 28 de l'accord-cadre prévoit une hausse si les critères d'éligibilité prédéfinis sont réunis.
Les postes de surcoût sont actuellement ceux liés à la matière première. Toutefois, un élargissement au surcoût lié à la production dans sa globalité pourrait être envisagé pour des médicaments critiques. Une liste de médicaments stratégiques d'intérêt sanitaire est en cours d'élaboration avec les sociétés savantes afin de définir les molécules concernées.
Les conclusions de la mission interministérielle sur les mécanismes de régulation et de financement des produits de santé sont attendues pour l'été. Parmi ses principaux objectifs : le renforcement de notre tissu productif, notamment pour les produits matures, dans un objectif de souveraineté sanitaire, et l'attractivité des territoires pour les industriels et la relocalisation de produits de santé stratégique.
Mme Laurence Harribey. - L'article 28 de l'accord-cadre ne prévoit une hausse de prix que lorsque l'arrêt de la production ou de la commercialisation empêcherait de couvrir un besoin thérapeutique, alors qu'il s'agit de garantir la diversification des approvisionnements. Lors d'une audition, un interlocuteur me confiait qu'une seule augmentation de prix avait été consentie, pour 2 centimes d'euros la boîte. Le Ceps est placé sous la tutelle du Gouvernement : il est de votre responsabilité que cette mission aille beaucoup plus loin.
Financement des projets prévus dans le Ségur de la santé
M. Guy Benarroche . - Les investissements prévus dans le cadre du Ségur de la santé voient leur prix augmenter avec la hausse des prix de l'énergie et des matières premières. Ainsi, les hôpitaux concernés, lourdement déficitaires et vivant déjà sous perfusion financière de l'Agence régionale de santé (ARS), ne peuvent cofinancer les projets prévus.
Dans les Bouches-du-Rhône, les deux projets de centres hospitaliers - Salon-de-Provence, avec un apport de 78 millions d'euros de l'ARS sur un total de 130 millions d'euros, et Aubagne avec un apport de 92 millions d'euros de l'ARS sur 115 millions d'euros - font face à des surcoûts de 30 % environ.
Ils en deviennent difficilement soutenables. À Aubagne, où devait émerger un campus de la santé, on envisage de retirer le volet médico-social du projet et de revoir son dimensionnement capacitaire. Actuellement, le projet est estimé à 140 millions d'euros sans le médico-social.
On ne construit pas un nouvel hôpital uniquement au regard du budget, mais en fonction des besoins en santé de la population pour les cinquante prochaines années. Quel soutien financier supplémentaire l'État prévoit-il ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Les effets conjugués de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine augmentent les coûts de construction.
Les porteurs de projets, plus prudents, reconsidèrent leurs estimations et provisionnent des aléas économiques cohérents avec l'inflation. Les réévaluations s'élèvent à 30 % par rapport à la programmation initiale du Ségur. Les établissements peuvent difficilement absorber une telle augmentation. Nous cherchons à identifier des sources de financement complémentaires pour équilibrer leur plan de financement. Les collectivités locales ont été sollicitées. Les ARS travaillent au rééchelonnement de certains projets.
Le projet d'Aubagne est celui pour lequel l'aide de l'ARS est la plus élevée en région Paca. En effet, nous entendons consolider la place qu'occupe le centre hospitalier Edmond Garcin dans l'offre sanitaire de proximité de l'est des Bouches-du-Rhône. Compte tenu de sa situation financière dégradée, l'ARS a prévu un niveau d'accompagnement très important. Le projet médical et le projet immobilier sont actuellement en cours de consolidation et donnent lieu à des échanges avec l'établissement, la préfecture et la Direction départementale des territoires et de la mer.
C'est dans ce contexte qu'a été retenue une approche différenciée entre volets sanitaire et médico-social, ce qui pourra entraîner un décalage dans le calendrier. Cette réflexion intègre la question de l'implantation des sites, de la recomposition de l'offre et du développement d'une offre innovante. Il ne s'agit pas d'un report sine die du volet médico-social mais d'une maturation de la réflexion afin de prendre en compte les spécificités propres au développement d'un tel projet.
Protection universelle maladie pour les Français établis hors de France
M. Ronan Le Gleut . - L'instauration de la protection universelle maladie (PUMa) a des conséquences néfastes pour certains Français établis hors de France. Ainsi, une personne en situation de handicap vivant en Argentine avec ses parents retraités s'est vue désaffiliée de la sécurité sociale. De nombreuses femmes ayant suivi leur mari à l'étranger font face aux mêmes difficultés à l'heure de leur retraite.
Avant la réforme, le statut d'ayant droit majeur permettait aux personnes qui ne remplissaient pas les conditions - notamment les épouses ou les personnes en situation de handicap sans activité professionnelle - d'être affiliées à l'assurance maladie par le biais de leur conjoint ou d'un parent. La réforme a supprimé ce statut, créant une situation profondément injuste pour nos compatriotes résidant hors Union européenne, dans les pays sans convention bilatérale de sécurité sociale ou dans ceux où la convention bilatérale n'inclut pas les membres de la famille. Ils ne peuvent plus bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé lors de leurs courts séjours en France, sauf à prendre une assurance supplémentaire auprès de la caisse des Français de l'étranger, ce qui double le montant de leur cotisation.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour que nos compatriotes continuent à bénéficier de la protection de l'assurance maladie lors de leurs séjours en France ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - La réforme de 2016 instaurant la PUMa permet à toute personne travaillant ou résidant en France de manière stable et régulière de bénéficier de la prise en charge de ses frais de santé. Pour justifier de la stabilité de sa résidence en France, une personne n'exerçant pas d'activité professionnelle doit fournir un justificatif de résidence ininterrompue en France depuis plus de trois mois. Certaines catégories de personnes n'ont pas à justifier de cette condition, notamment les membres de la famille qui rejoignent ou accompagnent un assuré d'un régime de sécurité sociale obligatoire français. Le code de la sécurité sociale établit une liste des personnes dispensées de la condition de résidence ininterrompue de plus de trois mois. Si les Français de l'étranger ne sont pas mentionnés en tant que tels, ils peuvent dans certaines conditions bénéficier de cette prise en charge à leur retour en France.
La PUMa n'a pas modifié le critère de résidence stable de trois mois, qui existait déjà pour bénéficier de la couverture maladie universelle (CMU). Au contraire, elle a simplifié les démarches de l'assuré et des ayants droit pour mieux garantir la continuité de la prise en charge.
Hôpital de Carpentras
M. Jean-Baptiste Blanc . - À Carpentras, la partie service public du pôle santé public-privé devra fermer la nuit ses services d'urgences et de maternité à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi du 26 avril 2021, le 3 avril prochain, et peut-être définitivement. L'intensification de l'intérim médical a conduit à une surenchère des rémunérations ; les plannings de garde deviennent très dépendants de ces médecins, qui représentent 40 % du total à Carpentras. Or ces derniers ne souhaitent pas continuer à travailler au tarif imposé par la loi, soit 1 170 euros bruts par mission de 24 heures. À quinze jours de l'entrée en vigueur de la loi Rist, la situation des hôpitaux est insoluble. Tous les services sont désorganisés. Les 90 000 habitants du Comtat Venaissin - 200 000 en été - seront dirigés vers l'établissement centre d'Avignon, déjà submergé.
L'heure n'est plus aux discussions sur la revalorisation des praticiens hospitaliers ou le numerus clausus ; il faut trouver des médecins avant le 3 avril. La proximité est un enjeu majeur de l'efficacité de la médecine d'urgence. Le 3 avril, chacun, sur le territoire, aura-t-il accès à un service d'urgence ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - La loi du 26 avril 2021 vise à lutter non contre l'intérim, mais contre ses dérives, avec des tarifs qui peuvent atteindre 6 000 euros pour 24 heures. Le plafonnement des rémunérations à 1 170 euros bruts n'est pas appliqué ; c'est pourquoi la loi Rist prévoit des contrôles. Sa mise en oeuvre, après plusieurs reports, a été fixée au 3 avril. Il est de notre responsabilité de faire appliquer la loi votée.
Les ARS travaillent avec tous les acteurs locaux pour assurer la continuité des soins, avec des solutions alternatives au cas par cas, dans une logique de solidarité territoriale. Au sein du ministère des solidarités et de la santé, une organisation dédiée a été constituée pour identifier les situations signalées par les élus.
La mise en oeuvre de la loi Rist nécessite de revoir les rémunérations des vacataires. À Carpentras, le centre hospitalier met en oeuvre des plans de continuité d'activité, notamment lors des périodes de tension. Des leviers RH vont être mobilisés par autorisation du directeur général de l'ARS : augmentation de la prime de solidarité territoriale, recours à l'emploi contractuel, adaptations organisationnelles.
Maison de retraite de Cabannes et Novès
M. Stéphane Le Rudulier . - Le dialogue entre l'exécutif et les élus locaux est difficile, et le couple maire-préfet vanté par le Président de la République au dernier congrès des maires reste peu opérant. La fermeture de l'Ehpad intercommunal de la Durance à Cabannes en est une nouvelle illustration. Plus que le fond, c'est la forme qui heurte, avec un manque de considération des élus locaux, du personnel et des pensionnaires. Le maire a en effet appris la fermeture par une communication orale du directeur le 16 novembre dernier. Aucune communication officielle de l'ARS ne l'a confirmée depuis. Tous les résidents ont été transférés sur un autre site. Au-delà du choc psychologique, la commune a la responsabilité de proposer une réaffectation des bâtiments, sans accompagnement ni compensation.
La petite commune rurale de Cabannes, avec ses 4 400 habitants, est frappée par la désertification. Après le bureau de poste en 2020, cette nouvelle fermeture relève de la double peine.
Confirmez-vous officiellement la fermeture, et êtes-vous en mesure de proposer un plan d'accompagnement aux élus locaux pour la reconversion des bâtiments ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - La situation de la maison de retraite est suivie par le ministère depuis de nombreux mois. Le 19 janvier 2023, l'ARS a adressé un courrier au maire de la commune, Gilles Mourgues, pour lui rappeler que les difficultés n'étaient ni récentes, ni conjoncturelles et proposer une rencontre. La situation s'est aggravée à l'automne, lorsque les fournisseurs ont bloqué les comptes et refusé de livrer les commandes. Il fallait une solution structurelle, portant notamment sur la question du double site de l'établissement.
Le 21 février, le conseil d'administration a décidé le transfert des lits du site de Cabannes vers celui de Novès ; la transformation du pôle d'activités et de soins adaptés (Pasa) de jour de Novès en Pasa de nuit ; et enfin la création d'un centre de ressources territorial couvrant en priorité la commune de Cabannes. Les résidents de Cabannes ont été transférés, avec un accompagnement personnalisé pris en charge par un psychologue. Le personnel titulaire a été entièrement repris à Novès.
Défense du pluralisme associatif
M. Denis Bouad . - Le travail essentiel des associations du secteur sanitaire et social a été salué pendant la crise du covid. Or le secteur est marqué par la forte expansion de grands groupes souvent situés en zone urbaine ; la logique de prestation qui régit de plus en plus les relations entre les pouvoirs publics et les associations contribue à cette tendance.
On observe ainsi la multiplication des appels à projets et appels à manifestations d'intérêt qui alimentent la concurrence, souvent au détriment des associations intermédiaires qui génèrent de l'emploi local et développent une réelle expertise sur leur territoire. Nous avons tout intérêt à préserver le pluralisme associatif.
Comment allez-vous préserver le tissu local et rééquilibrer le rapport de force faussé entre les grands groupes et les associations intermédiaires ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Le pluralisme de notre tissu associatif doit en effet être préservé. Insertion, hébergement, accompagnement social : les associations petites et grandes du secteur sanitaire et social réalisent un travail essentiel auprès des plus fragiles.
Il faudrait objectiver la polarisation que vous évoquez, mais n'opposons pas petites et grandes associations, qui bien souvent opèrent en complémentarité.
Les ministres des solidarités et de l'agriculture ont lancé le programme Mieux manger pour tous, doté de 60 millions d'euros pour 2023, dont l'un des objectifs est de soutenir les démarches innovantes des territoires. Nous avons soutenu les associations avec des mesures de revalorisation salariale liées au Ségur, nous continuons à le faire avec le bouclier tarifaire.
Les assises de la simplification associative en cours donneront lieu à une feuille de route à laquelle les présidents et bénévoles des associations de toute taille seront associés.
M. Denis Bouad. - J'entends votre réponse, mais j'attire votre attention sur les difficultés des associations de proximité.
Frais de déplacement des aides à domicile
Mme Else Joseph . - Le conseil départemental des Ardennes a porté l'indemnité kilométrique à 45 centimes pour le personnel des services d'aide à domicile. C'est une première depuis 2008, mais les départements ne peuvent à eux seuls supporter les charges : 600 000 euros de plus, c'est epsilonesque vu de Paris, mais dans les Ardennes, cela représente un point de fiscalité. Il faut faire des choix, et nous n'avons pas voulu sacrifier l'aide à domicile.
Ne laissez pas seuls nos conseils départementaux. Infirmières territoriales, libérales et aides à domiciles se dépensent sans compter, alors que leurs conditions de travail se dégradent. Les infirmières territoriales, en particulier, ont un rôle précieux auprès des commissions Mobilité ou dans l'évaluation de la perte d'autonomie.
Comment appuyer les métiers de l'aide à domicile, les revaloriser, assurer leur attractivité, à quelques jours de la journée nationale des aides à domicile ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Le Gouvernement a pris des engagements forts pour l'attractivité de ces métiers, notamment en agréant l'avenant 50 de la convention collective de la branche de l'aide à domicile, qui a porté l'indemnité kilométrique de 35 à 38 centimes. L'indemnité carburant de 100 euros pour ceux qui empruntent leur voiture pour se rendre au travail, dans un plafond de revenus de 14 700 euros annuels par part fiscale, complète ce soutien.
Citons aussi le forfait mobilités durables, une exonération de cotisations pour l'indemnisation des mobilités douces, adopté dans de nombreux établissements sociaux et médico-sociaux via des accords collectifs locaux. Les conseils départementaux peuvent enfin cofinancer l'achat ou la location de véhicules et la constitution de flottes.
Il faut réfléchir ensemble à des mesures complémentaires. Jean-Christophe Combe a fait de la mobilité des professionnels un point d'attention spécifique du volet Bien vieillir du Conseil national de la refondation.
Mme Else Joseph. - Le département des Ardennes est au bord de l'asphyxie, et je ne suis pas convaincue que vos réponses amélioreront l'attractivité de ces métiers.
Décret du 23 février 2022 et pensions d'invalidité
M. Philippe Mouiller . - La nouvelle méthode de calcul introduite par un décret de février 2022 a entraîné la suspension du versement de la pension d'invalidité pour les personnes dont les revenus d'activité dépassent le plafond annuel de la sécurité sociale, à compter de septembre 2022. Cela a aussi entraîné la suspension du versement des rentes de prévoyance, qui étaient liées à la pension d'invalidité, d'où une double peine pour les travailleurs handicapés concernés. Certains envisagent de cesser toute activité.
Ce texte va à l'encontre de l'esprit de la réforme, censée faciliter le cumul emploi-ressources. Quelles mesures urgences allez-vous prendre pour mettre fin à ce qui est vécu comme une véritable injustice ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - La réforme mise en oeuvre par le décret du 23 février 2022 vise, pour les personnes handicapées qui souhaitent conserver ou reprendre une activité rémunérée, à ce que toute heure travaillée conduise à un gain financier. Les 60 000 personnes concernées pourront mieux cumuler leur activité et leur pension, avec un nouveau seuil de comparaison au salaire antérieur limité au plafond de la sécurité sociale.
J'entends les inquiétudes : certains assurés dont les revenus étaient supérieurs au plafond de la sécurité sociale verront leurs revenus diminuer. Des mesures rectificatives, dont un relèvement du plafond, seront envisagées pour permettre le maintien des pensions pour la grande majorité des personnes concernées.
Je confirme que les réclamations d'indus adressées par certaines caisses primaires d'assurance maladie sont nulles et non avenues. Quant à la suspension du versement de pensions complémentaires par les organismes de prévoyance, elle est, selon notre analyse, en contravention avec le droit existant. Nous allons trouver rapidement une solution concrète.
M. Philippe Mouiller. - Vous semblez avoir conscience de la situation, mais il y a urgence. Nous serons attentifs à vos propositions.
Exclus du Ségur
M. Daniel Chasseing . - La mise en oeuvre du Ségur de la santé a entraîné des disparités parmi les employés des établissements médico-sociaux, d'où des incompréhensions. Pour l'obligation vaccinale, tous étaient considérés comme des soignants, ce qui est bien normal - mais par pour le Ségur ! Un cuisinier, une lingère, un agent d'entretien perçoivent la revalorisation s'ils sont employés dans un Ehpad, mais pas s'ils relèvent d'une maison d'accueil spécialisée (MAS). Il est difficile pour les directeurs d'expliquer la situation, qui peut provoquer des démissions.
Les techniciens de radiologie et de radiothérapie exerçant en clinique sont eux aussi exclus des augmentations, alors qu'ils sont en contact permanent avec le public.
Le Gouvernement compte-t-il prendre en considération ces revendications et élargir les revalorisations du Ségur ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - L'État a, avec les départements, augmenté de 4 milliards d'euros les rémunérations des 700 000 salariés du secteur sanitaire, social et médico-social, soit près de 183 euros nets par mois en moyenne. Cela concerne notamment les personnels de la fonction publique hospitalière des MAS rattachées à un établissement de santé ou à un Ehpad. L'année dernière, le Gouvernement a étendu les revalorisations à 200 000 salariés exerçant des fonctions d'accompagnement socio-éducatif. Ces filières bénéficient d'un réel gain d'attractivité.
Pour le personnel administratif, technique et logistique hors fonction publique hospitalière, il est indispensable de construire une convention collective unique pour le secteur social et médico-social. C'est la condition d'une revalorisation durable. L'État et l'Association des départements de France ont annoncé être prêts à mobiliser 500 millions d'euros pour faire aboutir ces travaux.
M. Daniel Chasseing. - Ma question portait surtout sur les Ehpad et les MAS relevant de la compétence de l'État.
Diffusion de la théorie du genre
Mme Laurence Muller-Bronn . - La Caisse d'allocations familiales (CAF) a mis en ligne sur son site une campagne intitulée « Mon enfant est transgenre, comment bien l'accompagner ? ». Sa communication s'appuie sur des citations d'associations militantes, sans avis contraire, ce qui contrevient aux principes de neutralité et d'impartialité du service public. Les autorités portent la responsabilité des conséquences d'affirmations susceptibles d'induire les familles en erreur.
Une tribune signée par des médecins et publiée par Le Figaro demande au ministère de faire retirer cette page, proposant une réflexion avec des spécialistes qui alertent sur les manipulations mentales dont peuvent être victimes les adolescents sur les réseaux sociaux. Or la page n'a été modifiée qu'à la marge.
Autre exemple, une campagne du Planning familial avec pour slogan « Au Planning, on sait que les hommes aussi peuvent être enceints ! » ou encore la définition des « règles survenant chez des personnes qui ont un utérus », qui gomme le mot « femme ». Cet organisme s'éloigne ainsi de ses missions d'intérêt général, notamment la défense des droits des femmes.
Qu'allez-vous faire pour que le principe de neutralité et d'objectivité soit respecté ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - Le regard médical et sociétal sur la transidentité a évolué. La France, en 2010, l'a retirée de la liste des maladies mentales, et la modification de la mention du sexe à l'état civil a été démédicalisée en 2016. La ministre Isabelle Rome a lancé le 25 janvier les travaux du prochain plan d'action gouvernemental contre la haine et les discriminations anti-LGBT.
Le nombre de personnes transgenres est estimé entre 20 000 et 60 000. Ce sont - faut-il le rappeler ? - des citoyennes et citoyens à part entière protégés par le droit français, européen, international. En permettant aux personnes qui souhaitent s'engager dans une démarche de changement de genre de le faire, la CAF est bien dans son rôle de prévention, et l'information qu'elle diffuse a vocation à assurer l'effectivité des droits pour toutes et tous. Nous maintenons une vigilance absolue sur le sujet et je vous remercie, à titre personnel, de cette question !
Fraude sociale
M. Christian Klinger . - Selon la Cour des comptes, les fraudes sociales détectées coûteraient plus d'un milliard d'euros. Je n'ose imaginer le montant réel : cartes Vitale actives en surnombre, pensions de retraite perçues grâce à la non-déclaration d'un décès, allocations versées indûment, sans oublier les pratiques d'escroquerie sophistiquées.
Tout cela révèle les failles de notre système social. La Cour des comptes, pour qui les organismes sociaux luttent mal contre les fraudes, a demandé au Gouvernement de faire aboutir en 2022 le recoupement automatisé des fichiers des organismes sociaux avec ceux du fisc - toujours repoussé. En mai dernier, le Gouvernement indiquait que ce rapprochement serait effectif fin 2022.
Où en sont les organismes sociaux dans le rapprochement systématique des coordonnées bancaires utilisées avec celles du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - La lutte contre toutes les fraudes, priorité du Gouvernement, donne de plus en plus de résultats.
Les redressements réalisés par les Urssaf ont presque atteint 800 millions d'euros en 2022, soit 46 % de plus qu'en 2017.
Les caisses des allocations familiales (CAF) ont détecté 351 millions d'euros de fraudes aux prestations en 2022, 21 % de plus qu'en 2017.
Le Gouvernement a donné une nouvelle impulsion : résorption quasi complète du stock de cartes Vitale surnuméraires, passé de 600 000 à environ 3 000 ; fermeture accélérée des droits à la protection universelle maladie pour les assurés ne satisfaisant plus aux conditions de résidence stable et régulière ; rapprochement automatisé des coordonnées bancaires déclarées en ligne avec le fichier des comptes bancaires dont le déploiement s'effectue progressivement à l'ensemble de la sphère sociale sur 2023.
Le ministre Attal s'engage à vous présenter un nouveau plan de lutte dans le projet de loi de finances pour 2024.
M. Christian Klinger. - Je me réjouis que le croisement des fichiers se fasse en 2023 : c'est la meilleure méthode.
Double imposition des fonctionnaires franco-belges
M. Yan Chantrel . - La convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 pose le principe que les fonctionnaires français employés en Belgique par l'État français sont imposables en France, mais que les ressortissants belges employés en Belgique par l'État français sont redevables de leurs impôts en Belgique.
Afin d'éviter une double imposition des fonctionnaires franco-belges, un accord amiable a été signé et publié au Moniteur belge du 9 novembre 2009 pour y remédier. Mais la Cour de cassation du Royaume de Belgique a considéré le 17 septembre 2020 qu'il était « dépourvu de force obligatoire ». Depuis, les fonctionnaires binationaux franco-belges subissent une double imposition qui a plongé des familles dans des situations dramatiques, les montants réclamés pouvant atteindre plusieurs milliers d'euros.
Le 9 novembre 2021, une nouvelle convention fiscale a été signée, mais elle n'a toujours pas été ratifiée, et le nombre de cas de double imposition ne cesse de se multiplier.
Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas encore déposé de projet de loi d'approbation ? Les autorités fiscales belges rembourseront-elles bien les sommes perçues auprès des fonctionnaires binationaux déjà imposés par la France ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - La nouvelle convention fiscale clarifiera la situation en appliquant le principe de l'imposition par l'État qui verse les revenus - clause conforme au modèle de l'OCDE et courante dans les nouvelles conventions.
La Cour de cassation belge a effectivement jugé que l'accord amiable de 2008 était contraire à la convention encore en vigueur. Cela a donné lieu à des échanges approfondis et constructifs avec la Belgique.
J'invite tous les Français concernés à se rapprocher du service juridique et du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques (DGFiP) qui fera le lien avec les autorités belges. Le Gouvernement fait tout pour proposer la nouvelle convention à la ratification du Parlement dans les meilleurs délais.
Déploiement de la fibre
M. Pierre-Jean Verzelen . - Dans l'Aisne comme dans d'autres départements, un appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii) a été lancé il y a dix ans pour le déploiement de la fibre. Orange s'est engagé à y procéder dans les agglomérations de Saint-Quentin et Laon, et à Soissons. Pour le reste du département, c'est un réseau d'initiative publique (RIP) qui a pris le relais, avec succès, puisque 757 communes - la quasi-totalité des communes rurales - ont été fibrées gratuitement. Dans les zones de l'Amii, en revanche, on est loin du compte.
L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) peut infliger des pénalités, voire suspendre le déploiement. En espérant ne pas avoir à aller jusque-là, que compte faire le Gouvernement pour que l'opérateur tienne parole ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - En juillet 2018, le Gouvernement a accepté par arrêté, après avis favorable de l'Arcep, les engagements proposés par Orange sur la zone Amii - 59 communes dans l'Aisne - avec des échéances en 2020 et 2022.
Le Gouvernement est pleinement conscient des efforts de l'ensemble des acteurs, notamment au regard de la crise sanitaire. Mais les chiffres de l'observatoire de l'autorité de régulation montrent que certains engagements d'Orange ne sont pas tenus.
C'est pourquoi l'Arcep, sur demande du Gouvernement, a ouvert une procédure aboutissant à une mise en demeure - décision attaquée par l'opérateur devant le Conseil d'État, qui instruit actuellement le dossier.
La France s'est fixé l'objectif ambitieux de la généralisation de la fibre optique à horizon 2025. Jean-Noël Barrot et moi saluons le travail engagé par les collectivités et le conseil départemental de l'Aisne qui ont raccordé 757 communes. Vous pouvez compter sur notre détermination pour que tout le territoire soit équipé de la fibre en 2025.
Sites de Buitoni à Caudry et de Tereos à Escaudoeuvres
M. Frédéric Marchand. - En 2022, le scandale des pizzas contaminées à la bactérie E. coli a occasionné une fermeture de huit mois de l'usine Buitoni à Caudry. Après une reprise partielle, le 2 mars 2023, le groupe Nestlé a annoncé la suspension de l'activité de l'usine, avec semble-t-il l'intention de la fermer, jetant les 160 salariés dans l'inconnu. Pourtant, leur savoir-faire et leur sérieux ne sont plus à démontrer et l'usine de Caudry dispose d'un potentiel industriel performant.
Autre coup de poignard, le géant Tereos a annoncé la fermeture de la sucrerie d'Escaudoeuvres, avec ses 123 salariés. Que va devenir la cité du sucre sans son sucre ? Pourquoi la fermer, alors qu'elle se trouve dans une zone de production de betteraves moins touchée que d'autres par la jaunisse en 2020 ? Cette décision inacceptable va à l'encontre des engagements pris par Tereos en 2020 et 2021.
Les deux géants de l'agroalimentaire ont réalisé des millions d'euros d'investissements sur les deux sites pour s'en débarrasser de manière inattendue.
Le 13 mars, le ministre de l'industrie est venu rencontrer les dirigeants et les salariés des deux sites ; il a demandé des comptes aux deux groupes et des garanties pour les salariés. Où en est le dossier ? Toute la région dénonce ce coup de force.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - À Caudry, la direction a annoncé une suspension temporaire faute de commandes nécessaires. Il est impératif que Nestlé trouve une solution pour maintenir les emplois et la production sur site.
À Escaudoeuvres, des explications précises ont été demandées à la direction, explications que nous attendons toujours. Il est inadmissible qu'une entreprise qui s'est engagée à ne pas réduire son empreinte industrielle prenne une telle décision sans justification.
En tout état de cause, le Gouvernement veillera à ce que chacun des 260 salariés concernés se voit proposer une solution et un point de sortie acceptable, au sein de son entreprise ou ailleurs.
Normes de commercialisation de la viande de volaille
M. Bernard Buis . - Depuis 2022, la Commission européenne a lancé une modification des règles d'étiquetage des modes d'élevage des volailles, qui n'autorisent actuellement que cinq mentions valorisantes afin que le consommateur soit bien informé et les volailles fermières mieux identifiées.
Or le projet présenté par la Commission fin 2022 propose de supprimer cette règle, ce qui risque d'entraîner l'apparition d'un grand nombre de mentions incontrôlées. C'est une menace tant pour le modèle avicole français que pour la production de volailles alternatives. En Auvergne-Rhône-Alpes, plus de 50 % des surfaces de bâtiments de production avicole sont consacrées aux filières fermières comme le Label rouge et le bio.
Quelle est la position du Gouvernement sur ce projet manifestement contraire aux objectifs du Green Deal européen et de la stratégie « de la ferme à la table » ? Que prévoit-il pour s'y opposer ? Dans quel sens les négociations évoluent-elles ? Quand la décision sera-t-elle prise ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - Deux points du projet de texte transmis en janvier aux États membres ont suscité l'inquiétude des professionnels : l'obligation d'étiqueter la viande de canard ou d'oie issue de la production de foie gras avec la mention « issue de foie gras », et l'ouverture des mentions valorisantes dans l'étiquetage de la viande de volaille, faisant peser un risque de concurrence déloyale et de tromperie des consommateurs - sujet qui me touche particulièrement.
La France a engagé auprès de la Commission un intense travail qui a porté ses fruits, puisqu'elle a soumis à l'avis des États membres un projet de texte qui satisfait les professionnels avec le retrait de l'obligation de la mention « issue de foie gras » et le maintien de l'exclusivité de l'utilisation des mentions « plein air ».
La France restera mobilisée sur ce projet de texte qui doit encore passer plusieurs étapes avant sa publication d'ici quelques semaines.
Lutte contre les parasites des cerisiers
M. Mathieu Darnaud . - En Ardèche comme ailleurs, chanterons-nous encore le temps des cerises ? Alors que les 855 ha de cerisiers ardéchois s'apprêtent à fleurir, les arboriculteurs se sentent désarmés face à la drosophila suzukii, qui peut détruire de 30 à 100 % des récoltes.
Après l'interdiction du diméthoate en 2016, la Commission européenne a refusé de renouveler l'homologation du phosmet, alors que les solutions alternatives, notamment à base d'insectes stériles, ne sont pas encore opérationnelles.
Bien sûr, il existe des filets anti-insectes, mais leurs effets sont très limités, on l'a vu en 2022 dans les vergers du Gard. Ils sont de plus chers et complexes à installer sur des terrains accidentés.
Madame la Ministre, le Gouvernement s'était engagé à ne pas interdire de produit phytosanitaire en l'absence d'alternative efficace. Prévoyez-vous de déroger à l'interdiction du phosmet et du diméthoate ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - La France n'envisage pas de réautoriser ces deux molécules toxiques pour l'homme.
Marc Fesneau a chargé le délégué ministériel pour les alternatives aux produits phytopharmaceutiques de coordonner un groupe de travail associant les principaux acteurs de la filière cerise et de la recherche agronomique pour envisager une palette de solutions disponibles sans risques avérés pour la santé humaine.
Nous avons ainsi reçu quatre demandes de dérogation : cyantraniliprole, benzoate d'emamectine, kaolin et spinosad. L'une a déjà été octroyée, les trois autres sont en cours d'examen.
Nous avons aussi demandé à la Commission européenne d'abaisser sans délai la limite maximale de résidus en phosmet sur les cerises afin de s'assurer que les cerises importées en 2023 en soient exemptes.
Enfin, le ministre de l'agriculture a indiqué à la filière qu'il était prêt à examiner la faisabilité d'un accompagnement financier en cas d'attaques massive de drosophila suzukii.
Souveraineté alimentaire française
M. Yves Détraigne . - Les obstacles s'accumulent pour les exploitations agricoles : fin de la dérogation sur les néonicotinoïdes et interdiction du S-métolachlore ; nouveaux règlements techniques imposés à la filière fruits et légumes ; législations hors sol en matière viticole ou encore signature d'accords de libre-échange qui portent atteinte à la production française... À chaque fois, des contraintes franco-françaises viennent saper la compétitivité de nos producteurs : seules 68 % des substances autorisées en Europe peuvent ainsi être épandues en France.
Résultat, notre pays est l'un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent et où les importations alimentaires ont doublé. Or de nombreux pays sont nettement moins précautionneux et laissent leurs agriculteurs libres d'utiliser des traitements interdits en France. Ni notre balance commerciale, ni notre bilan carbone ne peuvent se réjouir de ces choix. Quand en finirons-nous avec ces surtranspositions ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - L'Union européenne autorise 453 substances, dont 294 en France - l'un des pays européens avec le plus de substances autorisées. Seules sept substances ont été interdites au niveau national : cinq néonicotinoïdes en 2016 et deux substances au mode d'action identique. Depuis, quatre de ces substances ont été interdites à l'échelle européenne et une cinquième est interdite en usage extérieur. La surtransposition est donc à relativiser.
Mais il faut effectivement changer de stratégie. C'est tout l'objet de la planification écologique voulue par la Première ministre : soutien à la recherche et l'innovation pour trouver des alternatives ; concertation avec les parties prenantes pour identifier les impasses.
Depuis 2017, nous avons posé un certain nombre de fondamentaux : lois Égalim, réciprocité des normes dans les accords commerciaux, Varenne de l'eau.
Marc Fesneau vous présentera bientôt son projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles.
Écoles d'architecture
Mme Céline Brulin . - À Rouen comme ailleurs, les écoles nationales supérieures d'architecture se mobilisent pour dénoncer le manque de moyens, les contrats précaires et les sous-effectifs administratifs. La création de quelques CDD de remplacement ne suffira pas à apaiser leur colère. Leur grande fragilité financière les contraint à multiplier les réponses à des appels à projets et à solliciter des fonds privés.
La loi de finances pour 2023 fixe l'indice de rémunération des enseignants contractuels et vacataires à 410, soit à peine 1 500 euros mensuels, le 49.3 ayant balayé nos amendements plus favorables. La prochaine loi de finances fixera-t-elle cet indice à 517, soit 2 000 euros mensuels, comme le souhaitent les personnels ?
Un arrêté du 24 avril 2018 ne reconnaît pas l'enseignement des langues étrangères, bloquant titularisations et évolutions de carrière pour ces enseignants.
La dotation annuelle par étudiant est de 8 500 euros en école d'architecture, contre 10 500 à l'université et plus de 15 000 pour les grandes écoles. Pourquoi un tel écart ? C'est d'autant plus injuste pour des écoles éloignées des Crous.
Les écoles d'architecture auront à relever les nouveaux enjeux de la transition écologique. Le ministère de la transition écologique ne pourrait-il pas contribuer à leur financement, aux côtés de la culture et de l'enseignement supérieur ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture . - Je suis moi aussi convaincue que nos 20 000 étudiants en école d'architecture nous permettront de penser la ville de demain. D'où mon projet de créer un prix pour valoriser des projets liés à la transition écologique.
À l'école nationale supérieure d'architecture de Normandie, le cumul de congés a conduit à repousser la rentrée du second semestre d'une semaine. Une solution a été trouvée et les représentants des personnels seront à nouveau reçus par mes services.
Depuis 2017, les efforts consentis ont été considérables : les écoles d'architecture ont bénéficié de 111 titularisations et de 80 créations de postes ; 17 postes sont créés en 2023 et la revalorisation des rémunérations a été actée ; les crédits de fonctionnement ont augmenté de 7 % depuis 2019 et les travaux d'investissement ont mobilisé 75 millions d'euros depuis 2021 ; les budgets de fonctionnement et d'investissement augmenteront de 20 % en 2023. La dotation annuelle par étudiant en école d'architecture n'est pas de 8 500 mais de 11 000 euros.
Il demeure des inquiétudes légitimes et le dialogue se poursuit. Nous pourrons en reparler dans le cadre du budget pour 2024.
Accès à l'honorariat au grade supérieur pour les réservistes
M. Cédric Perrin . - Le 26 Janvier 2022, un membre du Gouvernement nous rappelait que l'obtention de l'honorariat au grade supérieur pour les réservistes n'était pas de droit ; elle dépend en effet, en vertu d'un décret de 2019, d'une décision de l'autorité militaire fondée sur des critères précis. Mais cette procédure et ces critères ne sont toujours pas définis. Une révision imminente nous était annoncée, à la lumière des conclusions d'un groupe de travail.
La semaine dernière, j'ai appris qu'un nouveau groupe de travail avait été mis en place en novembre dernier, dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM). Un projet de décret serait prochainement soumis au Conseil d'État. Voilà trois ans et demi que nous attentons. Pourquoi un nouveau décret ? Quelles étaient les conclusions du premier groupe de travail, balayées par le Gouvernement ?
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire . - Les attentes concernant la réserve sont fortes dans le cadre de la prochaine LPM. Le ministre des armées a mis en place six groupes de travail, dont un sur l'avenir de la réserve militaire, afin de la rendre plus attractive. Dans cette optique, un projet de décret modifie les règles relatives à l'honorariat. Il a reçu l'avis favorable du Conseil supérieur de la fonction militaire à l'été 2022. Actuellement soumis à la consultation interministérielle, il devrait être examiné par le Conseil d'État avant la fin du premier semestre 2023.
Établissements ne bénéficiant pas des responsabilités et compétences élargies
M. Philippe Bonnecarrère . - L'institut national universitaire Champollion d'Albi est le deuxième établissement le plus sous-encadré de sa catégorie. Les mesures de rattrapage dont bénéficie ce type d'établissement ne disposant pas des RCE (responsabilités et compétences élargies) - créations d'emplois Staps, complément financier -, ne se traduisent pas dans la réalité en raison de plafonds d'emplois inchangés.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire . - Depuis trois ans, les échanges autour des moyens et des emplois des établissements ne disposant pas des RCE se sont renforcés dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion, autour d'un constat partagé de la situation des établissements, de leurs contraintes et de leurs besoins.
Depuis 2017, l'effort financier en faveur de l'institut Champollion est significatif, avec 5,6 millions d'euros supplémentaires pour le fonctionnement et 2,2 millions d'euros supplémentaires de subvention pour charges de service public. Son plafond d'emplois a été relevé d'une unité en novembre 2022, puis de quatre début 2023. Le ministère assure un suivi fin des consommations des emplois, afin d'éviter un abattement du plafond d'emplois en loi de finances qui résulterait d'une vacance sous plafond supérieure à 1 %. Son rehaussement n'est pas automatique, il n'intervient qu'en cas de saturation du plafond.
M. Philippe Bonnecarrère. - Je ne partage pas votre satisfaction. L'institut Champollion est le deuxième établissement le plus sous-doté de France ! Il faut une vraie programmation pluriannuelle et un vrai dialogue annuel avec chacun des établissements.
Statut de l'administrateur ad hoc
Mme Frédérique Puissat . - Depuis un décret de 1999, aucun texte n'est venu encadrer la profession d'administrateur ad hoc, dont le champ d'intervention augmente pourtant régulièrement. Contrairement aux autres mandataires judiciaires, l'administrateur ad hoc ne bénéficie d'aucun statut : absence de formation obligatoire, absence de déontologie, missions floues, exercice hétérogène des mandats, indemnisation dérisoire. Des propositions de loi ont été déposées à l'Assemblée nationale. Envisagez-vous un décret ou un projet de loi ?
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire . - Veuillez excuser l'absence de M. le garde des sceaux. Nous partageons votre constat : l'administrateur ad hoc, véritable parrain judiciaire, est un acteur clé de l'accompagnement du mineur dans une procédure pénale, en cas de conflit d'intérêts ou de vacance dans la représentation des intérêts du mineur.
Ses modalités de nomination et d'intervention sont fixées dans le code de procédure pénale. On compte environ 6 000 interventions annuelles. Son recrutement doit être plus rapide, sa désignation plus souple. Sa compétence doit être assurée et vérifié, notamment via des formations. Ses missions méritent d'être précisées et mieux contrôlées. La tarification de ses missions doit être repensée. La création d'un véritable statut est donc prochaine.
Mme Frédérique Puissat. - Cela me rassure. Les recrutements sont parfois légers et l'application hétérogène selon les territoires. N'hésitez pas à vous appuyer sur les professionnels de terrain, je pense notamment à ceux de l'Isère.
Délais de justice
Mme Brigitte Lherbier . - Les délais de justice pour obtenir une audience puis une décision sont trop longs. Les tribunaux n'arrivent plus à faire face, en dépit de l'engagement des personnels. À Lille, le manque de personnel au tribunal judiciaire est patent. On le constate dans toutes les branches du droit : pénal, du travail, civil, commercial, de la construction... On compte quelque 270 ordonnances de placement d'enfants en danger non honorées dans le Nord.
Les états généraux de la justice avaient pour ambition de rendre justice au citoyen. Comment accélérer les procédures ? Comment les nouveaux recrutés seront-ils formés ? Ces recrutements concerneront-ils toute la chaîne judiciaire ? Quel est l'état de notre justice ? Arrêtez de nous parler de stock, il s'agit de personnes dont les dossiers douloureux sont en attente et que nous recevons dans nos permanences.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire . - Comme vous, nous sommes préoccupés par la question cruciale des délais de justice. Les états généraux ont montré que nos concitoyens trouvaient la justice trop lente. Nous avons déployé des moyens supplémentaires historiques afin de diviser par deux les délais moyens. Le recrutement de 2 000 contractuels devrait permettre de réduire de 20 à 28 % le nombre de dossiers en attente en matière civile.
Mais nous devons aller plus loin. C'est ainsi que le garde des sceaux a lancé un plan d'action pour le recrutement de 1 500 magistrats et 1 500 greffiers sur le quinquennat, après trente ans d'abandon budgétaire, politique et humain. Une loi de programmation de la justice viendra pérenniser ces efforts historiques sur le temps long, pour une justice plus rapide, plus efficace et plus proche du justiciable. La procédure pénale sera simplifiée et l'amiable développé, car c'est aussi un moyen de réduire les délais. Le Gouvernement continuera à travailler en intelligence avec le Sénat pour améliorer la justice de notre pays.
Abandon de la filière gaz
M. Pierre-Antoine Levi . - Depuis 2022, l'installation d'une chaudière à gaz dans un logement individuel neuf est interdite. Elle devrait l'être dans les logements collectifs à compter de 2025. Mais des incertitudes subsistent : la rénovation est-elle concernée ? Cette politique d'interdictions radicales suscite aussi des inquiétudes : notre réseau électrique sera-t-il capable de faire face ? Les surcoûts pour les ménages et les bailleurs seront-ils compensés ? La filière gaz, qui risque la perte de plusieurs milliers d'emplois et de ses savoir-faire, est inquiète.
Ne commettons pas la même erreur qu'avec le nucléaire, où ingénieurs et techniciens nous font cruellement défaut après la volte-face du Président de la République. Que comptez-vous faire pour soutenir la reconversion de la filière, si vous confirmez son abandon ?
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire . - Veuillez excuser l'absence de Mme Agnès Pannier-Runacher. Le Président de la République a fixé des objectifs très ambitieux en matière de transition énergétique, afin que notre pays soit le premier grand pays industriel à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.
La RE2020 a fixé en 2022 une première échéance pour les maisons individuelles ; les logements collectifs et les bâtiments tertiaires seront concernés en 2025. L'interdiction ne concerne pas les logements existants.
Des alternatives existent : réseau de chaleur, pompes à chaleur, géothermie de surface, solaire, biomasse, etc. Désormais, MaPrimeRénov' ne subventionne plus l'achat de chaudières au fuel ou au gaz. De nouvelles perspectives s'ouvrent pour les entreprises désireuses de s'engager dans ces solutions d'avenir.
Le Gouvernement est mobilisé pour accompagner les filières, avec le renforcement de l'aide au raccordement au réseau de chaleur, le fonds Chaleur et le plan Géothermie. Nous travaillons au développement de l'industrie française des pompes à chaleur.
Enfin, le biogaz doit aussi être soutenu, au regard de sa capacité d'injection dans les réseaux. Réduire notre consommation globale de gaz n'est pas incompatible avec un développement fort du biogaz, pour sortir au plus vite des énergies fossiles.
Contrôle des norovirus dans les productions conchylicoles
M. Mickaël Vallet . - La conchyliculture est fréquemment touchée par des épidémies de norovirus en raison de dysfonctionnements des stations de traitement des eaux : les conchyliculteurs n'en sont pas responsables, mais ils en font les frais. La méthode d'interdiction interroge, car la détection du génome du virus dans les coquillages ne dit rien de l'infectiosité du virus.
Des discussions sont en cours au niveau européen. Où en est le programme de recherche Oxyvir 2 ? Il permettrait de mesurer le caractère infectieux du virus grâce à un indicateur viral externe. Fonder une interdiction de vente sur la présence du norovirus, sans danger pour le consommateur, est un non-sens, car ce sont les bactériophages qui sont dangereux. Une purification d'une vingtaine de jours suffirait à les éliminer. Nous avons besoin d'une approche scientifique rationnelle. Peut-on compter sur le soutien du Gouvernement ?
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire . - Je suis également concernée, dans l'Hérault. Veuillez excuser l'absence d'Hervé Berville. L'étude Oxyvir a été lancée pour mesurer l'infectiosité des norovirus. L'Ifremer y travaille également. À la suite de résultats prometteurs, le programme Oxyvir 2 a été lancé en 2021. Les décisions doivent être prises au plus près des risques encourus par les consommateurs, afin d'éviter la fermeture injustifiée de sites. L'étude devrait être finalisée d'ici quelques mois, avant d'être présentée à la Commission européenne. Nous travaillons avec les collectivités pour améliorer leur gestion des eaux et accompagnons les producteurs lors des crises.
La séance est suspendue à 12 h 40.
Présidence de M. Alain Richard, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de deux projets de loi tendant à autoriser l'approbation de conventions internationales.
Pour ces deux projets de loi, la Conférence des présidents a retenu la procédure d'examen simplifié.
Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale du 6 novembre 2014 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie est adopté.
Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays?Bas relatif à la coopération en matière de défense et au statut de leurs forces sur les territoires caribéens et sud-américains de la République française et du Royaume des Pays?Bas est définitivement adopté.
