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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Hommage à un ancien fonctionnaire
Modification de l'ordre du jour
Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (Procédure accélérée - Suite)
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques
PLUi de la communauté de communes du Bas-Chablais
M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi
Mme Martine Berthet, rapporteure de la commission des affaires économiques
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports
Discussion de l'article unique
Intitulé de la proposition de loi
M. Albéric de Montgolfier, auteur de la proposition de loi
M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission des finances
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications
Commission d'enquête (Nomination)
Mises au point au sujet d'un vote
Protection des épargnants (Suite)
Discussion des articles (Suite)
Protéger les logements contre l'occupation illicite
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Ordre du jour du mercredi 1er février 2023
SÉANCE
du mardi 31 janvier 2023
50e séance de la session ordinaire 2022-2023
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté.
Hommage à un ancien fonctionnaire
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent, ainsi que Mme la ministre.) Avant d'aborder notre ordre du jour, je souhaite saluer la mémoire d'un grand résistant et d'un fonctionnaire exemplaire de notre institution. Jacques Bloch, directeur honoraire du service des commissions du Sénat, nous a quittés le 28 janvier dernier.
Né dans une famille qui avait quitté l'Alsace-Lorraine pour rester française, il était entré dans la Résistance à l'âge de 20 ans, jouant un rôle de premier plan dans la libération de Guéret. Grièvement blessé, il fut capturé, livré à la Gestapo et torturé avant d'être déporté à Buchenwald.
Parvenant à s'échapper, il put rejoindre les forces armées américaines et revenir en France.
Intégré au Conseil de la République dès 1946, il servit l'administration sénatoriale pendant plus de quarante ans, jusqu'en 1990, recueillant les éloges unanimes de nos prédécesseurs et de ses collègues pour son dévouement et la qualité de son travail.
Pour ces actes d'héroïsme, Jacques Bloch fut nommé Commandeur de l'Ordre de la Légion d'honneur par décret du Général de Gaulle. Jusqu'en 2020, il a été fidèle à toutes les commémorations organisées au Sénat.
Rendons hommage à cet homme qui incarnera à tout jamais le courage et l'abnégation au service de la France, dans sa diversité. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre, observent un moment de recueillement.)
Modification de l'ordre du jour
M. le président. - En raison du nombre d'amendements, et avec l'accord du Gouvernement et de la commission, nous pourrions reporter à demain soir l'examen de la proposition de loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles, ouvrir la nuit de ce soir et prévoir la suite de l'examen de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite jeudi après-midi, et éventuellement le soir.
Il en est ainsi décidé.
Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Explications de vote
M. Dany Wattebled . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le 26 juillet 2024, la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) marquera le début d'une grande fête populaire. Tous les Français seront au rendez-vous, avec 4 000 athlètes paralympiques et 10 500 athlètes olympiques, devant 4 milliards de téléspectateurs.
Cet événement est inédit, par l'immense défi que représente la cérémonie d'ouverture en plein air, par son exemplarité écologique ainsi qu'en matière de parité et d'inclusion. Cent ans après les jeux de Paris de 1924, les premiers à intégrer des athlètes féminines, la France se démarque à nouveau avec les premiers jeux strictement paritaires.
Pour la première fois, les mascottes olympiques et paralympiques, les phryges, sont identiques, l'une ayant une prothèse. Le Grand Palais, le château de Versailles, le Champ-de-Mars accueilleront des épreuves paralympiques.
Ce projet de loi comprend des mesures sur le dopage, la sécurité, l'outre-mer et la santé.
Les apports du Sénat vont dans le bon sens. Nous avons favorisé la collaboration entre l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et Tracfin. Nous avons pérennisé les tests génétiques afin de mieux identifier ceux qui voudraient briser le serment olympique. Nous avons voté des mesures de simplification pour les taxis accessibles aux personnes à mobilité réduite (PMR) et simplifié la dérogation au repos dominical, pour que les commerces bénéficient de l'afflux de visiteurs.
La France accueillera d'autres événements majeurs. Pour l'image de notre pays, pour nos concitoyens et nos visiteurs, la sécurité doit être assurée. Les forces de l'ordre seront mobilisées et auront besoin du renfort de la sécurité privée.
Il nous faut employer les meilleurs outils. Le traitement algorithmique de la vidéoprotection a fait débat, mais c'est un atout pour détecter des mouvements de foule ou des menaces terroristes. Il doit toutefois être encadré pour préserver les libertés individuelles. Nous nous félicitons donc que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) soit étroitement associée à son déploiement.
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. Dany Wattebled. - Nous saluons les mesures destinées à éviter les intrusions dans les stades. Le sport ne doit pas être instrumentalisé à des fins politiques : il doit rapprocher plutôt que diviser.
La question de l'héritage est essentielle. Quelle meilleure occasion que ces Jeux pour faire de la France une grande nation sportive ? L'activité physique a été érigée en grande cause nationale en 2024. Je m'en réjouis, pour les jeunes et les moins jeunes.
En 1924, la France avait récolté 38 médailles, dont 13 en or. Nous adressons tous nos encouragements à nos athlètes.
Les JOP sont aussi un temps de fraternité et d'émerveillement. Relevons ces défis ensemble, pour célébrer le sport et ses adeptes. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)
M. Emmanuel Capus. - Excellent !
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Les semaines et les mois passent, sans que l'envolée sécuritaire du Gouvernement ne retombe. Ce projet de loi n'est pas destiné à adapter nos règles pour des jeux Olympiques sereins, mais à nous conduire vers une société de surveillance.
Nous aurions pu soutenir les fédérations et le sport amateur et professionnel qui voient dans les JOP une occasion de développer le sport. Nous aurions pu débattre de leur impact sur les festivals, de leur coût pour les collectivités territoriales, de leur incidence environnementale. Mais durant ces Jeux, la France sera sous cloche et la sécurité des autres événements en souffrira.
Quel étrange texte, censé se concentrer sur les JO mais comprenant plus de 80 % de mesures pérennes ! Cette loi est un cheval de Troie sécuritaire.
Le GEST regrette une vision sécuritaire débridée, éloignée des valeurs de l'olympisme et contraire aux droits des personnes.
Le recours massif et indifférencié à la vidéosurveillance augmentée pose problème. Quelle durée pour l'expérimentation ? Dans quel but ? Comment les algorithmes sont-ils contrôlés ? Quid d'une éventuelle mise à disposition d'acteurs moins respectueux des droits des citoyens ? La Cnil, prudente, craint que ces nouvelles technologies ne fragilisent les libertés publiques.
Cette vision sécuritaire technologique est néfaste et inefficace. Ni le recrutement ni la formation des agents de sécurité n'ont été anticipés : le recours à l'armée est imminent. Car, selon la Cour des comptes, entre 22 000 et 33 000 agents de sécurité seront nécessaires chaque jour, ce qui dépasse largement nos capacités. Le spectre du fiasco du Stade de France ressurgit. Les techniques de maintien de l'ordre et de gestion des flux doivent être améliorées.
Les coûts risquent d'exploser, triste héritage budgétaire. Le budget n'est toujours pas clairement établi. Quelles garanties financières pour les collectivités territoriales ? Il est regrettable qu'elles ne soient pas associées à décisions pratiques, comme la circulation ou le stationnement, alors que cela réduirait l'impact environnemental.
Emmanuel Macron parle d'exemplarité environnementale, mais quelles mesures concrètes ? Les riverains verront leur qualité de vie se dégrader, avec la multiplication des publicités sur les monuments historiques et les espaces naturels. Alors que nous avions réussi à limiter la pollution visuelle des panneaux lumineux, les dérogations prévues sont une hérésie, en ces temps de sobriété énergétique.
Le GEST a tenté de recentrer la loi sur l'encadrement des JO, mais trop peu de ses amendements ont été retenus. L'équilibre du texte n'a pas été modifié ; il est dangereux pour nos libertés individuelles. Nous aurions souhaité une confrontation sereine sur notre modèle de société. Le GEST votera contre le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Didier Rambaud . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le compte à rebours est lancé : dans 542 jours, 4 heures et 9 minutes, les JOP de 2024 débuteront. Cette fête sportive et populaire fera la fierté des Français. Elle sera le socle d'un nouveau modèle de Jeux sobres, durables et inclusifs.
Ce projet de loi vise à répondre à de multiples enjeux : il ne s'agit pas d'un texte sécuritaire, n'en déplaise au GEST. Exprimer des désaccords, oui, mais qualifier ce texte de techno-sécuritaire, non : c'est injuste et faux.
Oui, ce texte sécurise le recours à la vidéoprotection, mais sans franchir la ligne rouge de la reconnaissance faciale. Le Sénat a apporté de nombreuses garanties pour limiter les dérives liberticides. Ce projet de loi autorise les scanners corporels à l'entrée des enceintes sportives, comme cela se fait dans les aéroports. S'agissant d'une procédure intrusive, l'amendement de M. Théophile a rendu le recueil du consentement obligatoire. Le visage ne pourra pas être reconnu et il n'y aura ni stockage ni enregistrement des données.
Oui, ce projet de loi renforce l'arsenal juridique pour plus de sécurité et de tranquillité. Nous devons tirer les enseignements des incidents passés : d'où des titres d'accès nominatifs, dématérialisés et infalsifiables. Non, nous ne sommes pas dans la surenchère sécuritaire. Nous apportons des précisions juridiques utiles au juge et reprenons des préconisations du rapport sénatorial sur les incidents au Stade de France. Une polyclinique sera créée au coeur du village. Les professionnels de santé étrangers pourront exercer. Le recours aux tests génétiques sera autorisé pour lutter contre le dopage. Des dérogations au repos dominical, conditionnées au volontariat des salariés et à l'octroi de compensations, sont prévues, y compris dans les communes à proximité des sites, pour éviter toute rupture d'égalité. Les moyens de Solidéo (société de livraison des ouvrages olympiques) seront mutualisés avec Grand Paris Aménagement. Les taxis PMR bénéficieront de nouvelles autorisations de stationnement. Oui, il est question de sécurité, mais aussi de sport, de santé et d'organisation.
Le Sénat a clarifié le statut de la polyclinique, renforcé les liens entre l'AFLD et Tracfin, pérennisé les tests génétiques et prévu un rapport de la Cour des comptes sur le bilan des JOP. Nos débats ont enrichi ce texte tout en préservant son équilibre.
Le RDPI votera ce projet de loi qui nous rassemble dans l'impatience d'assister à des Jeux qui s'annoncent historiques. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jérôme Durain . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En mars 2018, le Parlement était saisi d'un projet de loi sur l'organisation des JO, adopté à l'unanimité par un Sénat soucieux de la réussite de Paris 2024. Cinq ans plus tard, nous voilà de nouveau saisis. À l'initiative du groupe SER, le Sénat a ajouté au titre la mention « portant diverses autres dispositions » : ce n'est pas anodin.
Nous voulons la réussite des Jeux. Passe-t-elle par l'adoption de ce texte ?
Il comporte de nombreuses mesures utiles, sur l'offre de soins, sur la lutte contre le dopage. Les tests génétiques ont suscité de vifs débats. Nous nous félicitons de l'adoption de l'amendement de M. Lozach prévoyant l'échange d'informations entre l'AFLD et Tracfin. Le Sénat a également rejeté à raison le recours aux ordonnances pour l'application outre-mer.
Alors que la menace reste élevée, nous comprenons que le Gouvernement soit attentif aux questions de sécurité. Nous comprenons qu'il faille donner plus de pouvoir au préfet et mettre en conformité la vidéoprotection avec le droit européen. Mais nous ne sommes pas prêts à tout accepter.
De nombreuses mesures présentées comme des expérimentations temporaires sont amenées à être pérennisées. C'est ainsi que le Sénat a retiré tout caractère expérimental aux tests génétiques, ce qui déroge aux dispositions de notre code civil, issues des lois de bioéthique.
L'expérimentation concernant la vidéosurveillance automatisée dépasse de beaucoup la durée des JOP. Ce texte définit un nouveau standard de sécurité, or il ne constitue pas le véhicule législatif adapté à des choix aussi lourds.
Des associations de supporters, amies du monde sportif, ont exprimé leurs plus vives inquiétudes. Les articles 12 et 12 bis adoptés par le Sénat sont d'autant plus malvenus que le Gouvernement voulait renouer le dialogue avec les supporters. Faut-il envisager des peines de prison si des militants envahissent le Stade de France pour porter un message politique ?
Plusieurs voix à droite. - Oui !
M. Bruno Sido. - Il faut être dissuasif !
M. Jérôme Durain. - Parfois, la politique s'invite dans le sport et ces durcissements sont inutiles.
Plusieurs de nos amendements en lien direct avec les Jeux ont été déclarés irrecevables, notamment sur les transports en commun parisiens, la taxe de séjour dans les hôtels de luxe ou le travail le dimanche.
Notre groupe souhaite la réussite des Jeux, mais les discussions n'ont pas levé nos doutes. Face à l'accumulation d'expérimentations mal encadrées, nous choisissons une abstention exigeante. Nous espérons être rassurés au cours de la navette, notamment sur les moyens mis à disposition, sur la préservation de l'agenda culturel 2024 et surtout sur l'encadrement des expérimentations. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Mme Éliane Assassi . - Nous sommes très réservés sur ce texte qui parle plus de sécurité que de sport. Il contient un florilège de dispositions attentatoires aux libertés et aux droits fondamentaux, qui sont destinées à être pérennisées. L'exception doit demeurer temporaire, or ce texte la fait entrer dans le droit commun. Sous prétexte de sécuriser les JOP, on ouvre la boîte de Pandore.
Les droits fondamentaux sont niés par la vidéosurveillance algorithmique, alors que la France était jusqu'ici en pointe dans l'application du règlement général sur la protection des données (RGPD). L'intelligence artificielle est dépourvue de cadre légal, dans l'attente d'un règlement européen en cours d'élaboration. L'expérimentation ne garantit aucun résultat. Le droit au respect de la vie privée est balayé d'un revers de main. Vous entachez la popularité des JOP 2024, magnifique compétition, par votre durcissement sécuritaire tous azimuts.
Nous vous avons proposé d'assouplir le pointage ou la réglementation sur les engins pyrotechniques, car le tout-répressif que vous prônez va à l'encontre de la sécurité des supporters.
Le sport est une communion populaire. Or votre penchant sécuritaire, directement inspiré des coupes du monde de football de Russie et du Qatar, ne fera que saper les élans spontanés.
Le recours aux agents de sécurité privée ne sera pas au niveau des enjeux. Ne confondez pas sécurité privée et sécurité étatique, sinon vous risquez l'échec comme lors des JO de Londres.
Le Gouvernement aurait dû saisir l'occasion pour mener une politique volontariste en matière de sport, en cassant les barrières, sociales ou territoriales. Mais l'héritage économique et social fut à peine survolé. Les Jeux sont un enjeu culturel ; ne pas réfléchir à l'après, c'est du gâchis.
Notre groupe a posé la question de l'anticipation de l'accès aux soins à l'AP-HP, dont 15 % des lits sont gelés par manque de personnel. Si les besoins ne sont pas anticipés, le plan blanc devra être déclenché, suspendant tous les congés du personnel hospitalier...
Certains salariés devront travailler le dimanche. Or l'ouverture le dimanche n'entraîne aucune hausse de l'emploi ou de l'activité, comme l'a montré l'évaluation de la loi Macron de 2015. La remise en cause du repos dominical, c'est de l'antijeu pour nos droits sociaux !
Ce texte ne respecte pas l'équilibre entre sécurité et respect des droits fondamentaux et n'honore ni les JO ni leur esprit de fraternité. Le CRCE votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Martine Filleul applaudit également.)
M. Arnaud de Belenet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) En 2018, nous avions adopté une première loi sur l'organisation des Jeux. À moins de deux ans des JO, il était nécessaire d'adopter des mesures complémentaires.
Le groupe UC est favorable à l'adoption de ce texte, perfectionné par le Sénat.
À l'article 4, la rapporteure Canayer a proposé un compromis, qui permet une mise en conformité pérenne du droit français avec le code mondial antidopage, tout en conservant la prudence nécessaire pour les examens génétiques.
Le Sénat a fait oeuvre utile sur la vidéoprotection à l'article 7. Pour plus de transparence, il a adopté des amendements de MM. Durain et Tabarot.
Le Sénat n'a permis l'utilisation de l'intelligence artificielle que dans un cadre restreint, limité dans le temps et l'espace, sans utilisation de données biométriques. Les données ne sont ni collectées, ni traitées, ni stockées. Reste qu'il nous faudra créer un cadre juridique pour l'intelligence artificielle, comme le préconise le rapport de MM. Daubresse, de Belenet et Durain. Nous devrons en débattre de façon démocratique, apaisée et sereine.
Je salue le travail du rapporteur pour avis Claude Kern, qui a imposé les billets dématérialisés, nominatifs et infalsifiables. Autre avancée de la commission de la culture, le rapport de la Cour des comptes qui dressera le bilan des JOP. Nous devons cette transparence à nos concitoyens.
Enfin, je me félicite de l'application directe de ce projet de loi dans les territoires ultramarins, sans recours à une ordonnance.
Le groupe UC votera ce texte, amélioré par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions ; M. Max Brisson et Mme Laure Darcos applaudissent également.)
M. Bruno Sido. - Parfait !
M. Jean Louis Masson . - Ce second texte concernant les JOP est, je l'espère, le dernier sur ce sujet. Il complète l'arsenal déjà adopté.
Si l'on estime que certaines dispositions sécuritaires doivent être prises pour les JOP, il est logique qu'elles le soient plus largement. Je ne vois donc aucun inconvénient à ce que ces mesures soient étendues.
Les JO se dérouleront dans de nombreuses villes. Le recours à la vidéosurveillance n'est pas simple pour les petites communes qui pourraient avoir des difficultés à investir. Or les JO ont un caractère national : les régions devraient avoir le droit de soutenir l'investissement de ces communes.
M. Jean-Claude Requier . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Contrairement à Bernard Fialaire, je ne suis plus un grand sportif... (Rires et applaudissements sur de nombreuses travées)
M. Roger Karoutchi. - Mais si ! (Sourires)
M. Jean-Claude Requier. - ... mais je l'ai été, et je continue à suivre avec intérêt le parcours de nos sportifs.
Je salue nos handballeurs et nos footballeurs, même si nous prenons malheureusement l'habitude de perdre des finales. Espérons qu'Antoine Dupont et ses coéquipiers seront vainqueurs à la rentrée. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
Je regrette certains choix du Comité international olympique (CIO) : le skateboard plutôt que le karaté, la breakdance plutôt que la pétanque... J'aurais préféré l'inverse, question de génération sans doute. (Rires et applaudissements sur plusieurs travées)
Il était impératif que Paris et la France accueillent cet événement sans accroc sur le plan sanitaire, avec l'installation d'un centre de santé dans le village olympique, et sur le plan de la lutte contre le dopage, avec un dispositif pérenne et équilibré.
Il fallait aussi un accueil sans accroc en matière de sécurité. La peur d'une société orwellienne, sous surveillance, est souvent agitée de manière excessive, mais il faut savoir l'entendre. Ce projet, qui écarte la reconnaissance faciale, est mesuré, mais attention à la méthode des petits pas... Ces dispositifs n'auraient pas empêché l'assassinat de Samuel Paty ou l'attentat de Charlie Hebdo, pas plus que les incidents de mai dernier au Stade de France. Voir dans l'innovation technologique la solution évidente est une dangereuse chimère.
Même si nous voterons ce texte, le groupe RDSE rappelle son attachement aux libertés. Nous regrettons que nos amendements durcissant l'utilisation des données algorithmiques aient été rejetés.
Ce projet de loi introduit la possibilité de scanners corporels à l'entrée des enceintes, disposition améliorée par un amendement de Maryse Carrère. Nous sommes satisfaits du travail du Sénat, qui impose davantage de fermeté vis-à-vis des violences dans les enceintes sportives. Nous nous réjouissons aussi de l'adoption de l'amendement de Mme Delattre, qui a dit sa crainte de voir disparaître les maîtres-nageurs CRS des plages à l'été 2024.
Dans sa grande majorité, le RDSE votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du RDPI et du groupe INDEP)
Mme Agnès Canayer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je m'exprime au nom de mon groupe, non en tant que rapporteur. L'accueil des JOP représente un défi considérable, sur le plan de l'organisation, de la sécurité, de la lutte contre le dopage. Ils se tiendront devant 13,5 millions de spectateurs et 4 milliards de téléspectateurs, sur 37 sites, de Paris à Tahiti.
À la suite des événements du Stade de France, le 28 mai dernier, le Sénat a formulé des préconisations utiles, que nous avons reprises.
Sur la question du dopage, le texte initial nous proposait de déroger à la législation française pendant la durée des Jeux, afin de nous aligner sur le code mondial antidopage. Nous avons privilégié une mise en conformité plus durable du droit français, entourée de garanties s'agissant des examens génétiques. La France respectera ainsi le droit international pour de futurs événements sportifs. Nous avons conforté les dispositions spécifiques à la Polynésie française en bonne intelligence sénatoriale avec la collectivité de Polynésie et le Gouvernement.
La sécurité est un enjeu majeur, d'autant que la cérémonie d'ouverture le long de la Seine représentera un défi inédit. L'expérience récente du Stade de France doit servir de piqûre de rappel. D'où l'expérimentation de la vidéoprotection intelligente, pour identifier et neutraliser les risques liés au terrorisme ou aux mouvements de foule.
Comprenant les inquiétudes que peut nourrir cette technologie, nous avons perfectionné le dispositif, en affinant son objet, en améliorant l'information du public, et en entourant l'usage des données collectées de garanties supplémentaires. Cette expérimentation permettra à la fois de sécuriser les Jeux et d'évaluer en situation réelle les mérites de cette technologie. Idem pour le recours aux scanners à ondes millimétriques ou la mise en conformité avec le droit européen de la protection des données personnelles.
Notons aussi les apports de la commission de la culture pour lutter contre les entrées frauduleuses ou les violences en récidive dans les enceintes sportives.
Autre question clé : celle des coûts et de l'héritage des Jeux, qui se veulent les plus sobres et les plus écologiques de l'histoire récente. C'est impératif pour conserver l'adhésion des Français. Dans un souci de transparence démocratique, nous avons donc prévu un rapport de la Cour des comptes sur le coût et l'héritage des Jeux.
Nous avons en outre facilité l'obtention des autorisations de stationnement pour les taxis accessibles aux PMR.
Enfin, nous avons rendu le texte juridiquement plus solide et plus cohérent, et plus protecteur sur le plan des libertés individuelles.
Rappelons-nous les paroles de Pierre de Coubertin : « Chaque difficulté rencontrée doit être l'occasion d'un nouveau progrès ». À 542 jours de la grande fête du sport, soyons au rendez-vous. Notre groupe votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Le projet de loi est mis aux voix par scrutin public solennel.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°113 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 273 |
Pour l'adoption | 245 |
Contre | 28 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que du RDSE et du RDPI)
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques . - Je vous remercie, monsieur le président, pour l'attention personnelle que vous portez à ce chantier des JOP. Merci au Sénat d'avoir adopté ce texte, jalon indispensable à la préparation des Jeux. Je remercie les membres de vos commissions et tout particulièrement vos rapporteurs, pour leur minutie et leur engagement. Je salue les apports importants du Sénat, notamment sur l'instauration d'une billetterie infalsifiable, l'équilibre trouvé sur la sanction des violences ou le renforcement de la lutte contre le dopage.
Je vous sais tous engagés derrière la réussite de ces Jeux, et je suis attentive à vos interventions, afin de placer le sport un peu plus au coeur de notre société - y compris le rugby, monsieur le sénateur Requier ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)
M. le président. - Et la pétanque ! (Sourires)
La séance est suspendue quelques instants.
présidence de M. Alain Richard, vice-président
PLUi de la communauté de communes du Bas-Chablais
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à régulariser le Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté de communes du Bas-Chablais, présentée par M. Cyril Pellevat et Mme Sylviane Noël.
Discussion générale
M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi . - Ce texte, certes inhabituel, est capital pour la Haute-Savoie et le territoire du Chablais, car il permettra la réalisation d'une autoroute reliant Machilly à Thonon-les-Bains, projet structurant et très attendu.
Le Chablais est très attractif du fait de sa proximité avec la Suisse, de son dynamisme économique et de son potentiel touristique. D'où un important flux de véhicules, malgré le développement du rail et des modes de circulation alternatifs - le Léman Express, qui transporte 65 000 personnes quotidiennement, mais aussi la Véloroute des cinq lacs et le projet de RER Sud-Léman, sur lequel j'espère votre soutien, monsieur le ministre.
M. Loïc Hervé. - J'espère !
M. Cyril Pellevat. - Le report modal est évidemment à encourager, mais sans tomber dans la caricature : certains projets routiers resteront indispensables, car les habitants ne peuvent faire autrement que prendre leur voiture.
En outre, la liaison Machilly-Thonon est exemplaire d'un point de vue environnemental. La consommation de terrain sera compensée, le flux libre, la mobilité électrique ou encore le covoiturage seront encouragés.
Ce projet est urgent pour désenclaver le Chablais, uniquement desservi par des routes départementales, ce qui entraîne un flux incessant de voitures et de poids lourds, source d'embouteillages, de problèmes de sécurité, de tranquillité publique et de pollution. Des communes de 5 000 habitants voient passer 22 000 véhicules par jour, d'autres sont coupées en deux par la départementale...
La création de ce tronçon autoroutier a été étudiée dès la fin des années 1980. Ce n'est qu'en 2015 que le projet a enfin été publié. Chaque étape de la procédure, des consultations et enquêtes publiques ou études environnementales jusqu'à la déclaration d'utilité publique (DUP), fin 2019, a été remplie diligemment.
Pourquoi ce texte ? Concomitamment à la procédure de DUP, la communauté de communes du Bas-Chablais a élaboré, en 2015, un PLUi, définitivement arrêté en juillet 2019 - soit avant l'intervention de la DUP qui a eu lieu le 24 décembre. De ce fait, les zonages retenus ne font pas apparaître l'emplacement réservé au projet et le règlement ne comporte pas les règles nécessaires à sa réalisation, puisqu'il n'était pas possible d'inclure un projet non encore arrêté par une DUP.
