PLUi de la communauté de communes du Bas-Chablais
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à régulariser le Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté de communes du Bas-Chablais, présentée par M. Cyril Pellevat et Mme Sylviane Noël.
Discussion générale
M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi . - Ce texte, certes inhabituel, est capital pour la Haute-Savoie et le territoire du Chablais, car il permettra la réalisation d'une autoroute reliant Machilly à Thonon-les-Bains, projet structurant et très attendu.
Le Chablais est très attractif du fait de sa proximité avec la Suisse, de son dynamisme économique et de son potentiel touristique. D'où un important flux de véhicules, malgré le développement du rail et des modes de circulation alternatifs - le Léman Express, qui transporte 65 000 personnes quotidiennement, mais aussi la Véloroute des cinq lacs et le projet de RER Sud-Léman, sur lequel j'espère votre soutien, monsieur le ministre.
M. Loïc Hervé. - J'espère !
M. Cyril Pellevat. - Le report modal est évidemment à encourager, mais sans tomber dans la caricature : certains projets routiers resteront indispensables, car les habitants ne peuvent faire autrement que prendre leur voiture.
En outre, la liaison Machilly-Thonon est exemplaire d'un point de vue environnemental. La consommation de terrain sera compensée, le flux libre, la mobilité électrique ou encore le covoiturage seront encouragés.
Ce projet est urgent pour désenclaver le Chablais, uniquement desservi par des routes départementales, ce qui entraîne un flux incessant de voitures et de poids lourds, source d'embouteillages, de problèmes de sécurité, de tranquillité publique et de pollution. Des communes de 5 000 habitants voient passer 22 000 véhicules par jour, d'autres sont coupées en deux par la départementale...
La création de ce tronçon autoroutier a été étudiée dès la fin des années 1980. Ce n'est qu'en 2015 que le projet a enfin été publié. Chaque étape de la procédure, des consultations et enquêtes publiques ou études environnementales jusqu'à la déclaration d'utilité publique (DUP), fin 2019, a été remplie diligemment.
Pourquoi ce texte ? Concomitamment à la procédure de DUP, la communauté de communes du Bas-Chablais a élaboré, en 2015, un PLUi, définitivement arrêté en juillet 2019 - soit avant l'intervention de la DUP qui a eu lieu le 24 décembre. De ce fait, les zonages retenus ne font pas apparaître l'emplacement réservé au projet et le règlement ne comporte pas les règles nécessaires à sa réalisation, puisqu'il n'était pas possible d'inclure un projet non encore arrêté par une DUP.
L'EPCI ne pouvait plus corriger le tir, car aucune modification n'est possible une fois le document arrêté, sauf à entacher d'illégalité la procédure pour vice de forme.
Alors que toutes les études et procédures ont été réalisées, que toutes les communes sont favorables au projet, que les schémas de cohérence territoriale (Scot) et les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) le prennent en compte, que 90 % des habitants du territoire y sont favorables, nous ne pouvons lancer les travaux.
C'est un casse-tête juridique : un nouveau décret portant DUP serait considéré comme un détournement de procédure, une révision du PLUi ou l'adoption d'un nouveau PLUi prendrait trois ans, délai qui entraînerait une remise en cause du projet dans sa totalité.
D'où cette proposition de loi qui applique la mise en compatibilité prévue par le décret avec le PLUi du Bas-Chablais, sans effet rétroactif. La jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de validation législative est respectée.
Au passage, la problématique rencontrée dans le Chablais doit nous interroger sur la complexité du droit de l'urbanisme et invite à réduire l'amas de textes législatifs et réglementaires en la matière.
Selon le Conseil constitutionnel, la loi doit poursuivre un objectif d'intérêt général, respecter les décisions de justice, et la portée de la validation doit être strictement définie. C'est le cas ici.
Le projet a bien une valeur d'intérêt général : préservation de l'ordre public, sécurité et tranquillité publiques. L'intérêt est aussi économique, car on évitera ainsi les coûts induits par les retards. L'intérêt est enfin écologique, avec une baisse de la pollution due au passage de véhicules dans les centres bourgs.
De même, le droit au recours est respecté puisque tous les recours ont été purgés. La portée de la proposition de loi est strictement définie, sans laisser aucune porte ouverte. Aucun objectif de valeur constitutionnelle n'est méconnu.