Favoriser les travaux de rénovation énergétique (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour le Sénat de la CMP . - Je me réjouis de l'accord intervenu en CMP sur cette proposition de loi ; le texte qui en est issu est équilibré et reprend largement les apports du Sénat.
Il offre un nouvel outil de financement pour relever l'immense défi de la transition écologique des bâtiments publics - pour un coût de 500 milliards d'euros d'ici à 2050. Il convient d'accompagner les collectivités territoriales dans la réalisation des travaux nécessaires à l'atteinte des objectifs fixés par la loi.
Le mécanisme prévu débloquera nombre de projets locaux en faisant partiellement reposer le financement des travaux sur les économies d'énergie qui en résulteront, le coût initial étant pris en charge par un tiers-financeur.
Nous avons tenu à encadrer cette dérogation au code de la commande publique. En particulier, nous étions attachés au principe d'une évaluation, qui prendra fin au bout de cinq ans. Il importe de prévenir tout accident financier, étant entendu que le tiers-financement représente, au total, un coût supérieur pour l'acheteur public.
Il ne s'agit pas d'une solution miracle, mais d'une solution complémentaire bienvenue, qui ne nous dédouanera pas d'une réflexion d'ensemble sur la transition environnementale à l'échelle locale. Nous insistons pour que l'évaluation prévue soit effective.
Le texte adopté par la CMP à l'unanimité est presque identique à celui que nous avons voté le mois dernier ; il prévoit en outre la transmission de l'étude préalable aux autorités délibérantes et un encadrement de la durée des marchés.
Je vous invite à voter ce texte pourvoyeur de solutions locales pour améliorer le quotidien des usagers et respecter nos engagements de décarbonation. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - La synthèse du sixième rapport du Giec nous rappelle l'urgence d'accélérer notre transition en avançant sur la décarbonation. Les bâtiments, responsables de 23 % de nos émissions de gaz à effet de serre, sont un enjeu crucial.
Le chantier est colossal pour l'État et les collectivités territoriales, dont le bâti représente 30 % du parc tertiaire national. Avec 75 % du parc public, les collectivités territoriales sont en première ligne.
Cette proposition de loi ouvre le tiers financement pour faciliter les travaux de rénovation énergétique. Alors qu'ils représentent un investissement important pour les collectivités territoriales, le code de la commande publique interdit tout paiement différé dans les marchés globaux passés par les établissements publics. Il s'agit donc d'une avancée concrète, à titre expérimental.
Je salue l'esprit dans lequel ce texte a été conçu, dans le dialogue avec les élus locaux, ainsi que l'apport décisif du Sénat. Le texte élaboré en CMP est un bel exemple de compromis dans l'intérêt général. Je remercie la rapporteure pour son engagement.
Il ne s'agit ni d'une réforme du code de la commande publique ni d'un désengagement de l'État, qui se mobilise à travers d'autres dispositifs : dotation de soutien à l'investissement local Rénovation, appels à projets des certificats d'économie d'énergie, fonds chaleur de l'Ademe, fonds vert. À ce jour, nous avons reçu 5 000 demandes de subvention dans le cadre du fonds vert, dont 2 150 portent sur la rénovation thermique de bâtiments. Par ailleurs, le plan de rénovation des écoles pourra s'appuyer sur le tiers-financement, aux côtés d'un dispositif mis en oeuvre par la Banque des territoires.
N'opposons pas l'environnement aux enjeux économiques et sociaux. La rénovation du bâti ouvre des perspectives concrètes de réduction des dépenses et d'amélioration de la vie des usagers et des agents.
Ce texte est le fruit d'un consensus. Il favorisera la mobilisation de tous les acteurs du bâtiment au service de la décarbonation du secteur. Je ne doute pas qu'il sera largement adopté et vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Louis Lagourgue applaudit également.)
M. le président. - Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Explications de vote
M. Éric Bocquet . - Comme chacun ici, nous sommes très attachés au débat sur la transition écologique.
Les dépenses en fluides constituent une part importante du budget des collectivités territoriales. Les bâtiments publics s'étendent sur près de 400 millions de m2, dont les trois quarts relèvent des collectivités territoriales. L'énergie nécessaire pour les chauffer représente 2,6 % de notre consommation d'énergie finale.
Nous saluons ce texte, mais restons dubitatifs sur l'effet de levier attendu. Nous reconnaissons que le tiers financement apparaît comme un outil adapté pour accompagner la rénovation énergétique, surtout pour les communes rurales. Toutefois, la CMP n'a pas apporté de réponse à nos interrogations sur les dépenses de mise aux normes électriques ou de mise en conformité avec les normes PMR (personnes à mobilité réduite), mais aussi sur la pénurie de main-d'oeuvre dans le bâtiment et l'impact du dispositif sur l'emploi des TPE-PME. Nous le regrettons.
Nombre d'élus ont dû faire des choix en matière de rénovation sans visibilité réelle, alors que la crise de l'énergie met en difficulté les finances locales.
Le groupe CRCE maintient sur ce texte sa position d'abstention bienveillante. Il ajustera éventuellement sa position en fonction des résultats de l'évaluation.
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe UC se réjouit de l'accord trouvé en CMP, sur un texte presque identique à celui que le Sénat a adopté à l'unanimité - moins l'abstention bienveillante du groupe CRCE.
Respecter les objectifs ambitieux des lois de 2009 et 2018 supposera de dégager 400 milliards d'euros d'ici à 2050. Nul besoin d'insister sur la nécessité de nouvelles ressources pour réduire les factures énergétiques des collectivités.
Ce texte instaure un nouvel outil au service de la stratégie de transition énergétique : un outil complémentaire, qui facilitera l'accès aux financements publics en les faisant partiellement reposer sur les économies d'énergie qui résulteront des rénovations.
Ce texte ne s'écarte de celui du Sénat que sur des points mineurs. Il instaure une expérimentation de cinq ans permettant aux contrats de performance énergétique (CPE) de déroger à certaines dispositions du code de la commande publique. La CMP a retenu l'extension défendue par le Sénat à la prise en charge de travaux par les EPCI et les syndicats d'énergie pour le compte de leurs membres.
Il conviendra de procéder à une évaluation rigoureuse de ce dispositif soutenu par l'ensemble des associations d'élus. Nous voterons les conclusions de la CMP.
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ce texte tombe à point nommé, alors que les crises auxquelles l'État et les collectivités territoriales font face sont multiples.
Il y a d'abord la crise écologique, face à laquelle il est nécessaire d'agir. Les constructions représentent un quart de nos émissions de CO2. Les bâtiments publics représentant 37 % du parc tertiaire, leur rénovation énergétique doit être une priorité. Elle doit aussi permettre aux Français de mieux vivre, malgré la répétition des aléas climatiques.
La crise est aussi géopolitique : alors que la guerre en Ukraine fait s'envoler le coût des énergies, nous payons notre dépendance au prix fort.
Enfin, il y a la crise économique, avec la multiplication par deux ou trois des factures des collectivités territoriales.
Dans ce contexte, les travaux de rénovation sont trop peu mis en oeuvre, en raison de coûts d'investissement très élevés - près de 500 milliards d'euros d'ici à 2050 pour respecter les obligations de la loi.
Le texte issu de la CMP ne diffère presque pas de celui du Sénat. Il autorise le tiers financement pour les travaux de rénovation énergétique, par dérogation au code de la commande publique, qui proscrit tout paiement différé. Ce mécanisme permettrait aux administrations de lisser dans le temps le coût des travaux.
Évitons l'émergence de mauvaises pratiques et de mauvaises dettes : la proposition de loi y veille, en encadrant le dispositif dans une expérimentation de cinq ans et en prévoyant un contrôle accru via l'étude de soutenabilité.
C'est un compromis satisfaisant, qui répond au devoir d'exemplarité de l'État et des collectivités territoriales à l'heure où beaucoup d'efforts sont demandés aux Français. Il améliorera les conditions d'accueil des usagers et les conditions de travail des agents. Le RDSE le votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Catherine Di Folco . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le législateur a, dès la loi Grenelle I de 2009, fixé des objectifs de réduction de la consommation d'énergie. Ces objectifs ont été amplifiés par la loi Élan : réduction de 60 % de la consommation d'énergie des bâtiments publics d'ici à 2050. Le défi est de taille.
Les collectivités territoriales, qui possèdent une bonne partie du bâti public, sont les premières concernées. Or leur foncier est aussi abondant que vieillissant ; dans le contexte actuel, les rénovations sont à la fois plus nécessaires et plus délicates. Nos auditions ont mis en évidence l'ampleur de la problématique.
Sans financements supplémentaires, les objectifs ne pourront pas être atteints. Les CPE demeurent rares : 380 signés entre 2007 et 2021 ; l'État lui-même n'y a eu recours que 24 fois.
Il fallait donc une réponse. C'est pourquoi le Sénat a accueilli favorablement cette proposition de loi et l'a enrichie grâce au travail de notre rapporteure, Jacqueline Eustache-Brinio.
Le recours au tiers-financement doit rester un complément : la politique de rénovation énergétique ne saurait se limiter à la recherche de fonds privés, et il ne s'agirait pas de risquer une fragilisation supplémentaire des finances locales. De ce point de vue, l'évaluation préalable au recours à ce mécanisme nous paraît essentielle.
La CMP est parvenue sans difficulté à un accord, en reprenant l'extension du dispositif aux EPCI et aux syndicats. La prise en compte de la durée d'amortissement des investissements dans la durée du marché global de performance est bienvenue.
Il conviendra d'évaluer soigneusement l'expérimentation après trois ans, puis après cinq, notamment pour observer les progrès réalisés dans la mise en oeuvre des objectifs nationaux.
Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Dany Wattebled . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Je me réjouis de l'accord trouvé en CMP. Grâce à cette proposition de loi, l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements pourront recourir au tiers financement : c'est une avancée majeure.
Le texte a bénéficié d'apports constructifs des deux chambres, dans le sens de la souplesse et de la simplicité. Il en résulte un outil facilitateur dont les collectivités sauront se saisir.
Le Sénat a voulu améliorer la transparence sur les engagements financiers. De fait, il importe d'anticiper précisément les conséquences de ce dispositif. Les contrats seront bien encadrés et faciliteront les projets de territoire pour réduire notre empreinte carbone.
Le Gouvernement remettra un rapport d'évaluation, ce qui sera très utile. Nous serons attentifs à la nature des projets accompagnés et aux catégories d'entreprises concernées.
Les effets du réchauffement se font ressentir, notamment à travers la sécheresse dramatique que nous connaissons. C'est pourquoi tous les outils sont les bienvenus. Faisons confiance aux élus locaux pour créer de nouvelles politiques vertueuses.
Le groupe Les indépendants soutient cette avancée concrète pour nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Guy Benarroche . - Le Giec nous implore à nouveau de prendre la mesure du changement climatique.
Le GEST et, plus largement, les écologistes, alertent de longue date sur les conséquences des passoires thermiques, pesant notamment sur les plus modestes.
La commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, dont nous avons été à l'initiative, rendra ses conclusions d'ici au mois de juillet. Nous considérons en particulier qu'il faut un reste à charge zéro pour les plus modestes.
Ces difficultés touchent le milieu rural et le milieu urbain. Les bâtiments des collectivités territoriales sont responsables de 76 % de leur consommation énergétique. Le secteur du bâtiment résidentiel et tertiaire est un enjeu majeur pour la stratégie bas-carbone.
L'effort de rénovation sur les écoles a été trop longtemps repoussé. Or le coût de la dette climatique est bien présent, lui ! C'est une double peine et un cercle vicieux : le renoncement aux travaux de rénovation maintient un niveau abyssal de dépenses énergétiques.
Le texte prévoit une expérimentation de cinq ans. Nous voterons cette expérimentation, mais non sans prudence : il ne faudrait pas que le secteur privé capte l'essentiel des bénéfices de ces opérations - souvenons-nous des abus des partenariats public-privé (PPP).
Plus largement, c'est bien la question du financement de la transition énergétique qui se pose. Ce mécanisme ne saurait être l'unique solution. Mettons en oeuvre le principe du pollueur-payeur, qui dégagera des financements importants.
Nos objectifs de rénovation ne pourront être atteints sans mécanismes d'accompagnement à la hauteur. Ce texte n'apporte que des réponses limitées : nous sommes loin d'une grande stratégie globale. Toutefois, le GEST le votera, tout en restant attentif aux dérives des marchés de rénovation. (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Claude Tissot applaudissent également.)
Mme Nadège Havet . - Cette proposition de loi issue du groupe Renaissance a été adoptée par l'Assemblée nationale le 19 janvier, puis par le Sénat le 16 février ; d'où la CMP conclusive. Je remercie les deux rapporteurs.
Ainsi, en moins de quatre mois, le tiers-financement aura été adopté par le Parlement en vue de soutenir la réalisation de travaux énergétiques. Il y a urgence, si nous voulons tenir les objectifs fixés par la loi Élan en 2019.
Quelque 500 milliards d'euros doivent être engagés dans les 25 prochaines années pour les bâtiments publics, qui représentent 400 millions de m2 à rénover.
Le groupe RDPI est à l'origine de la mission d'information sur le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique ; 12 millions d'élèves sont concernés.
Le dispositif proposé est une réponse innovante pour faire face à ces défis. Par dérogation au code de la commande publique, le paiement des travaux pourra être lissé, un tiers-financeur assumant le paiement immédiat. Il s'agit d'un nouvel outil au service de la transition énergétique, au côté des PPP - quasiment jamais utilisés par les collectivités territoriales en matière de rénovation - et des marchés globaux de performance.
Le compromis trouvé en CMP est très proche de la version votée par le Sénat.
En ce qui concerne l'article 1er bis, l'étude préalable devra démontrer qu'un tel contrat est plus favorable - et non pas au moins aussi favorable - que d'autres solutions. Mon groupe soutient cette formulation. La CMP a également précisé que la durée du marché global serait déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements : là aussi, nous y sommes favorables.
Le groupe RDPI votera ce texte, qui instaure un nouvel outil au service de la transition énergétique. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-Yves Leconte . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le sujet est majeur. Certes, nous n'allons pas résoudre le problème du réchauffement climatique avec ce texte. Mais le Parlement s'apprête à offrir un nouvel outil à l'État et aux collectivités territoriales pour répondre à un objectif majeur.
Beaucoup ont évoqué la loi Élan, je mentionnerai aussi le paquet Fit for 55. Le trilogue s'est conclu en décembre avec la création d'un marché carbone pour les bâtiments, ce qui renchérira le coût du chauffage. Les marchés carbone permettront d'abonder le fonds social pour le climat à hauteur de 25 %. Quelque 210 milliards d'euros sur 2027-2032 pourront ainsi être affectés aux efforts en faveur de la rénovation énergétique.
De nouveaux outils sont nécessaires pour rénover les 400 millions de mètres carrés des bâtiments publics. Recourir à un tiers-financeur peut être utile : le groupe SER votera ce texte, même si nous avons quelques inquiétudes.
Premièrement, l'effet rebond : on consomme davantage après une opération de rénovation énergétique. Or il faudra payer les travaux, ce qui peut conduire à fragiliser les finances des collectivités territoriales.
Deuxièmement, d'autres rénovations sont elles aussi indispensables, notamment en matière de sécurité ou pour conserver notre patrimoine. Ne restreignons pas trop le champ des rénovations.
Troisièmement, quels opérateurs auront recours à ces opérations ? Sans doute les plus grosses entreprises, et non les TPE-PME.
Monsieur le ministre, n'oublions pas nos établissements d'enseignement à l'étranger ! Ils sont gérés par une agence qui n'est pas autorisée à recourir à l'emprunt. J'espère donc que le mécanisme du tiers financement pourra jouer.
M. le président. - Conformément à l'article 42, alinéa 12, du Règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
La proposition de loi est adoptée.
La séance est suspendue quelques instants.
Relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat de la CMP . - Avec le tome III des lois Égalim, le législateur tente à nouveau de réguler les relations commerciales entre industriels et distributeurs, plus tendues que jamais dans un contexte d'inflation croissante.
Je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord en CMP sur des points cruciaux : rééquilibrage des rapports entre les acteurs, affirmation du caractère d'ordre public de notre droit commercial, protection de la valeur des matières premières agricoles (MPA), donc du revenu des agriculteurs.
Les discussions ont été vives, compte tenu des éléments nouveaux que le Sénat a introduits et des divergences de vues initiales entre les deux assemblées. Mais nous avons su trouver des compromis au service de l'intérêt général. Je tiens à souligner la qualité des échanges sur ce texte, entre nous comme avec son auteur, Frédéric Descrozaille.
La grande majorité des apports du Sénat ont été conservés par la CMP.
Premièrement, nous avons contribué à protéger l'emploi et l'investissement dans nos territoires, en mettant fin aux promos chocs - parfois jusqu'à 90 % - sur les produits non alimentaires, opérations destructrices de valeur. À l'heure où nous nous efforçons de réindustrialiser le pays, il est essentiel de préserver les entreprises du secteur de la droguerie, de la parfumerie et de l'hygiène (DPH), qui créent de l'emploi sur notre territoire.
Deuxièmement, nous avons complété la protection des matières premières agricoles au sein des négociations commerciales, pour une plus juste rémunération des agriculteurs. Depuis Égalim 2, les MPA sont sanctuarisées dans la négociation sur les marques nationales, mais pas pour les produits vendus sous marque de distributeur (MDD). C'est désormais chose faite.
Dans la même optique de protection des filières agricoles, la CMP a conservé l'exclusion de la filière des fruits et légumes du seuil de revente à perte plus 10 %, ou SRP+10. Depuis quatre ans, ce dispositif s'est avéré préjudiciable pour les producteurs de cette filière.
Troisièmement, nous avons favorisé la transparence des revenus issus de ce dispositif unique en Europe, soit 600 à 800 millions d'euros. C'est un chèque en blanc donné aux distributeurs, dont on espère qu'il bénéficiera aux agriculteurs. Nous nous sommes entendus avec les députés sur une fin de l'expérimentation en 2025, et non 2026.
Quatrièmement, les avancées du Sénat sur les pénalités logistiques ont été conservées. Si leur existence n'est pas contestable, ces pénalités doivent être utilisées à bon escient par les distributeurs.
Enfin, nous avons longuement débattu de l'article 3, destiné à s'appliquer si industriels et distributeurs ne se mettent pas d'accord au 1er mars. Le compromis trouvé offre la possibilité au fournisseur, à titre expérimental, de choisir entre cesser subitement de livrer et appliquer un préavis de rupture qui tienne compte des conditions de marché. Cette solution présente des inconvénients, qui je l'espère, ne seront pas trop importants. Mais c'est le propre d'une CMP que de rechercher des compromis...
Je vous invite à adopter ce texte qui comporte des avancées considérables en matière de rééquilibrage des relations commerciales et de protection de la rémunération des agriculteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Je salue l'accord trouvé en CMP sur la juste répartition de la valeur entre tous les maillons de la chaîne alimentaire.
Cette proposition de loi rééquilibrera les relations commerciales. Les ajustements apportés s'inscrivent dans la continuité des deux précédentes lois Égalim, qui ont déjà produit des effets significatifs, comme l'a montré l'Inspection générale des finances (IGF).
Ce texte va globalement dans le bon sens, notamment sur la nécessaire prolongation du dispositif expérimental de relèvement du seuil de revente à perte de 10 % pour les produits agricoles et alimentaires.
Le Sénat avait exprimé des doutes sur ce mécanisme, en proposant de le suspendre, le temps que l'inflation revienne à des seuils plus habituels. Le doute est toujours utile au débat... Pour ma part, j'ai rappelé qu'une alimentation de qualité produite sur nos territoires et dans le respect de l'environnement a un coût.
L'évaluation de l'expérimentation a été rendue difficile par la crise sanitaire et la guerre en Ukraine. Le Gouvernement a donc entendu les inquiétudes du Sénat et du monde agricole. Le Gouvernement demeure convaincu qu'une prolongation de trois ans aurait été plus efficace, notamment au regard de la désynchronisation des dates entre les promotions et le SRP+10. Mais l'équilibre trouvé est satisfaisant.
L'article 3, très discuté, avait pour objectif de répondre à un angle mort : les opérateurs ont un intérêt commun à ce que les flux de vente ne s'interrompent pas en cas d'échec des négociations annuelles. Je salue le travail de Mmes Primas et Loisier : les acteurs ont besoin de visibilité et de clarté. Le recours à la médiation est facultatif, ce qui accélérera les choses. Nous évitons ainsi les écueils des versions antérieures. L'apport décisif du Sénat doit être salué.
Le rehaussement des amendes administratives en cas d'échec après le 1er mars est une bonne chose.
L'encadrement des pénalités logistiques est renforcé, et vous avez veillé au caractère opérationnel. L'application de pénalités abusives ne saurait être un moyen de reconstituer les marges !
La proposition de loi consacre la compétence exclusive des tribunaux français pour connaître des litiges portant sur des négociations commerciales annuelles. Nous voulons lutter contre tous les contournements de la loi française.
La proposition de loi apporte des correctifs bienvenus à la loi Égalim 2 sur la clause de renégociation, sur la transparence ou sur les produits vendus sous MDD.
Je remercie la rapporteure et la présidente de la commission des affaires économiques pour la finesse de leur expertise. Jamais les divergences d'analyse ne nous ont fait perdre de vue les finalités poursuivies : protéger nos agriculteurs et notre souveraineté alimentaire. Nous devons continuer à emprunter ce chemin. (Applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc des commissions)
M. le président. - Je rappelle qu'en application de l'article 42 alinéa 12 du Règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.
En conséquence, les amendements seront mis aux voix, puis le vote sur les articles sera réservé.
Discussion du texte élaboré par la CMP
ARTICLE 2 TER B
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Le I du présent article entre en vigueur le 1er mars 2024.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Cet amendement répare un oubli en précisant l'entrée en vigueur de l'encadrement des promotions sur les produits non alimentaires à compter du 1er mars 2024.
M. Marc Fesneau, ministre. - Nous avions un désaccord sur ce point. Le dispositif ayant été voté et approuvé en CMP, sagesse.
L'amendement n°1 est adopté.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission.
Alinéa 6
Supprimer les mots :
ou à l'échéance de la durée d'un mois mentionnée à l'article L. 441-4-1
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Amendement de coordination juridique.
M. Marc Fesneau, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°2 est adopté.
ARTICLE 3 BIS
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission.
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« III. - En cas de situation exceptionnelle, extérieure aux distributeurs et fournisseurs, affectant gravement les chaînes d'approvisionnement dans un ou plusieurs secteurs, l'application des pénalités logistiques prévues par les contrats conclus en application du présent titre entre les distributeurs et le ou les fournisseurs intervenant dans ces secteurs et concernés par ladite situation peut être suspendue par décret en Conseil d'État, pour une durée maximale de six mois renouvelable. » ;
L'amendement de coordination juridique n°3, accepté par le Gouvernement, est adopté.
ARTICLE 6
M. le président. - Amendement n°4, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission.
I. - Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
I. - Le code de commerce est ainsi modifié :
1° L'article L. 441-8 est ainsi modifié :
II. - Alinéa 2
Remplacer la référence :
1°
par la référence :
a)
III. - Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
b) Au quatrième alinéa, après les mots : « deux premiers alinéas », sont insérés les mots : « du présent I » ;
IV. - Alinéa 3
Remplacer la référence :
2°
par la référence :
c)
V. - Compléter cet article par un alinéa et un paragraphe ainsi rédigés :
2° À l'article L. 954-3-5, après les mots : « premier alinéa », sont insérés les mots : « du I ».
II. - À l'article L. 631-25-1 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « troisième alinéa », sont insérés les mots : « du I ».
L'amendement de coordination juridique n°4, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Explications de vote
Mme Amel Gacquerre . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les prix des produits alimentaires ont bondi de 14,5 % entre février 2022 et février 2023, selon l'Insee. Une année noire ! Cette inflation frappe en premier lieu les plus modestes.
Agir pour le pouvoir d'achat ne signifie pas pénaliser nos PME, nos coopératives agricoles et nos exploitations.
Nous devions corriger le déséquilibre entre fournisseurs et distributeurs, défavorable aux producteurs - d'où la proposition de loi de Frédéric Descrozaille.
Ce texte complétera utilement les deux lois Égalim. Les principaux apports du Sénat ont été conservés, notamment la non-négociabilité des prix des matières premières agricoles, et sa déclinaison pour les produits vendus sous MDD. C'était impératif afin d'assurer une plus juste rémunération des agriculteurs.
À sa demande, nous avons exclu le secteur des fruits et légumes frais du SRP+10, hérité des lois Égalim. Il était urgent d'agir vite pour préserver les rémunérations.
Nous avons encadré les pénalités logistiques, arme absolue des distributeurs, dont les excès étaient connus. Les fournisseurs se trouvaient parfois dans des situations financières dramatiques. Le plafonnement et l'encadrement de ces pénalités sont de véritables victoires pour les industriels et les exploitations agricoles.
Je me réjouis du compromis trouvé sur l'encadrement de la période de négociation commerciale annuelle. En cas d'échec des négociations, l'alternative proposée entre l'interruption des livraisons et l'application du préavis de rupture classique constitue un consensus qui permet de rééquilibrer la relation entre fournisseur et distributeurs. Nous ferons le bilan de cette expérimentation ; le comité sénatorial de suivi de l'application des lois Égalim y contribuera.
La majorité du groupe UC votera en faveur de cette proposition de loi, qui est le fruit d'un compromis entre tous les acteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions)
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Un pas de plus en avant... Nous avons choisi de voir positivement ce texte. Nous nous réjouissons du succès de la CMP. Le contexte d'inflation nous impose la raison. Mais les efforts sont-ils partagés ? Les prix alimentaires ont crû de 14 % ; pour la viande, la hausse peut atteindre 30 % !
Pour les plus précaires, le panier anti-inflation ne suffit pas. Les distributeurs ont beau jeu d'afficher un maintien des prix, mais qui paye ? La guerre des prix pénalise surtout les agriculteurs, qui subissent à la fois l'envol des matières premières et des prix de vente négociés au plus bas. Personne n'est dupe. Le budget d'un foyer est surtout impacté par la hausse de l'énergie et des loyers.
Le modèle d'agriculture verte prôné par l'Europe est ébranlé. La France, bonne élève, perd en compétitivité quand le bio se vend au prix du conventionnel : il faut rapidement résoudre ce problème, car les agriculteurs se détournent de ces modes de production onéreux, faute de débouchés.
Surtout, il faut revoir la loi de modernisation de l'économie (LME) qui a permis à la grande distribution de mutualiser via des centrales d'achat et de faire pression sur les agriculteurs.
Dans ce contexte commercial tendu, toute mesure positive pour les agriculteurs doit être défendue. Le RDSE salue donc l'article 1er destiné à contrer les délocalisations des négociations contractuelles.
L'article 2 prolonge jusqu'en 2025 les dispositions de la loi Égalim 1 sur l'encadrement des promotions et le SRP+10. L'exclusion de la filière des fruits et légumes, proposée dans un amendement de Nathalie Delattre, a été retenue.
La non-négociabilité des matières premières agricoles dans les produits sous MDD est une avancée notable. L'expérimentation de la rupture des livraisons en cas d'échec des négociations commerciales annuelle est également à saluer.
Le Parlement est obligé d'intervenir en raison de la partie de poker menteur que se livrent les acteurs, au détriment des consommateurs, des agriculteurs et des PME, a dit la rapporteure Anne-Catherine Loisier. C'est vrai, mais ne soyons pas naïfs, car cela peut se retourner contre les agriculteurs français, dans un contexte de concurrence mondiale. D'où l'importance de l'article 1er !
Le sujet du prix rémunérateur doit être au coeur de notre réflexion. Pour 60 heures de travail hebdomadaire, il faut un revenu à la hauteur. Il y va de notre souveraineté alimentaire. Notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI, sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions)
M. Daniel Gremillet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions) Ce texte est un rendez-vous supplémentaire sur la mise en marché des productions agricoles. Nous savions qu'Égalim 1 nécessiterait des modifications ; nous en sommes déjà à la troisième, en attendant la prochaine...
Je remercie la rapporteure. Son travail permet de corriger les manques des lois Égalim 1 et 2, qui concernaient moins de 50 % des mises en marché puisque les produits sous MDD étaient exclus.
Sur les dix dernières années, la montée en gamme a été de 2,5 % par an sur le couplage volume-prix, avant un arrêt historique en 2022, avec une baisse de 1,3 %.
Si nous n'avions pas précisé que l'ensemble des matières agricoles étaient protégées, cela aurait posé problème : les marques de distributeur sont, pour utiliser le vocabulaire du cyclisme, des suceurs de roue, reprenant les innovations et les avancées des autres.
L'initiative de prolonger le SRP+10 et d'exclure, à leur demande, les fruits et légumes donnera de l'espoir à la filière.
L'intégration du secteur DPH est essentielle pour protéger nos entreprises localement : certaines, très exposées, pouvaient perdre rapidement leur marché. Le Sénat a maintenu sa position, j'en remercie la rapporteure.
Sur l'article 3, nous avons trouvé un compromis. Le groupe de suivi du Sénat sera sans doute amené à y retravailler, mais il était nécessaire d'avancer sur les MDD.
Le groupe Les Républicains votera ces conclusions de la CMP.
Monsieur le ministre, lorsque j'entends Bruno Le Maire dire qu'il faudra renégocier les prix en mai, je m'inquiète. Les chiffres n'ont pas été démentis, la matière première agricole a été respectée sur les marques. Mais sur la matière première industrielle, c'est à peine le tiers ! Attention aux déclarations trop rapides qui mettent en péril les espoirs des agriculteurs, des consommateurs et notre diversité agricole. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Pierre-Jean Verzelen . - C'est la troisième fois en cinq ans que nous nous penchons sur les relations entre agriculteurs, industriels et distributeurs. Pourquoi ? La loi Égalim devait assurer une meilleure répartition sur toute la chaîne, mais entre théorie et pratique, il y a certains écarts.
Le contexte international, l'explosion du coût de l'énergie ont joué. À cet égard, je regrette l'absence de remise en cause de l'indexation du prix de l'électricité sur le gaz.
Derrière se pose la question de notre souveraineté alimentaire, donc de notre indépendance.
Le sujet n°1 de l'agriculture française n'est pas Égalim, mais le poids des normes : à vouloir laver plus blanc que blanc, on a attaché un boulet aux pieds des agriculteurs. Nous attendons beaucoup de la future loi agricole et de l'engagement pris par le Président de la République au Salon de l'agriculture de veiller à ce que nos agriculteurs ne soient pas pénalisés face à nos voisins européens.
Nous saluons les avancées de la CMP, qui reprennent des apports du Sénat. L'objectif d'Égalim était que chacun y trouve son compte. Or l'équilibre n'est pas facile à trouver.
L'article 2 sur l'expérimentation du SRP+10 a fait couler beaucoup d'encre, car le dispositif n'a pas fait la preuve de son efficacité. L'exclusion de la filière fruits et légumes de ce SRP+10 est légitime.
L'exclusion des grossistes du système des pénalités logistiques permet de corriger les dérives de la grande distribution, qui utilise ce système comme un moyen de compensation des pertes de marge. C'était un sujet cher au groupe Les indépendants.
À l'article 3, il fallait corriger le vide juridique en cas d'absence d'accord entre fournisseurs et distributeurs et empêcher la livraison à perte.
La loi Égalim n'a pas apporté des résultats à la hauteur des espoirs, c'est pourquoi nous y revenons. L'épisode 3 n'est sans doute pas le dernier...
Le marché a besoin de règles et de suivi afin que chaque acteur de la chaîne soit rémunéré à sa juste valeur. Nous attendons beaucoup de la future loi agricole. Notre groupe votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
M. Joël Labbé . - (Applaudissements sur les travées du GEST) L'inflation alimentaire poursuit sa course, mettant en difficulté producteurs, fournisseurs et consommateurs. Dans ce contexte, nous nous apprêtons à voter une nouvelle loi pour tenter de rééquilibrer les rapports de force qui, face à une grande distribution toute puissante, ont abouti à un revenu agricole indécent et mis nos PME agroalimentaires en difficulté.
Nous doutons de l'efficacité de cette proposition de loi, malgré quelques petits pas : mesures sur les MDD, sur les pénalités logistiques, lutte contre le contournement via des centrales étrangères.
Mais l'incertitude sur l'efficacité des mesures et leur effet de bord persiste, comme sur le SRP+10. Espérons que cette loi permettra un vrai ruissellement pour les agriculteurs.
Il faut des mesures bien plus structurantes pour garantir un meilleur revenu à nos agriculteurs et un accès à une alimentation durable et de qualité pour tous. Sans régulation des marchés ni clause miroir ni paiement pour services environnementaux, sans une PAC plus juste et une promotion du commerce équitable, nous ne parviendrons pas à rémunérer correctement nos producteurs. Sortons notre alimentation d'une concurrence mondiale délétère : pendant que nous votons ce texte, la filière bovine s'inquiète d'une possible volte-face de la France sur la non-ratification du traité avec le Mercosur. Ce traité de libre-échange aura bien plus d'impacts négatifs sur le revenu agricole que cette loi n'en aura de positifs !
En parallèle, il faut des politiques fortes pour l'accès de tous à une alimentation durable et de qualité, dans un contexte inflationniste. Les leviers existent : Égalim 1 a fixé un objectif de 20 % de bio et 50 % de produits locaux et de qualité dans la restauration collective. Ce dispositif n'est pas appliqué.
Le chèque alimentation durable a connu diverses vicissitudes : le flou demeure sur une mesure qui permettrait de concilier débouchés rémunérateurs et accès à une alimentation durable. Nous continuons de plaider pour une véritable sécurité sociale de l'alimentation.
C'est donc sans grand espoir que le GEST votera cette loi, reconnaissant ses avancées, tout en appelant à se remettre à l'ouvrage. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le 15 mars : deux CMP, deux salles, deux ambiances... (Sourires au banc des commissions) Je me réjouis du travail réalisé ensemble pour aboutir à un compromis. Nous parachevons ainsi le travail engagé par les lois Égalim 1 et 2, corrigeant des dérives inadmissibles issues du déséquilibre dans les négociations commerciales. Il faut s'adapter à la créativité des centrales, qui mènent leurs négociations hors de France. L'article 1er y pourvoit.
Les ajouts du Sénat - prolongation du SRP+10 et de l'encadrement des promotions, exclusion de la filière des fruits et légumes du SRP - ont été maintenus. Je songe notamment à l'encadrement des pénalités logistiques, qui étaient détournées par la grande distribution, ou à la non-négociabilité des matières premières agricoles pour les produits sous MDD.
L'article 3 est le fruit d'une réflexion collective. Il laissera le choix au fournisseur entre l'interruption de livraison, à titre expérimental, ou un préavis de rupture classique en cas d'échec des négociations. C'est un dispositif innovant.
Ces dispositions contribueront à préserver l'emploi et l'investissement dans nos territoires. Un distributeur s'est offert des placards dans la presse pour affirmer que cette loi vise à limiter les prix bas. (L'orateur brandit un journal.) Non : il s'agit de proposer des prix justes. (Applaudissements au banc des commissions) Non, nous ne marchons pas sur la tête : nous remettons les choses à l'endroit.
Ce qui compte pour nous, c'est l'agriculture française, l'industrie française, ce sont les transformateurs français, ce sont les consommateurs français. Ce sont aussi les salaires, que l'on fait baisser en imposant des conditions tarifaires aux fournisseurs.
Le Sénat peut être fier de ce travail : c'est un nouveau pas vers la défense du consommateur, du revenu des agriculteurs et de la pérennité des PME qui font le rayonnement de nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI, ainsi qu'au banc des commissions ; M. Denis Bouad applaudit également.)
M. Serge Mérillou . - Alphonse Karr, célèbre écrivain français du XIXe siècle, disait : « En France, on parle quelquefois de l'agriculture, mais on n'y pense jamais ». Cela peut s'appliquer à cette proposition de loi, qui ne traite pas d'agriculture, mais des relations entre transformateurs et distributeurs. Or qui sont les vraies victimes de l'inflation ? Les citoyens et les agriculteurs.
Après Égalim 1 et Égalim 2, voilà Égalim 3. Quelle sera la prochaine étape ? Ne reproduisons pas les mêmes erreurs : la situation ne s'explique pas par la seule conjoncture, entre covid et guerre en Ukraine. Égalim 1 et 2 n'ont pas été efficaces ; et le groupe SER avait déjà alerté sur leur manque d'ambition. La ferme France est en déclin, notre agriculture souffre.
Il y a pourtant des solutions. Dans La Nouvelle Héloïse, Rousseau écrit : « La condition naturelle à l'homme est de cultiver la terre et de vivre de ses fruits ». Le juste partage de la valeur est la condition sine qua non d'un modèle vertueux qui assure notre souveraineté alimentaire. Chacun doit trouver son compte dans la négociation commerciale.
Cette proposition de loi d'ajustement, en dépit de ses lacunes, présente certaines avancées. Ainsi les améliorations du Sénat ont-elles été conservées. Nous sommes satisfaits de la prolongation du SRP+10 et surtout de l'exclusion des fruits et légumes, revendication soutenue par le groupe SER. De même, nous saluons la non-négociabilité de la matière première agricole pour les produits vendus sous MDD.
L'article 1er lutte contre les stratégies de contournement de la grande distribution consistant à créer des centrales d'achat à l'étranger. S'il y a des règles, c'est pour qu'elles soient respectées.
Nous notons aussi avec intérêt l'accord sur l'article 3 qui couvre les situations d'échec des négociations commerciales.
Le texte ne donne pas toute-puissance aux transformateurs, n'en déplaise à certains distributeurs qui s'épanchent dans la presse en agitant la menace d'une explosion des prix. Chacun doit faire un effort, quitte à rogner sur ses marges.
Les socialistes voteront ce texte, même s'il doit s'inscrire dans une réforme plus globale de notre modèle agricole et un rééquilibrage des relations entre fournisseurs et distributeurs. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
M. Gérard Lahellec . - Cette CMP intervient dans un contexte difficile, peu propice à satisfaire tous les acteurs, du producteur au consommateur, de la fourche à la fourchette. L'objet affiché du texte est pourtant de mieux protéger tous les acteurs, objectif louable mais impossible à atteindre. Alors que l'inflation alimentaire s'envole, l'essentiel de la valeur ajoutée des produits alimentaires ne revient pas à la production. La vie chère s'installe, les salaires ne suivent pas.
Consommateurs, salariés et paysans sont confrontés au même problème : la juste rémunération de leur travail. Croissance faible, inflation forte, système économique saturé : voilà les termes du problème.
La proportion des entreprises agroalimentaires voulant augmenter leurs prix est de 70 % : cela augure d'une poursuite de la flambée des prix. Le Gouvernement, lui, a annoncé un chèque alimentaire pour les plus modestes, mais ne souhaite pas distribuer d'aide alimentaire au niveau global pour éviter d'encourager la malbouffe. Le pays est au bord de la rupture, et nous jouons les équilibristes alors qu'il faudrait une réforme de fond. Ce simple toilettage du marché aura un impact minime sur le revenu agricole et sur les dix millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté.
Nous comprenons la recherche du compromis, mais attention à ne pas opposer producteurs et consommateurs autour du SRP+10. Mieux vaudrait reconsidérer la loi de modernisation de l'économie, alors que les allègements généraux pèsent sur les salaires et rognent le pouvoir d'achat. Ne voulant pas décourager les bonnes intentions qui sous-tendent ce texte, le groupe CRCE s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. le président. - Conformément à l'article 42 alinéa 12 du Règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements de la commission.
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc des commissions)
La séance est suspendue quelques instants.
Violences intrafamiliales
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.
Discussion générale
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - L'enfance a été placée par le Président de la République au nombre des priorités du nouveau quinquennat. Sa protection est au coeur de la feuille de route du Gouvernement.
Le foyer familial doit être érigé en sanctuaire protecteur au sein duquel ne saurait être acceptée la moindre violence. Voilà la directive ferme que j'ai adressée aux procureurs de France dans ma circulaire de politique pénale générale de septembre dernier.
Dans une circulaire du 21 avril 2022 sur la prise en charge des mineurs présents lors d'un homicide commis au sein du couple, j'incitais déjà les procureurs à mettre en place des protocoles d'accompagnement. Le 28 février 2022, j'ai rappelé les dispositions du décret du 23 novembre 2021 énonçant qu'un mineur témoin de violences au sein du couple en est victime à part entière. J'ai demandé aux magistrats de restituer à ces faits leur exacte qualification, de veiller à la préservation des droits du mineur dans la procédure pénale et de s'assurer que la juridiction de jugement est en mesure de statuer sur l'autorité parentale.
Cette semaine, une nouvelle circulaire de politique pénale sera diffusée, qui porte la lutte contre les violences sur mineur à un niveau équivalent à celle mise en oeuvre en matière de violences conjugales.
Porter cette politique implique non seulement de lutter contre toutes les formes de violences faites aux mineurs dans le cadre familial ou institutionnel - scolaire, sportif, religieux, etc. -, mais aussi contre toute forme d'exploitation, dont la prostitution au profit des réseaux organisés.
Je compte aussi généraliser les unités d'accueil pédiatrique enfance en danger (Uaped) - je salue l'engagement de François Braun et de Charlotte Caubel à cet égard. Je sais également pouvoir compter sur tous les juges des enfants, juges aux affaires familiales (JAF) et membres du parquet pour protéger l'enfant dans son intégrité physique et morale et veiller à la préservation de ses intérêts.
Enfin, je n'oublie pas l'engagement du Sénat dans ce domaine, dont témoignent les textes votés au cours de l'année écoulée. Car il est des cas où le foyer familial devient un lieu de persécution, notamment quand le parent devient le bourreau de son enfant. Il est alors incapable d'assumer le rôle dont la loi l'a investi : protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement dans le respect dû à sa personne. Face au parent maltraitant, il faut se résoudre à remettre en cause le lien parental.
Ces questionnements ont abouti à la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, avec des dispositifs innovants comme la suspension automatique de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement en cas de crime commis sur l'autre parent, tel que le prévoit l'article L. 378-2 du code civil. C'est ce dispositif que l'article 1er de ce texte étend.
Je pense ensuite à la possibilité pour le juge de suspendre les droits du parent qui a été condamné pour un crime ou un délit sur l'autre parent ou sur son enfant, objet de l'article 2.
Selon la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), un adulte sur dix a été victime de violences sexuelles dans son enfance. Il y a urgence à agir, afin de s'assurer que le parent maltraitant ne puisse se prévaloir de ses droits pour maintenir une emprise sur l'enfant ou réitérer ses agissements.
L'Assemblée nationale ne s'y est pas trompée, pas plus que votre commission, en adoptant ce texte. L'article 1er modifie l'article L. 378-2 du code civil pour suspendre l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi ou condamné.
La rédaction de la commission des lois est bienvenue : le choix de viser tous les crimes commis sur l'enfant évite une hiérarchisation inopportune entre ces crimes. Elle s'en tient toutefois aux infractions les plus graves afin de garantir la constitutionnalité et la conventionnalité du dispositif. Une disposition miroir est prévue à l'article 2 bis pour forcer la délégation de l'autorité parentale dans ces hypothèses, initiative que je soutiens. Je regrette toutefois que votre commission n'ait pas repris le mécanisme qui dispensait le parquet de saisir le JAF pour confirmation.
L'article 2 crée trois mécanismes de retrait facultatif de l'autorité parentale ou de son exercice. Or le juge pénal a déjà l'obligation de se prononcer, en cas de viol, d'agression sexuelle, ou de violence. Il serait plus protecteur de créer un mécanisme de retrait obligatoire, avec possibilité pour le juge d'y déroger par motivation spéciale. Il s'agit là d'appliquer les recommandations de la Ciivise.
L'article 3 fait évoluer le code pénal pour prendre en compte ces évolutions. J'observe que sa rédaction laisse transparaître un souci de simplification, les magistrats étant incités à utiliser directement les dispositions du code civil par un renvoi. Le texte regroupe en outre au sein d'un article unique du code pénal les dispositions relatives à l'autorité parentale : c'est une simplification bienvenue. Je soutiendrai un amendement visant à ajouter l'expression consacrée en cas de renvoi à une autre disposition.
La commission a également souhaité introduire la possibilité de renvoyer l'affaire à une date ultérieure pour juger de l'autorité parentale : je suis réservé sur cette disposition, car la charge des audiences pourrait en être augmentée, de même que le délai d'audiencement, ce qui nuirait à l'efficacité de la justice.
La réflexion doit donc se poursuivre. J'ai à coeur d'aboutir avec vous à l'élaboration d'un dispositif ambitieux et respectueux de nos principes constitutionnels. Envoyons un signal fort à tous les enfants victimes. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois . - Je me réjouis que le Gouvernement n'ait pas engagé la procédure accélérée sur la proposition de loi d'Isabelle Santiago, car cette question est complexe.
Le texte intervient sur deux mécanismes : la suspension provisoire, de plein droit, de l'exercice de l'autorité parentale et le retrait de l'autorité parentale par les juridictions pénales. Ce dernier prive un parent de toutes ses attributions, y compris du consentement à l'adoption de son enfant : c'est la titularité même qui lui est retirée. Mais dans le cas de la suspension de l'exercice, il conserve le droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant via les droits de visite et d'hébergement sauf motifs graves appréciés par le JAF, ainsi qu'un droit de surveillance qui oblige l'autre parent à le tenir informé de tous les choix importants relatifs à la vie de l'enfant.
L'article 1er étend la suspension provisoire de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement au cas de poursuite ou de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commise sur l'enfant. La commission y est favorable, se conformant ainsi au souhait de la Ciivise.