L'EPCI ne pouvait plus corriger le tir, car aucune modification n'est possible une fois le document arrêté, sauf à entacher d'illégalité la procédure pour vice de forme.
Alors que toutes les études et procédures ont été réalisées, que toutes les communes sont favorables au projet, que les schémas de cohérence territoriale (Scot) et les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) le prennent en compte, que 90 % des habitants du territoire y sont favorables, nous ne pouvons lancer les travaux.
C'est un casse-tête juridique : un nouveau décret portant DUP serait considéré comme un détournement de procédure, une révision du PLUi ou l'adoption d'un nouveau PLUi prendrait trois ans, délai qui entraînerait une remise en cause du projet dans sa totalité.
D'où cette proposition de loi qui applique la mise en compatibilité prévue par le décret avec le PLUi du Bas-Chablais, sans effet rétroactif. La jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de validation législative est respectée.
Au passage, la problématique rencontrée dans le Chablais doit nous interroger sur la complexité du droit de l'urbanisme et invite à réduire l'amas de textes législatifs et réglementaires en la matière.
Selon le Conseil constitutionnel, la loi doit poursuivre un objectif d'intérêt général, respecter les décisions de justice, et la portée de la validation doit être strictement définie. C'est le cas ici.
Le projet a bien une valeur d'intérêt général : préservation de l'ordre public, sécurité et tranquillité publiques. L'intérêt est aussi économique, car on évitera ainsi les coûts induits par les retards. L'intérêt est enfin écologique, avec une baisse de la pollution due au passage de véhicules dans les centres bourgs.
De même, le droit au recours est respecté puisque tous les recours ont été purgés. La portée de la proposition de loi est strictement définie, sans laisser aucune porte ouverte. Aucun objectif de valeur constitutionnelle n'est méconnu.
Sur le long terme, ce projet d'autoroute sera plus bénéfique à l'environnement que le statu quo. Hormis une poignée de locaux qui s'y opposent, je ne vois que des personnes étrangères au Chablais prendre position contre. (Protestations sur les travées du GEST)
M. Jean-Claude Requier. - Ce sont des écolos !
M. Cyril Pellevat. - Les associations écologistes chablaisiennes ne se sont pas opposées au projet. Venez plutôt soutenir nos projets de RER Sud-Léman ou de Véloroute des cinq lacs !
Pour éviter de créer un territoire à deux vitesses, je vous invite à voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Martine Berthet, rapporteure de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi est atypique. D'apparence technique, elle pose une question concrète : un projet d'infrastructure d'intérêt général, ayant surmonté toutes les étapes administratives, doit-il être mis en échec par un enchevêtrement de procédures ?
Le droit de l'urbanisme s'est complexifié, les documents se sont multipliés, les procédures rigidifiées et allongées, ce qui renforce l'insécurité juridique : il faut entre quatre et six ans pour élaborer un PLU. Ce dialogue est encore plus complexe à l'échelle intercommunale.
Dans le cas présent, les collectivités territoriales du Bas-Chablais travaillent depuis des décennies à la réalisation d'une liaison 2x2 voies entre Machilly et Thonon-les-Bains pour désenclaver le bassin. Les procédures ont été respectées, jusqu'à la DUP en 2019, qui a prévu la mise en compatibilité simultanée des PLU des dix communes concernées.
La DUP a ouvert la voie à la réalisation de ce projet tant attendu. La communauté de communes du Bas-Chablais avait lancé l'élaboration de son PLUi en 2015, avant la relance du projet de 2x2 voies et l'a finalisé début 2020. Or la DUP n'avait pas prévu que l'adoption du nouveau PLUi viendrait écraser les modifications prévues des anciens PLU.
Il était impossible pour l'EPCI de modifier son PLUi, déjà soumis à concertation et enquête publique, impossible pour l'État de prendre une DUP modificative, en raison de la jurisprudence du Conseil d'État. Qui plus est, toute modification du PLUi à peine adopté suppose de reprendre l'ensemble de la procédure.
La proposition de loi vise à étendre les effets de la mise en compatibilité prévue par la DUP au nouveau PLUi, sans retard.
Notre commission a examiné ce texte atypique avec une exigence particulière. Premièrement, nous avons vérifié qu'il ne faisait pas échec à des décisions déjà prises et n'allait pas à l'encontre des compétences des collectivités. Il s'agit d'un texte aidant, et non d'un texte censeur. Le problème résulte bien d'une erreur lors de l'élaboration des documents d'urbanisme. Le Scot et le Sraddet prennent déjà en compte ce projet, qui suscite une grande adhésion locale. En outre, celui-ci a respecté l'ensemble des procédures, la DUP est purgée de tout recours, les quelques contentieux ont été rejetés par la justice. L'examen de cette proposition de loi n'est donc pas l'occasion de revenir sur le fond de ce projet.
Deuxièmement, il est impossible de parvenir au même résultat sans passer par la loi. Une révision de la DUP est impossible, celle du PLUi impliquerait des délais intenables, car la DUP actuelle arrive à terme en 2029.
Troisièmement, il s'agit d'un projet d'infrastructure essentiel pour la région, qui vise à réduire les inégalités territoriales. La population du Bas-Chablais vit comme une relégation l'absence d'infrastructure de qualité. Les accidents, la pollution, les nuisances sonores, touchent le coeur des villages et des hameaux.
Toutes les collectivités territoriales soutiennent ce projet et sont favorables à la DUP. Selon la Commission nationale du débat public (CNDP), seuls 10 % des participants à la consultation s'y sont opposés. Aucun recours en justice n'a abouti.
En dépit de sa démarche atypique, il convient de soutenir cette proposition de loi qui vise la réalisation d'un projet d'intérêt général. Nous l'avons adoptée en commission sans modification.
Chaque jour, nous appelons à la résorption des inégalités territoriales, à la réindustrialisation et à la simplification administrative : ce serait un comble de sacrifier un tel projet d'intérêt général, unanimement reconnu ! Ce projet doit être mené à bien, car il est très attendu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports . - Le Bas-Chablais et la Haute-Savoie attendent depuis longtemps cette liaison autoroutière. Bien que reconnue d'utilité publique en 2019, la construction de cette liaison est à l'arrêt, en raison de l'incompatibilité entre le PLUi et le projet. Or il ne s'agit pas d'un refus délibéré du projet, mais d'une erreur de traduction dans le nouveau PLUi de ce projet pourtant souhaité par tous.
Il convient donc d'y apporter une solution. Certes, il serait possible de faire évoluer le PLUi par les procédures classiques, mais les délais seraient très longs pour un projet ayant déjà respecté les procédures et apporté les garanties demandées. Ce choix relève désormais d'une décision démocratique, dont je laisse le Sénat juge.
J'ai entendu les arguments de ceux qui s'opposent au projet routier. Je partage la volonté de réduire les conséquences environnementales de nos infrastructures et de décarboner au maximum nos mobilités. Je m'y attache en soutenant le rail et le report modal, dans le sillage du Conseil d'orientation des infrastructures (COI).
Mais il faut être pragmatique : tous les villages ne seront pas demain accessibles par le train ou par des mobilités douces ! La voiture reste indispensable dans les zones rurales et de montagne. Nous avons besoin d'un transport routier plus durable, plus de transports en commun, d'électrification, de covoiturage, d'autopartage. L'ennemi de l'environnement n'est pas la voiture, mais son usage individuel et polluant.
En outre, les standards environnementaux s'améliorent, notamment en matière de traitement de l'eau ou de protection de la biodiversité. Ce projet offre toutes les garanties environnementales : le Conseil d'État a écarté le 30 décembre dernier l'ensemble des recours. Enfin, la route actuelle souffre de congestion, d'où des problèmes de sécurité et pour l'environnement.
Depuis le début, l'État soutient le projet. Je tiens à saluer les sénateurs Pellevat, Noël et Hervé, impliqués dans ce projet utile au territoire, qui répond à toutes les exigences réglementaires.
Si le recours à la loi pour modifier un PLUi doit rester exceptionnel, il revient aux sénateurs d'en apprécier l'opportunité. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur ce texte.
M. Daniel Salmon . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Élu depuis septembre 2020, je ne pensais pas avoir à m'exprimer sur un texte de cette nature. Élu en Ille-et-Vilaine, je dois me prononcer sur un PLUi de Savoie...
M. Loïc Hervé. - Haute-Savoie !
M. Daniel Salmon. - Élu local, je considère que les règles d'urbanisme sont les mêmes sur l'ensemble du territoire. Nous avons tous été confrontés à la modification ou à la mise en conformité de documents d'urbanisme. Ces règles, certes complexes, sont la garantie d'un aménagement du territoire respectueux du développement durable, d'une gestion économe de l'espace, d'une prise en compte des spécificités locales. Via les enquêtes publiques, elles fournissent une information éclairée aux citoyens.
Les auteurs de la proposition de loi plaident la négligence des élus ; mais d'autres signalent que les collectivités territoriales concernées étaient parfaitement informées des risques encourus... En m'y penchant de plus près, j'ai découvert que ce projet était un serpent de mer, objet d'un combat acharné entre partisans et opposants depuis trente ans.
Le nouveau PLUi ne mentionnait pas initialement le projet d'autoroute, malgré les demandes formulées par les services de l'État. Cela aurait supposé une évaluation environnementale et donc un allongement des délais. Selon les auteurs du texte, il nous faudrait réparer un oubli involontaire des élus locaux. Mais le Sénat n'est pas le lieu pour s'émanciper des règles d'urbanisme !
En outre, le COI souligne que ce projet local n'a pas de caractère prioritaire pour le système de transport national. Le Léman Express, qui a montré son efficacité avec 50 000 voyageurs par jour, pourrait être renforcé pour améliorer la desserte du Chablais.
Le présent texte court le risque d'une censure constitutionnelle : les arguments, notamment le retard dans la conclusion du contrat de concession, ne présentent pas un motif d'intérêt général. Or la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les lois de validation est très claire. En adoptant ce texte, nous créerions un fâcheux précédent. Le GEST votera contre ce texte incongru ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Claude Tissot applaudit également.)
M. Bernard Buis . - J'ai moi aussi été surpris, voire désarçonné, à la lecture de l'ordre du jour...
Certes, nous pourrions considérer que l'examen de ce texte au Sénat n'est pas opportun. Mais, passé l'étonnement, nous avons cherché à comprendre. Le projet de construction d'un axe autoroutier entre Annemasse, Machilly et Thonon-les-Bains date des années 1980. Inscrit au schéma directeur routier national en 1992, ce projet a reçu le soutien de Bernard Bosson et Pierre Mazeaud.
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. Bernard Buis. - L'A400 fut déclarée d'utilité publique le 6 mai 1995 ; mais le projet a été rejeté par le Conseil d'État en 1997. Vingt ans plus tard, une nouvelle DUP est signée en 2019, laissant espérer une concrétisation. La complexité des normes d'urbanisme et l'oubli de mise en compatibilité du PLUi en ont décidé autrement.
De manière exceptionnelle, nous soutiendrons cette solution législative qui permettra d'accélérer un projet qui a du sens, car la population du Chablais a plus que doublé entre 1960 et 2010, pour atteindre 130 000 habitants. Et il n'y a aucune route nationale.
En tant qu'élu de la Drôme, et plus précisément du Diois, je sais ce qu'enclavement veut dire. Un tiers des actifs du Chablais travaille en dehors du territoire, un quart en Suisse et 80 % d'entre eux utilisent leur véhicule, d'où un engorgement du réseau secondaire. Mettons un terme à ce serpent de mer de manière définitive. Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Loïc Hervé et Cyril Pellevat applaudissent également.)
M. Jean-Claude Tissot . - J'associe Christian Redon-Sarrazy à mon propos, pour expliquer la position de non-vote de mon groupe.
L'inscription de ce texte à l'ordre du jour nous a étonnés. Il s'agit d'une manoeuvre légistique pour permettre la réalisation du dernier tronçon de l'A400 qui désenclaverait les communes du Chablais.
Le PLUi du Bas-Chablais n'a pas pris en compte la réalisation de cette autoroute et annulé les mises en conformité. L'agglomération de Thonon a demandé une modification simplifiée du PLUi. Mais la Mission régionale d'autorité environnementale (MRAE) a demandé une enquête environnementale. Le PLUi devrait ainsi être révisé en respectant les procédures classiques, quitte à prendre du retard.
Les deux sénateurs Les Républicains de Haute-Savoie demandent donc au Sénat de forcer la révision du PLUi en invoquant un motif d'intérêt général. À quoi ressemblerait l'ordre du jour de notre assemblée si nous agissions tous de la sorte, à chaque cas particulier ?
Cette proposition de loi vise à accélérer un projet en contournant les règles en vigueur. Le texte ne respecte ni l'obligation de vigilance environnementale, ni la participation du public, ni le droit de recours. Recourir à la procédure législative pour un dossier local est impensable ! Comment demander au Sénat de passer outre les prérogatives des collectivités en matière d'urbanisme ? Comment une telle manoeuvre sera-t-elle perçue par les élus locaux ?
Malgré ces irrégularités, ce texte, soutenu par le Gouvernement, sera sans doute adopté à l'Assemblée nationale. Encore un exemple du mépris du Gouvernement à l'égard du Parlement : on adopte des lois essentielles sans vote, on régularise des dossiers locaux... Bientôt, le Gouvernement ne s'embarrassera même plus de nous consulter !
Voter ce texte créerait un dangereux précédent. Pour ne pas décrédibiliser le Sénat, notre groupe ne prendra pas part au vote. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Cécile Cukierman . - Le groupe CRCE s'est interrogé sur l'opportunité de légiférer sur le PLUi d'une collectivité précise, ouvrant la voie demain à d'autres intercommunalités.
Après avoir échangé ce week-end avec des élus de ce territoire, il m'est apparu qu'il fallait séparer les deux débats.
Ce projet est prévu depuis de nombreuses années. Les habitants et les élus, qui vivent un engorgement routier quotidien, le soutiennent dans leur grande majorité. Ils y ont cru, après la DUP et une enquête publique purgée de tout recours.
Il faut certes soutenir les transports alternatifs pour voyager autrement, mais il faut aussi tenir compte des réalités de relief : la desserte ferroviaire ne peut être la seule réponse.
S'agissant d'une compétence décentralisée, le Parlement n'a pas à proposer un projet alternatif à celui retenu démocratiquement par les collectivités territoriales. Il nous revient de corriger une erreur, en espérant que cela ne se reproduise pas.
Cela n'est toutefois pas certain : de plus en plus de compétences sont transférées aux collectivités territoriales - ce qui améliore les politiques publiques - mais les moyens ne suivent pas.
Il faudrait toujours accompagner la décentralisation d'une déconcentration, par laquelle des fonctionnaires d'État peuvent sécuriser la prise de décision des élus.
Mais il ne faudrait pas pénaliser la population par un retard supplémentaire. Cet axe routier réduira la pollution sonore. Notre groupe s'abstiendra.
M. Loïc Hervé . - Cet après-midi, l'avenir du Chablais nous réunit. C'est l'une des six provinces de la Savoie historique, entre lac et montagne. C'est un territoire dynamique de 100 000 habitants, à la fois touristique, agricole et industriel. Ne buvez-vous pas de l'eau d'Évian ou de Thonon régulièrement ?
Mais les infrastructures routières manquent. Le quotidien, ce sont les bouchons vers Genève, Annecy ou la vallée de l'Arve.
Le projet a quarante ans. Alors que nous nous approchons de la mise en concession, un écueil insurmontable risque encore de le retarder.
Certes, la régularisation par la loi, qui se fonde sur la hiérarchie des normes, est surprenante, inédite, voire innovante. Mais je fais confiance à la rapporteure et aux services de l'État, et j'apporterai mes suffrages à cette proposition de loi.
Si cette infrastructure routière mérite d'être réalisée, elle n'assurera pas à elle seule le désengorgement du Chablais : celui-ci sera multimodal ou ne sera pas.
Le Président de la République a souhaité développer des RER dans dix métropoles. Le onzième existe déjà : le Léman Express, où plus de trains doivent rouler, plus vite, et où il faut des parkings relais bien positionnés.
J'espère que l'étoile ferroviaire autour de Genève rendra au train toute sa place à l'Ouest, mais aussi à l'Est, permettant le bouclage du lac avec la remise en état de la voie ferrée dite du Tonkin.
N'oublions pas le bateau et la ligne de bus à haut niveau de service. Le vélo, avec la ViaRhôna, et les autres mobilités douces sont aussi à privilégier.
Nous avons besoin d'un chef d'orchestre pour fédérer les initiatives et suivre les engagements politiques. Monsieur le ministre, que l'État joue totalement son rôle pour vérifier que les projets soient menés de concert et que le Chablais soit désenclavé ! Nous le devons aux Chablaisiens pour une mobilité digne. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je vous prie d'excuser Christian Bilhac, qui n'a pu venir à Paris aujourd'hui.
Ce projet déclaré d'utilité publique n'apparaît pas dans le PLUi du Bas-Chablais, en raison de problèmes de procédures causés par une modification du périmètre de l'intercommunalité.
L'enquête publique, menée en 2018, porte sur une 2x2 voies autoroutière sur 16,5 km pour prolonger le contournement de Thonon-les-Bains.
Afin de ne pas retarder davantage le projet, il est proposé de recourir à la loi plutôt qu'à une modification simplifiée de PLUi.
Première remarque de principe : si le législateur doit intervenir à chaque difficulté d'un PLUi, Sraddet ou autre, il nous faudra siéger 52 semaines par an !
Deuxième remarque : le projet s'inscrit dans une démarche d'insertion environnementale exemplaire ; mais dans le même type de projet dans l'Hérault, de nombreuses contestations juridiques d'associations environnementales avaient entraîné un retard de dix ans. Loin de moi le souhait que ce projet connaisse le même sort... Mais on pourrait bien redécouvrir sur son tracé de nombreuses espèces rares inconnues du grand public...
En l'absence de motif d'intérêt général impérieux, le RDSE ne participera toutefois pas au vote. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Sylviane Noël . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie la rapporteure Martine Berthet pour son travail rigoureux et sérieux.
De quel territoire parlons-nous ? De la région la plus septentrionale des Alpes françaises, dont la population a crû de 16 % en dix ans, qui abrite des activités économiques de premier plan - je pense à l'usine d'embouteillage de l'eau d'Évian, la première de France avec 6 millions de bouteilles par jour - et des échanges internationaux de premier ordre, avec Genève et le canton de Vaud.
C'est aussi le dernier territoire de France couvert par un EPCI à fiscalité propre, lequel a été créé sous la contrainte. Ce n'est en effet qu'en 2017 que la ville de Thonon-les-Bains a constitué sa communauté d'agglomération, laquelle a absorbé en 2019 la communauté de communes du Bas-Chablais.
Celle-ci avait voté un PLUi en 2015, puis Thonon Agglomération, qui l'avait absorbée, a approuvé le sien le 25 février 2020 ; mais le 24 décembre 2019 était signée la DUP du Premier ministre, portant MEC des PLU des communes concernées. L'absence de l'autoroute dans le PLUi est donc due à un défaut de vigilance de tous les services, dans un contexte d'enchevêtrement de procédures.
Or c'est une infrastructure vitale pour désenclaver le territoire chablaisien. Des 2x2 voies existent aux extrémités du projet et seront complétées. Mais entre les deux, se trouve un goulet d'étranglement de 16 km, avec de nombreuses traversées d'agglomérations, qui subissent jusqu'à 22 000 véhicules par jour. Il est inconcevable de laisser une telle circulation sur le réseau secondaire, comme l'actualité nous l'a encore rappelé il y a quelques jours, avec l'explosion d'un camion-citerne en agglomération.
L'ensemble des procédures ont été validées et tous les recours ont été purgés. La procédure de validation législative est parfaitement encadrée et répare une pure erreur de procédure.
Le Parlement examine en moyenne une vingtaine de cas similaires : nous avons ainsi légiféré sur la clairette de Die, sur des procédures locales pour les jeux Olympiques et Paralympiques...
Nous sommes nombreux à avoir été élus locaux : un projet attendu depuis trente ans, soutenu par une immense majorité des collectivités territoriales, entreprises et citoyens, doit être validé.
Les élus de notre territoire déplorent chaque jour les lourdeurs administratives. Dans sa grande sagesse, le législateur a permis de corriger ces erreurs et omissions. Ne nous privons pas de cette possibilité, mais inspirons-nous de ce cas pour simplifier davantage ces démarches sources de contentieux.
La chambre des territoires doit prouver son pragmatisme en votant massivement ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. Claude Malhuret . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le Bas-Chablais est un territoire prospère et attractif, dont la population croît, et qui bénéficie de la beauté des rives du Léman. C'est un axe stratégique vers la Suisse. Face à l'augmentation rapide des flux routiers, les élus locaux tirent la sonnette d'alarme depuis des années.
Attendue par les habitants, la construction d'une liaison autoroutière entre Machilly et Thonon est annoncée depuis plusieurs années. Les recours devant le Conseil d'État ont été examinés. Le projet en est sorti renforcé dans son caractère d'intérêt général.
Après diverses péripéties, le projet a été déclaré d'utilité publique en 2019, ce qui entraîne la MEC des PLU des communes concernées, mais des aléas de calendrier ont empêché le projet de figurer dans le PLUi.
Cette proposition de loi est dérogatoire et inhabituelle, mais ce projet est essentiel. Nous pouvons adapter le droit à cette situation locale. Le groupe Les Indépendants votera ce projet d'intérêt général. Le recours à la loi semble la solution la moins imparfaite en mettant fin à la paralysie administrative, même si une telle démarche doit rester exceptionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
Discussion de l'article unique
M. le président. - Amendement n°1, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
Supprimer cet article.
M. Daniel Salmon. - Cette proposition de loi soulève de graves problèmes constitutionnels et s'émancipe des règles en vigueur en matière environnementale : vigilance, participation du public, droit au recours. C'est inacceptable sur la forme, mais aussi sur le fond : accélérer la construction d'une autoroute en 2023 est anachronique et nie l'urgence climatique. Prenons le temps ! Un projet qui semblait souhaitable hier peut se révéler néfaste pour demain.
Mme Martine Berthet, rapporteure. - Avis défavorable. Il s'agit d'un projet d'intérêt général validé par les élus et soutenu par la population, toutes les consultations ayant été faites. Il n'est pas question d'aller à l'encontre des prérogatives des collectivités ni de réduire l'information du public, mais d'éviter de repasser par toutes ces étapes.
M. Clément Beaune, ministre délégué. - Même avis. Le Sénat doit pouvoir se prononcer sur l'ensemble du texte, sur lequel le Gouvernement a émis un avis de sagesse.
À la demande de la commission des affaires économiques, l'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°114 :
Nombre de votants | 265 |
Nombre de suffrages exprimés | 264 |
Pour l'adoption | 12 |
Contre | 252 |
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
L'article unique est adopté.
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. - Amendement n°2, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
Après les mots :
visant à
insérer les mots :
contourner le droit de l'urbanisme pour
M. Daniel Salmon. - Essayons d'être clairs sur le titre de cette proposition de loi atypique : précisons qu'elle vise à contourner le droit de l'urbanisme dans le but de régulariser le PLUi de la communauté de communes du Bas-Chablais. (Mme Françoise Gatel ironise.)
M. Loïc Hervé. - Ce n'est pas très respectueux ! (Mme Sophie Primas renchérit.)
Mme Martine Berthet, rapporteure. - Avis défavorable, bien sûr ! Le titre proposé ne reflète ni le contenu ni l'intention du texte. La dérogation se justifie par l'absence d'alternative réaliste et l'intérêt du projet.
M. Clément Beaune, ministre délégué. - Avis défavorable.
M. Thomas Dossus. - Au contraire, l'intitulé proposé reflète bien l'intention du texte. Nous sommes en train de créer un précédent dangereux, en intervenant sur un document non conforme à la loi.
Selon l'un des coauteurs du texte, on ne pourrait pas se prononcer si l'on ne vient pas du territoire concerné ? Il nous faudrait désormais avaler tout ce qu'on nous raconte ? C'est inquiétant !
Qu'une autoroute soit vertueuse pour l'environnement me laisse perplexe. Nous avons bien compris la fumisterie qu'est devenue la compensation carbone...
Ce projet a été imaginé dans les années 1980. Le Président de la République nous dit qu'on ne fait pas assez pour la transition écologique, mais le ministre favorise « en même temps » la route et le rail.
Cette fuite en avant dans les projets routiers est préoccupante. Il y en a pour des milliards d'euros dans les cartons des collectivités...
Mme Cécile Cukierman. - Nous ne pouvons pas dire qu'il faut renforcer le pouvoir des élus locaux et stigmatiser leurs projets. (M. Thomas Dossus proteste.)
Défendons le train, mais il ne peut pas passer partout. En l'occurrence, il est urgent de désengorger certaines communes traversées au quotidien. Les différents modes de transport y oeuvrent en complémentarité.
Ne prêtons pas le flanc aux critiques en laissant entendre que nous ne prendrions pas au sérieux notre travail de législateurs.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission. - Monsieur Dossus, je comprends qu'on soit contre cette proposition de loi. En revanche, quand vous nous dites que certains cherchent, au Sénat, à faire avaler des mensonges, c'est irrespectueux. La rapporteure a fait un travail sérieux. Excusez-vous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
M. Thomas Dossus. - Je veux bien présenter mes excuses si j'ai été mal compris : je ne visais pas la rapporteure, mais plutôt le coauteur du texte, selon lequel on ne saurait s'exprimer si on ne vient pas du territoire concerné.
M. le président. - Évitons les mises en cause personnelles, cela vaudra mieux.
M. Daniel Salmon. - Les alertes se multiplient, l'urgence est là. Il faut prendre le temps d'analyser les projets. Un moratoire s'impose sur les projets autoroutiers.
M. Loïc Hervé. - Comme sur le nucléaire ?
M. Daniel Salmon. - Et ce n'est pas le développement des véhicules électriques qui réglera le problème. Ce genre de projet n'a plus lieu d'être en 2023.
À la demande du GEST, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°115 :
Nombre de votants | 265 |
Nombre de suffrages exprimés | 246 |
Pour l'adoption | 234 |
Contre | 12 |
Le Sénat a adopté.