Sur le long terme, ce projet d'autoroute sera plus bénéfique à l'environnement que le statu quo. Hormis une poignée de locaux qui s'y opposent, je ne vois que des personnes étrangères au Chablais prendre position contre. (Protestations sur les travées du GEST)
M. Jean-Claude Requier. - Ce sont des écolos !
M. Cyril Pellevat. - Les associations écologistes chablaisiennes ne se sont pas opposées au projet. Venez plutôt soutenir nos projets de RER Sud-Léman ou de Véloroute des cinq lacs !
Pour éviter de créer un territoire à deux vitesses, je vous invite à voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Martine Berthet, rapporteure de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi est atypique. D'apparence technique, elle pose une question concrète : un projet d'infrastructure d'intérêt général, ayant surmonté toutes les étapes administratives, doit-il être mis en échec par un enchevêtrement de procédures ?
Le droit de l'urbanisme s'est complexifié, les documents se sont multipliés, les procédures rigidifiées et allongées, ce qui renforce l'insécurité juridique : il faut entre quatre et six ans pour élaborer un PLU. Ce dialogue est encore plus complexe à l'échelle intercommunale.
Dans le cas présent, les collectivités territoriales du Bas-Chablais travaillent depuis des décennies à la réalisation d'une liaison 2x2 voies entre Machilly et Thonon-les-Bains pour désenclaver le bassin. Les procédures ont été respectées, jusqu'à la DUP en 2019, qui a prévu la mise en compatibilité simultanée des PLU des dix communes concernées.
La DUP a ouvert la voie à la réalisation de ce projet tant attendu. La communauté de communes du Bas-Chablais avait lancé l'élaboration de son PLUi en 2015, avant la relance du projet de 2x2 voies et l'a finalisé début 2020. Or la DUP n'avait pas prévu que l'adoption du nouveau PLUi viendrait écraser les modifications prévues des anciens PLU.
Il était impossible pour l'EPCI de modifier son PLUi, déjà soumis à concertation et enquête publique, impossible pour l'État de prendre une DUP modificative, en raison de la jurisprudence du Conseil d'État. Qui plus est, toute modification du PLUi à peine adopté suppose de reprendre l'ensemble de la procédure.
La proposition de loi vise à étendre les effets de la mise en compatibilité prévue par la DUP au nouveau PLUi, sans retard.
Notre commission a examiné ce texte atypique avec une exigence particulière. Premièrement, nous avons vérifié qu'il ne faisait pas échec à des décisions déjà prises et n'allait pas à l'encontre des compétences des collectivités. Il s'agit d'un texte aidant, et non d'un texte censeur. Le problème résulte bien d'une erreur lors de l'élaboration des documents d'urbanisme. Le Scot et le Sraddet prennent déjà en compte ce projet, qui suscite une grande adhésion locale. En outre, celui-ci a respecté l'ensemble des procédures, la DUP est purgée de tout recours, les quelques contentieux ont été rejetés par la justice. L'examen de cette proposition de loi n'est donc pas l'occasion de revenir sur le fond de ce projet.
Deuxièmement, il est impossible de parvenir au même résultat sans passer par la loi. Une révision de la DUP est impossible, celle du PLUi impliquerait des délais intenables, car la DUP actuelle arrive à terme en 2029.
Troisièmement, il s'agit d'un projet d'infrastructure essentiel pour la région, qui vise à réduire les inégalités territoriales. La population du Bas-Chablais vit comme une relégation l'absence d'infrastructure de qualité. Les accidents, la pollution, les nuisances sonores, touchent le coeur des villages et des hameaux.
Toutes les collectivités territoriales soutiennent ce projet et sont favorables à la DUP. Selon la Commission nationale du débat public (CNDP), seuls 10 % des participants à la consultation s'y sont opposés. Aucun recours en justice n'a abouti.
En dépit de sa démarche atypique, il convient de soutenir cette proposition de loi qui vise la réalisation d'un projet d'intérêt général. Nous l'avons adoptée en commission sans modification.
