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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Décès d'un ancien sénateur

Enseignement professionnel

M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

M. Pierre-Jean Verzelen

Mme Monique de Marco

Mme Nicole Duranton

Mme Marie-Pierre Monier

Mme Céline Brulin

Mme Annick Billon

M. Jean-Claude Requier

M. Max Brisson

M. Yan Chantrel

M. Jean Hingray

M. Stéphane Piednoir

Mme Corinne Féret

Mme Béatrice Gosselin

Mme Anne Ventalon

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Édouard Courtial

M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains

« Quel bilan pour Parcoursup ? »

M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste

M. Thomas Dossus

Mme Nicole Duranton

Mme Sylvie Robert

Mme Céline Brulin

M. Jean Hingray

M. Bernard Fialaire

M. Max Brisson

M. Jean-Pierre Decool

M. Jacques Grosperrin

M. Stéphane Piednoir

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Décès d'un ancien sénateur

Enseignement professionnel

M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

M. Pierre-Jean Verzelen

Mme Monique de Marco

Mme Nicole Duranton

Mme Marie-Pierre Monier

Mme Céline Brulin

Mme Annick Billon

M. Jean-Claude Requier

M. Max Brisson

M. Yan Chantrel

M. Jean Hingray

M. Stéphane Piednoir

Mme Corinne Féret

Mme Béatrice Gosselin

Mme Anne Ventalon

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Édouard Courtial

M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains

Ordre du jour du mardi 15 novembre 2022




SÉANCE

du lundi 14 novembre 2022

20e séance de la session ordinaire 2022-2023

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

Secrétaires : Mme Corinne Imbert, M. Dominique Théophile.

La séance est ouverte à 18 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Yann Gaillard, qui fut sénateur de l'Aube de 1994 à 2014.

Enseignement professionnel

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'enseignement professionnel, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains .  - Avec un lycéen sur trois, soit 650 000 élèves, l'enseignement professionnel est un maillon essentiel du système éducatif. Mais la filière a perdu 100 000 élèves en vingt ans et les résultats de l'insertion professionnelle sont décevants : deux ans après leur diplôme, seuls 41 % des titulaires du CAP et 51 % des bacheliers professionnels sont en emploi.

Pour beaucoup, l'enseignement professionnel est vécu comme une voie de relégation, alors qu'il est valorisé en Allemagne, en Suisse ou aux Pays-Bas. L'affectation reproduit les inégalités sociales. Un élève issu d'un milieu défavorisé a 93 % de probabilité d'être orienté vers l'enseignement professionnel ; la moitié des lycéens professionnels viennent de quartiers défavorisés ; un tiers sont boursiers ; les enfants de cadres ne sont que 7 %.

L'Éducation nationale a sa part de responsabilité. Les enseignants connaissent mal les filières professionnelles et leurs débouchés. Les filières tertiaires concentrent 60 % des lycées professionnels, alors qu'elles recrutent à Bac +2. Or les besoins sont surtout dans le sanitaire et social, et plus encore dans l'industrie, secteur où les lycées professionnels réussissent le mieux.

Le lycée Éric Tabarly, aux Sables-d'Olonne, où le Président de la République s'exprimait le 13 février, propose notamment des filières insérantes comme la chaudronnerie ou la maintenance nautique.

C'est à la suite des annonces faites à cette occasion que le groupe Les Républicains a demandé ce débat. La réforme de 2019 n'entendait-elle pas déjà renforcer la complémentarité entre école et entreprise ? Des mots mêmes du ministre de l'époque, il s'agissait de « transformer les établissements professionnels en Harvard professionnels ». Cette ambition a tourné court.

Le Président de la République a d'ores et déjà fixé un cadre précis : doublement des heures de stage, révision de la carte des formations, réorientation des enseignants, recrutements dans le monde professionnel. Sur le modèle du Conseil national de la refondation (CNR), quatre groupes de travail se réuniront d'ici à Noël, et rendront leurs conclusions fin février, sur quatre thèmes : réduire le nombre de décrocheurs, préparer la poursuite d'études supérieures, améliorer le taux d'accès à l'emploi, donner des marges de manoeuvre aux établissements.

Composés de représentants des syndicats, des Régions, des parents d'élèves, des établissements, des entreprises ou encore des collectivités, ces groupes de travail seront pilotés par un recteur et un inspecteur général. 

Le Gouvernement veut manifestement rassurer. Mais les principaux syndicats dénoncent un passage en force et refusent d'y participer. Après une première mobilisation le 18 octobre dernier, une nouvelle journée est prévue la semaine prochaine.

La double tutelle par les ministères du travail et de l'éducation nationale inquiète. Certains y voient un lien bénéfique avec le marché du travail ; d'autres, la remise en cause de leur statut. Ils craignent que le doublement de la durée des stages ne prive les lycéens de centaines d'heures d'enseignement.

Il n'y a pas de formation professionnelle de qualité qui ne repose sur un solide socle commun de culture et de compétences générales.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Max Brisson.  - C'est aussi la condition pour accéder aux études supérieures.

Nous voulons aborder le sujet sensible de la durée des stages sans tabou. Comment trouver assez d'entreprises pour accueillir des élèves ? Faudra-t-il leur proposer des incitations ? Quid de la rémunération des élèves ? Faudra-t-il recruter plus de professeurs associés issus de l'entreprise ? Les entreprises participeront-elles aux conseils d'administration des lycées ?

S'il faut adapter la carte des formations aux réalités économiques pour améliorer l'insertion professionnelle, comment organiser la reconversion des enseignants ? Surtout, comment mieux associer les collectivités ?

Tous les efforts seront vains si nous ne rétablissons pas l'image de l'enseignement professionnel.

Le groupe Les Républicains souhaite éclairer la voie à suivre, tant par ses questionnements que par ses propositions, et prétend que le Parlement soit associé au même titre que les autres acteurs.

M. Stéphane Piednoir.  - Très bien !

M. Max Brisson.  - Madame la ministre, vous engagez-vous à revenir devant le Parlement pour en débattre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias et Mme Marie-Pierre Monier applaudissent également.)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Merci au groupe Les Républicains d'avoir proposé ce débat. Nous partageons la nécessité de faire reconnaître l'enseignement professionnel comme une voie de réussite.

Grâce à la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018, qui a levé des contraintes administratives, et aux primes exceptionnelles mises en place pendant la crise, le nombre d'apprentis dépassera les 735 000 en 2022 : c'est historique. L'essor de l'apprentissage a contribué à réduire durablement le taux de chômage des jeunes, qui se situe à 15,9 %.

Avec Pap Ndiaye, nous voulons faire de l'enseignement professionnel une voie de choix et d'excellence. Le changement d'image est possible.

Nous devons reconnaître que le lycée professionnel n'insère pas suffisamment les élèves. Le sentiment de déclassement nourrit le ressentiment et l'échec.

Nous nous appuyons sur les transformations déjà déployées lors du précédent quinquennat pour poursuivre notre investissement dans la réussite des élèves.

Il s'agit de rétablir l'ascenseur social et rendre tangible l'égalité des chances. En effet, les lycéens professionnels cumulent souvent les vulnérabilités scolaires et sociales. La plupart sont issus de milieux défavorisés et sont en situation d'échec : 33 % sont issus d'une famille ouvrière, 3 % d'une famille de cadre ; une forte proportion des élèves est issue de l'immigration ou allophone ; 5 % sont en situation de handicap ; 28 % des élèves en CAP et 16 % des élèves en bac pro ont des difficultés de lecture ; la voie professionnelle comprend deux tiers des décrocheurs ; après deux ans, seule la moitié des élèves sont en emploi.

L'organisation pédagogique actuelle ne prend pas suffisamment en compte les mutations économiques et les défis des territoires. Les formations ne sont pas assez tournées vers l'emploi. Le référentiel d'activités est dépassé. Les nombreuses formations tertiaires ne sont pas assez insérantes. Les plateaux techniques sont mal connectés au monde économique. La préparation au monde du travail est insuffisante. Les formations post-bac sont inadaptées : les BTS préfèrent recruter des bacheliers généraux et technologiques.

Nous nous assignons trois objectifs pour réussir cette réforme qui sera bâtie avec l'ensemble des acteurs.

D'abord, réduire le nombre de décrocheurs. Les lycées professionnels ont hérité de difficultés liées aux fragilités des élèves et à la rigidité des parcours. Nous devons bâtir une organisation nouvelle, plus souple, qui donne plus de motivation et de sens aux élèves.

Ensuite, nous voulons faire progresser le taux d'insertion dans l'emploi. C'est l'ADN de ces diplômes professionnels, mais aussi le gage de leur légitimité.

Enfin, je veux sécuriser la poursuite d'études, lorsque le métier le requiert, et faire correspondre les formations aux attendus des BTS.

Nous voulons investir dans les lycées professionnels comme jamais. C'est la première fois qu'un Président de la République porte autant la voie professionnelle. Cette réforme est une occasion unique de construire des formations d'avenir, pour être en phase avec les grands défis : transitions écologique et numérique, vieillissement de la population, société plus inclusive et solidaire, souveraineté économique et réindustrialisation.

La multiplication des stages, combinée à la gratification des élèves, doit rapprocher le lycée du monde de l'entreprise. Elle donnera de l'expérience et des contacts ; il s'agira bien de périodes de formation.

Nous voulons renforcer les enseignements généraux, car les entreprises ont autant besoin de compétences techniques que de citoyens éclairés.

Nous avons lancé quatre groupes de travail qui associent largement les acteurs.

M. le président.  - Madame la ministre, votre temps de parole est écoulé.

M. Pierre-Jean Verzelen .  - L'apprentissage connaît un succès sans précédent, avec un doublement du nombre d'apprentis. C'est à mettre au crédit du Gouvernement. Cela montre qu'en matière d'enseignement et de formation, la France ne dépend que d'elle-même ; que quand il y a une volonté et des moyens, les résultats suivent ; qu'un dispositif attractif pour l'entreprise et pour le jeune fonctionne.

Comment faire aussi bien pour l'enseignement professionnel ?

Les formations en apprentissage se sont adaptées aux bassins d'emplois et aux réalités des territoires. Jeunes, entreprises, et centres de formation disposent de marges de manoeuvre pour s'organiser. Il faut s'en inspirer, alors que l'enseignement professionnel manque de débouchés : moins de la moitié des diplômés trouve un emploi dans les deux ans, contre 70 % des apprentis.

Comment allez-vous valoriser l'image de l'enseignement professionnel, pour qu'il connaisse le même succès ? Allez-vous donner plus d'autonomie aux chefs d'établissement ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - L'apprentissage est une réussite, et un défi : nous visons désormais un million d'apprentis.

Le lycée professionnel concerne des élèves de plus en plus jeunes, pas encore en âge pour rentrer dans l'apprentissage, et qui cumulent les fragilités.

Même si je porte la même ambition pour les lycées professionnels je ne souhaite pas mettre en concurrence ces deux dispositifs qui doivent être complémentaires. Je souhaite organiser des passerelles. Le contrat d'apprentissage est déjà une option : il concerne plus de 60 000 lycéens professionnels, 42 % de plus en deux ans, grâce à l'accompagnement pédagogique.

Je veux transformer structurellement le lycée professionnel, pour un accompagnement plus intensif et plus individualisé.

Le quatrième groupe de travail réfléchira aux moyens de donner plus de marges de manoeuvre aux établissements, tout en conservant le caractère national des diplômes.

Mme Monique de Marco .  - Aux Sables-d'Olonne, le 13 septembre dernier, le Président de la République a annoncé sa réforme : rapprocher le lycée professionnel des entreprises, fermer certaines formations et en ouvrir d'autres, en fonction des bassins d'emploi. Il ne fait que décrire l'existant : le lycée de la mer de Gujan-Mestras près d'Arcachon ne traite pas de la montagne !

Plus inquiétant, il détricote l'enseignement professionnel : moins d'établissements, moins d'élèves, moins d'heures, moins de moyens, moins d'enseignants.

Plus de 26 % de lycéens obtiennent un bac professionnel, mais ils ne représentent que 6 % des étudiants à l'université et 17 % en BTS.

Ils doivent bénéficier d'un socle d'enseignement général pour pouvoir prétendre à un cursus dans le supérieur, auquel la moitié d'entre eux aspire. Je songe aux écoles supérieures de journalisme et de communication, qui accueillent des lycéens professionnels, option communication visuelle plurimédia, tant l'agilité numérique est capitale pour ces filières.

Votre réforme donnera-t-elle aux bacheliers professionnels une chance égale pour accéder au supérieur ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Sécuriser la poursuite d'études est l'un des enjeux majeurs de la réforme. Un groupe de travail y est dédié.

Les élèves de lycée professionnel ont plus de mal à entrer dans les études supérieures et plus de mal à obtenir un diplôme. Il s'agit donc de sécuriser leur parcours, les mettre en situation de réussite. CAP et bac pro doivent permettre tant une insertion directe qu'une poursuite d'études si le jeune le souhaite ou si le métier le requiert.

Nous avons envisagé des temps complémentaires post-diplôme, des réajustements de niveaux dans les savoirs fondamentaux...

Je n'oppose pas savoirs fondamentaux et temps de stage. Les deux ont toute leur place pour accompagner le projet professionnel de l'élève. Nombre de formations mènent à des métiers d'avenir, qui insèrent durablement.

Il n'y a pas qu'un seul levier. C'est tout l'objet du groupe de travail : sécuriser la poursuite d'études, et la préparer.

Mme Nicole Duranton .  - L'intelligence de la main vaut l'intelligence de l'esprit. Valorisons le talent de nos enfants et revalorisons la voie professionnelle, trop souvent considérée comme un choix par défaut. Heureusement, les mentalités évoluent, et un jeune sur trois emprunte cette voie pour apprendre un métier.

Pour ces élèves qui ont besoin de faire, c'est un chemin de réussite. En 2021, 718 000 contrats d'apprentissage ont été signés, dont 60 000 dans l'enseignement professionnel, 40 000 de plus qu'en 2020. Mais ces jeunes ont du mal à trouver un stage ou une alternance. Comment renforcer le lien entre le milieu éducatif et les entreprises ? Organiser des forums, associer les chambres consulaires et les collectivités territoriales ?

Seuls 32 % des titulaires de CAP et 45 % de bacheliers professionnels trouvent un emploi dans les douze mois. Quelles pistes envisagez-vous pour inciter les entreprises à les recruter ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Les diplômes professionnels obtiennent des résultats insuffisants en matière d'insertion, alors qu'il existe de nombreux métiers d'avenir. Les résultats sont très inégaux selon les lycées professionnels.

L'un des groupes de travail réfléchira au renforcement de l'employabilité des diplômés et à une carte des formations pertinente, en lien avec les besoins des entreprises et du bassin d'emploi. Les élèves doivent bénéficier d'une orientation en amont et d'un accompagnement régulier au cours de la formation, avec une personnalisation incluant compétences techniques et psychosociales.

Les élèves sont plus jeunes. Aucune piste n'est écartée : accompagnement après le diplôme, scolarité complémentaire, poursuite d'études, ou encore davantage de stages en entreprise. Il faut associer monde économique et éducatif, pour réussir tous ensemble.

Mme Marie-Pierre Monier .  - Je remercie le groupe Les Républicains pour cette initiative.

Le Président de la République veut adapter l'offre de formations aux besoins des bassins d'emploi locaux. L'appartenance géographique des élèves déterminera donc leur carrière. Alors qu'il faudrait au contraire ne fermer aucune porte, y compris dans l'accès aux études supérieures, on limite leur capacité à choisir librement leur avenir, et on rogne sur les heures d'enseignements fondamentaux.