La séance est suspendue quelques instants.
Protection des épargnants
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, à la demande du groupe Les Républicains, présentée par MM. Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier.
Discussion générale
M. Albéric de Montgolfier, auteur de la proposition de loi . - Cette proposition de loi résulte d'un long processus que j'ai engagé en 2020 comme rapporteur général du budget, dans un contexte de taux bas et d'épargne forcée. Les taux sont désormais élevés, mais l'inflation est forte. Nos recommandations restent néanmoins toujours d'actualité.
Les douze articles initiaux de cette proposition de loi prolongent les dix-sept recommandations du rapport d'information que M. Husson et moi-même avons présenté en octobre 2021.
Lors des débats en commission, vingt amendements, dont huit portant articles additionnels, ont complété cette proposition de loi. Je salue nos échanges constructifs avec le ministère, l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Le marché de l'épargne est dynamique, mais se distingue par la prédominance de la bancassurance, ce qui nuit à la concurrence, et des frais plus élevés que la moyenne européenne.
L'inflation est de 5,2 % en moyenne en 2022. Plus de la moitié des résultats d'une épargne de plus de trente ans est captée par des frais.
Comment y échapper ? Je vous présenterai les premier et quatrième chapitres de notre proposition de loi.
L'article 1er supprime les commissions de mouvement, qui entraînent une double charge, mais également un risque inhérent de conflit d'intérêts, puisque le gestionnaire de portefeuilles peut être incité à faire tourner l'épargne sans fondement, pour multiplier les commissions. Celles-ci sont une spécificité française. L'AMF a modifié son règlement général pour les interdire au 1er janvier 2026. Ayant obtenu gain de cause, nous vous proposerons de supprimer l'article.
À l'article 2, nous proposons d'introduire une définition de l'arbitrage et du mandat d'arbitrage dans le code des assurances. Il faut opérer un rapprochement réglementaire entre les produits assurantiels et les produits financiers et mettre fin à certaines pratiques hétérogènes. Après le passage en commission, il est désormais pleinement conforme au droit européen, mais aussi plus tranchant.
Le chapitre 4 améliore l'encadrement des acteurs et des intermédiaires. L'Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (Orias) ne dispose pas des moyens d'assurer sa mission.
Le contrôle par les associations professionnelles n'est pas optimal et suscite des interrogations sur les risques de complaisance.
Pour que la corégulation fonctionne, il faut que les associations professionnelles soient elles-mêmes contrôlées. C'est le rôle que nous confions à l'ACPR.
Nous sommes parvenus à un compromis satisfaisant sur l'encadrement des intermédiaires en défiscalisation dans le secteur de l'investissement locatif. Tous les ministres du logement ont voulu régler définitivement le problème du logement en créant leur dispositif fiscal, comme le Bouvard, le Censi ou le Pinel ; mais certains intermédiaires le vendent en insistant sur les réductions d'impôts, oubliant de mentionner les risques induits. La présidente de la commission des finances Michèle André avait ainsi vu de la publicité vantant des logements étudiants... à Riom !
L'article 11 encadre plus strictement le travail des intermédiaires, qui devront indiquer l'ensemble des risques d'investissements et remettre obligatoirement une notice d'information aux épargnants, sous peine d'amende administrative prononcée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Nous avons étudié avec l'AMF les conditions d'un contrôle accru sur ces investissements immobiliers qui représentent des montants bien plus élevés que ceux de l'épargne financière - 44 000 euros en moyenne seulement. Nous demandons donc un rapport sur les moyens nécessaires à un contrôle systématique des offres que nous appelons de nos voeux.
L'article 12 vise à mieux réguler le secteur du financement participatif pour éviter le blanchiment. Il faut mieux protéger les épargnants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission des finances . - Je salue la qualité de nos échanges avec le ministère et les autorités de supervision. Nous avons entendu de nombreux acteurs, avec lesquels nous partagions les objectifs, sinon les moyens.
Nous avons deux moyens d'agir sur les frais : interdire les frais inopportuns ou redondants, comme à l'article 1er, ou garantir les conditions d'un choix éclairé des épargnants par la prise en compte de tous les frais dans le calcul de la performance.
Nous ne parlons pas d'un document illisible, vite rangé au fond d'un tiroir, mais d'un affichage des coûts complets qui stimule la concurrence et incite à la baisse des frais.
L'article 3 impose de présenter les fonds indiciels cotés disponibles. Ces fonds, au niveau de frais inférieur à celui des fonds de gestion active, ne sont quasiment jamais proposés à la souscription malgré leur performance, car ils sont moins rentables pour l'intermédiaire. Leur présentation entraînerait une saine concurrence.
Les distributeurs traditionnels, qui ont la confiance des épargnants, doivent s'en emparer s'ils ne veulent pas être dépassés par les nouveaux acteurs en ligne.
L'article 4 remédie à un obstacle que nous connaissons de longue date : l'impossibilité de disposer d'une information claire sur les frais totaux des produits financiers. Les épargnants pourront accéder à une information lisible sur les sites internet des établissements et les informations communiquées ne se borneront pas à la performance annuelle mais présenteront aussi la performance pluriannuelle des produits.
Le Comité consultatif du secteur financier, dans un format rappelant celui de l'Observatoire des tarifs bancaires, sera chargé de suivre les pratiques tarifaires de l'assurance vie et des plans d'épargne en actions (PEA), ouvrant la voie à une comparabilité des produits. C'est une avancée capitale au service de la transparence. Les unités de compte seront classées par performance nette, charge ensuite au conseiller de constituer le panier de produits le plus approprié. Peu de personnes comprennent spontanément ce que l'on veut dire par plus-value potentielle, par exemple.
Au chapitre 3, nous levons les contraintes sur certains produits d'épargne et encourageons une véritable concurrence sur le marché de l'épargne. L'article 5 vise à instaurer un droit à l'erreur en cas d'achat de titres inéligibles au PEA.
Sur notre proposition, la commission a supprimé l'article 6 sur le dispositif Madelin. Nous sommes prêts à attendre son évaluation avant de proposer de nouvelles mesures.
L'article 7 assure la transférabilité des contrats d'assurance vie. Il lève les obstacles au transfert interne et consacre un droit opposable au transfert externe sous deux mois, avec portabilité de l'ancienneté et moyennant des frais limités, ce qui marquera un indéniable progrès. Nous donnons ainsi leur pleine portée aux mesures de la loi Pacte. Comme il y a trois ans, d'aucuns poussent des cris d'orfraie, cette fois au sujet de la transférabilité externe ; mais nous mettons en place des garde-fous pour l'encadrer, en particulier la durée minimale de huit ans.
De fortes contraintes pèsent sur les épargnants en l'absence de portabilité. Par exemple, de plus en plus d'épargnants souhaitent verdir leur épargne. Veut-on qu'ils restent captifs ? Si telle est votre position, monsieur le ministre, vous êtes has been... Cette mesure encouragera aussi des pratiques de conseil plus actives.
Seule la conjonction des deux types de transférabilité assurera le libre choix des épargnants.
L'article 7 bis institue un devoir de conseil dans la durée pour les intermédiaires et les assureurs. Quant à l'article 7 ter, il prévoit expressément une obligation de respect des engagements contractuels en cours d'exécution.
Le chapitre III porte sur les plans d'épargne retraite (PER) - sans préempter le débat que nous aurons prochainement. L'article 8 proroge jusqu'en 2026 l'incitation fiscale au transfert de l'épargne d'un contrat d'assurance vie. Enfin, à l'article 9, la Caisse des dépôts et consignations se voit confier la gestion d'un fonds de fonds, afin de fournir aux épargnants un produit peu chargé en frais.
Avec l'ensemble de ces mesures, nous protégeons les particuliers et soutenons le marché de l'épargne en France. Le chemin est ouvert : ne perdons pas de temps, soyons au rendez-vous de la responsabilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications . - Cette proposition de loi renforce l'information et la protection des épargnants, ainsi que la répression de certaines pratiques. Le Gouvernement accueille très favorablement ce texte, qui complète des évolutions récentes. À l'exception toutefois de deux articles, sur lesquels je reviendrai - quitte à vous paraître un peu has been...
En matière d'information, le Gouvernement souscrit aux objectifs du texte. Il soutient la suppression des commissions de mouvement, peu transparentes. L'article 3 instaure une obligation de présentation des ETF (Exchange Traded Fund) afin de développer une classe d'actifs aux coûts faibles, mais dont la performance suit les marchés actions : c'est fondamental.
L'article 4 prolonge les efforts de la loi Pacte en matière de transparence des frais des contrats d'assurance vie et des PER. Ces mesures exerceront une pression à la baisse sur les frais, stimulant ainsi le rendement de l'épargne. Nous saluons la création d'un Observatoire de l'épargne. Grâce à ces mesures, les épargnants seront en mesure de faire des choix plus éclairés.
Le texte encadre certaines pratiques, notamment en créant un mandat d'arbitrage en assurance vie. Le Gouvernement partage l'objectif des rapporteurs et proposera des modifications sur le champ d'application, les obligations du mandataire et la place des prestataires.
Le texte encadre plus fortement le contrôle des offres de vente de biens immobiliers dans le cadre de dispositifs fiscaux. Le Gouvernement soutient ces dispositions, sauf la demande d'un rapport d'évaluation, inutile compte tenu des travaux de la DGCCRF. Le Parlement a toute latitude pour solliciter ces informations à droit constant.
Le Gouvernement se réjouit du renforcement des pouvoirs d'enquête de l'AMF, dont la crédibilité est essentielle à l'intégrité du marché et à la confiance des épargnants.
En ce qui concerne la lutte contre le blanchiment, l'article 12 renforce les obligations déclaratives en matière de financement participatif pour une fraction des acteurs non encore couverts. (Mme Nathalie Goulet s'en félicite.)
Je salue le travail mené en complémentarité avec Bruno Le Maire sur la transparence des frais et remercie les rapporteurs pour la qualité des échanges.
Nous avons une divergence d'appréciation sur l'article 7. Nous sommes favorables au renforcement de la transférabilité interne des contrats d'assurance vie, mais la transférabilité externe ferait peser des risques sur la stabilité financière et le financement de l'économie. Les transferts obligeraient les assureurs à réaliser les moins-values latentes en liquidant des obligations pour servir les demandes des assurés. Les épargnants seraient les premiers perdants, car les rendements seraient réduits, les actifs se dirigeant vers des rentabilités plus courtes. L'encadrement prévu est insuffisant pour limiter ces risques.
La loi Pacte a ouvert la possibilité de transférabilité interne. Nous sommes favorables à ce qu'on aille au bout de cette logique.
À l'article 9, la création d'un fonds indiciel coté ne paraît pas opportune. Les initiatives de la Caisse des dépôts et consignations ne doivent pas être redondantes avec celles du secteur privé, afin de jouer un rôle contracyclique. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Georges Patient . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) L'accumulation des frais ampute parfois toute espérance de rendement : tel est le constat de Jean-Paul Faugère, vice-président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui ajoute que la mention obligatoire de ces frais sur les sites internet des établissements n'a pas contribué à leur baisse, bien au contraire. Une nouvelle recommandation des autorités sur ce point est d'ailleurs attendue courant 2023.
C'est dire si cette proposition de loi tombe à point nommé pour mieux protéger les épargnants. Elle fait d'autant plus consensus qu'elle reprend les conclusions d'une mission de contrôle transpartisane.
Les rapporteurs ont mis l'accent sur certains problèmes qui pénalisent lourdement les épargnants : concurrence entre acteurs, nombreux intermédiaires, frais élevés, faiblesse de la gestion passive.
Certains acteurs auditionnés ont tenu un discours radical sur l'état du marché de l'épargne, notamment pour les commissions de mouvement : chaque année, 500 millions d'euros sont prélevés indûment à ce titre, alors que ces pratiques sont interdites dans les autres juridictions européennes.
Si le dialogue des rapporteurs avec Bercy a été constructif, trois mesures soulèvent des interrogations au sein de mon groupe.
À l'article 5, d'abord, ne risque-t-on pas d'inciter au placement de titres non éligibles sur les PEA ?
Ensuite, à l'article 7, nous doutons que la transférabilité fasse baisser les tarifs, alors qu'elle risque d'être défavorable au financement de l'économie en favorisant les placements à court terme et sans risque.
Enfin, le transfert de la gestion des PER à la Caisse des dépôts et consignations est-il opportun en pleine réforme des retraites ?
Espérons que nos débats permettent de lever les doutes sur ces questions.
Nos compatriotes ultramarins payent leurs produits financiers 10 % plus cher que dans l'Hexagone. J'espère que le comparateur officiel des tarifs bancaires sera enrichi rapidement avec les données relatives aux PER et assurances vie.
M. Rémi Féraud . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie les rapporteurs pour leur travail. Cette proposition de loi destinée à renforcer la protection des épargnants comprend de nombreuses mesures techniques que le groupe SER soutient : définition harmonisée de l'arbitrage en assurance vie, instauration d'un devoir de conseil pour les intermédiaires et les assureurs. L'article 7 ter impose le respect des engagements contractuels au cours de la vie du contrat, et l'article 13 renforce les pouvoirs du collège de l'AMF en lui permettant d'imposer des astreintes.
L'interdiction des commissions de mouvement va dans le sens des mesures que nous avions défendues dans le cadre de notre proposition de loi sur l'encadrement des frais bancaires.
Toutefois, nous regrettons la présence de deux mesures de défiscalisation, qui changent la portée du texte, à l'origine consensuel. Je me réjouis que les rapporteurs aient proposé en commission la suppression de l'article 6.
Quelques éléments d'ordre fiscal demeurent néanmoins dans le texte : l'article 5 élargit un avantage fiscal aux PEA et l'article 8 proroge une disposition d'optimisation fiscale. (M. le ministre approuve.)
Alors que la mobilisation contre la réforme des retraites est très importante, un tel dispositif n'est pas du tout opportun. Nous proposerons la suppression de cet article, d'autant que les auteurs du texte se sont déclarés favorables à son retrait.
Nous ne sommes pas opposés à ce texte, qui rejoint des mesures que notre groupe a défendues. Nous avons bien entendu les réserves des assureurs sur la transférabilité externe des contrats, reprises presque mot pour mot par le Gouvernement. Preuve que nous ne pouvons pas tout attendre de la bonne volonté des acteurs : il faut légiférer pour rétablir un équilibre.
Sous réserve de la suppression des mesures dont j'ai parlé, le groupe SER sera favorable au texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Pascal Savoldelli . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Ce matin, en commission, Albéric de Montgolfier m'a demandé avec humeur et humour si j'étais gréviste. Ma présence à la tribune doit le rassurer, même si je soutiens la forte mobilisation d'aujourd'hui, car les retraites sont au coeur de notre modèle social.
Difficile de ne pas voir dans ce texte un agenda troublant : il encourage la retraite par capitalisation... (On s'exclame à droite.)
Votre complicité, certes chaotique, avec le Gouvernement sur la réforme des retraites trouve ici une preuve supplémentaire de vos visées communes. Vous vous félicitez de protéger les épargnants. Vous avez raison : épargnant sonne mieux que rentier... (Protestations amusées à droite et sur certaines travées au centre)
Selon une étude du Crédit mutuel, les 5 % les mieux dotés en patrimoine ont augmenté leurs dépôts bancaires de 21 000 euros entre fin 2019 et fin 2020, tandis que les 50 % de Français aux patrimoines les plus modestes n'ont économisé que 800 euros sur un an. Pour eux, pas de billets sous le matelas...
Que ceux qui n'ont pas d'épargne financiarisée cessent de suivre nos débats : ils ne sont pas concernés ! La suppression de l'article 1er, le seul qui régulait la gabegie des frais, est un recul important. Vous légiférez sous l'autorité des marchés financiers - vous l'avez d'ailleurs reconnu.
Cette proposition de loi privilégie les épargnants qui détiennent des assurances vie ou un PER pour préparer leurs vieux jours, à moins que ce ne soit pour mettre à l'abri de l'administration fiscale des sommes colossales - 2 237 milliards d'euros d'encours d'assurance vie !
Bruno Le Maire - il faut bien faire parler les absents... - prétend, encouragé par la droite sénatoriale, que le PER est un succès majeur. Quelle ironie ! L'encours de 70 milliards d'euros du nouveau PER provient à 79 % des anciens produits d'épargne retraite... La loi Pacte a au moins eu le mérite de remplacer le plan d'épargne populaire de M. Fillon par un plan d'épargne individuel qui dit mieux son nom.
Les rapporteurs ont dit soutenir la suppression de l'article 8. Vous évitez de mettre de l'huile sur le feu, mais tout de même...
Selon Mariem Karoui, de Haussmann Patrimoine, le PER est conseillé principalement aux personnes imposées à 41 %, soit la tranche d'imposition maximale, pour ceux qui ont un revenu fiscal de référence de 80 000 euros - une paille ! L'épargne retraite restera-t-elle un marché de niche, réservée à une petite minorité ? J'ai une petite idée de la réponse...
L'article 9 favorise les retraites par capitalisation, c'est-à-dire le chacun pour soi, par l'entremise de la Caisse des dépôts et consignations. Alors que l'épargne la plus sûre et la plus juste est la socialisation des salaires, les peurs alimentées depuis des années poussent les Français vers des placements financiarisés dont ils ignorent les finalités sociales et écologiques.
Nous voterons près de la moitié des dispositions, mais pas le texte : il évacue le rendement social et écologique, ainsi que 5 727 milliards d'euros d'épargne populaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Michel Canévet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Voilà peu, on disait : travailler plus pour gagner plus. Nos rapporteurs ont trouvé une autre formule : payer moins pour gagner plus.
M. Roger Karoutchi. - C'est bien aussi...
M. Michel Canévet. - Le groupe UC les félicite pour le travail important qu'ils ont accompli.
L'épargne des ménages représente un peu moins de 6 000 milliards d'euros, soit deux fois la dette de la France. Nous partageons les préoccupations du ministre de l'économie et des finances sur la dette, mais nous pouvons compter sur une épargne abondante.
Épargner, monsieur Savoldelli, n'est pas un gros mot. Un Français sur trois dispose d'un contrat d'assurance vie.
L'opacité qui entoure les frais est inacceptable. Les épargnants doivent savoir ce qu'ils paient, ce qui est déjà prévu pour les comptes bancaires. Nous avons déposé plusieurs amendements pour enrichir les propositions des rapporteurs. (M. Hervé Maurey le confirme.)
Nous regrettons que la suppression des commissions de mouvement, une singularité française qui ne se justifie plus, n'intervienne pas avant 2026. Nous suivrons toutefois les rapporteurs.
Les frais prélevés en cas de succession doivent être encadrés (Mme Nathalie Goulet renchérit) ; les pratiques en la matière sont disparates et opaques.
J'en viens à la transférabilité des contrats d'assurance vie, consacrée par la loi Pacte. Il n'y a pas de raison de ne pas aller plus loin en prévoyant la transférabilité externe, pour mieux respecter la concurrence et le choix des épargnants - moyennant certaines précautions, prévues par nos rapporteurs.
L'épargne doit servir au maximum l'économie. Les préoccupations actuelles, notamment la transition écologique, doivent être prises en compte. Messieurs les rapporteurs, reconsidérez votre position sur les amendements relatifs à la finance verte, afin d'orienter l'épargne vers l'accélération de la transition.
Je remercie Albéric de Montgolfier d'avoir introduit plus de transparence sur les produits de défiscalisation dans l'immobilier, car nombre de nos concitoyens se fourvoient dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu'au banc des commissions ; Mme Vanina Paoli-Gagin applaudit également.)
M. Jean-Claude Requier . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Après la période budgétaire, la commission des finances retrouve le temps de se pencher sur des sujets précis : aujourd'hui, la protection des épargnants.
L'épargne est entrée dans une nouvelle zone de risque en raison notamment de l'inflation : la valeur des fonds placés s'érode.
Notre taux d'épargne est un des plus élevés au monde. Pessimisme ou prévoyance ? En tout cas, on est loin d'un comportement de cigale... Voilà un siècle, la France était considérée comme la banque du monde, malgré certaines déconvenues - emprunts russes, notamment.
En 2021, le taux d'épargne français atteignait environ 18,7 % du revenu disponible brut, après avoir bondi en 2020 sous l'effet de la crise sanitaire. En tendance longue, il est de 15 %, contre 6 % aux États-Unis et 10 % en Allemagne. Seule la Suisse présente un taux supérieur.
Le marché de l'épargne souffre de défauts structurels préjudiciables aux épargnants. Les Français préfèrent l'épargne réglementée, peu risquée, mais moins rémunératrice. Faut-il s'orienter vers une gestion à l'américaine, plus risquée ?
Alors que les frais représentent un coût important, il fait assurer une information claire, comme l'a souligné en commission Christian Bilhac : valeur nette des placements, frais, plus-values potentielles...
Les auteurs de la proposition de loi avancent qu'un particulier faisant le choix précoce de l'épargne pour sa retraite pourrait se voir appliquer des frais à hauteur de 55 % : comment expliquer ce chiffre ?
Si l'encadrement des frais et la transparence renforcée sont de bonnes mesures, je m'interroge sur le bien-fondé de l'article 5 bis assouplissant l'éligibilité en PEA des fonds de placement à risque. De même, je suis réservé sur l'article 16, qui remplace le délit d'entrave aux enquêtes de l'AMF par une simple sanction administrative.
L'article 7, qui assure la transférabilité complète de l'assurance vie, marque un réel progrès pour la liberté de gestion des épargnants.
Le RDSE votera ce texte, à moins que des modifications importantes ne lui soient apportées. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sans surprise, je centrerai mon propos sur l'article 7. Voilà quatre ans jour pour jour, j'ai défendu un amendement sur la transférabilité externe des contrats d'assurance vie. Bruno Le Maire s'y était opposé, me disant : nous pourrons y travailler...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - C'est ce qu'on dit toujours !
Mme Christine Lavarde. - J'attends toujours son invitation. Heureusement, le Sénat a continué de travailler.
Des freins à la transférabilité interne demeurent. La moindre faille est utilisée par les assureurs ou les courtiers, toujours réticents à cette pratique.
Le Gouvernement s'oppose toujours à la transférabilité externe. Il est pourtant faux qu'elle nuirait au financement de l'économie, car les compagnies d'assurances doivent respecter un certain nombre de ratios réglementaires ; la transférabilité externe n'aurait donc pas d'incidence sur les investissements en actions.
D'autre part, je vous rappelle les ordres de grandeur : en 2021, 148,6 milliards d'euros de versements et 126,2 milliards d'euros de rachats. Selon France Assureurs, en 2021, 657 000 contrats ont été transférés, pour 21,9 milliards d'euros. Au premier semestre 2022, on a enregistré 128 000 transferts, pour 4,5 milliards d'euros.
Je note que les assureurs ne se plaignent pas de la transférabilité interne. Dans ces conditions, pourquoi la transférabilité externe devrait-elle inquiéter ? Pourquoi se préoccuper du sort d'assureurs zombies ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions)
Mme Vanina Paoli-Gagin . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Depuis la crise sanitaire, on a constaté une surépargne de 146 milliards d'euros, soit plus que le plan de relance. L'épargne a explosé, et le phénomène perdure.
Elle est d'abord un moyen de se protéger. Mais, depuis mars 2020, notre pays a renoué avec l'inflation, dont on pensait qu'elle ne nous toucherait plus. La hausse des taux d'intérêt ne suffit pas à compenser l'augmentation des prix. L'épargne des Français a donc tendance à s'éroder.
Je salue le travail de Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier, qui a commencé bien avant l'envolée de l'inflation. Cette proposition de loi n'est pas un texte de circonstance, mais les circonstances actuelles la rendent plus pertinente encore.
L'article 7, sur la transférabilité, est particulièrement bienvenu pour améliorer la concurrence et la liberté des épargnants. Les Français s'en empareront, comme ils l'ont fait dans le domaine de l'assurance crédit.
Je salue l'assouplissement des quotas des FCPR aux PEA, pour favoriser le capital-risque nécessaire au financement de l'innovation.
La proposition de loi vise à protéger les épargnants contre des pratiques pouvant les conduire à l'erreur. Mais elle risque de manquer d'efficacité : les banques savent toujours contourner les interdictions votées par le législateur. C'est un travail de Sisyphe...
À la suite d'un article d'UFC-Que choisir, une attitude des banques a soulevé l'indignation du public : le prélèvement de frais bancaires sur le compte des défunts. J'avais proposé d'agir via une proposition de loi, que je reprends dans un amendement à ce texte.
Notre groupe votera cette proposition de loi.
M. Daniel Breuiller . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je salue les travaux de contrôle de la commission des finances.
Le GEST soutient le renforcement de la transparence dans tous les domaines, singulièrement dans le domaine bancaire.
En revanche, nous ne souscrivons pas aux mesures tendant à mobiliser l'épargne pour l'investissement des entreprises, qui reprennent les théories néoclassiques. Pour être efficace, l'épargne doit être orientée vers la transition écologique et l'économie sociale et solidaire.
Les 55 millions de détenteurs d'un livret A doivent être protégés. Les plus modestes ont consommé leur épargne durant la crise sanitaire, contrairement aux plus favorisés.
Rétablissons une fiscalité juste sur l'épargne accumulée. Cette épargne ne dort pas, elle enrichit les plus aisés et surtout les intermédiaires financiers. Depuis la mise en place de la flat tax, en 2018, ces revenus sont moins imposés que ceux du travail, ce que nous dénonçons.
Il est également important de réguler l'activité des banques, dont l'empreinte carbone est colossale : plus de huit fois les émissions de gaz à effet de serre de la France entière ! Oxfam recommande de créer un label « en transition » pour mesurer l'alignement des pratiques des banques avec les Accords de Paris : nous soutenons cette initiative.
La proposition de loi apporte des réponses à la protection des épargnants, mais ne répond pas à nos souhaits de justice sociale et fiscale. À l'article 8, elle introduit une disposition inadmissible en cette période de contestation de réforme des retraites - ce texte m'a d'ailleurs contrarié en me forçant à quitter de manière prématurée la manifestation de cet après-midi... Je salue le retrait annoncé de cet article.