Chaque jour, nous appelons à la résorption des inégalités territoriales, à la réindustrialisation et à la simplification administrative : ce serait un comble de sacrifier un tel projet d'intérêt général, unanimement reconnu ! Ce projet doit être mené à bien, car il est très attendu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports . - Le Bas-Chablais et la Haute-Savoie attendent depuis longtemps cette liaison autoroutière. Bien que reconnue d'utilité publique en 2019, la construction de cette liaison est à l'arrêt, en raison de l'incompatibilité entre le PLUi et le projet. Or il ne s'agit pas d'un refus délibéré du projet, mais d'une erreur de traduction dans le nouveau PLUi de ce projet pourtant souhaité par tous.
Il convient donc d'y apporter une solution. Certes, il serait possible de faire évoluer le PLUi par les procédures classiques, mais les délais seraient très longs pour un projet ayant déjà respecté les procédures et apporté les garanties demandées. Ce choix relève désormais d'une décision démocratique, dont je laisse le Sénat juge.
J'ai entendu les arguments de ceux qui s'opposent au projet routier. Je partage la volonté de réduire les conséquences environnementales de nos infrastructures et de décarboner au maximum nos mobilités. Je m'y attache en soutenant le rail et le report modal, dans le sillage du Conseil d'orientation des infrastructures (COI).
Mais il faut être pragmatique : tous les villages ne seront pas demain accessibles par le train ou par des mobilités douces ! La voiture reste indispensable dans les zones rurales et de montagne. Nous avons besoin d'un transport routier plus durable, plus de transports en commun, d'électrification, de covoiturage, d'autopartage. L'ennemi de l'environnement n'est pas la voiture, mais son usage individuel et polluant.
En outre, les standards environnementaux s'améliorent, notamment en matière de traitement de l'eau ou de protection de la biodiversité. Ce projet offre toutes les garanties environnementales : le Conseil d'État a écarté le 30 décembre dernier l'ensemble des recours. Enfin, la route actuelle souffre de congestion, d'où des problèmes de sécurité et pour l'environnement.
Depuis le début, l'État soutient le projet. Je tiens à saluer les sénateurs Pellevat, Noël et Hervé, impliqués dans ce projet utile au territoire, qui répond à toutes les exigences réglementaires.
Si le recours à la loi pour modifier un PLUi doit rester exceptionnel, il revient aux sénateurs d'en apprécier l'opportunité. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur ce texte.
M. Daniel Salmon . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Élu depuis septembre 2020, je ne pensais pas avoir à m'exprimer sur un texte de cette nature. Élu en Ille-et-Vilaine, je dois me prononcer sur un PLUi de Savoie...
M. Loïc Hervé. - Haute-Savoie !
M. Daniel Salmon. - Élu local, je considère que les règles d'urbanisme sont les mêmes sur l'ensemble du territoire. Nous avons tous été confrontés à la modification ou à la mise en conformité de documents d'urbanisme. Ces règles, certes complexes, sont la garantie d'un aménagement du territoire respectueux du développement durable, d'une gestion économe de l'espace, d'une prise en compte des spécificités locales. Via les enquêtes publiques, elles fournissent une information éclairée aux citoyens.
Les auteurs de la proposition de loi plaident la négligence des élus ; mais d'autres signalent que les collectivités territoriales concernées étaient parfaitement informées des risques encourus... En m'y penchant de plus près, j'ai découvert que ce projet était un serpent de mer, objet d'un combat acharné entre partisans et opposants depuis trente ans.
Le nouveau PLUi ne mentionnait pas initialement le projet d'autoroute, malgré les demandes formulées par les services de l'État. Cela aurait supposé une évaluation environnementale et donc un allongement des délais. Selon les auteurs du texte, il nous faudrait réparer un oubli involontaire des élus locaux. Mais le Sénat n'est pas le lieu pour s'émanciper des règles d'urbanisme !
En outre, le COI souligne que ce projet local n'a pas de caractère prioritaire pour le système de transport national. Le Léman Express, qui a montré son efficacité avec 50 000 voyageurs par jour, pourrait être renforcé pour améliorer la desserte du Chablais.
Le présent texte court le risque d'une censure constitutionnelle : les arguments, notamment le retard dans la conclusion du contrat de concession, ne présentent pas un motif d'intérêt général. Or la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les lois de validation est très claire. En adoptant ce texte, nous créerions un fâcheux précédent. Le GEST votera contre ce texte incongru ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Claude Tissot applaudit également.)