Plutôt qu'une durée maximale de six mois, il avait été prévu que la suspension dure jusqu'à la décision de non-lieu, la décision de la juridiction de jugement ou jusqu'à la décision du JAF. La commission a souhaité s'en tenir à sa position de 2020 : accepter une suspension de plein droit, mais uniquement pour six mois. Il nous semble en effet disproportionné de permettre une suspension automatique tout le temps de la procédure pénale, laquelle peut être très longue.
Les députés ont créé un régime distinct pour les cas de violence conjugale ayant entraîné une ITT de plus de huit jours. Ce dispositif ne nous a pas semblé cohérent, car il suppose la présence de l'enfant au moment des violences. Or il peut souffrir de ces violences, même s'il n'était pas présent. De plus, cette disposition manquait d'intérêt pratique puisque le juge doit déjà se prononcer sur l'autorité parentale, et le fait de plus en plus dans ces cas-là.
L'article 2 rend un peu plus automatique le retrait de l'autorité parentale en cas de condamnation définitive pour crime ou agression sexuelle commis sur l'enfant ou pour crime commis sur l'autre parent. La commission des lois a revu la rédaction de l'article, en vue de le rendre plus intelligible. Elle a posé le principe de l'obligation pour la juridiction de se prononcer dans ces affaires. Nous aurons un débat sur cette rédaction qui a le mérite de dire clairement que le juge conserve la possibilité de ne pas prononcer le retrait de l'autorité parentale, sous réserve d'une motivation spéciale. Attention aux expressions qui relèvent plus de l'affichage.
L'article 2 bis de la proposition de loi ajoute un nouveau cas de délégation forcée de l'autorité parentale à un tiers : la commission y a apporté un simple ajustement rédactionnel.
L'article 2 ter, ajouté par la commission, prévoit un répit pour l'enfant en cas de retrait de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement. Il prévoit qu'aucune demande au JAF ne puisse être présentée par le parent moins de six mois après le jugement. Une disposition similaire existe en cas de retrait de l'autorité parentale.
L'article 3 procède à diverses modifications d'ordre pénal : nous mettons un terme aux divergences entre le code pénal et le code civil et harmonisons les dispositions. Facilitons le travail des pénalistes pour qu'ils s'emparent de ces mesures.
Je vous invite à voter ce texte : nous avons certes besoin d'une bonne loi, mais aussi de moyens dans les juridictions. Nous devons tous être des protecteurs de l'enfance et des guetteurs de ces violences, qui empêchent, tout simplement, un enfant de vivre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que du RDPI)
Mme Esther Benbassa . - C'est l'histoire de Malakai, un petit garçon de 7 ans battu à mort dans la nuit du 12 au 13 octobre 2022 par le compagnon de sa mère, qui avait déjà été condamné huit fois. Les services sociaux s'étaient pourtant saisis en avril 2022 du cas de la mère et de son fils.
En France, un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents ; 400 000 enfants vivent dans un foyer violent et 160 000 subissent chaque année des violences sexuelles.
Les travailleurs sociaux croulent sous les dossiers, faute de moyens suffisants. Les JAF sont débordés et en sous-effectif.
Dans ce désordre judiciaire, existe-t-il une place pour l'intérêt supérieur de l'enfant ? La responsabilité de l'État est immense.
Avec le texte que nous examinons aujourd'hui, tout parent poursuivi, mis en examen ou condamné pourra se voir privé de l'exercice de l'autorité parentale et de son droit de visite et d'hébergement. Cette proposition de loi est une avancée, mais elle n'est pas suffisante. On ne peut pas se contenter de numéros verts ou de petites mesures. Il nous faut garantir un accompagnement effectif pour tous ces enfants et permettre leur reconstruction. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme le rapporteur et Mme Martine Filleul applaudissent également.)
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le RDSE se réjouit de l'examen de cette proposition de loi, qui soulève des enjeux primordiaux pour notre édifice institutionnel et législatif.
Notre groupe plaide depuis longtemps pour le renforcement des sanctions contre les auteurs de violences intrafamiliales. C'est un problème dont notre société a du mal à reconnaître le caractère massif et systémique. Or 400 000 enfants vivent dans un foyer où s'exercent des violences conjugales et 160 000 subissent des violences sexuelles. Les conséquences en sont graves, mais réversibles, si l'on protège les enfants et qu'ils suivent un traitement psychothérapeutique adapté. Tout retard équivaut donc à une perte de chances.
Derrière l'élargissement du mécanisme de retrait de l'autorité parentale, se cache la question de la temporalité pour protéger l'enfant en coupant un lien nocif. Ne perdons pas de vue l'intérêt supérieur de l'enfant et cherchons à traiter le plus en amont possible, tout en oeuvrant à la sensibilisation de la société sur ces sujets.
Certes, l'arsenal législatif progresse, mais il ne faut pas oublier de faire appliquer les mesures déjà en vigueur.
Le RDSE se réjouit des avancées de ce texte. Toutefois, nous déplorons que la commission ait exclu la suspension automatique de l'autorité parentale le temps de la procédure pénale. Cela empêche de remédier à l'ineffectivité du dispositif actuel. Il reviendra au procureur de saisir le JAF, ce qui n'est pas toujours systématique.
Si le JAF ou le juge pénal ne s'est pas prononcé sous six mois, le parent poursuivi voit ses droits rétablis. Prévenir ou guérir, où doit-on placer le curseur ? Cela dit, cette proposition de loi va dans le bon sens : le retrait de l'autorité parentale en cas de condamnation pour crime contre l'autre parent ou en cas d'inceste est un formidable symbole. Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC ; Mme le rapporteur et M. Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.)
Mme Brigitte Lherbier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le retrait de l'autorité parentale est difficile à envisager dans notre culture. Pourtant, cette option est nécessaire pour agir. Le législateur doit trancher : sanctionner le parent, auteur d'infractions graves contre l'enfant, protéger l'enfant en l'éloignant juridiquement. De 1979 à 1982, j'ai travaillé durant mes études sur le cas des enfants placés. J'avais remarqué que des enfants placés étaient ensuite oubliés, transférés loin des mauvais parents, qui n'avaient ensuite plus aucun droit sur eux : telle était la toute-puissance de l'administration.
La loi du 24 juillet 1889 avait établi une disjonction de protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés par l'éloignement des parents et par la déchéance de leur droit de puissance paternelle.
Cette loi misait sur le caractère exemplaire de la peine, mais n'abordait pas le devenir des enfants : le placement était irréversible. La loi du 4 juin 1970, remplaçant la puissance paternelle par l'autorité parentale, marque une étape essentielle dans l'égalité des parents : le magistrat doit essayer de recueillir l'adhésion de la famille à ses mesures. Toutefois, la loi prévoit de diminuer les possibilités légales des père et mère si l'intérêt de l'enfant le justifie.
Les magistrats peuvent limiter, voire retirer, l'autorité parentale. Mais, dès cette époque, on prévoit le côté provisoire de la mesure. Il en va de même pour la loi du 6 janvier 1986 qui renforce les droits de la famille en exigeant que les mesures soient limitées à deux ans.
La loi du 10 juillet 1989 confie aux conseils départementaux la protection des enfants en danger.
En 1997, j'ai soutenu l'une de mes thèses sur la collaboration des institutions protégeant l'enfant. Des progrès ont certes été constatés, mais il reste encore beaucoup à faire. Je voterai ce texte qui replace l'enfant au coeur de la procédure judiciaire. Le retrait de l'autorité parentale peut être nécessaire, mais il faut en même temps prévoir l'avenir de l'enfant : il faut lui assurer une stabilité affective et juridique. Je compte sur votre expérience, monsieur le garde des sceaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Alain Marc . - Un sur cinq : telle est la proportion d'adultes ayant subi des violences sexuelles quand ils étaient mineurs, selon une analyse du Conseil de l'Europe. En octobre 2021, le rapport Sauvé estimait que 15 % des femmes et 6 % des hommes majeurs avaient subi des violences sexuelles durant leur enfance, soit un peu plus de 10 % de la population.
Ce sont en tout cas des phénomènes massifs dont le grand public a pris conscience. Il est difficile de savoir si les violences sexuelles ont gagné du terrain, ou si nous en prenons davantage conscience.
Mais ce n'est qu'une partie du problème : les enfants subissent d'autres formes de violences au sein du foyer. Selon le Haut Conseil à l'égalité en 2019, 400 000 enfants seraient témoins de la violence le plus souvent du père sur la mère.
Cela traumatise aussi l'enfant. La famille n'est plus alors le cocon protecteur : c'est une prison dont il ne peut plus s'échapper.
Je me réjouis du travail de la Ciivise, qui a permis d'écouter les victimes : c'est un préalable indispensable.
Avançons sur ces sujets délicats : l'agresseur est souvent un proche de la victime. Le punir est nécessaire, mais cela est souvent aussi douloureux pour la victime.
Le phénomène dépasse tous les clivages sociaux et territoriaux. La rapporteure a effectué un travail sérieux sur un sujet complexe ; le texte de la commission est plus respectueux de l'intérêt de l'enfant, qui doit rester notre seule boussole : je pense à la réécriture de l'article 1er, entre autres.
Veillons à concilier la lutte contre ces violences avec la présomption d'innocence et le rôle du juge : le législateur ne doit pas s'y substituer. Faisons-leur confiance pour l'intérêt de l'enfant. (Mme le rapporteur applaudit.)
Mme Mélanie Vogel . - Quand on ne peut pas se protéger soi-même, on doit pouvoir appeler à l'aide. Et quand on appelle à l'aide, on doit être cru ; et quand on est cru, on doit pouvoir être aidé.
Tout cela devrait aller de soi. Pourtant, l'aide aux enfants victimes n'est pas efficace, alors qu'il y a urgence : deux enfants par classe, un à deux adultes sur dix - soit entre 35 et 70 d'entre nous - ont subi ces violences.
Le mouvement MeTooInceste et la Ciivise montrent que les victimes qui parlent sont rarement crues, et rarement aidées convenablement.
Je remercie Isabelle Santiago de son initiative, ainsi que la rapporteure Marie Mercier. Le GEST soutient cette proposition de loi, importante pour améliorer la protection des victimes. Elle doit protéger l'enfant des violences intrafamiliales, et donc parfois de ses propres parents.
Je regrette que la commission des lois ait voulu supprimer certaines dispositions votées à l'Assemblée nationale, comme l'extension de la suspension de l'autorité parentale à certains cas, pourtant nécessaire. MeTooInceste montre pourtant que dans de trop nombreux cas, les victimes ne sont pas crues. C'est pourquoi les députés ont élargi la suspension, et que nous avons déposé un amendement de rétablissement.
Autre point important : la lutte contre la théorie du syndrome de l'aliénation parentale. Un exemple : un dimanche, la fille d'un couple divorcé revient traumatisée de chez l'autre parent et raconte qu'elle subit des violences. Le parent - mettons qu'il s'agit de la mère - alerte la justice et refuse de laisser partir sa fille. C'est un cas rare : l'enfant parle, elle est écoutée et aidée. Or souvent la justice ne croit pas le parent qui agit comme il se doit, suspectant une instrumentalisation. Cette fausse théorie de l'aliénation parentale est malheureusement répandue en France, ce qui lui a valu une mise en garde du Conseil de l'Europe. Il faut mettre fin à cette absurdité.
Monsieur le ministre, vous souhaitez mettre la lutte contre les violences faites aux mineurs au même niveau que la lutte contre les violences faites aux femmes. Avec un nombre croissant de féminicides, permettez-moi de m'inquiéter. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)
M. Thani Mohamed Soilihi . - Un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents. En outre-mer, c'est encore pire, comme le montrait une étude du Cese de 2017, en raison de l'insularité et la faible superficie de ces territoires, rendant plus difficiles la libération de la parole et l'éloignement du conjoint violent.
Un bilan du ministère de l'intérieur révélait une hausse de ces violences à Mayotte en 2022.
Il faut mieux reconnaître la souffrance des enfants victimes et les protéger. Les traumatismes peuvent provoquer des maladies et être un facteur de reproduction de violences.
La loi de 2019 a créé un mécanisme de suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement pour le parent condamné pour un crime commis sur l'autre parent. La loi de 2020 l'a étendu aux délits. Notre arsenal s'est renforcé, mais reste perfectible.
Cette proposition de loi, inspirée par les travaux de la Ciivise, prévoit des mécanismes automatiques de suspension ou de retrait de l'autorité parentale en cas de violences.
Un travail transpartisan entre les chambres et le Gouvernement a permis de faire de la lutte contre les violences intrafamiliales une priorité. Adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, cette proposition de loi élargit les cas de suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement : jusqu'à la décision du juge en cas de poursuite, mise en examen ou condamnation pour un crime commis sur l'autre parent ou de crimes ou agression sexuelle incestueuse commise sur l'enfant ; jusqu'à la décision du JAF, qui devrait être saisie par l'un des parents dans les six mois à compter de la décision pénale en cas de condamnation même définitive pour des violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours lorsque l'enfant a assisté aux faits.
La proposition de loi prévoit également le retrait systématique de l'autorité parentale ou de l'exercice de l'autorité parentale en cas de condamnation pour crime ou agressions sexuelles incestueuses sur l'enfant ou pour crimes sur l'autre parent sauf si le juge a décidé autrement, à charge pour lui de motiver spécialement ce choix. Elle ajoute un nouveau cas de délégation forcée de l'exercice de l'autorité parentale à un tiers en cas de poursuite, de mise en examen ou de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis par un parent seul titulaire de l'exercice de l'autorité parentale.
À l'initiative de sa rapporteure dont je salue le travail, la commission des lois a réservé le déclenchement de la suspension de l'exercice de l'autorité parentale aux crimes et agressions sexuelles sur l'enfant. Nous y souscrivons, mais nous pensons indispensable de prévoir explicitement le retrait de l'autorité parentale aussi pour violences sur l'autre parent et déposerons trois amendements pour concrétiser les recommandations de la Ciivise.
Le RDPI votera ce texte équilibré, qui protège l'enfant et les relations familiales. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Éric Gold applaudit également.)
Mme Laurence Harribey . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.) C'est presque une litanie : 400 000 enfants vivent dans un foyer violent et dans 25 % des cas, ils en sont directement victimes. Cela leur laisse des séquelles psychologiques et physiques. Cette proposition de loi d'Isabelle Santiago, présente en tribune, a été votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale après de nombreuses modifications. C'est un pas de plus dans la protection des enfants.
Nous avons souscrit à la loi du 22 avril 2021 qui a opéré un changement attendu dans la prévention des victimes et a instauré de nouvelles infractions sexuelles autonomes pour les mineurs de moins de 18 ans. C'est le groupe SER qui avait proposé de relever l'âge du non-consentement à 18 ans, et non 15 pour les cas de crimes d'inceste.
Nous avions proposé le retrait de l'autorité parentale lors de l'examen de la loi Taquet en 2022, mais il avait été rejeté. De nombreux mois ont ainsi été perdus.
La protection des enfants victimes doit être comprise dans un cadre plus large, notamment d'emprise de l'autre parent. Il faut protéger souvent la mère. Il y a déjà eu 34 féminicides en 2023.
L'article 1er visant la suspension de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement a été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Nous regrettons que la commission des lois du Sénat l'ait en partie vidé de son contenu. La rapporteure revient ainsi sur la suppression du délai maximum de six mois alors qu'une procédure peut durer plusieurs années : il faut protéger l'enfant durant l'intégralité de la période.
La loi doit préciser que la suspension de l'exercice de l'autorité parentale doit être effective dans un délai de six jours, conformément aux dispositions du code civil relatives à la délivrance de l'ordonnance de protection. S'il était rétabli, nous pourrions voter ce texte. C'est le sens de nos amendements, identiques à ceux de plusieurs autres groupes. Il faut garantir le droit de l'enfant à être entendu et à être assisté d'un avocat.
Au-delà, le manque de moyens limite la portée de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Esther Benbassa, Laurence Cohen et Mélanie Vogel applaudissent également.)
Mme Laurence Cohen . - Je salue la présence d'Isabelle Santiago et remercie la rapporteure. Hannah Arendt écrivait : « Le développement de l'enfant, c'est la continuité du monde. »
Les enfants ne doivent pas être tributaires d'un passé douloureux. Les statistiques sont glaçantes : 60 % des enfants témoins de violences développent un stress post-traumatique.
Des pédopsychiatres comme Muriel Salmona et Luis Alvarez considèrent que ces enfants développent des syndromes comparables à ceux des victimes de guerre.
Heureusement, les féminicides ne sont plus vus comme des drames passionnels, mais la conséquence du système patriarcal qui gangrène nos sociétés.
La délégation aux droits des femmes a montré le rôle de la pornographie dans la diffusion d'une culture du viol et de l'inceste qui nourrit les violences.
Malheureusement, les enfants sont trop souvent des objets de chantage des conjoints violents. Malgré les avancées de 2018 et 2020, ils ne sont pas suffisamment pris en considération.
Nous devons protéger les enfants et faire en sorte que plus aucun ne meure de maltraitance, mais les moyens de la protection de l'enfance sont insuffisants.
Nous saluons cette proposition de loi qui va dans le sens des recommandations de la Ciivise.
Un conjoint violent ne peut être un bon père. La vulnérabilité des enfants oblige à une protection sans concession. Je regrette que la proposition de loi ne comprenne pas tous les cas de violence comme nous y invite la convention internationale des droits des enfants. Souvent, les enfants victimes de violences reproduisent la violence à l'âge adulte.
Je viens vous interpeller, monsieur le ministre, à propos de l'un de nos amendements déclarés irrecevables : il faut faire évoluer l'article L. 227-5 de notre code pénal qui traite du délit de non-présentation d'enfant.
Il n'est plus possible qu'un parent, le plus souvent une mère, craignant un danger tangible pour l'enfant tombe sous le coup de ce délit. Appliquons le principe de précaution dans l'intérêt de l'enfant, et finissons-en avec le soi-disant syndrome d'aliénation parentale, trop souvent invoqué dans ces affaires.
Nous voterons ce texte en espérant pouvoir l'améliorer par nos amendements. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; Mme le rapporteur applaudit également.)
Mme Annick Billon . - Enfin ! Enfin, l'immuable lien entre parent et enfant peut être considéré comme délétère quand le parent est violent. Que de vies abîmées pour avoir nié l'évidence : souvent, un mari violent est aussi un père violent. Non, un enfant ne peut se construire dans un tel climat.
C'est une violence psychologique, l'enfant est pris dans un étau. Ce conflit s'apparente à une scène de guerre ou un attentat, selon le juge Édouard Durand. C'est même pire, car l'enfant ne peut trouver refuge dans les bras de l'un de ses parents et n'a d'autre choix que de se taire, et d'assister au délitement des piliers de son existence. Cela aura des conséquences graves sur son développement.
Protéger l'enfant, c'est l'éloigner de cette violence, quitte à suspendre l'autorité parentale qui vise à protéger l'enfant dans sa sécurité et sa santé. Un père violent n'est pas un bon père ; souvent, il se sert des enfants contre la victime, par des pressions perverses qui empêchent l'enfant de se construire ; et le bourreau dicte encore sa loi.
Et que dire de la violence directe de l'inceste ? Je salue l'engagement de longue date de Marie Mercier. La commission des lois a choisi de permettre la suspension de l'exercice de l'autorité parentale en urgence avant tout jugement. Cela entend concilier présomption d'innocence et protection de l'enfant. Mais il faut suspendre toute l'autorité parentale, et non son seul exercice, afin que le parent poursuivi ne conserve plus le droit de surveillance de l'enfant, par exemple. Soyons plus ambitieux. Pourquoi ne pas élargir l'article 1er aux atteintes sexuelles incestueuses ?
Je me félicite de la suspension du droit de visite et d'hébergement dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Cela acculturera les juges et les incitera à porter un nouveau regard sur ces dossiers complexes.
Présidente de la délégation aux droits des femmes et auteure de la proposition de loi pour protéger les mineurs de crimes sexuels, je me félicite des avancées proposées aujourd'hui.
Ce texte marque le début d'un changement profond dans notre manière d'appréhender les violences intrafamiliales.
J'ai une pensée pour une maman de trois enfants victimes d'inceste que j'ai récemment rencontrée et qui a besoin de la justice pour les éloigner de leur père. J'emprunterai ses mots : « les enfants sont l'avenir, protégeons-les ». Pour l'instant, on n'y arrive pas...
Le groupe UC votera ce texte. Je salue le travail de Dominique Vérien, sénatrice en mission sur les violences intrafamiliales. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme le rapporteur et Mme Marie-Pierre Monier applaudissent également.)
Mme Micheline Jacques . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi attendue par de nombreuses associations repose sur un principe : un parent violent ne saurait être un bon parent. Elle présente une bonne articulation avec l'autorité parentale et la présomption d'innocence.
L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs. J'approuve la réécriture de l'intitulé du texte, supprimant le terme de covictime : un enfant est victime directe des violences intrafamiliales, et non, comme pourrait le suggérer le terme, une victime collatérale.
Sur proposition de la rapporteure, la commission des lois a simplifié et complété les dispositifs initiaux.
Je salue la réécriture qui assure la lisibilité du lien entre condamnation pour violence contre l'autre parent ou l'enfant et l'autorité parentale.
Le texte prévoyait d'étendre la suspension de l'autorité parentale aux violences entraînant une ITT supérieure à huit jours pour l'autre parent et aux viols ou agressions sexuelles sur l'enfant. La commission des lois l'a limité aux cas les plus graves, le droit satisfaisant les autres cas.
L'article 2 garantit le respect de l'individualisation des décisions des magistrats. La possibilité de maintenir l'autorité parentale sur décision motivée permettra la prise en compte des cas, mêmes marginaux, de crimes commis en réponse à des violences - vous avez comme moi en tête le cas de Valérie Bacot.
Avec force, les associations oeuvrant contre les violences faites aux femmes réclament une suspension automatique de l'autorité parentale jusqu'au procès citant des exemples dramatiques d'enfants de victimes de féminicide maintenus sous l'autorité du père. Ces cas sont rarissimes, mais même un seul cas, c'est encore trop.
J'ai été étonnée des disparités entre territoires en matière de coordination : comment articuler l'ensemble des acteurs impliqués dans la décision relative à l'autorité parentale ? Le protocole appliqué pour les féminicides serait un cadre adapté.
J'ai engagé un travail pour élaborer un statut pour ces enfants orphelins, qui dépasse le cadre de ce texte.
Je vous adresserai prochainement, monsieur le ministre, les conclusions du colloque que j'ai organisé en février dernier avec l'Union nationale des familles de féminicides.
L'article 2 bis facilitera le quotidien des enfants accueillis et des familles qui les accueillent. Les féminicides sont des drames non anticipés : les enfants sont confiés dans une urgence qui rend tout obstacle administratif ou juridique insurmontable.
Il en va de même pour la mesure de stabilisation de l'article 2 ter.
Ce texte concourt à la protection des enfants, et l'on ne peut que se féliciter des enrichissements apportés au fil de son examen. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Laurence Rossignol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je salue Isabelle Santiago, autrice de cette proposition de loi, et remercie la Chancellerie qui a travaillé sur ce texte avec elle.
J'émettrai cependant trois regrets. D'abord, la commission des lois a limité la portée du texte. Ensuite, la méthode du patchwork qui nous conduit à avancer, depuis quelques années, proposition de loi par proposition de loi, en laissant des trous dans la raquette. Enfin, nous votons aujourd'hui certaines propositions du groupe SER qui n'ont pas eu l'heur de plaire à la commission des lois il y a quelques années... Que de temps perdu ! Une grande loi sur le sujet aurait été préférable.
Il ne se passe pas une semaine sans que je ne sois saisie de dossiers de séparations. Presque toujours, la mère est partie ; le père a été blessé dans son orgueil, et le conflit se cristallise sur les enfants. Au bout de quelque temps, les enfants rapportent des comportements incestueux de la part du père. Mon sentiment est que le père se venge de la mère en commettant des agressions sexuelles sur les enfants. La mère porte plainte, et c'est là que commence son chemin de croix. J'ai eu connaissance d'un cas où le juge a recommandé à la femme de renvoyer les enfants chez le père pour mieux établir la matérialité des faits... Puis les experts s'en mêlent, ils présentent la mère comme une manipulatrice affabulatrice, et le père se retourne contre la mère avec le délit de non-représentation de l'enfant. Ces cas sont légion. Parce qu'elles vivent un enfer judiciaire, certaines femmes partent à l'étranger avec leurs enfants : elles n'ont plus d'autre solution.
C'est de la maltraitance institutionnelle, et nous sommes beaucoup trop frileux pour répondre à ces souffrances. Ce qui nous est proposé ce soir, c'est un petit pas...
Monsieur le ministre, merci pour le décret du 23 novembre 2021. Mais pourquoi n'y a-t-il aucune sanction ni amende civile pour le père qui ne présente pas son enfant, alors que la mère subit toutes les formes de harcèlement ? Je pense aux « enfants à la fenêtre », ceux qui attendent le père tous le week-end - mais celui-ci ne vient pas pour empêcher la mère de sortir. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains, car l'oratrice a épuisé son temps de parole.)
Depuis la circulaire de 2017, les magistrats ne parlent plus de « syndrome d'aliénation parentale » mais de « mère manipulatrice ». C'est un problème de culture des magistrats : cela doit changer. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)
M. Philippe Mouiller . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 9 février 2023, cette proposition de loi était adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement n'a pas souhaité engager la procédure accélérée sur ce sujet si sensible.
Ce texte est dans la droite ligne de la loi du 28 décembre 2019 qui distingue le retrait de l'autorité parentale de celui de son exercice. Il a pour vocation de rendre plus systématique le prononcé de retrait de l'autorité parentale par les juridictions pénales.
Depuis 2016, le nombre d'actes de violence intrafamiliale ne cesse d'augmenter. En 2019, 44 % des plaintes pour violences physiques ou sexuelles concernaient des violences au sein de la famille. Ces chiffres effrayants nous obligent : le législateur doit agir pour enrayer ce phénomène.
Je salue le travail minutieux de réécriture du texte par la rapporteure. Je la rejoins dans son choix de limiter notre intervention à des points précis, en l'espèce la suspension provisoire de plein droit de l'autorité parentale et le retrait de celle-ci par un juge. C'est conforme aux principes généraux du droit : présomption d'innocence, appréciation in concreto de la situation de l'enfant par un juge et droit à une vie familiale et privée normale. Ses interventions ont aussi mis en cohérence le droit civil et le droit pénal.
À l'article 1er, l'extension de la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement se cantonne aux infractions les plus graves. La commission a considéré que la suspension automatique de l'autorité parentale pour tout le temps de la procédure, qui peut durer des années, était disproportionnée.
L'article 2 fait du retrait total de l'autorité parentale le principe en cas de crime ou agression sexuelle incestueuse sur l'enfant ou de crime sur l'autre parent.
L'article 4 rendra effectives et cohérentes les mesures de cette proposition de loi.
Ainsi modifié, le texte améliorera les dispositifs existants pour une meilleure protection des enfants victimes de parents violents. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Annick Billon et Colette Mélot applaudissent également.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je regrette comme vous, madame Rossignol, le côté patchwork de l'action du législateur. Mais convenez avec moi que nous n'avons pas le don de médiumnité et qu'il faut s'adapter aux évolutions parfois effrayantes de notre époque... C'est la société qui fait le droit, non l'inverse.
Vous attirez mon attention sur les enfants témoins, qui sont en réalité des enfants victimes et nous les reconnaissons comme tels.
Reste la question des poursuites pour non-représentation d'enfant. Cela correspond souvent à ce que vous décrivez - mais pas toujours. Il est terrifiant pour une mère de devoir livrer son enfant à son bourreau. L'irrecevabilité n'a pas de signification sur le fond, vous le savez comme moi. (Mme la rapporteure le confirme.) Je vous promets que nous agirons sur cette question, une fois rendu le rapport Vérien-Chandler. Je vous le redis, madame Rossignol, madame Cohen, nous aboutirons sur cette question fondamentale, qui met en évidence une injustice fondamentale. Je connais l'engagement de Mmes Chandler et Vérien, et je sais que leur rapport sera de grande qualité.
Discussion des articles
ARTICLE 1er
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois . - Lorsqu'un enfant est en danger, la question de l'autorité parentale ne vient que dans un second temps : l'urgence est de le mettre à l'abri. Le parquet peut ordonner, en urgence et sans contradictoire, le placement provisoire, éventuellement chez l'autre parent, à charge pour ce dernier de saisir le juge des enfants dans un délai de huit jours. Il peut aussi requérir une ordonnance de protection auprès du JAF. Enfin, la personne poursuivie peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire ou d'une assignation à résidence sous contrôle électronique.
Ces dispositifs se cumulent : la mise à l'abri de l'enfant ne repose pas sur les seuls articles L. 378 et L. 378-2 du code civil.
Mme Annick Billon . - Le dispositif initial créait un régime spécifique en cas de condamnation, même non définitive, pour des violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté aux faits. Cette dernière condition n'est pas souhaitable. Selon Édouard Durand, président de la Ciivise, la condition de la présence de l'enfant divise par quatre ou cinq le nombre de dossiers à traiter. Or notre objectif n'est pas de diminuer le nombre de dossiers, mais de protéger les enfants. Je remercie donc la rapporteure d'avoir intégré mon amendement au texte de la commission.
Il est toutefois fondamental de tenir compte des violences conjugales comme motif de suspension de l'autorité parentale ou de son exercice, selon la formule « un parent violent ne peut pas être un bon parent ». Or l'article 1er tel que rédigé ne permet pas la prise en compte globale de la problématique des femmes victimes de violences conjugales et des enfants victimes de violences intrafamiliales.
M. le président. - Amendement n°22, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Rédiger ainsi cet article :
L'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, ou pour une agression sexuelle incestueuse ou atteinte sexuelle incestueuse ou un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal.
L'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l'autre parent prévues soit à la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal, soit aux sections 1, 3 et 3 bis du chapitre II du même titre II, sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l'un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale.
A défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis.
À défaut, le retrait partiel provisoire de l'autorité parentale peut être prononcé. Dans ce cas, la suspension provisoire de l'autorité parentale comprend le retrait du droit de surveiller l'éducation de l'enfant.
Peut se voir retirer totalement l'autorité parentale ou, à défaut, l'exercice de l'autorité parentale par une décision expresse du jugement pénal le parent qui est condamné, soit comme auteur, coauteur ou complice, hors le cas prévu au précédent alinéa, d'un délit commis sur la personne de son enfant, soit comme coauteur ou complice d'un crime ou délit commis par son enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d'un délit sur la personne de l'autre parent.
Mme Laurence Cohen. - Le groupe CRCE propose de retirer l'autorité parentale, et non seulement son exercice, au parent poursuivi, mis en examen ou condamné pour un crime commis sur l'autre parent ou pour une agression sexuelle incestueuse ou un crime sur la personne de son enfant, jusqu'à la décision du JAF. Nous rétablissons ainsi la version adoptée par l'Assemblée nationale, bien plus protectrice.
Nous proposons aussi d'étendre ces dispositions à toutes les violences volontaires commises dans le cadre familial. Nous ne comprenons pas la décision de la commission des lois. Le doute doit profiter à la protection de l'enfant. La simple suspension de l'exercice de l'autorité parentale ne suffit pas à protéger efficacement les enfants victimes de violences conjugales ou intrafamiliales.
Nous réécrivons donc l'article 1er dans un sens plus protecteur.
M. le président. - Amendement n°44 rectifié bis, présenté par Mme Vérien, MM. Détraigne et Henno, Mme de La Provôté, M. Cadic, Mme Dindar, M. Delahaye, Mmes Ract-Madoux et Sollogoub, M. Le Nay, Mmes Jacquemet et Vermeillet, M. Levi, Mme Loisier, M. Janssens, Mmes Perrot et Saint-Pé, M. Duffourg, Mmes Herzog et Guidez, M. Longeot et Mme Doineau.
Rédiger ainsi cet article :
L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. - L'autorite? parentale et les droits de visite et d'he?bergement du parent poursuivi par le ministe?re public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamne?, me?me non de?finitivement, pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, ou pour une agression sexuelle incestueuse ou atteinte sexuelle incestueuses ou un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu'a? la de?cision du juge aux affaires familiales, le cas e?che?ant saisi par le parent poursuivi, jusqu'a? la de?cision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'a? la de?cision du jugement ou de l'arre?t pe?nal.
« L'autorite? parentale et les droits de visite et d'he?bergement du parent qui est condamne?, me?me non de?finitivement, pour des violences volontaires sur l'autre parent pre?vues soit a? la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II du code pe?nal, soit aux sections 1, 3 et 3 bis du chapitre II du me?me titre II, sont suspendus de plein droit jusqu'a? la de?cision du juge aux affaires familiales, qui doit e?tre saisi par l'un des parents dans un de?lai de six mois a? compter de la de?cision pe?nale. À de?faut de saisine dans ce de?lai, les droits du parent condamne? sont re?tablis.
« À de?faut, le retrait partiel provisoire de l'autorite? parentale peut e?tre prononce?. Dans ce cas, la suspension provisoire de l'autorite? parentale comprend le retrait du droit de surveiller l'e?ducation de l'enfant. »
Mme Jocelyne Guidez. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°45 rectifié ter, présenté par Mme Billon.
Mme Annick Billon. - Il s'agit de parvenir à une suspension de plein droit de la titularité de l'autorité parentale et non seulement de son exercice. Car un parent titulaire de l'autorité parentale conserve des relations personnelles avec l'enfant, avec notamment un droit de surveillance.
Il est nécessaire de prendre en compte toutes les violences sexuelles incestueuses à l'encontre d'un enfant : la notion d'atteinte sexuelle est plus large et offre une meilleure protection.
Il convient aussi de prendre en compte toutes les violences conjugales, sans les limiter à un nombre de jours d'ITT déterminé ou à la présence de l'enfant.
M. le président. - Amendement n°25, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Rédiger ainsi cet article :
L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. - L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit dans un délai maximal de six jours, jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal.
« L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, sont suspendus de plein droit dans un délai maximal de six jours jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l'un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »
Mme Laurence Harribey. - Le groupe SER est attaché à la rédaction de l'Assemblée nationale, plus fidèle à l'esprit du texte. Nous avons perçu la même intention chez le garde des sceaux. La suspension de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement sans limitation de durée nous semble impérieuse en cas de poursuites ou de condamnation pour des faits criminels ou des agressions sexuelles commises sur son enfant, afin d'assurer une protection durable.
Les violences conjugales sont trop graves pour ne pas envisager la suspension de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement. Revenons au texte de l'Assemblée nationale.
M. le président. - Amendement n°26, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Rédiger ainsi cet article :
L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. - L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal.
« L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l'un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »
Mme Laurence Harribey. - Amendement de repli, pour inclure les violences conjugales à partir de huit jours d'ITT et le crime ou l'agression sexuelle sur la personne de l'enfant, mais sans délai maximal. C'est l'un des apports majeurs de la proposition de loi.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.
Rédiger ainsi cet article :
L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. - L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal.
« L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté aux faits, sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l'un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »
Mme Mélanie Vogel. - La commission est revenue sur plusieurs mesures protectrices votées par l'Assemblée nationale. Cet amendement en rétablit deux : la suppression de la limitation à six mois apportée à la suspension de l'exercice de l'autorité parentale, et la suspension de l'exercice de l'autorité parentale et du droit de visite du parent condamné pour des violences volontaires ayant conduit à une ITT de plus de huit jours si l'enfant a assisté aux faits. On sait bien, cela a été dit, que l'enfant n'est pas seulement témoin, mais victime.
M. le président. - Amendement identique n°27, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Mme Laurence Harribey. - Nous sommes prêts à réintroduire la condition selon laquelle l'enfant doit avoir assisté aux faits, même si cela n'est pas nécessaire pour être considéré comme victime des violences.
M. le président. - Amendement n°28, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Rédiger ainsi cet article :
L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. - L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal. »
Mme Laurence Harribey. - La suspension de l'exercice de l'autorité parentale est actuellement limitée à six mois. J'entends les arguments sur la présomption d'innocence, mais cette limite doit être supprimée afin d'éviter toute instrumentalisation. Il faut aller jusqu'à l'extinction des poursuites, pour protéger l'enfant.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n°22 tend à la suspension de la titularité de l'autorité parentale, ce qui change totalement la nature de la suspension. L'objectif est de couper tout lien avec l'enfant pendant toute la durée de la procédure pénale. En effet, le titulaire de l'autorité parentale doit notamment être informé des décisions importantes concernant l'enfant.
L'amendement vise également à intégrer les atteintes sexuelles incestueuses, comme l'exhibition.
Enfin l'amendement réintègre un dispositif de suspension provisoire de plein droit en cas de condamnation pour violences volontaires sur l'autre parent sans plus faire référence à une durée d'ITT ou à la présence des enfants. Mais une partie des infractions visées par l'amendement sont des crimes, ce que couvre la rédaction de la commission.
Aggraver la mesure de suspension, de façon automatique et sans intervention du juge, porterait une atteinte disproportionnée au respect du droit à une vie familiale normale. La commission a restreint ces dispositions aux cas les plus graves et a conservé le délai actuel maximal de six mois.
De plus, l'amendement mélange les notions de suspension et de retrait, alors que la suspension est de plein droit, et non décidée par un magistrat.
Enfin, le JAF n'est pas compétent en matière d'autorité parentale : cela revient au tribunal. Avis défavorable à l'amendement n°22.
Les amendements nos44 rectifié bis et 45 rectifié ter visent à supprimer tout lien entre le parent violent et l'enfant. J'émets les mêmes réserves - absence de proportionnalité et difficultés techniques.
Le dispositif de la commission intègre les crimes et j'ai proposé en commission d'obliger les juridictions à se prononcer dès qu'il y a délit sur la personne de l'enfant. Notre boussole est l'intérêt de l'enfant. Avis défavorable aux amendements nos44 rectifié bis et 45 rectifié ter.
L'amendement n°25 vise à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale. Mais la commission a restreint le dispositif aux seules infractions les plus graves. Nous voulons que le juge soit systématiquement saisi au bout de six mois, c'est la contrepartie de l'automaticité. En outre, la suspension est de plein droit : elle court dès qu'il y a mise en examen ou poursuite par le parquet, sans décision de justice. La présence de l'enfant n'a pas de sens, mais nous ne voulons pas créer de régime particulier. Il appartient donc à la juridiction pénale de se prononcer sur la suspension de l'autorité parentale, ainsi que nous l'avons prévu à l'article 3. Avis défavorable à l'amendement n°25, de même qu'à l'amendement n°26, qui est une variante du précédent.
Avis défavorable aux amendements identiques nos3 et 27, car contraires à la position de la commission qui a entendu restreindre le dispositif aux seules infractions les plus graves et qui souhaite qu'un juge soit systématiquement saisi au bout de six mois.
Avis défavorable à l'amendement n°28 : tout le monde ne dispose pas des ressources nécessaires pour saisir un juge.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Ces amendements visent à créer deux mécanismes de suspension de plein droit de la titularité de l'autorité parentale ou de son exercice et des droits de visite et d'hébergement.
En cas de poursuite ou de condamnation du parent pour un crime commis sur l'autre parent ou une agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur l'enfant, la suspension s'appliquerait jusqu'à la décision du JAF.
En cas de condamnation du parent pour des violences ayant entraîné une ITT de plus de huit jours pour l'autre parent, lorsque l'enfant a assisté aux faits, la suspension s'appliquerait jusqu'à la décision du JAF, saisi dans les six mois après la décision pénale.
Je vous rejoins sur la nécessité que la suspension de plein droit s'applique aux crimes et aux agressions sexuelles incestueuses dont un enfant peut être victime. En revanche, il me semble excessif de suspendre automatiquement la titularité de l'autorité parentale alors qu'aucun juge n'a examiné la situation.
Je suis donc opposé aux amendements nos22, 44 rectifié bis, 45 rectifié ter et 25.
La rédaction issue de l'Assemblée nationale me semblait équilibrée. Toutefois, pour des raisons constitutionnelles, il faut être prudent et limiter le mécanisme de suspension aux infractions les plus graves commises en présence de l'enfant. Sagesse bienveillante sur les amendements identiques nos3 et 27.
L'amendement n°26 rompt les équilibres : avis défavorable.
Il faut en outre revenir à la rédaction issue de l'Assemblée nationale sur la saisine du JAF par les parties : avis favorable à l'amendement 28.
Mme Laurence Cohen. - Je comprends la réponse de la rapporteure sur l'amendement n°22, qui comporte des maladresses. Mais je la trouve particulièrement sévère avec les autres amendements reprenant le texte adopté par l'Assemblée nationale, plus protecteur. J'apprécie en cela l'avis du garde des sceaux.
Nous cherchons tous la meilleure façon de protéger l'enfant.
Mme Annick Billon. - Notre objectif commun est la protection de l'enfance. Ces amendements attirent l'attention sur la dangerosité, car il n'y a pas de gradation : dès le soupçon, il y a danger. Un enfant décède tous les cinq jours sous les coups d'un parent. Nous devons tout mettre en oeuvre pour protéger les enfants, selon un principe de précaution. Je maintiens mon amendement et vous invite à le voter.
L'amendement n°22 n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos44 rectifié bis et 45 rectifié ter, les amendements nos25 et 26, les amendements identiques nos3 et 27, et l'amendement n°28.
M. le président. - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet.
Alinéa 3
Supprimer les mots :
incestueuse commis sur la personne de son enfant
Mme Laurence Rossignol. - Mon premier choix eût été le vote conforme de l'article 1er...
Selon le texte, l'autorité parentale est suspendue ou retirée au parent s'il a commis un crime ou une agression sexuelle sur la personne de son enfant. J'en déduis que son autorité parentale pourrait être maintenue sur les autres membres de la fratrie. Comment un père ayant commis un inceste peut-il conserver l'autorité parentale sur ses autres enfants ?
Deuxième cas : un père de famille commettant des agressions sexuelles - je pense au film Les Chatouilles, dans lequel un ami de la famille viole une petite fille. Comment imaginer qu'un homme condamné pour violences sexuelles sur mineurs conserve l'autorité parentale sur ses propres enfants ?
Tous mes amendements visent à ce qu'un homme poursuivi ou condamné pour agressions sexuelles sur un enfant ne puisse plus disposer de son autorité parentale sur ses propres enfants.
Je propose cinq rédactions : pleine d'espoir, j'espère que l'une d'elles aura l'heur de trouver grâce auprès du ministre et de la rapporteure...
M. le président. - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
incestueuse commis sur la personne de son enfant
par les mots :
prévu aux articles 222-22, 222-22-1, 222-22-2, 222-22-3, 222-23-1, 222-23-2 et 227-23 du code pénal sur un mineur de seize ans
Mme Laurence Rossignol. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°10 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
incestueuse commis sur la personne de son enfant
par les mots :
commise sur un mineur
Mme Laurence Rossignol. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
incestueuse commis sur la personne de son enfant
par les mots :
commise sur un mineur de moins de 16 ans
Mme Laurence Rossignol. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°12 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet.
Alinéa 3
Supprimer les mots :
commis sur la personne de son enfant
Mme Laurence Rossignol. - Défendu.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - On va probablement me trouver sévère, mais...
Mme Laurence Rossignol. - Je ne suis pas une enfant !
Mme Marie Mercier, rapporteur. - ... ces amendements visent tous à élargir les cas de suspension de l'exercice de l'autorité parentale. (Mme la rapporteure se met à lire son argumentaire très rapidement.) Cela va bien plus loin que les recommandations de la Ciivise.
Mme Laurence Rossignol. - Rappel au Règlement !
Mme Émilienne Poumirol. - On ne comprend rien !
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n°9 permettrait une suspension de plein droit pour tout crime ou agression sexuelle, quel que soit l'âge de la victime ou son lien de parenté. L'amendement n°8 ferait jouer la suspension automatique à chaque fois qu'un parent serait poursuivi pour un crime, un viol ou une agression sexuelle ou la diffusion et l'enregistrement d'images à caractère pornographique d'un mineur de 16 ans. L'amendement n°10 permet une suspension de plein droit pour tout crime, sans préciser qui est la victime. L'amendement n°11 est le même, mais limité aux mineurs de 16 ans. L'amendement n°12 permet enfin une suspension en cas de crime ou d'agression sexuelle incestueuse, quel que soit le lien de parenté de la victime avec l'auteur.
L'idée sous-jacente est qu'un auteur de violences sexuelles ne peut être un bon parent. Cette extension n'a pas été envisagée par l'auteure de la proposition de loi et je ne l'ai pas étudiée. L'article 378 du code civil ne prend en compte que les crimes et délits commis sur l'enfant ou l'autre parent.
Ces amendements pourraient porter atteinte au principe de proportionnalité. Méfions-nous des solutions automatiques. Il faut examiner la situation de l'enfant in concreto. N'appliquons pas de manière maximaliste le principe de précaution.
Enfin, la référence aux mineurs de 16 ans crée un décalage avec le code pénal qui retient l'âge de 15 ans. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - L'amendement n°9 entraînerait de facto le déclenchement de la suspension de l'autorité parentale en dehors de son cercle familial : un parent qui se lancerait dans le faux-monnayage se verrait privé de l'exercice de l'autorité parentale.
Mme Laurence Rossignol. - Je mentionne l'agression sexuelle !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - « Ou » une agression sexuelle, et non « et ». Avis défavorable.
Avec l'amendement n°8, vous excluez du dispositif les mineurs de 16 à 18 ans, qui ne seraient plus protégés : avis défavorable.
Sur les amendements nos10 et 11, avis défavorable, car des mineurs ayant commis une agression sexuelle sur un mineur ne seraient pas à l'abri de subir, bien des années plus tard, une suspension de leur autorité parentale sur leurs enfants nés bien après les faits.
L'amendement n°12 ne protégerait plus les mineurs de 16 à 18 ans, même en cas de crime.