Nous nous prononcerons sur l'ensemble du texte en fonction de la discussion des articles. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Vincent Segouin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'assurance vie est le placement préféré des Français, pour un total de 2 000 milliards d'euros d'encours. La durée moyenne de détention est de douze ans, ce qui permet le financement de la dette des États et du développement de l'économie.
Avec la chute des taux d'intérêt, la rémunération des fonds en euros est passée à 0,8 %, poussant les investisseurs à se reporter vers les unités de compte, plus risquées. La rémunération des épargnants est plus aléatoire, moins linéaire, mais plus favorable à long terme. De même, il paraît plus éthique d'investir en faveur des entreprises que sur la dette, même si les frais de gestion plus élevés affectent les rendements.
Après le rapport d'octobre 2021, cette proposition de loi est une deuxième étape. Les quatre premiers articles visent à assurer une information fiable aux épargnants. Cependant, je m'interroge sur les obligations imposées aux gestionnaires : prenons garde à ne pas rendre l'information trop lourde et de moins en moins lisible.
L'article 7 a pour objectif de faciliter la transférabilité, tant interne qu'externe. Cette dernière est impossible pour le moment ; la transférabilité interne dépend du bon vouloir du gestionnaire. Prenons un exemple : huit ans après la souscription d'un contrat, votre conseiller est parti et l'organisme a été racheté. Le nouveau conseiller vous recommande d'abonder votre assurance vie sur le contrat existant, qui bénéficie de l'antériorité fiscale. C'est une obligation voulue par le législateur, mais qui entrave le choix de l'épargnant. L'absence de transférabilité l'empêche d'opter pour les conditions les plus adaptées à sa situation personnelle
Je suis favorable à la transférabilité, à condition que la durée minimale de huit ans soit respectée. J'entends les réserves et les inquiétudes, mais je pense que la transférabilité donnera confiance aux épargnants.
Comme le groupe Les Républicains dans son ensemble, je suis favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Procaccia . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le sujet est structurant pour le pouvoir d'achat des Français et notre économie.
Le modèle de rémunération des produits d'épargne fait l'objet de nombreux débats. Le conseil financier doit demeurer accessible au plus grand nombre et non réservé à ceux qui peuvent se permettre de payer des honoraires ; c'est pourquoi le modèle de commissionnement actuel doit être préservé. Aujourd'hui, un épargnant trouve normal d'être conseillé par un salarié de la banque. Celui qui ne le souhaite pas investit seul, via des plateformes plus ou moins encadrées, dans les produits à la mode comme les cryptoactifs.
Depuis dix-huit ans, le Sénat a fait progresser l'information sur le placement préféré des Français. Nous l'avons fait évoluer au bénéfice des assurés, sans fragiliser ce secteur clé de l'économie française. Or je crains que la transférabilité totale, malgré des garde-fous, n'ait des conséquences sur le financement à long terme des entreprises, car elle orientera l'épargne sur des actifs de plus court terme et peu risqués.
C'est pourquoi j'ai proposé, dans un amendement, une voie médiane : porter à douze ans le délai minimal avant la transférabilité externe, pour dynamiser l'assurance vie sans la dynamiter.
Je me félicite du renforcement de la transférabilité interne, et je ne vois pas comment les assureurs pourraient s'y opposer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Raymond Hugonet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'épargne des Français atteignant des sommets, nous devons plus que jamais protéger les épargnants.
Cependant, il manque de la transparence sur les frais et les produits disponibles. Le nombre d'intermédiaires renforce également l'opacité, ce qui tire vers le bas les performances servies aux épargnants, qui financent l'économie réelle de notre pays. Nous avons besoin d'eux comme eux de nous : il faut protéger le pouvoir d'achat des ménages en sécurisant les revenus complémentaires issus des placements des Français.
L'interdiction des commissions de mouvement, le référencement des produits indiciels à bas coût, l'amélioration des informations disponibles sur les frais d'assurance vie et une véritable transférabilité de l'assurance vie constituent autant de pistes pertinentes du rapport de MM. Husson et de Montgolfier. Payer moins pour gagner plus, voilà un véritable objectif !
Cette proposition de loi traduit ces justes recommandations au niveau législatif. La transférabilité externe des contrats d'assurance vie fait débat. Les banques et assurances mettent en avant, pour s'y opposer, un risque prudentiel et systémique. Ce n'est pas étonnant, mais elles n'ont rien prouvé en ce sens. Nous sommes preneurs de leurs chiffres, et serions heureux de disposer de ceux de Bercy. Monsieur le ministre, pourriez-vous éclairer le débat sur ce point ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
AVANT L'ARTICLE 1er
M. le président. - Amendement n°35, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 221-13 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements de crédits proposent l'ouverture du compte sur livret d'épargne populaire aux clients en situation de difficulté financière mentionnés à l'article L. 312-1-3-1 dans sa rédaction résultant de la loi n° du tendant à renforcer la protection des épargnants qui satisfont aux conditions définies à l'article L. 221-15. »
M. Pascal Savoldelli. - Vous voulez renforcer la protection des épargnants, mais rien dans votre texte ne concerne les livrets réglementés, dont l'encours total s'élève pourtant à 846 milliards d'euros...
La Cour des comptes voit dans l'épargne réglementée une particularité française qui offre des produits simples, dont le capital est garanti par l'État, dont la rémunération évolue en fonction de l'inflation et qui offre des ressources stables au système financier.
Les amendements nos35 et 34 élargissent le public potentiel de ces produits protecteurs, rémunérateurs, bénéficiant d'une fiscalité avantageuse.
Les épargnants les plus modestes subissent la double peine : plus de frais et moins de rémunération. Alors que 21 % des individus éligibles détiennent un livret d'épargne populaire (LEP), la moitié d'entre eux détiennent un livret A, pourtant moins rémunérateur.
Il faut populariser ces produits d'épargne vraiment populaires, qui sont d'intérêt général.
M. le président. - Amendement n°34, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 221-15 du code monétaire et financier, le chiffre : « 1,8 » est remplacé par le chiffre : « 2,2 ».
M. Pascal Savoldelli. - Défendu.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Je partage l'objectif de développer l'épargne populaire, mais celle-ci ne se résume pas aux LEP. L'encours moyen de l'assurance vie, visée par ce texte, est de 30 000 euros ; celui des PER, de 12 000 euros. Cela concerne des millions de Français, et pas seulement les plus aisés.
L'amendement n°35 élargit les possibilités de diffusion de l'information sur les LEP. Alors que 18 millions de Français y sont éligibles, seulement 8,5 millions y souscrivent. Mais il appartient à la DGFiP d'informer les citoyens sur leur éligibilité, et non aux banques : cela poserait des problèmes de confidentialité. Restons-en au dispositif existant.
Quant à l'amendement n°34, élargir l'éligibilité en augmentant le plafond n'est pas l'enjeu.
Retrait des deux amendements ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Je n'ai pas de meilleurs arguments. La troisième campagne d'information sera lancée dans les prochaines semaines, à la suite de l'augmentation du taux. L'année dernière, grâce à la précédente campagne, 1,3 million de Français éligibles ont ouvert un LEP. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Pascal Savoldelli. - J'ai presque senti un embarras du rapporteur, avant la chute... (Rires)
Nous savons tous ce qu'il en est : les banques appellent les clients pour leur signaler, parfois à la limite du mensonge, qu'ils ont atteint le plafond, afin de les inciter à souscrire d'autres produits. Or ce sont les intérêts qui leur font dépasser le plafond...
Le législateur doit jouer son rôle en encourageant l'épargne populaire !
L'amendement n°34 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°35.
ARTICLE 1er
M. le président. - Amendement n°48, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
Supprimer cet article.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Nous avons fait oeuvre utile depuis 2020, en insistant sur le caractère incongru des commissions de mouvements. Plus le gestionnaire fait tourner un portefeuille, plus il touche de commissions, or ce n'est pas toujours dans l'intérêt de l'épargnant...
Nous avions donc, dans notre rapport, proposé de les supprimer. Cela a porté ses fruits : le règlement général de l'AMF prévoit, à partir du 1er janvier 2026, une interdiction totale de ces commissions. Nous proposons donc de supprimer l'article 1er, satisfait.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Avis favorable. Je souligne l'esprit constructif des rapporteurs.
L'amendement n°48 est adopté et l'article 1er est supprimé.
Les amendements nos19 et 30 n'ont plus d'objet.
APRÈS L'ARTICLE 1er
M. le président. - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Maurey et Canévet, Mme Vermeillet, MM. J.M. Arnaud, Mizzon, Sautarel, Cigolotti, de Belenet, Henno, Paccaud et de Nicolaÿ, Mmes Muller-Bronn et M. Mercier, M. Anglars, Mme Demas, MM. Pointereau, Meurant, J.P. Vogel et Hingray, Mme Guidez, MM. Guerriau, Calvet, Bonneau et Menonville, Mme Férat, MM. Courtial, Belin, Daubresse, Wattebled et Pellevat, Mme Thomas, MM. Kern, Perrin et Rietmann, Mmes Jacquemet et Billon et MM. Houpert, Duffourg et Chatillon.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 312-1-4 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Au quatrième alinéa, les mots : « et le versement des sommes y figurant » sont remplacés par les mots : « et le versement de l'intégralité des sommes y figurant, sur lesquelles aucun frais d'aucune nature ne peut être prélevé » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dès lors que le montant total des sommes détenues par l'établissement est supérieur au montant fixé par arrêté mentionné au 2°, la clôture des comptes du défunt et le versement des sommes y figurant ne peuvent donner lieu au prélèvement de frais d'un niveau supérieur à 1 % du montant total des sommes détenues par l'établissement dans la limite d'un plafond fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. »
M. Hervé Maurey. - Cet amendement encadre les frais bancaires prélevés sur les comptes des personnes décédées, qui sont opaques et hétérogènes. Il y a deux ans, le ministre de l'économie m'assurait, en réponse à une question écrite, que le problème serait prochainement réglé...
Cet amendement reprend donc ma proposition de loi déposée en 2022 : il s'agit de supprimer les frais bancaires des comptes dont l'encours est inférieur à 5 000 euros et, au-delà, de les plafonner à 1 % de l'encours total.
M. le président. - Amendement identique n°5 rectifié quater, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Malhuret, Chasseing, Decool, Grand et Lagourgue, Mme Mélot et MM. A. Marc et Verzelen.
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Défendu.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Une étude de l'UFC-Que Choisir a montré une grande hétérogénéité des frais prélevés à l'occasion d'un décès, notamment pour les successions les plus modestes. La banque, qui n'a pas à craindre la concurrence, impose unilatéralement des frais parfois très élevés. Avis favorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Le Gouvernement partage votre sentiment d'injustice sur ce problème, qui touche nos concitoyens à un moment douloureux de leur vie.
Nous avons souhaité trouver une solution aussi efficace que possible en négociant un accord de place, dans la même démarche qui avait conduit en 2019 à un plafonnement des frais pour les publics les plus fragiles, sur la base d'un engagement volontaire de chaque banque. Ainsi nous évitons tout contournement de la loi.
En février, le Gouvernement réunira donc les acteurs pour finaliser l'accord sur ce sujet. Monsieur le sénateur, je vous invite à contribuer aux travaux. Nous espérons un plafonnement inférieur au 1 % que prévoit votre amendement. Retrait ?
M. Loïc Hervé. - Dommage !
Mme Nathalie Goulet. - Nous voterons cet amendement, qui vous aidera dans vos négociations avec les banques ! (Marques d'approbation sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Daniel Breuiller approuve également.)
M. Roger Karoutchi. - Monsieur le ministre, vous êtes d'accord sur tout mais voulez que l'amendement soit retiré... Vous pourrez vous prévaloir du soutien du Sénat dans vos négociations avec les banques. Dites plutôt que vous regrettez de ne pas avoir proposé cet amendement ! (Rires ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe SER ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. Hervé Maurey. - Le ministre aurait même dû me remercier ! Je ne m'attendais pas à cette position du Gouvernement... En février 2021 déjà, on me promettait une solution rapide ; puis Bruno Le Maire s'est engagé pour l'automne 2022...
M. Jean-François Husson, rapporteur. - On ne va pas attendre la fin de l'hiver !
M. François Bonhomme. - Le ministre reste toujours déterminé...
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Nous avons réussi à obtenir des banques des avancées considérables grâce à un accord de place. Nous avons obtenu une limitation des frais d'incidents bancaires à 25 euros par mois pour quatre millions de Français.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Le Gouvernement veut avoir raison sur tout...
M. Pascal Savoldelli. - Le groupe CRCE votera cet amendement responsable. (Mme Catherine Procaccia manifeste son approbation.) Nous ne sommes pas dans la démesure ! On parle de comptes dont l'encours est inférieur à 5 000 euros...
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Le plafonnement à 1 % bénéficiera aussi aux très hauts patrimoines.
M. Roger Karoutchi. - Cela vous choque-t-il ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Je m'étonne de voir le groupe CRCE défendre ce type de publics... (Protestations sur les travées du groupe CRCE)
Les amendements identiques nos1 rectifié bis et 5 rectifié quater sont adoptés et deviennent un article additionnel.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°31, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 5
1° Après les mots :
morale, agissant
insérer les mots :
dans le cadre de ses activités commerciales ou professionnelles et
2° Remplacer les mots :
d'exercer
par les mots :
de décider
II. - Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
contre rémunération de toute nature, les distributeurs d'assurance mentionnés à
par les mots :
les entreprises d'assurance et les intermédiaires d'assurance mentionnés au III de
III. - Alinéa 9
1° Supprimer les mots :
Sans préjudice de l'article L. 224-3 du code monétaire et financier,
et les mots :
du présent code
IV. - Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« V. - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux contrats d'assurance de groupe en cas de vie ouverts sous la forme d'un plan d'épargne retraite mentionné à l'article L. 224-1 du code monétaire et financier, dont les versements et allocations sont effectués conformément aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 224-3 du même code.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Cet amendement prévoit plusieurs modifications pour clarifier le champ d'application de l'article. Il exclut la gestion pilotée par horizon du PER d'une partie du champ d'application du dispositif. Il contient également une mesure pour préserver la gestion par les proches. Enfin, il exclut du champ d'application de l'article les opérations ponctuelles déterminées lors de la souscription ou de l'adhésion.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°31 est adopté.
M. le président. - Amendement n°45, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 7, troisième et dernière phrases
Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :
L'exécution d'arbitrages au titre d'un mandat ne peut donner lieu à aucune commission ou rémunération versée à l'occasion d'opérations d'investissement ou de désinvestissement entre les supports proposés.
II. - Alinéa 16
Remplacer les mots :
de mouvement mentionnée au IV
par les mots :
ou rémunérations versées à l'occasion d'opérations d'investissement ou de désinvestissement mentionné au III
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Il s'agit de préciser le champ des obligations du mandataire, en évitant l'interdiction des commissions de rétrocession, tout en rendant opérationnelle l'interdiction de l'équivalent des commissions de mouvement dans l'univers assurantiel.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°45 est adopté.
M. le président. - Amendement n°32, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 8
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« IV. - Le mandataire peut déléguer à un prestataire de services d'investissement mentionné à l'article L. 531-1 du code monétaire et financier et autorisé à fournir le service d'investissement mentionné au 4° de l'article L. 321-1 du même code l'exécution des opérations relevant du mandat d'arbitrage qui lui a été confié, sous réserve du respect des conditions suivantes :
« 1° La possibilité de délégation est expressément prévue dans la convention de mandat ;
« 2° Ces opérations sont réalisées conformément aux termes et limites prévus par la convention de mandat sous la responsabilité du mandataire ;
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Nous voulons permettre aux prestataires de services d'investissement d'opérations de bénéficier d'une délégation.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Il faut s'assurer de la compatibilité du dispositif avec le droit européen. Sagesse.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Cette évolution est parfaitement compatible avec le droit européen.
L'amendement n°32 est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°24, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 6, première phrase
Supprimer les mots :
le fonds mentionné à l'article L. 518-24-2 et
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Cet amendement de cohérence supprime la référence au fonds de fonds indiciels de la Caisse des dépôts et consignations prévu à l'article 9, car le Gouvernement y est opposé.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Amendement contraire à la position de la commission. Avis défavorable.
L'amendement n°24 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
ARTICLE 4
M. Marc Laménie . - Cet article renforce la transparence sur les frais prélevés sur les produits d'assurance vie et d'épargne retraite, afin d'éclairer le choix de l'épargnant, comme le recommandaient MM. de Montgolfier et Husson dans leur rapport d'octobre 2021. L'enjeu financier pour les ménages est considérable, puisque l'encours des placements s'élevait à 5 727 milliards d'euros au troisième trimestre de l'année dernière.
L'article prévoit également un suivi des pratiques tarifaires et renforce l'information sur les frais prélevés à toutes les étapes. Je le voterai.
M. le président. - Amendement n°49, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
Alinéa 4
Avant le mot :
du
insérer les mots :
au cours
L'amendement rédactionnel n°49, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°33 rectifié, présenté par MM. Maurey et Canévet, Mme Vermeillet, MM. Mizzon, J.M. Arnaud, Henno, Cigolotti, P. Martin, de Belenet et Sautarel, Mme M. Mercier, M. Pointereau, Mme Demas, MM. Paccaud et de Nicolaÿ, Mme Muller-Bronn, MM. Anglars, Meurant, J.P. Vogel et Hingray, Mme Guidez, MM. Guerriau, Calvet, Bonneau et Menonville, Mme Férat, MM. Courtial, Daubresse, Wattebled et Pellevat, Mme Thomas, MM. Kern, Perrin, Rietmann et Belin, Mmes Jacquemet et Billon et MM. Houpert, Duffourg et Chatillon.
I. - Après l'alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° L'avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
La première phrase est ainsi rédigée : « Dans des conditions précisées par arrêté du ministre chargé de l'économie, l'entreprise d'assurance publie annuellement sur son site internet le rendement garanti moyen, le taux moyen de frais prélevé par l'entreprise, le rendement net moyen servi à l'assuré, le taux des taxes et prélèvements sociaux, et le taux moyen de la participation aux bénéfices attribué pour chacun de ses contrats d'assurance vie ou de capitalisation, ainsi que l'éligibilité de ces contrats aux affaires nouvelles. » ;
II. - Alinéa 19, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Dans des conditions précisées par arrêté du ministre chargé de l'économie, l'entreprise d'assurance publie annuellement sur son site internet le rendement garanti moyen, le taux moyen de frais prélevé par l'entreprise, le rendement net moyen servi à l'assuré, le taux des taxes et prélèvements sociaux, et le taux moyen de la participation aux bénéfices attribué pour chacun de ses contrats d'assurance vie ou de capitalisation, ainsi que l'éligibilité de ces contrats aux affaires nouvelles.
M. Hervé Maurey. - Cet amendement améliore la transparence sur l'assurance vie. Les dispositions de la loi Pacte en la matière sont insuffisantes. Un arrêté du ministre de l'économie doit prévoir les modalités de publication des informations : aujourd'hui, il est impossible de comparer les produits, présentés de manière très différente par les banques.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis favorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Retrait, sinon avis défavorable. En noyant l'épargnant sous une somme d'informations, on perd le bénéfice de la transparence. Restons-en à l'équilibre trouvé par la commission.
M. Hervé Maurey. - Comme M. Savoldelli, je vais finir par penser que le ministre n'est là que pour défendre les assurances et les banques ! La lisibilité, la transparence, ce serait mal ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Ni Bruno Le Maire ni moi-même ne pouvons être soupçonnés de servir les intérêts des assureurs. (M. Vincent Éblé en doute.) Bruno Le Maire a été l'artisan de la loi Pacte et j'en étais le rapporteur à l'Assemblée nationale pour la dimension financière. Si vous donnez à l'épargnant trop d'informations, vous perdez le bénéfice de la transparence.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Monsieur le ministre, je ne vous comprends pas. On perdrait l'assuré en lui donnant trop d'informations ? Les bras m'en tombent !
M. Pascal Savoldelli. - Ah oui !
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Nous voulons mieux protéger les épargnants, avec plus de transparence et d'information. Les Français épargneront alors davantage. Votre posture est en décalage, monsieur le ministre. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. Vincent Segouin. - Une fois n'est pas coutume, monsieur le rapporteur général, je bloque... Nous avons tous, ou à peu près, un contrat d'assurance vie, dont nous venons de recevoir le bilan annuel : douze pages d'informations... Seulement 12 % des assurés les lisent. On atteint un niveau administratif très lourd. D'accord pour l'information, mais avec de la clarté : supprimons celle qui ne sert à rien.
L'amendement n°33 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°50, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
3° L'avant-dernière ligne du tableau constituant le second alinéa du I des articles L.783-5, L. 784-5 et L. 785-4 est ainsi rédigée :
«
L. 614-1 et L. 614-2 |
la loi n° du tendant à renforcer la protection des épargnants |
».
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Cet amendement retient la compétence du CCSF pour la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Avis favorable.
L'amendement n°50 est adopté.
M. le président. - Amendement n°51, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
Après l'alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Au septième alinéa, les mots : « Ces montants » sont remplacés par les mots : « Les montants mentionnés aux deuxième à sixième alinéas du présent article » ;
L'amendement rédactionnel n°51, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par M. Canévet, Mmes Sollogoub, Férat et Gatel, MM. P. Martin et Longeot, Mme Vermeillet, M. Delcros, Mmes Loisier et Saint-Pé, MM. Duffourg, Kern et Henno, Mmes N. Goulet et Jacquemet, M. Le Nay, Mme Billon, M. Bonneau, Mme Doineau et M. Maurey.
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 1° de l'article L. 612-47 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° De vérifier que l'établissement teneur du compte d'épargne fournisse, une fois par an, une information personnalisée retraçant l'ensemble des frais supportés par les détenteurs des comptes. Un décret précise le contenu de cette information ; ».
M. Michel Canévet. - Il faut une information personnalisée et simple de chaque épargnant sur le coût réel des frais.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis favorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Retrait ou avis défavorable. Le pôle commun ACPR-AMF évoqué dans l'amendement est une instance de coordination, qui n'a pas la capacité de contrôler les obligations pesant sur les entreprises. Cette compétence qui lui est conférée va bien au-delà de ses capacités.
L'amendement n°11 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 5
M. le président. - Amendement n°20, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
M. Pascal Savoldelli. - Cet article s'inscrit dans une série de dévoiements des avantages fiscaux liés aux PEA. Jusqu'aux années 2000, ils finançaient presque entièrement l'économie française. Aujourd'hui, 75 % des titres viennent de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen. Autrement dit, ils peuvent très bien venir du Liechtenstein, exemple parfait de l'évasion fiscale selon le juge van Ruymbeke.
En 1992, à la création du PEA, seules les actions émises par les établissements du secteur mutualiste et coopératif étaient admises ; aujourd'hui, ce produit d'épargne est capté par les grandes entreprises cotées.
Avec cet article, on crée un droit à l'erreur, qui s'apparente à un droit à la fraude, sur les titres inéligibles dans le portefeuille. Le gestionnaire de plan est exonéré de toute responsabilité.
En 1992, votre propre famille politique dénonçait les possibles comportements spéculatifs autour du PEA ; aujourd'hui, 77 % des PEA ont fait l'objet de versements inférieurs à 15 000 euros, soit un dixième du plafond.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis défavorable à cet amendement, qui va à l'encontre de la position de la commission.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Avis favorable, car même si le fonctionnement du PEA et du PEA PME doit être amélioré, la mesure proposée à l'article 5 n'est pas souhaitable en l'état.
L'amendement n°20 n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté, ainsi que l'article 5 bis.
APRÈS L'ARTICLE 5 BIS
M. le président. - Amendement n°52, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
Après l'article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 214-28 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le VII est ainsi modifié :
a) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, pour les fonds destinés à investir dans des secteurs où dès l'origine le cycle économique ne permet pas une rentabilité de l'investissement dans un délai de dix ans, le rachat des parts ne peut être demandé par leurs porteurs avant l'expiration d'une période qui ne peut excéder quinze ans. » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « ce délai » sont remplacés par les mots : « ces délais maximum de dix ans ou quinze ans » ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les conditions d'application du présent VII sont précisées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. » ;
2° Après le VII, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - Le règlement d'un fonds commun de placement à risques prévoit qu'il doit entrer en période de préliquidation dans les conditions fixées par décret. La société de gestion du fonds commun de placement à risques doit prendre les mesures nécessaires pour préparer la cession à venir des actifs du fonds en prenant en compte la nature des titres détenus tout en respectant leur maturité. »
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Nous proposons de faire passer la fin de vie des fonds de capital-investissement de dix à quinze ans : il faut parfois plus de dix ans pour retrouver de la rentabilité.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Avis favorable.
L'amendement n°52 est adopté et devient un article additionnel.
APRÈS L'ARTICLE 6 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°40 rectifié bis, présenté par MM. Bascher, Bazin, Paccaud, Perrin, Rietmann, Sautarel, Pellevat, Calvet, Houpert et Cadec, Mme Lopez, MM. Charon, Savary, Bonnus, Hugonet, Bouchet, J.M. Boyer et Burgoa, Mme Ventalon, MM. Reichardt, Courtial, Genet et C. Vial, Mmes M. Mercier, Delmont-Koropoulis, Gosselin, Lassarade et Malet, MM. Panunzi, Gremillet et Pointereau, Mme Imbert, M. Anglars, Mme Berthet, MM. Cuypers, Lefèvre, Frassa, Belin et Klinger, Mmes Joseph et Borchio Fontimp et M. Brisson.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Elles ont pour objectif de concourir à la préservation et à la mise en valeur des monuments et des sites, parcs et jardins protégés. »
II. - Le 1° de l'article 199 terdecies -0 AA est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Les exclusions prévues au c du 1 bis du I de l'article 885-0 V bis, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2017, relatives à l'exercice d'une activité financière, de construction d'immeubles ou immobilière, ne sont pas applicables aux entreprises solidaires. Toutefois, les exclusions relatives à l'exercice d'une activité immobilière ou de construction d'immeubles sont applicables aux entreprises solidaires, à l'exception :
« a) des entreprises solidaires qui exercent une activité de gestion immobilière à vocation sociale ;
« b) des entreprises solidaires agréées par le ministère chargé de la culture et ayant pour mission de contribuer à la préservation et à la mise en valeur des monuments historiques et des sites, parcs et jardins protégés. »
M. Alain Cadec. - La préservation du patrimoine naturel et historique n'est pas explicitement citée parmi les activités susceptibles d'être reconnues d'utilité publique. Or, faute de rentabilité, la préservation du patrimoine est peu propice au développement d'une activité de marché. Il convient de l'intégrer dans le champ de la loi sur l'économie sociale et solidaire.
