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Table des matières
Mises au point au sujet de votes
Fonction publique des communes de Polynésie française (Conclusions de la CMP)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur pour le Sénat de la CMP
M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer
Mises au point au sujet de votes
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances
M. Claude Raynal, président de la commission des finances
M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics
Mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (Conclusions de la CMP)
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat de la CMP
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour le Sénat de la CMP
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique
Discussion du texte élaboré par la CMP
Mises au point au sujet de votes
Fonction publique des communes de Polynésie française (Conclusions de la CMP)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur pour le Sénat de la CMP
M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer
Mises au point au sujet de votes
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances
M. Claude Raynal, président de la commission des finances
M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics
Mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (Conclusions de la CMP)
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat de la CMP
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour le Sénat de la CMP
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique
Discussion du texte élaboré par la CMP
Ordre du jour du jeudi 4 août 2022
Ordre du jour du jeudi 4 août 2022
SÉANCE
du mercredi 3 août 2022
13e séance de la session extraordinaire 2021-2022
présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
Secrétaires : Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Mises au point au sujet de votes
M. Olivier Rietmann. - Lors du scrutin n°151, Mme Sylvie Goy-Chavent et M. Michel Savin voulaient s'abstenir et M. Cédric Perrin voter pour.
M. Claude Kern. - Mmes Nathalie Goulet, Lana Tetuanui, Françoise Gatel, MM. Yves Détraigne et Pierre-Antoine Levi souhaitaient, pour le scrutin n°150, voter contre et non pour. Mme Catherine Morin-Desailly et M. Laurent Lafon, pour le scrutin n°151 sur l'ensemble du PLFR, voulaient voter contre.
Mme la présidente. - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique du scrutin.
Avis sur une nomination
Mme la présidente. - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis défavorable (13 voix pour, 20 voix contre) à la nomination de Mme Emmanuelle Wargon à la présidence du collège de la commission de régulation de l'énergie. (M. François Patriat applaudit.)
Fonction publique des communes de Polynésie française (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 8 décembre 2021 étendant et adaptant à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'ordonnance du 8 décembre 2021 était très attendue par les 4 700 agents et la Polynésie française. Je regrette un certain manque d'engouement du Gouvernement : ce projet d'ordonnance avait été retiré après son inscription à l'ordre du jour en février dernier, et seule notre obstination a permis son examen.
L'aboutissement de la CMP est positif : nous avons tendu vers le droit commun sans négliger les singularités du territoire. Le Sénat a enrichi le texte, notamment avec l'aménagement des concours pour les personnes en situation de handicap, la prise en compte de l'importance du télétravail, l'élargissement des compétences des comités techniques paritaires (CTP) ou encore la préservation de celles des commissions administratives paritaires (CAP) pour les quatre années à venir.
Les agents de la Polynésie française pourront ainsi exercer leurs missions dans de meilleures conditions.
Une espérance pour conclure : nous avons voulu faire oeuvre utile, sans obtenir gain de cause, en prévoyant le versement de l'indemnité de départ aux fonctionnaires communaux. Le Conseil supérieur de la fonction publique (CSFP) pourra sans doute se saisir du sujet.
Quant aux dispositions sur les mobilités vers d'autres collectivités, elles ont été retirées à l'Assemblée nationale, le Gouvernement ayant indiqué que le sujet serait prochainement traité par voie réglementaire.
Monsieur le ministre, souhaitons que cette ordonnance apporte les conditions requises pour que les 4 700 agents de Polynésie française puissent servir au mieux leur beau territoire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; MM. Teva Rohfritsch et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer . - J'ai une pensée pour Monseigneur Hubert Coppenrath, personnalité bien connue en Polynésie, qui est décédé ce week-end.
Nous débattons une dernière fois de ce texte, certes tardivement, mais les dispositions de l'ordonnance non modifiées s'appliquaient jusque-là.
À l'issue de débats approfondis et d'un important travail de co-construction législative, le texte renforce l'attractivité de la fonction publique communale de Polynésie et stabilise le statut des agents communaux.
Il s'agissait d'intégrer des avancées votées pour l'ensemble de la fonction publique depuis 2011, sur l'accès à la fonction publique des communes, le renforcement des droits des fonctionnaires ou la modernisation des instances du dialogue social. Le texte répond ainsi à de fortes attentes locales, si j'en crois les élus polynésiens.
Je salue l'implication de votre assemblée, particulièrement de votre rapporteur, M. Mathieu Darnaud, et je remercie Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch, qui ont oeuvré pour l'aboutissement de ces dispositifs. À travers eux, j'adresse un salut cordial aux élus polynésiens et au président Fritch.
Des règles dérogatoires demeurent, notamment sur les CAP : c'est l'un des apports de la CMP, qui a su trouver une approche originale.
Vous avez eu ici la preuve que le Gouvernement sait rester à l'écoute du Parlement dans un esprit constructif.
Lors d'un déplacement à Tahiti, le Président de la République a rappelé le pacte unique, intime et sensible qui nous lie à la Polynésie française. Répondre aux besoins spécifiques des territoires, telle est la condition sine qua non pour faire rayonner les outre-mer à la hauteur des ambitions de la France. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Pierre Sueur . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il est heureux que ce texte aboutisse. Je salue Lana Tetuanui car le sujet lui tient particulièrement à coeur.
Il est heureux que la commission des lois ait demandé le retour de ce texte, alors qu'il avait disparu. Rappelons-nous, en effet, le mouvement social de 2017. Les discussions d'alors devaient se traduire par une loi.
Dès la première lecture, j'avais insisté sur le sujet de la laïcité : le mot figure dans le texte, et c'est bien ainsi. Sa suppression eût été incompréhensible dès lors que le principe s'applique à toute la République, dans le respect des convictions de chacun. Il est ainsi précisé que la laïcité s'applique dans les communes de Polynésie sous l'autorité du maire.
Le droit au temps partiel thérapeutique, la possibilité de recruter plus facilement des agents reconnus travailleurs handicapés et le télétravail sont autant d'avancées importantes.
La CMP a également ouvert le champ de l'action sociale aux conditions de logement. Saluons l'élégante solution qui a consisté à introduire l'adverbe « notamment » pour compléter le texte sans rien lui enlever.
Les CAP sont rétablies dans leurs fonctions : elles seront consultées pour l'établissement du tableau annuel d'avancement et pour les mutations.
Enfin, nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour que les textes réglementaires prennent en compte la mobilité.
Pour conclure, la Polynésie, c'est 48 communes pour 121 îles. Certains maires parcourent des dizaines de kilomètres...
M. Bruno Sido. - En bateau !
M. Jean-Pierre Sueur. - ... pour rejoindre les différentes îles de leur commune. Monsieur Patriat, la Polynésie, c'est plus grand que l'Europe !
La reconnaissance des fonctionnaires et la prise en compte de leurs spécificités, telles sont les réussites de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du RDPI et du groupe UC)
M. Jean-Yves Roux . - Chacun connaît les spécificités de la Polynésie. Nous sommes alertés sur le statut de ses fonctionnaires communaux, notamment depuis leur grève de 2017. Le Sénat n'a pas manqué le rendez-vous de la modernisation de leur régime juridique.
Notre assemblée a largement enrichi un texte d'apparence technique, dans un esprit républicain cher au Sénat, notamment grâce aux rapporteurs et à nos collègues polynésiens.
La possibilité donnée aux communes de recruter des agents contractuels pour remplacer des fonctionnaires détachés est bienvenue.