Cette vision de court terme ne tient pas compte de la diversité des territoires. Quid des bassins d'emploi sinistrés ? Vous poussez à la reconversion des enseignants, alors que ces nouveaux besoins sont peut-être éphémères.

Plus largement, l'enseignement professionnel n'a-t-il pour seul rôle que de fournir de la main-d'oeuvre pour les entreprises locales ? Parents d'élèves et syndicats sont inquiets. Ils sont attachés, comme nous, à la dimension nationale du bac professionnel et à la garantie d'égalité entre les élèves. En tiendrez-vous compte dans les groupes de travail ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Les disparités sont grandes entre territoires et entre formations. Le taux d'insertion oscille entre 10 et 80 %. Il nous faut donc réfléchir à une cartographie des formations, à l'accompagnement de jeunes qui n'ont pas toujours les codes de l'entreprise, à l'enseignement des savoirs fondamentaux -  le Président de la République y est attaché, car accompagner de futurs professionnels, c'est aussi accompagner de futurs citoyens.

Nous voulons aussi travailler sur la découverte des métiers, pour éviter l'orientation subie : ce sera l'objet du groupe de travail sur le décrochage.

La synergie entre carte de formations et besoins économiques ne se construit pas sur le court terme : elle anticipe les mutations économiques, en formant les enseignants et en préparant les plateaux techniques. Nous travaillons dans la durée, en anticipant le monde de demain. Nous sommes convaincus que l'enseignement professionnel doit, lui aussi, s'emparer de ces défis ; il y a toute sa place.

Mme Marie-Pierre Monier.  - En réduisant les heures d'enseignement général, vous mettez à mal les savoirs fondamentaux. Ne confondons pas enseignement professionnel et apprentissage.

Mme Céline Brulin .  - Les lycéens professionnels ont déjà perdu beaucoup d'heures de cours dans les disciplines générales : en CAP, ils n'ont plus qu'une heure et demie de français par semaine. L'allongement de la durée des stages se traduira inévitablement par une nouvelle diminution de la formation théorique.

Mesurez-vous les conséquences de vos choix ? Les élèves de l'enseignement professionnel sont souvent les plus éloignés des enseignements généraux ; votre réforme leur fermera la porte de l'enseignement supérieur.

Comment envisager l'augmentation des périodes en entreprise, quand on sait la difficulté à trouver des terrains de stage ? Vous voulez des rémunérations calquées sur celles des apprentis, mais ces derniers sont salariés de l'entreprise. Quel sera le statut des lycéens ?

Les élèves de l'enseignement professionnel méritent d'être traités à égale dignité de ceux de la voie générale.

Un récent décret permet aux enseignants des lycées professionnels d'enseigner en lycée général et technologique et en collège. Est-ce une manière inavouée de pallier la crise de recrutement dans l'Éducation nationale ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Il n'y a pas de diminution des heures d'enseignement général. Au contraire, nous voulons faire mieux en matière d'enseignements généraux. Je rappelle les chiffres : 28 % des élèves issus de CAP ont des difficultés en lecture, et 16 % des bacheliers professionnels. Cela nous appelle à l'action, à ajuster les modalités pédagogiques pour les accompagner. Cessez de déformer mes propos ! (Mme Céline Brulin et M. Pierre Ouzoulias protestent.) Il est de notre responsabilité de réduire les écarts avec la voie générale et technologique.

L'orientation choisie passe par la découverte des métiers et l'accès à l'information. Nous avons déjà fait beaucoup en la matière, grâce aux dispositifs  « 1 jeune, 1 solution », InserJeunes et Affelnet. Nous agissons, dans l'intérêt des jeunes.

Mme Céline Brulin.  - Madame la ministre, nous allons continuer à vous poser des questions. Vous ne faites que nous parler de vos groupes de travail, mais nous n'en savons pas plus qu'avant de rentrer dans l'hémicycle. Nous voulons des réponses ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Annick Billon .  - À mon tour de remercier le groupe Les Républicains pour son initiative.

Lors de sa visite au lycée Éric Tabarly, aux Sables-d'Olonne, le Président de la République a reconnu qu'il fallait mieux informer les collégiens sur l'enseignement professionnel. Les établissements sont unanimes : faute d'information, les débouchés des lycées professionnels ne sont pas valorisés, alors que les possibilités d'études supérieures et de passerelles sont nombreuses.

Comment prôner l'excellence de ces filières, si les élèves n'ont pas conscience de pouvoir continuer leurs études ? Que faites-vous pour favoriser une orientation éclairée ?

Le service en ligne Affectation repose uniquement sur les résultats académiques, la décision d'orientation prise au conseil de classe de fin de troisième et des places disponibles. L'appétence de l'élève pour le secteur ou la filière n'est pas prise en compte. Comment comptez-vous intégrer le projet professionnel de chaque élève dans son orientation ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - La question du sens que les jeunes donnent à leurs études est déterminante. Bien souvent, ce sont les élèves en difficulté qui sont orientés vers l'enseignement professionnel. Nous voulons oeuvrer pour une meilleure orientation et information, grâce à la découverte des métiers dès la classe de cinquième. Une orientation choisie est un déterminant de la réussite des élèves.

Pour ce qui est de l'accès à l'information, nous avons déployé des outils comme « 1 jeune, 1 solution », InserJeunes, ainsi qu'Affelnet, pensé en cohérence avec la carte des formations.

Cette carte doit être élaborée en collaboration avec les régions. Le premier comité de pilotage de la découverte des métiers, à Orléans, aura lieu demain : je crois beaucoup au partenariat État-région en la matière.

M. Jean-Claude Requier .  - L'enseignement professionnel reste sous-valorisé - à tort.

Pourtant, le compagnonnage français, « réseau de transmission des savoirs et des identités par le métier », est inscrit depuis 2010 au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco. Pourvu qu'ils soient reconnus socialement, tous les métiers ont du sens. L'enseignement professionnel permet de répondre aux aspirations des jeunes et aux besoins économiques des territoires.

Je m'interroge cependant sur la tendance à une très forte spécialisation. Les élèves se concentrent dans le tertiaire - commerce, gestion, soins à la personne - pour les deux tiers. Certaines entreprises veulent des compétences transversales, d'autres des profils très spécialisés. Comment résoudre cette équation ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Vous êtes au coeur de la question : comment former nos jeunes pour trouver un métier qui leur plaît et répondre aux besoins des entreprises. L'enseignement professionnel s'est saisi de l'apprentissage : le statut d'apprenti y a connu un fort essor, mais ce n'est pas la seule voie.

La variété des besoins des entreprises nécessite d'accélérer la révision de la carte des formations en partenariat avec les régions. Par ailleurs, de nouveaux plateaux techniques doivent être mis en place, afin que le lycée professionnel soit au rendez-vous des enjeux d'avenir tels que la souveraineté économique. Un partenariat transversal est essentiel ; notre coopération avec les régions doit être maximale.

M. Max Brisson .  - Je vous donne l'occasion de répondre aux attentes de Mme Brulin.

M. Pierre Ouzoulias.  - Ah !

M. Max Brisson.  - Concrètement, comment ferez-vous pour doubler la durée des stages - ce qui se comprend - sans mettre à la portion congrue les enseignements généraux, qui participent à la réussite professionnelle des jeunes et à leur formation comme citoyens ?

Par ailleurs, menez-vous une réflexion sur la nature de ces enseignements ? Les élèves entrent dans l'enseignement professionnel le plus souvent après un échec scolaire : ces enseignements ne doivent pas être une redite, mais bien un nouveau point de départ. Pourquoi ne pas s'inspirer des actions menées par les lycées agricoles, qui ont su renouveler leurs enseignements généraux ? (Mme Sylvie Robert opine du chef.)

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Les CAP et bacs professionnels sont des diplômes à insertion professionnelle directe, même si l'accès à l'emploi doit être amélioré. L'emploi du temps d'un élève en CAP se décompose ainsi : 55 % pour l'enseignement professionnel, 25 % pour l'enseignement général et 20 % pour les stages, contre respectivement 42 %, 33 % et 25 % pour un élève en bac professionnel.

Je veux donc vous rassurer, nous préserverons les temps consacrés aux savoirs fondamentaux. Nous voulons faire plus et mieux en matière de relation avec les entreprises, mais aussi mieux en enseignements fondamentaux, sans opposer les modèles. Le modèle du lycée agricole est très intéressant, même s'il est difficile à déployer à grande échelle. Nous nous en inspirerons : l'enseignement agricole est ainsi associé au groupe de travail.

M. Max Brisson.  - C'est la quadrature du cercle que vous cherchez.

M. Pierre Ouzoulias.  - C'est un problème de mathématiques...

M. Max Brisson.  - Le Président de la République a été imprudent avec ses annonces.

Mme Sylvie Robert.  - Exactement !

M. Max Brisson.  - Répondez aussi sur les contenus !

M. Yan Chantrel .  - Une réforme de la voie professionnelle est indispensable. Près d'un tiers des établissements sont perçus comme une voie de garage ; c'est intolérable. Le Président de la République ne nous parle que de chômage, d'insertion, de besoins. Le taux d'insertion est de 50 %, et vous semblez culpabiliser les élèves et les enseignants. Or, grâce à l'action des professeurs et des équipes éducatives, les élèves, brisés par le système scolaire à leur arrivée, progressent. C'est au contact de leurs enseignants qu'ils deviennent des experts immobiliers, des conseillers bancaires, qu'ils ouvrent leur propre boutique ou continuent avec un nouveau cursus en art ou dans l'audiovisuel. C'est moins le cas en stage, où ils sont souvent vus comme de la main-d'oeuvre gratuite, voire harcelés.

Revenez sur votre décision d'allonger les temps passés en entreprise. Il faut aussi ouvrir de nouvelles filières, dans le numérique et le développement durable par exemple.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Les difficultés sont souvent préalables au lycée professionnel. La découverte des métiers est une des solutions. Le système doit évoluer en lien avec les familles, les élèves et les enseignants. Quand le taux d'insertion atteindra 80 %, nous aurons réussi. Tel est l'objet des groupes de travail, pour donner les leviers aux enseignants pour que les élèves réussissent.

« 1 jeune, 1 mentor » est un bon exemple d'accompagnement personnalisé : il redonne confiance aux élèves. Nous n'opposons pas les sujets. Si les enseignants cherchent à faire réussir les élèves, il faut leur en donner les moyens.

M. Yan Chantrel.  - Vous passez par la voie réglementaire et vous passez par-dessus la représentation nationale : voilà la raison d'être de ce débat ! Ayez le courage de nous présenter un texte ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Jean Hingray .  - Nous sommes nombreux à avoir découvert dans une émission à grande écoute cet entrepreneur façadier contraint, au vu des carences de l'État, d'ouvrir sa propre école de formation. C'est dire si le désarroi est grand !

Quel bilan faites-vous de la réforme de Jean-Michel Blanquer de 2019 ? Avant d'imaginer l'accueil d'immigrés pour les métiers en tension, pourquoi n'avez-vous pas organisé de formations ad hoc ?

Répondons aux besoins des entreprises et permettons aux jeunes de gagner leur vie. Les façadiers gagnent en moyenne 2 000 euros nets par mois en début de carrière : il faut faire savoir ce qu'on peut gagner en travaillant de ses mains.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - La transformation de la voie professionnelle sous le précédent mandat a fait l'objet d'un premier bilan - positif. Le lycée professionnel a été recentré autour de l'élève. Le comité national créé en 2019 a rendu ses premières conclusions.

La transformation de la voie professionnelle (TVP) a été déployée dans tous les lycées professionnels, malgré la crise sanitaire - j'en profite pour saluer l'action des équipes. Les résultats sont bons : la co-intervention s'est développée, les heures à effectif réduit ont été renforcées, la réalisation de « chefs-d'oeuvre » a été proposée aux lycéens professionnels en vue de les aider à construire leur projet professionnel.

Cette réforme a permis de construire des parcours sur mesure : cela donne du sens aux jeunes et l'envie d'aller au bout de la démarche. Les campus des métiers et des qualifications ont été renforcés.

Le défi est maintenant d'améliorer l'orientation en seconde.

M. Jean Hingray.  - J'espère que ce constat permettra d'avoir un regard lucide sur le dispositif Blanquer. Il est important que les jeunes aient envie de faire quelque chose de leurs mains, de gagner leur vie, pour remettre la France au travail ; nous devrons avoir cela à l'esprit pour l'examen du prochain texte de Gérald Darmanin.

M. Stéphane Piednoir .  - J'attire votre attention sur le fait que plus de trois quarts des lycéens handicapés sont scolarisés en lycée professionnel, lequel ne représente pourtant que 30 % des effectifs globaux. Ces élèves ont besoin qu'on conforte les savoir fondamentaux et l'insertion professionnelle. Si les temps prévus pour les stages augmentent, la durée des enseignements généraux diminuera. Or les élèves handicapés ont besoin d'un accompagnement personnalisé.

Si les administrations et les entreprises de plus de vingt salariés ont l'obligation d'employer plus de 6 % de travailleurs handicapés, ce taux n'est que de 3,4 % en réalité. Les stages sont une opportunité d'insertion pour les élèves en situation de handicap, mais il pourrait être encore plus difficile pour eux de trouver un stage.

Leur situation sera-t-elle prise en compte dans les groupes de travail ? Bénéficieront-ils d'un accompagnement personnalisé ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Cette question de l'école plus inclusive est essentielle. L'enseignement professionnel accueille 31 000 élèves en situation de handicap, soit 5 % des effectifs, contre 3,3 % il y a cinq ans. Pour les accompagner, un effort important est réalisé : plus de 500 unités localisées pour l'insertion scolaire (Ulis) ont été créées en lycée professionnel et 300 en lycée polyvalent. Neuf fois sur dix, ces élèves ont des troubles cognitifs.

Nous devons faire mieux pour améliorer le diagnostic, même tardif, des élèves. Il nous reste sans doute des progrès à faire pour mieux les insérer professionnellement : à chaque fois qu'une personne en situation de handicap accède à l'emploi, c'est toute la société qui y gagne. Nous devons donc donner aux enseignants des leviers dans ce sens. Le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) sera prochainement auditionné par le groupe de travail, et les personnels des lycées sont formés. Augmentons les liens entre l'école et l'entreprise pour favoriser l'accueil des élèves handicapés.

Mme Corinne Féret .  - Je ne reviendrai pas sur la remise en cause du caractère national de cet enseignement, non plus sur votre volonté d'hyperspécialiser les élèves.

Comme tous les autres, les lycéens professionnels doivent acquérir des savoirs fondamentaux. S'ils passent plus de temps en stage, cela reviendra à diminuer les heures de ces enseignements, et donc les postes d'enseignants, que vous l'avouiez ou non.

Le Président de la République veut faire entrer des « professeurs associés » pour aider à « injecter leurs compétences dans le lycée professionnel ». Mais elles y sont déjà, dans le Calvados comme ailleurs !

En quoi votre réforme n'est-elle pas uniquement budgétaire ? Il faudrait privilégier la démocratisation de l'éducation et un égal accès au savoir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Monique de Marco applaudit également.)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - L'intérêt du rapprochement école-entreprise est scientifiquement démontré : le fait d'avoir un stage est perçu positivement par le futur employeur. Il ne faut pas opposer les savoirs fondamentaux à la vie en entreprise.

La réforme ne consistera pas en une diminution des savoirs fondamentaux. Nous voulons investir massivement dans les lycées professionnels : le Gouvernement y est prêt, en vue d'accompagner les élèves dans la construction de leur avenir.