M. le président. - Amendement identique n°43 rectifié, présenté par M. Éblé.
M. Vincent Éblé. - J'insiste sur l'évidence qu'il y a à considérer l'activité immobilière des foncières patrimoniales comme d'utilité sociale. Elles doivent être intégrées formellement au dispositif des entreprises solidaires d'utilité sociale (Esus). Cette activité, qui s'insère assez mal dans l'activité de marché, doit être soutenue.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis favorable. Ces entreprises qui défendent le patrimoine culturel et naturel ont un agrément du ministère de la culture. Une telle avancée s'inscrit dans le prolongement des précédents débats budgétaires.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Dix ans après sa création, il faudra peut-être faire évoluer le dispositif Esus : un rapport sur le sujet sera remis en septembre 2023, comme la loi le prévoyait. Il est trop tôt pour légiférer, d'autant qu'il existe d'autres aides à la rénovation du patrimoine, comme le dispositif Malraux. Avis défavorable.
Les amendements identiques nos40 rectifié bis et 43 rectifié sont adoptés et deviennent un article additionnel.
ARTICLE 7
M. le président. - Amendement n°21, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
M. Pascal Savoldelli. - Cet article est une fausse bonne idée. Pourquoi s'opposer, me direz-vous, à une concurrence saine dans un marché sain via la transparence et l'information du consommateur ? Mais ce serait considérer que l'épargne est un marché comme les autres.
Cela me rappelle Paul Valéry, qui disait : « Quand on dit que les mêmes causes produisent les mêmes effets, on ne dit rien. Car les mêmes choses ne se reproduisent jamais - et d'ailleurs on ne peut jamais connaître toutes les causes. »
Les propositions de loi sur la réforme du courtage ou l'assurance emprunteur apportent toujours la même réponse : libérer le marché de ses entraves. Mais jamais vous ne considérez à quoi sert l'épargne. Ce n'est pas un avantage fiscal, mais un support à des objectifs sociaux, écologiques, économiques.
Par ailleurs, il faut traiter cette question de la captivité des épargnants en la rattachant à un objectif d'émancipation.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'article 7 porte sur la transférabilité d'un certain type d'épargne, l'épargne assurantielle. Alors que des Français manifestent dans la rue, partageant certaines de vos idées, je vois que M. Savoldelli et France Assureurs avancent main dans la main. Cela ne manque pas de saveur !
M. Pascal Savoldelli. - Cela reste à prouver ! Il faut argumenter !
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avec cet article, les épargnants recouvrent une liberté de transférabilité à l'intérieur de la compagnie et, au bout de huit ans, à l'extérieur.
Il y a une dizaine d'années, on nous promettait le paradis avec l'assurance vie Eurocroissance : échec. Quatre ans plus tard, nouvel échec. Heureusement qu'il y a eu d'autres solutions pour libérer le marché !
M. Pascal Savoldelli. - Ah !
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Mme Lavarde a rappelé les montants modestes que représente la transférabilité interne.
Notre objectif est de faciliter l'épargne en rendant possible le changement de modèle ou de support. C'est ainsi que l'on soutient l'économie. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Avis favorable.
M. Roger Karoutchi. - Cela fait deux fois !
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Macron, France Assureurs...
M. Vincent Segouin. - De plus en plus proches ! (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Puis-je commencer ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. le président. - Monsieur le ministre, nous avions une séance courtoise jusqu'ici.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Pourquoi les Français ont-ils fait de l'assurance vie leur produit d'épargne préféré ? D'abord parce que c'est un capital garanti, s'agissant du fonds euros. Ensuite parce que, contrairement aux fonds d'investissement, l'assurance vie obéit à un principe de mutualisation avec le temps.
En voici une illustration : M. Husson ouvre une assurance vie en 2010, au moment où les taux d'intérêt sont élevés. M. de Montgolfier en ouvre une en 2020, alors qu'ils sont nuls. Tous deux bénéficieront du même taux de rendement, car les évolutions des taux d'intérêt sont lissées. Il n'y a pas de variation brutale, et un rendement décent est assuré.
La transférabilité externe de l'assurance vie est mauvaise pour les épargnants.
Mme Christine Lavarde. - Démontrez-le !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Elle est mauvaise aussi pour l'économie, et injuste.
Si les épargnants changent plus souvent d'assureur, la « duration », pour employer le terme du métier, diminuera, et l'assureur sera ainsi moins en mesure d'investir dans l'économie.
La transférabilité est surtout injuste : qui sortira en premier de son contrat lorsque la période sera plus favorable ? Celui qui aura la meilleure connaissance financière, probablement le plus aisé des deux...
La transférabilité interne existe déjà ; avec ce texte, elle sera de droit, et c'est une bonne chose.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Alors vous donnez un avis favorable !
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Quelle bourde !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Une bonne chose, car dans les nouveaux contrats d'assurance vie figurent les unités de compte vertes. Si vous avez souscrit votre contrat il y a dix ans, la loi Pacte vous autorise à solliciter votre assureur pour en bénéficier. Désormais, vous pourrez transférer votre contrat en cas de refus.
M. Vincent Segouin. - Et alors ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Vous entrez dans un nouveau contrat en accumulant l'avantage fiscal, qui était le mécanisme par lequel les épargnants, au sein d'un contrat d'assurance vie, s'assuraient mutuellement. Avis favorable à la suppression de l'article.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Monsieur le ministre, vous vous êtes mis en porte-à-faux. France Assureurs, M. Savoldelli et vous-même : l'alliance est improbable... Vous donnez un avis favorable à un amendement qui supprime la transférabilité interne. Savez-vous encore où vous habitez à cette heure-ci ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Christine Lavarde. - La loi n'interdit pas d'avoir deux contrats d'assurance vie. Dans les faits, la transférabilité est donc possible, mais tous les Français peuvent-ils ouvrir deux contrats, pour ensuite se donner les moyens de choisir l'assureur le plus efficace ?
Par ailleurs, vous supposez que les contrats sont majoritairement investis en euros, et non en unités de comptes. Mais votre argumentation ne tient pas dans le cas inverse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Mon avis sur l'amendement n°21 est défavorable : comme je l'ai dit à la tribune, le Gouvernement est favorable au renforcement de la transférabilité interne.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Salto arrière !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Madame Lavarde, la transférabilité existe déjà, mais l'avantage fiscal incite l'épargnant à conserver plus longtemps son contrat d'assurance vie, afin que, grâce à la mutualisation, la rentabilité ne dépende pas du niveau des taux au moment de l'ouverture du contrat.
Il est vrai que les contrats en unités de compte sont moins concernés par ma démonstration, mais la majorité des contrats est investie en fonds euros.
M. Vincent Segouin. - La transférabilité concerne les contrats d'assurance vie de plus de huit ans : l'avantage fiscal est donc maintenu.
Souvenez-vous : les compagnies d'assurances étaient opposées à la transférabilité des PER, invoquant un risque systémique. Il y a aujourd'hui un intérêt réel à transformer les contrats, mais seuls 10 % l'ont été : on est loin du risque systémique !
M. Pascal Savoldelli. - Moi, je débats des idées, je ne traite pas les ministres de has been. Je ne fais ni amalgame ni remarque personnelle.
J'ai insisté sur la captivité des épargnants. Je n'ai pas d'assurance vie, peut-être suis-je un has been ? Mon amendement est responsable et respectable : je ne veux pas d'un exode des épargnants français, car il faut réinjecter notre épargne dans l'économie française.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Monsieur Segouin, 70 % des contrats ont plus de huit ans. L'incitation fiscale du PER est plus forte que pour l'assurance vie, car la durée d'investissement est encore plus longue.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Monsieur Savoldelli, à qui appartient l'épargne ? Pas à l'assureur, mais bien à l'assuré !
Je vous donne un exemple qui m'a choqué : lorsqu'ING a été vendu à Boursorama, même dans ce cas-là, l'assuré n'a pas eu le droit de changer de compagnie. Nous avons parlé d'assurance verte tout à l'heure : des épargnants pourraient ne pas en bénéficier, faute de pouvoir changer d'assureur.
L'amendement n°21 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme Lavarde, MM. Anglars, Bas, Bascher, Bazin et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. J.B. Blanc, Bonnus, Bouchet, Brisson, Burgoa, Chaize, Chatillon et Daubresse, Mme Di Folco, MM. B. Fournier, Frassa, Genet et Gremillet, Mme Gruny, M. Hugonet, Mme Imbert, MM. Karoutchi, Klinger, Laménie, D. Laurent, Lefèvre, Meignen, Mouiller, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mmes Procaccia et Puissat et MM. Rietmann, Sautarel, C. Vial et J.P. Vogel.
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
que cette opération soit réalisée au sein du même intermédiaire d'assurance ou entre différents intermédiaires de la même entreprise d'assurance.
Mme Christine Lavarde. - Depuis l'adoption de la loi Pacte, trois situations peuvent survenir lors d'une demande de transfert interne : accord, refus ou accord à condition que le courtier d'origine soit également d'accord. Cela respecte-t-il l'esprit de la loi Pacte ? Le rapport de France Stratégie sur l'application de la loi note que les demandes de transfert sont source de problèmes complexes.
Je propose donc de mettre tous les épargnants sur un pied d'égalité, conformément à l'intention du législateur de 2019.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Retrait. L'amendement est satisfait par le texte de la commission. En outre, cet amendement pourrait créer une confusion, car il ne mentionne pas le cas d'un transfert sans intermédiaire.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°4 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par M. Canévet, Mmes Sollogoub, Férat et Gatel, M. Longeot, Mme Vermeillet, MM. P. Martin et Delcros, Mmes Loisier et Saint-Pé, MM. Duffourg, Kern et Henno, Mmes N. Goulet et Jacquemet, M. Le Nay, Mme Billon, MM. Bonneau et Hingray et Mme Doineau.
Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
de deux
par les mots :
d'un
M. Michel Canévet. - Les assureurs mettent du temps à transférer les comptes. La commission prévoit un délai de deux mois ; nous proposons de le réduire à un mois.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Retrait. Le délai de deux mois est incompressible et raisonnable. Il permet à la compagnie de faire une contre-proposition à l'épargnant.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°12 est retiré.
M. le président. - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Malhuret, Chasseing, Decool, Guerriau, Grand et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Menonville, A. Marc et Wattebled.
Alinéa 6
1° Deuxième phrase
Après le mot :
transmettre
insérer les mots :
sans délai
2° Troisième phrase
Après le mot :
encourus
insérer les mots :
par l'assuré
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Il s'agit de préciser les conditions du transfert : l'intermédiaire doit transmettre sa demande sans délai à l'entreprise d'assurance et les frais ne doivent pas dépasser 1 %.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis défavorable. Il y a un risque d'insécurité juridique avec des contentieux possibles sur la notion de « sans délai ». En outre, la précision sur les frais encourus par l'assuré lors de ce transfert est superfétatoire.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°6 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme Lavarde, MM. Anglars, Bas, Bascher, Bazin et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. J.B. Blanc, Bonnus, Bouchet, Brisson, Burgoa, Chaize, Chatillon et Daubresse, Mme Di Folco, MM. B. Fournier, Frassa, Genet et Gremillet, Mme Gruny, M. Hugonet, Mme Imbert, MM. Karoutchi, Klinger, Laménie, D. Laurent, Lefèvre, Meignen, Mouiller, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mmes Procaccia et Puissat et MM. Rietmann, Sautarel, C. Vial et J.P. Vogel.
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la transformation est réalisée entre différents intermédiaires de la même compagnie d'assurance, aucune indemnité compensatrice n'est due à l'intermédiaire du contrat d'origine, quelle que soit la date de souscription de celui-ci. » ;
Mme Christine Lavarde. - La pratique du troisième usage du courtage, en vertu de laquelle le courtier d'origine bénéficie d'une commission en cas de transfert, freine les transferts de la loi Pacte.
La directive sur la distribution d'assurances l'exclut pour tous les contrats postérieurs à son entrée en vigueur le 1er octobre 2018. Mais pour les autres, il demeure donc un frein.
La commission des finances a adopté un amendement qui aligne la grille des frais de l'assurance vie sur celle du PER. Cet amendement fait de même en ce qui concerne le troisième usage du courtage.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'indemnité compensatrice devrait faire l'objet d'un accord entre les assureurs et les courtiers, sans qu'il soit nécessaire de l'inscrire dans la loi. Ce sont des règles de bonne pratique, à défaut d'un accord de place. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Demande de retrait. Nous nous saisirons de ce sujet.
Mme Christine Lavarde. - J'y veillerai.
L'amendement n°3 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°29, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 10
Supprimer les mots :
ainsi que celles relatives au rachat total dans les conditions définies au 3° du I de l'article 125-0 A du code général des impôts
II. - Alinéas 15 à 17
Supprimer ces alinéas.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Il s'agit de supprimer la transférabilité externe, tout en préservant la transférabilité interne.
M. le président. - Amendement n°16, présenté par Mme Procaccia.
I. - Alinéa 16
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° Lorsqu'un bon ou contrat mentionné au 1° du présent I est géré par une entreprise d'assurance différente que celle où le bon ou le contrat a été originellement souscrit, le transfert total du bon ou contrat vers une autre entreprise d'assurance définie à l'article L. 134-1 du code des assurances n'entraîne pas les conséquences fiscales du dénouement. Ce transfert ne peut être réalisé qu'une seule fois. Une fois réalisé, les règles et conditions de transformation du bon ou contrat transféré sont celles prévues au 2° du présent I.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme Catherine Procaccia. - Je suis ravie que l'attention de M. de Montgolfier ait été attirée par l'amendement que j'avais défendu lors de l'examen du projet de loi de finances. Lorsqu'une banque comme ING clôture ses comptes en France et qu'elle transfère ses contrats d'assurance vie à un autre opérateur, l'assuré reçoit une simple information. En l'occurrence, Boursorama se présente comme le gestionnaire de l'assurance vie, alors que l'opérateur réel est Generali.
Le transfert externe devrait être permis dans ces cas exceptionnels, sans déstabiliser le secteur. J'ai communiqué au ministre tous les éléments nécessaires.
M. le président. - Sous-amendement n°46 à l'amendement n°16 de Mme Procaccia, présenté par Mme Lavarde.
Amendement n°16, alinéa 3
Remplacer les mots :
une entreprise d'assurance différente que celle où
par les mots :
un intermédiaire d'assurance différent de celui auprès duquel
Mme Christine Lavarde. - Les sous-amendements nos46 et 47 visent à rendre opérationnels les amendements nos16 et 18. Je rejoins Mme Procaccia : le Gouvernement est contre la transférabilité externe, mais il faut prendre en compte les clients qui n'ont rien demandé.
M. le président. - Amendement n°18, présenté par Mme Procaccia.
I. - Alinéa 16
Remplacer les mots :
de durée mentionnée au quatrième alinéa du 1° du présent I
par les mots :
d'une durée égale ou supérieure à douze ans
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme Catherine Procaccia. - Lors de la discussion générale, je m'interrogeais sur la transférabilité des contrats d'assurance vie de plus de huit ans. Je propose ici un délai de douze ans, qui concernerait tout au plus 20 % des contrats.
M. le président. - Amendement n°17, présenté par Mme Procaccia.
I. - Alinéa 16
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le non-respect de la condition de durée mentionnée au quatrième alinéa du 1° du présent I n'entraîne pas les conséquences fiscales du dénouement uniquement si le bon ou le contrat racheté est géré par une entreprise d'assurance différente que celle où il a été originellement souscrit.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme Catherine Procaccia. - Cet amendement de repli crée une exception à la condition de durée pour la transférabilité externe.
M. le président. - Sous-amendement n°47 à l'amendement n°17 de Mme Procaccia, présenté par Mme Lavarde.
Amendement n° 17, alinéa 3
Remplacer les mots :
une entreprise d'assurance différente que celle où
par les mots :
un intermédiaire d'assurance différent de celui auprès duquel
Mme Christine Lavarde. - Défendu.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements et demande de retrait des sous-amendements.
L'amendement n°18 va à l'encontre de l'objectif de fluidification de l'épargne. Dans certains réseaux intermédiés, la durée moyenne est de dix-neuf ans : le conseil a donc une utilité.
Les amendements nos16 et 17 concernent l'affaire ING, dans laquelle le distributeur a changé, mais l'assureur vie est resté le même.
La commission propose une transférabilité externe au-delà des huit ans, mais son texte serait écrasé par l'amendement n°16.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Ces amendements tiennent compte de nos réserves sur la transférabilité externe de l'assurance vie. Difficile de s'y opposer, même si ce n'est pas ce que propose le Gouvernement.
Mme Christine Lavarde. - C'est bien dommage !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Dans le cas d'ING, l'assureur n'a pas changé.
Sagesse, donc, sur ces amendements qui restreignent la transférabilité externe.
L'amendement n°29 n'est pas adopté.
Mme Catherine Procaccia. - Je remercie Christine Lavarde d'avoir précisé mes amendements.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - J'attire une nouvelle fois votre attention sur le fait que l'adoption de ces amendements écraserait le dispositif voté par la commission.
Mme Christine Lavarde. - Nous sommes d'accord : mes sous-amendements ne visaient qu'à rendre les amendements de Mme Procaccia opérationnels.
Le sous-amendement n°46 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos16 et 18.
Le sous-amendement n°47 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°17.
L'article 7 est adopté, ainsi que l'article 7 bis.
La séance est suspendue à 20 heures.
présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
Commission d'enquête (Nomination)
Mme le président. - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la commission d'enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
Mises au point au sujet d'un vote
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Lors du scrutin n°113, je souhaitais voter contre.
M. Laurent Burgoa. - Lors du scrutin n°113, mes collègues Jean-Noël Cardoux, Laurence Garnier, Olivier Paccaud, Stéphane Piednoir et Anne Chain-Larché souhaitaient voter pour.
Mme le président. - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique du scrutin.
Protection des épargnants (Suite)
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 7 TER
Mme le président. - Amendement n°27, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. - Alinéa 4
1° Première phrase
Après le mot :
participants
insérer les mots :
et honoraires
2° Seconde phrase
Supprimer cette phrase.
III. - Alinéa 6
1° Première phrase
Après le mot :
membres
insérer les mots :
adhérents et
2° Seconde phrase
Supprimer cette phrase.
IV. - Alinéas 7 et 8
Supprimer ces alinéas.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Amendement rédactionnel pour éviter toute interprétation a contrario.
Mme le président. - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Malhuret, Chasseing, Decool, Guerriau, Grand et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Menonville et A. Marc.
Alinéas 7 et 8
Supprimer ces alinéas.
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Pour éviter une dérive normative, supprimons une précision superfétatoire.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Retrait des deux amendements.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Sur l'amendement n°7 rectifié, avis favorable.
L'amendement n°27 n'est pas adopté, non plus que l'amendement 7 rectifié.
L'article 7 ter est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 7 TER
Mme le président. - Amendement n°42, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 7 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre 5 bis du titre III du livre I du code la sécurité sociale, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre ...
« Contribution des produits de placements à la sauvegarde du régime par répartition
« Art. L. 135-.... - I. - Les redevables de la contribution des produits de placements à la sauvegarde du régime par répartition sont les mêmes que ceux mentionnés à l'article L. 136-7 du présent code.
« II. - Sont assujettis les revenus, plus-values, rentes ou capital mentionnés à l'article L. 136-7 du présent code, à l'exclusion de ceux mentionnés au 2° du I, au I bis, aux 1° , 2° , 2 bis et 8 ter du II du même article et dans les conditions prévues au III dudit article.
« III. - 1. La contribution prévue au I du présent article est due par les établissements payeurs au titre des mois de décembre et janvier sur les revenus de placement exigible au II, à l'exception de celle due sur les revenus et plus-values mentionnés aux 1° du I de l'article L. 137-7 du présent code, fait l'objet d'un versement déterminé sur la base du montant des revenus de placement soumis l'année précédente à la contribution sociale généralisée au titre des mois de décembre et janvier.
« Ce versement est égal à 90 % du produit de l'assiette de référence, déterminée pour le calcul de la contribution sociale sur les produits de placement, par le taux de 7,8 %. Son paiement intervient le 15 octobre au plus tard. Il est reversé dans un délai de dix jours francs après cette date par l'État aux organismes affectataires.
« 2. Lorsque l'établissement payeur estime que le versement dû en application du 1 est supérieur à la contribution dont il sera redevable au titre des mois de décembre et janvier, il peut réduire ce versement à concurrence de l'excédent estimé.
« 3. Lors du dépôt en janvier et février des déclarations, l'établissement payeur procède à la liquidation de la contribution. Lorsque le versement effectué en application des 1 et 2 est supérieur à la contribution réellement due, le surplus est imputé sur la contribution sociale généralisée due à raison des autres produits de placement et, le cas échéant, sur les autres prélèvements ; l'excédent éventuel est restitué.
« 4. Lorsque la contribution sociale généralisée réellement due au titre des mois de décembre et janvier est supérieure au versement réduit par l'établissement payeur en application du 2, la majoration prévue au 1 de l'article 1731 du code général des impôts s'applique à cette différence. L'assiette de cette majoration est toutefois limitée à la différence entre le montant du versement calculé dans les conditions du 1 du présent III et celui réduit dans les conditions du 2.
« IV. - La contribution ci-dessus est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 125 A du code général des impôts.
« La contribution visée au 1° du I de l'article L. 136-7 est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 117 quater du code général des impôts.
« V. - Le produit de la contribution ainsi générée est attribué au Fonds de réserve pour les retraites visé au chapitre 5 bis du présent titre. »
M. Pascal Savoldelli. - Il est normal que chacun, dans sa vie de travail ou de rentier, puisse mettre de l'argent de côté pour s'assurer une retraite convenable. Mais l'encours de l'assurance vie s'élevait en août 2022 à 1 826 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter les plans d'épargne en actions (PEA), les plans d'épargne retraite (PER), les plans d'épargne logement (PEL)... Cette masse d'épargne est soumise à un taux de cotisation de 17,2 %.
Or le régime retraite est en déficit. Selon le Conseil d'orientation des retraites (COR), ce déficit serait de 7,5 à 10 milliards d'euros en 2027, soit 0,3 à 0,4 % du PIB, et de 12,5 à 20 milliards en 2032, soit entre 0,5 et 0,8 point de PIB.
Lorsque j'entends que l'on doit travailler longtemps, je réponds que les travailleurs créent des richesses qu'il faut socialiser. Nous proposons avec cet amendement de créer un prélèvement social supplémentaire de 7,8 %, éventuellement temporaire, en vue de financer le système de retraite. Le produit escompté serait de 650 millions d'euros immédiatement.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Avis défavorable. Nous avions intitulé notre rapport « Payer moins et gagner plus ». Vous proposez l'inverse : taxer plus et gagner moins ! De plus, vous préemptez le débat entourant la répartition et la capitalisation.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
M. Pascal Savoldelli. - L'amendement vise à une fiscalité totale de 37,8 centimes pour un euro de plus-value générée par ces placements. Nous sommes raisonnables...
L'amendement n°42 n'est pas adopté.
ARTICLE 8
Mme le président. - Amendement n°2, présenté par M. Féraud et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Supprimer cet article.
M. Rémi Féraud. - Nous voulons supprimer l'article 8, comme le propose aussi la commission, ce dont je me réjouis. Alors que la proposition de loi vise à protéger les épargnants, cet article proroge une incitation fiscale pour investir dans un PER...
Ce texte a un grand défaut : nous avoir empêchés de manifester tout à l'heure. Nous nous réjouissons de supprimer toute incitation à préférer la capitalisation à la répartition.
Mme le président. - Amendement identique n°22, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pascal Savoldelli. - Rémi Féraud a oublié de m'associer...(Sourires). Nous voulons en effet, nous aussi, supprimer une petite porte d'entrée vers la capitalisation.
Mme le président. - Amendement identique n°53, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Nous avons commencé à travailler sur ces questions en 2020. Vous conviendrez que nous n'avons pas choisi à dessein la date de la manifestation d'aujourd'hui ! (MM. Pascal Savoldelli, Rémi Féraud et Daniel Breuiller en conviennent en souriant.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Avis favorable du Gouvernement, même si c'est moi qui ai conçu ce dispositif il y a trois ans. L'objectif de la loi Pacte était non de fragiliser le système par répartition, mais d'harmoniser les produits d'épargne retraite, en vue de faciliter le passage de l'assurance vie vers le PER. Mais la phase d'acclimatation étant terminée, il est opportun de mettre fin à cette incitation.
Les amendements identiques nos2, 22 et 53 sont adoptés et l'article 8 est supprimé.
ARTICLE 9
Mme le président. - Amendement n°23, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
M. Pascal Savoldelli. - Pour votre agenda, monsieur le rapporteur : l'intersyndicale prévoit des mouvements les 7 et 11 février... (Sourires)
M. Jean-François Husson, rapporteur. - (Souriant) Nous ne serons pas au même endroit !
M. Pascal Savoldelli. - Nous ne voulons pas confier à la Caisse des dépôts la gestion de fonds de fonds indiciels ; le Gouvernement non plus, mais sûrement pour des raisons différentes.
Nous préférerions qu'elle contribue davantage à la mobilisation de l'épargne populaire, en consacrant, comme avant 1999, non plus 60 %, mais 100 % des euros déposés sur les livrets A et de développement durable au logement social, mais aussi à d'autres secteurs d'intérêt général ; souvenons-nous : en 2009, 11 milliards d'euros étaient ainsi consacrés entre autres aux transports, à l'assainissement des eaux, aux hôpitaux, aux universités...
Mme le président. - Veuillez conclure.
M. Pascal Savoldelli. - Empêchons l'arrivée de BlackRock !
Mme le président. - Amendement identique n°26, présenté par le Gouvernement.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Il n'est pas nécessaire que la Caisse des dépôts crée des fonds de fonds indiciels, car il existe déjà une offre de marché. Le texte prévoit qu'ils gagneront en visibilité dans le cadre de l'assurance vie : étant moins coûteux pour les gestionnaires comme pour les épargnants, ils devraient se développer.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - Une fois encore, je suis surpris : M. Savoldelli et le Gouvernement convergent ! (Mme Cécile Cukierman s'amuse.)