Tous ces amendements mettent en péril la cohérence du dispositif et entraînent d'importants effets de bords : l'intérêt des enfants pourrait ne plus être protégé. Avis défavorable.
Mme Laurence Rossignol. - La rapporteure a exposé ses arguments trop rapidement. Comment apprécie-t-on in concreto la situation d'un enfant dont le frère ou la soeur a été victime d'inceste de la part du père ? La situation des autres enfants est préoccupante ! (Mme Émilienne Poumirol renchérit.)
Monsieur le garde des sceaux, j'ai bien compris que mes rédactions avaient toutes des défauts. Mais vous êtes sans doute sensible à mes propos : proposez-nous alors une autre rédaction !
En outre, vous soutenez qu'une suspension de l'autorité parentale pourrait concerner, quinze ans après, un mineur de 16 à 18 ans. En ce cas, sous-amendons ! Vous ne pouvez vous contenter de m'opposer des considérations juridiques. Cela me rappelle l'affaire Marina dans laquelle le père continuait d'exercer son autorité parentale depuis sa prison sur les autres frères et soeurs !
Mme Annick Billon. - Je ne comprends pas l'argument de la proportionnalité - nous sommes ici pour protéger les enfants et les victimes. En revanche j'entends les arguments relatifs aux effets de bords.
Mais les propositions de Laurence Rossignol méritent notre attention : essayons de trouver ensemble une rédaction. Monsieur le garde des sceaux, madame la rapporteure, nous devons prévoir les outils nécessaires pour empêcher les agressions et les récidives.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - J'ai fait part de ma circonspection, mais elle n'empêche pas de travailler ensemble sur ce que vous proposez, madame Rossignol !
J'ai dit devant votre délégation que les enfants témoins devaient aussi être considérés comme victimes ; j'ai tenu parole.
Sur la non-présentation d'enfant, il faut un équilibre avec les textes conventionnels ou constitutionnels. Je comprends le sens de vos amendements.
Ce n'est pas une question de proportionnalité, madame Billon.
Certains criminels - par exemple un notaire qui commettrait des faux en écriture publique - ne sont pas forcément de mauvais pères !
Travaillons ensemble.
Mme Laurence Rossignol. - Durant la navette !
Mme Frédérique Puissat. - Sans nous ? On dérange ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Nous trouverons quelque chose, en remplaçant un « ou » par un « et » ou autrement.
Mme Michelle Meunier. - L'attitude du garde des sceaux est encourageante.
Madame la rapporteure, quelles sont les raisons de votre refus ? Autant j'entends les objections légistiques du ministre, autant je ne comprends pas ce qui fonde votre refus de point de vue de l'intérêt supérieur de l'enfant. Je voudrais vous comprendre.
Mme Frédérique Puissat. - Nous, nous avons bien compris !
Mme Laurence Rossignol. - Je vais retirer ces amendements. Je fais confiance au garde des sceaux pour que nous trouvions au cours de la navette une rédaction interdisant à un père d'exercer l'autorité parentale sur les frères et soeurs d'un enfant sur lequel il a commis un inceste.
Comment des hommes coupables d'agression sexuelle sur mineur peuvent-ils toujours avoir l'autorité parentale ? Nous avons tous lu l'enquête du Monde sur les viols par streaming, avec les pères qui d'abord regardent, puis offrent leur propre enfant...
Les amendements nos9 rectifié bis, 8 rectifié bis, 10 rectifié bis, 11 rectifié bis et 12 rectifié bis sont retirés.
M. le président. - Amendement n°29, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
ou pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours
Mme Annie Le Houerou. - Cet amendement de repli prévoit la suspension de l'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi ou condamné pour violence ayant provoqué une ITT de plus de huit jours. Il est indispensable de lier violences conjugales et suspension de l'autorité parentale.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'autorité parentale ne peut être disjointe de la protection de l'enfant.
La suspension provisoire de plein droit pourrait avoir lieu immédiatement dès la mise en examen, que l'enfant ait assisté aux faits ou non. Françoise Dolto disait que dans une famille, les premiers à savoir que quelque chose ne va pas sont le bébé et le chien ! L'enfant sait ce qui se passe même s'il n'a pas été témoin des violences.
J'ai signé beaucoup d'ITT ; celles de plus de huit jours sont rares. Mais elles ne peuvent être la condition sine qua non. La violence entraîne des conséquences psychologiques graves qui ne sont pas prises en compte dans l'ITT. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Avis défavorable.
Mme Michelle Meunier. - Nous voterons cet amendement. Madame la rapporteure, hier, à la fédération Solidarité Femmes de Loire Atlantique, j'ai appris que les ITT de huit jours n'étaient plus exceptionnelles, car les médecins prennent de plus en plus en compte la violence psychologique.
L'amendement n°29 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°13 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet.
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa de l'article 378 du code civil est remplacé par deux alinéas ainsi rédigé :
« Se voit retirer totalement l'autorité parentale ou, à défaut, l'exercice de l'autorité parentale, par une décision expresse du jugement pénal, le parent qui est condamné soit comme auteur, coauteur ou complice d'une agression sexuelle incestueuse ou d'un crime commis sur la personne d'un enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d'un crime sur la personne de l'autre parent, sauf décision contraire spécialement motivée par la juridiction.
« Peut se voir retirer totalement l'autorité parentale ou l'exercice de l'autorité parentale, par une décision expresse du jugement pénal, le parent qui est condamné soit comme auteur, coauteur ou complice, hors le cas prévu au premier alinéa, d'un délit commis sur la personne d'un enfant, soit comme coauteur ou complice d'un crime ou d'un délit commis par son enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d'un délit sur la personne de l'autre parent. »
Mme Laurence Rossignol. - Je proposais de revenir à la rédaction initiale de l'Assemblée nationale et d'étendre la portée à un autre enfant que celui sur lequel l'agression est commise. Par cohérence, je le retire.
L'amendement n°13 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°19, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa de l'article 378 du code civil est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Se voit retirer totalement l'autorité parentale ou, à défaut, l'exercice de l'autorité parentale par une décision expresse du jugement pénal, le parent qui est condamné, soit comme auteur, coauteur ou complice d'une agression sexuelle incestueuse ou d'une atteinte sexuelle incestueuse ou d'un crime commis sur la personne de son enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d'un crime sur la personne de l'autre parent, sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction.
« Peut se voir retirer totalement l'autorité parentale ou, à défaut, l'exercice de l'autorité parentale par une décision expresse du jugement pénal le parent qui est condamné, soit comme auteur, coauteur ou complice, hors le cas prévu au précédent alinéa, d'un délit commis sur la personne de son enfant, soit comme coauteur ou complice d'un crime ou délit commis par son enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d'un délit sur la personne de l'autre parent. »
Mme Laurence Cohen. - Il est important d'ajouter le délit d'atteinte sexuelle incestueuse à la liste des cas dans lesquels le parent se voit retirer totalement l'autorité parentale.
Nous devons garantir aux enfants un environnement familial sain et sans violence. Pour les victimes, la cicatrice est souvent indélébile. Protégeons les enfants de toute récidive.
Pour nous, une seule violence sexuelle incestueuse, crime ou délit, doit entraîner le retrait total et automatique de l'autorité parentale.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Le texte de la commission prévoit qu'en cas de délit d'atteinte sexuelle incestueuse, la juridiction pénale est obligée de se prononcer sur le retrait de l'autorité parentale, sans que le principe soit celui d'un retrait total. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Retrait au profit de l'amendement n°46, dont la rédaction me semble préférable.
L'amendement n°19 n'est pas adopté.
La séance est suspendue quelques instants.
M. le président. - Amendement n°46, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, Théophile, Patriat, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.
I. - Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
se prononce sur
par le mot :
ordonne
II. - Alinéas 4 et 5
Remplacer ces deux alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de condamnation d'un parent comme auteur, coauteur ou complice d'un délit commis sur la personne de son enfant, autre qu'une agression sexuelle incestueuse, ou comme coauteur ou complice d'un crime ou délit commis par son enfant, ou comme auteur, coauteur ou complice d'un délit commis sur la personne de l'autre parent, la juridiction pénale peut ordonner le retrait de l'autorité parentale ou de son exercice. » ;
M. Thani Mohamed Soilihi. - Cet amendement concrétise une recommandation de la Ciivise, qui préconisait de prévoir dans la loi le retrait systématique de l'autorité parentale en cas de condamnation d'un parent pour violence sexuelle incestueuse contre l'enfant, pour une meilleure protection des victimes. La rédaction de la commission ne garantit pas la systématicité du retrait de l'autorité parentale.
Pour redonner sa pleine portée au dispositif, nous proposons que le retrait soit ordonné par le juge, sauf décision contraire motivée.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - La juridiction pénale pourra toujours prononcer une autre mesure que le retrait de l'autorité parentale - c'est une condition de la constitutionnalité et de la conventionnalité du dispositif.
La commission a souhaité distinguer l'obligation de se prononcer et l'obligation de motiver une décision autre que le retrait total. Votre amendement est moins-disant que notre rédaction, qui impose aux juridictions de se prononcer. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Cet amendement me semble très équilibré : il renforce la protection des enfants en créant un mécanisme de retrait automatique, mais le limite aux infractions les plus graves et permet au juge d'écarter le retrait, respectant ainsi nos obligations conventionnelles et constitutionnelles. Avis favorable.
L'amendement n°46 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°30 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 3
Supprimer les mots :
ou, à défaut, de l'exercice de cette autorité et des droits de visite et d'hébergement
Mme Laurence Rossignol. - L'article 2 tel que réécrit par la commission donne au juge la possibilité de prononcer autre chose que le retrait total de l'autorité parentale. L'ajout est surprenant : la commission des lois aurait-elle du mal avec le retrait de l'autorité parentale ? Comme si le lien biologique entre le père et les enfants devait être maintenu en toutes circonstances. Nous parlons ici d'agression sexuelle incestueuse, et vous proposez que le juge puisse opter pour une simple suspension du droit de visite et d'hébergement...
Disons sans hésitation qu'un parent ayant commis une agression sexuelle incestueuse sur son enfant se voit retirer l'autorité parentale. C'est une recommandation de la Ciivise.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - En supprimant la mention de l'alternative, cet amendement semble clarifie le message : le principe est bien un retrait total de l'autorité parentale et toute mesure alternative devra être spécialement motivée. Avis favorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Nous devons laisser une alternative pour répondre à toutes les situations soumises au juge. Le retrait automatique de l'autorité parentale me gêne. Pourquoi craindre l'intervention du juge ? Avis défavorable.
L'amendement n°30 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°7 rectifié quater, présenté par MM. Bonneau, Le Nay, Pellevat et Laugier, Mme Herzog, MM. Henno, Kern, Belin et Somon, Mme Jacquemet, MM. Détraigne, D. Laurent, Canévet et Burgoa, Mme Drexler, MM. Houpert et Hingray, Mme Férat, M. Wattebled, Mme Thomas et M. Chasseing.
Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
portant sur l'enfant victime et le cas échéant, ses frères et soeurs
M. François Bonneau. - Cet amendement étend le retrait de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement à l'ensemble de la fratrie, dans le droit fil de mon amendement au projet de loi Protection de l'enfance.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Votre amendement est satisfait par l'article 379 du code civil. Retrait ?
L'amendement n°7 rectifié quater est retiré.
L'article 2, modifié, est adopté.
L'article 2 bis est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 2 BIS
M. le président. - Amendement n°52, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission.
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article 380 du code civil, les mots : « ou du droit de garde » sont supprimés.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Cet amendement supprime la référence au droit de garde, qui n'existe plus depuis 1987, dans l'article 380 du code civil.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Avis favorable.
L'amendement n°52 est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 2 TER
M. le président. - Amendement n°47, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, Théophile, Patriat, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.
Alinéa 6
Remplacer les mots :
aux articles 378 et 378-1
par les mots :
à l'article 378
M. Thani Mohamed Soilihi. - Cet amendement supprime la référence à l'article 378-1 du code civil, relatif au retrait de la titularité de l'autorité parentale, pour ne conserver que la référence à l'article 378, relatif à son exercice.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'article 379-1 du code civil permet à la juridiction saisie au titre de l'article 378, en cas de condamnation pénale, ou de l'article 378-1, en cas d'action intentée au civil, de prononcer un retrait de l'exercice de l'autorité parentale, et non de l'autorité parentale. Il convient de conserver les deux références. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Il s'agit d'encadrer les conditions de la demande de restitution d'exercice de l'autorité parentale. Il convient de supprimer la référence à l'article 378-1, qui porte sur le cadre civil, alors que l'exercice de l'autorité parentale a été retiré dans un cadre pénal. Avis favorable.
L'amendement n°47 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°6 rectifié quater, présenté par MM. Bonneau, Le Nay et Pellevat, Mme Herzog, MM. Laugier, Henno, Kern, Belin et Somon, Mme Jacquemet, M. P. Martin, Mmes Saint-Pé et Billon, MM. Détraigne, D. Laurent et Burgoa, Mme Drexler, MM. Hingray, Houpert et Wattebled, Mme Férat, MM. Cadec, Panunzi et Canévet, Mme Thomas et M. Chasseing.
Alinéa 6
Remplacer le mot :
six
par le mot :
douze
M. François Bonneau. - Cet amendement allonge de six mois à un an le délai pendant lequel un parent condamné ne peut demander à retrouver l'exercice de l'autorité parentale dont il a été privé. C'est dans l'intérêt de l'enfant, d'autant qu'un suivi psychologique du parent violent peut difficilement être mis en oeuvre en l'espace de six mois.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Ce délai ménage un répit pour l'enfant. Retrait, pour respecter la gradation entre le retrait de l'autorité parentale et le retrait de son exercice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Avis défavorable : il est dans l'intérêt de l'enfant que le JAF statue rapidement.
L'amendement n°6 rectifié quater est retiré.
L'article 2 ter est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 2 TER
L'amendement n°1 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°32 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 373-2 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le présent alinéa ne s'applique pas au parent victime de violences conjugales. »
Mme Laurence Rossignol. - Il s'agit de sécuriser le droit pour le parent victime de violences conjugales de dissimuler à l'autre parent tout changement de résidence, qu'il s'agisse de son nouveau domicile ou de l'école des enfants.
M. le président. - Amendement n°33 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 373-2 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le présent alinéa ne s'applique pas au parent bénéficiaire d'une ordonnance de protection prévue par l'article 515-9 du présent code si l'ordonnance de protection a été requise à l'encontre de l'autre parent. »
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement de repli, également inspiré par la Fédération nationale Solidarité Femmes, s'inscrit dans le cadre de l'ordonnance de protection. Je le dépose régulièrement.
M. le président. - Sous-amendement n°54 à l'amendement n°33 rectifié de Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
ordonnance de protection prévue par l'article 515-9
par les mots :
autorisation de dissimuler son domicile ou sa résidence prévue au 6 bis de l'article 515-11
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°32 rectifié au profit de l'amendement n°33 rectifié, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement.
M. le président. - Amendement n°50 rectifié ter, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet.
Après l'article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article 373-2-1 du code civil est complété par les mots : « , parmi lesquels figure notamment la commission de violences, quelle qu'en soit la nature, sur l'autre parent ou sur le ou les enfants ».
Mme Laurence Rossignol. - Nous précisons que la commission de violences sur l'autre parent ou sur l'enfant est un motif grave susceptible d'emporter le refus de l'exercice du droit de visite et d'hébergement.
M. le président. - Amendement n°24 rectifié, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article 373-2-9 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'un parent a exercé ou exerce des violences sur l'autre parent, la résidence habituelle de l'enfant est fixée au domicile de ce dernier. »
Mme Laurence Cohen. - Considérant qu'un mari ou un conjoint violent ne peut être un bon père, nous proposons que la résidence alternée soit impossible en cas de violences conjugales.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Le code civil dispose déjà que, dans toutes ses décisions, le JAF prend en considération les pressions ou violences, physiques ou psychologiques, exercées par l'un des parents sur l'autre. Au demeurant, c'est le rôle même du JAF de prendre en compte l'intérêt de l'enfant, dont sa sécurité et sa santé. Avis défavorable à l'amendement n°50 rectifié ter.
L'amendement n°24 rectifié est trop rigide : l'intérêt de l'enfant peut être d'avoir une résidence habituelle chez un tiers. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Avis favorable à l'amendement n°33 rectifié, sous-amendé par l'amendement n°54 de la rapporteure. Avis défavorable aux autres amendements.
L'amendement n°32 rectifié n'est pas adopté.
Le sous-amendement n°54 est adopté.
L'amendement n°33 rectifié, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.
L'amendement n°50 rectifié ter n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°24 rectifié.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°20, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
I. - Après l'alinéa 1
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
...° L'article 221-5-5 est ainsi rédigé :
« Art. 221-5-5 - I. - En cas de condamnation pour un délit prévu à la présente section, commis par le père ou la mère sur la personne de son enfant ou de l'autre parent, la juridiction de jugement se prononce sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité, en application des articles 378, 379 et 379-1 du code civil.
« II. - En cas de condamnation pour un crime commis par un parent sur la personne de son enfant ou sur la personne de l'autre parent, la juridiction de jugement ordonne le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ainsi que des droits de visite et d'hébergement en application des mêmes articles 378 et 379-1, sauf décision spécialement motivée.
« Elle peut alors statuer sur le retrait de cette autorité ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité sur les frères et soeurs mineurs de la victime.
« Si les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, celle-ci statue sur cette question.
« La décision prévue au premier alinéa du présent II est assortie de plein droit de l'exécution provisoire. » ;
II. - Alinéa 10
Supprimer la référence :
221-5-5,
Mme Laurence Cohen. - Il s'agit de permettre au juge d'ordonner le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ainsi que des droits de visite et d'hébergement en cas d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité de l'enfant ou de l'autre parent. Le lien parent-enfant ne doit pas être maintenu à tout prix. Un enfant ne peut se reconstruire s'il est contraint de revoir son bourreau ou celui de l'autre parent.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - La commission a choisi de supprimer les dispositions spécifiques et de créer un nouvel article 228-1 s'appliquant à tous les crimes et délits commis sur l'enfant ou l'autre parent, pour une meilleure cohérence entre code civil et code pénal. L'amendement est satisfait par cette rédaction.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Sagesse.
Mme Laurence Cohen. - J'entends les assurances de la rapporteure.
L'amendement n°20 est retiré.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
I. - Après l'alinéa 1
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
...° L'article 222-48-2 est ainsi rédigé :
« Art. 222-48-2 - I. - En cas de condamnation pour un délit prévu aux sections 1, 3 ou 3 bis du présent chapitre II, commis par le père ou la mère sur la personne de son enfant ou de l'autre parent, la juridiction de jugement se prononce sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité, en application des articles 378, 379 et 379-1 du code civil.
« II. - Lorsque l'infraction mentionnée au I du présent article est un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis par un parent sur la personne de son enfant ou un crime commis par un parent sur la personne de l'autre parent, la juridiction de jugement ordonne le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ainsi que des droits de visite et d'hébergement en application des mêmes articles 378, 379 et 379-1, sauf décision spécialement motivée.
« Elle peut alors statuer sur le retrait de cette autorité ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité sur les frères et soeurs mineurs de la victime.
« Si les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, celle-ci statue sur cette question.
« La décision prévue au présent article est assortie de plein droit de l'exécution provisoire. » ;
II. - Alinéa 10
Supprimer la référence :
, 222-48-2
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Il faut que le retrait de l'autorité parentale soit systématique en cas de condamnation pour viol, agression ou atteinte sexuelle incestueuse. Comment concevoir qu'une marge d'appréciation demeure dans de telles situations ? Le retrait de l'autorité parentale doit être automatique, il y va de la reconstruction de l'enfant.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Satisfait, comme le précédent.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Sagesse.
L'amendement n°21 est retiré.
L'amendement n°18 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°48, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.
Alinéa 6
Après les mots :
dans les conditions
insérer les mots :
et selon les distinctions
L'amendement rédactionnel n°48, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°31, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 7
Remplacer les mots :
peut aussi décider du
par les mots :
se prononce sur le
Mme Laurence Harribey. - Il convient de retenir une formulation plus incitative, afin que la juridiction se prononce bel et bien sur le retrait de l'autorité parentale ou de son exercice à l'égard des autres enfants mineurs du parent condamné.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Laissons aux juridictions pénales la faculté de se prononcer, sans en faire une obligation. Elles peuvent en effet manquer d'éléments. Si les frères et soeurs sont eux-mêmes victimes, ne serait-ce que parce qu'ils ont assisté aux violences, l'obligation de statuer existe déjà.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°31 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°41, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Avant de se prononcer sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité, la juridiction de jugement doit entendre l'enfant capable de discernement afin de recueillir sa parole et les sentiments qu'il exprime, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement ou, lorsque l'intérêt de l'enfant le commande, désigner une personne à cet effet.
Mme Michelle Meunier. - La transgression de l'interdit fondamental de l'inceste justifierait un retrait définitif et automatique de l'autorité parentale.
Même si la protection de l'enfant exige parfois des décisions allant à l'encontre de ce qu'il revendique, sa parole doit toujours être entendue pour que la décision soit légitime.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Cette possibilité existe déjà quand le mineur est capable de discernement ; elle est de droit quand il le demande. Avis défavorable. N'obligeons pas l'enfant à s'exprimer en public, devant le parent auteur de violences.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Avis défavorable.
Mme Michelle Meunier. - Je ne fais que reprendre une recommandation de la Défenseure des droits formulée en 2020. L'enfant a le droit d'être entendu et représenté.
L'amendement n°41 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°53, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission.
Alinéa 8
Après le mot :
peut
insérer les mots :
, après avoir prononcé la peine,
L'amendement de précision n°53, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°43, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 388-1 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les procédures concernant le retrait total ou partiel de l'autorité parentale, ou la suspension de l'exercice de cette autorité et les droits de visite et d'hébergement, dans les conditions prévues aux articles 378 et 378-2 du présent code, le mineur capable de discernement est assisté par un avocat. »
Mme Laurence Harribey. - L'enfant est une personne à part entière : il doit être entendu et représenté par un avocat qui lui est dédié, garant de ses droits procéduraux.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Cet amendement transforme le droit d'être assisté par un avocat en obligation. Or le coût de cette assistance n'est pas mentionné, article 40 oblige, ce qui rend la disposition non opérante en pratique. L'amendement est au demeurant satisfait dès lors que l'enfant est lui-même victime et se porte partie civile Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - La suspension sans audience est à mon sens sans objet. Le retrait de l'autorité parentale est prononcé par le juge pénal : ce sont les règles de la procédure pénale qui s'appliquent, et non celles de la procédure civile. Avis défavorable.
L'amendement n°43 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°36, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant le nombre de décisions de retrait total ou partiel de l'exercice de l'autorité parentale, en application de la présente loi.
Mme Laurence Rossignol. - C'est ma lettre au père Noël... (M. le garde des sceaux sourit.) Nous avons besoin de statistiques de la Chancellerie pour mieux comprendre le traitement judiciaire de ces affaires, l'impact de la consommation de films pornographiques sur les violences sexuelles, pour mieux cerner le fonctionnement de ces individus, et la façon dont ils sont sanctionnés et accompagnés. D'où cette demande de rapport : combien de retraits de l'autorité parentale, combien de décisions motivées de non-retrait, etc.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Traditionnellement, la commission est opposée aux demandes de rapports ; elle préfère que le Parlement exerce son pouvoir de contrôle, en application de l'article 24 de la Constitution.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - J'ai lancé le chantier des statistiques au ministère, qui n'a pas la culture de l'indicateur. En revanche, je ne suis pas très favorable à un rapport, d'autant que le Sénat a toujours la possibilité de contrôler l'action du Gouvernement. Ma porte est ouverte, et je vous communiquerai tous les chiffres dont je dispose d'ici quelques mois, quand les nouveaux outils auront été mis en place. Avis défavorable.
L'amendement n°36 n'est pas adopté.
L'article 3 bis est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 3 BIS
M. le président. - Amendement n°5 rectifié sexies, présenté par MM. Bonneau, Pellevat, Le Nay et Belin, Mme Herzog, MM. Laugier, Kern et Somon, Mme Jacquemet, M. P. Martin, Mmes Saint-Pé et Billon, MM. Détraigne, D. Laurent, Canévet et Burgoa, Mme Drexler, MM. Houpert, Cadec, Panunzi et Hingray, Mme Thomas et M. Chasseing.
Après l'article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 17° de l'article 138 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l'infraction constitue une atteinte sexuelle incestueuse contre son enfant, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention prononce la suspension du droit de visite et d'hébergement des enfants mineurs dont la personne mise en examen est titulaire ; la de?cision de ne pas ordonner le retrait total de l'autorite? parentale est spe?cialement motive?e. »
M. François Bonneau. - Cet amendement systématise la suspension des droits de visite et d'hébergement du parent mis en examen pour une infraction incestueuse. Sans négliger la présomption d'innocence, nous faisons primer le principe de précaution.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Cet amendement est satisfait par l'article 3 bis. Retrait ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°5 rectifié sexies est retiré.
M. le président. - Amendement n°40, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article 388-1 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les procédures concernant le retrait total ou partiel de l'autorité parentale, ou la suspension de l'exercice de cette autorité et les droits de visite et d'hébergement, dans les conditions prévues aux articles 378 et 378-2 du présent code, le mineur capable de discernement doit, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. »
Mme Laurence Harribey. - Il s'agit de garantir le respect de l'enfant par l'écoute de sa parole. Chaque enfant doit être entendu dans sa singularité et pouvoir faire valoir son expression auprès du juge, pour rester au centre de la décision prise dans son intérêt.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Avis défavorable pour les raisons déjà exposées précédemment.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°40 n'est pas adopté.
Interventions sur l'ensemble
Mme Michelle Meunier . - Nous aurions aimé retrouver l'esprit de la proposition de loi d'Isabelle Santiago. Nous sommes révoltés contre toute manifestation de violence à l'égard des femmes. La persistance d'un système qui minimise ces violences et hésite à sanctionner leurs auteurs est une entrave à la liberté des femmes et à l'égalité femmes-hommes.
Nous voulons corriger les failles de notre justice familiale, qui laisse entendre qu'un mauvais mari peut être un bon père, qui néglige les conséquences des conflits et perpétue les violences. Que vaut la loi aux yeux d'un enfant qu'elle n'a pas protégé de la violence d'un parent ?
La psychologue Karen Sadlier explique que l'enfant sculpte sa personnalité par mimétisme sur le modèle de l'auteur des violences et précise qu'il ne saurait y avoir de lien parental en l'absence de protection.
Je regrette que l'on s'éloigne de l'esprit initial du texte. Toutefois, au vu des légères avancées, nous le voterons.
Mme Annick Billon . - Je salue la qualité du travail de la rapporteure et de la commission des lois et remercie le garde des sceaux pour ses réponses claires et constructives.
Nous manquons de chiffres, mais ceux que nous avons sont effarants. Selon le rapport de l'Unicef, un enfant est tué tous les cinq jours en moyenne par l'un de ses parents ; ces derniers représentent 86 % des auteurs de maltraitance. Selon la Ciivise, 160 000 enfants subissent des violences sexuelles chaque année en France ; une personne sur dix est victime d'inceste dans son enfance, soit cinq millions de personnes.
Pour toutes ces raisons, le groupe UC votera ce texte, qui n'est pas une fin en soi, mais le début d'un changement. Le parent violent n'est jamais un bon parent.
La navette apportera des avancées ; M. le garde des sceaux a proposé d'y travailler. La mission Chandler-Vérien fera sans nul doute des propositions utiles.
Mme Laurence Cohen . - Notre débat était intéressant. Je regrette toutefois que la commission des lois ait été un peu sévère avec la version de l'Assemblée nationale, et que des recommandations de la Ciivise n'aient pas été suivies. Nous poursuivons pourtant tous le même but. L'avis du magistrat Édouard Durand aurait dû être mieux pris en compte.
Je salue la bienveillance du garde des sceaux et son désir de travailler avec nous. Certains amendements sans doute maladroits pourront ainsi être retravaillés.
Il nous faut aussi examiner le délit de non-représentation d'enfant par la mère lorsque celle-ci est sûre que son enfant est victime de violences sexuelles : avançons ensemble sur ce sujet, de même que sur le syndrome d'aliénation parentale, trop souvent utilisé contre les mères.
Notre groupe votera ce texte.
Mme Lana Tetuanui . - Je voterai ce texte.
Monsieur le garde des sceaux, ce fléau pollue nos territoires d'outre-mer. Il faut accorder plus de moyens à la justice dans nos territoires. À l'éloignement s'ajoute la barrière de la langue : il est difficile à un petit Polynésien de 6 ans de s'exprimer devant un juge. Envoyez-nous des renforts pour la justice !
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
M. le président. - À l'unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)
La séance est suspendue quelques instants.
Fusion des filières REP d'emballages ménagers et de papier (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique.
Discussion générale
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie . - Nous avons collectivement construit le socle de filières de responsabilité élargie du producteur (REP) lors de l'examen de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec), pour laquelle, madame la rapporteure, vous remplissiez déjà la même fonction.
Avec la loi Climat et résilience, elle a apporté des moyens et des outils nouveaux dans la gestion quotidienne des déchets. Depuis ma prise de fonctions, je travaille pour que les collectivités aient les moyens suffisants d'agir.
Pour 2023, le fonds vert consacre ainsi 60 millions d'euros pour la collecte et la valorisation des biodéchets et 90 millions d'euros ont été ajoutés au fonds économie circulaire. Les barèmes de soutien seront revus en raison du contexte économique.
Notre politique de développement de l'économie circulaire fait figure d'exemple en Europe.
Ce texte pose un principe clair en fusionnant les REP papier et emballage. Il prévoit pour le secteur de la presse la possibilité d'une contribution en nature.
Les filières REP sont la clé de voûte du recyclage, du réemploi et de la propreté. La loi Agec en a créé onze nouvelles qui représenteront 6 milliards d'euros d'éco-contributions en 2025. Je suis pleinement mobilisée pour que les performances des filières s'améliorent et que celles devant entrer en vigueur le fassent. Je maintiendrai le cap.
La fusion des filières papier et emballage est au coeur de ces engagements. Votre commission a retenu cette position et je m'en réjouis. Elle est cohérente avec la logique de collecte : à un bac jaune correspondra une filière. Nous gagnerons aussi en performance environnementale. En deux ans, la production de papier a diminué de 12 %. Dans ce contexte, la fusion devra avoir lieu, tôt ou tard, et permettra de mieux gérer les coûts structurels du bac jaune.
Les débats portent majoritairement sur la deuxième disposition du texte. Sénat et Assemblée nationale font le même constat : la situation économique de la presse nous impose de trouver des solutions. Mais il n'est pas question d'exonérer un secteur de sa contribution environnementale et de priver les collectivités territoriales de ressources. La proposition de loi initiale prévoyait que le dispositif de responsabilité soit reconduit et renforcé. Mais elle a été ensuite ajustée : le texte de Denis Masséglia a été amélioré par des amendements de tous les groupes, en associant mieux les collectivités territoriales à la démarche. Chaque année, les économies induites par la mise à disposition gratuite d'encarts seront quantifiées.
Le texte précise en outre que les exigences environnementales de la presse ne pouvaient pas être inférieures à celles en vigueur jusqu'au 1er janvier 2023 : votre commission n'a pas retenu cette proposition. J'en prends acte, mais je vous livre deux réserves à cet égard.
Sur le plan juridique, le bonus d'éco-contribution que vous prévoyez ne correspond pas à un critère d'éco-conception prévu par le droit européen. En outre, la compensation des encarts gratuits par le seul secteur de l'emballage me semble fragile au regard du principe d'équité.
Sur le plan écologique, le dispositif adopté en commission incite les producteurs à ajouter plus d'emballages : tel n'est pas l'esprit de la loi Agec, madame la rapporteure ; c'est même à l'opposé de notre combat. Je sais que vous recherchez des solutions. Je fais confiance au débat parlementaire pour trouver une sortie par le haut.
Ces encarts ne doivent pas être promotionnels, mais doivent porter sur des motifs d'intérêt général. Le Gouvernement ne remet en cause aucune des filières REP : certaines sont actuellement en cours de mise en oeuvre cette année - bâtiment, véhicules hors d'usage, pneumatiques ou encore emballages de la restauration ; d'autres sont à venir, comme la filière des textiles sanitaires à usage unique en 2024 ou celle des déchets d'emballages, industriels et commerciaux en 2025. Les collectivités doivent savoir que leur attente dans ce domaine a été entendue. (Applaudissements au banc des commissions ; M. Michel Laugier applaudit également.)
Mme Marta de Cidrac, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Ce texte a un goût de déjà-vu : voilà quatre ans, le Sénat avait déjà complété la copie du Gouvernement sur la loi Agec, en créant notamment une application du principe pollueur-payeur.
Il y a quatre ans, le deal était très clair : oui, les collectivités territoriales doivent améliorer le traitement des déchets, en modernisant leurs centres de tri, en établissant la collecte séparée des biodéchets ou la collecte hors foyer, mais ces politiques ont un coût. La loi Agec renforçait la responsabilité élargie du producteur, pour ne pas faire peser toutes les charges sur les collectivités territoriales, et donc sur le contribuable local.
Plusieurs filières REP ont été créées : produits et matériaux de construction, articles de bricolage de jardinage et de sport. C'était le sens de l'histoire.
Mais les choses se sont depuis un peu déréglées : certaines REP ont pris du retard. Je pense à la REP bâtiments, notamment, très attendue sur le terrain pour lutter contre les dépôts sauvages.
Or la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) a continué à augmenter et les modernisations des centres de tri n'ont pas été retardées.
Pour les collectivités territoriales, cette proposition de loi est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Nous sommes favorables à la fusion des REP papier et emballages. Mais exclure la presse de la REP revient, une fois de plus, à faire payer les collectivités territoriales - et donc les contribuables locaux : nous y sommes opposés.
Vous ferez valoir que le manque à gagner pour le service public des déchets serait limité - 20 millions d'euros. Mais cela pourrait constituer un dangereux précédent : ce serait la première fois qu'un gisement serait retiré d'une REP. D'autres secteurs économiques pourraient demander des aménagements, au détriment des collectivités territoriales et de l'environnement. Nous ne pouvions accepter une telle régression.
Cela dit, nous devons aider la presse. Je salue le travail de Michel Laugier, dont le récent rapport a montré les difficultés de ce secteur, notamment la presse quotidienne régionale (PQR) : doublement du prix du papier en un an, augmentation des coûts de l'énergie, baisse de 5 % des ventes. Il faut aider la presse, bien sûr, mais pas au détriment des collectivités territoriales, au risque de fragiliser l'équilibre de la loi Agec.
Le Gouvernement avait d'autres options, mais il ne les a pas étudiées. L'État aurait pu prendre ses responsabilités et aider la presse à payer son éco-contribution.
Autre option, retenue par notre commission : moduler les contributions financières de la filière REP, par le biais de mise à disposition gratuite d'encarts d'information générale sur la prévention et la gestion des déchets, selon des critères de performance environnementale définis par décret. Cette modulation des contributions sera profitable aux titres de presse. Ainsi, la presse est maintenue dans la REP et la mesure est neutre sur le plan financier. Elle offre enfin des garanties environnementales.
Cette solution, envisagée par les services de votre ministère durant les débats préparatoires à la loi Agec, me semble plus robuste que la convention proposée par les députés.
L'éco-modulation est la solution, autorisée par le droit européen : tel a été le cas dans la loi Agec pour les produits à visée promotionnelle et publicitaire.
Certes, cette version est moins confortable pour le Gouvernement, qui devra assumer sa position. Faire payer les collectivités territoriales aurait été plus confortable pour lui : le travail aurait été fait par le législateur. (Mme la ministre le conteste.)
Notre commission a adopté un chemin de crête : je vous propose de l'emprunter à votre tour, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
La séance est suspendue à 20 heures.
Présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 30.
M. Bernard Fialaire . - La loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux a construit les fondements de la REP. La France, précurseur en la matière, est le pays qui a le plus grand nombre de filières ; en revanche, elle est en dessous de la moyenne européenne en ce qui concerne les emballages ménagers : le taux de recyclage des papiers graphiques n'est que de 62 %. Peut-elle faire mieux en contraignant la presse à verser une contribution en faveur de la gestion des déchets ? Son intégration n'a eu lieu qu'en 2017. Elle peut contribuer en nature par la mise à disposition gratuite d'encarts publicitaires. La révision de la directive européenne en 2018, qui impose des contributions financières, a remis en cause ce modèle, cependant préservé de manière transitoire dans la loi Agec.
Ce texte, dans sa version votée par l'Assemblée nationale, excluait la presse de la REP en contrepartie d'une convention déterminant des critères de performance environnementale.
La commission de l'aménagement du territoire du Sénat a voulu maintenir la presse dans la REP, moyennant des compensations.
Cela inquiète à double titre : le secteur de la presse, qui a subi un doublement du prix de la tonne de papier, est fragilisé. Nous proposons donc de revenir à la version de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas un blanc-seing : les critères de performance environnementale continueront à s'appliquer. À nous, législateurs, de ne pas céder aux demandes de création de nouvelles exonérations pour d'autres secteurs.
L'éco-contribution financière est inadaptée à la presse : peut-on considérer les journaux comme de simples déchets ? Il faudrait commencer par assurer une collecte séparée et appliquer le droit en vigueur lorsque le tri n'est pas fait. Les taxes ne peuvent pas résoudre tous les problèmes.
Le second sujet est la fusion des filières emballages ménagers et papiers, pour favoriser les synergies. Une étude d'impact aurait été souhaitable... Un projet de loi présenté avant la fin du dispositif transitoire nous aurait aussi évité de voter une loi rétroactive, alors que le Gouvernement avait trois ans pour se pencher sur la question. La fusion pourrait poser des problèmes d'équité.
Enfin, dans un contexte de déclin continu des ventes de journaux, à l'heure des fake news, ne sacrifions pas la presse à une incertaine plus-value. Le RDSE déterminera sa position à l'issue des débats.
M. Didier Mandelli . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue le travail de Marta de Cidrac, déjà rapporteure sur la loi Agec, qui aboutit à un texte équilibré.
Il conserve notamment les acteurs du dispositif REP, fondamental dans le droit de l'environnement : le producteur est responsable de la gestion des déchets. C'est la concrétisation du principe de pollueur-payeur, tel que prévu par la loi Barnier de 1995 et l'article 4 de la Charte de l'environnement.
Le texte améliore aussi la chaîne du recyclage par des mesures d'efficacité et de synergie.
Il maintient enfin la presse dans la filière REP, avec la mise à disposition gratuite d'encarts. Le secteur fait face à des difficultés conjoncturelles et structurelles - comme beaucoup d'autres. Mais il ne saurait s'exonérer de ses obligations.
Dans un contexte d'augmentation des charges, notamment de la TGAP, il convient d'assurer le fonctionnement de la filière.
L'État aurait cependant dû assumer son choix plus tôt en soutenant financièrement la presse pour l'aider à acquitter son éco-contribution. La directive européenne est en effet connue depuis longtemps : il aurait fallu anticiper.
Ce texte préserve l'intégrité de la REP, et est financièrement neutre pour le service public de la gestion des déchets. Le groupe Les Républicains votera ce texte amendé par la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Michel Laugier applaudit également.)
M. Daniel Chasseing . - Hier, le Giec a publié sa synthèse de huit ans de recherche sur la limitation du réchauffement de notre planète à 1,5 degré. Le plus grand des pollueurs reste la Chine - 33 % des émissions mondiales de CO2, soit 12 milliards de tonnes. La France, elle, représente moins de 1 %, mais nous vivons sur la même planète...
Crises et aléas climatiques s'enchaînent ; nous manquons déjà d'eau alors que le printemps commence à peine. Cela menace notre souveraineté alimentaire et notre économie en général. Notre production d'énergie est elle aussi touchée. Il faudra s'adapter à une ressource en eau moins abondante, tant pour l'énergie nucléaire que pour l'énergie hydroélectrique.
Nous devrons notamment faire évoluer nos industries, et cela passe par l'économie circulaire. Cette proposition de loi s'inscrit dans la suite logique de la loi Agec, en finalisant la fusion des deux filières emballages ménagers et papiers. Personne n'a remis en cause cette perspective lors de la réunion de la commission. Je salue le travail de la rapporteure qui a proposé une réécriture qui ne change pas l'objectif.
Concernant l'exonération de la presse, beaucoup s'accordaient à écarter une exclusion totale, qui fragiliserait le système et créerait un précédent. Mais il faut prendre en considération les difficultés de la presse. L'information est cruciale pour un citoyen éclairé, et l'information sur la gestion des déchets en fait partie : le groupe Les Indépendants aurait souhaité le rétablissement de l'article 1er, mais il votera cette proposition de loi. (Applaudissements au banc des commissions)
M. Jacques Fernique . - Tout l'enjeu de ce texte est de parvenir à un équilibre entre le principe pollueur-payeur et la nécessaire sauvegarde de la presse écrite. Le journal, essentiel à la vie libre des idées, n'est pas un produit, un déchet comme un autre.
Il ne faut donc pas aggraver les difficultés de ce secteur, notamment la PQR, tout en répondant au besoin du service public de gestion des déchets assuré par les collectivités territoriales. En France, l'organisation de la gestion des déchets repose intégralement sur le principe des filières REP, né en France puis généralisé en Europe par la directive Déchets. La quantité de déchets qui s'accumulent dans les rues de Paris depuis quelques jours montre l'importance de ce service.
Ce texte, dans sa version issue de l'Assemblée nationale, est à la fois un recul environnemental et un précédent risqué, en même temps qu'un lourd manque à gagner pour les collectivités. Certes la France est le seul pays de l'Union européenne à intégrer la presse dans la filière REP ; mais elle doit rester pionnière ! Cette astuce qui déresponsabilise les producteurs de déchets priverait les collectivités d'une contribution financière essentielle. Au total, le nombre d'exemplaires imprimés a diminué de 41 %. Le tour de passe-passe de la rapporteure est plus judicieux, parce qu'il ne se ferait pas sur le dos des collectivités. La contribution de la presse pourrait être éco-modulée, et les primes ainsi générées seraient compensées par les autres contributeurs, soit par des pénalités, soit par la contribution de base.
Mais faire payer la filière, madame la ministre, serait quand même plus juste que le contribuable local.
M. François Bonhomme. - Ce n'est pas faux !
M. Jacques Fernique. - Des incertitudes demeurent : la fusion des filières emballage et papiers se justifie, mais certains acteurs de la filière papiers sont inquiets, au regard des spécificités de traitement. Il conviendrait de maintenir des agréments distincts. Certains estiment que la fusion assurerait la masse critique nécessaire à la rentabilité de la gestion du papier, d'autres craignent une dissolution dans la masse de la filière emballages dix fois plus grosse.
L'État ne joue pas son rôle de régulateur, car les taux de couverture des dépenses des collectivités territoriales ne sont pas respectés : 20 % des papiers et 50 % des emballages sont couverts, contre des objectifs de 50 % et 80 %.
Concernant le soutien à la presse écrite, les crédits au projet de loi de finances sont demeurés stables, ce qui est très insuffisant.
Bref : le GEST n'est pas... emballé (sourires) ; la proposition de la rapporteure n'est pas parfaite, mais c'est la moins mauvaise. Nous nous en tiendrons donc à une abstention bienveillante. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Nadège Havet . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Mercredi dernier, la commission examinait la proposition de loi relative à la fusion des filières emballages ménagers et papiers. Le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture prévoit le regroupement des deux filières, à des fins de simplification administrative, pour prolonger la loi Agec qui mutualise les collectes, et pour mutualiser les coûts. C'est une évolution bienvenue.
Le texte exonère la presse de la contribution financière dont elle est redevable depuis le début de l'année, et qui serait substituée par une mise à disposition gratuite d'encarts publicitaires informant le lecteur des problèmes environnementaux.
Un partenariat État-filière définirait des critères de performance environnementale que celle-ci devrait respecter. Ce serait une continuation de la contribution en nature, mais portée de manière différente.
Pourquoi une telle prorogation ? En raison des difficultés structurelles du secteur, avec une baisse continue du lectorat, une hausse des coûts du papier et de l'énergie. La loi Agec, anticipant sur l'application du droit européen, avait mis un terme à ce régime spécifique en prévoyant une éco-contribution en numéraire à compter de 2023. Mais une nouvelle réponse doit être trouvée pour ce pilier de la démocratie.
Rappelons qu'il ne s'agit pas d'une perte de revenu pour les collectivités, mais d'un manque à gagner représentant 0,25 % du coût total du service public de gestion des déchets. Pour éviter un précédent d'exonération, vous avez prévu une modulation sous forme de prime, moyennant la mise à disposition d'encarts d'information.
Le RDPI entend l'argument selon lequel tous les acteurs doivent participer à la mise en oeuvre du principe pollueur-payeur, mais il y a un risque de contradiction avec la directive Déchets. En cas de recours, la presse devrait payer une éco-contribution rétroactive. De plus, le bonus bénéficierait à d'autres organismes que la presse, créant ainsi un précédent et un appel d'air. Enfin, il incomberait aux autres opérateurs d'être solidaires du secteur.
Le RDPI votera majoritairement contre ce dispositif.
M. Joël Bigot . - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE) La loi Agec a refondé certains principes de l'économie circulaire. En réaffirmant le principe pollueur-payeur, le Sénat s'est inscrit dans les enjeux de notre siècle. Mais bon nombre de filières REP peinent à voir le jour, comme la REP bâtiment, la REP jeux et jouets ou la REP textiles. À compter du 1er janvier 2023, le versement de l'éco-contribution devra, pour la presse écrite, être financier.