Tous les points de discussion n'ont pas forcément abouti à un accord : je pense à l'article 2 relatif à l'accès à la fonction publique des communes par voie d'examen professionnel.
Je salue l'accord trouvé en CMP. Ce texte renforce les droits des fonctionnaires communaux par des alignements sur le droit commun, renforce la lutte contre le harcèlement et modernise les règles de déontologie.
Le sujet de de la laïcité a été particulièrement sensible ; nos échanges l'ont substitué à la neutralité, ce dont notre groupe se réjouit. Le RDSE votera majoritairement ce texte. (M. François Patriat applaudit.)
M. Teva Rohfritsch . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La ora na, bonjour. La semaine dernière, Sénat et Assemblée nationale se sont enfin accordés sur une rédaction commune pour ce texte. L'ordonnance est attendue depuis cinq ans par 4 700 agents, les syndicats et nos tavana, c'est-à-dire nos maires.
Je vous remercie tous pour votre soutien, en particulier notre rapporteur M. Darnaud.
L'ordonnance comportait initialement 45 articles sur le statut de la fonction publique communale, qui était obsolète comparé à celui du reste de la France, particulièrement au regard de notre géographie qui appelle à une différenciation.
Les agents bénéficient d'un congé paternité, d'un temps de formation, d'un temps partiel thérapeutique, d'un meilleur encadrement du dialogue social et d'une protection contre les discriminations. Nous les mettons ainsi à l'abri des aléas de la vie et des comportements répréhensibles. La fonction publique communale devient plus attractive, avec notamment le remplacement de la notation par une appréciation de la valeur professionnelle et la prise en compte du télétravail.
Au-delà, des propositions des tavana ont été retenues : je pense au droit d'option ouvert à tous les agents contractuels qui se trouvaient en poste au moment du décret de 2005, qu'ils aient ou non refusé la proposition de reclassement.
Le Sénat avait inséré vingt articles additionnels : six ont été votés conformes, notamment sur les départs vers le privé et le régime indemnitaire. Je salue le travail des rapporteurs des deux chambres, qui ont su trouver un accord en CMP.
Merci au Gouvernement pour cette ordonnance et pour son esprit d'ouverture. Monsieur le ministre, nous restons disponibles pour travailler avec vous sur le projet de décret.
Le RDPI vous invite à voter ce texte, pour les agents, pour les tavana et pour la Polynésie française. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Dany Wattebled . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. François Patriat applaudit également.) Le Sénat peut se féliciter d'avoir inscrit ce projet de loi à son ordre du jour, marque de son attachement à tous nos territoires.
L'ordonnance est déjà entrée en vigueur, mais elle aurait été caduque faute de ratification d'ici à 2023.
Prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, elle adapte le statut des fonctionnaires territoriaux de la Polynésie française. Très attendue par les agents et les élus, elle fait suite au vaste mouvement de grève de mars 2017, qui toucha toutes les communes de Polynésie française, et résulte d'une longue consultation.
Elle consolide les droits des agents de la fonction publique communale tout en précisant leurs obligations. Elle modernise les instances du dialogue social. Enfin, elle améliore l'accès à la fonction publique des communes.
L'ordonnance offre aux agents un cadre clair et protecteur.
Je me réjouis que la CMP ait été conclusive, mais je souhaite revenir sur la place particulière et très visible qu'occupe la religion dans la culture polynésienne. De nombreuses craintes se sont manifestées : l'inscription du principe de laïcité dans le statut général des fonctionnaires communaux ne semblait pas forcément appropriée. Rappelons que la loi de 1905 n'a jamais été étendue à la Polynésie française. La commission des lois du Sénat avait supprimé la mention de la laïcité avant que nous ne l'ajoutions en séance. Aussi me félicité-je du compromis trouvé à l'article 5 bis par l'Assemblée nationale : le chef de service, agissant sous l'autorité du maire, veillera au respect de ce principe.
Je salue la qualité des travaux du rapporteur, Mathieu Darnaud, ainsi que notre collègue Lana Tetuanui pour son implication. Ce texte très attendu propose de nombreuses avancées, et le groupe INDEP le votera avec plaisir. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Mme Marie Mercier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le texte que nous avions examiné en première lecture revient après une interruption de la navette parlementaire pendant quelques mois. Les députés de la nouvelle législature s'en sont rapidement saisis.
Cinq ans après le mouvement social de 2017, cette loi apporte de la clarté aux agents de la fonction publique communale, dernière-née des fonctions publiques. Ses spécificités, propres à l'histoire de la Polynésie, sont prises en compte : les 4 700 agents répartis sur les cinq archipels du territoire - je songe notamment aux îles Tuamotu - font face à des contraintes tout à fait particulières en France.
L'ordonnance de 2021 sera ratifiée. Elle étend aux fonctionnaires polynésiens un certain nombre de droits et de garanties, tout en ajustant certains points.
Le rapporteur a su compléter le texte pour mieux l'adapter aux enjeux locaux. Le télétravail est pris en compte. Le régime de mise à disposition des fonctionnaires polynésiens sera aligné sur celui de la fonction publique territoriale.
L'Assemblée nationale a fait le choix de voter les ajouts sénatoriaux, et nous nous en félicitons, même si certains points restent insatisfaisants.
Cinq ans après la consultation locale, je suis heureuse, comme membre de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, que ce texte offre à la fonction publique polynésienne la clarté dont elle a besoin. Notre groupe le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Christian Cambon. - Très bien.
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Hasard du calendrier, nous reprenons en toute fin de session extraordinaire ce sujet que nous avions commencé à traiter à la fin de la session ordinaire.
Ce Gouvernement est celui qui a le plus utilisé les ordonnances : éviter le débat, c'était la règle sous Macron I. Nous verrons ce qu'il en sera sous Macron II...
Cette solitude coupable du pouvoir ne respecte pas l'équilibre nécessaire des institutions : le rôle de notre chambre est essentiel pour le garantir.
Je salue Mme Tetuanui pour son engagement. Il était grand temps d'actualiser le statut de la fonction publique communale polynésienne, créé en 2005. Nous avons forcé le Gouvernement à prendre des dispositions plus rapidement que prévu.
L'ordonnance initiale ne correspondait pas aux demandes locales. La volonté de se calquer sur le modèle métropolitain reflétait le manque de vision du Gouvernement sur la différenciation territoriale, pourtant au coeur du projet de loi 3DS, au demeurant très décevant.
Nous saluons la décision de confier à la commission de déontologie déjà en place le contrôle des pantouflages et nous nous réjouissons que la notion de neutralité que nous défendions ait été favorisée plutôt que la laïcité.
Je regrette que rien n'ait été mis en place pour parer les trop grands mouvements vers la fonction publique territoriale. Nous resterons vigilants sur ce point.
Nous saluons la consolidation des outils essentiels au dialogue social.
Quant aux finances des communes, des contraintes spécifiques s'appliquent en Polynésie. Le rapport prévu à l'article 23 est donc bienvenu.
Ce texte reflète la méthode de l'ancien quinquennat - espérons que le prochain sera différent... - avec des renoncements inexpliqués. Faut-il rappeler celui sur le contrôle technique des deux roues ou bien les discussions sur le retour de chasses interdites ?