Monsieur le ministre, le marché n'est pas ouvert ; avec un seul acteur, il est émergent et il faut l'ouvrir ! La proposition d'un fonds de fonds indiciels cotés à bas coût encouragera la concurrence. Je suis surpris de voir nos collègues communistes défendre une situation de quasi-monopole détenue par un opérateur privé. Encourageons ces types de placements sans ouvrir la porte à des acteurs étrangers. Avis défavorable.
M. Pascal Savoldelli. - Monsieur le rapporteur, je me suis peut-être mal exprimé. Je ne cherche pas à rivaliser avec un BlackRock à la française. Tout le monde connaît ce vautour qui prétend, selon La Tribune, « démocratiser auprès du grand public ces instruments qui restent l'apanage des institutionnels et prouver qu'on ne doit pas sacrifier la rentabilité financière pour faire du bien à la planète ».
Aucune collusion de ma part : je défends nos institutions et l'intérêt général. BlackRock défend la rentabilité financière au détriment de la protection de la planète.
Les amendements identiques nos23 et 26 ne sont pas adoptés.
L'article 9 est adopté.
ARTICLE 11
Mme le président. - Amendement n°54, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
Alinéa 14
Remplacer le mot :
six
par le mot :
douze
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - L'article prévoit un rapport du Gouvernement sur l'établissement d'un contrôle a priori des offres d'investissements immobiliers ; le sujet étant technique, nous portons le délai de remise de six mois à un an.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Avis défavorable, en raison du délai.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Nous l'allongeons !
L'amendement n°54 est adopté.
L'article 11, modifié, est adopté.
ARTICLE 12
Mme le président. - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Malhuret, Chasseing, Decool, Guerriau, Grand et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Menonville et A. Marc.
Alinéa 4
Remplacer l'année :
2023
par l'année :
2024
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Supprimons le caractère rétroactif de l'obligation d'information qui s'impose aux plateformes de mise en relation dans le secteur du financement participatif, et laissons le temps aux acteurs de se mettre en conformité.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Les obligations en matière de blanchiment s'imposent à tous. Nous ne prévoyons pas une rétroactivité, nous espérons que les organismes ont conservé leur historique.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.
L'article 12 est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 12
L'amendement n°15 rectifié n'est pas défendu.
Mme le président. - Amendement n°13, présenté par M. Canévet, Mmes Sollogoub, Férat et Gatel, MM. Longeot et Delcros, Mmes Loisier et Saint-Pé, MM. Duffourg, Kern et Henno, Mmes N. Goulet et Jacquemet, M. Le Nay, Mme Billon, MM. Bonneau et Hingray et Mme Doineau.
Après l'article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l'article L. 131-1 du code des assurances, après le mot : « investie », sont insérés les mots : «, correspondant à hauteur de 50 % au critère du 2° de l'article L. 131-1-2 ».
Mme Françoise Gatel. - Nous voulons orienter les épargnants de contrats d'assurance vie vers des investissements verts : en 2022, 45 % des Français considéraient qu'ils pouvaient avoir un impact important en faveur de l'environnement à travers leurs placements.
Mme le président. - Amendement n°14, présenté par M. Canévet, Mmes Sollogoub, Férat et Gatel, MM. Longeot et Delcros, Mmes Loisier et Saint-Pé, MM. Duffourg, Kern et Henno, Mmes N. Goulet et Jacquemet, M. Le Nay, Mme Billon, MM. Bonneau et Hingray et Mme Doineau.
Après l'article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l'article L. 131-1 du code des assurances, après le mot : « investie », sont insérés les mots : « correspondant à hauteur de 25 % au critère du 2° de l'article L. 131-1-2 ».
M. Michel Canévet. - Cet amendement a le même objectif.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Nous souscrivons à cet objectif, mais nous doutons que les amendements soient opérationnels, car trop contraignants. Selon nos informations, il n'existerait qu'un seul label, Greenfin. Retrait ou avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis. Grâce à la loi Pacte, les compagnies d'assurance doivent présenter au moins une option sociale ou environnementale : il y en a dans tous les catalogues. Vos amendements sont particulièrement ambitieux, avec une offre représentant 25 ou 50 % du catalogue.
M. Michel Canévet. - Il faut être ambitieux dans la vie ! (Sourires)
L'amendement n°13 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°14.
ARTICLE 13
Mme le président. - Amendement n°9 rectifié ter, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Malhuret, Chasseing, Decool, Guerriau, Grand et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Menonville, A. Marc et Wattebled.
Au début
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ° À la première phrase du II de l'article L. 621-14 du code monétaire et financier, après les mots : « de présenter ses explications » sont insérés les mots : « et conduit une procédure contradictoire avec elle » ;
Mme Vanina Paoli-Gagin. - L'article renforce le pouvoir d'injonction de l'Autorité des marchés financiers (AMF) ; nous précisons qu'elle doit mener auparavant une procédure contradictoire.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Le code monétaire et financier prévoit déjà qu'aucune sanction ne peut être prononcée par le collège si la personne concernée n'a pas été en mesure de présenter des explications. Le Gouvernement peut-il nous éclairer sur ce point ? Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - C'est effectivement déjà le cas dans le cadre du collège : même avis.
L'amendement n°9 rectifié ter n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°55, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
I. - Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Après le II de l'article L. 621-14, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
II. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
...° L'avant-dernière ligne du tableau constituant le second alinéa du I des articles L. 783-8, L. 784-8 et L. 785-7 est ainsi rédigée :
«
L. 621-14 |
la loi n° du tendant à renforcer la protection des épargnants |
».
L'amendement de coordination n°55, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 13, modifié, est adopté.
Les articles 14, 15, 16 et 17 sont successivement adoptés.
APRÈS L'ARTICLE 17
Mme le président. - Amendement n°25, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du III de l'article L. 621-14 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le montant de ces astreintes recouvré par le comptable public est versé au budget de l'État. »
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Nous voulons remédier à l'imprécision de l'article L. 621-14 du code monétaire et financier : les astreintes prononcées et liquidées ne peuvent être recouvrées faute de disposition explicite.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°25 est adopté et devient un article additionnel.
Intervention sur l'ensemble
M. Pascal Savoldelli . - Je n'évoquerai ni le 49.3 ni le 47-1, mais l'article 45 - et tous nos amendements considérés comme irrecevables, car prétendument hors sujet.
Plafonner les frais de tenue de compte à 12 euros par an ? Hors sujet ! Supprimer les frais d'incidents pour les personnes modestes ? Hors sujet ! Supprimer les frais bancaires pour saisie administrative ? Hors sujet ! Plafonner les frais d'incidents des autoentrepreneurs et indépendants, qui se font déjà ponctionner 25 % de leurs gains par Uber ou Deliveroo ? Hors sujet !
Certes, le texte protège partiellement les épargnants, mais rien n'est fait pour orienter l'épargne financiarisée vers l'économie, l'emploi ou la réponse au défi climatique. Nous voterons contre cette proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée.
Protéger les logements contre l'occupation illicite
Mme le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger les logements contre l'occupation illicite.
Discussion générale
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - La proposition de loi que nous examinons dans le temps réservé au groupe RDPI, vise à apporter une réponse indispensable à des situations individuelles touchant la vie quotidienne de nos concitoyens. Je remercie le président Patriat d'avoir permis que le Sénat prolonge rapidement les travaux de l'Assemblée nationale sur ce texte.
Au cours des derniers mois, nous avons été nombreux à être saisis par de petits propriétaires se retrouvant dans l'impossibilité de récupérer le fruit du travail de toute une vie.
Mme Valérie Boyer. - Ce n'est pas faute de l'avoir dit !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Une vieille dame résidant en Ehpad s'est ainsi retrouvée dans l'impossibilité de vendre son appartement pour financer sa fin de vie, car il était squatté. Cette situation intolérable porte gravement atteinte à notre pacte social et républicain, qui suppose que les autorités fassent respecter la loi. Il est insupportable qu'une femme âgée s'angoisse pour payer ses traites !
Je le dis tout net : la lutte contre les squats est nécessaire. Force doit rester à la loi, laquelle doit protéger les honnêtes gens.
M. François Bonhomme. - À la bonne heure !
Mme Valérie Boyer. - Révélation tardive !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - La Déclaration des droits de l'homme de 1789 protège le droit de propriété. Mais c'est le domicile, au titre de la protection de la vie privée, qui est protégé par le délit de violation du domicile. Depuis 2015, l'article 226-4 du code pénal distingue deux infractions, dont une, le maintien dans le domicile d'autrui, est une infraction continue, ce qui permet aux forces de l'ordre d'intervenir, quel que soit le délai écoulé depuis l'introduction des squatteurs. C'est un outil efficace et puissant pour faire cesser les situations de squats avérées : la presse devrait cesser d'affirmer que des vacanciers trouvant des squatteurs chez eux au retour de leurs vacances ne peuvent rien faire, car ces derniers sont installés depuis plus de 48 heures.
La proposition de loi aligne les peines sur celles encourues par un propriétaire qui expulserait un squatteur : il fallait remédier à une situation injuste. Par ailleurs, elle précise que la notion de domicile recouvre tout local d'habitation contenant des biens meubles, qu'il s'agisse ou non de la résidence principale. Cette clarification permettra de faire cesser les fausses informations sur l'étendue de ce délit.
Contrairement à ce que certains médias affirment, la violation d'une résidence secondaire peut susciter à tout moment l'intervention des forces de l'ordre.
M. François Bonhomme. - Mais c'est compliqué...
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Cela va s'arranger grâce à cette loi, monsieur le sénateur.
Nous devions nous assurer que les infractions soient suffisamment ciblées et ne fassent pas primer le droit de propriété sur tout autre droit social, mais qu'elles répondent de manière proportionnée à des situations injustes.
Je salue le travail des rapporteurs André Reichardt et Dominique Estrosi Sassone, engagés de longue date sur ces sujets. Vos travaux ont restreint, pour les locaux autres que le domicile, le champ de la répression aux seuls actes frauduleux, répondant aux réserves que j'avais émises à l'Assemblée nationale : les locataires défaillants ne seront pas concernés.
Nos débats permettront de préciser le terme de local à usage économique, qui ne correspond à aucune notion connue de notre droit.
Dans la lutte contre les squats, votre commission a procédé à une gradation bienvenue dans l'échelle des peines. L'équilibre a été trouvé entre défense de la propriété immobilière et droit au logement, dans le respect de nos principes constitutionnels.
Nous disposons de deux voies pour expulser un squatteur : une voie civile, avec saisie du juge des référés, qui, constatant un trouble manifestement illicite, peut ordonner les mesures conservatoires, dont l'expulsion - dans un délai moyen de cinq mois ; depuis la loi Dalo et son article 38, il existe une voie administrative, par laquelle le préfet, en cas de plainte pour violation de domicile, peut ordonner une évacuation sans décision judiciaire.
À la suite de la loi Asap, avec les ministres de l'intérieur et du logement, nous avons adressé, le 22 janvier 2021, une instruction aux préfets pour détailler cette procédure et nous assurer de sa rapidité. L'exécutif est pleinement mobilisé dans la lutte contre les squats.
Tout en conservant l'essentiel des dispositions de la proposition de loi de Guillaume Kasbarian, vous avez recentré le texte sur la lutte contre les squatteurs. Je m'en félicite : l'évacuation administrative, expéditive et sans contradictoire, ne convient pas aux locataires ou aux concubins.
Je pense notamment à la situation d'une femme victime de violences conjugales dont le compagnon violent serait parti sur ordre de la justice, mais qui aurait quand même pu exiger du préfet une évacuation forcée de sa victime.
La nouvelle rédaction de l'article 2 a clarifié l'extension du périmètre de cette mesure, qui concernera également les logements vacants.
La question de l'expulsion pour loyers impayés est bien différente de celle du squat. Le droit civil protège les locataires qui, en raison d'un accident de la vie, ne peuvent plus s'acquitter de leur loyer. Le texte de la commission rétablit le pouvoir du juge d'accorder d'office des délais avant l'expulsion. Le locataire doit toutefois être en situation de régler ses dettes, et avoir repris le paiement des loyers courants. Votre proposition s'inscrit dans l'équilibre recherché entre droit au logement et droit de propriété. Mais 40 % des locataires ignorent leur droit de demander des délais et ne se présentent pas à l'audience. Le juge peut aussi ordonner des délais supplémentaires pour permettre le relogement. Le droit civil fait obstacle aux expulsions durant la trêve hivernale. La lutte contre les locataires de mauvaise foi ne doit pas modifier ces équilibres.
Les délais de traitement des affaires doivent être réduits, mais le délai de six semaines voté en commission semble trop court.
L'article 2 bis de la proposition de loi décharge les propriétaires de certaines de leurs obligations, mais les décharger totalement de leur obligation d'entretenir leurs biens nuirait aux tiers subissant un dommage. Il faudra donc aménager le texte.
Dans la lutte contre le squat, ce texte est une nouvelle étape intéressante. Faisons en sorte qu'il apporte des solutions efficaces, dans le respect de nos principes constitutionnels.
M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement . - Ce texte traite de situations humaines complexes, que nous connaissons en tant qu'élus. Vous connaissez la différence entre les situations inacceptables de squat et les impayés de loyers. Forts de cette expérience, vous examinez un texte équilibré, amélioré, qui fait cette distinction. Je salue le travail des rapporteurs.
Notre discussion devra conduire à mieux distinguer la situation du squatteur entrant illégalement dans un domicile, qui doit être sanctionné, de celle du locataire défaillant de bonne foi, qui doit être accompagné.
Grâce à un amendement du sénateur Patriat, les peines pour le squat de locaux d'habitation ou de locaux économiques seront graduées. Je me réjouis également du dispositif d'occupation temporaire, pérennisé à l'Assemblée nationale et sécurisé par votre commission.
Le texte renforce les sanctions contre les marchands de sommeil, qui organisent des squats au détriment des plus faibles. Le Gouvernement est pleinement mobilisé contre ce phénomène, pour lutter contre l'habitat indigne, avec la loi Elan adoptée lors de la précédente législature.
Je me réjouis que la commission ait maintenu les pouvoirs d'office du juge pour définir un plan d'apurement de la dette locative. Le Gouvernement l'avait déjà soutenu pour tous les locataires de bonne foi à l'Assemblée nationale.
Concernant les délais, la commission a accepté de passer d'un mois à six semaines, mais ce délai nous semble encore trop court : deux mois seraient préférables, notamment pour éviter l'engorgement des tribunaux.
Je salue aussi le travail de la commission des affaires économiques sur les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex), qui a institutionnalisé leur gouvernance, anticipé leur intervention, institué un délai de trois mois pour le diagnostic social et leur a conféré des pouvoirs renforcés pour le maintien des APL ou le versement des aides directement au bailleur.
Le Gouvernement est mobilisé pour prévenir les expulsions locatives. Des outils existent déjà, avec les équipes mobiles financées par l'État, le fonds de solidarité pour le logement, les boucliers tarifaires, le chèque énergie... Laissons du temps au travail social et au juge pour apprécier toutes les situations. Une expulsion est toujours un échec.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'est toujours une injustice !
M. Olivier Klein, ministre délégué. - L'équilibre apaise le marché et évite des cautions locatives toujours plus importantes, discriminantes et inégalitaires. J'ai confiance dans le Sénat pour préserver cet équilibre. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'examen de cette proposition de loi nous donne l'occasion de revenir sur deux sujets chers au Sénat : la lutte contre le squat et la sécurisation des rapports locatifs.
Il y a deux ans, nous débattions de la proposition de loi de Dominique Estrosi Sassone visant à mieux protéger la propriété contre le squat, dont plusieurs propositions sont reprises par ce texte. Dommage que le Gouvernement n'ait pas été plus tôt à l'écoute, cela aurait permis d'éviter à certains petits propriétaires de découvrir leur logement habité à leur retour de vacances...
Il faut mieux distinguer locataire défaillant et squatteur. Le texte contient des dispositions pénales, dont certaines déjà votées par le Sénat en janvier 2021, comme l'alourdissement de la peine en cas de squat du domicile, ou la punition par une amende de la publicité sur le squat, car sur internet, on trouve de véritables manuels du squatteur...
Le code pénal sanctionne la violation de domicile, sur le fondement du droit à la protection de la vie privée. Afin de garantir le droit de propriété, principe fondamental de notre République, le texte crée une nouvelle infraction pour sanctionner le squat des locaux qui ne sont pas des domiciles. Le texte prévoit également de punir les locataires qui se maintiennent, sans droit ni titre, dans leur logement alors qu'ils ont épuisé tous les recours. Je sais que cette dernière mesure est contestée, mais elle enverrait un signal aux locataires particulièrement de mauvaise foi.
J'en viens à la procédure prévue par l'article 38 de la loi Dalo, utilisée 170 fois en 2022. La commission a retenu certaines des dispositions déjà votées par le Sénat : élargissement aux logements qui ne constituent pas un domicile, saisine de l'administration fiscale par la préfecture pour aider la victime à prouver son titre de propriété et
raccourcissement du délai de la mise en demeure à 24 heures.
Il n'est pas normal qu'un propriétaire ne pouvant plus accéder à son bien soit condamné pour manque d'entretien, d'où un régime dérogatoire de responsabilité civile.
Nous regrettons l'absence d'évaluation de la mise à disposition temporaire des locaux vacants. Or 10 000 personnes en ont bénéficié jusqu'à présent, contribuant ainsi à la lutte contre le squat.
La seconde partie du texte sécurise les rapports locatifs en améliorant la procédure contentieuse, longue et complexe. L'expulsion est la solution de dernier recours, a fortiori si le locataire est de bonne foi. On compte chaque année quelque 500 000 commandements de payer, ainsi que 150 000 assignations en justice, et 70 000 décisions d'expulsion ferme, dont 16 000 nécessitent le recours à la force publique. Notre texte vise à rétablir la confiance pour que les propriétaires louent leur logement, alors que des millions de nos concitoyens sont mal-logés.
Il est proposé de généraliser les clauses résolutoires de plein droit dans les baux locatifs : le juge pourra se prononcer rapidement. L'Assemblée nationale voulait responsabiliser le locataire. Or la commission des lois a retouché ces dispositions : beaucoup de locataires ne connaissent pas leurs droits. Le juge doit pouvoir accorder des délais supplémentaires de sa propre initiative.
Nous avons aussi décidé de porter d'un mois à six semaines le délai entre le commandement de payer et l'assignation devant le tribunal, car ce délai est souvent mis à profit pour régler à l'amiable les litiges locatifs.
Nous entendons aussi favoriser le traitement social des locataires en difficulté, en renforçant le pouvoir des Ccapex.
Nous avons essayé de parvenir à un texte répondant aux attentes de propriétaires, sans fragiliser les locataires victimes d'un accident de la vie.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'est faux !
M. André Reichardt, rapporteur. - Je vous invite à voter ce texte équilibré entre droit de la propriété et droit au logement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Il n'est pas équilibré !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Capo-Canellas et Mme Valérie Létard applaudissent également.) La commission des affaires économiques s'est saisie pour avis de l'intégralité de cette proposition de loi.
Certes, force doit rester à la loi face à la violence des squatteurs, mais le respect du droit de propriété ne doit pas conduire à mettre à la rue des familles victimes d'un accident de la vie. Avec André Reichardt, nous avons voulu trouver un équilibre en étant plus stricts avec les squatteurs et les locataires de mauvaise foi, mais en favorisant le traitement social des locataires en difficulté.
Le squat est un viol de l'intimité, et il faut qu'il soit réprimé sans faiblesse. Nous devons lutter contre les réseaux spécialisés qui promeuvent le squat. Protégeons les domiciles, mais aussi les futurs domiciles. Sortons d'une vision dans laquelle on excuse le squat au nom de la crise de logement ou de la richesse supposée des propriétaires. À Paris, un quart des victimes de squat sont des locataires et deux tiers des propriétaires n'ont qu'un seul bien en location, souvent pour compléter une retraite. Arrêtons également d'excuser l'occupation illégale des logements vacants, car le dispositif d'hébergement temporaire répond aux besoins des personnes en grande difficulté ou en mobilité.
Arrêtons enfin de faire porter aux propriétaires le poids d'une politique défaillante du logement, car si les constructions et les possibilités d'attribution ne sont pas assez nombreuses, ce n'est pas de la faute des propriétaires...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Ni des locataires !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. - ... mais plutôt celle du Gouvernement !
Que de temps perdu ! Voilà deux ans, le Sénat votait la proposition de loi que j'avais présentée. Plusieurs problèmes seraient déjà résolus si elle avait été votée à l'Assemblée nationale.
Nous approuvons la réduction de la durée de procédure, qui décourage les propriétaires de louer leur logement, préférant la location de tourisme : une protection exagérée se retourne contre les locataires. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste vivement.)
Nous distinguons clairement les squatteurs des locataires en difficulté : n'affaiblissons pas la possibilité d'un règlement amiable. La responsabilisation des locataires passe par la prévention des impayés et des expulsions : je propose d'avancer à deux mois d'impayés le seuil de saisine des Ccapex, de doubler le temps disponible pour la réalisation d'un diagnostic social et de renforcer leurs compétences.
Nous sommes parvenus à un équilibre fidèle à nos principes de respect de la propriété privée, mais aussi de justice et d'humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
Exception d'irrecevabilité
Mme le président. - Motion n°1, présentée par MM. Benarroche, Gontard, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite (n° 279, 2022-2023).
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) « Certaines lois marquent une époque du sceau de la grandeur ou de l'abandon » : cette phrase de Pascal Brice nous alerte sur la situation. Cet abandon, c'est celui de la solidarité.
Ce texte « se trompe de cible », écrit pour sa part Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, dans un courrier adressé à Gérard Larcher. Il faut combattre les causes du mal-logement, et non ceux qui en sont victimes.
Ce texte est une arme atomique !
M. François Bonhomme. - Nucléaire !
M. Guy Benarroche. - Ses dommages collatéraux toucheront toute la société, car il érige avec violence le droit de propriété comme une valeur absolue.
Je le dis tout net : nous ne remettons pas en cause le droit de propriété...
M. François Bonhomme. - Nous sommes rassurés !
M. Guy Benarroche. - ... mais les principes constitutionnels doivent se concilier de manière équilibrée. Or ce texte fait tout l'inverse.
Dans une décision du 19 janvier 1995, le Conseil Constitutionnel a érigé au rang d'objectif de valeur constitutionnelle la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent.
Ce texte est un danger, une fausse solution antisociale. (Mme Dominique Estrosi Sassone le conteste.) Il revient à une insupportable criminalisation de la précarité et de la pauvreté.
M. François Bonhomme. - Qui a dit cela ?
M. Guy Benarroche. - Dans un passé récent, lors de l'examen du texte sur l'expropriation d'un bien laissé manifestement à l'abandon, nous avons bien noté que le droit de ne rien faire de son bien restait sacro-saint, mais aussi que le droit absolu de propriété était à géométrie variable : nous sommes sur une pente dangereuse.
La tentative très maladroite de confondre protection de la propriété et du domicile est néfaste et anticonstitutionnelle. Le président du Haut Comité pour le droit au logement estime que les propriétaires les plus modestes souffrent plus d'un manque d'accès aux dispositifs de prévention et d'un manque de moyens de la justice que d'un droit inefficace.
Les locataires en difficulté sont criminalisés, mais leur faire porter la responsabilité du mal-logement relève d'un cynisme rare. L'État est trop défaillant, les collectivités territoriales ne peuvent s'y substituer. Mais où est ce Gouvernement ? Où est la politique du logement ? En 2018, le Président de la République avait déclaré vouloir apporter un toit aux sans-abri. En 2022, monsieur le ministre Klein, vous avez réduit cet objectif aux seuls enfants. La Défenseure des droits s'inquiète de la situation.
M. François Bonhomme. - On peut en parler !
M. Guy Benarroche. - Qui effectuera les bilans sociaux ? Où sont les moyens en faveur du 115 et de l'hébergement d'urgence ? Chaque soir, 5 000 personnes appellent en vain le 115. À Marseille, seul un appel sur trois aboutit. Il y a carence des services de l'État. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)
Les moyens de protéger les petits propriétaires existent déjà. Des mesures de protection équilibrée, telles que la garantie des loyers, pourraient être envisagées. Mais tout dans ce texte aboutit à une criminalisation de la précarité. Plus de 4,1 millions de nos compatriotes sont mal logés, on compte plus de 300 000 sans-abri, dont 42 000 enfants.
La pénalisation des impayés est insupportable. Soit la rue, soit la prison : la prison pour dette est de retour dans notre République ! Quelle est la finalité de cette pénalisation ? Ces mesures créeront un cercle vicieux, en maintenant les occupants illégaux dans la précarité et dans l'illégalité. Qui sera gagnant ? Sûrement pas le propriétaire, qui ne pourra pas recouvrer sa dette, ni le locataire, qui rejoindra la cohorte des sans-abri.
L'inflation, les contrats précaires, la diminution des allocations chômage expliquent la multiplication des défauts de paiement. Il eût fallu s'attaquer à l'hébergement d'urgence, à la mise à l'abri, au Dalo.
J'observe, fasciné, la tentation démagogique de prospérer sur le droit de propriété. Nous devons garantir les droits des plus vulnérables, mais la loi votée par l'Assemblée nationale est une caricature. Certes, je remercie les rapporteurs d'avoir amélioré le texte, mais cessons les amalgames et la criminalisation. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE)
Mme Catherine Procaccia. - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce soir, c'est un anniversaire : le 31 janvier 2007, j'étais bien seule dans cet hémicycle pour parler des squatteurs et des manuels mis à leur disposition sur internet. À l'époque, je disais qu'il fallait aussi penser aux locataires ou propriétaires qui se retrouvaient ainsi à la rue. Dans la nuit, j'avais reçu une délégation de Jeudi noir et de l'association Droit au logement : ils considéraient mon amendement acceptable s'il se limitait à l'habitation principale. C'est devenu l'article 38 de la loi Dalo. Hélas, pendant longtemps, il a été très peu appliqué par les préfets.