Ce texte veut y remédier en réintroduisant un régime dérogatoire pour un secteur certes en difficulté ; mais il met à mal un principe encore jeune et mal appliqué en créant un précédent fâcheux qui entraînera d'autres demandes - de l'industrie papetière, par exemple, qui paie ses éco-contributions malgré ses grandes difficultés économiques.
C'est un mauvais signal envoyé aux acteurs économiques et une atteinte au principe pollueur-payeur. Il est donc nécessaire de circonscrire cette exonération à la presse. Selon les experts que nous avons auditionnés, le manque à gagner pour le service public de gestion des déchets est estimé à 15 ou 20 millions d'euros. L'État doit assumer ses responsabilités : si le Gouvernement estime que les spécificités du secteur de la presse justifient une telle exemption, il doit en prendre en charge le coût.
La fusion des REP papiers et emballages n'est pas demandée par les acteurs. Elle a été menée sans concertation et laissera perdurer deux cahiers des charges. Je reste dubitatif sur sa pertinence. Nous tenterons de préserver la distinction entre les deux flux financiers.
Saluons le travail de la rapporteure, qui a tenté de parvenir à un consensus sans toutefois dissiper toutes les zones d'ombre. Le dispositif des éco-modulations renvoie à un décret, et donc à l'État. Elle confie le soin aux éco-organismes de mettre en place ou non ces primes.
La boîte de Pandore est entrouverte : les exonérations pourraient se multiplier. Je lui préfère une convention tripartite associant les collectivités territoriales, les éco-organismes et les producteurs pour payer tout ou partie de cette contribution en nature. Certes, il faut aider la presse, mais il faut aussi garantir le principe pollueur-payeur. Ménageons à la fois la presse écrite et le service public de gestion des déchets. Nous nous abstiendrons.
M. Gérard Lahellec . - Hier, le Giec a publié un guide pour les décideurs publics. Sans surprise, la fusion des filières REP n'y figure pas... Parmi les urgences de la lutte contre le réchauffement climatique, nous utilisons le temps parlementaire sous un angle quelque peu décalé, même si personne ne remet en cause la fusion des filières.
Mieux vaut faire contribuer les producteurs de déchets que les consommateurs qui n'ont souvent d'autre choix que de consommer des produits emballés, voire suremballés.
Fusionner les filières, pourquoi pas, mais la question fondamentale demeure : comment financer la collecte des déchets si la production diminue ? Le meilleur déchet est celui qu'on ne produit pas, selon la Cour des comptes.
Dans de nombreuses intercommunalités, le ramassage des déchets se fait plus rare. Cette dégradation du service est supportée par les usagers, avec des risques pour l'environnement, comme la réapparition des décharges sauvages.
Cette proposition de loi aborde la question du financement de la presse, qui représente 20 % de la production de déchets papier. Mais le journal n'est pas un produit comme les autres... Les dispositions proposées par la commission demeurent floues, puisqu'elles renvoient à un décret. Il eût été plus opportun d'associer le ministère de la culture à la réflexion.
Au fond, cette proposition de loi ne répondra pas aux enjeux. Elle ne dégrade toutefois pas la situation actuelle : nous nous abstiendrons.
M. Stéphane Demilly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions) Ce texte est en réalité voulu par le Gouvernement.
Son premier objet porte sur la fusion de deux filières REP, rendue souhaitable par l'harmonisation de la collecte des déchets depuis le 1er janvier 2023. Le travail des collectivités territoriales s'en trouvera simplifié. Toutefois, cette fusion intervient à un moment stratégique pour les acteurs, à l'heure de l'expérimentation du « Oui Pub » et de la consigne des bouteilles plastiques. Madame la ministre, nous comptons sur vous pour que la filière ne soit pas perturbée.
Jusqu'au 1er janvier dernier, les acteurs de la presse étaient exemptés de l'éco-contribution. La loi du 10 février 2020 prévoit que l'éco-contribution doit être versée sous forme financière, et non plus via des encarts gratuits.
Or la presse fait face à une baisse du lectorat et à une hausse des coûts - tant de l'énergie que du prix du papier. Compte tenu de son rôle, nous plaidons pour le maintien d'une exonération.
Dans la version de l'Assemblée nationale, il revenait aux collectivités territoriales de payer, sans aucune compensation de l'État. C'est pourquoi nous plaidons pour la solution proposée par la rapporteure. Sortir de facto la presse de sa REP créerait un dangereux précédent : demain, tout secteur en difficulté pourrait se prévaloir de cette jurisprudence. Le groupe UC votera le texte de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Laure Darcos . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Je salue le travail de Marta de Cidrac, qui a trouvé un équilibre entre la nécessité de se conformer au droit européen, de maintenir le financement de notre système de collecte des déchets et de sauvegarder le secteur de la presse.
Les collectivités territoriales ne perdront rien à l'issue de la réforme : le manque à gagner, de 22 à 26 millions d'euros, sera supporté par l'ensemble des producteurs.
Le texte issu de l'Assemblée nationale était juridiquement contestable. Or la loi du 10 février 2020 avait prévu l'extinction du régime dérogatoire dont bénéficiait la presse, à la suite d'une directive européenne de 2018.
Notre rapporteure a prévu une éco-contribution, qui pourra être modulée avec la publication d'encarts de promotion du développement durable. L'éco-modulation tiendra compte de la performance environnementale des produits : éco-conception, réemploi ou recyclabilité.
L'édition en reste exemptée, car le livre est un produit durable. Le secteur de la presse papier se reprend à espérer. N'oublions pas ce que la vitalité de notre démocratie doit à la presse ! Il fallait donc trouver une solution entre cet objectif et la sauvegarde du service public de gestion des déchets : le texte de la commission y parvient, je le soutiendrai. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
Mme Angèle Préville . - Notre mode de vie génère une quantité toujours croissante de déchets, dont la gestion est très imparfaite. La grève des éboueurs a le mérite de montrer ce que nous ne voulons pas voir : le résultat de notre surconsommation. Avant tout, il faut la réduire et raisonner en cycle de vie !
Chacun doit être responsabilisé, aussi bien les metteurs en marché que les consommateurs : c'est le principe pollueur-payeur, acté par la loi Agec.
Certes, la collecte s'améliore, mais le taux de recyclage stagne : 24 % pour les plastiques, et certaines filières REP peinent à se mettre en place. La tâche des collectivités territoriales se complexifie, l'équation est très difficile à résoudre. Je crains que les citoyens ne doivent payer.
Le texte prévoit une fusion des filières REP papiers et emballages, en dépit d'une grande dissymétrie de volumes et de valeurs. Mais pourquoi en sortir la presse ? Cela ne remet-il pas en cause la notion même d'économie circulaire ?
Les petites diffusions peinent à trouver l'équilibre financier, à l'inverse des médias nationaux. Ces titres militants sont diffusés en petit nombre : ce pluralisme est une richesse à préserver, un élément de notre démocratie. Que l'État prenne ses responsabilités !
Il faut encadrer la pratique des encarts : les lecteurs doivent être conscients qu'il s'agit là d'une compensation dont le journal s'exonère. Leur contenu ne devrait-il pas être contrôlé ?
Les 3R - réduction, réemploi, recyclage - doivent absolument être maintenus, et dans cet ordre. Nous entamons un chemin plus vertueux, mais encore insuffisant. Pourquoi alors une telle régression environnementale ? Nous opterons pour une abstention bienveillante.
M. Michel Laugier . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Laure Darcos applaudit également.) Je m'exprimerai au nom du groupe UC, mais aussi en tant que rapporteur pour avis de la mission sur la presse.
Cette proposition de loi reprend la proposition n°6 de mon rapport sur la PQR, adopté à l'unanimité par la commission de la culture le 20 juillet dernier.
La presse n'allait déjà pas très bien depuis quelques années, avec des recettes divisées par huit depuis 2000. Sa situation est aujourd'hui dramatique, en raison de l'inflation qui percute son modèle économique. Avec l'explosion des prix du papier, certains titres plongent dans le rouge et d'autres diffèrent des investissements.
La presse aurait dû bénéficier d'un crédit d'impôt de 150 millions d'euros, sciemment complexifié, puis finalement annulé. L'amende de 500 millions infligée par l'autorité de la concurrence à Google au titre des droits voisins a abondé le budget de l'État.
La fin de l'éco-contribution en nature tombe plus que mal : elle correspond à une nouvelle taxe de 20 millions d'euros. Marta de Cidrac a mené un travail remarquable. Elle s'est trouvée face à un dilemme : qui doit payer ce que ne prendra pas en charge la presse ?
Le Sénat est le représentant des élus locaux. Dès lors, je comprends l'émotion suscitée par le texte de l'Assemblée nationale qui faisait payer les collectivités territoriales.
Pas de paiement pour la presse, pas de nouvelle charge pour les collectivités territoriales : la solution proposée par la rapporteure est pertinente. Soit le Gouvernement se range à cette position, soit il prend ce coût à sa charge. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. François Bonhomme . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) La fusion des deux filières REP s'inscrit dans la logique de collecte simplifiée des déchets introduite par la loi Agec de 2020. Cette fusion peut paraître séduisante, mais elle n'a été réclamée par personne. Les associations d'élus l'ont critiquée, car les collectivités devront faire face à d'importants investissements à venir : le contribuable sera-t-il mis à contribution ? Les élus communaux craignent en outre une déstabilisation des éco-organismes et de nouvelles pertes en cas de disparition de la filière papiers.
La fusion des filières suscite est-elle pertinente alors que de nouveaux objectifs environnementaux ne sont pas clairement définis ? On peut également s'interroger sur l'échéance de la fusion, prévue en 2024, sachant qu'à ce jour, seul Citeo a l'agrément requis.
Depuis le 1er janvier 2019, toute personne physique ou morale qui fabrique, importe ou introduit sur le marché des produits non recyclables est soumise à une éco-contribution. La presse en avait été exemptée, compte tenu de la situation difficile du secteur. La loi Agec prévoyait à partir du 1er janvier 2023 la suppression de ce modèle particulier.
Mais la crise de la presse n'en finit pas depuis vingt ans... Dans ce contexte, la proposition de loi envisage de proroger cette exonération. En échange, une convention de partenariat sera signée. Certes, les collectivités territoriales seront consultées. Mais faut-il exonérer un secteur précis ? Les éditeurs de presse sont responsabilisés. D'autres secteurs, comme le BTP, souffrent également, et pourraient demander des exonérations.
En dépit du travail minutieux de notre rapporteure, je ne pourrai voter ce texte en l'état. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
ARTICLE 1er
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Houllegatte, Mme Préville et M. Gillé.
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 541-10-19 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« Art. L. 541-10-19. - Il peut être autorisé, par une convention signée entre une collectivité compétente au titre des articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, un éco-organisme agréé pour la filière à responsabilité élargie du producteur des papiers graphiques et une publication de presse, au sens de l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, soumise au régime de responsabilité élargie du producteur, de substituer tout ou partie du versement de sa contribution à la prévention et la gestion de ses déchets par une prestation en nature.
« Cette prestation prend la forme d'encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur le geste de tri et le recyclage des papiers graphiques et des autres déchets.
« La convention de partenariat mentionnée au premier alinéa du présent article détermine, notamment, la manière dont est appréciée l'équivalence entre la valeur financière de cette prestation en nature par rapport à la contribution normalement due en application de l'article L. 541-10-2 du présent code.
« Un décret précise les modalités d'application du présent article. Il fixe, notamment, les modalités dont les publications de presse justifient du respect de leurs obligations au titre de la responsabilité élargie du producteur dans le cadre du présent article et les modalités de contrôle. »
M. Joël Bigot. - Je suis très attaché au maintien de la presse dans le champ de la filière REP. Certes, le secteur est en crise, mais ne remettons pas en cause le principe pollueur-payeur. Tout le monde doit participer à l'effort collectif, sans passe-droits. Toute exemption créerait un précédent qui mettrait à mal tout le système.
Cet amendement autorise pour l'avenir des contributions en nature sous la forme d'encarts publicitaires, grâce à une convention tripartite. C'est une solution de compromis, dans l'intérêt général.
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. - Sur la forme, l'amendement n'est pas compatible avec le droit européen parce qu'il prévoit explicitement une contribution en nature. Sur le fond, il est pleinement satisfait par la solution que propose la commission, qui maintient la presse dans la filière REP. De facto, les primes pourront conduire à l'annulation de sa contribution financière. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Nous sommes tous attachés au principe pollueur-payeur. Nous avons proposé de sortir la presse de la REP pour rendre possible une contribution en nature, car le droit européen sur les filières REP exige une contribution financière. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié, présenté par MM. Requier, Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Roux.
I. - Alinéa 4
Supprimer les mots :
, à l'exception des livres,
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Sont exemptés de cette obligation les publications de presse, au sens de l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, qui participent à la convention mentionnée à l'article L. 541-10-19 du présent code, et les livres.
II. - Alinéas 6 à 12
Remplacer ces alinéas par onze alinéas ainsi rédigés :
2° Le III de l'article L. 541-10-18 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa et à la première phrase du dernier alinéa, les mots : « aux 1° et 3° » sont remplacés par les mots : « au 1° » ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les contributions financières versées par les producteurs d'emballages ménagers aux éco-organismes au titre du 1° de l'article L. 541-10-1 couvrent exclusivement les coûts de gestion des déchets issus des emballages ménagers relevant du champ de la responsabilité élargie des producteurs en application du même article L. 541-10-1.
« Les contributions financières versées par les producteurs d'imprimés papiers et de papiers à usage graphique aux éco-organismes au titre du 1° dudit article L. 541-10-1 couvrent exclusivement les coûts de gestion des déchets issus des imprimés papiers et des papiers à usage graphique relevant du champ de la responsabilité élargie des producteurs en application du même article L. 541-10-1. » ;
3° L'article L. 541-10-19 est ainsi rédigé :
« Art. L. 541-10-19. - Une convention de partenariat est conclue, pour une durée de trois ans renouvelable sans limitation, entre l'État et les organisations professionnelles d'entreprises de presse représentatives. Cette convention détermine les conditions dans lesquelles les publications de presse, au sens de l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, mettent gratuitement à disposition des encarts destinés à informer le public exclusivement sur le tri des déchets, l'économie circulaire et la préservation de la ressource en eau et de la biodiversité. Le contenu de ces communications est établi en concertation avec les parties prenantes.
« La convention de partenariat est établie après consultation des collectivités territoriales. Cette convention précise notamment les conditions dans lesquelles la majorité des encarts mis gratuitement à disposition peut être utilisée par les collectivités territoriales, par les établissements publics de coopération intercommunale, par les structures à but non lucratif chargées de gérer, pour le compte des producteurs, la fin de vie de leurs produits dans le cadre des actions de communication inter-filières mentionnées à l'article L. 541-10-2-1 du présent code et par les associations agréées pour la protection de l'environnement.
« La convention de partenariat définit des critères de performance environnementale que les publications s'engagent à respecter. Ces critères portent notamment sur l'écoconception des publications de presse, la teneur minimale en fibres recyclées afin de garantir un taux élevé de recyclage et l'élimination de l'usage des huiles minérales dans les encres d'impression. Ces critères ne peuvent être moins exigeants d'un point de vue écologique que ceux, définis en application du présent article dans sa rédaction antérieure à la loi n° du portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique, en vigueur jusqu'au 1er janvier 2023 pour les contributions en nature.
« Les organisations mentionnées au premier alinéa estiment annuellement la valeur et le nombre des encarts publicitaires mis gratuitement à disposition en application du même premier alinéa. Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale sont informés de ces estimations.
« Un décret précise les modalités d'application du présent article. » ;
M. Bernard Fialaire. - Avec cet amendement, nous revenons à la rédaction de l'Assemblée nationale. La presse n'est pas exonérée de ses responsabilités environnementales. Le système introduit par la commission est juridiquement fragile, car il revient à maintenir la contribution en nature, en méconnaissance de la directive européenne. En outre, une prime serait inéquitable pour les producteurs.
La France est le seul pays européen à avoir instauré une filière REP pour les papiers graphiques, sans pour autant être plus performante : la matière première n'a jamais été considérée comme un véritable déchet, et elle est collectée en mélange avec les autres emballages ménagers.
Enfin, je regrette que la commission de la culture n'ait pas été saisie pour avis.
Mme la présidente. - Amendement n°6, présenté par Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Préville, M. Magner et Mmes Van Heghe et Monier.
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les publications de presse au sens de l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse dont le nombre de diffusions à l'exemplaire en France est inférieur à 150 000 n'acquittent cette obligation que par des prestations en nature.
Mme Sylvie Robert. - Je suis partagée, et mal à l'aise. D'un côté la presse, de l'autre les collectivités, sans oublier la préservation de l'environnement... La France est l'un des seuls pays à avoir intégré la presse à une filière REP, or c'est un secteur qui se distingue des autres par son rôle démocratique. Il aurait fallu mieux croiser les regards entre la commission de la culture et la commission de l'aménagement du territoire.
L'idéal aurait été de maintenir la presse dans la REP, et que l'État compense les 20 millions d'euros de manque à gagner pour les collectivités territoriales. Vingt millions, c'est peu, compte tenu des sommes collectées grâce au crédit d'impôt.
Que faire ? Je ne suis pas convaincue par la proposition de la rapporteure, même si je salue l'équilibre qu'elle a trouvé.
J'ai donc déposé un amendement...
Mme la présidente. - Vous avez largement épuisé votre temps de parole.
Amendement n°2, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Alinéa 8
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
II. - Après l'alinéa 8
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Les contributions financières versées par les producteurs d'emballages ménagers aux éco-organismes au titre du 1° de l'article L. 541-10-1 couvrent exclusivement les coûts de gestion des déchets issus des emballages ménagers relevant du champ de la responsabilité élargie des producteurs en application du même article L. 541-10-1.
« Les contributions financières versées par les producteurs d'imprimés papiers et de papiers à usage graphique aux éco-organismes au titre du 1° dudit article L. 541-10-1 couvrent exclusivement les coûts de gestion des déchets issus des imprimés papiers et des papiers à usage graphique relevant du champ de la responsabilité élargie des producteurs en application du même article L. 541-10-1. » ;
M. Joël Bigot. - Cet amendement réintroduit le principe de non-mutualisation des coûts entre les deux filières, supprimé par la commission.
L'éco-contribution des distributeurs d'emballages ménagers serait de 900 millions d'euros par an, soit dix fois plus que celle de la filière des papiers graphiques. Il convient de maintenir la distinction pour qu'aucune filière ne pâtisse de ce déséquilibre et pour respecter le principe pollueur-payeur.
Mme la présidente. - Amendement n°3, présenté par M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Houllegatte, Mme Préville et M. Gillé.
Alinéa 10
Remplacer les mots :
versées par les producteurs
par les mots :
des publications de presse, au sens de l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, qui participent à la convention mentionnée à l'article L. 541-10-19 du présent code
M. Joël Bigot. - Cet amendement de repli, mais aussi d'appel, restreint la possibilité des éco-modulations au seul secteur de la presse écrite. Nous sommes conscients du risque constitutionnel de rupture d'égalité devant la loi ; cependant, seule une telle inscription serait fidèle à la volonté du législateur. Nous craignons que le dispositif imaginé par la rapporteure n'ouvre une brèche. C'est l'avenir de la REP qui est en jeu.
Mme la présidente. - Amendement n°5 rectifié, présenté par MM. Fernique, Dantec, Benarroche, Breuiller, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigés :
Ces critères portent notamment sur l'écoconception, l'incorporation de matière recyclée et l'élimination de substances susceptibles de limiter la recyclabilité ou l'incorporation de matières recyclées. Dès lors qu'ils portent sur des publications de presse, au sens de l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, ces critères ne peuvent être moins exigeants au niveau environnemental que ceux définis en application de l'article L. 541-10-19 dans sa rédaction antérieure à la loi n° du portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier.
M. Jacques Fernique. - Jusqu'au 1er janvier 2023, pour bénéficier des contributions en nature, les éditeurs de presse devaient respecter des critères environnementaux stricts. Or l'article 1er ne précise pas ces critères, dont la fixation est renvoyée au décret. Il convient plutôt de les préciser dans la loi : éco-conception, incorporation de matières recyclées et élimination des substances non recyclables.
Cet amendement nous prémunit aussi contre tout retour en arrière sur les critères appliqués à la presse.
Mme la présidente. - Amendement n°8 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Anglars, Calvet, Panunzi, Cadec et Rietmann, Mmes Gosselin et Micouleau, M. Somon, Mmes Bonfanti-Dossat et Chauvin, MM. Milon, Burgoa, Mandelli, Saury et Sido, Mme Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mmes Belrhiti, Demas, Ventalon, Dumont et Lassarade, MM. B. Fournier, Klinger et Bonnus et Mme Gruny.
I. - Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette prime est mise en oeuvre de manière à ce qu'elle n'entraîne pas d'augmentation de la contribution payée par les autres contributeurs de la filière.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
.... - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
.... - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. Daniel Gremillet. - La presse de notre pays est en souffrance et je peux comprendre les mesures spécifiques, mais l'industrie du papier graphique souffre tout autant. C'est un mauvais signal que de lui imposer la compensation de ce dont la presse devrait s'acquitter.
Gare à ne pas plonger la filière papier graphique dans de plus grandes difficultés !
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. - L'amendement n°7 rectifié permet à la presse écrite d'éviter la contribution financière à la REP. La commission a le même objectif. Cependant, notre version de l'article 1er protège mieux le service public de gestion des déchets. À l'inverse, cet amendement, en sortant la presse de la REP, compromet la politique de prévention des déchets des collectivités territoriales. Avis défavorable.
Madame Robert, je comprends vos interrogations, mais la solution que nous avons retenue est la moins mauvaise. Sur le fond, votre amendement n°6 est satisfait par le texte adopté par la commission. Sur la forme, il est contraire au droit européen. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°2 limite la portée de la fusion de la filière REP en empêchant les synergies financières entre emballages et papiers graphiques. De plus, sa rédaction est en contradiction avec l'article L.541-10-2 du code de l'environnement. Avis défavorable.
L'amendement n°3 limite les éco-modulations au seul secteur de la presse, ce qui fait courir un risque d'inconstitutionnalité. En pratique, le pouvoir réglementaire pourra cibler la presse via des critères objectifs. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°5 rectifié précise des critères de performance environnementale intéressants. Avis favorable.
Monsieur Gremillet, j'entends vos inquiétudes, mais ce texte nous place en situation de contradiction entre les nécessités d'aider la presse et la préservation de nos filières REP. La prime peut être compensée dans la filière REP elle-même, via une hausse du malus ou de l'éco-contribution de base.
La proposition de loi est en réalité favorable aux entreprises de l'industrie papetière, car la fusion des filières REP devrait permettre des synergies financières entre emballages ménagers et papiers graphiques. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Avis favorable à l'amendement n°7 rectifié, juridiquement plus robuste que la réécriture proposée par la commission, et plus écologique. En outre, le dispositif de la commission accorde un bonus au producteur s'il fait figurer des encarts, ce qui l'incite à élargir ses emballages.
Avis favorable également à l'amendement n°5 rectifié, si l'amendement n°7 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°6 introduit un seuil de 150 000 exemplaires par an, ce qui pose problème vis-à-vis du droit européen, qui prévoit une compensation financière, mais aussi vis-à-vis du principe d'équité. Avis défavorable.
L'amendement n°2 réintroduit la cloison financière entre les deux filières votée par l'Assemblée nationale. La commission a préféré faire compenser les bonus de la presse par la filière emballages. Avis défavorable.
L'amendement n°3 restreint à la seule presse écrite le bénéfice de la prime lorsque les publications contribuent à une information du public d'intérêt général. Avis défavorable, au nom du principe d'équité.
Monsieur Gremillet, l'État, en l'espèce, n'est pas le pollueur, c'est pourquoi il n'y a pas lieu qu'il compense la contribution de la presse. Nous proposons une contribution en nature, à disposition des collectivités territoriales, pour leur communication en faveur de l'écologie. Avis défavorable.
M. Fabien Genet. - Je salue le remarquable travail de notre rapporteure, très engagée sur le sujet de l'économie circulaire. Elle est pour nous une sorte de vigie, un phare à la lumière verte... (On apprécie sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je souhaite relayer à nouveau l'incompréhension des élus locaux devant la trajectoire d'augmentation de la TGAP. Vous estimez, madame la ministre, que l'État n'a pas à mettre la main à la poche, mais avec les dizaines de millions d'euros que lui rapporte la TGAP, il doit être possible à Bercy de trouver un mécanisme de compensation ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Laurent Lafon. - La commission de la culture s'est penchée à deux reprises sur cette question. D'abord l'été dernier, lors d'une mission de contrôle conduite par Michel Laugier pour alerter sur les difficultés de la presse, en particulier de la PQR.
Puis, quelques mois plus tard, lors du projet de loi de finances pour 2023, nous attirions à nouveau l'attention du Gouvernement. Les alertes de M. Laugier ont été à l'origine de la proposition de loi de nos collègues députés.
Nous ne voulons pas de surcoût financier pour la presse : cela ne veut pas dire qu'elle ne doit pas participer à l'effort. La commission est parvenue à un point d'équilibre avec la contribution en nature, nous en sommes satisfaits.
Madame la ministre, vous disiez, lors de l'ouverture des seizièmes assises des déchets à l'automne dernier, que la transformation devait passer par l'implication de tous. Eh bien tous, c'est vraiment tous ! (M. François Bonhomme renchérit.)
À la demande de la commission et du RDSE, l'amendement n°7 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°256 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l'adoption | 50 |
Contre | 289 |
L'amendement n°7 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°6 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos2 et 3.
L'amendement n°5 rectifié est adopté.
M. Daniel Gremillet. - Madame la ministre, je n'oppose pas la presse aux collectivités territoriales et aux entreprises. Je souhaite que celles-ci restent dans nos territoires. Le monde de la papeterie graphique est en grande difficulté, vous le savez. Lui faire supporter ce que d'autres devraient prendre en charge, c'est le fragiliser encore plus. Faisant confiance à la rapporteure, je retire mon amendement - avec beaucoup de regret, car ce sont autant d'emplois menacés.
L'amendement n°8 est retiré.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Monsieur Gremillet, je ne soutiens pas la proposition de la rapporteure de faire peser sur d'autres acteurs de la filière REP la contribution de la presse de 20 millions d'euros. De deux choses l'une : soit on laissait la filière presse dans la REP, et il fallait chercher la contribution ailleurs. Or vous ne souhaitez pas que les collectivités territoriales compensent, nous, nous ne voulons pas que l'État mette la main à la poche. Nous sortons donc la presse de la REP pour la soulager.
En aucun cas, je ne plaide pour une contribution des autres acteurs de la filière au profit de la presse.
L'article 1er, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 1ER
Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en place d'un dispositif de prise en charge financière par l'État des éco-contributions financières dont devraient s'acquitter normalement les publications de presse au titre du principe de responsabilité élargie du producteur en application du premier alinéa du I de l'article L. 541-10 du code de l'environnement.
Ce rapport dresse un bilan de l'état financier du secteur de la presse écrite, estime le montant de l'éco-contribution dont ce secteur aurait dû s'acquitter à compter du 1er janvier 2023, et propose en conséquence un dispositif pour que cette somme soit prise en charge par l'État et versée effectivement à l'éco-organisme agréé de la filière à responsabilité élargie des producteurs concernée.
M. Joël Bigot. - Nous mettons le Gouvernement devant ses responsabilités en lui demandant de créer un dispositif spécifique de soutien à la presse écrite, sans remettre en cause le principe pollueur-payeur.
Le Gouvernement a fait le choix de la facilité en revenant sur les dispositions de la loi Agec, qui prévoyait la fin du régime spécifique de la presse écrite. Nous partageons les inquiétudes sur l'avenir de la presse, mais exempter un secteur en difficulté de ses obligations n'est pas la solution. Cela représente un manque à gagner de 20 millions d'euros pour les collectivités territoriales, qui continueront à assurer la collecte, le tri et la gestion des déchets. À l'État d'assumer le coût de cette décision, sans le faire peser sur d'autres acteurs.
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. - Vous sollicitez un rapport sur la prise en charge financière par l'État des éco-contributions. Or le texte ne prévoit pas une telle prise en charge. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Avis défavorable. En aucun cas, il ne s'agit d'une exemption pour la filière et donc d'un manque à gagner pour les collectivités territoriales. La solution proposée vise à créer des contributions en nature : la presse ne paierait pas les 20 millions d'euros à Citeo. En échange, les collectivités territoriales pourront effectuer dans la presse locale des opérations de communication sur les sujets environnementaux.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 2
Mme la présidente. - Amendement n°9 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Anglars, Calvet, Panunzi, Cadec et Rietmann, Mmes Gosselin et Micouleau, M. Somon, Mmes Bonfanti-Dossat et Chauvin, MM. Milon, Burgoa, Mandelli, Saury et Sido, Mme Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mmes Belrhiti, Demas, Ventalon, Dumont et Lassarade, MM. B. Fournier, Klinger et Bonnus et Mme Gruny.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les impacts de la présente loi, en particulier celui de la modulation des contributions financières de la filière REP pour les produits contribuant à une information du public d'intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets, notamment par la mise à disposition d'encarts. Ce rapport évalue l'impact financier de ce dispositif sur les contributeurs de la filière REP qui doivent en compenser la charge.
M. Daniel Gremillet. - Nous voulons mesurer l'impact financier des décisions prises par le Parlement, notamment dans le secteur du papier graphique, afin de pouvoir le cas échéant corriger le tir.
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. - Même si ce n'est pas dans les habitudes de la commission, avis favorable : c'est un texte assez particulier. (On s'en félicite sur les travées du groupe Les Républicains.) Trois ans, c'est raisonnable.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. - Mon avis sera un peu plus nuancé. (Marques de déception sur les travées du groupe Les Républicains)
La réglementation en vigueur prévoit déjà que les éco-organismes effectuent ce type d'évaluation. En outre, l'Ademe réalise chaque année les analyses nécessaires au suivi des filières, qui sont publiques. Votre amendement est donc satisfait. Avis défavorable.
M. Daniel Gremillet. - Il ne s'agit pas de suivi, mais de tenir compte des distorsions que l'on introduit.
M. Laurent Burgoa. - Tout à fait.
L'amendement n°9 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°257 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 251 |
Pour l'adoption | 214 |
Contre | 37 |
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Je suis doublement satisfait : premièrement, de l'esprit constructif qui a présidé aux travaux de la rapporteure et de la commission sur ce texte sensible et technique. Deuxièmement, de la collaboration entre la commission de la culture et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. La solution trouvée est équilibrée et satisfaisante.
J'invite l'Assemblée nationale et le Gouvernement à reprendre notre solution en vue d'aboutir à un accord. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)
Prochaine séance demain, mercredi 22 mars 2023, à 15 heures.
La séance est levée à 23 h 20.
Mardi 21 mars 2023 |
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Bas sommaire |
Sommaire
Questions orales1
Ajournés des concours de la fonction publique2
M. Gilbert Roger2
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels2
Moyens pour l'école publique de proximité2
Mme Cathy Apourceau-Poly2
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels2
Carte scolaire en milieu rural2
M. Jean-Yves Roux2
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels2
« France Travail jeunes » et missions locales pour l'emploi2
M. Antoine Lefèvre2
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels2
Exploitation mutualisée de la vidéoprotection2
M. Gilbert-Luc Devinaz2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
Aire d'accueil des gens du voyage2
M. Laurent Burgoa2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
Phénomènes de retrait-gonflement des sols2
M. François Bonhomme2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
Délais de délivrance des titres d'identité2
Mme Corinne Féret2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
Habitat inclusif2
M. Jean Pierre Vogel2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
Communes voisines des ZRR2
M. Jean-Baptiste Lemoyne2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
Définition du potentiel fiscal et financier des communes2
M. Bruno Belin2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
Décompte de l'objectif ZAN2
M. Cédric Vial2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
Versement de MaPrimeRénov'2
M. Olivier Cigolotti2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
Préservation des moulins à eau2
M. Vincent Segouin2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
ZAN et circonscription portuaire2
Mme Agnès Canayer2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
Survie de la ligne de l'Aubrac2
M. Bernard Delcros2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
Nuisances sonores de l'aéroport de Lille-Lesquin2
Mme Martine Filleul2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
Pollution sonore autour de l'aéroport d'Orly2
M. Jean-Raymond Hugonet2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
Méthodologie de la HAS sur des traitements ciblés contre le cancer2
Mme Pascale Gruny2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
Droit à mourir et fin de vie2
M. François Bonneau2
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé2
Impact du prix des médicaments sur les entreprises2
Mme Laurence Harribey2
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé2
Financement des projets prévus dans le Ségur de la santé2
M. Guy Benarroche2
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé2
Protection universelle maladie pour certains Français établis hors de France2
M. Ronan Le Gleut2
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé2
Hôpital de Carpentras2
M. Jean-Baptiste Blanc2
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé2
Maison de retraite de Cabannes et Novès2
M. Stéphane Le Rudulier2
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé2
Défense du pluralisme associatif2
M. Denis Bouad2
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé2
Frais de déplacement des aides à domicile2
Mme Else Joseph2
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé2
Décret du 23 février 2022 et pensions d'invalidité2
M. Philippe Mouiller2
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé2
Exclus du Ségur2
M. Daniel Chasseing2
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé2
Diffusion de la théorie du genre2
Mme Laurence Muller-Bronn2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Fraude sociale2
M. Christian Klinger2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Double imposition des fonctionnaires franco-belges2
M. Yan Chantrel2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Déploiement de la fibre2
M. Pierre-Jean Verzelen2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Sites de Buitoni à Caudry et de Tereos à Escaudoeuvres2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Normes de commercialisation de la viande de volaille2
M. Bernard Buis2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Lutte contre les parasites des cerisiers2
M. Mathieu Darnaud2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Souveraineté alimentaire française2
M. Yves Détraigne2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Écoles d'architecture2
Mme Céline Brulin2
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture2
Accès à l'honorariat au grade supérieur pour les réservistes2
M. Cédric Perrin2
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire2
Établissements ne bénéficiant pas des « responsabilités et compétences élargies »2
M. Philippe Bonnecarrère2
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire2
Statut de l'administrateur ad hoc2
Mme Frédérique Puissat2
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire2
Délais de justice2
Mme Brigitte Lherbier2
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire2
Abandon de la filière gaz2
M. Pierre-Antoine Levi2
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire2
Contrôle des norovirus dans les productions conchylicoles2
M. Mickaël Vallet2
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire2
Conventions internationales (Procédure simplifiée)2
Favoriser les travaux de rénovation énergétique (Conclusions de la CMP)2
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour le Sénat de la CMP2
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires2
Explications de vote2
M. Éric Bocquet2
Mme Jocelyne Guidez2
M. Éric Gold2
Mme Catherine Di Folco2
M. Dany Wattebled2
M. Guy Benarroche2
Mme Nadège Havet2
M. Jean-Yves Leconte2
Relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs (Conclusions de la CMP)2
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire2
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire2
Discussion du texte élaboré par la CMP2
ARTICLE 2 TER B2
ARTICLE 32
ARTICLE 3 BIS2
ARTICLE 62
Explications de vote2
Mme Amel Gacquerre2
M. Henri Cabanel2
M. Daniel Gremillet2
M. Pierre-Jean Verzelen2
M. Joël Labbé2
M. Jean-Baptiste Lemoyne2
M. Serge Mérillou2
M. Gérard Lahellec2
Violences intrafamiliales2
Discussion générale2
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice2
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois2
Mme Esther Benbassa2
SÉANCE
du mardi 21 mars 2023
73e séance de la session ordinaire 2022-2023
Présidence de M. Pierre Laurent, vice-président
Secrétaires : Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
Ajournés des concours de la fonction publique
M. Gilbert Roger . - Il y a contradiction entre la pénurie de personnels dans l'enseignement et la santé et l'ajournement de candidats aux concours de la fonction publique territoriale.
Les étudiants qui échouent au concours avec une note proche de celle requise sont, le plus souvent, laissés pour compte. Je connais le cas d'une jeune étudiante ajournée à l'agrégation à un point près : aucune proposition ne lui a été faite.
Or ces secteurs font face à des démissions et un manque d'intérêt. Les rectorats en viennent à recruter des contractuels par speed dating...
Quelles mesures le Gouvernement pourrait-il prendre immédiatement pour entrer en contact avec les ajournés et leur proposer des postes de contractuels, avec pour échéance la titularisation ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels . - Si la liste principale des reçus à un concours est complète, le jury peut établir une liste complémentaire, afin de permettre le remplacement des lauréats qui ne pourraient être nommés.
Les jurys apprécient souverainement la qualité des prestations des candidats ; leurs décisions ne sont pas susceptibles de recours, dès lors qu'ils ont fonctionné et délibéré de manière régulière.
Hormis le cas, très spécifique, du recrutement de personnels en situation de handicap, aucune disposition législative ne permet, actuellement, de titulariser un agent contractuel sans concours.
La baisse du nombre de candidats aux concours de l'enseignement s'est traduite, en 2022, par une baisse des rendements des concours d'environ 10 %, dans le premier comme le second degré. Le ministère a donc demandé aux académies de mener une politique volontariste de recrutement de contractuels, en leur proposant une rémunération cohérente avec celle des titulaires.
Plus largement, monsieur le sénateur, votre question renvoie au travail nécessaire sur l'attractivité des métiers de l'enseignement et de la santé. Le chantier de l'amélioration de la rémunération des enseignants en fait partie. D'autres métiers sont concernés, comme les personnels de santé, dont la revalorisation indemnitaire est engagée depuis 2021. Le renforcement de l'attractivité passe aussi par l'amélioration des conditions d'exercice : c'est l'objet des concertations actuellement menées par le ministre de l'éducation nationale.
M. Gilbert Roger. - Que certains ratent l'agrégation à un point près et ne reçoivent aucune proposition quand, dans les Yvelines, on a organisé un speed dating pour recruter, voilà qui suggère des évolutions possibles... S'il faut en passer par la loi, faisons-le. Mais je pense que le Gouvernement a la possibilité, en liaison avec les recteurs, de faire évoluer les choses.
Moyens pour l'école publique de proximité
Mme Cathy Apourceau-Poly . - La colère gronde parmi les enseignants, les parents et les élus. La soustraction est devenue l'opération favorite du Gouvernement.
Dans le Pas-de-Calais, 73 classes et 53 postes sont supprimés en maternelle et en primaire. Dans les collèges et lycées, la baisse drastique de la dotation horaire globale entraîne la suppression de nombreuses options dans des bassins de vie durement touchés par la crise sociale.
De nombreux maires m'interpellent, qu'ils soient du bassin minier, de la côte ou de la ruralité. Du fait de la baisse de moyens dans l'éducation nationale, les classes à triple, voire quadruple niveaux sont de plus en plus nombreuses. Et les remplaçants manquent, y compris lorsque les absences sont prévues.
Je suis surprise de la façon dont se déroule parfois le dialogue entre les maires et l'éducation nationale. Ainsi, au sein du regroupement pédagogique intercommunal (RPI) de Chériennes, Le Quesnoy-en-Artois et Vacqueriette-Erquières, le projet de fermeture de poste a été annoncé à un seul des maires - qui n'est pas celui de la commune concernée. Lorsque les trois maires ont contesté la fermeture, le rectorat leur a répondu, dix jours plus tard, que la décision était déjà validée.
Les maires investissent beaucoup dans les écoles, coeur de nos villes et de nos villages. Mais pour pérenniser l'école publique de proximité, il est indispensable de fidéliser les familles au plus tôt, donc de prendre en compte les enfants de moins de 3 ans dans les moyens alloués. Le Gouvernement va-t-il intégrer ces enfants dans les tableaux d'effectifs ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels . - Dans le contexte actuel de forte baisse démographique, tout dispositif visant à maintenir le service public de l'éducation partout sur le territoire est le bienvenu.
Les RPI sont un outil d'aménagement scolaire précieux : 4 790 structures de ce type pour 9 167 écoles en 2022, contre 4 777 structures pour 9 253 écoles en 2021. Notons que 6 997 communes sans école participent à un regroupement, un chiffre en hausse de 1 % entre 2021 et 2022.
Je salue le travail des maires : pour maintenir une offre scolaire sur leur territoire, ils acceptent de former ces regroupements pour offrir de meilleures conditions d'étude aux enfants de leurs communes.
La préparation de la carte scolaire donne lieu à de nombreux échanges avec les élus locaux ; chaque situation est appréciée finement et objectivement. De janvier à septembre, le dialogue avec les élus est continu et les évolutions d'effectifs sont suivies avec attention. Les efforts de regroupement déjà réalisés sont pris en compte.
Carte scolaire en milieu rural
M. Jean-Yves Roux . - Les écoles rurales, qui représentent 36 % des écoles métropolitaines et 20 % des élèves, se caractérisent par la forte proportion de classes multiniveaux et de regroupements pédagogiques intercommunaux.
Face à la déprise démographique et à la difficulté de pérenniser les équipes pédagogiques, les élus ruraux s'efforcent d'attirer des familles pour faire vivre leur commune et son pilier, l'école. Or, chaque année, ils sont confrontés au couperet des fermetures et ouvertures de classe, sur le seul critère des effectifs : la fameuse carte scolaire, susceptible de bouleverser des équilibres réalisés de haute lutte.
Les collectivités territoriales sont, après l'État, le premier financeur de l'éducation. Malheureusement, les deux membres du couple ne regardent pas dans la même direction...
En 2019, dans notre rapport sur les nouveaux territoires de l'éducation, M. Lafon et moi-même proposions une approche nouvelle pour faire progresser la réussite scolaire en milieu rural. En particulier, nous suggérions de geler les cartes scolaires pendant trois ans, le temps pour les élus de conforter leurs effectifs et pour les équipes pédagogiques d'installer des projets.
La loi 3DS visait à rapprocher l'État du terrain, en soutien aux collectivités territoriales ; l'éducation nationale gagnerait en efficacité en s'inscrivant dans cet esprit. Le Gouvernement compte-t-il expérimenter la stabilité de la carte scolaire pendant trois ans dans la ruralité ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels . - L'engagement présidentiel de ne fermer aucune école sans l'accord préalable du maire, reconduit chaque année depuis 2019, s'applique sans exception.
La démographie scolaire baisse, et cette tendance se poursuivra. Toutefois, nous ne nous en tenons pas à l'arithmétique, compte tenu des enjeux de dynamisation des territoires. La répartition des moyens du service public de l'éducation tient compte des différences de situation, sur la base de critères économiques, territoriaux et sociaux, dont la réussite des élèves issus des catégories les plus défavorisées. L'indicateur territorial que nous utilisons prend en compte l'éloignement des zones urbaines, comme vous l'avez proposé dans votre rapport.
D'autres dispositifs spécifiques sont mis en oeuvre, comme les Territoires éducatifs ruraux, récemment étendus à dix nouvelles académies compte tenu du volontarisme des élus locaux. Je pense aussi à l'extension aux zones rurales des Cordées de la réussite ; 32 000 élèves en bénéficient dans les territoires ruraux. Enfin, les internats d'excellence sont un levier important pour les élèves des territoires ruraux ou isolés.
Soyez assuré que nous continuerons de travailler avec les élus locaux pour que tous nos élèves puissent étudier dans les meilleures conditions.
« France Travail jeunes » et missions locales pour l'emploi
M. Antoine Lefèvre . - Le programme « France Travail jeunes » suscite doutes et inquiétudes au sein du réseau des missions locales pour l'emploi.
Rattaché au chantier France Travail, attendu pour l'année prochaine, il consiste à rebaptiser les missions locales sans leur maintenir l'exclusivité de l'accompagnement des publics accueillis. Les responsables des antennes locales y voient une volonté de l'État de se substituer à eux à terme.
Engagées depuis plus de quarante ans pour l'insertion des jeunes, les missions locales se sont constamment réinventées pour suivre l'évolution des dispositifs d'insertion et fournir une offre adaptée aux territoires et aux publics. Après le dédoublement des objectifs entre les missions locales et Pôle emploi, l'annonce d'une double tutelle apparaît comme une menace pour leur maintien.
Par ailleurs, les élus de l'Union nationale des missions locales ont appris avec perplexité que l'opérateur en charge du demandeur d'emploi serait désigné sur la base d'un algorithme, au risque de déboussoler encore davantage des publics précaires pour lesquels il est essentiel de maintenir le lien de proximité avec le conseiller de mission locale.
Quelle est la portée de ce nouveau programme ? Le Gouvernement peut-il garantir que l'autonomie des missions locales sera maintenue ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels . - Dans le cadre de la préfiguration de France Travail, il est proposé, en effet, que les missions locales qui le souhaitent prennent l'appellation « France Travail jeunes ». Cela ne signifie pas qu'elles seront seules en charge de l'accompagnement des jeunes vers l'insertion professionnelle. Elles auront pour principal objectif de mettre en oeuvre les parcours d'accompagnement des jeunes ayant besoin d'un suivi socioprofessionnel global.
Sur chaque territoire, une proposition de feuille de route sera co-élaborée par ces structures au côté de France Travail, puis soumise à la gouvernance du comité France Travail, coprésidé par l'État et les collectivités territoriales. De ce point de vue, leur rôle est donc renforcé.
Les publics accueillis seront orientés sur la base de critères partagés, ce qui réduira la concurrence entre réseaux. Le contrat d'engagement jeunes continuera d'être mis en oeuvre conjointement par les missions locales et Pôle emploi ; s'agissant des jeunes en rupture, les interventions des premières seront articulées avec celles de structures retenues dans le cadre d'appels à projets. Il s'agit ainsi d'encourager une logique de coopération et de complémentarité.
Par ailleurs, l'État continue de soutenir les missions locales, à hauteur de 600 millions d'euros cette année. Le soutien à l'Union nationale des missions locales a été considérablement renforcé depuis 2022.