Vous nous accusez d'être flous : or la concertation est en cours !

M. Pierre Ouzoulias.  - Nous avons cinq ans d'expérience...

Mme Sylvie Robert.  - Nous verrons bien les résultats !

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Nous voulons faire de l'enseignement professionnel une voie aussi reconnue que l'apprentissage.

Mme Béatrice Gosselin .  - Avant la réforme de l'apprentissage, la carte de la formation des centres de formation des apprentis (CFA) relevait des conseils régionaux. Afin d'éviter les disparités entre les territoires, après la loi de 2018, France compétences est devenu l'interlocuteur unique en la matière.

Cela a permis de presque doubler le nombre d'apprentis en quatre ans, avec de fortes incitations financières pour les entreprises - une prime de 5 000 à 8 000 euros selon l'âge, sans compter les exonérations de charges. Fin 2022, on dénombrait 120 CFA en Normandie, contre 59 en 2018. Mais cela va parfois trop loin : dans la Manche, s'est ouvert un CFA spécialisé dans la métallurgie à proximité d'un lycée professionnel de la même spécialité. Cela fragilise le maillage territorial.

Les lycées professionnels n'ont pas réussi à convaincre de l'excellence de leur formation et peinent à recruter. Or plutôt qu'en concurrence avec les CFA, ils devraient être complémentaires. Quelles mesures comptez-vous prendre dans ce sens ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - L'apprentissage et l'enseignement professionnel ne sont pas en concurrence. Ils ne concernent pas les mêmes niveaux de diplôme ni les mêmes profils de jeunes.

Les parcours mixtes de formation concernent 60 000 lycéens professionnels. Mais ce n'est pas le seul levier de réussite : formation des professeurs, renforcement des enseignements, intensification de l'accompagnement. Il ne peut pas y avoir de concurrence, tant les modalités de stages sont différentes : en apprentissage, ils durent 88 semaines, contre 33 en lycée professionnel, et les entreprises qui les recrutent ne sont pas les mêmes. Ce sont deux dispositifs distincts, avec des passerelles possibles.

Mme Anne Ventalon .  - L'annonce de la réforme du lycée professionnel, sans aucune concertation préalable, a inquiété enseignants et familles.

Malgré un récent infléchissement, les intentions du Gouvernement demeurent floues. Les périodes de formation augmenteront de 50 % ; les enseignements généraux verront forcément leur durée diminuer. Or le lycée forme des adolescents qui doivent comprendre le monde dans lequel ils vivent : former leur esprit à la logique, leur enseigner l'histoire, la culture générale, le français et les langues vivantes est indispensable.

Je vous le demande à mon tour : comment résoudrez-vous l'équation consistant à augmenter la durée des stages sans toucher aux enseignements ? Par ailleurs, si une certaine autonomie est bienvenue, l'organisation locale des lycées professionnels ne risque-t-elle pas de nuire à l'unité des enseignements et à la délivrance nationale des diplômes ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Je souhaite rappeler l'importance du dialogue social dans cette réforme : j'ai rencontré les organisations syndicales enseignantes dès ma nomination, en juillet, puis en septembre - nous avons alors conclu un accord de méthode. J'ai rencontré aussi les organisations syndicales interprofessionnelles et patronales et j'ai participé aux concertations locales dans le cadre du CNR. Le groupe de travail est un lieu de coconstruction associant l'État, les régions, les enseignants, les élèves et leurs parents.

Le 13 septembre dernier, au lycée Éric Tabarly, le Président de la République a affirmé que les enseignements fondamentaux seraient préservés, et que, à cet effet, des temps supplémentaires pourraient être prévus, en amont et en aval du diplôme. Réfléchissons à une intelligence collective sur l'ensemble de vos questions. Cette réforme n'a pas pour objectif de faire des économies : au contraire, elle est une source d'investissements.

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - L'enseignement professionnel, secteur peu enclin à la protestation, s'est pourtant fortement mobilisé le 18 octobre dernier. L'augmentation de la durée des stages interroge sur leur financement : la rémunération des élèves sera-t-elle assurée par les entreprises ? Une partie sera-t-elle assumée par l'État ?

Si la synergie entre lycée professionnel et entreprises peut être satisfaisante dans les villes moyennes, dans les grandes agglomérations, la concurrence avec l'apprentissage est préoccupante. Allez-vous établir une cartographie des bassins d'emplois ?

Le Président de la République a expliqué que la réforme entrerait en vigueur progressivement. Faute d'une feuille de route claire, une nouvelle manifestation est prévue le 17 novembre prochain. Pouvez-vous apporter des réponses précises aux enseignants ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - L'enjeu des relations entre les écoles et les entreprises touche tous les territoires. Les disparités sont nombreuses. Allons plus loin en vue d'une réforme structurelle, tournée vers les élèves, dans le même esprit que les campus des métiers et des qualifications.

Les gratifications en milieu professionnel seront prises en charge par l'État.

Nous souhaitons renforcer les synergies entre l'enseignement professionnel et les entreprises, en lien avec les conseils régionaux. J'ai eu l'occasion de rencontrer les présidents de conseil régional, avec lesquels je souhaite travailler main dans la main. Leur rôle est essentiel : les enjeux d'investissement doivent s'envisager en coopération avec tous les acteurs.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Il reste des verrous réglementaires, budgétaires et en matière d'orientation à faire sauter !

M. Édouard Courtial .  - Si comparaison n'est pas raison, il est toujours utile d'apprendre de ses voisins.

Dévalorisé, l'enseignement professionnel français est associé à la faiblesse des résultats scolaires et à une vision négative des métiers manuels ; c'est loin d'être le cas en Allemagne ou en Suisse.

Dans les autres pays de l'OCDE, les élèves de cette voie bénéficient d'une meilleure insertion professionnelle. En Écosse et en Angleterre, les parcours de formation peuvent se constituer à la carte, ce qui est impossible dans notre pays.

Enfin, le système français est trop soumis aux normes. C'est ainsi que les stages en boulangerie, possibles en Allemagne et en Autriche, ne le sont pas chez nous à cause des horaires trop matinaux... Comment aller vers plus de souplesse ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - L'image du lycée professionnel est l'affaire de tous. C'est un enjeu très fort. La solution passera par un meilleur taux d'insertion. Certains élèves ont de très belles réussites, à bac moins trois comme au niveau ingénieur.

Des compétitions comme les Worldskills ou les Olympiades des métiers sont des outils bienvenus. Nous souhaitons renforcer les savoirs fondamentaux, utiles à tous les citoyens, mais aussi mettre le lycée professionnel au centre des enjeux des filières de demain.

Nous sommes conscients de la nécessité d'assouplir certaines réglementations, mais il faut le faire au cas par cas : veillons à préserver avant tout la sécurité de nos jeunes. Les élèves doivent acquérir plus de codes, de liens, de contacts dans le monde de l'entreprise.

M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains .  - La massification de l'accès au bac dans les années quatre-vingt a rendu nécessaire une diversification des parcours. Il s'agissait d'encourager les vocations dans les métiers manuels via l'enseignement professionnel. Or la filière est aujourd'hui déconsidérée par les familles et largement méconnue des enseignants.

L'ambition était belle, mais le constat est amer pour Daniel Bloch, le père du bac pro en 1985 : baisse du niveau des élèves entrants, perte de valeur marchande du diplôme, modeste taux d'emploi. Il faut une refonte du système.

Les débats d'aujourd'hui soulignent les difficultés de méthode et de fond.

Il y a la vision jupitérienne, consistant à décider d'avance ce qu'il faut faire, tout en convoquant une concertation pour le valider... (M. Pierre Ouzoulias renchérit.) C'est du management par l'imposition d'une vérité divine : ne vous étonnez pas des réactions négatives, madame la ministre !

Il y a la vision arithmétique, qui convertit la baisse des heures en suppressions de postes d'enseignants -  7 000 à 8 000. Je ne puis croire qu'une telle démarche guide à elle seule la réforme. (MM. Max Brisson et Pierre Ouzoulias, ainsi que Mme Céline Brulin, approuvent.)

Il y a la vision syndicale, pour laquelle tout projet est déjà une atteinte aux statuts de la corporation. Quelques syndicats ont cependant accepté de participer aux groupes de travail. Le dialogue social n'est pas le point fort de notre pays, mais repartons sur de bonnes bases.

Il y a la vision comptable : qu'en sera-t-il de la rémunération des jeunes en entreprise si la durée des stages augmente ? Vous avez affirmé que l'État jouerait pleinement son rôle, dont acte.

Il y a la vision économique, pour laquelle chaque jeune est un futur candidat à l'embauche. Les entreprises n'ont pas à définir toutes seules les attendus des cursus, mais ne fermons pas les yeux sur le financement massif de certaines impasses, notamment dans le tertiaire. L'identification des besoins est un paramètre important.

Enfin, il y a la vision territoriale, appuyée sur les régions, qui financent les plateaux techniques et les lycées. Elles sont le meilleur soutien de la voie professionnelle et proposent de construire une carte des formations de proximité. Certaines tensions sur le marché du travail seront durables, avec de grandes disparités territoriales ; sachons y répondre avec pragmatisme.

La profondeur du sujet et la multiplicité des acteurs exigent une autre méthode. Dès lors, pourquoi cette négociation au forceps ? Commencez par évaluer la précédente réforme (MM. Max Brisson, Patrick Chaize et Pierre Ouzoulias approuvent), avant d'envisager une réforme ambitieuse pour la réussite de nos jeunes et la prospérité de notre pays. Et quand consulterez-vous le Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE et sur quelques travées des groupes SER et CRCE)

La séance est suspendue à 19 h 35.

présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

« Quel bilan pour Parcoursup ? »

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat intitulé « Quel bilan pour Parcoursup ? » à la demande du groupe CRCE.

M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste .  - Le groupe CRCE souhaitait présenter un bilan de Parcoursup et échanger sur les missions du service public de l'enseignement supérieur.

Nos sociétés se sont bâties sur leur dépendance aux énergies fossiles depuis le XVIIIe siècle. Nul ne conteste désormais la réalité du changement climatique qui menace jusqu'à notre existence. Il a fallu trois siècles pour développer une économie exploitant à l'extrême ces énergies, et il nous reste à peine quelques décennies pour les abandonner et inventer un autre modèle. Seuls le savoir, la recherche et la mobilisation de toutes les intelligences nous permettront de relever ces défis considérables.

L'université devrait donc être au coeur de nos politiques et constituer une véritable priorité publique. Or les moyens de l'État ne cessent de se réduire, au regard du nombre d'étudiants. De nombreux établissements sont au bord de la banqueroute et ne savent pas comment se chauffer cet hiver. Comment comprendre ce fossé entre les besoins et les moyens ? Quelle est la cause de ce mal français ?

Les élites françaises ignorent l'université et la méprisent souvent. La dichotomie entre grandes écoles bien dotées et universités nécessiteuses est ancienne, et date des réformes napoléoniennes. Un élève de classe prépa bénéficie de quatre fois plus de financement qu'un étudiant de licence. Il y a une disproportion de moyens au sein même du service public.

Des gouvernements ont tenté de réduire cette fracture. L'intégration des prépas au sein de l'université a été proposée par Edgar Faure, mais une réaction corporatiste des ministres de son propre gouvernement le força à renoncer.

Dans ses Mémoires, le général de Gaulle commenta ainsi cet échec : « Ayant moi-même élargi à l'extrême l'enseignement public, je [tins] donc à y faire s'instaurer, depuis le bas jusqu'en haut, l'orientation et la sélection. [...] Il me [fut] une fois de plus démontré qu'à moins de faire table rase par la dictature ou par la révolution, aucune institution ne peut vraiment être réformée si ses membres n'y consentent pas ». (M Stéphane Piednoir sourit.)

M. Max Brisson.  - Très bien.

M. Pierre Ouzoulias.  - C'est sous De Gaulle que l'université a connu son évolution la plus radicale. Entre 1958 et 1968, le nombre de bacheliers généraux fut multiplié par trois, les effectifs d'étudiants passèrent de 170 000 à 500 000 et ceux des ingénieurs doublèrent.

M. Max Brisson.  - Un discours gaulliste !

M. Pierre Ouzoulias.  - Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) comptait 6 000 agents en 1958, 16 000 en 1968.

Cet accroissement fut pensé et organisé pour accompagner des investissements massifs dans les sciences et la technologie, notamment nucléaire et spatiale. Selon Maurice Duverger, « dans les sociétés industrielles, le malthusianisme universitaire est une absurdité. »

Or nous sommes confrontés à des objectifs technologiques bien plus considérables. Cette planification réussie doit être prise pour exemple. Il est inconséquent de vouloir porter l'effort de recherche à 3 % du PIB sans investir massivement dans les universités. Organisons cet effort de formation tout en préservant la nécessaire autonomie pédagogique des universités et sans amoindrir les ressources de la recherche fondamentale, qui portera ses fruits dans plusieurs décennies. C'est une équation difficile et l'État doit réfléchir à cette programmation avec les scientifiques. La loi de programmation de la recherche, bien mal nommée, ne nous en a pas donné l'occasion.

Prenons l'exemple de la formation des médecins. Pour réduire les dépenses de santé, on a diminué le nombre de médecins formés. Il faut désormais inverser la logique. Mais si chaque université organise indépendamment son recrutement, la somme de ces décisions ne fera jamais une politique nationale ! Sonia de La Provôté a proposé des objectifs infrarégionaux définis nationalement. Parcoursup fait l'inverse et gère la pénurie en ajustant les recrutements aux moyens budgétaires des établissements. C'est le lit de Procuste de l'enseignement supérieur...

Si nous défendons encore le principe d'une université républicaine au service de la nation apprenante, si nous voulons rendre la raison populaire comme le souhaitait Condorcet, si nous voulons un outil efficace d'aménagement du territoire, il faut réfléchir à un dialogue renouvelé entre l'État et les universités, dans le respect des équipes pédagogiques. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe SER, du GEST et du RDPI)

M. Max Brisson.  - Très bien !

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.  - Je vous reconnais un sens aigu du timing : ce matin même, s'est ouverte la phase de paramétrage des formations qui ouvre la session 2023 de Parcoursup.

Je vous rejoins sur le fait que l'Université - avec une majuscule - doit être au coeur de nos politiques. Oui, nous défendons encore et toujours le principe d'une université républicaine, d'un service public qui doit revoir la notion de méritocratie au XXIe siècle ; nous avons toujours les mêmes missions au coeur de l'université, mais elles doivent être inscrites dans notre époque.

Avec conviction et en toute responsabilité, nous allons mettre en place ce dialogue renouvelé avec les universités et avec l'ensemble des acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR).

Parcoursup assure un dialogue entre les lycéens et les formations post-bac. Depuis cinq ans, 4,5 millions d'usagers l'ont utilisé. Nous travaillons à sa constante amélioration.

M. Thomas Dossus .  - Je remercie le groupe CRCE pour ce débat essentiel. Il y a beaucoup à dire. Créé par la Loi Orientation et réussite des étudiants (ORE) de 2018, Parcoursup a fait sa quatrième rentrée. Il se voulait plus efficace et plus juste qu'Admission post-bac (APB).

Or selon l'étude Ipsos publiée chaque année, si 74 % des utilisateurs le trouvaient fiable en 2020, ils ne sont plus que 66 % en 2021 et 57 % en 2022 ; 48 % trouvaient le système juste en 2020, contre 28 % en 2022. La tendance est la même pour la transparence : 60 % en 2020, 48 % en 2022. Le seul indicateur en augmentation est le stress : 77 % en 2020, 83 % en 2022. Parcoursup n'est donc ni fiable, ni juste, ni transparent. Certes, il est perfectible, mais tout est à revoir...