M. Bruno Sido. - Hors sujet !
M. Guy Benarroche. - Monsieur le ministre, l'urgence du terrain doit vous obliger tout comme l'équilibre de nos institutions. Le groupe GEST votera ce texte, pour répondre aux attentes trop longtemps ignorées des agents de la Polynésie française. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Éliane Assassi . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Ce texte aura mis plus de temps que prévu pour être examiné. Nous avions déjà regretté son retrait inopiné de l'ordre du jour par le Gouvernement, en février dernier. Il aurait été préférable pour les Polynésiens qu'il soit voté plus tôt.
Ce texte démontre l'utilité des luttes sociales dans la mesure où il fait suite à la grève de mai 2017. Les agents de la fonction publique dénonçaient alors les attaques contre leur statut, le gel du point d'indice et la faiblesse de leur pouvoir d'achat. La vie chère - les prix en Polynésie française sont de 39 % supérieurs à ceux de la métropole - est un défi quotidien.
Un consensus a été possible. La fonction publique polynésienne est récente. Il était nécessaire d'adapter le droit. Nous nous félicitons des protections nouvelles qui sont offertes contre le harcèlement et le sexisme, ainsi que de la création d'un comité de déontologie et de la réaffirmation des droits et des devoirs qui unissent l'ensemble des agents de la fonction publique. Nous avons défendu le maintien du principe de laïcité qui doit se concilier avec la culture et l'histoire locales.
Nous voterons ce texte, mais non sans réserves, car il n'échappe pas aux dogmes libéraux de la loi sur la fonction publique. L'encouragement à la contractualisation, le rétrécissement du champ d'action des instances représentatives du personnel, le remplacement de la notation par un entretien individuel d'appréciation de la valeur professionnelle, tout cela favorise la casse du statut et la précarisation des agents.
Le texte aurait pu reprendre la proposition du CSFP de Polynésie française sur la réciprocité d'intégration des agents des fonctions publiques de pays et communales.
Des moyens sont nécessaires pour la revalorisation des agents. De ce point de vue, le rapport demandé à l'article 23 est bienvenu.
Bien qu'opposés aux ordonnances, surtout lorsqu'il s'agit de la fonction publique, nous voterons ce texte important pour nos concitoyens polynésiens et qui fait consensus entre les acteurs concernés. Je salue particulièrement Mme Tetuanui pour sa ténacité et sa force de conviction. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
Mme Lana Tetuanui . - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Bernard Buis et Mme Raymonde Poncet-Monge applaudissent également.) Il est trois heures du matin au pays : nos agents ne nous regardent probablement pas, mais ils attendaient ce texte.
Après cinq ans de négociations entre Paris et le Fenua et une première lecture quelque peu chaotique, nous voici au terme de ce marathon parlementaire. Tout vient à point à qui sait attendre, et il n'est jamais trop tard pour bien faire...
La fonction publique de Polynésie française, effective depuis l'ordonnance de 2005 révisée en 2011, compte environ 4 900 agents, dont plus de 1 300 contractuels. Il aura fallu le large mouvement de contestation de 2017 pour que le Gouvernement se penche sur sa situation.
Ce texte vise à rendre notre fonction publique communale plus attractive et à inciter notre jeunesse à s'inscrire au concours pour servir nos communes.
Comme je le répète souvent, notre spécificité tient à notre géographie : réparties sur cinq archipels, nos communes sont diverses et éloignées. De grâce, qu'on cesse de vouloir nous fondre dans le modèle métropolitain, inadapté à nos structures !
Je salue le travail des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, Guillaume Vuilletet et Mathieu Darnaud, devenu spécialiste de la Polynésie... (Sourires ; les sénateurs du groupe Les Républicains applaudissent ; M. Michel Canévet et Mme Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)
Le Parlement a entériné, entre autres mesures, le dispositif de mise à disposition des agents, le maintien des compétences des comités techniques paritaires et de la commission locale de déontologie, l'adaptation de l'action sociale, l'aménagement des concours pour les travailleurs handicapés et, monsieur Sueur, le respect de la laïcité sous l'autorité du maire. Le texte prévoit aussi le maintien de la réserve opérationnelle, l'instauration du télétravail et la remise d'un rapport sur les contraintes budgétaires des communes en vue d'une indemnité de départ volontaire.
Monsieur le ministre, je note votre engagement en faveur d'une obligation de service de trois ans pour les catégories A et B, ainsi que votre attachement au principe de libre administration des communes.
Tout cela va dans le bon sens et je me félicite du travail accompli. Je remercie mon collègue Teva Rohfritsch, les élus de l'Assemblée de la Polynésie française, les organisations syndicales et les groupes politiques du Parlement. Sans oublier le président Gérard Larcher, dont le soutien à l'égard des outre-mer est permanent. (Applaudissements)
Les conclusions de la CMP sont adoptées.
(« Bravo ! » et applaudissements)
Mises au point au sujet de votes
M. Jean-Claude Requier. - Lors du scrutin public n°150, Mme Véronique Guillotin souhaitait s'abstenir.
En outre, au cours du scrutin public n°151, Mme Véronique Guillotin souhaitait voter pour, M. André Guiol voter contre et je souhaitais m'abstenir.
Mme Sylvie Vermeillet. - Au cours du scrutin public n°150, Mme Daphné Ract-Madoux et M. Jean-Pierre Moga voulaient voter contre.
Par ailleurs, lors du scrutin public n°151, Mme Christine Herzog souhaitait s'abstenir.
Mme la présidente. - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique des scrutins.
Déclaration du Gouvernement, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur le projet de programme de stabilité pour 2022-2027
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics . - En application de l'article 50-1 de la Constitution, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de programme de stabilité pour 2022-2027, qui sera prochainement transmis à la Commission européenne.
Ce programme détaille les prévisions de croissance et la trajectoire de nos finances publiques pour cette période. Il réaffirme aussi le coeur de notre stratégie : le soutien à la croissance et à l'emploi.
En 2017, le Président de la République s'était engagé à sortir la France du chômage de masse. Cinq ans plus tard, notre taux de chômage est de 7,3 %, au plus bas depuis quinze ans. Grâce aux réformes menées, nous avons créé 1,3 million d'emplois : ce sont autant de personnes qui ont retrouvé espoir et dignité. Nous avons aussi porté le nombre d'apprentis à 700 000, une formidable réussite.
Oui, le plein-emploi est à portée de main ! Pour l'atteindre d'ici à 2027, nous allons continuer à lever les freins à l'accès à l'emploi. Les derniers chiffres de l'Urssaf le montrent : la progression des embauches se poursuit, y compris dans l'industrie. C'est une victoire pour l'emploi et pour le financement de notre protection sociale.
Nous entendons accentuer notre effort, autour de trois grandes réformes : France Travail, pour mieux accompagner les demandeurs d'emploi, la montée en puissance de l'apprentissage jusqu'à 1 million d'apprentis à la fin du quinquennat - nous préférons favoriser l'accès des jeunes à l'emploi plutôt que de leur ouvrir RSA - et l'assurance chômage, pour que chacun trouve un gain au travail.
À cet égard, le SMIC a augmenté de 8 % en un an : avec la prime d'activité, nous arrivons à 1 568 euros nets. Il faut continuer dans cette voie, et Olivier Dussopt mènera une concertation en ce sens dès la rentrée.
Le programme de stabilité traduit un autre engagement du Président de la République : tenir nos comptes.
La très forte reprise de l'année dernière et l'invasion de l'Ukraine nous ont fait entrer dans une période d'inflation. Nous l'avions anticipée dès l'automne dernier. Aujourd'hui, nous mobilisons 20 milliards d'euros pour soutenir le pouvoir d'achat.