M. Antoine Lefèvre. - Président d'une mission locale depuis plus de vingt ans, je sais d'expérience que jeunes, élus et partenaires ont besoin de signes clairs. Il faut une prise en charge exclusive au plus près des territoires. Près de 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans qualification : ce n'est pas un algorithme qui améliorera leur prise en charge. Faites confiance aux missions locales !
Exploitation mutualisée de la vidéoprotection
M. Gilbert-Luc Devinaz . - La mutualisation de l'exploitation de la vidéoprotection entre plusieurs communes est restreinte par des contraintes juridiques, alors que ses avantages sont nombreux : capacités d'investissement accrues, mise en commun des charges, élargissement du territoire couvert.
Une telle mutualisation peut être mise en oeuvre dans le cadre d'un syndicat à usage unique ou d'une entente intercommunale par convention. La seconde solution offre des avantages de souplesse, sans augmenter le nombre de structures. Pour autant, elle se heurte à des difficultés qui en réduisent l'attrait pour les communes intéressées.
L'instruction gouvernementale du 4 mars 2022 laisse entendre que, dans le cadre d'une entente intercommunale, l'exploitation des images des communes associées ne peut être faite que par un policier municipal. Si les communes affectent à cette mission un agent technique ou un agent de surveillance de la voie publique, celui-ci ne pourrait visualiser que les images de la commune qui le rémunère. L'intérêt d'une telle mutualisation disparaît donc.
Est-il envisageable que, dans le cadre d'une entente intercommunale, des opérateurs de vidéoprotection ou des agents de surveillance de la voie publique puissent accéder aux images de toutes les communes ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - La loi Sécurité globale offre de nombreuses possibilités nouvelles pour développer la vidéoprotection et la mise en commun de polices municipales.
Son article 42 étend la possibilité de visionner des images à des agents territoriaux hors police municipale, dans le cadre d'un agrément préfectoral. La loi ne prévoit pas de mutualisation pluricommunale de ces agents, mais autorise la mise à disposition des communes d'opérateurs de vidéoprotection qui ne sont pas policiers municipaux par les EPCI compétents et les syndicats mixtes. Ces agents peuvent alors être habilités à visionner les images d'un territoire regroupant plusieurs communes.
En revanche, il n'a pas été prévu que deux communes mutualisent leur vidéoprotection par simple convention en employant des opérateurs autres que des policiers municipaux. Cette question n'a pas été soulevée lors de la discussion de la loi.
Commençons par évaluer l'efficacité des nouveaux dispositifs à la main des communes avant d'envisager un régime supplémentaire de mutualisation d'agents.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - J'anticipais cette réponse. On peut comprendre la volonté de ne pas augmenter le nombre de structures sur un territoire, ainsi que celle d'affecter les policiers municipaux plutôt sur le terrain. D'où ma proposition d'ouvrir la consultation des images à des agents non policiers municipaux, pour tout le territoire des communes associées.
Aire d'accueil des gens du voyage
M. Laurent Burgoa . - Sur l'aire d'accueil de Villeneuve-lès-Avignon, dans le Gard, des gens du voyage originaires des pays de l'Est se sédentarisent et organisent divers trafics. Je ne parlerai pas ici des problèmes occasionnés...
Les élus des communes gardoises de Villeneuve-lès-Avignon et Les Angles ne savent pas vers qui se tourner, l'aire étant gérée par l'agglomération du Grand Avignon, située dans le département du Vaucluse, et même dans une autre région, la région Sud. Quel préfet ces communes doivent-elles saisir ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Aux termes de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000, le maire peut demander au préfet du département de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux, lorsque l'occupation viole un arrêté du maire ou du président de l'EPCI et porte atteinte à la sécurité, à la tranquillité ou à la salubrité publique.
En dehors de l'hypothèse du stationnement illicite, le maintien de l'ordre public relève en principe du maire. Toutefois, le préfet est compétent pour prendre toute mesure relative au maintien de l'ordre public si aucune mesure n'a été prise par le maire malgré une mise en demeure.
La commune de Villeneuve-lès-Avignon est membre de la communauté d'agglomération du Grand Avignon, dont le siège est situé dans le Vaucluse. Pour autant, s'agissant d'une commune gardoise, c'est le préfet du Gard qui est compétent.
M. Laurent Burgoa. - Je pensais bien que c'était la préfète du Gard, qui a d'excellentes relations avec les élus, qui était compétente, et vous remercie de l'avoir précisé. Le maire des Angles, nouvellement élu, ne savait pas à qui s'adresser. Les aires d'accueil et la politique de la ville relèvent des agglomérations : du fait des interférences entre différents départements, voire différentes régions, il peut être compliqué pour les nouveaux élus de s'y retrouver.
Phénomènes de retrait-gonflement des sols
M. François Bonhomme . - Les phénomènes de retrait-gonflement des sols touchent près de la moitié du territoire. Les conséquences en sont souvent désastreuses, pour l'habitat individuel comme pour les bâtiments publics. Dans la plupart des cas, le coût des réparations est insupportable pour les propriétaires sans protection assurantielle liée à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
Des dédommagements sont prévus par le régime CatNat et la loi de 2001, mais seule la moitié des communes concernées obtiennent une telle reconnaissance.
Par ailleurs, l'accroissement du phénomène pose la question du financement du risque, dont le coût est estimé à plus de 3 milliards d'euros dans les prochaines années.
L'ordonnance du 8 février dernier, qui doit augmenter le nombre de communes éligibles à la reconnaissance, limiterait les indemnisations aux sinistres les plus graves, ce qui ferait sortir certains propriétaires de la couverture assurantielle.
Quelles mesures complémentaires entendez-vous prendre pour que les communes concernées bénéficient de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et que tous les propriétaires touchés soient éligibles à l'indemnisation ? Quel est le plan de financement envisagé pour maintenir l'équilibre du régime CatNat ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - L'indemnisation des dégâts causés par le phénomène de sécheresse-réhydratation des sols est assurée par la garantie catastrophes naturelles. La loi 3DS habilite le Gouvernement à réformer par voie d'ordonnance les modalités d'indemnisation au sein de ce régime.
Dans ce cadre, l'ordonnance du 8 février dernier assouplit les critères pris en compte pour analyser le caractère anormal des épisodes de sécheresse, prend en compte les communes ayant subi une succession anormale de sécheresses significatives mais non exceptionnelles et améliore la prise en compte des communes adjacentes. En outre, elle encadre la réalisation des expertises et prévoit des contrôles et des sanctions pesant sur les experts.
L'indemnisation sera concentrée sur les sinistres susceptibles d'affecter la solidité du bâtiment ou d'en entraver l'usage normal. Le Gouvernement souhaite accompagner en priorité les sinistrés confrontés à ces situations.
Enfin, l'ordonnance augmente le nombre de communes éligibles à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
M. François Bonhomme. - Vous ne m'avez pas répondu sur l'équilibre financier du régime CatNat. Le Bureau de recherches géologiques et minières estime à dix millions le nombre d'habitations concernées et le coût de la sinistralité sécheresse à 43 milliards d'euros au cours des vingt prochaines années. Sans effort de financement, le nombre de personnes couvertes devra encore être réduit.
Délais de délivrance des titres d'identité
Mme Corinne Féret . - En matière de délivrance des cartes nationales d'identité et des passeports, des difficultés perdurent dans le Calvados comme ailleurs.
Les Français ont aujourd'hui davantage besoin de présenter un titre en cours de validité. Or avec la crise sanitaire, le Brexit et l'augmentation structurelle de la demande, les délais de délivrance s'allongent. Actuellement, le délai moyen pour obtenir un rendez-vous en mairie est de 58 jours - en zone urbaine, c'est bien davantage...
Les résultats du plan d'urgence lancé en mai dernier sont très insuffisants. Cette année, les Français sont cinq millions de plus que l'an dernier à devoir refaire leur pièce d'identité. Les collectivités territoriales devront embaucher pour faire face.
Les maires et les agents communaux sont les victimes collatérales des dysfonctionnements, confrontés à l'agacement des usagers et parfois victimes de violences verbales, voire pire.
Comment le Gouvernement compte-t-il assurer un délai de délivrance raisonnable et garantir une offre de proximité sur l'ensemble du territoire ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - De nouvelles mesures ont été mises en oeuvre en 2022 face à l'augmentation exceptionnelle des demandes de titres, pour en limiter les conséquences sur les services des mairies.
La définition de règles nationales de priorisation et de mesures dérogatoires pour le passage des examens avec un titre périmé depuis moins de cinq ans doit contenir le volume des demandes. Le moteur de recherche de rendez-vous permet de réduire le nombre de rendez-vous non honorés. La pré-demande en ligne réduit la durée des rendez-vous de recueil.
S'ajoute la revalorisation exceptionnelle de la dotation titres sécurisés, portée à 73 millions d'euros cette année.
Pour une plus grande proximité, 500 nouveaux dispositifs de recueil sont en cours de déploiement. Des effectifs supplémentaires pérennes sont prévus dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
Le Gouvernement s'engage ainsi pour un service de proximité et de qualité pour tous les usagers.
Mme Corinne Féret. - Plusieurs maires du Calvados m'ont fait part de leurs difficultés. Vous annoncez des nouvelles machines et de nouveaux agents, mais cela prendra du temps. Or il y a urgence, car nos concitoyens attendent depuis trop longtemps !
Habitat inclusif
M. Jean Pierre Vogel . - Promu par le Gouvernement, l'habitat inclusif, défini par la loi Élan de 2018, permet aux personnes handicapées ou âgées de concilier inclusion sociale et vie autonome, au domicile. La demande est croissante et le regroupement de plusieurs personnes handicapées indispensable pour la mutualisation des prestations, financées par le conseil départemental.
L'Association des infirmes moteurs cérébraux de la Sarthe gère depuis 1994 un habitat inclusif de seize logements adaptés aux personnes à mobilité réduite (PMR++), dans un immeuble de 25 appartements. Or la commission de sécurité du Sdis a requalifié l'immeuble en établissement recevant du public (ERP), se fondant sur un arrêté de 1980 aux termes duquel la présence de plus de six personnes en situation de handicap dans un même immeuble emporte de facto cette qualification.
Le bailleur social propriétaire n'ayant pas réalisé les travaux d'adaptation dans les délais, le maire du Mans a prononcé la fermeture administrative et les occupants se retrouvent menacés d'expulsion.
Le risque est de voir tous les habitats inclusifs accueillant plus de six personnes requalifiés en ERP, avec à la clé des fermetures administratives et des menaces d'expulsion, ce qui porterait un coup d'arrêt à l'habitat inclusif.
Que compte faire le Gouvernement pour sauvegarder l'habitat inclusif et permettre son développement ? Envisagez-vous de soutenir financièrement les bailleurs publics et privés afin qu'ils prévoient la création de logements adaptés dans toute construction nouvelle et d'imposer un certain nombre de logements destiné à l'habitat inclusif pour chaque nouvelle construction ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - L'habitat inclusif fait l'objet d'échanges interministériels visant à concilier la préservation du lien social avec l'impérieuse nécessité de protéger les plus fragiles, particulièrement exposés en cas d'incendie.
En l'espèce, le bâtiment concerné comporte quinze logements répartis dans des étages accueillant des infirmes moteurs cérébraux reconnus comme handicapés sévères, les privant d'autonomie pour accomplir les actes de la vie quotidienne.
En application de la réglementation, la sous-commission départementale de sécurité a proposé au maire, après une visite sur place en avril 2022, le classement en ERP. Le propriétaire n'ayant pas mis son bâtiment en conformité avec la réglementation, le maire a pris un arrêté de fermeture le 8 décembre 2022 qui a fait l'objet d'un contentieux administratif. Le Conseil d'État a confirmé, le 20 février 2023, le statut d'ERP, en s'appuyant notamment sur la situation de fragilité des résidents.
Les porteurs de projets doivent donc intégrer que l'autonomie du public accueilli est un des critères déterminants du statut juridique de l'établissement.
Communes voisines des ZRR
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Le classement en zone de revitalisation rurale (ZRR) apporte des avantages fiscaux, sociaux et d'attractivité à quelque 18 000 collectivités. Mais les communes limitrophes de ces zones rencontrent des difficultés, notamment pour attirer des professionnels de santé, faute de pouvoir offrir un régime aussi intéressant que les ZRR voisines. Des réflexions sont-elles en cours pour amoindrir cet effet frontière, afin que ces communes, qui ont elles aussi des besoins, ne soient pas pénalisées ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Il existe en effet un dispositif d'exonération fiscale pour les médecins généralistes exerçant dans une commune en ZRR.
Le dispositif ZRR prend fin au 31 décembre 2023, il convient donc d'en imaginer les nouveaux contours. J'y travaille depuis l'été 2022. Ce travail s'appuie, pour partie, sur le rapport des sénateurs Espagnac et Delcros, mais aussi sur une mission conduite par le préfet Philizot.
Les effets de frontière inhérents aux ZRR sont bien identifiés, notamment en matière de déserts médicaux. Cette problématique rejoint aussi, pour partie, celle des communes rurales membres d'un EPCI non classé en ZRR.
Des annonces seront faites prochainement sur l'avenir des ZRR, mais également sur une nouvelle déclinaison de l'agenda rural. Elles s'inscriront dans un plan national à destination des territoires ruraux, qui apportera des solutions concrètes et adaptées aux problématiques de chaque territoire. J'aurai alors plaisir à vous le présenter.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Merci de ces éléments. Je salue le travail de nos collègues Delcros et Espagnac, et j'espère que la réflexion engagée permettra de conforter les ZRR et d'apporter des solutions aux communes riveraines.
Lors d'un déplacement à Migennes dans l'Yonne, Jean Castex s'était dit prêt à y travailler dans le cadre d'un PLF ou d'un PLFSS. Nul doute que nous aboutirons.
Définition du potentiel fiscal et financier des communes
M. Bruno Belin . - La loi NOTRe du 7 août 2015 a été un séisme pour nombre de collectivités. Les départements ont perdu la clause de compétence générale, la compétence économique, mais aussi des compétences de proximité symboliques comme le transport scolaire, au profit de grandes régions sur lesquelles il y aurait beaucoup à dire. Notons au passage que la création de ces grandes régions n'a permis aucune économie de fonctionnement.
Ce fut un cataclysme pour les communes les plus rurales, que l'on a fait rentrer, souvent contre leur gré, dans des communautés urbaines - je pense à des exemples dans la Vienne, autour de Poitiers. Elles ont ainsi vu leur potentiel financier doubler, voire tripler. Conséquence : un effondrement de leur DGF. Asphyxiées, des communes comme Liniers, Bonnes ou Cloué ne sont plus en mesure d'investir, faute de pouvoir boucler leur budget de fonctionnement. Que compte faire le Gouvernement pour les aider ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Le potentiel fiscal et le potentiel financier communal retranscrivent de manière objective, en neutralisant les choix budgétaires et de gestion, le niveau de ressources libres d'emploi qu'une commune est en mesure de retirer de la fiscalité locale et de la fiscalité transférée, mais aussi la richesse qu'elle tire de son appartenance à un EPCI à fiscalité propre, via la fiscalité économique, les prélèvements ou reversements fiscaux intercommunaux ou encore la répartition des attributions de compensation décidées par le conseil communautaire. Ce mode de calcul assure la comparabilité du niveau de ressources potentielles et la répartition objective et équitable des composantes de la DGF au niveau national.
Le niveau local joue toutefois un rôle essentiel pour assurer une plus grande solidarité entre les communes. Il dispose pour cela d'outils de péréquation dédiés, comme la révision libre des attributions de compensation ou l'institution d'une dotation de solidarité communautaire, mais aussi d'un dispositif de répartition locale de la DGF afin de définir des règles de réallocation des attributions de DGF. Avec l'ensemble de ces outils, les collectivités peuvent donc faire jouer la solidarité intercommunale.
M. Bruno Belin. - L'Évangile selon saint Bercy est bien connu. La réalité du terrain est toute autre. Pour avoir présidé une intercommunalité, je connais bien le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) : il nécessite l'unanimité du conseil communautaire ! Autant dire que cela ne marche jamais.
Il faut absolument créer des fonds de compensation pour sauver les communes rurales. (MM. Olivier Cigolotti et Vincent Segouin applaudissent.)
Décompte de l'objectif ZAN
M. Cédric Vial . - Lors du Congrès des maires, Mme la Première ministre a confirmé l'objectif « zéro artificialisation nette » en 2050, précisé que les objectifs seraient territorialisés et différenciés, et indiqué que les projets d'envergure nationale seraient décomptés à l'échelle nationale. Toutefois, des questions subsistent.
En Isère, l'entreprise STMicroelectronics a annoncé une extension de son usine qui doublera la capacité de production, avec à la clé la création de plus de mille emplois. Ce projet rentre dans la stratégie nationale de soutien de la filière électronique. Dès lors, cette extension sera-t-elle décomptée à l'échelle nationale ? Tiendra-t-on compte uniquement du tènement foncier, ou aussi des conséquences de l'arrivée de mille nouveaux salariés en termes de logements, de services publics et d'équipements ?
S'il n'est pas décompté au niveau national, ce projet impacterait l'enveloppe foncière disponible de trois Scot (Schémas de cohérence territoriale) différents, empêchant toute autre forme de développement endogène. Leurs enveloppes ne pourraient être augmentées qu'en diminuant la capacité de développement des autres Scot régionaux pour conserver les objectifs à l'échelle du Sraddet (Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires), qui devra lui aussi être modifié. Compte tenu des délais de mise à jour de ces nombreux documents, l'entreprise ne pourra déposer de permis de construire avant plusieurs années ! Tous ces documents - Sraddet, Scot, plan local d'urbanisme - risquent même de bloquer tout projet important.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Veuillez excuser M. Christophe Béchu.
La Première ministre a réaffirmé l'objectif ZAN en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) sur la décennie 2021-2030. C'est indispensable pour stocker du carbone, préserver la biodiversité et nous protéger des impacts du changement climatique.
Le Gouvernement a indiqué qu'il souhaitait que les projets d'envergure nationale ne soient pas décomptés à l'échelle de chaque région, mais à l'échelle nationale, afin de mutualiser les efforts. Cette mesure est en cours de discussion dans le cadre de la proposition de loi sénatoriale sur le ZAN. Une réflexion est en cours sur le périmètre des projets économiques jugés d'intérêt national, avec des évolutions possibles dans le cadre du projet de loi Industrie verte.
Par ailleurs, la loi Climat et résilience prévoit déjà une mutualisation au niveau régional des projets d'envergure.
Inclure les besoins connexes induits par les projets d'ampleur nationale ou régionale conduirait à prendre en compte des projets purement locaux. Le Sénat n'y est pas favorable, et les amendements que vous avez portés sur le sujet n'ont d'ailleurs pas été adoptés.
Versement de MaPrimeRénov'
M. Olivier Cigolotti . - Le dispositif MaPrimeRénov' a incité les ménages et les entreprises, souvent artisanales, à se lancer dans des travaux de rénovation énergétique, entraînant une forte augmentation du nombre de dossiers.
Cependant, du fait des difficultés rencontrées par l'Agence nationale pour l'habitat (Anah), le versement se fait attendre, contraignant les bénéficiaires à consentir de lourdes avances de trésorerie. Certains se retrouvent à devoir négocier avec les banques, voire envisager la cessation d'activité.
Dans certains départements, dont la Haute-Loire, les difficultés de versement de MaPrimeRénov' remettent en cause l'existence même de certaines entreprises et pénalisent également les ménages, notamment les plus modestes.
Comment le Gouvernement compte-t-il accélérer et sécuriser le versement de cette prime indispensable à l'accélération de la rénovation énergétique du parc de logements ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - MaPrimeRénov', principale aide de l'État en matière de rénovation énergétique, a bénéficié à 1,4 million d'usagers depuis son lancement en janvier 2020. Dans un contexte de forte demande, avec l'extension des publics éligibles en 2021 et les primes exceptionnelles dans le cadre du plan de résilience Gaz en 2022, certains dossiers n'ont pu aboutir dans les délais habituels. Mais le nombre de cas est très limité.
L'Anah se mobilise pour fluidifier les parcours avec une équipe dédiée aux situations les plus difficiles, qui font l'objet d'un suivi individualisé.
Le délai moyen de traitement pour un dossier MaPrimeRénov' est inférieur à cinq semaines. Pour un dossier complet ne nécessitant aucun contrôle renforcé, il est d'environ deux semaines pour une demande de subvention et trois semaines pour le paiement. Lorsqu'un dossier nécessite des justificatifs complémentaires ou fait l'objet d'un contrôle sur place, ces délais peuvent être allongés et atteindre trois mois. Sans nier les difficultés, ramenons-les à leur juste proportion.
L'amélioration de l'information aux usagers est également une priorité. Ainsi, la création du service public France Rénov' en 2022, complétée par la montée en charge progressive de MonAccompagnateurRenov' en 2023, facilitera le parcours des ménages dans leur projet de rénovation.
M. Olivier Cigolotti. - Ce dispositif a suscité beaucoup d'intérêt mais aussi de grandes déceptions, en raison des délais de paiement et des difficultés opérationnelles. Il est urgent de fluidifier le traitement des dossiers.
Préservation des moulins à eau
M. Vincent Segouin . - Certains moulins et seuils de l'Orne sont menacés par les arrêtés pris en préfecture. Le Gouvernement a beau prétendre vouloir préserver notre patrimoine, les actes ne sont pas à la hauteur des attentes. Ce manque de considération à l'égard de notre héritage patrimonial conduit à sa disparition. Pire, il se traduit par la destruction volontaire de monuments historiques qui font la fierté et l'histoire de nos territoires.
Dans l'Orne, en 2010, le préfet a ainsi commandé l'effacement du seuil de la Bataille à Clécy, sans aucune discussion, alors qu'avait été proposé au préfet et à la Direction départementale des territoires un projet de microcentrale hydroélectrique par la réhabilitation d'un bâtiment historique remontant au XIIIe siècle. Nous ne nous en sommes pas remis.
De nombreux moulins historiques étant en passe d'être détruits, je m'interroge sur la constance de l'engagement du Gouvernement ou sur le respect de ses consignes par l'administration. En réponse à deux précédentes questions, vos prédécesseurs m'avaient pourtant assuré vouloir sauvegarder les moulins à forte valeur patrimoniale ou producteurs de petite hydroélectricité.
Quelles sont vos orientations en termes de continuité écologique, de préservation du patrimoine et de production propre ? Sont-elles partagées par l'ensemble des ministres concernés ? L'information est-elle relayée auprès des préfets et des administrations compétentes ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - La protection du patrimoine n'est pas incompatible avec la continuité écologique, et le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires travaille avec le ministère de la culture pour identifier les ouvrages nécessitant une attention particulière. Les effacements ou arasements de moulins, dans l'Orne et ailleurs, ne touchent en général qu'au seuil du moulin et peuvent être l'occasion d'en rénover des éléments clés.
Concernant le seuil de la Bataille à Clécy, la solution retenue a fait l'objet d'une concertation au sein de la commission locale de l'eau du Sage (schéma d'aménagement et de gestion de l'eau) Orne moyenne. Conformément aux recommandations du Sage, la hauteur de l'ouvrage a été réduite.
Les débats sur la loi d'accélération des énergies renouvelables ont rappelé que la contribution des moulins à la production d'électricité était modeste et ne pouvait justifier les atteintes au milieu aquatique.
Enfin, depuis août 2021, la loi interdit aux services de l'État de prescrire l'effacement d''un moulin en réponse à l'obligation de rétablissement de la continuité écologique. Des consignes en ce sens ont été passées et sont respectées. Néanmoins, un propriétaire peut toujours demander l'abrogation de son droit et souhaiter la remise en état du cours d'eau, plutôt que d'aménager et supporter les charges d'entretien d'un seuil. Il n'appartient pas aux services du ministère de s'opposer à une telle requête de la part du propriétaire exerçant son droit.
M. Vincent Segouin. - Ce ne sont pas les propriétaires qui demandent l'arasement des seuils, mais bien les organismes de sauvegarde de la continuité écologique, sans considération de la valeur patrimoniale ou du potentiel hydroélectrique. Pour les populations, c'est un traumatisme. Nous voulons une administration compréhensive et objective.
ZAN et circonscription portuaire
Mme Agnès Canayer . - L'Axe Seine est l'artère fluviale de notre pays. Son lien étroit avec Haropa, premier port commercial de France, en fait la route stratégique de notre politique exportatrice. Relais entre la capitale et la façade maritime, l'Axe Seine est aussi un outil majeur pour la réindustrialisation ; il est d'ailleurs inscrit depuis 2019 à l'initiative Territoire d'Industrie.
Mais que ce soit dans ses boucles ou dans son estuaire, la Seine sera concernée par le principe du ZAN, dont l'application stricte va entraver le développement des circonscriptions portuaires. Ainsi, l'usine H2V à Saint-Jean-de-Folleville, l'association Industries Caux Seine ou le projet Synerzip au Havre interdiront demain toute autre initiative dans les territoires sur lesquels ils sont implantés. Sans compte foncier séparé pour l'Axe Seine, la ligne nouvelle Paris-Normandie ou Haropa-Port, des projets locaux seront à l'arrêt, comme PJ3 à Port-Jérôme-sur-Seine.
Quid de la compensation environnementale et de l'absence d'incitation fiscale à la réutilisation des friches ? Madame la Ministre, comptez-vous inscrire dans les comptes fonciers nationaux les opérations d'aménagement dans les circonscriptions portuaires ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Chaque année, 20 000 ha d'espaces naturels, agricoles et forestiers sont consommés en moyenne en France. Les conséquences sont écologiques mais aussi socioéconomiques. D'où l'objectif ZAN en 2050.
La loi Climat et résilience permet déjà à la région de mutualiser des projets d'envergure, comme ceux portés par Haropa port. La Première ministre s'est déclarée favorable à ce que les projets d'envergure nationale soient mutualisés à l'échelle nationale, afin que les territoires concernés ne soient pas pénalisés par leur implantation.
Lors de l'examen de la proposition de loi sénatoriale, le Gouvernement a présenté un amendement visant à intégrer explicitement les grands ports dans les grands projets d'envergure nationale. La rédaction englobe les actions ou opérations d'aménagement réalisées sur leur circonscription par un grand port maritime ou fluviomaritime de l'État, ou pour leur compte.
L'objectif de sobriété foncière est ambitieux mais nécessaire. Pour accompagner les territoires, plusieurs aides sont déjà déployées, que ce soit à travers le renforcement de l'ingénierie territoriale, l'encouragement à la contractualisation ou la mobilisation de leviers fiscaux ou budgétaires, en particulier le Fonds vert doté de 2 milliards d'euros en 2023.
Mme Agnès Canayer. - Je ne remets nullement en cause l'objectif de sobriété foncière, mais attention à ne pas décourager les acteurs.
Survie de la ligne de l'Aubrac
M. Bernard Delcros . - La ligne de l'Aubrac, emblématique du Massif central, relie Clermont-Ferrand à Béziers et dessert les départements du Puy-de-Dôme, du Cantal, de la Lozère, de l'Aveyron et l'Hérault. Sur le plan économique, elle assure le fret pour l'usine Arcelor Mittal de Saint-Chély-d'Apcher, premier employeur du secteur. Sur le plan touristique, elle franchit le célèbre viaduc de Garabit, construit par Eiffel, et traverse le site classé des gorges de la Truyère.
Autant d'atouts qui ont conduit l'État à renouveler le classement de cette ligne en Train d'Équilibre du Territoire jusqu'en 2031, reconnaissant ainsi son intérêt national.
Malgré des travaux sur la ligne, l'absence d'anticipation et d'entretien sur certains tronçons a conduit à sa fermeture durant onze mois en 2021. Et selon plusieurs sources, la ligne pourrait à nouveau fermer dans les mois à venir si des travaux n'étaient pas engagés rapidement, notamment sur le tronçon entre Andelat et Loubaresse, dans le Cantal.
Classer une ligne ferroviaire d'intérêt national puis la fermer faute d'entretien ne serait ni cohérent, ni acceptable. Pouvez-vous nous assurer que la ligne de l'Aubrac ne subira pas de nouvelle fermeture pour défaut d'entretien ou de travaux non effectués, et nous indiquer le calendrier des travaux envisagés pour l'éviter ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - L'État est pleinement engagé aux côtés des régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes en faveur des deux lignes interrégionales de l'Aubrac et des Cévennes et a intégralement tenu les engagements financiers pris au titre des contrats de plan État-région 2015-2022.
L'État a par ailleurs fait des propositions aux deux régions pour assurer le financement dans la durée des investissements nécessaires à leur sauvegarde, dans le cadre d'un projet de protocole d'accord interrégional destiné à donner une visibilité à dix ans. Je suis en attente de leur réponse.
Sur la ligne de l'Aubrac, certains rails, de type double-champignon, entre Neussargues et Saint-Chély-d'Apcher doivent être remplacés rapidement afin de pérenniser les circulations de voyageurs et de fret sur cette section. Je vous confirme que l'État est prêt à participer au financement. Les discussions sont en cours avec les régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes pour compléter le tour de table financier de ces travaux prévus en 2024.
M. Bernard Delcros. - Notre réseau de petites lignes ferroviaires est une chance pour le pays, pour la lutte contre le réchauffement climatique. La ligne de l'Aubrac est entièrement électrifiée et contribue à la mobilité en milieu rural, à laquelle je vous sais attachée. Ne la laissez pas tomber !
Nuisances sonores de l'aéroport de Lille-Lesquin
Mme Martine Filleul . - Si la modernisation de l'aéroport de Lille-Lesquin est nécessaire, son extension inquiète les 55 000 riverains et les élus.
L'Agence régionale de santé (ARS) a alerté sur l'effet des nuisances sonores dues à l'augmentation des vols de nuit sur l'apprentissage scolaire, les troubles du sommeil et les risques d'infarctus... Il faudrait instaurer un couvre-feu de 23 heures à 5 heures du matin. Cette mesure de bon sens s'applique aux autres aéroports comme Bâle-Mulhouse ou Nantes ; pourquoi pas à Lille ? Le Gouvernement, interpellé à plusieurs reprises par des parlementaires, esquive en arguant d'une étude d'impact, qui n'est pas nécessaire pour décider d'un couvre-feu. Allez-vous l'instaurer ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Le syndicat mixte, propriétaire de l'aéroport, et l'exploitant veulent porter le trafic de passagers de 2,2 millions en 2019 à 3,4 millions en 2039 - une ambition en légère baisse en raison des changements de pratiques et de la restructuration de la compagnie Hop, qui maintient la ligne vers Lyon mais abandonne les dessertes de Bordeaux, Nantes, Marseille, Nice et Toulouse. En 2022, le trafic était de 1,8 million de passagers, pour 13 683 mouvements, contre plus de 20 000 en 2019.
Le syndicat mixte et l'exploitant se sont engagés à plafonner le nombre de vols de nuit au chiffre de 2019, soit 1 566 mouvements, hors les vols d'avions de l'État et les vols sanitaires. Une étude d'impact selon la méthodologie de l'approche équilibrée, pilotée par le préfet du Nord, a été lancée à la demande du ministre des transports. Elle est imposée par la réglementation nationale avant la mise en place de toute mesure de restriction d'exploitation, et comprend des analyses socio-économiques et la concertation des parties prenantes. Elle déterminera les mesures de réduction du bruit et d'éventuelles restrictions d'exploitation adaptées à la situation locale et proportionnées. Une large concertation sera organisée, avec un point d'avancement lors de la réunion de la commission consultative de l'environnement en juin prochain.
Mme Martine Filleul. - La modernisation de l'aéroport est bienvenue. Mais votre réponse sur le plafonnement des vols de nuits ne me satisfait pas. J'accepte l'augure d'une étude d'impact, mais habitants et élus sont impatients de voir des mesures mises en oeuvre.
Pollution sonore autour de l'aéroport d'Orly
M. Jean-Raymond Hugonet . - L'association de défense des riverains de l'aéroport d'Orly (Drapo), présidée par M. Gérard Bouthier, rassemble plus de trente communes et trente associations. À leurs côtés, nous militons depuis plus de vingt ans pour une exploitation rationnelle de l'aéroport, qui prenne en compte la protection de la santé, le respect des droits des populations survolées, ainsi que les impératifs d'une activité territoriale responsable et durable. Le 12 juillet 2021, nous avons demandé l'application du règlement européen qui établit les normes et les procédures pour la réduction du bruit des grands aéroports ; il exige que les États membres désignent une ou plusieurs autorités compétentes, indépendantes de toute organisation participant à l'exploitation de l'aéroport.
Or, en désignant la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), l'État enfreint cette règle d'indépendance. En avril 2022, le Conseil d'État a reconnu que la DGAC n'était pas impartiale et a demandé à la Première ministre de nommer une nouvelle autorité indépendante dans les six mois. Dix mois après, la DGAC est toujours juge et partie ; pourquoi ? Il est grand temps d'agir pour protéger la santé des populations. Les riverains ont droit à être entendus et à voir leurs droits fondamentaux respectés.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Le trafic d'Orly est soumis à un ensemble de contraintes à visée environnementale strictement surveillées par les autorités locales de l'aviation civile. Depuis 1968, un couvre-feu est en vigueur entre 23 h 30 et 6 heures du matin. Le nombre de créneaux est plafonné à 250 000 par an.
Le plan de prévention du bruit dans l'environnement propre à l'aéroport a été adopté le 17 mars 2022. Seul plan avec un objectif de réduction du bruit quantifié, il prévoit de diminuer d'au moins six décibels l'indicateur moyen de gêne sonore ressenti entre 22 heures et 6 heures et de réduire de 50 % le nombre de personnes affectées par de fortes perturbations du sommeil. Une étude d'impact, selon l'approche équilibrée en application du règlement UE 598/2014, étudiera les mesures et les restrictions d'exploitation complémentaires éventuelles.
Un projet de décret portant désignation d'une nouvelle autorité compétente est soumis à l'examen du Conseil d'État ; c'est un préalable indispensable à la réalisation de l'étude d'impact.
Le Gouvernement reste attaché à la lutte contre les nuisances sonores.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Qu'en termes galants ces choses-là sont dites ! L'État bafoue une décision du Conseil d'État. Vous aviez six mois pour la respecter. Votre réponse est un sabir technocratique. Nous attendons que vous désigniez une autorité indépendante.
Méthodologie de la HAS sur des traitements ciblés contre le cancer
Mme Pascale Gruny . - Un article du Parisien du 8 février 2023 évoque un désaccord entre les médecins et la Haute Autorité de santé (HAS) concernant l'efficacité de certains traitements cibles contre le cancer qui disposent d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) et ont fait leurs preuves dans le cadre d'essais cliniques. Or la HAS estime les données cliniques actuelles insuffisantes pour considérer que le service médical rendu (SMR) justifie une prise en charge par la solidarité nationale.
Face à la maladie, tous nos concitoyens doivent bénéficier des meilleurs traitements. Pourquoi la HAS considère-t-elle que ces traitements ne devraient pas être remboursés ? Dispose-t-elle des outils nécessaires pour appréhender ces nouvelles thérapies ? La réglementation permet-elle de prendre en compte des études menées sur une population plus restreinte ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - M. François Braun m'a chargée de vous répondre.
L'évaluation des produits de santé vise à garantir que les médicaments autorisés sur le marché présentent un niveau d'efficacité suffisant et un profil bénéfices-risques favorable au vu des alternatives disponibles. Leur prise en charge repose en France sur une double exigence : d'une part identifier les médicaments justifiant une prise en charge, d'autre part, permettre à l'ensemble des patients éligibles d'accéder à ces médicaments.
La HAS évalue pour chaque médicament le SMR et l'amélioration du SMR par rapport aux alternatives existantes. Son niveau d'exigence est élevé, en particulier concernant les données soumises par les industriels. Des études cliniques comparatives randomisées en double aveugle restent un prérequis.
Néanmoins, ces études sont parfois impossibles. La Commission de la transparence tient compte de ces situations particulières en ce qui concerne les traitements pour lesquels la HAS a conclu à une absence de SMR. Cela ne s'assimile pas à un refus de remboursement puisque ces traitements, s'ils sont à destination du secteur hospitalier, sont pris en charge au travers des tarifs hospitaliers. Enfin, certains traitements font l'objet d'AMM conditionnelles : le rapport bénéfices-risques n'a pas encore été confirmé de manière certaine et l'Agence européenne des médicaments (EMA) conditionne cette autorisation à la collecte de nouvelles données.
Par ailleurs, notre système national de prise en charge précoce des médicaments permet un accès aux traitements présumés innovants pour les patients souffrant de maladies graves et rares pour lesquelles il n'y a pas d'autre traitement approprié disponible en France. Cela permet aux patients français d'accéder aux traitements les plus innovants, avant même qu'ils ne disposent d'une AMM.
Mme Pascale Gruny. - Les médecins qui expérimentent ces médicaments en essais cliniques déplorent ces pertes de chance pour leurs patients. La France est membre de l'Union européenne, or ces médicaments sont autorisés dans l'Union.
L'actuelle pénurie est en partie liée au prix ; les médicaments innovants sont plus chers. En matière de santé, c'est inaudible. La perte de chance est inexplicable pour les patients. J'espère que le ministre entendra cette demande.
Droit à mourir et fin de vie
M. François Bonneau . - À la suite de la deuxième phase de la convention sur la fin de vie organisée par le Conseil économique, social et environnemental (Cese), en février 2023, 75 % des citoyens interrogés se sont prononcés en faveur d'une aide active à mourir, qu'il s'agisse du suicide assisté ou de l'euthanasie, aux personnes majeures ou mineures sans que le pronostic vital ne soit nécessairement engagé.
Toutefois, la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, ainsi qu'un rapport du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) publié en 2022, suggèrent que l'aide à mourir doit être circonscrite à des conditions strictes, telles qu'une affection grave et incurable ou bien lorsque le pronostic vital est engagé. C'est le cas dans de nombreux pays - Belgique, États-Unis, Autriche, Pays-Bas - où l'aide à mourir a été encadrée.
Même si l'accompagnement de la fin de vie doit être réformé au vu du « mal mourir », la mauvaise prise en charge de la souffrance met également en lumière les inégalités d'accès aux soins palliatifs : selon un rapport du Sénat de 2021, 26 départements ne disposaient pas d'unité de soins palliatifs ou d'au moins un lit pour 100 000 habitants en 2019.
Quelle est la position du Gouvernement sur la fin de vie et le droit à mourir, et quelles politiques seront mises en oeuvre pour améliorer l'accompagnement de la souffrance en fin de vie, notamment pour renforcer l'accès aux soins palliatifs ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Le Président de la République a souhaité qu'un débat soit organisé à différents niveaux : convention citoyenne, commissions des affaires sociales des deux assemblées, Cour des comptes. La mission que je mène avec Olivier Véran et des parlementaires et professionnels de santé s'articule autour de débats thématiques sur l'anticipation, la culture palliative, l'accompagnement du deuil, la reconnaissance des aidants, pour définir une future stratégie d'accompagnement de la fin de vie.
J'ai demandé la rénovation de la circulaire de 2008 relative à l'offre de soins palliatifs. La troisième édition de l'Atlas des soins palliatifs souligne les progrès réalisés : si vingt départements ne disposent pas d'une unité, 171 équipes mobiles de soins palliatifs sont déployées sur l'ensemble du territoire national, qu'il s'agisse de lits de soins palliatifs en établissement sanitaire comme en services de soins de suite et de réadaptation. Lors de mes déplacements, j'ai rencontré des soignants, personnels et bénévoles très investis et mus par une profonde humanité.
Si beaucoup a été fait, je souhaite passer un nouveau cap. Le dialogue national sur la fin de vie est loin d'être achevé. Quelle qu'en soit l'issue, gardons à l'esprit le caractère profondément singulier, douloureux et complexe de chaque fin de vie.
M. François Bonneau. - Je ne doute pas de votre volonté. Mais dans les pays où la législation est la plus avancée, les unités de soins palliatifs sont parfois les grands perdants. (Mme la ministre le conteste ; M. Loïc Hervé applaudit.)
Impact du prix des médicaments sur les entreprises
Mme Laurence Harribey . - Les entreprises produisant des médicaments matures rencontrent d'énormes difficultés en raison du prix des médicaments. L'inflation accroît le coût des intrants et de l'énergie, la réglementation est toujours plus contraignante, tandis que le prix des médicaments est fixé par un accord-cadre avec le Comité économique des produits de santé (Ceps). À chaque loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), les budgets pour l'achat de médicaments matures sont réduits, ce qui précarise ces entreprises. Or il y va de la souveraineté sanitaire et de l'accès de nos concitoyens à ces médicaments. Comment la disposition prévoyant que le Ceps puisse fixer le prix des médicaments en tenant compte de l'impératif de sécurité d'approvisionnement est-elle effectivement mise en oeuvre ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Le ministre François Braun m'a chargée de vous répondre. La tarification d'un médicament s'appuie majoritairement sur sa valeur clinique, notamment son niveau d'amélioration du service médical rendu (SMR). Un nouveau critère de tarification, créé par la LFSS 2022, prend mieux en considération la sécurité d'approvisionnement du marché français. Le Ceps a élaboré une doctrine de critères d'éligibilité et de niveau de valorisation, qui peut dorénavant être mise en pratique pour les entreprises commercialisant des produits essentiels. Lorsque le prix n'est plus compatible avec un maintien sur le marché, l'article 28 de l'accord-cadre prévoit une hausse si les critères d'éligibilité prédéfinis sont réunis.
Les postes de surcoût sont actuellement ceux liés à la matière première. Toutefois, un élargissement au surcoût lié à la production dans sa globalité pourrait être envisagé pour des médicaments critiques. Une liste de médicaments stratégiques d'intérêt sanitaire est en cours d'élaboration avec les sociétés savantes afin de définir les molécules concernées.
Les conclusions de la mission interministérielle sur les mécanismes de régulation et de financement des produits de santé sont attendues pour l'été. Parmi ses principaux objectifs : le renforcement de notre tissu productif, notamment pour les produits matures, dans un objectif de souveraineté sanitaire, et l'attractivité des territoires pour les industriels et la relocalisation de produits de santé stratégique.
Mme Laurence Harribey. - L'article 28 de l'accord-cadre ne prévoit une hausse de prix que lorsque l'arrêt de la production ou de la commercialisation empêcherait de couvrir un besoin thérapeutique, alors qu'il s'agit de garantir la diversification des approvisionnements. Lors d'une audition, un interlocuteur me confiait qu'une seule augmentation de prix avait été consentie, pour 2 centimes d'euros la boîte. Le Ceps est placé sous la tutelle du Gouvernement : il est de votre responsabilité que cette mission aille beaucoup plus loin.
Financement des projets prévus dans le Ségur de la santé
M. Guy Benarroche . - Les investissements prévus dans le cadre du Ségur de la santé voient leur prix augmenter avec la hausse des prix de l'énergie et des matières premières. Ainsi, les hôpitaux concernés, lourdement déficitaires et vivant déjà sous perfusion financière de l'Agence régionale de santé (ARS), ne peuvent cofinancer les projets prévus.
Dans les Bouches-du-Rhône, les deux projets de centres hospitaliers - Salon-de-Provence, avec un apport de 78 millions d'euros de l'ARS sur un total de 130 millions d'euros, et Aubagne avec un apport de 92 millions d'euros de l'ARS sur 115 millions d'euros - font face à des surcoûts de 30 % environ.
Ils en deviennent difficilement soutenables. À Aubagne, où devait émerger un campus de la santé, on envisage de retirer le volet médico-social du projet et de revoir son dimensionnement capacitaire. Actuellement, le projet est estimé à 140 millions d'euros sans le médico-social.
On ne construit pas un nouvel hôpital uniquement au regard du budget, mais en fonction des besoins en santé de la population pour les cinquante prochaines années. Quel soutien financier supplémentaire l'État prévoit-il ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Les effets conjugués de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine augmentent les coûts de construction.
Les porteurs de projets, plus prudents, reconsidèrent leurs estimations et provisionnent des aléas économiques cohérents avec l'inflation. Les réévaluations s'élèvent à 30 % par rapport à la programmation initiale du Ségur. Les établissements peuvent difficilement absorber une telle augmentation. Nous cherchons à identifier des sources de financement complémentaires pour équilibrer leur plan de financement. Les collectivités locales ont été sollicitées. Les ARS travaillent au rééchelonnement de certains projets.
Le projet d'Aubagne est celui pour lequel l'aide de l'ARS est la plus élevée en région Paca. En effet, nous entendons consolider la place qu'occupe le centre hospitalier Edmond Garcin dans l'offre sanitaire de proximité de l'est des Bouches-du-Rhône. Compte tenu de sa situation financière dégradée, l'ARS a prévu un niveau d'accompagnement très important. Le projet médical et le projet immobilier sont actuellement en cours de consolidation et donnent lieu à des échanges avec l'établissement, la préfecture et la Direction départementale des territoires et de la mer.
C'est dans ce contexte qu'a été retenue une approche différenciée entre volets sanitaire et médico-social, ce qui pourra entraîner un décalage dans le calendrier. Cette réflexion intègre la question de l'implantation des sites, de la recomposition de l'offre et du développement d'une offre innovante. Il ne s'agit pas d'un report sine die du volet médico-social mais d'une maturation de la réflexion afin de prendre en compte les spécificités propres au développement d'un tel projet.
Protection universelle maladie pour certains Français établis hors de France
M. Ronan Le Gleut . - La réforme établissant la protection universelle maladie (PUMa) a des conséquences néfastes pour certains Français établis hors de France. Ainsi, une personne en situation de handicap vivant en Argentine avec ses parents retraités s'est vue désaffiliée de la sécurité sociale. De nombreuses femmes ayant suivi leur mari font face aux mêmes difficultés à l'heure de leur retraite.