M. Bernard Buis . - J'ai moi aussi été surpris, voire désarçonné, à la lecture de l'ordre du jour...
Certes, nous pourrions considérer que l'examen de ce texte au Sénat n'est pas opportun. Mais, passé l'étonnement, nous avons cherché à comprendre. Le projet de construction d'un axe autoroutier entre Annemasse, Machilly et Thonon-les-Bains date des années 1980. Inscrit au schéma directeur routier national en 1992, ce projet a reçu le soutien de Bernard Bosson et Pierre Mazeaud.
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. Bernard Buis. - L'A400 fut déclarée d'utilité publique le 6 mai 1995 ; mais le projet a été rejeté par le Conseil d'État en 1997. Vingt ans plus tard, une nouvelle DUP est signée en 2019, laissant espérer une concrétisation. La complexité des normes d'urbanisme et l'oubli de mise en compatibilité du PLUi en ont décidé autrement.
De manière exceptionnelle, nous soutiendrons cette solution législative qui permettra d'accélérer un projet qui a du sens, car la population du Chablais a plus que doublé entre 1960 et 2010, pour atteindre 130 000 habitants. Et il n'y a aucune route nationale.
En tant qu'élu de la Drôme, et plus précisément du Diois, je sais ce qu'enclavement veut dire. Un tiers des actifs du Chablais travaille en dehors du territoire, un quart en Suisse et 80 % d'entre eux utilisent leur véhicule, d'où un engorgement du réseau secondaire. Mettons un terme à ce serpent de mer de manière définitive. Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Loïc Hervé et Cyril Pellevat applaudissent également.)
M. Jean-Claude Tissot . - J'associe Christian Redon-Sarrazy à mon propos, pour expliquer la position de non-vote de mon groupe.
L'inscription de ce texte à l'ordre du jour nous a étonnés. Il s'agit d'une manoeuvre légistique pour permettre la réalisation du dernier tronçon de l'A400 qui désenclaverait les communes du Chablais.
Le PLUi du Bas-Chablais n'a pas pris en compte la réalisation de cette autoroute et annulé les mises en conformité. L'agglomération de Thonon a demandé une modification simplifiée du PLUi. Mais la Mission régionale d'autorité environnementale (MRAE) a demandé une enquête environnementale. Le PLUi devrait ainsi être révisé en respectant les procédures classiques, quitte à prendre du retard.
Les deux sénateurs Les Républicains de Haute-Savoie demandent donc au Sénat de forcer la révision du PLUi en invoquant un motif d'intérêt général. À quoi ressemblerait l'ordre du jour de notre assemblée si nous agissions tous de la sorte, à chaque cas particulier ?
Cette proposition de loi vise à accélérer un projet en contournant les règles en vigueur. Le texte ne respecte ni l'obligation de vigilance environnementale, ni la participation du public, ni le droit de recours. Recourir à la procédure législative pour un dossier local est impensable ! Comment demander au Sénat de passer outre les prérogatives des collectivités en matière d'urbanisme ? Comment une telle manoeuvre sera-t-elle perçue par les élus locaux ?
Malgré ces irrégularités, ce texte, soutenu par le Gouvernement, sera sans doute adopté à l'Assemblée nationale. Encore un exemple du mépris du Gouvernement à l'égard du Parlement : on adopte des lois essentielles sans vote, on régularise des dossiers locaux... Bientôt, le Gouvernement ne s'embarrassera même plus de nous consulter !
Voter ce texte créerait un dangereux précédent. Pour ne pas décrédibiliser le Sénat, notre groupe ne prendra pas part au vote. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Cécile Cukierman . - Le groupe CRCE s'est interrogé sur l'opportunité de légiférer sur le PLUi d'une collectivité précise, ouvrant la voie demain à d'autres intercommunalités.
Après avoir échangé ce week-end avec des élus de ce territoire, il m'est apparu qu'il fallait séparer les deux débats.
Ce projet est prévu depuis de nombreuses années. Les habitants et les élus, qui vivent un engorgement routier quotidien, le soutiennent dans leur grande majorité. Ils y ont cru, après la DUP et une enquête publique purgée de tout recours.