Parcoursup est-il efficace ? APB proposait une hiérarchisation de 24 filières, Parcoursup ne permet que dix choix par candidat, qui ne sont hiérarchisés que depuis cette année. Les algorithmes varient d'une unité de formation et de recherche (UFR) à l'autre. Différentes phases se succèdent. Souvent, les choix sont faits par défaut par les étudiants, mal accompagnés. À l'issue de la phase principale, 10 % des candidats étaient sans affectation en juillet dernier.

Parcoursup est-il juste ? Chaque établissement établit ses critères, fondés sur les notes, le lycée d'origine et des outils d'aide automatique à la décision. La Cour des comptes a dénoncé le fonctionnement nébuleux et opaque du système et a demandé la publication des algorithmes. Les services administratifs sont en sous-effectif chronique. La plateforme est un véritable marchepied pour les formations privées. Son coût est exorbitant.

En matière d'efficacité et de justice, c'est donc un double échec. Voilà un système arbitraire qui ferme la porte de nombreuses formations à trop d'étudiants et leur ouvre en grand celles des écoles privées.

Il faut ouvrir de nouvelles filières en lien avec les aspirations des étudiants. Investissons massivement dans nos universités publiques et développons les campus.

L'université de demain doit préfigurer la société de demain, inclusive et solidaire. Il faut repenser le système de fond en comble. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - Vous êtes contre Parcoursup, monsieur le sénateur ; pour ma part, je veux l'améliorer plutôt que de développer une nouvelle plateforme.

Je vais citer d'autres chiffres du même sondage Ipsos : 89 % des lycéens apprécient d'y retrouver l'ensemble des formations reconnues par l'État ; 86 % sont satisfaits de la liberté de formulation de leurs voeux ; 72 % sont satisfaits des réponses qui leur sont apportées et 68 % des délais de réponse.

Avec Pap Ndiaye, nous allons travailler pour aider ces jeunes et réduire ce stress ressenti quant à leur avenir. Les candidats formulent dix voeux non hiérarchisés, ce qui leur permet de garder le choix, contrairement à APB. C'est une amélioration qui place l'humain au centre, et non un simple algorithme. Les comités de sélection réunissent les enseignants, engagés pour le bien de nos étudiants. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. le président.  - Nous apprécions, madame la ministre, que vous répondiez en détail (marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains), mais je vous remercie de veiller à votre temps de parole.

Mme Nicole Duranton .  - Depuis 2018, la plateforme fonctionne de mieux en mieux : le Gouvernement est attentif aux demandes des utilisateurs et corrige les carences.

Avec Parcoursup, les lycéens ont accès à plus de 21 000 formations supérieures, dont plus de 7 000 en apprentissage. Les jeunes peuvent d'ores et déjà se connecter à la plateforme pour découvrir les formations. C'est le premier degré de l'égalité des chances. En 2022, 936 000 candidats - dont 622 000 lycéens - y ont formulé 11,6 millions de voeux, soit plus de 12 voeux par candidat.

Certains jeunes seraient laissés pour compte ? Mais les candidats peuvent demander l'intervention des commissions d'accès à l'enseignement supérieur (CAES).

Parcoursup serait opaque ? Tous les jurys publient un rapport sur leurs critères d'admission ou de refus.

Parcoursup ne compenserait pas les inégalités sociales et territoriales ? Il est vrai que 17 % des lycéens généraux et technologiques fournissent la moitié des effectifs des grandes écoles et les Parisiens ont trois fois plus de chance de voir leurs voeux comblés. Parcoursup porte cet objectif, mais il faut un système national ambitieux pour une réelle égalité des chances.

Et que proposent les détracteurs de Parcoursup ? Un système fondé uniquement sur les bulletins scolaires, sans prise en compte du parcours de l'élève, un système linéaire, ou un système de recrutement arbitraire par les universités ?

Avant Parcoursup, il y avait APB : très complexe, 24 voeux, tirage au sort, algorithme mal calibré, information lacunaire... Un véritable parcours du combattant !

Avec Parcoursup, les voeux ne sont plus classés, tous les dossiers sont étudiés et le candidat peut attendre une proposition plus intéressante. L'algorithme favorise la mobilité et le respect des choix. L'abandon du classement a permis aux boursiers de moins s'autocensurer. Doit-on regretter le tirage au sort et les files d'attente devant les universités ?

?uvrons ensemble pour améliorer Parcoursup au service de notre jeunesse : ce sont bel et bien des agents qui travaillent derrière la plateforme et non des algorithmes.

En juillet dernier, je vous interrogeais sur les lycéens qui restent sans réponse. Vous m'aviez répondu qu'il s'agissait d'un processus humain. Neuf lycéens sur dix avaient reçu une proposition. Il ne suffit pas d'entrer dans l'enseignement supérieur, mais il faut aussi y réussir. Entre 2018 et 2020, le taux de réussite en premier cycle est passé de 40 à 45 % ; le nombre de boursiers 20 à 25 %. Je me réjouis de cette réussite.

Votre projet en 2023 est d'améliorer la lisibilité et la transparence du dispositif. Où en êtes-vous ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - Merci pour vos propos qui restituent les enjeux, les progrès et les améliorations. Parcoursup n'est qu'une plateforme. C'est pour cela que le travail d'amélioration en continu doit être mené avec toutes les parties prenantes, pour mieux servir les intérêts des jeunes.

Oui, l'accompagnement à l'orientation existe au lycée. Parcoursup apporte des informations pour faire son choix. Oui, les délais de réponse se sont améliorés, et nous allons encore les réduire. Cette année, seulement 160 étudiants restaient sans réponse après les CAES, plus que 33 après le suivi individualisé. Nous nous engageons à poursuivre ce travail d'amélioration continu. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Sylvie Robert .  - Tirer un bilan objectif de Parcoursup implique d'éviter deux écueils : un optimisme débridé et une critique sans mesure qui confond l'algorithme et la procédure.

De quoi Parcoursup, par ses modalités, est-il le révélateur ?

La création de la plateforme visait à mieux orienter les étudiants et à garantir leur réussite. En l'état, la conception de l'orientation portée par Parcoursup relève plus de l'appariement et de la gestion des flux : les étudiants n'ont plus le choix, ou plutôt leur liberté est conditionnelle, notamment lorsqu'ils se destinent à des filières en tension. Notre groupe n'a de cesse de le dénoncer. Cela va à rebours des recommandations du Conseil national de l'enseignement et de la recherche (Cneser) en 2018. Le manque de places oblige les étudiants à faire des choix par défaut. Cette logique est encore plus prégnante au niveau master.

La sélection partielle est ainsi institutionnalisée dans l'enseignement supérieur. Ni la généralisation de l'échec ni la généralisation de la sélection ne sont pourtant souhaitables.

Nous ne pouvons fermer des portes a priori. Il y va de l'acceptabilité par les étudiants.

La politique d'orientation, en revanche, commence à se structurer autour du Bac-1, du Bac-3 et du Bac+3. La réforme de Parcoursup est ainsi liée à celle du baccalauréat.

Je note plusieurs améliorations. Parcoursup est aussi un portail d'information, parfois vertigineux. Mais la présence d'information n'implique pas qu'elle sera décryptée correctement. En aval, nous constatons une amélioration de l'accompagnement des élèves à qui on a répondu par un « oui-si », même si ces modules doivent être rendus plus opérants, car ils sont la clef de la réussite. N'oublions pas qu'ils étaient aussi la condition de l'acceptation de Parcoursup par le Parlement, et singulièrement par le Sénat.

Nous constatons un transfert de responsabilités des admissions vers les universités, notamment leurs équipes pédagogiques, qui effectuent un travail très important. Cela explique notre combat - partagé avec Pierre Ouzoulias (l'intéressé le confirme) - pour la transparence des algorithmes locaux. Je me réjouis que la transparence se soit améliorée, malgré le déni de la précédente ministre ; il faut aller encore plus loin.

Les étudiants sont aussi rendus plus responsables de leur orientation, à laquelle ils doivent penser dès le lycée. Parcoursup présuppose cependant que tout étudiant est égal face à l'orientation, alors que, dans les faits, il n'en est rien - tous les sociologues de l'éducation le disent. L'octroi de deux professeurs principaux et la mise en réserve de 54 heures pour l'orientation sont bénéfiques, mais les situations sont inégales.

M. Max Brisson.  - C'est évident !

Mme Sylvie Robert.  - Les professeurs principaux eux-mêmes voudraient être formés ! Un tiers des élèves estiment n'avoir pas eu de conseils sur l'orientation.

M. Max Brisson.  - C'est vrai !

Mme Sylvie Robert.  - Ils peuvent concevoir de l'amertume à se retrouver responsables d'un échec qui n'est pourtant pas le leur.

Parcoursup n'est pas responsable de tout, il constitue plutôt un révélateur du lourd investissement nécessaire pour améliorer notre politique d'orientation - longtemps le talon d'Achille de notre système.

Cette orientation est essentielle pour lutter contre les déterminismes. N'enfermons pas les étudiants. La moindre inflexion peut jouer : voyez les dégâts causés par la réforme des mathématiques.

M. Stéphane Piednoir.  - Nous l'avions dit !

Mme Sylvie Robert.  - Le Cneser l'avait intégré dans son rapport : il faut passer à un travail progressif qui puisse déconstruire les déterminismes sociaux et accompagner chaque élève dans la construction d'un futur désirable. Dans le secteur de l'éducation, les inégalités se sédimentent et atteignent leur paroxysme lors de la procédure Parcoursup - qui n'est finalement que le produit de notre système scolaire. L'enjeu démocratique est majeur. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST ; MM. Alain Richard et Bernard Fialaire applaudissent également.)

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - Merci infiniment pour votre intervention, qui présente les enjeux de l'accès à l'enseignement supérieur. Nous voulons mettre l'orientation au centre du dispositif à travers l'aide au choix. C'est ce que nous faisons aussi dans les lycées avec la désignation de deux professeurs principaux. Les études d'opinion montrent que les choses s'améliorent, même si, bien sûr, il faut faire mieux en les aidant à aider les élèves. Nous y travaillons avec l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep).

Le bilan des « Oui-si » sera fait, avec un focus sur l'année Bac+1 à l'université. Je vous rejoins sur la notion de passerelle, essentielle dans la réussite de parcours non linéaires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

Mme Céline Brulin .  - Les résultats de Parcoursup sont désolants. Le ministère parle de 160 lycéens sans solution ; en réalité, ce sont des dizaines de milliers de bacheliers qui n'ont pu accéder à l'enseignement supérieur. Parcoursup est un outil de gestion de la pénurie.

Les moyens de l'université baissent, le taux d'encadrement baisse. Entre 2012 et 2017, la part des enseignants titulaires n'a augmenté que dans 19 universités sur 68.

Nous manquons de médecins dans les territoires. Sur Parcoursup, les candidatures affluent pour les métiers du soin, mais les capacités d'accueil manquent cruellement. La saturation de notre système public pousse les élèves à se tourner vers l'enseignement privé, qui a progressé de 10 % en un an, entre 2021 et 2022.

Parcoursup accroît les inégalités, et la réforme du bac fait peser sur les épaules de jeunes élèves la responsabilité de choisir les matières qui répondront aux exigences de la formation à laquelle ils aspirent. Selon l'observatoire de la vie étudiante, 56 % des étudiants des classes populaires disent avoir été aidés par des proches pour s'orienter, contre 76 % pour les classes dominantes. Les enfants de familles aisées ont trois fois plus de chances d'accéder à l'enseignement supérieur que les enfants de familles modestes. Paris 1 a plus de bacheliers avec mention et moins d'étudiants de plus de 19 ans, tandis qu'Évry voit la part des détenteurs d'un bac général baisser. Les bacheliers de filières professionnelles accèdent de moins en moins aux licences.

Vous nous direz que nous avons une lecture idéologique. Alors soyons pragmatiques et regardons les chiffres : la plateforme ne permet pas de répondre aux besoins de la société. C'est bien le cas en santé : selon le rapport de notre collègue Catherine Deroche, nous dénombrons 690 000 candidats à l'entrée en institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) en 2021, contre 180 000 voilà quatre ans. Mais le taux d'abandon est sans précédent, ce qui augmente la pénurie. La ségrégation sociale est à l'oeuvre : 2 000 bacheliers en sciences et technologies de la santé et du social se sont retrouvés exclus de la formation d'infirmier, à laquelle cette filière est destinée.

Nous ne résorberons pas les déserts médicaux tant que seuls les jeunes aisés détenteurs de bac scientifique avec mention ayant grandi dans les métropoles auront accès aux études de médecine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST)

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - Je ne ferai pas de bataille de chiffres, car chaque étudiant importe. Les inégalités d'accès à l'enseignement supérieur existaient bien avant Parcoursup, qui améliore plutôt les choses, par exemple en mettant à disposition de tous les mêmes informations et la même liberté de faire des voeux. Les boursiers dans l'enseignement supérieur sont ainsi passés de 20 à 25 % depuis Parcoursup. Les taux de priorité de la loi ORE ont permis d'attirer plus de boursiers -  12 300 en 2022. À Sciences Po Paris, ils sont maintenant 12 %, contre 5 % en 2020 et 3,8 % en 2019. Les cordées de la réussite oeuvrent aussi dans le bon sens.

Parcoursup donne la priorité aux bacs technologiques et professionnels pour les IUT et les BTS. Nous offrons une aide à la mobilité de 500 euros aux boursiers.

Je suis prête à travailler avec vous. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean Hingray .  - Combien d'entre vous sont des parents ou grands-parents face aux difficultés de leurs enfants ?

Antoine, 20 ans en 2020, a formulé neuf voeux. Au premier soir des réponses, aucune ne lui est favorable. Il a fallu attendre. Pour Antoine, le résultat s'est finalement révélé positif, mais pour les autres, qu'en est-il ?

Lisa, 17 ans en 2022, a d'excellents résultats et veut faire une double licence à Rennes. Comme ce n'est pas son secteur, elle sera 2 000e sur la liste d'attente...

Nos jeunes font des choix sans en maîtriser les paramètres. Parcoursup a remplacé APB. De nombreux élus ont interpellé les ministres sur l'opacité des algorithmes ou l'anxiété des élèves. En septembre 2022, 82 % d'entre eux déclarent que la procédure est stressante.

Nous ne regrettons pas APB, son tirage au sort, ou les files d'attente devant les universités, mais Parcoursup et toute l'orientation des élèves post-bac doivent être repensés.

Avant même l'inscription, les professeurs et proviseurs sont mal ou pas formés pour orienter les élèves - la Cour des comptes l'affirme dans son rapport de 2020... Les récents modules mis en place par les rectorats ne concernent que des points pratiques, au détriment de la réflexion sur les choix possibles.

De plus, les heures d'orientation ne sont trop souvent que des heures d'ajustement, au sein de la dotation globale horaire. Cela renforce les inégalités territoriales, voire sociales, avec l'émergence de coachs privés en orientation. APB demandait une hiérarchisation des choix, mais plus Parcoursup, dans lequel le lycéen doit faire des choix sans indiquer ses préférences. Son affectation dépend donc de son classement plus que de sa motivation. Plus de 15 000 algorithmes locaux opèrent : sans harmonisation nationale, comment comprendre les décisions ? Les disparités entre établissements font que le lycée d'origine est parfois pris en compte, ce qui est contestable.