Avant la réforme, le statut d'ayant droit majeur permettait aux personnes qui ne remplissaient pas les conditions - notamment les épouses ou les personnes en situation de handicap sans activité professionnelle - d'être affiliées à l'assurance maladie généralement par le biais de leur conjoint ou d'un des parents, eux-mêmes affiliés à la sécurité sociale. La réforme a supprimé ce statut, créant une situation profondément injuste pour nos compatriotes résidant en dehors de l'Union européenne, dans les pays sans convention bilatérale de sécurité sociale ou dans ceux où la convention bilatérale n'inclut pas les membres de la famille. Par conséquent, ils ne peuvent plus bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé lors de leurs courts séjours en France, sauf à prendre une assurance supplémentaire auprès de la caisse des Français de l'étranger, ce qui double le montant de leur cotisation. Cette loi a donc des effets pervers et non anticipés pour les Français établis hors de France. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour que nos compatriotes continuent à bénéficier de la protection de l'assurance maladie lors de leurs séjours en France ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - La réforme de 2016 instaurant la PUMa permet à toute personne travaillant ou résidant en France de manière stable et régulière de bénéficier de la prise en charge de ses frais de santé. Pour justifier de la stabilité de sa résidence en France, une personne n'exerçant pas d'activité professionnelle doit fournir un justificatif de résidence ininterrompue en France depuis plus de trois mois. Certaines catégories de personnes n'ont pas à justifier de cette condition, notamment des membres de familles qui rejoignent ou accompagnent pour s'installer en France un assuré d'un régime de sécurité sociale obligatoire français. Le code de la sécurité sociale établit une liste des catégories de personnes qui peuvent accéder à la prise en charge des frais de santé sans répondre aux critères de résidence ininterrompue depuis plus de trois mois. Bien que les Français de l'étranger ne soient pas mentionnés en tant que tels, ils peuvent dans certaines conditions bénéficier de cette prise en charge dès leur retour en France.
La PUMa n'a en rien modifié le critère de résidence stable de trois mois, qui existait déjà pour bénéficier de la couverture maladie universelle (CMU), dispositif qui précédait la PUMa. Au contraire, l'instauration de la PUMa a introduit une simplification des démarches de l'assuré et des ayants droit pour mieux garantir la continuité des droits de l'assuré en termes de prise en charge de ses frais de santé.
Hôpital de Carpentras
M. Jean-Baptiste Blanc . - À Carpentras, la partie service public du pôle santé public-privé devra fermer la nuit ses services d'urgences et de maternité à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi du 26 avril 2021, le 3 avril prochain, et peut-être définitivement. L'intensification de l'intérim médical a conduit à une surenchère des rémunérations ; les plannings de garde deviennent très dépendants de ces médecins, qui représentent 40 % du total à Carpentras. Or ces derniers ne souhaitent pas continuer à travailler au tarif imposé par la loi, soit 1 170 euros bruts par mission de 24 heures. À quinze jours de l'entrée en vigueur de la loi Rist, la situation des hôpitaux est insoluble. Tous les services sont désorganisés. Les 90 000 habitants du Comtat Venaissin - 200 000 en été - seront dirigés vers l'établissement centre d'Avignon, déjà submergé.
L'heure n'est plus aux discussions sur la revalorisation des praticiens hospitaliers ou le numerus clausus ; il faut trouver des médecins avant le 3 avril. La proximité est un enjeu majeur de l'efficacité de la médecine d'urgence. Le 3 avril, chacun, sur le territoire, aura-t-il accès à un service d'urgence ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - La loi du 26 avril 2021 vise à lutter non contre l'intérim, mais contre ses dérives, avec des tarifs qui peuvent atteindre 6 000 euros pour 24 heures. Le plafonnement des rémunérations à 1 170 euros bruts n'est pas appliqué ; c'est pourquoi la loi Rist prévoit des contrôles. Sa mise en oeuvre, après plusieurs reports, a été fixée au 3 avril. Il est de notre responsabilité de faire appliquer la loi votée.
Les ARS travaillent avec tous les acteurs locaux pour assurer la continuité des soins, avec des solutions alternatives au cas par cas, dans une logique de solidarité territoriale. Au sein du ministère des solidarités et de la santé, une organisation dédiée a été constituée pour identifier les situations signalées par les élus.
La mise en oeuvre de la loi Rist nécessite de revoir les rémunérations des vacataires. À Carpentras, le centre hospitalier met en oeuvre des plans de continuité d'activité, notamment lors des périodes de tension. Des leviers RH vont être mobilisés par autorisation du directeur général de l'ARS : augmentation de la prime de solidarité territoriale, recours à l'emploi contractuel, adaptations organisationnelles.
Maison de retraite de Cabannes et Novès
M. Stéphane Le Rudulier . - Le dialogue entre l'exécutif et les élus locaux reste difficile. Le couple maire-préfet vanté par le Président de la République au dernier congrès des maires reste peu opérant. La fermeture de l'Ehpad intercommunal de la Durance à Cabannes en est une nouvelle illustration. Plus que le fond, c'est la forme qui est contestable, avec un manque de considération des élus locaux, du personnel et des pensionnaires. Le maire a en effet appris la fermeture par une communication orale du directeur le 16 novembre dernier. Aucune communication officielle de l'ARS ne l'a confirmée depuis. Tous les résidents ont été transférés sur un autre site. Au-delà du choc psychologique, la commune a la responsabilité de proposer une réaffectation des bâtiments, sans accompagnement ni compensation.
La petite commune rurale de Cabannes, avec ses 4 400 habitants, est frappée par la désertification. Après le bureau de poste en 2020, cette nouvelle fermeture relève de la double peine.
Confirmez-vous officiellement la fermeture, et êtes-vous en mesure de proposer un plan d'accompagnement aux élus locaux pour la reconversion des bâtiments ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - La situation de la maison de retraite est connue du ministère, qui la suit depuis de nombreux mois. Le 19 janvier 2023, l'ARS a adressé un courrier au maire de la commune, Gilles Mourgues, pour lui rappeler que les difficultés n'étaient ni récentes, ni conjoncturelles et proposer une rencontre. La situation s'est aggravée à l'automne, lorsque les fournisseurs ont bloqué les comptes et refusé de livrer les commandes. Il fallait une solution structurelle, portant notamment sur la question du double site de l'établissement. Le 21 février, le conseil d'administration a décidé le transfert des lits du site de Cabannes vers celui de Novès ; la transformation du pôle d'activités et de soins adaptés (Pasa) de jour de Novès en Pasa de nuit ; et enfin la création d'un centre de ressources territorial couvrant en priorité la commune de Cabannes. Les résidents de Cabannes ont été transférés, avec un accompagnement personnalisé pris en charge par un psychologue. Le personnel titulaire a été entièrement repris à Novès.
Défense du pluralisme associatif
M. Denis Bouad . - Le travail essentiel des associations du secteur sanitaire et social a été salué pendant la crise du covid. Or le secteur est marqué par la forte expansion de grands groupes souvent situés en zone urbaine ; la logique de prestation qui régit de plus en plus les relations entre les pouvoirs publics et les associations contribue à cette tendance.
On observe ainsi la multiplication des appels à projets et appels à manifestations d'intérêt. On peut s'inquiéter de la concurrence générée, souvent au détriment des associations intermédiaires, qui génèrent de l'emploi local et développent une réelle expertise sur leur territoire. Nous avons tout intérêt à préserver le pluralisme associatif.
Qu'allez-vous mettre en oeuvre pour préserver le tissu local et rééquilibrer le rapport de force faussé entre les grands groupes et les associations intermédiaires ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Le pluralisme de notre tissu associatif doit en effet être préservé. Insertion, hébergement, accompagnement social : les associations petites et grandes du secteur sanitaire et social réalisent un travail essentiel auprès des plus fragiles.
Il faudrait objectiver la polarisation que vous évoquez, mais n'opposons pas petites et grandes associations, qui bien souvent opèrent en complémentarité. Les ministres des solidarités et de l'agriculture ont lancé le programme Mieux manger pour tous, doté de 60 millions d'euros pour 2023, dont l'un des objectifs est de soutenir les démarches innovantes des territoires. Nous avons soutenu les associations avec mise en oeuvre des mesures de revalorisation salariale liées au Ségur, nous continuons à le faire avec le bouclier tarifaire.
Les Assises de la simplification associative en cours donneront lieu à une feuille de route à laquelle les présidents et bénévoles des associations de toute taille seront associés.
M. Denis Bouad. - J'entends votre réponse, mais j'attire votre attention sur les difficultés des associations de proximité.
Frais de déplacement des aides à domicile
Mme Else Joseph . - Le conseil départemental des Ardennes a porté l'indemnité kilométrique à 45 centimes pour le personnel des services d'aide à domicile. C'est une première depuis 2008, mais les départements ne peuvent à eux seuls supporter les charges : 600 000 euros de plus, cela peut sembler epsilonesque vu de Paris, mais dans les Ardennes, cela aurait représenté un point de fiscalité. Cela implique des choix, et nous n'avons pas voulu sacrifier l'aide à domicile.
Ne laissez pas seuls nos conseils départementaux. Infirmières territoriales, libérales et aides à domiciles se dépensent sans compter, alors que leurs conditions de travail se dégradent. Les infirmières territoriales, en particulier, ont un rôle précieux auprès des commissions Mobilité ou dans l'évaluation de la perte d'autonomie.
Comment appuyer les métiers de l'aide à domicile, les revaloriser, assurer leur attractivité à quelques jours de la Journée nationale des aides à domicile ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Le Gouvernement a pris des engagements forts pour l'attractivité de ces métiers, notamment en agréant l'avenant 50 de la convention collective de la branche de l'aide à domicile, qui a porté l'indemnité kilométrique à 38 centimes, contre 35 auparavant. L'indemnité carburant de 100 euros pour ceux qui empruntent leur voiture pour se rendre au travail, dans un plafond de revenus de 14 700 euros annuels par part fiscale, complète ce soutien.
Citons aussi le forfait mobilités durables, qui consiste en une exonération de cotisations pour l'indemnisation des mobilités douces, adopté dans de nombreux établissements sociaux et médico-sociaux via des accords collectifs locaux.
Les conseils départementaux peuvent enfin cofinancer l'achat ou la location de véhicules et la constitution de flottes.
Il faut réfléchir ensemble aux mesures complémentaires. Le ministre Jean-Christophe Combe a fait de la mobilité des professionnels un point d'attention spécifique du volet Bien vieillir du Conseil national de la refondation.
Mme Else Joseph. - Le département des Ardennes est au bord de l'asphyxie, et je ne suis pas convaincue que vos réponses amélioreront l'attractivité de ces métiers.
Décret du 23 février 2022 et pensions d'invalidité
M. Philippe Mouiller . - La nouvelle méthode de calcul introduite par un décret de février 2022 a entraîné la suspension du versement de la pension d'invalidité pour les personnes dont les revenus d'activité dépassent le plafond annuel de la sécurité sociale, à compter de septembre 2022. Cela a aussi entraîné la suspension du versement des rentes de prévoyance, qui étaient liées à la pension d'invalidité, d'où une double peine pour les travailleurs handicapés concernés. Certains envisagent de cesser toute activité.
Ce texte va à l'encontre de l'esprit de la réforme, qui vise à faciliter le cumul emploi-ressources. Quelles mesures urgences allez-vous prendre pour mettre fin à ce qui est vécu comme une véritable injustice ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - La réforme mise en oeuvre par le décret du 23 février 2022 permet, pour les personnes handicapées qui souhaitent conserver ou reprendre une activité rémunérée, que toute heure travaillée conduise à un gain financier. Les 60 000 personnes concernées pourront mieux cumuler leur activité et leur pension, avec un nouveau seuil de comparaison au salaire antérieur limité au plafond de la sécurité sociale.
J'entends les inquiétudes : certains assurés ont les revenus étaient supérieurs au plafond de la sécurité sociale verront leurs revenus diminuer. Des mesures rectificatives, dont un relèvement du plafond, seront envisagées pour permettre le maintien des pensions pour la grande majorité des personnes concernées.
Je confirme que les réclamations d'indus adressées par certaines caisses primaires d'assurance maladie sont nulles et non avenues. Quant à la suspension du versement de pensions complémentaires par les organismes de prévoyance, elle est, selon notre analyse, en contravention avec le droit existant. Nous allons trouver rapidement une solution concrète.
M. Philippe Mouiller. - Vous semblez avoir conscience de la situation, mais il y a urgence. Nous serons attentifs à vos propositions.
Exclus du Ségur
M. Daniel Chasseing . - La mise en oeuvre du Ségur de la santé a entraîné des disparités parmi les employés des établissements médico-sociaux, ce qui a engendré des incompréhensions. Ainsi, pour l'obligation vaccinale, tous étaient considérés comme des soignants, ce qui est bien normal - mais par pour le Ségur : ainsi un cuisinier, une lingère, un agent d'entretien perçoivent la revalorisation s'ils sont employés dans un Ehpad, mais pas s'ils relèvent d'une maison d'accueil spécialisée (MAS). Il est très difficile pour les directeurs d'expliquer la situation, qui peut provoquer des démissions.
Les techniciens de radiologie et de radiothérapie exerçant en clinique sont eux aussi exclus des augmentations, alors qu'ils sont en contact permanent avec le public.
Le Gouvernement compte-t-il prendre en considération ces revendications et élargir les revalorisations du Ségur ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - L'État a, avec les départements, augmenté de 4 milliards d'euros les rémunérations des 700 000 salariés du secteur sanitaire, social et médico-social, soit près de 183 euros nets par mois en moyenne. Cela concerne notamment les personnels de la fonction publique hospitalière des MAS rattachées à un établissement de santé ou à un Ehpad. L'année dernière, le Gouvernement a étendu les revalorisations à 200 000 salariés exerçant des fonctions d'accompagnement socio-éducatif. Ces filières bénéficient aujourd'hui d'un réel gain d'attractivité.
Pour le personnel administratif, technique et logistique hors fonction publique hospitalière, il est indispensable de construire une convention collective unique pour le secteur social et médico-social. C'est la condition d'une revalorisation durable. L'État et l'Association des départements de France ont annoncé être prêts à mobiliser 500 millions d'euros pour faire aboutir ces travaux.
M. Daniel Chasseing. - Ma question portait surtout sur les Ehpad et les MAS relevant de la compétence de l'État.
Diffusion de la théorie du genre
Mme Laurence Muller-Bronn . - La Caisse d'allocations familiales (CAF) a mis en ligne sur son site une campagne intitulée « Mon enfant est transgenre, comment bien l'accompagner ? ». Sa communication s'appuie sur des citations d'associations militantes, sans avis contraire, ce qui contrevient aux principes de neutralité et d'impartialité du service public. Les autorités portent la responsabilité des conséquences d'affirmations susceptibles d'induire les familles en erreur.
Une tribune signée par des médecins et publiée par Le Figaro demande au ministère de faire retirer cette page, proposant une réflexion avec des spécialistes qui alertent sur les manipulations mentales dont peuvent être victimes les adolescents sur les réseaux sociaux. Or la page n'a été modifiée qu'à la marge.
Autre exemple, une campagne du Planning familial avec pour slogan « Au Planning, on sait que les hommes aussi peuvent être enceints ! » ou encore la définition des « règles survenant chez des personnes qui ont un utérus », qui gomme le mot « femme ». Cet organisme s'éloigne ainsi de ses missions d'intérêt général, notamment les droits des femmes.
Qu'allez-vous faire pour que le principe de neutralité et d'objectivité soit respecté ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - Le regard médical et sociétal sur la transidentité a évolué. La France, en 2010, l'a retirée de la liste des maladies mentales, et la modification de la mention du sexe à l'état civil a été démédicalisée en 2016. La ministre Isabelle Rome a lancé le 25 janvier les travaux du prochain plan d'action gouvernemental contre la haine et les discriminations anti-LGBT.
Le nombre de personnes transgenres est estimé entre 20 000 et 60 000. Ce sont - mais est-il besoin de le rappeler ? - des citoyennes et citoyens à part entière protégés par le droit français, européen, international. En permettant aux personnes qui souhaitent s'engager dans une démarche de changement de genre de le faire, la CAF est bien dans son rôle de prévention, et l'information qu'elle diffuse a vocation à assurer l'effectivité des droits pour toutes et tous. Nous maintenons une vigilance absolue sur le sujet et je vous remercie, à titre personnel, de cette question !
Fraude sociale
M. Christian Klinger . - Selon la Cour des comptes, les fraudes sociales détectées coûteraient plus d'un milliard d'euros - je n'ose imaginer le montant réel : cartes Vitale actives en surnombre, pensions de retraite perçues grâce à la non-déclaration d'un décès, allocations versées indûment, sans oublier les pratiques d'escroquerie sophistiquées.
Tout cela révèle les failles de notre système social. La Cour des comptes, pour qui les organismes sociaux luttent mal contre les fraudes, a demandé au Gouvernement de faire aboutir en 2022 le recoupement automatisé des fichiers des organismes sociaux avec ceux du fisc - toujours repoussé. En mai dernier, le Gouvernement indiquait que ce rapprochement serait effectif à la fin de l'année 2022.
Où en sont les organismes sociaux dans le rapprochement systématique des coordonnées bancaires utilisées avec celles du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - La lutte contre toutes les fraudes, priorité du Gouvernement, a de plus en plus de résultats.
Les redressements réalisés par les Urssaf ont presque atteint 800 millions d'euros en 2022, soit 46 % de plus qu'en 2017.
Les caisses des allocations familiales (CAF) ont détecté 351 millions d'euros de fraudes aux prestations en 2022, 21 % de plus qu'en 2017.
Le Gouvernement a donné une nouvelle impulsion : résorption quasi complète du stock de cartes Vitale surnuméraires, passé de 600 000 à environ 3 000 ; fermeture des droits à la protection universelle maladie accélérée pour les assurés ne satisfaisant plus aux conditions de résidence stable et régulière ; rapprochement automatisé des coordonnées bancaires déclarées en ligne avec le fichier des comptes bancaires dont le déploiement s'effectue progressivement à l'ensemble de la sphère sociale sur 2023.
Le ministre Attal s'engage à vous présenter un nouveau plan de lutte dans le projet de loi de finances pour 2024.
M. Christian Klinger. - Je me réjouis que le croisement des fichiers se fasse en 2023 : c'est la meilleure méthode.
Double imposition des fonctionnaires franco-belges
M. Yan Chantrel . - La convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 pose le principe que les fonctionnaires français employés en Belgique par l'État français sont imposables en France, mais que les ressortissants belges employés en Belgique par l'État français sont redevables de leurs impôts en Belgique.
Afin d'éviter une double imposition des fonctionnaires franco-belges, un accord amiable a été signé et publié au Moniteur belge du 9 novembre 2009 pour y remédier. Mais la Cour de cassation du Royaume de Belgique a considéré le 17 septembre 2020 qu'il était « dépourvu de force obligatoire ». Depuis, les fonctionnaires binationaux franco-belges subissent une double imposition qui a plongé des familles dans des situations personnelles dramatiques, les montants réclamés pouvant atteindre plusieurs milliers d'euros.
Le 9 novembre 2021, une nouvelle convention fiscale a été signée, mais elle n'a toujours pas été ratifiée, et le nombre de cas de double imposition ne cesse de se multiplier.
Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas encore déposé de projet de loi d'approbation ? Les autorités fiscales belges rembourseront-elles bien les sommes perçues auprès des fonctionnaires binationaux déjà imposés par la France ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - La nouvelle convention fiscale clarifiera la situation en appliquant le principe de l'imposition par l'État qui verse les revenus - clause conforme au modèle de l'OCDE et courante dans les nouvelles conventions.
La Cour de cassation belge a effectivement jugé que l'accord amiable de 2008 était contraire à la convention encore en vigueur. Cela a donné lieu à des échanges très approfondis et très constructifs avec la Belgique.
J'invite tous les Français qui sont dans la situation que vous décrivez à se rapprocher du service juridique et du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques (DGFiP) qui fera le lien avec les autorités belges. Le Gouvernement fait tous les efforts pour proposer la nouvelle convention à la ratification du Parlement dans les meilleurs délais.
Déploiement de la fibre
M. Pierre-Jean Verzelen . - Dans l'Aisne comme dans d'autres départements, il y a dix ans, un appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii) a été lancé pour le déploiement de la fibre. Orange s'est engagé à y procéder dans deux agglomérations - Saint-Quentin et Laon - et une ville, Soissons. Pour le reste du département, c'est un réseau d'initiative publique (RIP) qui a pris le relais, avec succès, puisque 757 communes - la quasi-totalité du monde rural - ont été fibrées gratuitement. Dans les zones de l'Amii, en revanche, on est loin du compte.
L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) peut infliger des pénalités, voire suspendre le déploiement. En espérant ne pas avoir à aller jusque-là, que compte faire le Gouvernement pour que l'opérateur tienne parole ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - En juillet 2018, le Gouvernement a accepté par arrêté, après avis favorable de l'Arcep, les engagements proposés par Orange sur la zone Amii - 59 communes dans l'Aisne - avec des échéances en 2020 et 2022.
Le Gouvernement est pleinement conscient des efforts de l'ensemble des acteurs, notamment au regard de la crise sanitaire. Mais les chiffres de l'observatoire de l'autorité de régulation montrent que certains engagements d'Orange ne sont pas atteints.
C'est pourquoi l'Arcep, sur demande du Gouvernement, a ouvert une procédure aboutissant à une mise en demeure - décision attaquée par l'opérateur devant le Conseil d'État, qui instruit actuellement le dossier.
La France s'est fixé l'objectif ambitieux de la généralisation de la fibre optique à horizon 2025. Jean-Noël Barrot et moi tenons à saluer le travail engagé par les collectivités et le conseil départemental de l'Aisne qui ont raccordé 757 communes. Vous pouvez compter sur notre détermination pour que tout le territoire soit équipé de la fibre en 2025.
Sites de Buitoni à Caudry et de Tereos à Escaudoeuvres
M. Frédéric Marchand. - En 2022, le scandale des pizzas contaminées à la bactérie E. coli a occasionné une fermeture de huit mois de l'usine. Après une reprise partielle, le 2 mars 2023, le groupe Nestlé a annoncé la suspension de l'activité de l'usine, avec semble-t-il l'intention de la fermer, jetant les 160 salariés dans l'inconnu. Pourtant, leur savoir-faire et leur sérieux ne sont plus à démontrer et l'usine de Caudry dispose d'un potentiel industriel performant.
Dans le même secteur, autre coup de poignard, le géant Tereos a annoncé la fermeture de la sucrerie d'Escaudoeuvres et de ses 123 salariés. Que va devenir la cité du sucre sans son sucre ? Pourquoi la fermer, alors qu'elle se trouve dans une zone de production de betteraves moins touchée que d'autres par la jaunisse en 2020 ? Cette décision inacceptable va à l'encontre des engagements pris par Tereos en 2020 et 2021.
Les deux géants de l'agroalimentaire ont réalisé des millions d'euros d'investissements sur les deux sites pour s'en débarrasser de manière inattendue.
Le 13 mars, le ministre de l'industrie est venu rencontrer les dirigeants et les salariés des deux sites ; il a fermement demandé des comptes aux deux groupes et des garanties pour les salariés. Où en est le dossier ? Toute la région dénonce ce coup de force.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - À Caudry, la direction a annoncé une suspension temporaire faute de commandes nécessaires. Il est aujourd'hui impératif qu'une solution soit trouvée par Nestlé pour maintenir les emplois et la production sur site.
À Escaudoeuvres, des explications précises ont été demandées à la direction, explications que nous attendons toujours. Il est inadmissible pour une entreprise qui a pris l'engagement de ne pas réduire son empreinte industrielle, de prendre une telle décision sans justification.
En tout état de cause, le Gouvernement veillera à ce que chacun des 260 salariés concernés ait une solution et un point de sortie acceptable, au sein de son entreprise ou ailleurs.
Normes de commercialisation de la viande de volaille
M. Bernard Buis . - Depuis 2022, la Commission européenne a lancé une modification des règles d'étiquetage des modes d'élevage des volailles, qui n'autorisent actuellement que cinq mentions valorisantes, pour que le consommateur soit bien informé et les volailles fermières mieux identifiées.
Mais le projet présenté par la Commission européenne fin 2022 propose de supprimer cette règle, ce qui risque d'entraîner l'apparition d'un grand nombre de mentions incontrôlées. C'est une menace tant pour le modèle avicole français que pour la production de volailles alternatives. En Auvergne-Rhône-Alpes, plus de 50 % des surfaces de bâtiments de production avicole sont consacrées aux filières fermières comme le Label rouge et le bio.
Quelle est la position du Gouvernement sur ce projet manifestement contraire aux objectifs du green deal européen et de la stratégie « de la ferme à la table » ? Que prévoit-il pour s'y opposer ? Dans quel sens les négociations évoluent-elles ? Quand la décision sera-t-elle prise ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - Deux points du projet de texte transmis en janvier aux États membres ont suscité de fortes inquiétudes de la part des professionnels : l'obligation d'étiqueter la viande de canard ou d'oie issue de la production de foie gras avec la mention « issue de foie gras » et l'ouverture des mentions valorisantes dans l'étiquetage de la viande de volaille, faisant peser un risque de concurrence déloyale et de tromperie des consommateurs - sujet qui me touche particulièrement.
La France a engagé auprès de la Commission un intense travail qui a porté ses fruits, puisqu'elle a soumis à l'avis des États membres un projet de texte qui satisfait les professionnels avec le retrait de l'obligation de la mention « issue de foie gras » et le maintien de l'exclusivité de l'utilisation des mentions « plein air ».
La France restera mobilisée sur ce projet de texte qui doit encore passer plusieurs étapes avant sa publication d'ici quelques semaines.
Lutte contre les parasites des cerisiers
M. Mathieu Darnaud . - En Ardèche, comme ailleurs, chanterons-nous encore le temps des cerises ? Alors que les 855 ha de cerisiers ardéchois s'apprêtent à fleurir, les arboriculteurs se sentent désarmés face à la drosophila suzukii, qui peut détruire de 30 à 100 % des récoltes.
Après l'interdiction du diméthoate en 2016, la Commission européenne a refusé de renouveler l'homologation du phosmet, alors que les solutions alternatives, notamment à base d'insectes stériles, ne sont pas encore opérationnelles.
Bien sûr, il existe des filets anti-insectes, mais leurs effets sont très limités, comme on l'a vu en 2022 dans les vergers du Gard. De plus, ils sont chers et complexes à installer sur des terrains accidentés.
Madame la Ministre, le Gouvernement s'était engagé à ne pas supprimer de produit phytosanitaire en l'absence d'alternative efficace. Prévoyez-vous de déroger à l'interdiction du phosmet et du diméthoate ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - La France n'envisage pas de réautoriser ces deux molécules toxiques pour les êtres humains.
Marc Fesneau a chargé le délégué ministériel pour les alternatives aux produits phytopharmaceutiques de coordonner un groupe de travail associant les principaux acteurs de la filière cerises et de la recherche agronomique pour envisager une palette de solutions disponibles sans risques avérés pour la santé humaine.
Nous avons ainsi reçu quatre demandes de dérogation : cyantraniliprole, benzoate d'emamectine, kaolin et spinosad. L'une a déjà été octroyée, les trois autres sont en cours d'examen.
Nous avons aussi demandé à la Commission européenne d'abaisser sans délai la limite maximale de résidus en phosmet sur les cerises afin de s'assurer que les cerises importées en 2023 en soient exemptes.
Enfin, le ministre de l'agriculture a indiqué à la filière qu'il était prêt à examiner la faisabilité d'un accompagnement financier en cas d'attaques massive de drosophila suzukii.
Souveraineté alimentaire française
M. Yves Détraigne . - Les obstacles s'accumulent pour les exploitations agricoles : fin de la dérogation sur les néonicotinoïdes et interdiction du S-métolachlore ; nouveaux règlements techniques imposés à la filière fruits et légumes ; législations hors sol en matière viticole ou encore signature d'accords de libre-échange qui portent atteinte à la production française... À chaque fois, des contraintes franco-françaises viennent saper la compétitivité de nos producteurs : seules 68 % des substances autorisées en Europe peuvent ainsi être épandues en France.
Résultat : notre pays est l'un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent et où les importations alimentaires ont doublé. Or de nombreux pays sont nettement moins précautionneux et laissent leurs agriculteurs libres d'utiliser des traitements interdits ici... Ni notre balance commerciale, ni notre bilan carbone ne peuvent se réjouir de ces choix... Quand en finirons-nous avec ces surtranspositions ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - L'Union européenne autorise 453 substances, dont 294 en France - un des pays européens avec le plus de substances autorisées. Seules sept substances ont été interdites au niveau national : cinq néonicotinoïdes en 2016 et deux substances au mode d'action identique. Depuis, quatre de ces substances ont été interdites à l'échelle européenne et une cinquième est interdite en usage extérieur. La surtransposition est donc à relativiser.
Mais il faut effectivement changer de stratégie - c'est tout l'objet de la planification écologique voulue par la Première ministre : soutien à la recherche et l'innovation pour trouver des alternatives ; concertation avec les parties prenantes pour identifier les impasses.
Enfin, depuis 2017, nous avons posé un certain nombre de fondamentaux : lois Égalim, réciprocité des normes dans les accords commerciaux, Varenne de l'eau.
Enfin, Marc Fesneau vous présentera bientôt son projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles.
Écoles d'architecture
Mme Céline Brulin . - À Rouen comme ailleurs, les écoles nationales supérieures d'architecture se mobilisent pour dénoncer le manque de moyens, les contrats précaires et les sous-effectifs administratifs - et la création de quelques CDD de remplacement ne suffira pas à apaiser leur colère. Leur grande fragilité financière les contraint à multiplier les réponses à des appels à projets et à solliciter des fonds privés.
La loi de finances pour 2023 fixe l'indice de rémunération des enseignants contractuels et vacataires à 410, soit à peine 1 500 euros mensuels, le 49.3 ayant annulé nos amendements plus favorables. La prochaine loi de finances fixera-t-elle cet indice à 517, soit environ 2 000 euros mensuels, comme le souhaitent les personnels ?
Un arrêté du 24 avril 2018 ne reconnaît pas l'enseignement des langues étrangères, bloquant titularisations et évolutions de carrière pour ces enseignants.
La dotation annuelle par étudiant est de 8 500 euros en école d'architecture, contre 10 500 à l'université et plus de 15 000 pour les grandes écoles : pourquoi un tel écart ? C'est d'autant plus injuste pour des écoles éloignées des Crous.
Les nouveaux enjeux de la transition écologique seront relevés par les écoles d'architecture : le ministère de la transition écologique ne pourrait-il pas contribuer à leur financement, aux côtés de la culture et de l'enseignement supérieur ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture . - Je suis moi aussi convaincue que nos 20 000 étudiants en école d'architecture nous permettront de penser la ville de demain. D'où mon projet de créer un prix pour valoriser des projets liés à la transition écologique.
À l'école nationale supérieure d'architecture de Normandie, le cumul de congés a conduit à repousser la rentrée du second semestre d'une semaine. Une solution a été trouvée et les représentants des personnels seront à nouveau reçus par mes services.
Depuis 2017, les efforts consentis ont été considérables : les écoles d'architecture ont bénéficié de 111 titularisations et de 80 créations de postes ; 17 postes sont créés en 2023 et la revalorisation des rémunérations a été actée ; les crédits de fonctionnement ont augmenté de 7 % depuis 2019 et les travaux d'investissement ont mobilisé 75 millions d'euros depuis 2021 ; les budgets de fonctionnement et d'investissement augmenteront de 20 % en 2023. La dotation annuelle par étudiant en école d'architecture n'est pas de 8 500, mais de 11 000 euros.
Il demeure des inquiétudes légitimes et le dialogue se poursuit. Nous pourrons en reparler dans le cadre du budget pour 2024.
Accès à l'honorariat au grade supérieur pour les réservistes
M. Cédric Perrin . - Le 26 Janvier 2022, un membre du Gouvernement nous rappelait que l'obtention de l'honorariat au grade supérieur pour les réservistes n'était pas de droit ; elle dépend en effet, en vertu d'un décret de 2019, d'une décision de l'autorité militaire fondée sur des critères précis. Mais cette procédure et ces critères ne sont toujours pas définis. Une révision imminente nous était annoncée, à la lumière des conclusions d'un groupe de travail. Mais la semaine dernière, j'ai appris qu'un nouveau groupe de travail avait été mis en place en novembre dernier, dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM). Un projet de décret serait prochainement soumis au Conseil d'État. Voilà déjà trois ans et demi que nous attentons. Pourquoi un nouveau décret ? Quelles étaient les conclusions du premier groupe de travail, balayées par le Gouvernement ?
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire . - Les attentes concernant la réserve sont fortes dans le cadre de la prochaine LPM. Le ministre des armées a mis en place six groupes de travail, dont un sur l'avenir de la réserve militaire, afin de la rendre plus attractive. Dans cette optique, un projet de décret modifie les règles relatives à l'honorariat. Il a reçu l'avis favorable du Conseil supérieur de la fonction militaire à l'été 2022. Actuellement soumis à la consultation interministérielle, il devrait être examiné par le Conseil d'État avant la fin du premier semestre 2023.
Établissements ne bénéficiant pas des « responsabilités et compétences élargies »
M. Philippe Bonnecarrère . - L'institut national universitaire Champollion d'Albi est le deuxième établissement le plus sous-encadré de sa catégorie. Les mesures de rattrapage dont bénéficie ce type d'établissement ne disposant pas des RCE (responsabilités et compétences élargies) - créations d'emplois Staps, complément financier -, ne se traduisent pas dans la réalité en raison de plafonds d'emplois inchangés.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire . - Depuis trois ans, les échanges autour des moyens et des emplois des établissements ne disposant pas des RCE se sont renforcés dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion, autour d'un constat partagé de la situation des établissements, de leurs contraintes et de leurs besoins.
Depuis 2017, l'effort financier en faveur de l'institut Champollion est significatif, avec 5,6 millions d'euros supplémentaires pour ses dépenses de fonctionnement et 2,2 millions d'euros supplémentaires pour sa subvention pour charges de service public. Son plafond d'emplois a été relevé d'une unité en novembre 2022, puis de quatre supplémentaires début 2023. Le ministère assure un suivi fin des consommations des emplois, afin d'éviter un abattement du plafond d'emplois en loi de finances qui résulterait d'une vacance sous plafond supérieure à 1 %. Son rehaussement n'est pas automatique, il n'intervient qu'en cas de saturation du plafond.
M. Philippe Bonnecarrère. - Je ne partage pas votre satisfaction. L'institut Champollion est le deuxième établissement le plus sous-doté de France ! Il faut une vraie programmation pluriannuelle et un vrai dialogue annuel avec chacun des établissements.
Statut de l'administrateur ad hoc
Mme Frédérique Puissat . - Depuis un décret de 1999, aucun texte n'est venu encadrer la profession d'administrateur ad hoc, dont le champ d'intervention augmente pourtant régulièrement. Contrairement aux autres mandataires judiciaires, l'administrateur ad hoc ne bénéficie d'aucun statut : absence formation obligatoire, absence de déontologie, missions floues, exercice hétérogène des mandats, indemnisation dérisoire. Des propositions de loi ont été déposées à l'Assemblée nationale. Envisagez-vous un décret ou un projet de loi ?
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire . - Veuillez excuser l'absence de M. le garde des sceaux. Nous partageons votre constat : l'administrateur ad hoc, véritable parrain judiciaire, est un acteur clé de l'accompagnement du mineur dans une procédure pénale, en cas de conflit d'intérêts ou de vacance dans la représentation des intérêts du mineur.
Les modalités de nomination et d'intervention de l'administrateur ad hoc sont fixées dans le code de procédure pénale. On compte environ 6 000 interventions annuelles. Son recrutement doit être plus rapide, sa désignation plus souple. Sa compétence doit être assurée et vérifié, via notamment des formations. Ses missions méritent d'être précisées et mieux contrôlées. La tarification de ses missions doit être repensée. La création d'un véritable statut est donc prochaine.
Mme Frédérique Puissat. - Cela me rassure. Les recrutements sont parfois légers et l'application hétérogène selon les territoires. N'hésitez pas à vous appuyer sur les professionnels de terrain, je pense notamment à ceux de l'Isère.
Délais de justice
Mme Brigitte Lherbier . - Les délais de justice pour obtenir une audience puis une décision sont trop longs. Les tribunaux n'arrivent plus à faire face, en dépit de l'engagement des personnels. À Lille, le manque de personnel au tribunal judiciaire est patent. On le constate dans toutes les branches du droit : pénal, du travail, civil, commercial, de la construction... On compte quelque 270 ordonnances de placement d'enfants en danger non honorées dans le Nord. Les États généraux de la justice avaient pour ambition de rendre justice au citoyen. Comment accélérer les procédures ? Comment les nouveaux recrutés seront-ils formés ? Ces recrutements concerneront-ils toute la chaîne judiciaire ? Quel est l'état de notre justice ? Arrêtez de nous parler de stock, il s'agit de personnes dont les dossiers douloureux sont en attente et que nous recevons dans nos permanences.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire . - Comme vous, nous sommes préoccupés par la question cruciale des délais de justice. Les États généraux ont montré que nos concitoyens trouvaient la justice trop lente. Nous avons déployé des moyens supplémentaires historiques afin de diviser par deux les délais moyens. Le recrutement de 2 000 contractuels devrait permettre de réduire de 20 à 28 % le nombre de dossiers en attente en matière civile. Mais nous devons aller plus loin. C'est ainsi que le garde des sceaux a lancé un Plan d'action pour le recrutement de 1 500 magistrats et 1 500 greffiers sur le quinquennat, après trente ans d'abandon budgétaire, politique et humain. Une loi de programmation de la justice viendra pérenniser ces efforts historiques sur le temps long, pour une justice plus rapide, plus efficace et plus proche du justiciable. La procédure pénale sera aussi simplifiée et l'amiable développé, car il est aussi un moyen de réduire les délais. Le Gouvernement continuera à travailler en parfaite intelligence avec le Sénat pour améliorer la justice de notre pays.
Abandon de la filière gaz
M. Pierre-Antoine Levi . - Depuis 2022, l'installation d'une chaudière à gaz dans un logement individuel neuf est interdite. Elle devrait l'être dans les logements collectifs à compter de 2025. Mais des incertitudes subsistent : la rénovation est-elle concernée ? Cette politique d'interdictions radicales suscite aussi des inquiétudes : notre réseau électrique sera-t-il capable de faire face ? Les surcoûts pour les ménages et les bailleurs seront-ils compensés ? La filière gaz, qui risque la perte de plusieurs milliers d'emplois et de ses savoir-faire, est inquiète. Ne commettons pas la même erreur qu'avec le nucléaire, où ingénieurs et techniciens nous font cruellement défaut après la volte-face du Président de la République. Que comptez-vous faire pour soutenir la reconversion de la filière, si vous confirmez son abandon ?
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire . - Veuillez excuser l'absence de Mme Agnès Pannier-Runacher. Le Président de la République a fixé des objectifs très ambitieux en matière de transition énergétique, afin que notre pays soit le premier des grands pays industriels à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. La RE2020 a fixé en 2022 une première échéance pour les maisons individuelles ; les logements collectifs et les bâtiments tertiaires seront concernés en 2025, afin d'améliorer leur performance énergétique et leur impact carbone. L'interdiction ne concerne pas les logements existants.
Les solutions existent : réseau de chaleur, pompes à chaleur, géothermie de surface, solaire, biomasse, etc. Désormais, MaPrimeRénov' ne subventionne plus l'achat de chaudières au fuel ou au gaz. Ce sont de nouvelles perspectives qui s'ouvrent pour les entreprises désireuses de s'engager dans ces solutions d'avenir.
Le Gouvernement est engagé pour accompagner les filières, avec le renforcement de l'aide au raccordement au réseau de chaleur, le fonds Chaleur et le plan Géothermie. Nous travaillons au développement de l'industrie française des pompes à chaleur.
Enfin, le biogaz doit aussi être soutenu, au regard de sa capacité d'injection dans les réseaux. Réduire notre consommation globale de gaz n'est pas incompatible avec un développement fort du biogaz, pour sortir au plus vite des énergies fossiles.
Contrôle des norovirus dans les productions conchylicoles
M. Mickaël Vallet . - La conchyliculture est fréquemment touchée par des épidémies de norovirus en raison de dysfonctionnements des stations de traitement des eaux : les conchyliculteurs n'en sont pas responsables, mais ils en font les frais. La méthode d'interdiction interroge, car la détection du génome du virus dans les coquillages ne dit rien de l'infectiosité du virus.
Des discussions sont en cours au niveau européen. Où en est le programme de recherche Oxyvir 2 ? Il permettrait de mesurer le caractère infectieux du virus grâce à un indicateur viral externe. Fonder une interdiction de vente sur la présence du norovirus, sans danger pour le consommateur, est un non-sens, car ce sont les bactériophages qui sont dangereux. Une purification d'une vingtaine de jours suffirait à les éliminer. Nous avons besoin d'une approche scientifique rationnelle. Peut-on compter sur le soutien du Gouvernement ?
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire . - Je suis également concernée, dans l'Hérault. Veuillez excuser l'absence d'Hervé Berville. L'étude Oxyvir a été lancée pour mesurer l'infectiosité des norovirus. L'Ifremer y travaille également. À la suite de résultats prometteurs, le programme Oxyvir 2 a été lancé en 2021. Les décisions doivent être prises au plus près des risques encourus par les consommateurs, afin d'éviter la fermeture injustifiée de sites. L'étude devrait être finalisée d'ici quelques mois, avant d'être présentée à la Commission européenne. Nous travaillons avec les collectivités pour améliorer leur gestion des eaux et accompagnons les producteurs lors des crises.
La séance est suspendue à 12 h 40.
Présidence de M. Alain Richard, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de deux projets de loi tendant à autoriser l'approbation de conventions internationales.
Pour ces deux projets de loi, la Conférence des présidents a retenu la procédure d'examen simplifié.
Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale du 6 novembre 2014 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie est adopté.
Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays?Bas relatif à la coopération en matière de défense et au statut de leurs forces sur les territoires caribéens et sud-américains de la République française et du Royaume des Pays?Bas est définitivement adopté.
Favoriser les travaux de rénovation énergétique (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour le Sénat de la CMP . - Je me réjouis de l'accord intervenu en CMP sur cette proposition de loi ; le texte qui en est issu est équilibré et reprend largement les apports du Sénat.
Il s'agit d'offrir un nouvel outil de financement pour relever l'immense défi de la transition écologique des bâtiments publics - pour un coût de 500 milliards d'euros d'ici à 2050. Il convient d'accompagner les collectivités territoriales dans la réalisation des travaux nécessaires à l'atteinte des objectifs fixés par la loi.
Le mécanisme prévu débloquera nombre de projets locaux en faisant partiellement reposer le financement des travaux sur les économies d'énergie qui en résulteront, le coût initial étant pris en charge par un tiers-financeur.
Nous avons tenu à encadrer cette dérogation au code de la commande publique. En particulier, nous étions attachés au principe d'une évaluation, qui prendra fin au bout de cinq ans. Il importe de prévenir tout accident financier, étant entendu que le tiers-financement représente, au total, un coût supérieur pour l'acheteur public.
Il ne s'agit pas d'une solution miracle, mais d'une solution complémentaire bienvenue, qui ne nous dédouanera pas d'une réflexion d'ensemble sur la transition environnementale à l'échelle locale. Nous insistons pour que l'évaluation prévue soit effective.
Le texte adopté par la CMP à l'unanimité est presque identique à celui que nous avons voté le mois dernier ; il prévoit en outre la transmission de l'étude préalable aux autorités délibérantes et un encadrement de la durée des marchés.
Je vous invite à voter ce texte pourvoyeur de solutions locales pour améliorer le quotidien des usagers et respecter nos engagements de décarbonation. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - La synthèse du sixième rapport du Giec nous rappelle l'urgence d'accélérer notre transition en avançant sur la décarbonation. Les bâtiments, responsables de 23 % de nos émissions de gaz à effet de serre, sont un enjeu crucial.
Le chantier est colossal pour l'État et les collectivités territoriales, dont le bâti représente 30 % du parc tertiaire national. Avec 75 % du parc public, les collectivités territoriales sont en première ligne.
Cette proposition de loi ouvre le tiers financement pour faciliter les travaux de rénovation énergétique. Alors qu'ils représentent un investissement important pour les collectivités territoriales, le code de la commande publique interdit tout paiement différé dans les marchés globaux passés par les établissements publics. Il s'agit donc d'une avancée concrète, à titre expérimental.
Je salue l'esprit dans lequel ce texte a été conçu, dans le dialogue avec les élus locaux, ainsi que l'apport décisif du Sénat. Le texte élaboré en CMP est un bel exemple de compromis dans l'intérêt général. Je remercie la rapporteure pour son engagement.
Il ne s'agit ni d'une réforme du code de la commande publique ni d'un désengagement de l'État, qui se mobilise à travers d'autres dispositifs : dotation de soutien à l'investissement local Rénovation, appels à projets des certificats d'économie d'énergie, fonds chaleur de l'Ademe, fonds vert. À ce jour, nous avons reçu 5 000 demandes de subvention dans le cadre du fonds vert, dont 2 150 portent sur la rénovation thermique de bâtiments. Par ailleurs, le plan de rénovation des écoles pourra s'appuyer sur le tiers-financement, aux côtés d'un dispositif mis en oeuvre par la Banque des territoires.
N'opposons pas l'environnement aux enjeux économiques et sociaux. La rénovation du bâti ouvre des perspectives concrètes de réduction des dépenses et d'amélioration de la vie des usagers et des agents.
Ce texte est le fruit d'un consensus. Il favorisera la mobilisation de tous les acteurs du bâtiment au service de la décarbonation du secteur. Je ne doute pas qu'il sera largement adopté et vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Louis Lagourgue applaudit également.)