Le bouclier tarifaire sur le gaz et l'électricité a évité deux points d'inflation, selon l'Insee. Bruno Le Maire a rappelé que celle-ci devrait culminer dans les prochaines semaines ou les prochains mois, avant de décroître. Nous tablons sur un taux de 5 % cette année, de 3,2 % l'année prochaine, puis de 2 %.
La croissance s'est établie à 0,5 % au deuxième trimestre, signe du dynamisme de notre économie malgré le contexte d'incertitude. Nous avons déjà acquis 2,5 % de croissance pour 2022, soit notre objectif pour toute l'année.
Il existe un scénario favorable, fondé sur la croissance et l'emploi, la maîtrise de l'inflation et la tenue de nos comptes.
Nos finances publiques entrent en phase de normalisation, après la parenthèse du « quoi qu'il en coûte », au cours de laquelle nous avons mis en place d'indispensables amortisseurs. Nous sommes désormais dans le « combien ça coûte ». (Mme Nadine Bellurot ironise.)
Ce programme est décortiqué par les investisseurs et les analystes, dans un contexte de tension sur le rendement de nos obligations souveraines. La charge de notre dette a bondi de 17 milliards d'euros cette année.
Oui, nous devons intégrer cette contrainte. Tout État doit composer avec cette réalité dès lors qu'il a un besoin structurel de financement. La solution n'est pas d'agiter le mythe du non-remboursement ; elle est dans la tenue de nos comptes, clé de notre capacité d'action et de notre indépendance.
Nous proposons une trajectoire responsable pour ramener le déficit sous le seuil des 3 % du PIB en 2027. Le poids relatif de notre dette décroîtra à partir de 2026.
Nos objectifs sont clairs : protéger les Français de l'inflation, soutenir la croissance et l'emploi, accélérer la transition écologique. Le programme inclut les mesures annoncées par le Président de la République pendant la campagne, comme la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la baisse des impôts de production. Dans les cinq prochaines années, il n'y aura pas de hausse généralisée des prélèvements obligatoires : c'est un principe intangible.
Comment ferons-nous pour mettre en oeuvre nos engagements tout en tenant nos comptes ?
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. - En effet, c'est la question...
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Nous le ferons en maîtrisant la progression de la dépense publique dans toutes ses sphères. Nous prévoyons une hausse annuelle de la dépense publique de 0,6 % en volume, soit la plus faible depuis vingt ans. Il n'y a pas d'agenda caché, pas de coupes claires : nous ne réduisons pas la dépense, mais maîtrisons le rythme de sa progression.
Si les dépenses de l'État baisseront en volume de 0,4 % et celles des collectivités territoriales de 0,5 %, les dépenses des administrations de sécurité sociale pourront augmenter de 0,6 % par an, signe de la priorité absolue que nous accordons à la santé.
Ces chiffres seront détaillés dans le projet de loi de programmation des finances publiques que je vous présenterai en septembre.
M. Claude Raynal, président de la commission. - Nous avons hâte !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - En 2023, la croissance devrait être de 1,4 %, puis 1,6 % en 2024. Nous serions à 1,7 % en moyenne sur la période 2024-2027, pour atteindre 1,8 % en fin de période.
Certes, ces chiffres sont soumis à des aléas et les chocs récents doivent nous inviter à la prudence. Mais nos prévisions de croissance sont solides et étayées ; elles correspondent à celles des économistes du Consensus Forecast. L'OFCE anticipe même pour 2027 une croissance de 1,9 %, quand nous prévoyons 1,8 %.
Après s'être creusé en 2020 sous l'effet de la déflagration de la covid, notre déficit s'est amélioré en 2021, à 6,4 % du PIB. Notre dette représente 112,5 % du PIB, un niveau en hausse de quinze points par rapport à 2019 mais en baisse de deux points par rapport à 2020. Notre ratio d'endettement baissera légèrement cette année, à 111,9 %.
Jusqu'ici, nous avons tenu nos objectifs, en réduisant de 2,5 points le déficit. Nous tiendrons la cible de 5 % pour cette année. Le coût des mesures de soutien du pouvoir d'achat est compensé par les économies de charges de service public et les surplus de fiscalité liés au rebond exceptionnel de l'économie. Le déficit devrait revenir sous les 3 % d'ici à 2027, à la faveur d'un ajustement structurel annuel de 0,3 point de PIB à partir de 2024.
Cette maîtrise de nos finances publiques ne fait pas obstacle aux investissements indispensables dans la transition écologique et numérique. En cohérence avec la stratégie des plans France Relance et France 2030, nous favoriserons l'investissement et l'innovation, la cohésion sociale et territoriale, la souveraineté numérique et industrielle.
Ce programme n'est pas un carcan, mais un cadre, porteur d'une ambition. Nous sommes convaincus que des finances publiques maîtrisées sont la condition sine qua non d'une action publique efficace et de notre liberté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Avec trois mois de retard, nous débattons du projet de programme de stabilité que le Gouvernement s'apprête à transmettre aux institutions européennes.
Selon les règles européennes, il aurait dû le faire avant la fin du mois d'avril. M. Raynal et moi-même nous sommes inquiétés de savoir quand ce document nous serait présenté. Bientôt, nous a-t-on répondu, avant de nous l'annoncer pour le début du mois de juin, puis après les législatives et ensuite pour début juillet. Nous y voilà enfin.
Pourquoi un tel retard ? D'aucuns avancent que le Gouvernement aurait voulu cacher aux électeurs d'éventuelles décisions impopulaires. Seulement, le programme qui nous est soumis ne témoigne pas d'une réelle ambition en matière de consolidation des finances publiques...
Le scénario macroéconomique retenu paraît pour le moins optimiste. Je me félicite des bonnes nouvelles annoncées par l'Insee pour le deuxième trimestre, mais elles s'expliquent surtout par la diminution de nos importations consécutive à l'inflation et par un tourisme dynamique.
La prévision de croissance pour 2023 me semble optimiste ; le FMI table sur seulement 1 %. Pour la période 2024-2027, le scénario de croissance est très au-dessus de ce qui peut sérieusement être attendu - l'écart avec la prévision du FMI atteint 45 milliards d'euros !
Cette surévaluation est en partie liée à une estimation trop optimiste de l'évolution du chômage : le Gouvernement prévoit 5,2 % en 2027, le FMI 7,4 %.
Le Gouvernement estime que notre économie évoluera au moins jusqu'en 2023 près d'un point en deçà de son niveau potentiel. C'est surprenant, lorsqu'on considère les difficultés des entreprises à recruter. D'ailleurs, l'OFCE ne partage pas cette hypothèse. Quant à la Commission européenne, elle considère que l'économie évoluera dès 2023 à son niveau potentiel.
La croissance potentielle de 1,35 % prévue par le Gouvernement me semble surestimée, d'autant qu'elle serait soutenue par les réformes des retraites et de l'assurance chômage, dont le contour est loin d'être défini. Cette prévision ne me semble pas raisonnable, d'autant que le resserrement de la politique monétaire devrait ralentir la progression des investissements.
Au total, le scénario macroéconomique présenté repose sur des hypothèses précaires et peu détaillées.
L'ambition en matière de maîtrise des dépenses est faible : à 1 675 milliards d'euros en 2027, les dépenses seront en augmentation, hors mesures de soutien, de plus de 250 milliards d'euros par rapport à cette année. S'agissant de la limitation à 0,6 % en volume, l'effort prévu porte sur la seconde partie du quinquennat, alors que c'est en début de quinquennat que se prennent les mesures volontaires, éventuellement difficiles.