La Cour des comptes indique aussi que les attendus des différentes filières ne sont pas suffisamment connus des candidats, et que les équipes utilisent souvent des outils informatiques d'aide à la décision pour un premier classement. Il faut plus de transparence. Les équipes de l'Éducation nationale ont aussi une charge de travail plus importante - principalement des tâches administratives, et pas une aide à l'orientation comme on pouvait l'espérer.

Parcoursup n'a pas permis de réfléchir aux défis actuels : augmentation de la population étudiante - les bacheliers sont passés de 20 % à 79 % d'une classe d'âge en cinquante ans - et nécessité d'accueillir correctement ces élèves. Le dispositif « Trouve ton master » suivra-t-il la même logique ?

Les bénéfices sont difficiles à estimer, les taux d'échec restant très hauts, soit presque un étudiant sur deux, en particulier dans les filières non sélectives.

Nous suivrons attentivement les travaux de la commission sur Parcoursup. Ne conduisons pas nos étudiants dans des voies sans issue. (M. Stéphane Piednoir, Mme Anne Ventalon et M. Pierre Ouzoulias applaudissent.)

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - Nous avons tous en tête des cas particuliers. Mais ma mission est de m'occuper de tous les étudiants. Nous allons travailler sur l'accompagnement des professeurs, pour qu'ils orientent mieux les lycéens.

La non-hiérarchisation des voeux évite l'autocensure des élèves. C'est un progrès. Le stress induit est compréhensible, et nous travaillons aussi à des améliorations avec mon collègue Pap Ndiaye.

La plateforme pour le master se fonde sur l'humain et l'expertise des professeurs, qui consacrent toute leur vie professionnelle au succès des étudiants. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président.  - La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Pierre Ouzoulias.  - Référence obligatoire à Edgar Faure ! (Sourires)

M. Bernard Fialaire .  - Lors de la dernière rentrée scolaire, le Président de la République a dit devant les recteurs qu'il rêvait d'une école qui fasse réussir nos enfants, qui fasse réussir la France.

Avec 59,7 milliards d'euros, l'éducation nationale est le premier poste de dépenses de l'État, après la mission Remboursements et dégrèvements. Compte tenu de l'importance des moyens mobilisés, il est légitime d'examiner de près ce qui marche et ne marche pas.

L'orientation post-bac est déterminante pour l'avenir des jeunes. Après quatre ans de mise en oeuvre, quel est le bilan de Parcoursup ? En 2022, 832 000 lycéens ont reçu une réponse, et seuls 160 bacheliers sont restés sans proposition ; 93 % des lycéens ont été contentés dès la phase principale. Les CAES jouent bien leur rôle dans l'accompagnement des jeunes sans solution.

Parcoursup semble globalement bien fonctionner, contrairement à APB. Mais ce système respecte-t-il le principe républicain fondamental d'égalité des chances dans l'accès à l'enseignement supérieur, alors que 28 % des étudiants se déclarent insatisfaits de leur sort ?

Selon la Cour des comptes, la procédure d'examen des voeux n'est pas totalement transparente. Certes, le Conseil Constitutionnel a reconnu le caractère secret des délibérations des jurys. Il serait toutefois utile de rendre les critères publics et d'en écarter certains, comme celui du lycée d'origine, parfois utilisé pour le départage dans les filières non sélectives en tension.

La loi affirme le droit à l'orientation. À cet égard, il faut renforcer l'information individualisée des élèves durant les deux dernières années du lycée, en particulier pour lutter contre l'autocensure des élèves les moins favorisés. La moitié d'entre eux remplissent leurs voeux seuls, alors que deux tiers des élèves favorisés sont épaulés par leurs parents.

Jadis, les lycéens pouvaient vivre dans une certaine insouciance - nous en avons profité. Le système « premier arrivé, premier servi » n'était pas juste, mais l'obtention du bac était synonyme de libération. Aujourd'hui, le passage vers l'enseignement supérieur est souvent source de stress. Or Parcoursup suscite encore beaucoup d'inquiétudes, chez les jeunes comme chez leurs parents.

Le bien-être à l'école est pourtant essentiel - Pap Ndiaye le rappelle régulièrement. Les attentes sont fortes autour de cette dimension, insuffisamment prise en compte, de la vie scolaire. Redonnons aux jeunes l'espoir de tous les possibles ! (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Alain Richard applaudit également.)

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - Croyez bien que, comme vous, je considère comme une ardente obligation l'égalité des chances et la transparence, laquelle est aussi un levier pour l'accompagnement à l'orientation et la réduction du stress des lycéens.

Nous avons institué la publication des attendus et des critères. Nous irons encore plus loin en matière de transparence, tout en préservant le secret des délibérations collégiales des enseignants, acquis reconnu par le Conseil constitutionnel et garantie d'un regard humain sur les dossiers. Ne tombons pas collectivement dans la caricature consistant à jeter l'opprobre sur les milliers d'enseignants qui examinent les dossiers, toujours avec le souci de la réussite des élèves.

Nous continuerons à progresser, n'en doutez pas. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie le groupe CRCE pour ce débat et tiens à saluer l'intervention gaullienne de Pierre Ouzoulias... (Sourires)

En 2019, Jean-Michel Blanquer affirmait que, pour la première fois, un pont s'était établi entre le secondaire et le supérieur. Trois ans après, ce pont est-il vraiment en place ? On peut en douter.

Pourtant, une occasion se dessinait : APB étant à bout de souffle, Parcoursup devait apaiser l'entrée dans le supérieur et renouer avec une logique méritocratique, favorisant l'ascenseur social.

Hélas, Parcoursup a été mis en place avant la réforme du baccalauréat, alors qu'il eût fallu procéder dans l'ordre inverse - de nombreuses alertes avaient été lancées en ce sens.

M. Pierre Ouzoulias.  - Exactement !

M. Max Brisson.  - Un effort majeur devait être réalisé pour l'orientation, mais les heures prévues sont insuffisantes et servent souvent à terminer les programmes ; les professeurs ne sont pas assez formés et informés dans ce domaine.

Si la réforme est inachevée, c'est parce qu'au lycée, on ne s'est pas donné les moyens de la faire réussir. Les spécialités restent mal articulées avec les formations de l'enseignement supérieur, qui, de son côté, peine à s'adapter, seule une minorité d'établissements ayant anticipé la réforme. Parfois, les enseignements de tronc commun sont davantage pris en compte que les spécialités, ce qui va à rebours des objectifs de la réforme. (M. Pierre Ouzoulias renchérit.)

L'un des objectifs de la réforme était de faire émerger des parcours personnalisés. Mais le fossé entre le secondaire et le supérieur est consommé : plus de la moitié des élèves abandonnent en fin de première des spécialités comme « sciences de l'ingénieur » ou « sciences du numérique » par crainte de ne pas être reçus en prépa, alors que les écoles d'ingénieurs ont de l'appétence pour ces spécialités.

C'était pourtant le coeur de la réforme : favoriser la mue progressive des lycéens en étudiants. C'est à l'aune de cet échec qu'il faut analyser les angoisses suscitées par Parcoursup.

Des progrès doivent être faits sur le fonctionnement de la plateforme, mais l'essentiel réside dans une approche plus volontariste de l'orientation et une réelle prise en considération du nouveau baccalauréat par l'enseignement supérieur. Le continuum de bac-3 à bac+3, ce pont dont parlait M. Blanquer, reste à construire.

Madame la ministre, comment comptez-vous mettre en place un système permettant aux jeunes d'approfondir dans le supérieur les choix faits au lycée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Pierre Decool et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - Vous avez raison de souligner l'enjeu que représente la continuité des parcours - c'est une question qui m'anime depuis des années.

Nous devons améliorer l'orientation pour sécuriser, mais aussi personnaliser les parcours. Pendant longtemps, le continuum de bac-3 à bac+3 est resté un concept, une coquille vide. Parcoursup a ouvert la voie à sa mise en oeuvre. Pap Ndiaye et moi-même travaillons activement sur le sujet.

Au-delà de Parcoursup, c'est d'une philosophie de l'enseignement que vous nous invitez à débattre, de la manière dont nos jeunes doivent « apprendre à apprendre », pour reprendre la formule de Montaigne. Nous devons repenser les connaissances et les compétences dont nos étudiants auront besoin. Cette réflexion de fond doit être menée, au-delà du continuum lycée-licence, dans la perspective d'une formation tout au long de la vie.

M. Jean-Pierre Decool .  - Je remercie le groupe CRCE d'avoir suscité ce débat.

La refonte liée à Parcoursup est bienvenue pour répondre aux difficultés d'accès aux études supérieurs. Cette plateforme répond aux objectifs fixés par le Gouvernement et le Parlement, même si des ajustements restent à opérer.

La prise en compte des inégalités territoriales, notamment celles frappant les jeunes ruraux, reste le parent pauvre du système. Je pense aux 10 millions de jeunes de moins de 20 ans qui grandissent dans des communes de moins de 25 000 habitants. Selon le sociologue Nicolas Renahy, l'enclavement a des conséquences sur les opportunités offertes aux jeunes.

Il faut prendre en compte la diversité des raisons qui entravent l'accès des jeunes ruraux à l'enseignement supérieur : autocensure, manque d'information, difficultés économiques, freins à la mobilité. Or les politiques scolaires rurales sont parcellaires et mal articulées avec les politiques d'aménagement.

Le zonage scolaire prend en compte les inégalités sociales, mais les inégalités ne doivent pas être abordées seulement sous cet angle. Les inégalités territoriales se creusent, liées notamment aux problèmes de mobilité et à la fracture numérique.

Face à la demande croissante et à l'exiguïté des locaux universitaires, certaines formations sont tentées de sélectionner les étudiants sur des critères dépassant le dossier scolaire : séjour à l'étranger, Bafa... Or les jeunes ruraux, qui ne disposent pas des mêmes ressources que les autres, sont souvent démunis au moment de compléter leur dossier.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très juste !

M. Jean-Pierre Decool.  - S'engager dans une association est ainsi plus difficile en zone peu dense.

En octobre 2022, une étude réalisée à Sciences Po Paris a montré que les relations étaient déterminantes pour 36 % des étudiants, contre 20 % en 2002, et le diplôme pour seulement 14 %, contre 36 % il y a dix ans.

Georges Bernanos, que j'affectionne particulièrement pour la manière dont il a peint les charmes des Hauts-de-France, disait : « On ne subit pas l'avenir, on le fait. » La politique éducative doit tenir compte des territoires d'origine des jeunes.

Les jeunes ruraux demandent simplement les mêmes chances de réussite que les autres. Entendons-les. Pour que chaque jeune Français bénéficie des mêmes chances, Parcoursup doit prendre davantage en compte les fractures territoriales. (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - Je vous remercie d'évoquer la fracture sociale et l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur pour les jeunes ruraux.

Avec Parcoursup, l'avenir des jeunes n'est pas fait ou défait par un algorithme ; la place du regard humain est importante.

Quel que soit leur lieu d'habitation, les jeunes peuvent accéder aux mêmes informations. Nous avons intégré les BTS et les Ifsi, qui maillent finement le territoire.

Afin de lutter contre l'autocensure, nous avons mis en place les Cordées de la réussite : 26 000 collégiens ruraux y participent.

Pour lutter contre les inégalités territoriales, il faut agir au-delà de Parcoursup. Je pense aux campus connectés créés par Frédérique Vidal. Il en existe 80, et nous travaillons à développer ces structures.

M. Jacques Grosperrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie M. Ouzoulias et le groupe CRCE pour ce débat, qui permet d'aborder l'accès à l'enseignement supérieur. Véritable tabou depuis la réforme Devaquet de 1986, qui a vu plus de 1 million de personnes descendre dans la rue... Pourtant, les défis restent les mêmes.

Je le disais déjà en 2018, lors du débat sur la loi ORE : les étudiants sont de plus en plus nombreux et l'échec en licence est massif. Dans ce contexte, les difficultés d'APB ont imposé une réforme en urgence de l'admission dans l'enseignement supérieur, à la suite d'un tirage au sort inacceptable.

Mais fallait-il jeter le bébé avec l'eau du bain ? La Cour des comptes signalait qu'APB n'était pas un outil d'orientation, mais sans relever de défaillances intrinsèques. C'est plutôt les choix ministériels en matière d'accès à l'enseignement supérieur qui ne répondaient pas à la réalité de la situation. Cela a-t-il changé ?

Un travail doit être mené avec les universités, les branches professionnelles et les conseils régionaux pour réorienter l'offre de formation et l'adapter aux besoins de notre économie. Il faut encourager une spécialisation progressive et la formation tout au long de la vie.

Les inquiétudes que nous avons formulées lors de la CMP du 13 février 2018 restent d'actualité. À l'époque, notre sens des responsabilités l'avait emporté, car 850 000 jeunes attendaient une réponse.

La massification de l'enseignement supérieur soulève une question de moyens. Avec une dépense pour l'enseignement supérieur qui atteint juste 1,5 % du PIB, nous sommes loin de l'objectif de 2 % fixé par le Livre blanc.

Les inégalités demeurent importantes, alors que le diplôme est la clé d'accès à l'emploi et que les grandes écoles restent gagnantes.

Dans ce contexte, Parcoursup est le symbole de nos insuffisances, même s'il a permis d'améliorer l'orientation et l'information.

Les critiques ont été nombreuses, dès l'origine. Pourtant, le Conseil constitutionnel a reconnu la constitutionnalité du dispositif. Cette décision a stabilisé Parcoursup et légitimé le travail des universités. Difficile, dès lors, d'imaginer la suppression de la plateforme. Et quelle serait l'alternative ?

Madame la ministre, quelles sont vos pistes pour mieux gérer 2023 ? Par quels indicateurs fiables peut-on mesurer l'efficacité du système ? Quid des lycéens sans réponse ? Alors que 36 % des lycéens sont insatisfaits des délais de réponse et que certains éprouvent des difficultés pour saisir leurs choix, Parcoursup prend-il suffisamment en compte leurs besoins ? La mobilité des jeunes est-elle permise ?

Notre commission restera vigilante sur tous ces sujets, sous l'égide de Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - Les progrès apportés par Parcoursup sont nombreux : accès amélioré au supérieur, accompagnement renforcé, stress diminué. Je le répète, 93 % des lycéens reçoivent au moins une proposition.

Les candidats sont accompagnés tout au long de la procédure : pas moins de onze campagnes téléphoniques sont organisées. Les 160 lycéens restés sans réponse à la fin de la procédure ont continué d'être accompagnés ; il n'en restait que 33 récemment.

Les boursiers sont plus nombreux dans l'enseignement supérieur : 25 %, contre 20 % auparavant. Un forfait de 500 euros leur a été accordé pour favoriser leur mobilité. Les étudiants doivent pouvoir accéder à la formation qu'ils souhaitent, quel que soit l'endroit où ils vivent.

Oui, l'échec en licence est massif. Mais le dernier rapport de l'OCDE permet de comparer nos résultats à ceux des autres pays : nous avons certes des progrès à accomplir, mais nous tenons notre place.

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le bac est le premier diplôme de l'enseignement supérieur, mais aussi le sésame pour y accéder. Chaque année, plus de 600 000 bacheliers aspirent à une poursuite d'études. Il faut une grosse machine bien organisée pour être efficace.

J'évoquerai un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître... À l'époque, on envoyait son dossier par la poste, puis en cas de réponse négative, on répétait la procédure... Cet « algorithme » n'était pas optimal, et les refus n'étaient pas justifiés. Avec la massification et la multiplication des cursus, la tâche s'est alourdie : ce système manuel n'était plus tenable.

APB a répondu à cette situation. Il était fondé sur la théorie des mariages stables et l'algorithme de Gale-Shapley de 1962, avec une priorité donnée aux préférences de l'établissement. Mais il hiérarchisait aussi les voeux.