Il faut certes soutenir les transports alternatifs pour voyager autrement, mais il faut aussi tenir compte des réalités de relief : la desserte ferroviaire ne peut être la seule réponse.
S'agissant d'une compétence décentralisée, le Parlement n'a pas à proposer un projet alternatif à celui retenu démocratiquement par les collectivités territoriales. Il nous revient de corriger une erreur, en espérant que cela ne se reproduise pas.
Cela n'est toutefois pas certain : de plus en plus de compétences sont transférées aux collectivités territoriales - ce qui améliore les politiques publiques - mais les moyens ne suivent pas.
Il faudrait toujours accompagner la décentralisation d'une déconcentration, par laquelle des fonctionnaires d'État peuvent sécuriser la prise de décision des élus.
Mais il ne faudrait pas pénaliser la population par un retard supplémentaire. Cet axe routier réduira la pollution sonore. Notre groupe s'abstiendra.
M. Loïc Hervé . - Cet après-midi, l'avenir du Chablais nous réunit. C'est l'une des six provinces de la Savoie historique, entre lac et montagne. C'est un territoire dynamique de 100 000 habitants, à la fois touristique, agricole et industriel. Ne buvez-vous pas de l'eau d'Évian ou de Thonon régulièrement ?
Mais les infrastructures routières manquent. Le quotidien, ce sont les bouchons vers Genève, Annecy ou la vallée de l'Arve.
Le projet a quarante ans. Alors que nous nous approchons de la mise en concession, un écueil insurmontable risque encore de le retarder.
Certes, la régularisation par la loi, qui se fonde sur la hiérarchie des normes, est surprenante, inédite, voire innovante. Mais je fais confiance à la rapporteure et aux services de l'État, et j'apporterai mes suffrages à cette proposition de loi.
Si cette infrastructure routière mérite d'être réalisée, elle n'assurera pas à elle seule le désengorgement du Chablais : celui-ci sera multimodal ou ne sera pas.
Le Président de la République a souhaité développer des RER dans dix métropoles. Le onzième existe déjà : le Léman Express, où plus de trains doivent rouler, plus vite, et où il faut des parkings relais bien positionnés.
J'espère que l'étoile ferroviaire autour de Genève rendra au train toute sa place à l'Ouest, mais aussi à l'Est, permettant le bouclage du lac avec la remise en état de la voie ferrée dite du Tonkin.
N'oublions pas le bateau et la ligne de bus à haut niveau de service. Le vélo, avec la ViaRhôna, et les autres mobilités douces sont aussi à privilégier.
Nous avons besoin d'un chef d'orchestre pour fédérer les initiatives et suivre les engagements politiques. Monsieur le ministre, que l'État joue totalement son rôle pour vérifier que les projets soient menés de concert et que le Chablais soit désenclavé ! Nous le devons aux Chablaisiens pour une mobilité digne. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je vous prie d'excuser Christian Bilhac, qui n'a pu venir à Paris aujourd'hui.
Ce projet déclaré d'utilité publique n'apparaît pas dans le PLUi du Bas-Chablais, en raison de problèmes de procédures causés par une modification du périmètre de l'intercommunalité.
L'enquête publique, menée en 2018, porte sur une 2x2 voies autoroutière sur 16,5 km pour prolonger le contournement de Thonon-les-Bains.
Afin de ne pas retarder davantage le projet, il est proposé de recourir à la loi plutôt qu'à une modification simplifiée de PLUi.
Première remarque de principe : si le législateur doit intervenir à chaque difficulté d'un PLUi, Sraddet ou autre, il nous faudra siéger 52 semaines par an !
Deuxième remarque : le projet s'inscrit dans une démarche d'insertion environnementale exemplaire ; mais dans le même type de projet dans l'Hérault, de nombreuses contestations juridiques d'associations environnementales avaient entraîné un retard de dix ans. Loin de moi le souhait que ce projet connaisse le même sort... Mais on pourrait bien redécouvrir sur son tracé de nombreuses espèces rares inconnues du grand public...
En l'absence de motif d'intérêt général impérieux, le RDSE ne participera toutefois pas au vote. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Sylviane Noël . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie la rapporteure Martine Berthet pour son travail rigoureux et sérieux.