Onze ans plus tard, mon amendement visant à ce que la trêve hivernale ne s'applique pas aux squatteurs a été adopté dans la loi Elan, contre l'avis du ministre.
Une voix sur les travées du GEST. - Il avait raison !
Mme Catherine Procaccia. - Avec Dominique Estrosi Sassone et Henri Leroy, quel bonheur de voir la relève assurée ! Si la proposition de loi de Dominique Estrosi Sassone avait été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, nous n'aurions pas perdu autant de temps.
La notion de squat a été étendue aux résidences secondaires par la loi Asap. Monsieur le garde des sceaux, quel plaisir d'entendre que le squat est un délit !
Monsieur Benarroche, le texte établit bien la distinction entre squatteurs et locataires en difficulté. Avez-vous déjà rencontré une personne qui, à son retour de l'hôpital ou d'un voyage, ne peut plus rentrer chez elle et doit prouver son droit de propriété ?
M. Daniel Breuiller. - Oui !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Oui !
Mme Catherine Procaccia. - Je me réjouis que le préfet puisse désormais saisir l'administration fiscale, pour aider les personnes à prouver qu'il s'agit bien de leur domicile.
On nous dit que l'on ne pénétrerait pas dans un domicile par plaisir, mais est-il normal de changer les serrures et de refuser de partir, même après un jugement ? Est-il normal que les décisions de justice ne soient pas appliquées ?
M. Guy Benarroche. - Non !
Mme Catherine Procaccia. - Ce laxisme ne fait qu'entretenir le sentiment d'impunité des squatteurs.
Non, monsieur Benarroche, tous les cas ne sont pas réglés. Le droit au logement existe, je l'affirme bien volontiers, mais il doit s'appliquer à tous, y compris aux propriétaires et locataires évincés, qui doivent eux aussi être relogés.
Voter la motion, ce serait effacer des avancées obtenues de longue date, comme la suppression de l'obligation d'entretien si le propriétaire ne peut plus accéder à son bien.
S'il y a des propriétaires indélicats, il y a aussi des locataires qui le sont. Rééquilibrer les droits serait de nature à remettre de nombreux biens sur le marché.
Le groupe Les Républicains votera contre la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)
M. André Reichardt, rapporteur. - La proposition de loi contreviendrait à l'objectif à valeur constitutionnelle d'accès au logement ? La commission ne souscrit pas à cette analyse. Le texte contient, au contraire, des avancées en matière d'accompagnement social des locataires en difficulté. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Après la séance, j'irai m'installer chez M. Benarroche avec toute mon équipe. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Ludovic Haye applaudit également.)
M. François Bonhomme. - Ça va faire du bruit !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je ferai changer les serrures et j'apposerai une affichette indiquant que je vous ferai poursuivre si, par effraction, vous pénétrez dans les lieux... On marche sur la tête !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Cela concerne quelques personnes !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Il y a des professionnels du squat, qui vous expliquent, par exemple, comment repérer un logement qui n'est pas occupé.
Oui, madame Procaccia, occuper le logement d'autrui est une infraction !
M. Guillaume Gontard. - C'est déjà le cas ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann renchérit.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Vous, au nom de l'idéologie, vous trouvez cela normal. (Vives protestations à gauche)
Mme Cécile Cukierman. - Non, nous ne trouvons pas ça normal ! Mais la proposition de loi ne parle pas de ça !
M. Pascal Savoldelli. - Nous parlons avec nos passions, nos convictions, mais, monsieur le garde des sceaux, je ne vous demande pas de venir chez moi...
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - C'est le squatteur qui choisit !
M. Pascal Savoldelli. - Vous avez de l'assurance quand vous parlez tout seul, mais, ici, il s'agit de débattre avec nous. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)
Je ne me fonderai pas, moi, de je ne sais quel roman. Je pense qu'il y a un déséquilibre entre les droits du propriétaire et les droits fondamentaux garantis par la Constitution, dont le droit au logement, et que le mélange des genres entre squats et loyers impayés n'a pas lieu d'être.
C'est pourquoi nous voterons la motion déposée par nos collègues du GEST.
Mme Viviane Artigalas. - Le 19 janvier 1995, comme le rappellent les auteurs de la motion, le Conseil constitutionnel a élevé au rang d'objectif de valeur constitutionnelle la possibilité pour chacun de disposer d'un logement décent.
Aux termes du préambule de la Constitution de 1946, « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » et garantit à tous « des moyens convenables d'existence ». Les rédacteurs de cette proposition de loi estiment-ils qu'une peine d'emprisonnement pour une personne hors d'état de payer son loyer est la bonne façon d'assurer ces conditions de développement et ces moyens convenables d'existence ?
Ce texte est déséquilibré.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. - Pas après le travail de la commission !
Mme Viviane Artigalas. - C'est pourquoi nous voterons la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. François Bonhomme. - Le texte de la motion, qui évoque une atteinte grave aux libertés publiques, est d'une grande violence. Le droit à un logement décent n'est pas un permis de bafouer le droit de propriété le plus élémentaire !
Monsieur Benarroche, vous ne manquez pas de références : vous savez que le droit de propriété est le premier à avoir été garanti en 1789, au même titre que la sûreté, la liberté et la résistance à l'oppression. La crise du logement est une réalité, mais on ne peut pas l'invoquer à tout propos pour nier le droit absolu et naturel à la propriété, que les députés de 1789 ont placé parmi les tout premiers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Ce que j'ai voulu dire, sur un ton un peu badin que je n'aurais peut-être pas dû employer, c'est que le droit au logement ne saurait être : « Pousse-toi de là que je m'y mette ». Le squat, c'est cela : s'installer dans un logement vide et interdire au propriétaire de le récupérer.
Mme Valérie Boyer. - C'est du vol !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'est déjà interdit !
M. Daniel Breuiller. - La plupart des victimes de squats sont des institutionnels...
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - La propriété, ce n'est pas sale ; c'est un droit consacré par notre Constitution.
M. Guy Benarroche. - Qui dit le contraire ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Ce texte a le mérite d'être équilibré entre droit au logement et droit à la propriété privée. (On le conteste à gauche.)
Les situations dont certains reportages se sont fait l'écho sont inacceptables. Des gens dorment dans des caravanes parce que d'autres occupent leur logement, en arguant que le droit au logement surpasse tous les autres...
M. François Bonhomme. - Révoltant !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je ne puis l'accepter. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes UC et Les Républicains)
M. Guy Benarroche. - Il y a 170 cas dans l'année !
La motion n°1 n'est pas adoptée.
Question préalable
Mme le président. - Motion n°6, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger les logements contre l'occupation illicite (°279, 2022-2023).
M. Pascal Savoldelli . - En 2017, Emmanuel Macron...
M. François Bonhomme. - Il est locataire ! (Rires sur de nombreuses travées)
M. Pascal Savoldelli. - ... déclarait que la première bataille était de loger tout le monde dignement ; c'est, disait-il, une question d'humanité et d'efficacité.
Quelle place cette proposition de loi accorde-t-elle aux plus vulnérables ? Depuis l'introduction du droit au logement, les droits des propriétaires ont été renforcés. Des faits divers ont été surmédiatisés, donnant l'impression que ce phénomène aurait pris une ampleur immense, que nous serions face à un tsunami.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. - Ce n'est pas ce que nous avons dit.
M. Pascal Savoldelli. - Le squat est une solution forcée...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Pas toujours...
M. Pascal Savoldelli. - ... qui résulte de l'incapacité de l'État à mettre toute personne à l'abri.
L'année dernière, monsieur le ministre du logement, vous avez construit 84 000 logements sociaux. Il en faudrait 150 000 par an pendant dix ans pour répondre à la demande...
Combien de temps faut-il pour obtenir un hébergement via le 115 ?
L'occupation illicite d'un bien porte une atteinte réparable au droit de propriété.
Pourquoi faire l'impasse sur des dispositifs qui existent ? Votre objectif est d'élever le droit de propriété à finalité lucrative au-dessus de toutes les autres valeurs, y compris la sauvegarde de la dignité humaine. C'est pourquoi vous tendez à criminaliser les locataires en difficulté.
Une piqûre de rappel s'impose : le CRCE dénonce l'incapacité de l'État à respecter ses obligations. L'urgence est d'éviter que davantage de personnes soient à la rue. Ce n'est qu'une fois tous les cinq jours qu'on peut trouver un logement via le 115...
Mme Valérie Boyer. - Quel est le rapport ?
M. Pascal Savoldelli. - Il faut instaurer la garantie universelle des loyers (Mme Marie-Noëlle Lienemann renchérit) et relancer la construction de logements sociaux.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. - Ce n'est pas une loi sur le logement !
M. Pascal Savoldelli. - Rendez-vous compte : pour la première fois, on pourrait appliquer à des locataires en difficulté des dispositions qui s'imposent aux squatteurs, y compris une peine d'emprisonnement - alors que nos prisons sont plus que surpeuplées, avec des taux d'occupation de 140 à 160 %.
Voilà un certain nombre de vérités.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Qui n'ont rien à voir entre elles...
M. Pascal Savoldelli. - Sous prétexte de protéger les petits propriétaires d'occupations déjà punies d'un an d'emprisonnement, la proposition de loi s'attaque à toute personne confrontée à un accident de la vie. Et on ne parle même pas des marchands de sommeil !
Les lacunes de la politique gouvernementale sont au coeur de notre débat. Dans la question du logement, il y a celle de l'autonomie financière, donc des salaires. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. François Bonhomme. - Et le réchauffement climatique ?
Mme Valérie Boyer. - Et la fin du monde ?
M. Pascal Savoldelli. - Je vous invite à la maison, mais vous n'avez pas de problème pour vous loger, monsieur le garde des sceaux...
Sans réforme des aides au logement, il y aura de plus en plus de retards de loyers. (M. Guy Benarroche renchérit.) Les factures explosent et les gens achètent des radiateurs en nombre pour se chauffer, au prix de dépenses extraordinaires. Une proposition constructive aurait été de relever l'APL des charges.
Ce n'est pas le moment de voter cette proposition de loi, alors que la situation pourrait devenir explosive.
On va me reprocher d'évoquer les sciences humaines...
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Allons-y !
M. Pascal Savoldelli. - Vous êtes vraiment cavalier, monsieur le ministre.
La privation de domicile peut conduire à une forme de désaffiliation sociale, voire d'exclusion. Dans son arrêt Winterstein contre France du 17 octobre 2013, la CEDH souligne que la perte d'un domicile entraîne des atteintes à d'autres droits cruciaux.
La loi pénale peut entraîner des interpellations, mais ne saurait constituer un mode d'expulsion. L'article 1er A de la proposition de loi autorise pourtant un recours élargi et quasiment illimité à la procédure de flagrance. Cette disposition, ni nécessaire ni proportionnée, est dangereuse.
Comme M. Burguburu, nous craignons aussi pour la liberté d'expression des associations.
Mme le président. Votre temps de parole est écoulé.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST)
Mme Valérie Boyer. - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce que le but de toute association politique est la conservation des droits naturels de l'homme : liberté, propriété, sûreté et résistance à l'oppression. Alors que nous faisons face à des violations de domicile par des squatteurs, pourquoi vouloir revenir sur ces acquis de la Révolution ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Parce que la République est devenue sociale !
Mme Valérie Boyer. - La justice et l'humanité ne sont pas incompatibles. Où est l'humanité quand on spolie autrui ?
Monsieur le ministre, j'ai été ébahie de voir que, pour une fois, nous étions d'accord... Nous parlons de rêves brisés par des individus qui se croient au-dessus des lois. Le droit au logement n'est pas celui de voler ou de détruire ! (M. Daniel Breuiller proteste.)
Je remercie la presse qui se fait l'écho de ces situations dramatiques, impliquant souvent des propriétaires modestes. En 2020, Maryse et Pierre ont voulu revenir dans leur maison louée le temps d'un voyage : mais la nouvelle habitante a refusé de quitter les lieux, avant de cesser de payer son loyer. À Pamiers, Georgette, 75 ans, a vu l'homme chargé des travaux de rénovation refuser de quitter sa maison. À Mazingarbe, une maison a été squattée et saccagée, les propriétaires séquestrés. Ces situations sont humainement dramatiques.
L'année dernière, Mégane, 24 ans, a ému les Français par son combat pour récupérer sa maison squattée à Fressenneville, dans la Somme. Elle dénonçait la lenteur administrative. En ce début d'année, son constat est amer : aucun changement.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Qu'a fait le préfet ?
Mme Valérie Boyer. - Malheureusement, ces cas médiatisés ne sont pas isolés. Excuser la spoliation du bien d'autrui est incongru et injuste ! Les propriétaires victimes se retrouvent impuissants, les maires démunis. Nous devons faire notre possible pour mieux protéger nos concitoyens.
Nous ne sommes pas face à des faits divers, mais à une réalité dramatique : le droit n'est pas respecté, et les propriétaires se sentent abandonnés par les pouvoirs publics. C'est l'autorité de l'État qui est en cause. Si l'État ne remplit pas ses obligations élémentaires, le contrat social est en péril.
Je regrette que le Gouvernement ait perdu autant de temps sur cette question grave. Voilà des années que le groupe Les Républicains fait des propositions, rejetées ou tardivement reprises par la majorité présidentielle. Je salue notamment les travaux de Julien Aubert et Dominique Estrosi Sassonne. En 2019, j'ai déposé avec M. Aubert une proposition de loi visant à alourdir les peines contre les squatteurs. Ces propositions ont presque toutes été rejetées. Que de temps perdu !
En décembre dernier, les députés Les Républicains souhaitaient voter certaines dispositions en la matière ; la majorité présidentielle a préféré les reprendre à son compte, au lieu de faire un travail commun. Ce temps perdu en stratégies politiciennes, ce sont des injustices qui durent.
Notre position est constante : nous soutenons ce texte, modifié par la commission des lois. Je vous invite donc à repousser cette motion, afin de mieux protéger les Français, les propriétaires, et d'éviter le recours à la justice privée.
Je me souviens d'un cas dans le 12e arrondissement de Marseille : lorsque l'évacuation a enfin eu lieu, les services sociaux sont venus au secours des squatteurs, qui avaient dégradé une maison et volé les souvenirs d'une famille. C'est une prime aux tricheurs et à ceux qui spolient les honnêtes gens.
Il y a même une économie autour de cette spoliation, certains proposant aux victimes de racheter leur maison à vil prix. Tout cela est particulièrement injuste.
Protégeons nos concitoyens qui respectent le droit ! Et redonnons confiance aux propriétaires, pour les inciter à mettre leur bien en location. Comme disait Jaurès,...
Mme le président. Votre temps de parole est épuisé. (Protestations à gauche ; la voix de l'oratrice se perd dans le brouhaha.)
Une voix à gauche. - On l'a échappé belle !
M. André Reichardt, rapporteur. - Nos collègues du groupe CRCE rappellent à juste titre l'ampleur de la crise du logement : 300 000 sans-abri, 3 millions de logements vacants.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Et cela ne vous émeut pas ?
M. André Reichardt, rapporteur. - Oui, il faut réformer le marché du logement. Mais nombre de propriétaires hésitent à louer par peur des impayés de loyer. La proposition de loi vise à rétablir la confiance et à lutter plus fermement contre le phénomène du squat, qui est distinct.
Monsieur Savoldelli, nous avons 97 amendements à examiner. Certains amendements du groupe CRCE recevront un avis favorable. Pourquoi vouloir arrêter là la discussion ? Je vous invite à retirer cette motion ; avis défavorable si elle est maintenue.
M. Olivier Klein, ministre délégué. - Avis défavorable également. Ce texte est équilibré ; à aucun moment il ne mélange squat et impayés de loyer. (On le conteste à gauche.)
Le texte, déjà amélioré par la commission, le sera encore, notamment sur la question de la bonne foi. Soyez de bonne foi vous-même : aucun locataire de bonne foi ne sera emprisonné à la suite d'impayés.
Ce soir, 203 000 places d'hébergement d'urgence sont ouvertes, un chiffre inédit ; 5,7 millions d'euros sont dépensés chaque soir pour mettre des personnes à l'abri. Nous menons un travail quotidien avec toutes les associations. Grâce au plan Logement d'abord, 440 000 personnes ont quitté la rue.
Comme maire de Clichy-sous-Bois, j'ai été largement confronté aux squatteurs : ce phénomène explique la dégradation des copropriétés. M. Savoldelli connaît cette situation dans le Val-de-Marne. Madame Lienemann, vous avez raison de ne pas vouloir le maintien des squatteurs dans les logements sociaux.
Comme vous, nous luttons contre les expulsions locatives, car chaque expulsion est un échec. Je soutiens les commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, j'ai réuni les énergéticiens pour qu'ils contribuent au Fonds de solidarité logement. Je ne crois pas avoir de leçons à recevoir.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - On nous répète quelques cas dramatiques de personnes qui voient leur logement occupé par les squatteurs. Mais la loi les protège déjà ! Par quelle incurie du système la loi n'est-elle pas appliquée ? J'aurais été favorable à un durcissement de la loi sur ce point.
Monsieur le garde des sceaux, je vous transmettrai la liste de certains bailleurs sociaux qui saisissent le procureur pour occupation illicite de leurs locaux ; leurs demandes sont systématiquement classées sans suite...
Certains locaux vides sont occupés par des squatteurs depuis des lustres. Le squat, c'est pas bien, c'est sûr. Mais où iraient toutes ces personnes sans cela, avec leurs gosses ? (Mmes Dominique Estrosi Sassone et Valérie Boyer protestent.) Les logements sociaux manquent, nous le savons bien !
M. Guy Benarroche. - Exactement !
Mme Viviane Artigalas. - Il n'y a pas lieu de légiférer à nouveau sur les squats, auxquels, bien sûr, nous nous opposons tous.
Pourquoi la loi Asap, qui prévoit l'expulsion des squatteurs sous 72 heures, ne s'applique-t-elle pas ? En outre, un accompagnement est proposé aux propriétaires victimes depuis le 1er février dernier. De nouvelles mesures ne seront pas plus efficaces.
Notre pays compte quinze millions de familles fragilisées par la crise du logement, qui pourrait bien être la bombe sociale de demain, pour reprendre l'expression de M. le ministre. Cette proposition de loi n'est pas un texte de justice sociale. Au contraire, elle accroît la pression sur nos concitoyens les plus fragiles. Tous les acteurs de la solidarité et de défense des droits de l'homme y sont opposés. C'est pourquoi le groupe SER votera la question préalable du groupe CRCE. (Applaudissements à gauche)
M. François Bonhomme. - L'intervention de M. Savoldelli révèle une inversion des valeurs et des logiques. Une piqûre de rappel s'impose : dans la Constitution de 1793, Robespierre, bien connu pour sa mesure et son humanisme (rires à droite), a consacré le caractère sacré et inaliénable du droit de propriété.
Mme Cécile Cukierman. - Je n'ai jamais cité Robespierre ici : c'est la différence entre nous !
M. Guillaume Gontard. - Mme Boyer a raison : il faut protéger nos concitoyennes et nos concitoyens. Le nombre de SDF a été multiplié par deux en dix ans, nous comptons 2 millions de demandeurs de logement social, 4 millions de mal-logés ; en 2021, la rue a tué 623 personnes ; le 115 refuse un hébergement à 6 000 personnes. Peut-on se satisfaire de cette situation ? Un logement sur dix est vacant, soit une hausse de 55 % en vingt ans. Les squats, eux, représentent 0,05 % des logements recensés...
Monsieur le ministre du logement, pourquoi ne pas parler de la garantie universelle des loyers, de l'encadrement des loyers, de la revalorisation des APL, de respect de la loi SRU ? Voilà des mesures de protection ! (Protestations à droite)
À la demande du GEST, la motion n°6 est mise aux voix par scrutin public.
Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°116 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l'adoption | 91 |
Contre | 253 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Discussion générale (Suite)
M. Denis Bouad . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Pour être pertinente, une mesure politique doit être prise dans le bon timing et représenter un équilibre. Ce texte ne répond pas à ces deux exigences.
Cette proposition de loi ambitionne de concilier la protection des locataires et celle des bailleurs. Faisons la différence entre les faits divers médiatisés et la réalité des chiffres. Dans son rapport, la Défenseure des droits indique que le squat est un phénomène marginal : en 2021, 160 squats ont été dénombrés dans notre pays, pour 40 cas effectifs de recours à la force publique. Dans la grande majorité des cas, les propriétaires ont pu accéder à nouveau à leur logement sans passer par la justice.
La loi Asap de 2020 a accéléré les procédures : cela témoigne de l'efficacité de notre arsenal juridique. Nous nous retrouvons dans l'invitation du président du Sénat Gérard Larcher à la sobriété législative : plutôt que de voter de nouvelles lois, appliquons celles qui existent.
La lutte contre les squats est une préoccupation légitime. Les expulsions sont parfois nécessaires, mais les situations humaines sont compliquées. La réduction des délais de contentieux remet en cause le traitement social de ces problèmes. Toutes les associations le disent : le délai de deux mois entre le commandement à payer et l'assignation en justice n'est pas excessif. L'Assemblée nationale avait voté un mois, vous l'avez ramené à six semaines ; mais la réduction de quinze jours a déjà des conséquences dommageables.
L'urgence et la priorité, c'est de réduire la difficulté à accéder à un logement. Un accompagnement social s'impose. Je reconnais néanmoins la qualité du travail des rapporteurs. Je récuse l'amalgame opéré par l'Assemblée nationale entre squatteurs et locataires en défaut de paiement, qui traduit la volonté de déséquilibrer le système existant en fragilisant les locataires en difficulté, souvent de bonne foi. Je salue également la proposition de renforcer le rôle des Ccapex, mais qu'en sera-t-il de leurs moyens concrets ?
Nous nous interrogeons ensuite sur la temporalité de ce texte. Lors de l'examen de la loi de finances, nous étions nombreux à nous interroger sur cette réalité : 14,6 millions de personnes sont fragilisées par la crise du logement, plus de 4 millions sont mal logées, 300 000 personnes sont sans domicile, 2,2 millions de ménages attendent un logement social. Ce texte est à contre-emploi et à contresens.
Après cinq ans d'une politique ayant conduit à faire des économies sur les ménages les plus modestes, le texte est malvenu. Est-il de nature à sécuriser les petits propriétaires bailleurs et à alléger les procédures ? À encourager l'investissement locatif ?
Monsieur le ministre, aujourd'hui, les logements sont inaccessibles à une grande partie de nos concitoyens. Comment le Gouvernement compte-t-il répondre à cette situation ? Il faut une vraie stratégie du foncier public, un véritable plan de rénovation pour lutter contre la vacance : plus de trois millions de logements sont vacants. Encourageons également la rénovation globale des logements. Enfin, nous devons construire plus de logements sociaux : trouvons un nouvel élan !
Monsieur le ministre, votre gouvernement avait fixé un objectif de construction de 125 000 logements par an ; nous en sommes à 85 000. Alors qu'il était député, Victor Hugo interrogeait ainsi le législateur : « Comment peut-on guérir le mal si l'on ne sonde pas les plaies ? »
Comment sécuriser les propriétaires bailleurs sans se préoccuper des locataires en difficulté ? Nos politiques ont tout à gagner à s'attaquer aux causes plutôt qu'aux symptômes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du groupe CRCE)
Mme Cécile Cukierman . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Je ne convoquerai ni Robespierre, ni Jaurès, rassurez-vous, mais plutôt les 4 millions de Français mal logés et les 170 propriétaires spoliés.
Cette proposition de loi ne répond en rien au problème crucial qu'est l'obtention d'un logement digne, dont les confinements récents ont montré l'importance. Ce texte criminalise les plus précaires.
Pour les 170 foyers concernés par le squat, la situation est inacceptable, et le droit en vigueur est insuffisant. Mais cette proposition de loi ne résout aucunement le problème, stigmatisant les locataires qui n'ont pas les moyens de se loger dans des zones où la spéculation fait augmenter les loyers, où le nombre de sans domicile fixe progresse.
L'urgence, c'est de défendre le droit au logement, le droit à une vie digne. C'est d'éviter que des familles se retrouvent à la rue. Criminaliser la précarité est inacceptable sans mention des marchands de sommeil, dans notre République qui arbore fièrement la devise : liberté, égalité, fraternité.
Le texte accélère l'expulsion des locataires en retirant à la justice son pouvoir d'appréciation. Pas moins de 300 000 personnes sont sans domicile, alors qu'il y a trois millions de logements vides. La plupart de ces personnes occupent un emploi précaire ; aucune ne s'invite chez l'autre pour passer une nuit tranquille. Une personne expulsée, faute de trouver un hébergement, sera condamnée à vivre dehors, éventuellement avec sa famille.
Certes, il ne revient pas aux propriétaires de faire les frais de la pauvreté. Mais que fait le Gouvernement pour la résorber ? Où sont les propositions de loi pour s'attaquer à la spéculation financière, rendant l'accès au logement impossible dans les grandes métropoles ? Que fait la majorité présidentielle pour des salaires dignes, pour que l'on puisse se loger sans avoir à arbitrer entre payer ses factures, son loyer, ou assurer l'éducation de ses enfants ?
Le groupe CRCE défend un autre projet de société, et ne peut que dénoncer cette proposition de loi qui, au vu des débats chaotiques que nous avons eus, ne sert ni les locataires ni les propriétaires. Notre groupe votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)
Mme Nathalie Goulet . - (M. Vincent Capo-Canellas applaudit.) Beaucoup a été dit dans la discussion des motions. Je suis mal à l'aise avec le manichéisme qui ressort de nos débats : les gentils voudraient assurer le droit au logement, les méchants protégeant les propriétaires. Ce débat laisse une saveur douceâtre...
Le texte porte sur l'occupation illicite des logements, non sur la politique du logement dans son ensemble. Les propriétaires lésés sont parfois des retraités, ainsi privés d'un complément de revenu. Des propriétaires hésitent à louer leur bien de peur de ne pas être payés. Je remercie les rapporteurs, véritables virtuoses du sujet, avec Valérie Létard et Marie-Noëlle Lienemann.
La distinction est faite entre locataires défaillants et squatteurs : il n'y a pas d'amalgame. Le groupe UC votera le texte issu des travaux de la commission, qui fixe le cap d'une loi utile et équilibrée, se traduisant par des effets visibles sur le terrain. Son objectif est de mieux sécuriser les rapports locatifs, en distinguant nettement les situations du squatteur et du locataire.