Parcoursup a permis d'étendre la procédure aux universités et à 15 000 autres formations. Désormais, les attendus de chaque formation sont publiés.

Toutefois, beaucoup reste à faire, notamment sur l'orientation des élèves. C'est une priorité des pouvoirs publics, mais les obstacles sont majeurs. La « stratégie » d'orientation dans le supérieur commence plus tôt qu'auparavant. Résultat : les inégalités sociales se creusent dès le niveau Bac-3, et les moins favorisés se reposent presque intégralement sur les équipes éducatives. La Cour des comptes et l'inspection générale de l'éducation ont montré qu'il fallait renforcer l'information et améliorer la formation des acteurs. Nous espérons des actions complètes pour que Parcoursup atteigne ses objectifs en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Je vous remercie pour ce débat de qualité et la pertinence de vos propos.

Parcoursup n'est qu'une plateforme, mais une plateforme qui doit être au service des futurs étudiants. Les formations ont une responsabilité première. La procédure assure un échange entre les lycéens et les enseignants, avec l'aide notamment des professeurs principaux.

La loi ORE avait plusieurs ambitions : renforcer l'accompagnement à l'orientation au lycée ; mettre fin aux inscriptions par ordre d'arrivée ou par tirage au sort, en fixant des règles transparentes ; améliorer la réussite de tous les étudiants ; et renforcer la démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur.

Que de chemin parcouru depuis 2018 ! Au lycée, l'orientation vers le supérieur est devenue un enjeu majeur pour toutes les équipes éducatives. En 2022, plus de bacheliers ont eu des propositions d'admission, et plus vite. Grâce au travail des rectorats, le nombre de lycéens sans solution à la fin de la procédure a été considérablement réduit - 160 en septembre dernier.

L'année prochaine, en intégrant les notes des épreuves finales des enseignements de spécialité, nous redonnerons toute sa légitimité au baccalauréat et renforcerons l'articulation Bac-3/Bac+3.

La transparence est un objectif majeur. Jamais autant de données n'ont été rendues publiques par mon ministère. Les formations rendent compte des critères et des refus : en 2022, 11 732 rapports ont été publiés.

Depuis cinq ans, il n'y a plus de tirage au sort. Arrêtons de dire que la sélection a augmenté à l'université : oui, les règles d'admission ont évolué ; oui, l'examen des dossiers est la règle. Mais la réussite étudiante a progressé de cinq points en cinq ans, et les parcours sont de plus en plus personnalisés.

La démocratisation aussi a progressé depuis 2018, avec une augmentation de cinq points du taux d'étudiants boursiers. L'accès des bacheliers technologiques et professionnels au supérieur s'est amélioré.

Cette dynamique doit se poursuivre. C'est mon engagement et celui du Président de la République, qui voulait rendre Parcoursup plus prévisible et mieux accompagner les familles.

Nous voulons prendre en compte le ressenti des lycéens, qui, malgré une appréciation plutôt positive, attendent des progrès en matière de stress et de transparence.

Nous allons travailler selon quatre axes stratégiques : renforcer l'accompagnement à l'orientation pour aider les lycéens à faire leurs choix ; rendre l'examen des candidatures plus transparent ; améliorer l'efficacité de la phase principale pour limiter le stress induit ; et prolonger le continuum de réussite du lycée vers l'enseignement supérieur, pour favoriser la réussite post-bac, post-licence et, in fine, l'insertion professionnelle.

Nous engagerons ces progrès en lien avec les acteurs de l'enseignement supérieur, qui organisent des portes ouvertes et sélectionnent les dossiers, avec un seul but : accueillir et faire réussir les étudiants. Nous devons tout faire pour que les choix soient réalisés dans la sérénité, dès cette année. Je vous présenterai un bilan dès que possible. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire et Mme Else Joseph applaudissent également.)

M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste .  - Merci pour ces interventions de qualité et très complémentaires. Vous allez croire que nous nous étions réparti les sujets au sein de la commission... Ce n'était même pas la peine, tant la cohérence de nos points de vue est naturelle.

Merci, madame la ministre, pour vos réponses argumentées, signe d'une véritable disputatio universitaire. Je remercie aussi France Universités pour ses notes précises.

Je commencerai par les points d'accord : vous êtes soucieuse d'illustrer une université républicaine. À l'échelle internationale, notre modèle français est un modèle d'avenir.

Le service public repose sur l'égalité des droits - et pas seulement l'égalité des chances.

Combien la France veut-elle d'étudiants ? À quoi la Nation est-elle prête pour soutenir son université ? Voilà les questions de fond. Mieux vaudrait commencer par ce débat. Hier, le PDG du CNRS a lancé un cri d'alarme : il manque de mathématiciens ! Interrogeons-nous discipline par discipline : avons-nous encore besoin d'archéologues (Sourires), d'historiens ? Nous pourrons ensuite réfléchir à leur recrutement.

Nous avons tous insisté sur la nécessité de travailler sur le continuum lycée-licence. Les enseignants de l'université connaissaient le bac ancienne formule, mais ils comprennent plus difficilement ce qui se passe aujourd'hui au lycée : il faut renforcer la connaissance mutuelle du lycée et de l'université.

Vous êtes probablement déçus que je n'aie pas évoqué les algorithmes locaux. (M. Stéphane Piednoir rit.) Les jurys utilisent des méthodes de tri préalable des dossiers des candidats : ces données doivent être rendues publiques ex ante. Le candidat a besoin de savoir combien vaut telle ou telle note dans la sélection. Il faut aussi que le lycée d'origine soit anonymisé ; autrement, c'est un biais contraire à l'esprit républicain.

Prochaine séance demain, mardi 15 novembre 2022, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 20.

Lundi 14 novembre 2022

Bas sommaire

Sommaire

Décès d'un ancien sénateur1

Enseignement professionnel1

M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains1

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels2

M. Pierre-Jean Verzelen2

Mme Monique de Marco2

Mme Nicole Duranton2

Mme Marie-Pierre Monier2

Mme Céline Brulin2

Mme Annick Billon2

M. Jean-Claude Requier2

M. Max Brisson2

M. Yan Chantrel2

M. Jean Hingray2

M. Stéphane Piednoir2

Mme Corinne Féret2

Mme Béatrice Gosselin2

Mme Anne Ventalon2

Mme Dominique Estrosi Sassone2

M. Édouard Courtial2

M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains2

SÉANCE

du lundi 14 novembre 2022

20e séance de la session ordinaire 2022-2023

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

Secrétaires : Mme Corinne Imbert, M. Dominique Théophile.

La séance est ouverte à 18 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Yann Gaillard, qui fut sénateur de l'Aube de 1994 à 2014.

Enseignement professionnel

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'enseignement professionnel, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains .  - Avec un lycéen sur trois, soit 650 000 élèves, l'enseignement professionnel est un maillon essentiel du système éducatif. Mais la filière a perdu 100 000 élèves en vingt ans et les résultats de l'insertion professionnelle sont décevants : deux ans après leur diplôme, seuls 41 % des titulaires du CAP et 51 % des bacheliers professionnels sont en emploi.

Pour beaucoup, l'enseignement professionnel est vécu comme une voie de relégation, alors qu'il est valorisé en Allemagne, en Suisse ou aux Pays-Bas. L'affectation reproduit les inégalités sociales. Un élève issu d'un milieu défavorisé a 93 % de probabilité d'être orienté vers l'enseignement professionnel ; la moitié des lycéens professionnels viennent de quartiers défavorisés ; un tiers sont boursiers ; les enfants de cadres ne sont que 7 %.

L'Éducation nationale a sa part de responsabilité. Les enseignants connaissent mal les filières professionnelles et leurs débouchés. Les filières tertiaires concentrent 60 % des lycées professionnels, alors qu'elles recrutent à Bac +2. Or les besoins sont surtout dans le sanitaire et social, et plus encore dans l'industrie, secteur où les lycées professionnels réussissent le mieux.

Le lycée Éric Tabarly, aux Sables-d'Olonne, où le Président de la République s'exprimait le 13 février, propose notamment des filières insérantes comme la chaudronnerie ou la maintenance nautique.

C'est à la suite des annonces faites à cette occasion que le groupe Les Républicains a demandé ce débat. La réforme de 2019 n'entendait-elle pas déjà renforcer la complémentarité entre école et entreprise ? Des mots mêmes du ministre de l'époque, il s'agissait de « transformer les établissements professionnels en Harvard professionnels ». Cette ambition a tourné court.

Le Président de la République a d'ores et déjà fixé un cadre précis : doublement des heures de stage, révision de la carte des formations, réorientation des enseignants, recrutements dans le monde professionnel. Sur le modèle du Conseil national de la refondation (CNR), quatre groupes de travail se réuniront d'ici à Noël, et rendront leurs conclusions fin février, sur quatre thèmes : réduire le nombre de décrocheurs, préparer la poursuite d'études supérieures, améliorer le taux d'accès à l'emploi, donner des marges de manoeuvre aux établissements.

Composés de représentants des syndicats, des Régions, des parents d'élèves, des établissements, des entreprises ou encore des collectivités, ces groupes de travail seront pilotés par un recteur et un inspecteur général. 

Le Gouvernement veut manifestement rassurer. Mais les principaux syndicats dénoncent un passage en force et refusent d'y participer. Après une première mobilisation le 18 octobre dernier, une nouvelle journée est prévue la semaine prochaine.

La double tutelle par les ministères du travail et de l'éducation nationale inquiète. Certains y voient un lien bénéfique avec le marché du travail ; d'autres, la remise en cause de leur statut. Ils craignent que le doublement de la durée des stages ne prive les lycéens de centaines d'heures d'enseignement.

Il n'y a pas de formation professionnelle de qualité qui ne repose sur un solide socle commun de culture et de compétences générales.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Max Brisson.  - C'est aussi la condition pour accéder aux études supérieures.

Nous voulons aborder le sujet sensible de la durée des stages sans tabou. Comment trouver assez d'entreprises pour accueillir des élèves ? Faudra-t-il leur proposer des incitations ? Quid de la rémunération des élèves ? Faudra-t-il recruter plus de professeurs associés issus de l'entreprise ? Les entreprises participeront-elles aux conseils d'administration des lycées ?

S'il faut adapter la carte des formations aux réalités économiques pour améliorer l'insertion professionnelle, comment organiser la reconversion des enseignants ? Surtout, comment mieux associer les collectivités ?

Tous les efforts seront vains si nous ne rétablissons pas l'image de l'enseignement professionnel.

Le groupe Les Républicains souhaite éclairer la voie à suivre, tant par ses questionnements que par ses propositions, et prétend que le Parlement soit associé au même titre que les autres acteurs.

M. Stéphane Piednoir.  - Très bien !

M. Max Brisson.  - Madame la ministre, vous engagez-vous à revenir devant le Parlement pour en débattre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias et Mme Marie-Pierre Monier applaudissent également.)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Merci au groupe Les Républicains d'avoir proposé ce débat. Nous partageons la nécessité de faire reconnaître l'enseignement professionnel comme une voie de réussite.

Grâce à la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018, qui a levé des contraintes administratives, et aux primes exceptionnelles mises en place pendant la crise, le nombre d'apprentis dépassera les 735 000 en 2022 : c'est historique. L'essor de l'apprentissage a contribué à réduire durablement le taux de chômage des jeunes, qui se situe à 15,9 %.

Avec Pap Ndiaye, nous voulons faire de l'enseignement professionnel une voie de choix et d'excellence. Le changement d'image est possible.

Nous devons reconnaître que le lycée professionnel n'insère pas suffisamment les élèves. Le sentiment de déclassement nourrit le ressentiment et l'échec.

Nous nous appuyons sur les transformations déjà déployées lors du précédent quinquennat pour poursuivre notre investissement dans la réussite des élèves.

Il s'agit de rétablir l'ascenseur social et rendre tangible l'égalité des chances. En effet, les lycéens professionnels cumulent souvent les vulnérabilités scolaires et sociales. La plupart sont issus de milieux défavorisés et sont en situation d'échec : 33 % sont issus d'une famille ouvrière, 3 % d'une famille de cadre ; une forte proportion des élèves est issue de l'immigration ou allophone ; 5 % sont en situation de handicap ; 28 % des élèves en CAP et 16 % des élèves en bac pro ont des difficultés de lecture ; la voie professionnelle comprend deux tiers des décrocheurs ; après deux ans, seule la moitié des élèves sont en emploi.

L'organisation pédagogique actuelle ne prend pas suffisamment en compte les mutations économiques et les défis des territoires. Les formations ne sont pas assez tournées vers l'emploi. Le référentiel d'activités est dépassé. Les nombreuses formations tertiaires ne sont pas assez insérantes. Les plateaux techniques sont mal connectés au monde économique. La préparation au monde du travail est insuffisante. Les formations post-bac sont inadaptées : les BTS préfèrent recruter des bacheliers généraux et technologiques.

Nous nous assignons trois objectifs pour réussir cette réforme qui sera bâtie avec l'ensemble des acteurs.

D'abord, réduire le nombre de décrocheurs. Les lycées professionnels ont hérité de difficultés liées aux fragilités des élèves et à la rigidité des parcours. Nous devons bâtir une organisation nouvelle, plus souple, qui donne plus de motivation et de sens aux élèves.

Ensuite, nous voulons faire progresser le taux d'insertion dans l'emploi. C'est l'ADN de ces diplômes professionnels, mais aussi le gage de leur légitimité.

Enfin, je veux sécuriser la poursuite d'études, lorsque le métier le requiert, et faire correspondre les formations aux attendus des BTS.

Nous voulons investir dans les lycées professionnels comme jamais. C'est la première fois qu'un Président de la République porte autant la voie professionnelle. Cette réforme est une occasion unique de construire des formations d'avenir, pour être en phase avec les grands défis : transitions écologique et numérique, vieillissement de la population, société plus inclusive et solidaire, souveraineté économique et réindustrialisation.

La multiplication des stages, combinée à la gratification des élèves, doit rapprocher le lycée du monde de l'entreprise. Elle donnera de l'expérience et des contacts ; il s'agira bien de périodes de formation.

Nous voulons renforcer les enseignements généraux, car les entreprises ont autant besoin de compétences techniques que de citoyens éclairés.

Nous avons lancé quatre groupes de travail qui associent largement les acteurs.

M. le président.  - Madame la ministre, votre temps de parole est écoulé.

M. Pierre-Jean Verzelen .  - L'apprentissage connaît un succès sans précédent, avec un doublement du nombre d'apprentis. C'est à mettre au crédit du Gouvernement. Cela montre qu'en matière d'enseignement et de formation, la France ne dépend que d'elle-même ; que quand il y a une volonté et des moyens, les résultats suivent ; qu'un dispositif attractif pour l'entreprise et pour le jeune fonctionne.

Comment faire aussi bien pour l'enseignement professionnel ?

Les formations en apprentissage se sont adaptées aux bassins d'emplois et aux réalités des territoires. Jeunes, entreprises, et centres de formation disposent de marges de manoeuvre pour s'organiser. Il faut s'en inspirer, alors que l'enseignement professionnel manque de débouchés : moins de la moitié des diplômés trouve un emploi dans les deux ans, contre 70 % des apprentis.

Comment allez-vous valoriser l'image de l'enseignement professionnel, pour qu'il connaisse le même succès ? Allez-vous donner plus d'autonomie aux chefs d'établissement ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - L'apprentissage est une réussite, et un défi : nous visons désormais un million d'apprentis.