M. le président. - Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Explications de vote
M. Éric Bocquet . - Comme chacun ici, nous sommes très attachés au débat sur la transition écologique.
Les dépenses en fluides constituent une part importante du budget des collectivités territoriales. Les bâtiments publics s'étendent sur près de 400 millions de m2, dont les trois quarts relèvent des collectivités territoriales. L'énergie nécessaire pour les chauffer représente 2,6 % de notre consommation d'énergie finale.
Nous saluons ce texte, mais restons dubitatifs sur l'effet de levier attendu. Nous reconnaissons que le tiers financement apparaît comme un outil adapté pour accompagner la rénovation énergétique, surtout pour les communes rurales. Toutefois, la CMP n'a pas apporté de réponse à nos interrogations sur les dépenses de mise aux normes électriques ou de mise en conformité avec les normes PMR (personnes à mobilité réduite), mais aussi sur la pénurie de main-d'oeuvre dans le bâtiment et l'impact du dispositif sur l'emploi des TPE-PME. Nous le regrettons.
Nombre d'élus ont dû faire des choix en matière de rénovation sans visibilité réelle, alors que la crise de l'énergie met en difficulté les finances locales.
Le groupe CRCE maintient sur ce texte sa position d'abstention bienveillante. Il ajustera éventuellement sa position en fonction des résultats de l'évaluation.
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe UC se réjouit de l'accord trouvé en CMP, sur un texte presque identique à celui que le Sénat a adopté à l'unanimité - moins l'abstention bienveillante du groupe CRCE.
Respecter les objectifs ambitieux des lois de 2009 et 2018 supposera de dégager 400 milliards d'euros d'ici à 2050. Nul besoin d'insister sur la nécessité de nouvelles ressources pour réduire les factures énergétiques des collectivités.
Ce texte instaure un nouvel outil au service de la stratégie de transition énergétique : un outil complémentaire, qui facilitera l'accès aux financements publics en les faisant partiellement reposer sur les économies d'énergie qui résulteront des rénovations.
Ce texte ne s'écarte de celui du Sénat que sur des points mineurs. Il instaure une expérimentation de cinq ans permettant aux contrats de performance énergétique (CPE) de déroger à certaines dispositions du code de la commande publique. La CMP a retenu l'extension défendue par le Sénat à la prise en charge de travaux par les EPCI et les syndicats d'énergie pour le compte de leurs membres.
Il conviendra de procéder à une évaluation rigoureuse de ce dispositif soutenu par l'ensemble des associations d'élus. Nous voterons les conclusions de la CMP.
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ce texte tombe à point nommé, alors que les crises auxquelles l'État et les collectivités territoriales font face sont multiples.
Il y a d'abord la crise écologique, face à laquelle il est nécessaire d'agir. Les constructions représentent un quart de nos émissions de CO2. Les bâtiments publics correspondant à 37 % du parc tertiaire, leur rénovation énergétique doit être une priorité. Elle doit aussi permettre aux Français de mieux vivre, malgré la répétition des aléas climatiques.
La crise est aussi géopolitique : alors que la guerre en Ukraine fait s'envoler le coût des énergies, nous payons notre dépendance au prix fort.
Enfin, il y a la crise économique, avec la multiplication par deux ou trois des factures des collectivités territoriales.
Dans ce contexte, les travaux de rénovation sont trop peu mis en oeuvre, en raison de coûts d'investissement très élevés - près de 500 milliards d'euros d'ici à 2050 pour respecter les obligations de la loi.
Le texte issu de la CMP ne diffère presque pas de celui du Sénat. Il autorise le tiers financement pour les travaux de rénovation énergétique, par dérogation au code de la commande publique, qui proscrit tout paiement différé. Ce mécanisme permettrait aux administrations de lisser dans le temps le coût des travaux.
Évitons l'émergence de mauvaises pratiques et de mauvaises dettes : la proposition de loi y veille, en encadrant le dispositif dans une expérimentation de cinq ans et en prévoyant un contrôle accru via l'étude de soutenabilité.
C'est un compromis satisfaisant, qui répond au devoir d'exemplarité de l'État et des collectivités territoriales à l'heure où beaucoup d'efforts sont demandés aux Français. Il améliorera les conditions d'accueil des usagers et les conditions de travail des agents. Le RDSE le votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Catherine Di Folco . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le législateur a, dès la loi Grenelle I de 2009, fixé des objectifs de réduction de la consommation d'énergie. Ces objectifs ont été amplifiés par la loi Élan : réduction de 60 % de la consommation d'énergie des bâtiments publics d'ici à 2050. Le défi est de taille.
Les collectivités territoriales, qui possèdent une bonne partie du bâti public, sont les premières concernées. Or leur foncier est aussi abondant que vieillissant ; dans le contexte actuel, les rénovations sont à la fois plus nécessaires et plus délicates. Nos auditions ont mis en évidence l'ampleur de la problématique.
Sans financements supplémentaires, les objectifs ne pourront pas être atteints. Les CPE demeurent rares : 380 signés entre 2007 et 2021 ; l'État lui-même n'y a eu recours que 24 fois.
Il fallait donc une réponse. C'est pourquoi le Sénat a accueilli favorablement cette proposition de loi et l'a enrichie grâce au travail de notre rapporteure, Jacqueline Eustache-Brinio.
Le recours au tiers-financement doit rester un complément : la politique de rénovation énergétique ne saurait se limiter à la recherche de fonds privés, et il ne s'agirait pas de risquer une fragilisation supplémentaire des finances locales. De ce point de vue, l'évaluation préalable au recours à ce mécanisme nous paraît essentielle.
La CMP est parvenue sans difficulté à un accord, en reprenant l'extension du dispositif aux EPCI et aux syndicats. La prise en compte de la durée d'amortissement des investissements dans la durée du marché global de performance est bienvenue.
Il conviendra dévaluer soigneusement l'expérimentation après trois ans, puis après cinq, notamment pour observer les progrès réalisés dans la mise en oeuvre des objectifs nationaux.
Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Dany Wattebled . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Je me réjouis de l'accord trouvé en CMP. Grâce à cette proposition de loi, l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements pourront recourir au tiers financement : c'est une avancée majeure.
Le texte a bénéficié d'apports constructifs des deux chambres, dans le sens de la souplesse et de la simplicité. Il en résulte un outil facilitateur dont les collectivités sauront se saisir.
Le Sénat a voulu améliorer la transparence sur les engagements financiers. De fait, il importe d'anticiper précisément les conséquences de ce dispositif. Les contrats seront bien encadrés et faciliteront les projets de territoire pour réduire notre empreinte carbone.
Le Gouvernement remettra un rapport d'évaluation, ce qui sera très utile. Nous serons attentifs à la nature des projets accompagnés et aux catégories d'entreprises concernées.
Les effets du réchauffement se font ressentir, notamment à travers la sécheresse dramatique que nous connaissons. C'est pourquoi tous les outils sont les bienvenus. Faisons confiance aux élus locaux pour créer de nouvelles politiques vertueuses.
Le groupe INDEP soutient cette avancée concrète pour nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Guy Benarroche . - Le Giec nous implore à nouveau de prendre la mesure du changement climatique.
Le GEST et, plus largement, les écologistes, alertent de longue date sur les conséquences des passoires thermiques, pesant notamment sur les plus modestes.
La commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, dont nous avons été à l'initiative, rendra ses conclusions d'ici au mois de juillet. Nous considérons en particulier qu'il faut un reste à charge zéro pour les plus modestes.
Ces difficultés touchent le milieu rural et le milieu urbain. Les bâtiments des collectivités territoriales sont responsables de 76 % de leur consommation énergétique. Le secteur du bâtiment résidentiel et tertiaire est un enjeu majeur pour la stratégie bas-carbone.
L'effort de rénovation sur les écoles a été trop longtemps repoussé. Or le coût de la dette climatique est bien présent, lui ! C'est une double peine et un cercle vicieux : le renoncement aux travaux de rénovation maintient un niveau abyssal de dépenses énergétiques.
Le texte prévoit une expérimentation de cinq ans. Nous voterons cette expérimentation, mais non sans prudence : il ne faudrait pas que le secteur privé capte l'essentiel des bénéfices de ces opérations - souvenons-nous des abus autour des partenariats public-privé (PPP).
Plus largement, c'est bien la question du financement de la transition énergétique qui se pose. Ce mécanisme ne saurait être l'unique solution. Mettons en oeuvre le principe du pollueur-payeur, qui dégagera des financements importants.
Nos objectifs de rénovation ne pourront être atteints sans mécanismes d'accompagnement à la hauteur. Ce texte n'apporte que des réponses limitées : nous sommes loin d'une grande stratégie globale. Toutefois, le GEST le votera, tout en restant attentif aux dérives des marchés de rénovation. (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Claude Tissot applaudissent également.)
Mme Nadège Havet . - Cette proposition de loi issue du groupe Renaissance a été adoptée par l'Assemblée nationale le 19 janvier, puis par le Sénat le 16 février ; d'où la CMP conclusive. Je remercie les deux rapporteurs.
Ainsi, en moins de quatre mois, le tiers-financement aura été adopté par le Parlement en vue de soutenir la réalisation de travaux énergétiques. Il y a urgence, si nous voulons tenir les objectifs fixés par la loi Élan en 2019.
Quelque 500 milliards d'euros doivent être engagés dans les 25 prochaines années pour les bâtiments publics, qui représentent 400 millions de m2 à rénover.
Le groupe RDPI est à l'origine de la mission d'information sur le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique ; 12 millions d'élèves sont concernés.
Le dispositif proposé est une réponse innovante pour faire face à ces défis. Par dérogation au code de la commande publique, le paiement des travaux pourra être lissé, un tiers-financeur assumant le paiement immédiat. Il s'agit d'un nouvel outil au service de la transition énergétique, au côté des PPP - quasiment jamais utilisés par les collectivités territoriales en matière de rénovation - et des marchés globaux de performance.
Le compromis trouvé en CMP est très proche de la version votée par le Sénat.
En ce qui concerne l'article 1er bis, l'étude préalable devra démontrer qu'un tel contrat est plus favorable - et non pas au moins aussi favorable - que d'autres solutions. Mon groupe soutient cette formulation. La CMP a également précisé que la durée du marché global serait déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements : là aussi, nous y sommes favorables.
Le groupe RDPI votera ce texte, qui instaure un nouvel outil au service de la transition énergétique. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-Yves Leconte . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le sujet est majeur. Certes, nous n'allons pas résoudre le problème du réchauffement climatique avec ce texte. Mais le Parlement s'apprête à offrir un nouvel outil à l'État et aux collectivités territoriales pour répondre à un objectif majeur.
Beaucoup ont évoqué la loi Élan, je mentionnerai aussi le paquet Fit for 55. Le trilogue s'est conclu en décembre avec la création d'un marché carbone pour les bâtiments, ce qui renchérira le coût du chauffage. Les marchés carbone permettront d'abonder le fonds social pour le climat à hauteur de 25 %. Quelque 210 milliards d'euros sur 2027-2032 pourront ainsi être affectés aux efforts en faveur de la rénovation énergétique.
De nouveaux outils sont nécessaires pour rénover les 400 millions de mètres carrés des bâtiments publics. Recourir à un tiers-financeur peut être utile : le groupe SER votera ce texte, même si nous avons quelques inquiétudes.
Premièrement, l'effet rebond : on consomme davantage après une opération de rénovation énergétique. Or il faudra payer les travaux, ce qui peut conduire à fragiliser les finances des collectivités territoriales.
Deuxièmement, d'autres rénovations sont elles aussi indispensables, notamment en matière de sécurité ou pour conserver notre patrimoine. Ne restreignons pas trop le champ des rénovations.
Troisièmement, quels opérateurs auront recours à ces opérations ? Sans doute les plus grosses entreprises, et non les TPE-PME.
Monsieur le ministre, n'oublions pas nos établissements d'enseignement à l'étranger ! Ils sont gérés par une agence qui n'est pas autorisée à recourir à l'emprunt. J'espère donc que le mécanisme du tiers financement pourra jouer.
M. le président. - Conformément à l'article 42, alinéa 12, du Règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
La proposition de loi est adoptée.
La séance est suspendue quelques instants.
Relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Avec le tome III des lois Égalim, le législateur tente à nouveau de réguler les relations commerciales entre industriels et distributeurs, plus tendues que jamais dans un contexte d'inflation croissante.
Je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord en CMP sur des points cruciaux : rééquilibrage des rapports entre les acteurs, affirmation du caractère d'ordre public de notre droit commercial, protection de la valeur des matières premières agricoles (MPA), donc du revenu des agriculteurs.
Les discussions ont été vives, compte tenu des éléments nouveaux que le Sénat a introduits et des divergences de vues initiales entre les deux assemblées. Mais nous avons su trouver des compromis au service de l'intérêt général. Je tiens à souligner la qualité des échanges sur ce texte, entre nous comme avec son auteur, Frédéric Descrozaille.
La grande majorité des apports du Sénat ont été conservés par la CMP.
Premièrement, nous avons contribué à protéger l'emploi et l'investissement dans nos territoires, en mettant fin aux promos chocs - parfois jusqu'à 90 %- sur les produits non alimentaires, opérations destructrices de valeur. À l'heure où nous nous efforçons de réindustrialiser le pays, il est essentiel de préserver les entreprises du secteur de la droguerie, de la parfumerie et de l'hygiène (DPH), qui créent de l'emploi sur notre territoire.
Deuxièmement, nous avons complété la protection des matières premières agricoles au sein des négociations commerciales, pour une plus juste rémunération des agriculteurs. Depuis Égalim 2, les MPA sont sanctuarisées dans la négociation sur les marques nationales, mais pas pour les produits vendus sous marque de distributeur (MDD). C'est désormais chose faite.
Dans la même optique de protection des filières agricoles, la CMP a conservé l'exclusion de la filière des fruits et légumes du seuil de revente à perte + 10 %, ou SRP+10. Depuis quatre ans, ce dispositif s'est avéré préjudiciable pour les producteurs de cette filière.
Troisièmement, nous avons favorisé la transparence des revenus issus de ce dispositif unique en Europe, soit 600 à 800 millions d'euros. C'est un chèque en blanc donné aux distributeurs, dont on espère qu'il bénéficiera aux agriculteurs. Nous nous sommes entendus avec les députés sur une fin de l'expérimentation en 2025, et non 2026.
Quatrièmement, les avancées du Sénat sur les pénalités logistiques ont été conservées. Si leur existence n'est pas contestable, ces pénalités doivent être utilisées à bon escient par les distributeurs.
Enfin, nous avons longuement débattu de l'article 3, destiné à s'appliquer si industriels et distributeurs ne se mettent pas d'accord au 1er mars. Le compromis trouvé offre la possibilité au fournisseur, à titre expérimental, de choisir entre cesser subitement de livrer et appliquer un préavis de rupture qui tienne compte des conditions de marché. Cette solution présente des inconvénients, qui je l'espère, ne seront pas trop importants. Mais c'est le propre d'une CMP que de rechercher des compromis...
Je vous invite à adopter ce texte qui comporte des avancées considérables en matière de rééquilibrage des relations commerciales et de protection de la rémunération des agriculteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Je salue l'accord trouvé en CMP sur la juste répartition de la valeur entre tous les maillons de la chaîne alimentaire.
Cette proposition de loi rééquilibrera les relations commerciales. Les ajustements apportés s'inscrivent dans la continuité des deux précédentes lois Égalim, qui ont déjà produit des effets significatifs, comme l'a montré l'Inspection générale des finances.
Ce texte va globalement dans le bon sens, notamment sur la nécessaire prolongation du dispositif expérimental de relèvement du seuil de revente à perte de 10 % pour les produits agricoles et alimentaires.
Le Sénat avait exprimé des doutes sur ce mécanisme, en proposant de le suspendre le temps que l'inflation revienne à des seuils plus habituels. Le doute est toujours utile au débat... Pour ma part, j'ai rappelé qu'une alimentation de qualité produite sur nos territoires et dans le respect de l'environnement a un coût.
L'évaluation de l'expérimentation a été rendue difficile par la crise sanitaire et la guerre en Ukraine. Le Gouvernement a donc entendu les inquiétudes du Sénat et du monde agricole. Le Gouvernement demeure convaincu qu'une prolongation de trois ans aurait été plus efficace, notamment au regard de la désynchronisation des dates entre les promotions et le SRP+10. Mais l'équilibre trouvé est satisfaisant.
L'article 3, très discuté, avait pour objectif de répondre à un angle mort : les opérateurs ont un intérêt commun à ce que les flux de vente ne s'interrompent pas en cas d'échec des négociations annuelles. Je salue le travail de Mmes Primas et Loisier : les acteurs ont besoin de visibilité et de clarté. Le recours à la médiation est facultatif, ce qui accélérera les choses. Nous évitons ainsi les écueils des versions antérieures. L'apport décisif du Sénat doit être salué.
Le rehaussement des amendes administratives en cas d'échec après le 1er mars est une bonne chose.
L'encadrement des pénalités logistiques est renforcé, et vous avez veillé au caractère opérationnel. L'application de pénalités abusives ne saurait être un moyen de reconstituer les marges !
La proposition de loi consacre la compétence exclusive des tribunaux français pour connaître des litiges portant sur des négociations commerciales annuelles. Nous voulons lutter contre tous les contournements de la loi française.
La proposition de loi apporte des correctifs bienvenus à la loi Égalim 2 sur la clause de renégociation, sur la transparence ou sur les produits vendus sous MDD.
Je remercie la rapporteure et la présidente de la commission des affaires économiques pour la finesse de leur expertise. Jamais les divergences d'analyse ne nous ont fait perdre de vue les finalités poursuivies : protéger nos agriculteurs et notre souveraineté alimentaire. Nous devons continuer à emprunter ce chemin. (Applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc des commissions)
M. le président. - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.
En conséquence, les amendements seront mis aux voix, puis le vote sur les articles sera réservé.
Discussion du texte élaboré par la CMP
ARTICLE 2 TER B
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Le I du présent article entre en vigueur le 1er mars 2024.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Cet amendement répare un oubli en précisant l'entrée en vigueur de l'encadrement des promotions sur les produits non alimentaires à compter du 1er mars 2024.
M. Marc Fesneau, ministre. - Nous avions un désaccord sur ce point. Le dispositif ayant été voté et approuvé en CMP, sagesse.
L'amendement n°1 est adopté.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission.
Alinéa 6
Supprimer les mots :
ou à l'échéance de la durée d'un mois mentionnée à l'article L. 441-4-1
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Amendement de coordination juridique.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission.
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« III. - En cas de situation exceptionnelle, extérieure aux distributeurs et fournisseurs, affectant gravement les chaînes d'approvisionnement dans un ou plusieurs secteurs, l'application des pénalités logistiques prévues par les contrats conclus en application du présent titre entre les distributeurs et le ou les fournisseurs intervenant dans ces secteurs et concernés par ladite situation peut être suspendue par décret en Conseil d'État, pour une durée maximale de six mois renouvelable. » ;
L'amendement de coordination juridique n°3, accepté par le Gouvernement, est adopté.
ARTICLE 6
M. le président. - Amendement n°4, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission.
I. - Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
I. - Le code de commerce est ainsi modifié :
1° L'article L. 441-8 est ainsi modifié :
II. - Alinéa 2
Remplacer la référence :
1°
par la référence :
a)
III. - Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
b) Au quatrième alinéa, après les mots : « deux premiers alinéas », sont insérés les mots : « du présent I » ;
IV. - Alinéa 3
Remplacer la référence :
2°
par la référence :
c)
V. - Compléter cet article par un alinéa et un paragraphe ainsi rédigés :
2° À l'article L. 954-3-5, après les mots : « premier alinéa », sont insérés les mots : « du I ».
II. - À l'article L. 631-25-1 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « troisième alinéa », sont insérés les mots : « du I ».
L'amendement de coordination juridique n°4, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Explications de vote
Mme Amel Gacquerre . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les prix des produits alimentaires ont bondi de 14,5 % entre février 2022 et février 2023, selon l'Insee. Une année noire ! Cette inflation frappe en premier lieu les plus modestes.
Agir pour le pouvoir d'achat ne signifie pas pénaliser nos PME, nos coopératives agricoles et nos exploitations.
Nous devions corriger le déséquilibre entre fournisseurs et distributeurs, défavorable aux producteurs - d'où la proposition de loi de Frédéric Descrozaille.
Ce texte complétera utilement les deux lois Égalim. Les principaux apports du Sénat ont été conservés, notamment la non-négociabilité des prix des matières premières agricoles, et sa déclinaison pour les produits vendus sous MDD. C'était impératif afin d'assurer une plus juste rémunération des agriculteurs.
À sa demande, nous avons exclu le secteur des fruits et légumes frais du SRP+10, hérité des lois Égalim. Il était urgent d'agir vite pour préserver les rémunérations.
Nous avons encadré les pénalités logistiques, arme absolue des distributeurs, dont les excès étaient connus. Les fournisseurs se trouvaient parfois dans des situations financières dramatiques. Le plafonnement et l'encadrement de ces pénalités sont de véritables victoires pour les industriels et les exploitations agricoles.
Je me réjouis du compromis trouvé sur l'encadrement de la période de négociation commerciale annuelle. En cas d'échec des négociations, l'alternative proposée entre l'interruption des livraisons et l'application du préavis de rupture classique constitue un consensus qui permet de rééquilibrer la relation entre fournisseur et distributeurs. Nous ferons le bilan de cette expérimentation ; le comité sénatorial de suivi de l'application des lois Égalim y contribuera.
La majorité du groupe UC votera en faveur de cette proposition de loi, qui est le fruit d'un compromis entre tous les acteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions)
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Un pas de plus en avant... Nous avons choisi de voir positivement ce texte. Nous nous réjouissons du succès de la CMP. Le contexte d'inflation nous impose la raison. Mais les efforts sont-ils partagés ? Les prix alimentaires ont crû de 14 % ; pour la viande, la hausse peut atteindre 30 % !
Pour les plus précaires, le panier anti-inflation ne suffit pas. Les distributeurs ont beau jeu d'afficher un maintien des prix, mais qui paye ? La guerre des prix pénalise surtout les agriculteurs, qui subissent à la fois l'envol des matières premières et des prix de vente négociés au plus bas. Personne n'est dupe. Le budget d'un foyer est surtout impacté par la hausse de l'énergie et des loyers.
Le modèle d'agriculture verte prôné par l'Europe est ébranlé. La France, bonne élève, perd en compétitivité quand le bio se vend au prix du conventionnel : il faut rapidement résoudre ce problème, car les agriculteurs se détournent de ces modes de production onéreux, faute de débouchés.
Surtout, il faut revoir la loi de modernisation de l'économie (LME) qui a permis à la grande distribution de mutualiser via des centrales d'achat et de faire pression sur les agriculteurs.
Dans ce contexte commercial tendu, toute mesure positive pour les agriculteurs doit être défendue. Le RDSE salue donc l'article 1er destiné à contrer les délocalisations des négociations contractuelles.
L'article 2 prolonge jusqu'en 2025 les dispositions de la loi Égalim 1 sur l'encadrement des promotions et le SRP+10. L'exclusion de la filière des fruits et légumes, proposée dans un amendement de Nathalie Delattre, a été retenue.
La non-négociabilité des matières premières agricoles dans les produits sous MDD est une avancée notable. L'expérimentation de la rupture des livraisons en cas d'échec des négociations commerciales annuelle est également à saluer.
Le Parlement est obligé d'intervenir en raison de la partie de poker menteur que se livrent les acteurs, au détriment des consommateurs, des agriculteurs et des PME, a dit la rapporteure Anne-Catherine Loisier. C'est vrai, mais ne soyons pas naïfs, car cela peut se retourner contre les agriculteurs français, dans un contexte de concurrence mondiale. D'où l'importance de l'article 1er !
Le sujet du prix rémunérateur doit être au coeur de notre réflexion. Pour 60 heures de travail hebdomadaire, il faut un revenu à la hauteur. Il y va de notre souveraineté alimentaire. Notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI, sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions)
M. Daniel Gremillet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions) Ce texte est un rendez-vous supplémentaire sur la mise en marché des productions agricoles. Nous savions qu'Égalim 1 nécessiterait des modifications. Nous en sommes déjà à la troisième, en attendant la prochaine...
Je remercie la rapporteure. Son travail permet de corriger les manques des lois Égalim 1 et 2, qui concernaient moins de 50 % des mises en marché puisque les produits sous MDD étaient exclus.
Sur les dix dernières années, la montée en gamme a été de 2,5 % par an sur le couplage volume-prix, avant un arrêt historique en 2022, avec une baisse de 1,3 %.
Si nous n'avions pas précisé que l'ensemble des matières agricoles étaient protégées, cela aurait posé problème : les marques de distributeur sont, pour utiliser le vocabulaire du cyclisme, des suceurs de roue, reprenant les innovations et les avancées des autres.
L'initiative de prolonger le SRP+10 et d'exclure, à leur demande, les fruits et légumes donnera de l'espoir à la filière.
L'intégration du secteur DPH est essentielle pour protéger nos entreprises localement : certaines, très exposées, pouvaient perdre rapidement leur marché. Le Sénat a maintenu sa position, j'en remercie la rapporteure.
Sur l'article 3, nous avons trouvé un compromis. Le groupe de suivi du Sénat sera sans doute amené à y retravailler, mais il était nécessaire d'avancer sur les MDD.
Le groupe Les Républicains votera ces conclusions de la CMP.
Monsieur le ministre, lorsque j'entends Bruno Le Maire dire qu'il faudra renégocier les prix en mai, je m'inquiète. Les chiffres n'ont pas été démentis, la matière première agricole a été respectée sur les marques. Mais sur la matière première industrielle, c'est à peine le tiers ! Attention aux déclarations trop rapides qui mettent en péril les espoirs des agriculteurs, des consommateurs et notre diversité agricole. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Pierre-Jean Verzelen . - C'est la troisième fois en cinq ans que nous nous penchons sur les relations entre agriculteurs, industriels et distributeurs. Pourquoi ? La loi Égalim devait assurer une meilleure répartition sur toute la chaîne, mais entre théorie et pratique, il y a certains écarts.
Le contexte international, l'explosion du coût de l'énergie ont joué. À cet égard, je regrette l'absence de remise en cause de l'indexation du prix de l'électricité sur le gaz.
Derrière se pose la question de notre souveraineté alimentaire, donc de notre indépendance.
Le sujet n°1 de l'agriculture française n'est pas Égalim, mais le poids des normes : à vouloir laver plus blanc que blanc, on a attaché un boulet aux pieds des agriculteurs. Nous attendons beaucoup de la future loi agricole et de l'engagement pris par le Président de la République au Salon de l'agriculture de veiller à ce que nos agriculteurs ne soient pas pénalisés face à nos voisins européens.
Nous saluons les avancées de la CMP, qui reprennent des apports du Sénat. L'objectif d'Égalim était que chacun y trouve son compte. Or l'équilibre n'est pas facile à trouver.
L'article 2 sur l'expérimentation du SRP+10 a fait couler beaucoup d'encre, car le dispositif n'a pas fait la preuve de son efficacité. L'exclusion de la filière fruits et légumes de ce SRP+10 est légitime.
L'exclusion des grossistes du système des pénalités logistiques permet de corriger les dérives de la grande distribution, qui utilise ce système comme un moyen de compensation des pertes de marge. C'était un sujet cher au groupe INDEP.
À l'article 3, il fallait corriger le vide juridique en cas d'absence d'accord entre fournisseurs et distributeurs et empêcher la livraison à perte.
La loi Égalim n'a pas apporté des résultats à la hauteur des espoirs, c'est pourquoi nous y revenons. L'épisode 3 n'est sans doute pas le dernier...
Le marché a besoin de règles et de suivi afin que chaque acteur de la chaîne soit rémunéré à sa juste valeur. Nous attendons beaucoup de la future loi agricole. Le groupe INDEP votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
M. Joël Labbé . - (Applaudissements sur les travées du GEST) L'inflation alimentaire poursuit sa course, mettant en difficulté producteurs, fournisseurs et consommateurs. Dans ce contexte, nous nous apprêtons à voter une nouvelle loi pour tenter de rééquilibrer les rapports de force qui, face à une grande distribution toute puissante, ont abouti à un revenu agricole indécent et mis nos PME agroalimentaires en difficulté.
Nous doutons de l'efficacité de cette proposition de loi, malgré quelques petits pas : mesures sur les MDD, sur les pénalités logistiques, lutte contre le contournement via des centrales étrangères.
Mais l'incertitude sur l'efficacité des mesures et leur effet de bord persiste, comme sur le SRP+10. Espérons que cette loi permettra un vrai ruissellement pour les agriculteurs.
Il faut des mesures bien plus structurantes pour garantir un meilleur revenu à nos agriculteurs et un accès à une alimentation durable et de qualité pour tous. Sans régulation des marchés ni clause miroir ni paiement pour services environnementaux, sans une PAC plus juste et une promotion du commerce équitable, nous ne parviendrons pas à rémunérer correctement nos producteurs. Sortons notre alimentation d'une concurrence mondiale délétère : pendant que nous votons ce texte, la filière bovine s'inquiète d'une possible volte-face de la France sur la non-ratification du traité avec le Mercosur. Ce traité de libre-échange aura bien plus d'impacts négatifs sur le revenu agricole que cette loi n'en aura de positifs !
En parallèle, il faut des politiques fortes pour l'accès de tous à une alimentation durable et de qualité, dans un contexte inflationniste. Les leviers existent : Égalim 1 a fixé un objectif de 20 % de bio et 50 % de produits locaux et de qualité dans la restauration collective. Ce dispositif n'est pas appliqué.
Le chèque alimentation durable a connu diverses vicissitudes : le flou demeure sur une mesure qui permettrait de concilier débouchés rémunérateurs et accès à une alimentation durable. Nous continuons de plaider pour une véritable sécurité sociale de l'alimentation.
C'est donc sans grand espoir que le GEST votera cette loi, reconnaissant ses avancées, tout en appelant à se remettre à l'ouvrage. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le 15 mars : deux CMP, deux salles, deux ambiances... (Sourires au banc des commissions) Je me réjouis du travail réalisé ensemble pour aboutir à un compromis. Nous parachevons ainsi le travail engagé par les lois Égalim 1 et 2, corrigeant des dérives inadmissibles issues du déséquilibre dans les négociations commerciales. Il faut s'adapter à la créativité des centrales, qui mènent leurs négociations hors de France. L'article 1er y pourvoit.
Les ajouts du Sénat - prolongation du SRP+10 et de l'encadrement des promotions, exclusion de la filière des fruits et légumes du SRP - ont été maintenus. Je songe notamment à l'encadrement des pénalités logistiques, qui étaient détournées par la grande distribution, ou à la non-négociabilité des matières premières agricoles pour les produits sous MDD.
L'article 3 est le fruit d'une réflexion collective. Il laissera le choix au fournisseur entre l'interruption de livraison, à titre expérimental, ou un préavis de rupture classique en cas d'échec des négociations. C'est un dispositif innovant.
Ces dispositions contribueront à préserver l'emploi et l'investissement dans nos territoires. Un distributeur s'est offert des placards dans la presse pour affirmer que cette loi vise à limiter les prix bas. (L'orateur brandit un journal.) Non : il s'agit de proposer des prix justes. (Applaudissements au banc des commissions) Non, nous ne marchons pas sur la tête : nous remettons les choses à l'endroit.
Ce qui compte pour nous, c'est l'agriculture française, l'industrie française, ce sont les transformateurs français, ce sont les consommateurs français. Ce sont aussi les salaires, que l'on fait baisser en imposant des conditions tarifaires aux fournisseurs.
Le Sénat peut être fier de ce travail : c'est un nouveau pas vers la défense du consommateur, du revenu des agriculteurs et de la pérennité des PME qui font le rayonnement de nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI, ainsi qu'au banc des commissions ; M. Denis Bouad applaudit également.)
M. Serge Mérillou . - Alphonse Karr, célèbre écrivain français du XIXe siècle, disait : « En France, on parle quelquefois de l'agriculture, mais on n'y pense jamais ». Cela peut s'appliquer à cette proposition de loi, qui ne traite pas d'agriculture, mais des relations entre transformateurs et distributeurs. Or qui sont les vraies victimes de l'inflation ? Les citoyens et les agriculteurs.
Après Égalim 1 et Égalim 2, voilà Égalim 3. Quelle sera la prochaine étape ? Ne reproduisons pas les mêmes erreurs : la situation ne s'explique pas par la seule conjoncture, entre covid et guerre en Ukraine. Égalim 1 et 2 n'ont pas été efficaces ; et le groupe SER avait déjà alerté sur leur manque d'ambition. La ferme France est en déclin, notre agriculture souffre.
Il y a pourtant des solutions. Dans La Nouvelle Héloïse, Rousseau écrit : « La condition naturelle à l'homme est de cultiver la terre et de vivre de ses fruits ». Le juste partage de la valeur est la condition sine qua non d'un modèle vertueux qui assure notre souveraineté alimentaire. Chacun doit trouver son compte dans la négociation commerciale.
Cette proposition de loi d'ajustement, en dépit de ses lacunes, présente certaines avancées. Ainsi les améliorations du Sénat ont-elles été conservées. Nous sommes satisfaits de la prolongation du SRP+10 et surtout de l'exclusion des fruits et légumes, revendication soutenue par le groupe SER. De même, nous saluons la non-négociabilité de la matière première agricole pour les produits vendus sous MDD.
L'article 1er lutte contre les stratégies de contournement de la grande distribution consistant à créer des centrales d'achat à l'étranger. S'il y a des règles, c'est pour qu'elles soient respectées.
Nous notons aussi avec intérêt l'accord sur l'article 3 qui couvre les situations d'échec des négociations commerciales.
Le texte ne donne pas toute-puissance aux transformateurs, n'en déplaise à certains distributeurs qui s'épanchent dans la presse en agitant la menace d'une explosion des prix. Chacun doit faire un effort, quitte à rogner sur ses marges.
Les socialistes voteront ce texte, même s'il doit s'inscrire dans une réforme plus globale de notre modèle agricole et un rééquilibrage des relations entre fournisseurs et distributeurs. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
M. Gérard Lahellec . - Cette CMP intervient dans un contexte difficile, peu propice à satisfaire tous les acteurs, du producteur au consommateur, de la fourche à la fourchette. L'objet affiché du texte est pourtant de mieux protéger tous les acteurs, objectif louable mais impossible à atteindre. Alors que l'inflation alimentaire s'envole, l'essentiel de la valeur ajoutée des produits alimentaires ne revient pas à la production. La vie chère s'installe, les salaires ne suivent pas.
Consommateurs, salariés et paysans sont confrontés au même problème : la juste rémunération de leur travail. Croissance faible, inflation forte, système économique saturé : voilà les termes du problème.
La proportion des entreprises agroalimentaires voulant augmenter leurs prix est de 70 % : cela augure d'une poursuite de la flambée des prix. Le Gouvernement, lui, a annoncé un chèque alimentaire pour les plus modestes, mais ne souhaite pas distribuer d'aide alimentaire au niveau global pour éviter d'encourager la malbouffe. Le pays est au bord de la rupture, et nous jouons les équilibristes alors qu'il faudrait une réforme de fond. Ce simple toilettage du marché aura un impact minime sur le revenu agricole et sur les dix millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté.
Nous comprenons la recherche du compromis, mais attention à ne pas opposer producteurs et consommateurs autour du SRP+10. Mieux vaudrait reconsidérer la loi de modernisation de l'économie, alors que les allègements généraux pèsent sur les salaires et rognent le pouvoir d'achat. Ne voulant pas décourager les bonnes intentions qui sous-tendent ce texte, le groupe CRCE s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. le président. - Conformément à l'article 42, alinéa 12, du Règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements de la commission.
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc des commissions)
La séance est suspendue quelques instants.
Violences intrafamiliales
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales.
Discussion générale
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - L'enfance a été placée par le Président de la République au nombre des priorités du nouveau quinquennat. Sa protection est au coeur de la feuille de route du Gouvernement.
Le foyer familial doit être érigé en sanctuaire protecteur au sein duquel ne saurait être acceptée la moindre violence. Voilà la directive ferme que j'ai adressée aux procureurs de France dans ma circulaire de politique pénale générale de septembre dernier.
Dans une circulaire du 21 avril 2022 sur la prise en charge des mineurs présents lors d'un homicide commis au sein du couple, j'incitais déjà les procureurs à mettre en place des protocoles d'accompagnement. Le 28 février 2022, j'ai rappelé les dispositions du décret du 23 novembre 2021 énonçant qu'un mineur témoin de violences au sein du couple en est victime à part entière. J'ai demandé aux magistrats de restituer à ces faits leur exacte qualification, de veiller à la préservation des droits du mineur dans la procédure pénale et de s'assurer que la juridiction de jugement est en mesure de statuer sur l'autorité parentale.
Cette semaine, une nouvelle circulaire de politique pénale sera diffusée, qui porte la lutte contre les violences sur mineur à un niveau équivalent à celle mise en oeuvre en matière de violences conjugales.
Porter cette politique implique non seulement de lutter contre toutes les formes de violences faites aux mineurs dans le cadre familial ou institutionnel - scolaire, sportif, religieux, etc. -, mais aussi contre toute forme d'exploitation, dont la prostitution au profit des réseaux organisés.
Je compte aussi généraliser les Unités d'accueil pédiatrique enfance en danger (Uaped) - je salue l'engagement de François Braun et de Charlotte Caubel à cet égard. Je sais également pouvoir compter sur tous les juges des enfants, juges aux affaires familiales (JAF) et membres du parquet pour protéger l'enfant dans son intégrité physique et morale et veiller à la préservation de ses intérêts.
Enfin, je n'oublie pas l'engagement du Sénat dans ce domaine, dont témoignent les textes votés au cours de l'année écoulée. Car il est des cas où le foyer familial devient un lieu de persécution, notamment quand le parent devient le bourreau de son enfant. Il est alors incapable d'assumer le rôle dont la loi l'a investi : protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement dans le respect dû à sa personne. Face au parent maltraitant, il faut se résoudre à remettre en cause le lien parental.
Ces questionnements ont abouti à la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, avec des dispositifs innovants comme la suspension automatique de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement en cas de crime commis sur l'autre parent, tel que le prévoit l'article L. 378-2 du code civil. C'est ce dispositif que l'article 1er de ce texte étend.
Je pense ensuite à la possibilité pour le juge de suspendre les droits du parent qui a été condamné pour un crime ou un délit sur l'autre parent ou sur son enfant, objet de l'article 2.
Selon la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), un adulte sur dix a été victime de violences sexuelles dans son enfance. Il y a urgence à agir, afin de s'assurer que le parent maltraitant ne puisse se prévaloir de ses droits pour maintenir une emprise sur l'enfant ou réitérer ses agissements.
L'Assemblée nationale ne s'y est pas trompée, pas plus que votre commission, en adoptant ce texte. L'article 1er modifie l'article L. 378-2 du code civil pour suspendre l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi ou condamné.
La rédaction de la commission des lois est bienvenue : le choix de viser tous les crimes commis sur l'enfant évite une hiérarchisation inopportune entre ces crimes. Elle s'en tient toutefois aux infractions les plus graves afin de garantir la constitutionnalité et la conventionnalité du dispositif. Une disposition miroir est prévue à l'article 2 bis pour forcer la délégation de l'autorité parentale dans ces hypothèses, initiative que je soutiens. Je regrette toutefois que votre commission n'ait pas repris le mécanisme qui dispensait le parquet de saisir le JAF pour confirmation.
L'article 2 crée trois mécanismes de retrait facultatif de l'autorité parentale ou de son exercice. Or le juge pénal a déjà l'obligation de se prononcer, en cas de viol, d'agression sexuelle, ou de violence. Il serait plus protecteur de créer un mécanisme de retrait obligatoire, avec possibilité pour le juge d'y déroger par motivation spéciale. Il s'agit là d'appliquer les recommandations de la Ciivise.
L'article 3 fait évoluer le code pénal pour prendre en compte ces évolutions. J'observe que sa rédaction laisse transparaître un souci de simplification, les magistrats étant incités à utiliser directement les dispositions du code civil par un renvoi. Le texte regroupe en outre au sein d'un article unique du code pénal les dispositions relatives à l'autorité parentale : c'est une simplification bienvenue. Je soutiendrai un amendement visant à ajouter l'expression consacrée en cas de renvoi à une autre disposition.
La commission a également souhaité introduire la possibilité de renvoyer l'affaire à une date ultérieure pour juger de l'autorité parentale : je suis réservé sur cette disposition, car la charge des audiences pourrait en être augmentée, de même que le délai d'audiencement, ce qui nuirait à l'efficacité de la justice.
La réflexion doit donc se poursuivre. J'ai à coeur d'aboutir avec vous à l'élaboration d'un dispositif ambitieux et respectueux de nos principes constitutionnels. Envoyons un signal fort à tous les enfants victimes. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois . - Je me réjouis que le Gouvernement n'ait pas engagé la procédure accélérée sur la proposition de loi d'Isabelle Santiago, car cette question est complexe.
Le texte intervient sur deux mécanismes : la suspension provisoire, de plein droit, de l'exercice de l'autorité parentale et le retrait de l'autorité parentale par les juridictions pénales. Ce dernier prive un parent de toutes ses attributions, y compris du consentement à l'adoption de son enfant : c'est la titularité même qui lui est retirée. Mais dans le cas de la suspension de l'exercice, il conserve le droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant via les droits de visite et d'hébergement sauf motifs graves appréciés par le JAF, ainsi qu'un droit de surveillance qui oblige l'autre parent à le tenir informé de tous les choix importants relatifs à la vie de l'enfant.
L'article 1er étend la suspension provisoire de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement au cas de poursuite ou de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commise sur l'enfant. La commission y est favorable, se conformant ainsi au souhait de la Ciivise.
Plutôt qu'une durée maximale de six mois, il avait été prévu que la suspension dure jusqu'à la décision de non-lieu, la décision de la juridiction de jugement ou jusqu'à la décision du JAF. La commission a souhaité s'en tenir à sa position de 2020 : accepter une suspension de plein droit, mais uniquement pour six mois. Il nous semble en effet disproportionné de permettre une suspension automatique tout le temps de la procédure pénale, laquelle peut être très longue.
Les députés ont créé un régime distinct pour les cas de violence conjugale ayant entraîné une ITT de plus de huit jours. Ce dispositif ne nous a pas semblé cohérent, car il suppose la présence de l'enfant au moment des violences. Or il peut souffrir de ces violences, même s'il n'était pas présent. De plus, cette disposition manquait d'intérêt pratique puisque le juge doit déjà se prononcer sur l'autorité parentale, et le fait de plus en plus dans ces cas-là.
L'article 2 rend un peu plus automatique le retrait de l'autorité parentale en cas de condamnation définitive pour crime ou agression sexuelle commis sur l'enfant ou pour crime commis sur l'autre parent. La commission des lois a revu la rédaction de l'article, en vue de le rendre plus intelligible. Elle a posé le principe de l'obligation pour la juridiction de se prononcer dans ces affaires. Nous aurons un débat sur cette rédaction qui a le mérite de dire clairement que le juge conserve la possibilité de ne pas prononcer le retrait de l'autorité parentale, sous réserve d'une motivation spéciale. Attention aux expressions qui relèvent plus de l'affichage.
L'article 2 bis de la proposition de loi ajoute un nouveau cas de délégation forcée de l'autorité parentale à un tiers : la commission y a apporté un simple ajustement rédactionnel.
L'article 2 ter, ajouté par la commission, prévoit un répit pour l'enfant en cas de retrait de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement. Il prévoit qu'aucune demande au JAF ne puisse être présentée par le parent moins de six mois après le jugement. Une disposition similaire existe en cas de retrait de l'autorité parentale.
L'article 3 procède à diverses modifications d'ordre pénal : nous mettons un terme aux divergences entre le code pénal et le code civil et harmonisons les dispositions : facilitons le travail des pénalistes pour qu'ils s'emparent de ces mesures.
Je vous invite à voter ce texte : nous avons certes besoin d'une bonne loi, mais aussi de moyens dans les juridictions. Nous devons tous être des protecteurs de l'enfance et des guetteurs de ces violences, qui empêchent, tout simplement, un enfant de vivre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que du RDPI)
Mme Esther Benbassa . - C'est l'histoire de Malakai, un petit garçon de 7 ans battu à mort dans la nuit du 12 au 13 octobre 2022 par le compagnon de sa mère, qui avait déjà été condamné huit fois. Les services sociaux s'étaient pourtant saisis en avril 2022 du cas de la mère et de son fils.
En France, un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents ; 400 000 enfants vivent dans un foyer violent et 160 000 subissent chaque année des violences sexuelles.
Les travailleurs sociaux croulent sous les dossiers, faute de moyens suffisants. Les JAF sont débordés et en sous-effectif.
Dans ce désordre judiciaire, existe-t-il une place à l'intérêt supérieur de l'enfant ? La responsabilité de l'État est immense.
Avec le texte que nous examinons aujourd'hui, tout parent poursuivi, mis en examen ou condamné pourra se voir privé de l'exercice de l'autorité parentale et de son droit de visite et d'hébergement. Cette proposition de loi est une avancée, mais elle n'est pas suffisante. On ne peut pas se contenter de numéros verts ou de petites mesures. Il nous faut garantir un accompagnement effectif pour tous ces enfants et permettre leur reconstruction. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme le rapporteur et Mme Martine Filleul applaudissent également.)
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Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 22 mars 2023
Séance publique
À 15 heures et 16 h 30
Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Laurence Rossignol, vice-présidente, Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier
1. Questions d'actualité au Gouvernement
2. Débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes (demande de la Conférence des présidents)