Le déficit se réduirait lentement, ne passant sous les 3 % qu'en 2027. Quant à notre endettement public, il ne refluerait qu'à partir de 2027, revenant au niveau de l'année dernière.
Cette trajectoire est peu documentée. Pour qu'elle soit respectée, il faudrait un recul considérable des dépenses de chômage, à 0,9 % du PIB en 2027. Annoncer un objectif global d'économies reposant sur des perspectives aussi fragiles n'est pas sérieux.
Le Gouvernement se contente du service minimum, retenant des hypothèses macroéconomiques peu crédibles. J'espère qu'il sera plus sérieux dans la préparation du projet de loi de programmation des finances publiques : les objectifs doivent être à la fois plus ambitieux et plus crédibles.
Alors que le financement de notre dette change de régime, nous devons démontrer notre sérieux budgétaire. Par ailleurs, les économies sont aussi des ressources dégagées pour la réduction de notre dette écologique, qui préoccupe particulièrement les jeunes générations. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances . - Nous vivons des temps politiques extraordinaires... Voilà peu, certains étaient diabolisés parce qu'ils appelaient à désobéir aux règles européennes. Aujourd'hui, ce sont les hérauts de la doxa européenne eux-mêmes qui s'affranchissent des règles.
Le programme de stabilité aurait dû être présenté fin avril. Qu'on ne dise pas que le retard s'explique par les élections ! De retard, il n'y a pas eu en 2012 ni en 2017. Or le début du mois d'août n'est pas franchement favorable à un débat parlementaire approfondi.
Selon des indiscrétions concordantes, vous auriez demandé à Bercy de tordre quelque peu les chiffres pour les accorder à votre discours. La raison du retard serait-elle là ? Et que dire des informations transmises à la presse plus de dix jours avant que le Parlement ne les reçoive... Ce procédé est inadmissible !
Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) est très réservé sur ce programme. Il faut dire que nous avons l'habitude des prévisions françaises optimistes et peu crédibles. De ce point de vue, la lecture rétrospective du programme de stabilité pour 2018-2022 ne manque pas de sel... La leçon aurait dû servir.
Faisons preuve de plus de prudence et élaborons des scénarios plus étayés. D'autant qu'il y a des aléas très négatifs, bien connus : baisse de la croissance allemande, guerre en Ukraine, difficultés de la Chine.
La non-augmentation des dépenses publiques que vous prévoyez aura un effet récessif. Prévoir une croissance de la dépense publique aussi faible, compte tenu des conditions sociales, n'est pas réaliste. Quant aux modalités de contribution des administrations publiques locales, elles sont nébuleuses.
Les administrations de sécurité sociale seront mises à contribution, mais les seules dispositions concrètes prévues sont les réformes des retraites et de l'assurance chômage. Il est difficile d'affirmer que la première rapportera rapidement des recettes. S'agissant de la seconde, sur quels fondements reposent vos prévisions d'amélioration du marché du travail ?
Vous annoncez une poursuite des baisses d'impôts pour les seules entreprises, au nom d'une politique de l'offre qui fragilisera encore nos finances publiques. Le manque de compétitivité de nos entreprises n'a pas une origine fiscale. Il est plus que jamais nécessaire de consolider nos recettes fiscales pour financer les politiques publiques et l'investissement.
Espérons que le projet de loi de programmation précisera une trajectoire en l'état peu crédible. Votre feuille de route budgétaire ressemble plus à une mise en garde adressée à vos collègues dépensiers qu'à un véritable programme. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Marc Laménie applaudissent également.)
M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le programme de stabilité aurait dû nous être soumis en avril.
Après l'exercice extraordinaire de 2020, les dépenses de la sécurité sociale - qui représentent la moitié des dépenses publiques - ont crû fortement en 2021 et la hausse restera significative en 2022. Seul un bond des recettes, grâce à l'évolution de la masse salariale, contient un déficit qui reste très élevé, à 24 milliards d'euros.
J'espère toutefois que l'amélioration de la situation de l'assurance chômage sera durable.
La trajectoire optimiste du projet de programme de stabilité, notamment en ce qui concerne l'accélération de la croissance à partir de 2024, demande à être vérifiée. Les administrations de sécurité sociale retrouveraient selon vous une capacité de financement dès 2022 avec un excédent de 1,3 % de PIB en fin de période. J'en prends acte, mais les projections des dernières lois de financement de la sécurité sociale ne prévoyaient pas d'extinction de la dette avant fin 2033.
Vous ne nous présentez aucun grand choix politique de sortie de crise pour revenir à une trajectoire plus équilibrée. Tout au plus précise-t-on qu'il y aura des réformes structurelles, dont celles des retraites ; dont acte. Nous continuons donc d'attendre la prochaine étape, la loi de programmation des finances publiques. Pouvez-vous préciser le niveau d'économies attendu d'une réforme des retraites ?
Enfin, le cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale changera dès septembre avec l'entrée en vigueur de la loi organique du 14 mars 2022. Même s'il n'a pas repris nos propositions les plus ambitieuses, il nous permettra d'améliorer notre contrôle sur les finances sociales, avec une clause de retour au Parlement en cas de dérapage.
Le Gouvernement devra se départir de l'idée selon laquelle, si la sécurité sociale paie, le Gouvernement peut faire ce qu'il veut, hors de tout contrôle parlementaire. Nous comptons sur vous pour faire évoluer cette culture. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Patrice Joly . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce programme de stabilité nous est transmis dans un délai frisant l'irrespect. Mauvais signal en ce début de mandature. Les annonces d'un meilleur dialogue avec le Parlement nous avaient pourtant donné de l'espoir... C'était manifestement un voeu pieux.
Les informations fournies sont insuffisantes : le Gouvernement prévoit de réduire la dette à partir de 2026 et le déficit repasserait sous la barre des 3 % en 2027 : l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) remet en doute ces prévisions. Vous prévoyez une maîtrise de la dépense publique à 0,6 % par an : comment vous y prendrez-vous ?
Le HCFP parle d'une prévision de croissance trop optimiste et de réductions de dépenses non documentées. Contrairement à la Direction générale du Trésor, au FMI, à l'OCDE et à la Banque de France, vous prévoyez une croissance de 1,8 % du PIB en 2027, en supposant qu'elle découlera des réformes des retraites et du marché du travail, de la baisse des impôts, de la poursuite du plan de relance et de France 2030. Mais la réalité sera toute autre : la cure d'austérité que vous faites vivre aux Français et l'insuffisance de revalorisations sociales ne généreront qu'une croissance molle et de l'insécurité pour le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Nous doutons donc de l'atteinte du plein-emploi et de l'accélération de la transition écologique.
Quant aux réductions de dépenses, elles manquent de précision. Une hausse des dépenses en volume financera le Ségur de la santé, le plan hôpital et le plan urgence : où est-elle mentionnée ? Le financement du cinquième risque a, quant à lui, disparu.
Je rappelle que les dépenses des collectivités territoriales représentent 70 % de l'investissement public et servent à financer des services publics : attention à ne pas briser leur action.
Sur le chômage, vous avez l'art d'enjoliver la réalité : la sortie du chômage s'explique aussi par l'alternance ou l'apprentissage, alors que celui des moins de 24 ans reste 3,3 fois supérieur à celui des plus de 50 ans. Quelque 1,9 million de personnes sont exclues des chiffres du chômage, car inactives alors qu'elles voudraient travailler. Beaucoup n'ont d'autre choix que de recourir à des emplois précaires : quel est leur avenir ?