La commission a conservé la possibilité pour le juge d'allonger le délai laissé au locataire faisant l'objet d'une décision d'expulsion : il faut lui laisser la chance de rattraper ses loyers impayés sans l'entraîner dans la spirale mortifère de l'expulsion.
C'est en alliant ces considérations d'équité et de justice que nous rétablirons la confiance des Français dans la propriété, et celle des propriétaires dans la location. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Stéphane Ravier . - Il est aujourd'hui une aberration de notre droit : un squatteur est moins condamnable que le propriétaire l'expulsant par ses propres moyens - un an de prison et 15 000 euros d'amende contre trois ans et 45 000 euros ! Il y a un problème dans notre pays avec le droit de propriété, pourtant le premier droit constitutionnel après la liberté.
En 2019, le député Lagleize a publié à la demande d'Édouard Philippe un rapport indiquant, je cite, que « le foncier, même propriété privée, demeure un bien public fini et d'intérêt général » - remettant ainsi en cause les fondements de notre contrat social.
Quant à la gauche, 33 ans après la chute du mur de Berlin, elle promeut la collectivisation des propriétés privées, mais pas les siennes bien sûr, quitte à faire de l'électoralisme sur l'anarchisme ambiant. Mes chers collègues, vous oubliez que les petits propriétaires souhaitent jouir du fruit d'une vie de labeur sans le voir saccagé par des marginaux ou des migrants que vous avez contribué à faire venir ! (Exclamations ironiques sur les travées du GEST)
Vous avez grand coeur, mais vous oubliez que la plupart des squats sont le fait de clandestins et de mafias étrangères.
Vous avez grand coeur, mais pas assez pour accueillir un couple de retraités marseillais qui a dormi dans son camping-car pendant deux ans et demi à cause de squatteurs...
Que se lèvent à la gauche de cet hémicycle les volontaires pour accepter le squat de leur logement ou de leur propriété secondaire !
On ne fait pas de bonne politique en s'attaquant aux seules conséquences d'un problème dont par ailleurs on chérit les causes... Le 10 mai dernier, 104 migrants ont été expulsés de 34 logements dans une cité de Marseille. Les squats de Roms se multiplient, avec le soutien de la municipalité d'extrême gauche plurielle qui envisage même de créer un village rom.
M. Guy Benarroche. - C'est faux !
M. Stéphane Ravier. - La propriété est une ZAD : une zone à défendre, et j'en serai ici l'un des défenseurs, au nom de la justice et du droit des honnêtes gens.
M. Jean-Yves Roux . - Nous pouvons difficilement sortir les textes de leur contexte. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les particuliers subissent l'envol des prix de l'énergie, malgré le chèque inflation, la remise à la pompe ou le chèque carburant.
La progression de la précarité s'observe au quotidien, comme en témoignent les données des associations. Cette proposition de loi semble anachronique avec les urgences sociales. Pour autant, les rares affaires de squat médiatisées ne nous laissent pas indifférents. La détention d'un bien suscite un sentiment d'accomplissement. L'occupation de biens est donc incompréhensible. Pour éviter que chacun ne recoure à sa propre justice, légiférer semble une voie pertinente.
On ne dénombre pas moins de vingt propositions de loi déposées au Parlement sur le sujet depuis 2020. Sans minorer le sujet, veillons à ne pas aboutir à un refus du droit au logement. Le RDSE a déposé des amendements pour infléchir un texte déséquilibré.
Nous nous opposons ainsi à la réduction des délais laissés au locataire en défaut de paiement : les tensions du marché locatif sont trop fortes pour mettre à mal l'accompagnement social pratiqué dans l'intervalle avant l'expulsion.
Les associations s'inquiètent des articles 4 et 5 sur la pénalisation d'un locataire qui s'est maintenu dans le logement après décision de justice. Le propriétaire bailleur ne doit pas se substituer à l'État.
Pour compenser la rigidité de cette proposition de loi, il serait pertinent de renforcer les crédits alloués à l'hébergement d'urgence.
Le RDSE est mobilisé pour avancer sur ces sujets. Conformément à notre tradition, chacun conservera sa liberté de vote ; notre groupe se partagera entre le vote pour et l'abstention.
M. Stéphane Le Rudulier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Maryse et Pierre, un exemple parmi tant d'autres évoqué par mon collègue Stéphane Ravier, ont récupéré après deux ans leur logement occupé illégalement par une personne ayant enfin quitté les lieux après l'intervention des forces de l'ordre. Des cas similaires, il y en a des centaines dans notre pays. Marie-Thérèse et Henri, retraités de Théoule-sur-Mer, ont vu leur domicile saccagé, après trente ans de labeur et d'économie. Des honnêtes citoyens sont privés de leur maison par des squatteurs, contraints de dormir dans leur voiture, parfois dans la rue.
Ces personnes qui s'approprient des logements par effraction ne sont pas des Robin des Bois des temps modernes. N'ayons pas peur des mots : ce sont des délinquants. Ils volent le bien le plus intime d'une famille, son foyer. Le squat, c'est un cambriolage dans lequel le voleur s'installe dans votre salon pour y vivre les pieds sur la table.
C'est un système organisé qui se met en place, profitant des failles de notre droit. Il existe des guides, sur internet, qui expliquent comment récupérer le bon logement, comment maintenir la police à distance, comment pirater un circuit d'eau ou d'électricité. Les dispositifs existants, notamment la loi Dalo, ne sont ni suffisamment dissuasifs ni suffisamment connus.
D'où le désarroi, l'incompréhension des propriétaires qui ont l'impression que les squatteurs sont protégés par la République. Or la République doit être du côté du droit.
Il ne faut pas ignorer la situation des locataires qui n'arrivent pas à payer leur loyer, mais leur situation est totalement différente. Le texte appelle à une forme d'humanité, par un meilleur accompagnement des locataires en difficulté financière.
M. Bonhomme l'a dit : la nuit du 4 août 1789 a entraîné l'abolition de la féodalité. L'Assemblée nationale constituante a posé cette nuit-là les fondements de la propriété individuelle privée. Cette proposition de loi a pour but de préserver le droit au logement et la protection de la propriété immobilière. Durcissons les peines pour ceux qui violent le bien d'autrui, donnons aux maires et à l'État les moyens d'agir rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Pierre-Jean Verzelen . - Qu'il y ait des tensions sur le logement social dans les territoires, c'est vrai. Qu'il faille lutter contre le logement vacant, bien sûr. Qu'il faille lutter contre les marchands de sommeil et le mal-logement, c'est évident.
Mais tel n'est pas l'objet de ce texte, qui est de protéger les logements contre l'occupation illicite. Sont concernés des propriétaires bailleurs, qui ont en majorité un ou deux biens : c'est la propriété privée, c'est le capital.
Nous saluons les dispositions d'équilibre de ce texte. D'abord, il sanctionne plus durement les intrusions dans les domiciles. Le message doit être ferme : il faut respecter la propriété, et non seulement les domiciles, mais aussi les immeubles de bureau.
Quant aux squats dans des logements temporairement vacants, il est choquant de voir des associations jusqu'au-boutistes et des élus comme la maire de Nantes soutenir ce type de démarches. Quelle serait leur réaction si leur propre logement était occupé ?
L'un d'entre nous s'est demandé pourquoi les gens occupent des squats. Mais si l'on raisonne ainsi, on met un doigt dans un engrenage duquel on ne peut sortir. (M. Guy Benarroche proteste.) Une société se bâtit avec des règles.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Et des gens !
M. Guy Benarroche. - Et la loi !
M. Pierre-Jean Verzelen. - La commission des lois a souhaité distinguer la situation du squatteur entré par effraction de celle du locataire. Celle des affaires économiques a amélioré le traitement des impayés locatifs. Le groupe INDEP votera ce texte utile et équilibré.
Un mot, enfin, sur le zéro artificialisation nette (ZAN) : si nous entravons la construction, il y aura d'autant plus de tensions sur le logement. (M. André Reichardt, rapporteur, applaudit.)
M. Daniel Salmon . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Cette proposition de loi constitue un grave recul du droit au logement, sous couvert de protection des petits propriétaires. Le texte issu de la commission n'est guère meilleur que celui voté par l'Assemblée nationale.
Cette loi d'affichage monte en épingle quelques rares affaires médiatisées : 170 cas en 2021, dont la majorité a été résolue. Les violations de domiciles sont graves, mais elles sont exceptionnelles, et l'arsenal juridique est là. Ce n'est pas par la stigmatisation et par la criminalisation des locataires que nous y parviendrons !
Vous n'avez rien trouvé de mieux que de criminaliser le non-paiement de loyers, au moment où les foyers sont précarisés par la hausse des prix. Le GEST s'opposera fermement à ces dispositions.
Vous faites primer de manière absolue la propriété immobilière sur le droit au logement.
Le texte considère comme un délit le fait de ne pas s'auto-expulser d'un logement. Ainsi une mère de famille pauvre devrait emmener ses enfants sous les ponts pour éviter la prison ! Le mal-logement n'est pas la délinquance, et nous nous opposons à la criminalisation des groupes militants.
Nous dénonçons l'extension de la notion juridique de domicile à toutes les propriétés privées, qui relève d'une conception absolutiste du droit de propriété.
L'article 5, qui réduit les délais laissés au locataire pour régulariser les impayés, est contre-productif. Le délai entre l'assignation et le logement protège tant les locataires que les propriétaires.
La rue a tué 623 personnes en 2021 ; le 115 refuse un logement à plus de 6 000 personnes chaque jour, dont 1 700 enfants. Faut-il punir d'une peine de prison ceux qui s'abritent dans des immeubles vacants depuis des années ? Vous ne vous attaquez pas à la racine du problème.
Le bilan du Gouvernement ne plaide pas en sa faveur : le logement social est le parent pauvre des politiques publiques. Vous avez réduit les aides au logement, fragilisé les offices HLM et économisé plus de 1,5 milliard d'euros par an sur le dos des allocataires. Et maintenant vous menacez les locataires, alors que le coût de la vie est en augmentation constante.
Pourtant, il existe d'autres solutions. La garantie universelle des loyers, qui sécurise les propriétaires et facilite l'accès au logement. L'encadrement des loyers, qui réduit les vacances. Monsieur le ministre, attaquez-vous à la crise du logement et pas aux victimes, opposez-vous à cette proposition de loi, qui est une terrible régression sociale et démocratique. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. François Patriat . - Le groupe RDPI a souhaité inscrire à l'ordre du jour cette proposition de loi de Guillaume Kasbarian. Celle-ci sanctionne davantage les squats, mais répond aussi aux problèmes locatifs de long terme.
Le compromis trouvé à l'Assemblée nationale a été amélioré au Sénat. Le phénomène n'est plus marginal : nous avons tous été confrontés à cette situation en tant qu'élus locaux.
Les procédures peuvent durer jusqu'à trois ans, avec des pseudo-connaisseurs du droit du logement qui menacent les victimes. D'où la grande précarité et la détresse de celles-ci. Nos collègues députés ont auditionné dix d'entre elles.
Le droit au logement n'est pas le droit au squat, qui doit être sévèrement puni. L'article 1er augmente les peines contre la violation du domicile, sans faire d'amalgame entre squatteurs et propriétaires défaillants. Je salue le travail de rééquilibrage des rapporteurs.
L'incitation au squat sera désormais punie d'une amende de 3 750 euros. Le texte sanctionne également les escroqueries de faux propriétaires.
Aux critiques caricaturales contre ce texte, j'oppose l'article 2 ter, qui pérennise un dispositif expérimental de la loi Elan, grâce auquel plus de 10 000 personnes ont été hébergées, et qui renforce la lutte contre les squats en venant en aide aux personnes de bonne foi.
Le chapitre 2 rassurera les propriétaires et aidera les locataires en difficulté. Je me réjouis que la commission ait rétabli les pouvoirs du juge et renforcé ceux de la Ccapex. Nous poursuivons ce travail d'accompagnement en proposant de supprimer le délai de deux mois, de clarifier le rôle de la Ccapex, de sanctionner plus sévèrement les squatteurs, de favoriser le traitement amiable des conflits locatifs et la prise en charge sociale. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Valérie Létard . - Cette proposition de loi vise à rééquilibrer les rapports locatifs et à renforcer les moyens d'action contre le squat. Il était primordial de distinguer les squatteurs des locataires défaillants, souvent confrontés à des accidents de la vie. Je salue le travail des deux rapporteurs, qui ont rééquilibré le dispositif.
J'ai déposé plusieurs amendements allant dans leur sens. Il me paraît nécessaire de rétablir le délai de deux mois entre le commandement de payer et l'assignation en justice : durant ce temps, plus de deux tiers des situations sont réglées à l'amiable, notamment grâce à l'action des services sociaux.
Concernant la procédure contentieuse, il faut favoriser une transmission des coordonnées. Le partage d'information doit devenir la règle, mais les informations communiquées aux acteurs médico-sociaux doivent faire l'objet d'un accord du locataire.
En outre, une peine de prison de six mois pour un locataire défaillant ne me semble pas être une bonne réponse. Je préfère maintenir l'amende de 7 500 euros.
Privilégions la prévention des impayés de loyer, dont une part importante provient de conflits locatifs.
Le rôle de la Ccapex est essentiel, notamment au regard de la coordination : celle-ci doit devenir le pilier essentiel de cette action. Le groupe UC votera cette proposition de loi.
M. François Bonhomme . - Rien de plus traumatisant que de ne plus pouvoir rentrer chez soi à cause de squatteurs, et d'être forcé, pour s'en sortir, de s'engager dans des procédures lourdes et complexes. Nous avons tous en tête des cas de personnes modestes confrontées à des situations qui ont indigné les Français.
Je salue le travail équilibré de nos rapporteurs. Plusieurs dispositions de la proposition de loi de Dominique Estrosi Sassone, votée par le Sénat en 2021, ont été reprises dans le texte de l'Assemblée nationale.
Une nouvelle infraction est créée : le squat de logements ne constituant pas un domicile. Le texte ne vise que les comportements malhonnêtes et non les locataires rencontrant des difficultés, qu'il convient d'accompagner. Mais nous devons aussi renforcer les moyens contre les squats : le droit de propriété est l'un des fondements de notre société, consacré par la déclaration de 1789.
Je me réjouis que ceux qui font la publicité du squat sachent désormais à quoi s'en tenir ; on a ainsi vu se multiplier de véritables guides du squat, qui mettent à mal le pacte social et républicain.
Plus sournoisement, la mal nommée Ligue des droits de l'Homme prétend que notre texte viserait à criminaliser le mal-logement, méconnaissant le travail minutieux du législateur. Il en va de même pour la position de la Défenseure des droits, qui, par dogmatisme, n'a aucune considération pour les victimes propriétaires. Y a-t-il deux poids, deux mesures, ou une lecture hémiplégique de la situation ? Ignorer ces situations d'occupation délibérée et se contenter de noyer tout cela sous le prisme de la crise du logement revient à nier la réalité.
Les problèmes se multiplient depuis des années. Oui, nous assumons : cette proposition de loi enrichie par le Sénat relève d'une impérieuse nécessité, celle de rétablir un début d'équilibre en faveur des propriétaires floués. (Mme Cécile Cukierman proteste.)
Mme Else Joseph . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les problèmes subis par les propriétaires persistent. Non, le squat n'est pas une opération festive ou une lutte sociale. Souvent, le propriétaire est découragé et il doit affronter un maquis de procédures.
Voilà deux ans, le Sénat avait adopté la proposition de loi de Dominique Estrosi Sassone. Nos collègues députés ont choisi de déposer un texte différent, mais qui reprend certaines de ses dispositions. Nous nous félicitons de la création de deux délits spécifiques : l'occupation frauduleuse d'un logement appartenant à un tiers et le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d'habitation. Ces dispositions n'affectent pas les locataires bénéficiant de la trêve hivernale ou d'un sursis à expulsion prononcé par le juge.
Le délit de violation de domicile est caractérisé, même si l'eau et l'électricité ont été coupées. Cela met fin aux failles dans la jurisprudence exploitées par des squatteurs. Le maire devrait être davantage associé au traitement de ces situations.
De plus, se faire passer pour le propriétaire d'un bien est désormais puni. Le régime de responsabilité de l'occupant sans droit ni titre sera clarifié : le propriétaire ne sera plus responsable d'un manquement à l'entretien du logement s'il ne peut plus y accéder.
Nous voterons ce texte : je me réjouis que la voix du Sénat pour aider les Français dans leur vie quotidienne soit écoutée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
ARTICLE 1er A
Mme le président. - Amendement n°36, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Supprimer cet article.
M. Guy Benarroche. - Cet article fait primer le droit de propriété sur le droit au logement, en traitant ceux qui ont du mal à payer leur loyer en véritables délinquants. C'est absurde autant qu'injuste. Ce n'est pas par choix, mais par nécessité, que ces personnes se maintiennent dans les logements : les pouvoirs publics peinent à répondre à cette situation.
Mme le président. - Amendement identique n°58, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cécile Cukierman. - Deux projets s'affrontent, dans le respect du débat démocratique. Mais le débat est biaisé - c'est bien la preuve que la proposition de loi n'est pas à la hauteur des enjeux. Elle oppose le droit de propriété à un autre droit également fondamental, celui de pouvoir se loger pour vivre dignement.
Les conditions de logement ont des conséquences sur la vie des citoyens, comme les confinements l'ont montré. Les hébergements d'urgence sont saturés ; la construction de logements sociaux n'est pas à la hauteur des besoins.
Monsieur le ministre, votre plaidoyer n'empêche pas que le précédent quinquennat ait fragilisé les bailleurs sociaux et baissé les APL. Ne criminalisons pas les locataires en difficulté.
M. André Reichardt, rapporteur. - Avis défavorable à ces deux amendements. La commission a retouché l'article pour introduire une nouvelle gradation des peines, mais elle souhaite toutefois protéger le droit de propriété.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Le droit actuel ne couvre pas toutes les réalités, d'où la nécessité de légiférer. Monsieur Benarroche, madame Cukierman, vos propos sous-entendent que nous voudrions criminaliser les pauvres. Mais le procureur peut toujours requérir sous condition et le juge a l'obligation de moduler l'amende en fonction des capacités de chacun ! (Mme Nathalie Goulet le confirme.)
Sortons de ces postures idéologiques : personne n'a envie de criminaliser qui que ce soit. Nous voulons simplement répondre aux situations que nous constatons dans la réalité. Avis défavorable.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - L'idéologie n'est pas un gros mot : chacun d'entre nous a une manière propre de voir la République.
Si le Gouvernement avait consulté les acteurs et les élus locaux, il aurait rétabli la garantie universelle des loyers, votée à l'initiative de Jacques Mézard - dont chacun sait qu'il n'est pas un bolchevik ! L'accompagnement social était renforcé et le propriétaire payé. Pourquoi ne pas avoir repris ce dispositif plutôt que de s'intéresser au squat ? Pourquoi tant de laxisme au temps de Jacques Chirac ou de Nicolas Sarkozy ?
M. Guillaume Gontard. - Nous ne partons pas de rien : la violation de domicile est punie d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende. Les peines existent : l'augmentation des peines ne réglera rien. Oui, il s'agit bien d'une criminalisation de la précarité. (Mme Valérie Boyer le conteste.) Nous ne sommes pas en mesure de reloger ces personnes : voilà le problème !
Les amendements identiques nos36 et 58 ne sont pas adoptés.
Mme le président. - Amendement n°61, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 3
Supprimer les mots :
ou à usage économique
M. Pascal Savoldelli. - Petit rappel sur les petits propriétaires : 3 % des propriétaires possèdent 50 % du parc immobilier locatif. Voilà un point de repère !
Pourquoi avoir ajouté les locaux économiques dans le texte ? Les occupations pendant les mouvements sociaux comme celui que nous vivons seraient-elles visées ? Sur quelle réalité qui nous aurait échappée vous fondez-vous ?
Mme le président. - Amendement n°15, présenté par M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Alinéas 3 et 4
Remplacer le mot :
économique
par les mots :
commercial, agricole ou professionnel exploité
M. François Patriat. - Nous voulons remplacer la notion de local à usage économique par celle de local à usage économique, agricole ou professionnel exploité. Nous excluons ainsi du périmètre de l'infraction l'occupation de locaux désaffectés par certaines associations.
M. André Reichardt, rapporteur. - Avis défavorable à ces deux amendements. L'exclusion des locaux économiques par l'amendement n°61 n'est pas justifiée : il faut protéger un artisan ou un commerçant qui ne peut plus exercer en cas de squat.
L'amendement n°15 n'est pas un simple changement sémantique. L'infraction ne serait pas constatée si elle concernait un local exploité. Prenons garde à ne pas tolérer certains squats dans des locaux inoccupés - lesquels ne peuvent l'être que de manière temporaire.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Le Gouvernement avait émis sur cette question un avis de sagesse, mais les débats parlementaires ont conduit à envisager le squat d'une échoppe. Il y a du sens à protéger les petits artisans.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement de M. Patriat : la notion de local économique n'a aucune résonance en droit. Il convient de l'affiner. Je rappelle que nous traitons du logement. Je fais une différence entre un terrain grillagé et une habitation, dont l'occupation ne relève pas du même niveau de gravité. Nous avons cité un certain nombre d'exemples médiatiques qui nous ont tous émus : ils concernaient des habitations, pas de simples terrains.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je désapprouve cet article, mais je voterai l'amendement de M. Patriat. Jusqu'à présent, aucun gouvernement n'a voulu sanctionner systématiquement les squats. À la Libération, le droit de propriété a mis en regard du droit au logement, et le principe de réquisition de logements ou de locaux vides a été créé. Comme l'État ou les collectivités ne veulent jamais faire prévaloir ce principe sur le droit à la propriété - car il faut payer le propriétaire, alors que le squatteur ne touche rien - ils ont laissé s'installer des squats dans des locaux vides ou des usines désaffectées.
Mme Valérie Boyer. - C'est le squat à l'insu de son plein gré ! C'est impossible !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - La plupart du temps, le problème concerne davantage les voisins que les propriétaires. La pénalisation va faire ressortir des problèmes qui ne seront pas résolus. La proposition de M. Patriat limite la casse, et je la voterai. (Mme Valérie Boyer proteste à nouveau.)
M. Guy Benarroche. - Le rapporteur souhaite amalgamer tous les locaux, pour faire du droit de propriété un principe absolu, qui primerait sur tout le reste. Je suis d'accord avec le ministre : il est possible d'occuper des locaux ou des terrains qui ne sont pas exploités pour loger des gens au nom de l'intérêt public.
Nous voterons les deux amendements : punir de deux ans d'emprisonnement l'occupation de terrains inexploités pendant des années nous paraît tout à fait inadapté.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Pour ma part, je ne partage pas l'analyse du garde des sceaux. Je ne vois pas pourquoi il faudrait traiter différemment l'occupation de locaux à usage professionnel.
Il s'agit aussi de donner toute sa force au dispositif du logement intermédiaire, qui permet à des personnes en mobilité ou en difficulté d'occuper temporairement des locaux vacants.
Mme Valérie Boyer. - Je suis d'accord avec Mme Estrosi Sassone. Monsieur le ministre, vous avez dit : sagesse. Mais en quoi est-il sage d'expliquer que certains locaux seraient squattables ? Les entreprises entretiennent ces locaux, paient des assurances. Pourquoi leurs biens seraient-ils moins protégés par la loi ?
Je ne comprends pas l'amendement de M. Patriat et ne le voterai pas. Il encourage un trouble déjà important, que nous essayons de combattre, en permettant des violations de la propriété. Il n'y a pas de sous-propriété !
M. Pascal Savoldelli. - L'expression « locaux économiques » n'est pas satisfaisante : trouvons une réponse spécifique pour les locaux professionnels. M. Patriat exclut les locaux vides et désaffectés du champ d'application. Cet amendement est certes moins-disant, mais a le mérite d'ouvrir une certaine porte à l'utilisation de locaux vides et désaffectés. Nous le voterons donc.
M. André Reichardt, rapporteur. - Monsieur le garde des sceaux, nous parlons bien de locaux, et non de terrains. Monsieur Patriat, notre avis aurait été favorable si vous aviez parlé de locaux commerciaux, agricoles ou professionnels. Nous pourrons y revenir au cours de la navette.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Madame Boyer, la sagesse n'est pas celle, autoproclamée, du ministre. En l'occurrence, c'est moi qui aspire à la vôtre...
On peut interdire sans texte répressif. (Mme Marie-Noëlle Lienemann abonde.) Je fais la différence, par exemple, entre un garage exploité et un garage désaffecté. Cela ne constitue pas un appel à l'occupation.
Le mot que nous utilisons le plus depuis le début des débats, c'est : équilibre. Votre commission a enrichi le texte. Veillons à ne pas briser ces équilibres en criminalisant les pauvres, ce qui serait à l'opposé de notre intention.
L'amendement n°61 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°15.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 1er février 2023 à 14 h 30.
La séance est levée à 1 h 20.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 1er février 2023
Séance publique
À 14 h 30, 15 h 15, de 16 h 45 à 20 h 45 et le soir
Présidence : M. Gérard Larcher, président, M. Roger Karoutchi, vice-président, Mme Laurence Rossignol, vice-présidente
Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier
1. Allocution de M. Rouslan Stefantchouk, Président de la Rada d'Ukraine
2. Questions d'actualité au Gouvernement
3. Désignation des vingt-et-un membres de la mission d'information sur le thème : « Gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement » (droit de tirage du groupe SER)
4. Désignation des vingt-trois membres de la mission d'information sur le thème : « Le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique » (droit de tirage du RDPI)
5. Désignation des trente-sept membres de la commission spéciale sur la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie (n°206, 2022-2023)
6. Désignation des trente-sept membres de la commission spéciale sur la proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au coeur des territoires (n°205, 2022-2023)
7. Proposition de loi relative à l'instauration d'un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, présenté par M. Bernard JOMIER et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 282, 2022-2023)
8. Proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse (n°143, 2022-2023)
9. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses (texte de la commission, n°277, 2022-2023) (demande du groupe Les Républicains)