De quel territoire parlons-nous ? De la région la plus septentrionale des Alpes françaises, dont la population a crû de 16 % en dix ans, qui abrite des activités économiques de premier plan - je pense à l'usine d'embouteillage de l'eau d'Évian, la première de France avec 6 millions de bouteilles par jour - et des échanges internationaux de premier ordre, avec Genève et le canton de Vaud.
C'est aussi le dernier territoire de France couvert par un EPCI à fiscalité propre, lequel a été créé sous la contrainte. Ce n'est en effet qu'en 2017 que la ville de Thonon-les-Bains a constitué sa communauté d'agglomération, laquelle a absorbé en 2019 la communauté de communes du Bas-Chablais.
Celle-ci avait voté un PLUi en 2015, puis Thonon Agglomération, qui l'avait absorbée, a approuvé le sien le 25 février 2020 ; mais le 24 décembre 2019 était signée la DUP du Premier ministre, portant MEC des PLU des communes concernées. L'absence de l'autoroute dans le PLUi est donc due à un défaut de vigilance de tous les services, dans un contexte d'enchevêtrement de procédures.
Or c'est une infrastructure vitale pour désenclaver le territoire chablaisien. Des 2x2 voies existent aux extrémités du projet et seront complétées. Mais entre les deux, se trouve un goulet d'étranglement de 16 km, avec de nombreuses traversées d'agglomérations, qui subissent jusqu'à 22 000 véhicules par jour. Il est inconcevable de laisser une telle circulation sur le réseau secondaire, comme l'actualité nous l'a encore rappelé il y a quelques jours, avec l'explosion d'un camion-citerne en agglomération.
L'ensemble des procédures ont été validées et tous les recours ont été purgés. La procédure de validation législative est parfaitement encadrée et répare une pure erreur de procédure.
Le Parlement examine en moyenne une vingtaine de cas similaires : nous avons ainsi légiféré sur la clairette de Die, sur des procédures locales pour les jeux Olympiques et Paralympiques...
Nous sommes nombreux à avoir été élus locaux : un projet attendu depuis trente ans, soutenu par une immense majorité des collectivités territoriales, entreprises et citoyens, doit être validé.
Les élus de notre territoire déplorent chaque jour les lourdeurs administratives. Dans sa grande sagesse, le législateur a permis de corriger ces erreurs et omissions. Ne nous privons pas de cette possibilité, mais inspirons-nous de ce cas pour simplifier davantage ces démarches sources de contentieux.
La chambre des territoires doit prouver son pragmatisme en votant massivement ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. Claude Malhuret . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le Bas-Chablais est un territoire prospère et attractif, dont la population croît, et qui bénéficie de la beauté des rives du Léman. C'est un axe stratégique vers la Suisse. Face à l'augmentation rapide des flux routiers, les élus locaux tirent la sonnette d'alarme depuis des années.
Attendue par les habitants, la construction d'une liaison autoroutière entre Machilly et Thonon est annoncée depuis plusieurs années. Les recours devant le Conseil d'État ont été examinés. Le projet en est sorti renforcé dans son caractère d'intérêt général.
Après diverses péripéties, le projet a été déclaré d'utilité publique en 2019, ce qui entraîne la MEC des PLU des communes concernées, mais des aléas de calendrier ont empêché le projet de figurer dans le PLUi.
Cette proposition de loi est dérogatoire et inhabituelle, mais ce projet est essentiel. Nous pouvons adapter le droit à cette situation locale. Le groupe Les Indépendants votera ce projet d'intérêt général. Le recours à la loi semble la solution la moins imparfaite en mettant fin à la paralysie administrative, même si une telle démarche doit rester exceptionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
Discussion de l'article unique
M. le président. - Amendement n°1, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
Supprimer cet article.
M. Daniel Salmon. - Cette proposition de loi soulève de graves problèmes constitutionnels et s'émancipe des règles en vigueur en matière environnementale : vigilance, participation du public, droit au recours. C'est inacceptable sur la forme, mais aussi sur le fond : accélérer la construction d'une autoroute en 2023 est anachronique et nie l'urgence climatique. Prenons le temps ! Un projet qui semblait souhaitable hier peut se révéler néfaste pour demain.