Le lycée professionnel concerne des élèves de plus en plus jeunes, pas encore en âge pour rentrer dans l'apprentissage, et qui cumulent les fragilités.

Même si je porte la même ambition pour les lycées professionnels je ne souhaite pas mettre en concurrence ces deux dispositifs qui doivent être complémentaires. Je souhaite organiser des passerelles. Le contrat d'apprentissage est déjà une option : il concerne plus de 60 000 lycéens professionnels, 42 % de plus en deux ans, grâce à l'accompagnement pédagogique.

Je veux transformer structurellement le lycée professionnel, pour un accompagnement plus intensif et plus individualisé.

Le quatrième groupe de travail réfléchira aux moyens de donner plus de marges de manoeuvre aux établissements, tout en conservant le caractère national des diplômes.

Mme Monique de Marco .  - Aux Sables-d'Olonne, le 13 septembre dernier, le Président de la République a annoncé sa réforme : rapprocher le lycée professionnel des entreprises, fermer certaines formations et en ouvrir d'autres, en fonction des bassins d'emploi. Il ne fait que décrire l'existant : le lycée de la mer de Gujan-Mestras près d'Arcachon ne traite pas de la montagne !

Plus inquiétant, il détricote l'enseignement professionnel : moins d'établissements, moins d'élèves, moins d'heures, moins de moyens, moins d'enseignants.

Plus de 26 % de lycéens obtiennent un bac professionnel, mais ils ne représentent que 6 % des étudiants à l'université et 17 % en BTS.

Ils doivent bénéficier d'un socle d'enseignement général pour pouvoir prétendre à un cursus dans le supérieur, auquel la moitié d'entre eux aspire. Je songe aux écoles supérieures de journalisme et de communication, qui accueillent des lycéens pro, option communication visuelle plurimédia, tant l'agilité numérique est capitale pour ces filières.

Votre réforme donnera-t-elle aux bacheliers professionnels une chance égale pour accéder au supérieur ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Sécuriser la poursuite d'études est l'un des enjeux majeurs de la réforme. Un groupe de travail y est dédié.

Les élèves de lycée professionnel ont plus de mal à entrer dans les études supérieures et plus de mal à obtenir un diplôme. Il s'agit donc de sécuriser leur parcours, les mettre en situation de réussite. CAP et bac pro doivent permettre tant une insertion directe qu'une poursuite d'études si le jeune le souhaite ou si le métier le requiert.

Nous avons envisagé des temps complémentaires post-diplôme, des réajustements de niveaux dans les savoirs fondamentaux...

Je n'oppose pas savoirs fondamentaux et temps de stage. Les deux ont toute leur place pour accompagner le projet professionnel de l'élève. Nombre de formations mènent à des métiers d'avenir, qui insèrent durablement.

Il n'y a pas qu'un seul levier. C'est tout l'objet du groupe de travail : sécuriser la poursuite d'études, et la préparer.

Mme Nicole Duranton .  - L'intelligence de la main vaut l'intelligence de l'esprit. Valorisons le talent de nos enfants et revalorisons la voie professionnelle, trop souvent considérée comme un choix par défaut. Heureusement, les mentalités évoluent, et un jeune sur trois emprunte cette voie pour apprendre un métier.

Pour ces élèves qui ont besoin de faire, c'est un chemin de réussite. En 2021, 718 000 contrats d'apprentissage ont été signés, dont 60 000 dans l'enseignement professionnel, 40 000 de plus qu'en 2020. Mais ces jeunes ont du mal à trouver un stage ou une alternance. Comment renforcer le lien entre le milieu éducatif et les entreprises ? Organiser des forums, associer les chambres consulaires et les collectivités territoriales ?

Seuls 32 % des titulaires de CAP et 45 % de bacheliers professionnels trouvent un emploi dans les douze mois. Quelles pistes envisagez-vous pour inciter les entreprises à les recruter ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Les diplômes professionnels obtiennent des résultats insuffisants en matière d'insertion, alors qu'il existe de nombreux métiers d'avenir. Les résultats sont très inégaux selon les lycées professionnels.

L'un des groupes de travail réfléchira au renforcement de l'employabilité des diplômés et à une carte des formations pertinente, en lien avec les besoins des entreprises et du bassin d'emploi. Les élèves doivent bénéficier d'une orientation en amont et d'un accompagnement régulier au cours de la formation, avec une personnalisation incluant compétences techniques et psychosociales.

Les élèves sont plus jeunes. Aucune piste n'est écartée : accompagnement après le diplôme, scolarité complémentaire, poursuite d'études, ou encore davantage de stages en entreprise. Il faut associer monde économique et éducatif, pour réussir tous ensemble.

Mme Marie-Pierre Monier .  - Je remercie le groupe Les Républicains pour cette initiative.

Le Président de la République veut adapter l'offre de formations aux besoins des bassins d'emploi locaux. L'appartenance géographique des élèves déterminera donc leur carrière. Alors qu'il faudrait au contraire ne fermer aucune porte, y compris dans l'accès aux études supérieures, on limite leur capacité à choisir librement leur avenir, et on rogne sur les heures d'enseignements fondamentaux.

Cette vision de court terme ne tient pas compte de la diversité des territoires. Quid des bassins d'emploi sinistrés ? Vous poussez à la reconversion des enseignants, alors que ces nouveaux besoins sont peut-être éphémères.

Plus largement, l'enseignement professionnel n'a-t-il pour seul rôle que de fournir de la main-d'oeuvre pour les entreprises locales ? Parents d'élèves et syndicats sont inquiets. Ils sont attachés, comme nous, à la dimension nationale du bac professionnel et à la garantie d'égalité entre les élèves. En tiendrez-vous compte dans les groupes de travail ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Les disparités sont grandes entre territoires et entre formations. Le taux d'insertion oscille entre 10 et 80 %. Il nous faut donc réfléchir à une cartographie des formations, à l'accompagnement de jeunes qui n'ont pas toujours les codes de l'entreprise, à l'enseignement des savoirs fondamentaux -  le Président de la République y est attaché, car accompagner de futurs professionnels, c'est aussi accompagner de futurs citoyens.

Nous voulons aussi travailler sur la découverte des métiers, pour éviter l'orientation subie : ce sera l'objet du groupe de travail sur le décrochage.

La synergie entre carte de formations et besoins économiques ne se construit pas sur le court terme : elle anticipe les mutations économiques, en formant les enseignants et en préparant les plateaux techniques. Nous travaillons dans la durée, en anticipant le monde de demain. Nous sommes convaincus que l'enseignement professionnel doit, lui aussi, s'emparer de ces défis ; il y a toute sa place.

Mme Marie-Pierre Monier.  - En réduisant les heures d'enseignement général, vous mettez à mal les savoirs fondamentaux. Ne confondons pas enseignement professionnel et apprentissage.

Mme Céline Brulin .  - Les lycéens professionnels ont déjà perdu beaucoup d'heures de cours dans les disciplines générales : en CAP, ils n'ont plus qu'une heure et demie de français par semaine. L'allongement de la durée des stages se traduira inévitablement par une nouvelle diminution de la formation théorique.

Mesurez-vous les conséquences de vos choix ? Les élèves de l'enseignement professionnel sont souvent les plus éloignés des enseignements généraux ; votre réforme leur fermera la porte de l'enseignement supérieur.

Comment envisager l'augmentation des périodes en entreprise, quand on sait la difficulté à trouver des terrains de stage ? Vous voulez des rémunérations calquées sur celles des apprentis, mais ces derniers sont salariés de l'entreprise. Quel sera le statut des lycéens ?

Les élèves de l'enseignement professionnel méritent d'être traités à égale dignité de ceux de la voie générale.

Un récent décret permet aux enseignants des lycées professionnels d'enseigner en lycée général et technologique et en collège. Est-ce une manière inavouée de pallier la crise de recrutement dans l'Éducation nationale ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Il n'y a pas de diminution des heures d'enseignement général. Au contraire, nous voulons faire mieux en matière d'enseignements généraux. Je rappelle les chiffres : 28 % des élèves issus de CAP ont des difficultés en lecture, et 16 % des bacheliers professionnels. Cela nous appelle à l'action, à ajuster les modalités pédagogiques pour les accompagner. Cessez de déformer mes propos ! (Mme Céline Brulin et M. Pierre Ouzoulias protestent.) Il est de notre responsabilité de réduire les écarts avec la voie générale et technologique.

L'orientation choisie passe par la découverte des métiers et l'accès à l'information. Nous avons déjà fait beaucoup en la matière, grâce aux dispositifs  « 1 jeune, 1 solution », InserJeunes et Affelnet. Nous agissons, dans l'intérêt des jeunes.

Mme Céline Brulin.  - Madame la ministre, nous allons continuer à vous poser des questions. Vous ne faites que nous parler de vos groupes de travail, mais nous n'en savons pas plus qu'avant de rentrer dans l'hémicycle. Nous voulons des réponses ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Annick Billon .  - À mon tour de remercier le groupe Les Républicains pour son initiative.

Lors de sa visite au lycée Éric Tabarly, aux Sables-d'Olonne, le Président de la République a reconnu qu'il fallait mieux informer les collégiens sur l'enseignement professionnel. Les établissements sont unanimes : faute d'information, les débouchés des lycées professionnels ne sont pas valorisés, alors que les possibilités d'études supérieures et de passerelles sont nombreuses.

Comment prôner l'excellence de ces filières, si les élèves n'ont pas conscience de pouvoir continuer leurs études ? Que faites-vous pour favoriser une orientation éclairée ?

Le service en ligne Affectation repose uniquement sur les résultats académiques, la décision d'orientation prise au conseil de classe de fin de troisième et des places disponibles. L'appétence de l'élève pour le secteur ou la filière n'est pas prise en compte. Comment comptez-vous intégrer le projet professionnel de chaque élève dans son orientation ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - La question du sens que les jeunes donnent à leurs études est déterminante. Bien souvent, ce sont les élèves en difficulté qui sont orientés vers l'enseignement professionnel. Nous voulons oeuvrer pour une meilleure orientation et information, grâce à la découverte des métiers dès la classe de cinquième. Une orientation choisie est un déterminant de la réussite des élèves.

Pour ce qui est de l'accès à l'information, nous avons déployé des outils comme « 1 jeune, 1 solution », InserJeunes, ainsi qu'Affelnet, pensé en cohérence avec la carte des formations.

Cette carte doit être élaborée en collaboration avec les régions. Le premier comité de pilotage de la découverte des métiers, à Orléans, aura lieu demain : je crois beaucoup au partenariat État-région en la matière.

M. Jean-Claude Requier .  - L'enseignement professionnel reste sous-valorisé - à tort.

Pourtant, le compagnonnage français, « réseau de transmission des savoirs et des identités par le métier », est inscrit depuis 2010 au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco. Pourvu qu'ils soient reconnus socialement, tous les métiers ont du sens. L'enseignement professionnel permet de répondre aux aspirations des jeunes et aux besoins économiques des territoires.

Je m'interroge cependant sur la tendance à une très forte spécialisation. Les élèves se concentrent dans le tertiaire - commerce, gestion, soins à la personne - pour les deux tiers. Certaines entreprises veulent des compétences transversales, d'autres des profils très spécialisés. Comment résoudre cette équation ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Vous êtes au coeur de la question : comment former nos jeunes pour trouver un métier qui leur plaît et répondre aux besoins des entreprises. L'enseignement professionnel s'est saisi de l'apprentissage : le statut d'apprenti y a connu un fort essor, mais ce n'est pas la seule voie.

La variété des besoins des entreprises nécessite d'accélérer la révision de la carte des formations en partenariat avec les régions. Par ailleurs, de nouveaux plateaux techniques doivent être mis en place, afin que le lycée professionnel soit au rendez-vous des enjeux d'avenir tels que la souveraineté économique. Un partenariat transversal est essentiel ; notre coopération avec les régions doit être maximale.

M. Max Brisson .  - Je vous donne l'occasion de répondre aux attentes de Mme Brulin.

M. Pierre Ouzoulias.  - Ah !

M. Max Brisson.  - Concrètement, comment ferez-vous pour doubler la durée des stages - ce qui se comprend - sans mettre à la portion congrue les enseignements généraux, qui participent à la réussite professionnelle des jeunes et à leur formation comme citoyens ?

Par ailleurs, menez-vous une réflexion sur la nature de ces enseignements ? Les élèves entrent dans l'enseignement professionnel le plus souvent après un échec scolaire : ces enseignements ne doivent pas être une redite, mais bien un nouveau point de départ. Pourquoi ne pas s'inspirer des actions menées par les lycées agricoles, qui ont su renouveler leurs enseignements généraux ? (Mme Sylvie Robert opine du chef.)

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Les CAP et bacs professionnels sont des diplômes à insertion professionnelle directe, même si l'accès à l'emploi doit être amélioré. L'emploi du temps d'un élève en CAP se décompose ainsi : 55 % pour l'enseignement professionnel, 25 % pour l'enseignement général et 20 % pour les stages, contre respectivement 42 %, 33 % et 25 % pour un élève en bac professionnel.

Je veux donc vous rassurer, nous préserverons les temps consacrés aux savoirs fondamentaux. Nous voulons faire plus et mieux en matière de relation avec les entreprises, mais aussi mieux en enseignements fondamentaux, sans opposer les modèles. Le modèle du lycée agricole est très intéressant, même s'il est difficile à déployer à grande échelle. Nous nous en inspirerons : l'enseignement agricole est ainsi associé au groupe de travail.

M. Max Brisson.  - C'est la quadrature du cercle que vous cherchez.

M. Pierre Ouzoulias.  - C'est un problème de mathématiques...

M. Max Brisson.  - Le Président de la République a été imprudent avec ses annonces.

Mme Sylvie Robert.  - Exactement !

M. Max Brisson.  - Répondez aussi sur les contenus !

M. Yan Chantrel .  - Une réforme de la voie professionnelle est indispensable. Près d'un tiers des établissements sont perçus comme une voie de garage ; c'est intolérable. Le Président de la République ne nous parle que de chômage, d'insertion, de besoins. Le taux d'insertion est de 50 %, et vous semblez culpabiliser les élèves et les enseignants. Or, grâce à l'action des professeurs et des équipes éducatives, les élèves, brisés par le système scolaire à leur arrivée, progressent. C'est au contact de leurs enseignants qu'ils deviennent des experts immobiliers, des conseillers bancaires, qu'ils ouvrent leur propre boutique ou continuent avec un nouveau cursus en art ou dans l'audiovisuel. C'est moins le cas en stage, où ils sont souvent vus comme de la main-d'oeuvre gratuite, voire harcelés.

Revenez sur votre décision d'allonger les temps passés en entreprise. Il faut aussi ouvrir de nouvelles filières, dans le numérique et le développement durable par exemple.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Les difficultés sont souvent préalables au lycée professionnel. La découverte des métiers est une des solutions. Le système doit évoluer en lien avec les familles, les élèves et les enseignants. Quand le taux d'insertion atteindra 80 %, nous aurons réussi. Tel est l'objet des groupes de travail, pour donner les leviers aux enseignants pour que les élèves réussissent.

« 1 jeune, 1 mentor » est un bon exemple d'accompagnement personnalisé : il redonne confiance aux élèves. Nous n'opposons pas les sujets. Si les enseignants cherchent à faire réussir les élèves, il faut leur en donner les moyens.

M. Yan Chantrel.  - Vous passez par la voie réglementaire et vous passez par-dessus la représentation nationale : voilà la raison d'être de ce débat ! Ayez le courage de nous présenter un texte ! (Applaudissements sur les travées des groupeSER, CRCE et sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Jean Hingray .  - Nous sommes nombreux à avoir découvert dans une émission à grande écoute cet entrepreneur façadier contraint, au vu des carences de l'État, d'ouvrir sa propre école de formation. C'est dire si le désarroi est grand !