La paupérisation explose : la crise sanitaire a créé 1 million de pauvres, qui représentent 14,6 % de la population. Selon le Secours catholique, 7 millions de Français ont eu recours à l'aide alimentaire en 2021.
À l'autre bout, la petite élite, pour laquelle vous gouvernez, est très satisfaite : 80 milliards d'euros de recettes fiscales pérennes ont été supprimés, vous réduisez les prélèvements obligatoires pour les détenteurs du capital : suppression de l'ISF, exit tax, plafonnement de l'impôt sur les revenus du capital. Au total, 4 milliards d'euros de cadeaux fiscaux annuels. La suppression de la taxe d'habitation aura coûté 17 milliards d'euros aux finances publiques, sans parler de la baisse de 10 milliards d'euros des impôts de production. Il aurait pourtant fallu faire contribuer les plus riches, en particulier ceux qui profitent des crises.
Ainsi rien de neuf dans ce programme de stabilité. Le cap demeure le même : pas de contrepartie aux aides ni de contribution des plus riches. Malgré le Ségur, on ferme des hôpitaux par court-termisme, alors que les crises en cours exigeraient un changement d'envergure. Il faudra les résoudre, protéger les plus vulnérables et résorber les inégalités.
On ne peut plus en même temps faire des cadeaux aux plus riches et soutenir les pauvres avec quelques centimes de moins à la pompe : le ruissellement ne marche pas. Élisabeth Borne a demandé lors de son discours de politique générale d'arrêter de croire que la taxe était la solution de chaque problème. Celle-ci n'est pas non plus dans une baisse d'impôt !
Les recettes fiscales sont nécessaires pour le plan grand âge, pour les hôpitaux, pour l'éducation, pour la recherche et pour la transition écologique. Sauf à tuer nos services publics, il faudra améliorer les conditions de travail et la rémunération des agents.
La dynamique historique est celle de la hausse des dépenses publiques : que faisons-nous ? Il faut rétablir l'ISF, créer une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu, supprimer la flat tax, taxer les GAFA et lutter contre la fraude fiscale, estimée à plus de 100 milliards d'euros.
Au niveau européen, rebâtissons un cadre budgétaire et monétaire durable. La question des ressources propres est prégnante, alors que la Hongrie bloque la taxe de 15 % sur les multinationales : une coopération renforcée entre pays volontaires permettrait de contourner ce veto.
Les Panama Papers, et les 11 300 milliards de dollars situés dans les paradis fiscaux, rappellent l'urgence de la coopération entre États pour mettre fin à ces pratiques dommageables.
Franchissons le pas vers une fiscalité commune, notamment sur les bénéfices des sociétés et sur les transactions financières.
Enfin, revenons sur les règles budgétaires européennes des 60% de dette et des 3 % de déficit, incompatibles avec la nécessité d'investir massivement. Leur suspension pendant la période de pandémie révèle leur inadéquation aux crises. Le projet de programme de stabilité doit servir les mutations nécessaires à la transition climatique et numérique.
Dépassons la seule logique du PIB et révisons notre approche libérale de l'endettement public, condition de la transition.
Pour conclure, de grands chantiers s'offrent à nous, mais ils supposent de réviser l'outil obsolète qu'est le programme de stabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST et du groupe CRCE)
M. Teva Rohfritsch . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Il n'y a pas si longtemps, notre chômage de plus de 10 % - 12 % pour les femmes - était vécu comme une fatalité. Nous étions résignés, notre industrie était un lointain souvenir. Il n'y a pas si longtemps, il semblait impossible de repasser sous la barre des 3 % de déficit public. Il n'y a pas si longtemps, nous nous pensions impuissants face aux crises.
Et pourtant, le chômage baisse et l'emploi industriel repart, grâce au plan de relance et aux réformes fiscales et réglementaires du Gouvernement. Et pourtant, le déficit était repassé, avant cette crise sans précédent, sous les 3 %, pour la première fois depuis le début des années 2000. Et pourtant, un plan de relance européen inédit a sauvé notre économie du désastre et le pouvoir d'achat des Français.
Mais pouvons-nous sacrifier au présent notre avenir, entends-je à ma droite ? Et à ma gauche, on demande si nous en ferons un jour assez.
Nous proposons un programme ambitieux, avec à la fois un État qui soutient et la normalisation de nos finances publiques pour préserver les générations futures. Même tardif, ce débat sur le projet de programme de stabilité est un moment de clarté. La LPFP sera le moment de nous saisir de ce sujet ; notre groupe sera au rendez-vous.
En attendant, nous continuons d'agir pour l'emploi et pour l'économie, comme hier à travers la hausse du plafond des heures supplémentaires défiscalisées.
La dynamique est lancée pour 2022 : la croissance dépassera les 2,5 % et le déficit se résorbe. Des tensions demeurent, comme celles sur le pouvoir d'achat. La tâche n'est pas facile, mais nous réussirons ; nous le devons aux générations futures. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Vanina Paoli-Gagin . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) On reproche beaucoup au Gouvernement d'avoir tardé à publier son projet de programme de stabilité.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Eh oui !
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Là n'est pas l'essentiel. Tout d'abord, le calendrier électoral a percuté la procédure européenne. De plus, la majorité présidentielle est désormais en tenaille entre deux mâchoires populistes, à l'extrême droite et à l'extrême gauche ; soyons prudents.
Surtout, nous connaissions déjà le contenu de ce programme. Deux points ne peuvent être reliés que par une droite : nous connaissions le point de départ et celui d'arrivée, en 2027, est annoncé depuis longtemps par le Gouvernement. Il n'y a qu'une seule trajectoire pour atteindre les 3 % de déficit en 2027.
La dette se décline : elle est publique, européenne, privée et climatique.
La dette publique résume notre gestion actuelle et passée des comptes, et annonce les efforts futurs à fournir. Il faudra bien ramener les dépenses en deçà des recettes pour éviter la banqueroute : c'est du bon sens. Un pays qui ne tient pas ses comptes ne peut mener de politique sociale ou environnementale ambitieuse.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - En effet !
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Le problème n'est pas nouveau, et le rapporteur général rappelle avec raison la comparaison avec l'Allemagne : 40 points de PIB séparent nos taux d'endettement.
La France a funestement sacrifié son industrie sur l'autel des services, laissant filer les emplois qualifiés à l'étranger. Notre balance commerciale est devenue structurellement déficitaire. Avec la pandémie, la dette a explosé : tournons rapidement la page du « quoi qu'il en coûte ».
Or, monsieur le ministre, la trajectoire que vous présentez n'est pas rassurante. Le taux d'endettement public se stabilise à 113 % du PIB - la réalité ne sera sans doute pas plus favorable.
Mais un autre endettement n'apparaît pas : celui de l'Union européenne, qui s'est endettée pour la première fois de son histoire. C'est une avancée pour la construction européenne, mais le premier président de la Cour des comptes a précisé que les 75 milliards d'euros du plan de relance européen ne sont pas inclus dans notre dette publique.
Quant à la dette privée, elle atteint 150 % du PIB, ce qui est colossal. Nous avons le taux le plus élevé des grands pays européens : nous sommes plus proches de la Grèce que de l'Allemagne. On a encouragé les entreprises à s'endetter, mais ce n'est pas sans risque.