Mme Martine Berthet, rapporteure. - Avis défavorable. Il s'agit d'un projet d'intérêt général validé par les élus et soutenu par la population, toutes les consultations ayant été faites. Il n'est pas question d'aller à l'encontre des prérogatives des collectivités ni de réduire l'information du public, mais d'éviter de repasser par toutes ces étapes.
M. Clément Beaune, ministre délégué. - Même avis. Le Sénat doit pouvoir se prononcer sur l'ensemble du texte, sur lequel le Gouvernement a émis un avis de sagesse.
À la demande de la commission des affaires économiques, l'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°114 :
Nombre de votants | 265 |
Nombre de suffrages exprimés | 264 |
Pour l'adoption | 12 |
Contre | 252 |
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
L'article unique est adopté.
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. - Amendement n°2, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
Après les mots :
visant à
insérer les mots :
contourner le droit de l'urbanisme pour
M. Daniel Salmon. - Essayons d'être clairs sur le titre de cette proposition de loi atypique : précisons qu'elle vise à contourner le droit de l'urbanisme dans le but de régulariser le PLUi de la communauté de communes du Bas-Chablais. (Mme Françoise Gatel ironise.)
M. Loïc Hervé. - Ce n'est pas très respectueux ! (Mme Sophie Primas renchérit.)
Mme Martine Berthet, rapporteure. - Avis défavorable, bien sûr ! Le titre proposé ne reflète ni le contenu ni l'intention du texte. La dérogation se justifie par l'absence d'alternative réaliste et l'intérêt du projet.
M. Clément Beaune, ministre délégué. - Avis défavorable.
M. Thomas Dossus. - Au contraire, l'intitulé proposé reflète bien l'intention du texte. Nous sommes en train de créer un précédent dangereux, en intervenant sur un document non conforme à la loi.
Selon l'un des coauteurs du texte, on ne pourrait pas se prononcer si l'on ne vient pas du territoire concerné ? Il nous faudrait désormais avaler tout ce qu'on nous raconte ? C'est inquiétant !
Qu'une autoroute soit vertueuse pour l'environnement me laisse perplexe. Nous avons bien compris la fumisterie qu'est devenue la compensation carbone...
Ce projet a été imaginé dans les années 1980. Le Président de la République nous dit qu'on ne fait pas assez pour la transition écologique, mais le ministre favorise « en même temps » la route et le rail.
Cette fuite en avant dans les projets routiers est préoccupante. Il y en a pour des milliards d'euros dans les cartons des collectivités...
Mme Cécile Cukierman. - Nous ne pouvons pas dire qu'il faut renforcer le pouvoir des élus locaux et stigmatiser leurs projets. (M. Thomas Dossus proteste.)
Défendons le train, mais il ne peut pas passer partout. En l'occurrence, il est urgent de désengorger certaines communes traversées au quotidien. Les différents modes de transport y oeuvrent en complémentarité.
Ne prêtons pas le flanc aux critiques en laissant entendre que nous ne prendrions pas au sérieux notre travail de législateurs.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission. - Monsieur Dossus, je comprends qu'on soit contre cette proposition de loi. En revanche, quand vous nous dites que certains cherchent, au Sénat, à faire avaler des mensonges, c'est irrespectueux. La rapporteure a fait un travail sérieux. Excusez-vous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
M. Thomas Dossus. - Je veux bien présenter mes excuses si j'ai été mal compris : je ne visais pas la rapporteure, mais plutôt le coauteur du texte, selon lequel on ne saurait s'exprimer si on ne vient pas du territoire concerné.
M. le président. - Évitons les mises en cause personnelles, cela vaudra mieux.
M. Daniel Salmon. - Les alertes se multiplient, l'urgence est là. Il faut prendre le temps d'analyser les projets. Un moratoire s'impose sur les projets autoroutiers.
M. Loïc Hervé. - Comme sur le nucléaire ?
M. Daniel Salmon. - Et ce n'est pas le développement des véhicules électriques qui réglera le problème. Ce genre de projet n'a plus lieu d'être en 2023.
À la demande du GEST, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°115 :
Nombre de votants | 265 |
Nombre de suffrages exprimés | 246 |
Pour l'adoption | 234 |
Contre | 12 |
Le Sénat a adopté.
La séance est suspendue quelques instants.