Quel bilan faites-vous de la réforme de Jean-Michel Blanquer de 2019 ? Avant d'imaginer l'accueil d'immigrés pour les métiers en tension, pourquoi n'avez-vous pas organisé de formations ad hoc ?

Répondons aux besoins des entreprises et permettons aux jeunes de gagner leur vie. Les façadiers gagnent en moyenne 2 000 euros nets par mois en début de carrière : il faut faire savoir ce qu'on peut gagner en travaillant de ses mains.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - La transformation de la voie professionnelle sous le précédent mandat a fait l'objet d'un premier bilan - positif. Le lycée professionnel a été recentré autour de l'élève. Le comité national créé en 2019 a rendu ses premières conclusions.

La transformation de la voie professionnelle (TVP) a été déployée dans tous les lycées professionnels, malgré la crise sanitaire - j'en profite pour saluer l'action des équipes. Les résultats sont bons : la co-intervention s'est développée, les heures à effectif réduit ont été renforcées, la réalisation de « chefs-d'oeuvre » a été proposée aux lycéens professionnels en vue de les aider à construire leur projet professionnel.

Cette réforme a permis de construire des parcours sur mesure : cela donne du sens aux jeunes et l'envie d'aller au bout de la démarche. Les campus des métiers et des qualifications ont été renforcés.

Le défi est maintenant d'améliorer l'orientation en seconde.

M. Jean Hingray.  - J'espère que ce constat permettra d'avoir un regard lucide sur le dispositif Blanquer. Il est important que les jeunes aient envie de faire quelque chose de leurs mains, de gagner leur vie, pour remettre la France au travail ; nous devrons avoir cela à l'esprit pour l'examen du prochain texte de Gérald Darmanin.

M. Stéphane Piednoir .  - J'attire votre attention sur le fait que plus de trois quarts des lycéens handicapés sont scolarisés en lycée professionnel, lequel ne représente pourtant que 30 % des effectifs globaux. Ces élèves ont besoin qu'on conforte les savoir fondamentaux et l'insertion professionnelle. Si les temps prévus pour les stages augmentent, la durée des enseignements généraux diminuera. Or les élèves handicapés ont besoin d'un accompagnement personnalisé.

Si les administrations et les entreprises de plus de vingt salariés ont l'obligation d'employer plus de 6 % de travailleurs handicapés, ce taux n'est que de 3,4 % en réalité. Les stages sont une opportunité d'insertion pour les élèves en situation de handicap, mais il pourrait être encore plus difficile pour eux de trouver un stage.

Leur situation sera-t-elle prise en compte dans les groupes de travail ? Bénéficieront-ils d'un accompagnement personnalisé ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Cette question de l'école plus inclusive est essentielle. L'enseignement professionnel accueille 31 000 élèves en situation de handicap, soit 5 % des effectifs, contre 3,3 % il y a cinq ans. Pour les accompagner, un effort important est réalisé : plus de 500 unités localisées pour l'insertion scolaire (Ulis) ont été créées en lycée professionnel et 300 en lycée polyvalent. Neuf fois sur dix, ces élèves ont des troubles cognitifs.

Nous devons faire mieux pour améliorer le diagnostic, même tardif, des élèves. Il nous reste sans doute des progrès à faire pour mieux les insérer professionnellement : à chaque fois qu'une personne en situation de handicap accède à l'emploi, c'est toute la société qui y gagne. Nous devons donc donner aux enseignants des leviers dans ce sens. Le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) sera prochainement auditionné par le groupe de travail, et les personnels des lycées sont formés. Augmentons les liens entre l'école et l'entreprise pour favoriser l'accueil des élèves handicapés.

Mme Corinne Féret .  - Je ne reviendrai pas sur la remise en cause du caractère national de cet enseignement, non plus sur votre volonté d'hyperspécialiser les élèves.

Comme tous les autres, les lycéens professionnels doivent acquérir des savoirs fondamentaux. S'ils passent plus de temps en stage, cela reviendra à diminuer les heures de ces enseignements, et donc les postes d'enseignants, que vous l'avouiez ou non.

Le Président de la République veut faire entrer des « professeurs associés » pour aider à « injecter leurs compétences dans le lycée professionnel ». Mais elles y sont déjà, dans le Calvados comme ailleurs !

En quoi votre réforme n'est-elle pas uniquement budgétaire ? Il faudrait privilégier la démocratisation de l'éducation et un égal accès au savoir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Monique de Marco applaudit également.)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - L'intérêt du rapprochement école-entreprise est scientifiquement démontré : le fait d'avoir un stage est perçu positivement par le futur employeur. Il ne faut pas opposer les savoirs fondamentaux à la vie en entreprise.

La réforme ne consistera pas en une diminution des savoirs fondamentaux. Nous voulons investir massivement dans les lycées professionnels : le Gouvernement y est prêt, en vue d'accompagner les élèves dans la construction de leur avenir.

Vous nous accusez d'être flous : or la concertation est en cours !

M. Pierre Ouzoulias.  - Nous avons cinq ans d'expérience...

Mme Sylvie Robert.  - Nous verrons bien les résultats !

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Nous voulons faire de l'enseignement professionnel une voie aussi reconnue que l'apprentissage.

Mme Béatrice Gosselin .  - Avant la réforme de l'apprentissage, la carte de la formation des centres de formation des apprentis (CFA) relevait des conseils régionaux. Afin d'éviter les disparités entre les territoires, après la loi de 2018, France compétences est devenu l'interlocuteur unique en la matière.

Cela a permis de presque doubler le nombre d'apprentis en quatre ans, avec de fortes incitations financières pour les entreprises - une prime de 5 000 à 8 000 euros selon l'âge, sans compter les exonérations de charges. Fin 2022, on dénombrait 120 CFA en Normandie, contre 59 en 2018. Mais cela va parfois trop loin : dans la Manche, s'est ouvert un CFA spécialisé dans la métallurgie à proximité d'un lycée professionnel de la même spécialité. Cela fragilise le maillage territorial.

Les lycées professionnels n'ont pas réussi à convaincre de l'excellence de leur formation et peinent à recruter. Or plutôt qu'en concurrence avec les CFA, ils devraient être complémentaires. Quelles mesures comptez-vous prendre dans ce sens ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - L'apprentissage et l'enseignement professionnel ne sont pas en concurrence. Ils ne concernent pas les mêmes niveaux de diplôme ni les mêmes profils de jeunes.

Les parcours mixtes de formation concernent 60 000 lycéens professionnels. Mais ce n'est pas le seul levier de réussite : formation des professeurs, renforcement des enseignements, intensification de l'accompagnement. Il ne peut pas y avoir de concurrence, tant les modalités de stages sont différentes : en apprentissage, ils durent 88 semaines, contre 33 en lycée professionnel, et les entreprises qui les recrutent ne sont pas les mêmes. Ce sont deux dispositifs distincts, avec des passerelles possibles.

Mme Anne Ventalon .  - L'annonce de la réforme du lycée professionnel, sans aucune concertation préalable, a inquiété enseignants et familles.

Malgré un récent infléchissement, les intentions du Gouvernement demeurent floues. Les périodes de formation augmenteront de 50 % ; les enseignements généraux verront forcément leur durée diminuer. Or le lycée forme des adolescents qui doivent comprendre le monde dans lequel ils vivent : former leur esprit à la logique, leur enseigner l'histoire, la culture générale, le français, les langues vivantes est indispensable.

À mon tour de vous demander comment vous résoudrez l'équation consistant à augmenter la durée des stages sans toucher aux enseignements ? Par ailleurs, si une certaine autonomie est bienvenue, l'organisation locale des lycées professionnels ne risque-t-elle pas de nuire à l'unité des enseignements et à la délivrance nationale des diplômes ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Je souhaite rappeler l'importance du dialogue social dans cette réforme : j'ai rencontré les organisations syndicales enseignantes dès ma nomination en juillet, puis en septembre, moment où nous avons conclu un accord de méthode. J'ai aussi rencontré les organisations syndicales interprofessionnelles et patronales, et j'ai participé aux concertations locales dans le cadre du CNR. Le groupe de travail est un lieu de coconstruction associant l'État, les régions, les enseignants, les élèves et leurs parents...

Le 13 septembre dernier au lycée Éric Tabarly, le Président de la République a affirmé que les enseignements fondamentaux seraient préservés, et qu'à cet effet, des temps supplémentaires pourraient être prévus, en amont et en aval du diplôme. Réfléchissons à une intelligence collective sur l'ensemble de vos questions. Cette réforme n'a pas pour objectif de faire des économies : elle est au contraire une source d'investissements.

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - L'enseignement professionnel, secteur peu enclin à la protestation, s'est pourtant fortement mobilisé le 18 octobre dernier. L'augmentation de la durée des stages interroge sur leur financement : la rémunération des élèves sera-t-elle assurée par les entreprises ? Une partie sera-t-elle assumée par l'État ?

Si la synergie entre lycée professionnel et entreprises peut être satisfaisante dans les villes moyennes, dans les grandes agglomérations, la concurrence avec l'apprentissage est préoccupante. Allez-vous établir une cartographie des bassins d'emploi ?

Le Président de la République a expliqué que la réforme entrerait en vigueur progressivement. Faute d'une feuille de route claire, une nouvelle manifestation est prévue le 17 novembre 2022. Pouvez-vous nous apporter des réponses précises aux enseignants ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - L'enjeu des relations entre les écoles et les entreprises touche tous les territoires. Les disparités sont nombreuses.

Allons plus loin en vue d'une réforme structurelle, tournée vers les élèves dans le même esprit des campus des métiers et des qualifications.

Les gratifications en milieu professionnel seront prises en charge par l'État. Nous souhaitons renforcer les synergies entre l'enseignement professionnel et les entreprises, en lien avec les conseils régionaux. J'ai eu l'occasion de rencontrer les présidents de conseils régionaux, avec lesquels je souhaite travailler main dans la main. Leur rôle est essentiel : les enjeux d'investissement doivent s'envisager en coopération avec tous les acteurs.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Il existe des verrous réglementaires, budgétaires et en matière d'orientation qui doivent encore sauter !

M. Édouard Courtial .  - Comparaison n'est pas raison. Il est pourtant toujours utile d'apprendre de ses voisins. Dévalorisé, peu plébiscité, l'enseignement professionnel français est associé à la faiblesse des résultats scolaires et à une vision négative des métiers manuels ; c'est loin d'être le cas en Allemagne ou en Suisse.

Dans les pays de l'OCDE, les élèves de cette voie bénéficient d'une meilleure insertion professionnelle. En Écosse, en Angleterre, les parcours de formation peuvent se constituer à la carte, à la différence de la France. Notre pays est enfin trop soumis aux normes, avec l'exemple des stages en boulangerie impossibles à cause des horaires trop matinaux, à la différence de l'Allemagne et de l'Autriche.

Comment aller vers plus de souplesse ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - L'image du lycée professionnel est l'affaire de tous. C'est un enjeu très fort. La solution passera par un meilleur taux d'insertion. Certains élèves ont de très belles réussites à bac moins trois comme au niveau ingénieur. Des compétitions comme les Worldskills ou les Olympiades des métiers sont des outils bienvenus. Nous souhaitons renforcer les savoirs fondamentaux, utiles à tous les citoyens, mais aussi mettre le lycée professionnel au centre des enjeux des filières de demain.

Nous sommes conscients de la nécessité d'assouplir certaines réglementations, mais cela doit se faire au cas par cas : veillons à préserver avant tout la sécurité de nos jeunes. Les élèves doivent acquérir plus de codes, de liens, de contacts dans le monde de l'entreprise.

M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains .  - La massification de l'accès au bac dans les années 1980 s'est accompagnée de la nécessité d'une diversification des parcours. Il s'agissait d'encourager les vocations dans les métiers manuels via l'enseignement professionnel.

Or la filière est aujourd'hui déconsidérée par les familles et largement méconnue par les enseignants.

L'ambition était belle, mais le constat est amer pour Daniel Bloch, le père du bac pro en 1985 : baisse du niveau des élèves entrants, perte de valeur marchande du diplôme, modeste taux d'emploi. Il faut une refonte du système.

Les débats d'aujourd'hui soulignent les difficultés de méthode et de fond.

Il y a la vision jupitérienne qui dit par avance ce qu'il faut faire, tout en convoquant une concertation pour valider les décisions. (M. Pierre Ouzoulias le confirme.) C'est du management par l'imposition d'une vérité divine : ne vous étonnez pas des réactions négatives, madame la ministre !

Il y a la vision arithmétique qui convertit la baisse des heures en suppressions de postes d'enseignants -  7 000 à 8 000. Je ne peux croire qu'une telle démarche guide à elle seule la réforme. (M. Max Brisson, Mme Céline Brulin et MPierre Ouzoulias approuvent.)

Il y a la vision syndicale pour laquelle tout projet est déjà une atteinte aux statuts de la corporation. Quelques syndicats ont cependant accepté de participer aux groupes de travail. Le dialogue social n'est pas le point fort de notre pays, mais repartons sur de bonnes bases.

Il y a la vision comptable : qu'en sera-t-il de la rémunération des jeunes en entreprise si la durée des stages augmente ? Vous avez affirmé que l'État jouerait pleinement son rôle, dont acte.

Il y a la vision économique pour laquelle chaque jeune est un futur candidat à l'embauche. Les entreprises n'ont pas à définir toutes seules les attendus des cursus, mais ne fermons pas les yeux sur le financement massif de certaines impasses, notamment dans le tertiaire. L'identification des besoins est un paramètre important.

Enfin, il y a la vision territoriale, avec les Régions qui financent les plateaux techniques et les lycées : elles sont le meilleur soutien de la voie professionnelle. Elles proposent de construire une carte des formations de proximité. Certaines tensions sur le marché du travail seront durables, avec de grandes disparités territoriales, sachons y répondre avec pragmatisme.

La profondeur du sujet et la multiplicité des acteurs exigent une autre méthode. Alors pourquoi cette négociation au forceps ? Commencez par évaluer la précédente réforme (MM. Max Brisson, Patrick Chaize et Pierre Ouzoulias approuvent), avant d'envisager une réforme ambitieuse pour la réussite de nos jeunes et la prospérité de notre pays. Et quand consulterez-vous le Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE, et sur quelques travées des groupes SER et CRCE)

La séance est suspendue à 19 h 35.

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Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 15 novembre 2022

Séance publique

À 14 h 30, de 18 h 45 à 20 h, puis de 21 h 30 à 0 h 15

Présidence : M. Gérard Larcher, président, M. Alain Richard, vice-président, Mme Valérie Létard, vice-présidente,

Secrétaires : Mme Martine Filleul - M. Jacques Grosperrin

1. Explications de vote des groupes, puis scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 (n°96, 2022-2023)

2. Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à appliquer des sanctions à l'encontre de l'Azerbaïdjan et exiger son retrait immédiat du territoire arménien, à faire respecter l'accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020, et favoriser toute initiative visant à établir une paix durable entre les deux pays, présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (n°3, 2022-2023) (demande du Président du Sénat)

3. Débat sur la situation et les perspectives des collectivités territoriales (demande du groupe Les Républicains)

4. Proposition de loi visant à permettre aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, un édile victime d'agression, présentée par Mme Nathalie Delattre et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°108, 2022-2023)

5. Proposition de loi visant à compléter les dispositions relatives aux modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises, présentée par M. Jean-Claude Requier et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°110, 2022-2023)