J'évoque, enfin, la dette climatique, qui menace toute la planète. Elle ravage nos forêts et tarit notre eau. Il faudra des investissements massifs dans un contexte contraint. L'immense défi de la transition nous impose de changer non pas de logiciel, mais de système d'exploitation.
Pour engager une stratégie ambitieuse de désendettement, le groupe INDEP propose de mobiliser l'épargne privée - 175 milliards d'euros, à comparer aux 100 milliards du plan de relance - , qu'on laisse se faire ronger par l'inflation. Nous avions ainsi proposé d'instaurer un livret d'épargne garantie pour financer l'investissement local.
Nous proposons aussi de mieux prendre en compte les externalités, positives et négatives, des décisions économiques. Un triste exemple récent est celui des forêts : leur valeur se résume aujourd'hui à la production de bois. Mais une forêt qui brûle est aussi un atout perdu pour la transition écologique. Je vous proposerai un dispositif pour prendre en compte les externalités positives de la forêt : puits de carbone, filtre à eau, réserve de biodiversité...
Il est urgent de réduire notre dette, dans toutes ses dimensions. Le projet de programme de stabilité va dans le bon sens, j'espère que le rythme sera tenu. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI)
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce document stratégique engage la responsabilité du Gouvernement pour le moyen terme. Les propos du rapporteur général ont insisté sur l'optimisme, voire l'arbitraire, des hypothèses retenues. Nous aimerions être aussi optimistes, mais rappelons les incertitudes du HCFP sur les recettes affectées hier soir : on parle de 10 à 15 milliards...
La croissance potentielle, évaluée à 1,35 % à partir de 2022, est un paramètre déterminant pour la trajectoire des finances publiques. Mais l'hypothèse doit être crédible : notre déficit public, notre solde commercial, notre désindustrialisation limitent notre croissance potentielle.
Nouveau défi, la lutte contre le réchauffement climatique est absente de ce document. Pourtant, la marche à franchir est considérable selon Rexecode : plus 10 % pour les entreprises, 20 % pour les ménages.
La croissance potentielle serait en réalité plus proche de 1 %, selon le degré de mise en oeuvre de la réforme des retraites - à cet égard, le doute est permis compte tenu du rétropédalage présidentiel. Nos enfants en subiront les conséquences : le niveau de vie des retraités devrait passer de 102,8 % à 82,5 % de celui des actifs en 2070, selon le Conseil d'orientation des retraites (COR).
Je ne sais pas si je suis stoïcienne, mais il faut distinguer ce qui dépend du Gouvernement et ce qui n'en dépend pas. Or ce Programme de stabilité ne repose que sur ce qui ne dépend pas complètement du Gouvernement... Pourtant, il a pleinement la main sur la maîtrise de la dépense publique !
M. Le Maire cite toujours les mesures en faveur du plein-emploi. Mais l'élargissement de l'apprentissage aux lycées professionnels, même si le taux d'emploi des jeunes s'est considérablement amélioré, ne suffira pas : cette réforme a réduit la productivité de l'économie et représenté un coût important pour les finances publiques. Pour afficher un taux de croissance annuel moyen de la dépense publique inférieur à celui du quinquennat précédent, vous retraitez les charges liées à la création de France Compétences...
La création d'un service public de la petite enfance est une nécessité ; les prestations familiales ont diminué de 3,7 % du fait de la faible natalité. Mais la convention 2018-2022 de la CNAF n'a pas été respectée : 15 000 places ont été ouvertes, au lieu des 30 000 annoncées. D'après le CESE, des places manquent pour 40 % des moins de 3 ans. Les collectivités locales gèlent des berceaux faute de pouvoir recruter, et vous n'apportez qu'un début de réponse. Le CESE plaide pour un droit opposable à la garde du jeune enfant, comme en Allemagne. C'est un objectif ambitieux, avec un coût par place de crèche élevé pour les finances publiques : 15 000 euros en fonctionnement annuel, 34 000 euros en investissement.
Au-delà de quelques exemples précis, votre propos est trop général. Vous plaidez pour un examen systématique de l'impact environnemental des dépenses ; mais les crédits budgétaires et taxes affectées « neutres » ou « non cotées » représentent 92 % des dépenses de l'État... Vous vantez votre plateforme de visualisation, mais les données ne sont que quantitatives. Vous vous engagez à maîtriser les dépenses, mais il ne s'agit que d'une stabilisation du train de vie, sans véritables économies !
Plusieurs lois de programmation sectorielles, comme la loi de programmation militaire, la loi de programmation de la recherche, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, ainsi que les États généraux de la justice, vont conduire à autant de nouvelles dépenses.
L'OCDE appelle la France à mettre en oeuvre une stratégie ciblée d'assainissement budgétaire : nous n'y sommes pas !
Quel sera l'effort demandé aux collectivités ? M. Béchu nous a annoncé une concertation, mais nous lisons qu'il y aurait une maîtrise en volume des dépenses, soit en réalité une baisse de 0,5 %.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Et voilà !
Mme Christine Lavarde. - Or les dépenses des collectivités territoriales vont mécaniquement augmenter sous l'effet de la revalorisation du point d'indice, de la hausse du SMIC, du glissement vieillesse technicité (GVT) et de la hausse des prix de l'énergie et de l'alimentation : la marge de manoeuvre des collectivités sera bien faible !
Au final, l'effort que vous leur demandez est bien plus lourd que celui des contrats de Cahors. Vous persistez à penser que ce fut efficace, mais ce n'était que la conséquence de la baisse des dotations de l'État entre 2013 et 2017.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Bravo !
Mme Christine Lavarde. - Les collectivités ne peuvent dépenser un argent qu'elles n'ont pas ! Sauf à augmenter les impôts locaux, ce qui leur sera de plus en plus difficile avec la suppression de la taxe d'habitation et de la CVAE.
Il faut réindustrialiser, mais également laisser de la liberté aux collectivités dans la gestion de leurs recettes !
Notre pays va continuer de diverger des autres de la zone euro. Une étude des projets de programme de stabilité des huit principaux pays de l'Union européenne montre que, en 2025, la France sera l'un des rares pays à ne pas avoir commencé à réduire son endettement lié à la crise sanitaire : l'Italie, l'Espagne prévoient une baisse de leur taux d'endettement de 10 points à l'horizon de 2027. C'est en France que le déficit structurel est le plus important.
Vous pouvez compter sur nous, à l'automne, pour défendre une mesure simple de redressement des comptes publics : la règle d'or ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Guy Benarroche . - En préambule, je note la transmission tardive de ce document, reçu in extremis vendredi dernier, dans un total irrespect du travail du Parlement.
Le manque de sincérité des chiffres proposés apparaît vite. L'effet combiné de ces évaluations en trompe-l'oeil est de surestimer la santé économique du pays et de sous-estimer les difficultés des ménages.
Vous proposez de réduire les dépenses publiques et d'entrer dans une période d'austérité. Ce texte est pétri d'inspiration néo-libérale et de mesures antisociales, avec des réformes comme celles des retraites ou de l'assurance-chômage dont vous espérez des économies... C'est pourtant loin d'être certain.
Faute de taxer les hauts revenus et les profits, vous continuez de faire porter sur les classes moyennes et populaires les conséquences de votre action, provoquant un creusement des inégalités.
Contrairement à ce que vous annoncez, les collectivités territoriales, dont beaucoup sont déjà exsangues, ne seront pas épargnées par cette politique d'austérité. Une baisse de leurs dépenses est prévue, avec la suppression de la moitié restante de la CVAE en 2023. La qualité de nos services publics en pâtira : vous leur portez un coup fatal, alors qu'ils sont le dernier lien avec certains de nos concitoyens.
Cette austérité n'est pas compatible avec l'impératif écologique. Les plus gros programmes de dépenses - armée, intérieur, justice, aide publique au développement - éludent le secteur de l'écologie, qui nécessite pourtant des financements publics. Il est dangereux de continuer à vous engluer dans l'inaction climatique !
Votre programmation est climaticide. Vous auriez pourtant pu lancer des réformes fiscales justes, avec un ISF climatique ou une mise à contribution des superprofits des multinationales.
Ce que ne dit pas ce texte est plus important que ce qu'il dit : l'austérité est devant nous, alors que l'urgence écologique est là. Nous ne pouvons cautionner ce programme insincère. Vous vous entêtez dans un programme idéologique délétère et complètement dépassé.
L'absurdité de vos chiffres excessivement optimistes a été relevée. Vous réussirez à grand-peine à revenir sous les 3 %, sans même réussir à diminuer l'endettement. Monsieur le ministre, soyez lucide sur l'incompatibilité structurelle entre les règles budgétaires européennes et les besoins d'investissement immédiat que nous impose la transition écologique. Il faut un principe de soutenabilité écologique, et non seulement budgétaire et comptable.
Nous refusons ce programme de stabilité déjà obsolète et fondé sur un optimisme malhonnête. Vous annoncez des mesures dévastatrices, alors que des enjeux de taille sont devant nous. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Pascal Savoldelli . - Mieux vaut tard que jamais ! La France présente son programme de stabilité tant bien que mal, après tous les autres États membres de l'Union européenne. Si sa présentation n'avait pas été repoussée, le programme économique du candidat Macron aurait pu être clarifié et les électeurs en auraient bénéficié. Ils auraient ainsi constaté le peu d'intérêt d'Emmanuel Macron pour la question sociale.
Le programme de stabilité est déjà dans la boîte aux lettres de l'Union européenne, le débat est donc clos. Nous ne sommes plus à un retard près, mais la démocratie parlementaire saura s'en souvenir.
Ce programme, conçu pour garder le déficit sous la barre des 3 %, est un document annuel dans lequel le Gouvernement prête allégeance à l'Union européenne. La perspective n'est pas réjouissante, tant les dépenses engendrées par la crise sanitaire et la crise économique étaient indispensables, mais jamais financées. La trajectoire définie n'est pas heureuse, et nul ne présume qu'elle sera tenue.
Le Gouvernement s'engage à réduire le déficit public à 3 % d'ici à 2027. L'héritage d'Emmanuel Macron nous conduit à l'impasse, rendant les objectifs économiques, sociaux et écologiques insoutenables.
La stratégie de la baisse de la fiscalité pour réduire les déficits relève du paradoxe, ou plutôt du contresens. Après avoir voulu disqualifier l'impôt, vous supprimez la contribution à l'audiovisuel public - 3,2 milliards de recettes perdues - et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises - 8 milliards d'euros en moins à partir de 2023 - et baissez les impôts sur la succession - 5 milliards d'euros en moins. Le solde budgétaire, faut-il le rappeler, est la différence entre les recettes et les dépenses. Zéro moins 250 milliards, cela donne 250 milliards de déficit. C'est gravissime !
Dans le contexte de la remontée des taux de la Banque centrale européenne de 50 points de base, le risque est grand pour les finances publiques, d'autant plus que les recettes, 26 milliards d'euros, seront soumises à l'inflation. Les créanciers ne manqueront pas de demander leur dû, et 17 milliards d'euros supplémentaires seront versés aux spéculateurs.
Le Gouvernement présente un plan, mais le HCFP est lui-même sceptique, soulignant que la croissance n'est « pas hors d'atteinte, mais un peu élevée ».
Avec la poursuite des réformes, qu'il s'agisse de l'assurance chômage, des retraites, du RSA ou de l'apprentissage, détaillée à la page 4 du document, vous voulez forcer les individus à travailler, quoi qu'il leur en coûte, à n'importe quelles conditions, n'importe quel niveau de qualification et n'importe quel âge. C'est une insécurité sociale et une faute politique.
Nous combattons toutes ces réformes. Celle de l'assurance chômage s'est abattue sur plusieurs millions de travailleurs. La réalité, c'est que, en 2021, près de 15 millions de contrats de moins d'un mois ont été signés, soit 64 % des embauches. Selon l'Unedic, 1,15 million de demandeurs d'emploi voient leur allocation mensuelle baisser de 17 %. Comptez sur notre mobilisation : il n'y aura pas d'acte II de la réforme.
La réforme des retraites n'a pas encore eu lieu, fort heureusement. Il s'agit d'un dogme. Alors que 35 % des 50-64 ans sont déjà au chômage, les faire travailler plus longtemps réduira les versements de l'assurance vieillesse au détriment de l'assurance chômage.
Les dépenses de retraites vont baisser jusqu'à l'un des plus bas niveaux d'Europe. La réforme des retraites n'a pas vocation à combler le déficit des retraites, mais bien à financer d'autres dépenses sociales.
Avec un RSA conditionné à une quinzaine d'heures de travail, nous allons créer des travailleurs parmi les plus précaires d'Europe. Les allocataires ne se complaisent pas dans la pauvreté. Vos mesures sont désincitatives !
Le HCFP le dit : l'impact de vos réformes paraît nettement surestimé. Toutes les réformes comparables ont demandé du temps pour produire des effets durables. Vous voulez satisfaire Bruxelles et les marchés financiers sur le dos des travailleurs français. C'est aux antipodes de nos valeurs.
Je vous propose d'écouter une autre proposition de la Commission européenne : taxer les superprofits. Mais là, vous opposez une fin de non-recevoir...
Ce n'est pas un programme de stabilité, mais le programme d'un gouvernement des droites.
M. Roger Karoutchi. - Si c'était vrai...
M. Pascal Savoldelli. - Nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER et du GEST)
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le Gouvernement nous présente le programme de stabilité pour 2022-2027 avec trois mois de retard, ce qui est d'autant plus dommageable que nous aurions pu en discuter au moment de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne.
Le Parlement doit l'évaluer et le contrôler, mais ce document essentiel est examiné à la hâte, alors qu'il établit la trajectoire des finances publiques pour tout le quinquennat.
Nous doutons de la fiabilité de vos prévisions. Vous tablez sur un doublement de la croissance, de 1,25 à 2,5 %, alors que la Commission européenne mise sur 1 %.
Ces prévisions, selon vous, résulteraient des réformes engagées - celles des retraites et de l'assurance-chômage - , mais nous savons que les effets auront lieu à moyen terme, et leur calendrier n'est d'ailleurs pas fixé.
La pression fiscale ne diminuera pas, contrairement à ce que vous voulez faire croire. Le taux de prélèvements obligatoires resterait stable, suivant votre document. Les baisses concédées correspondent à des rétrocessions partielles de recettes fiscales, non à des baisses structurelles d'imposition.
Il faudrait encore baisser les dépenses publiques, qui s'élèvent à 57,3 % du PIB, sauf à faire peser la dette sur les générations futures. L'État dépense trop et mal, au détriment des services publics et d'infrastructures essentielles, comme le transport. (M. Michel Canévet applaudit.)
Comment endiguerez-vous la dérive ? Nous ne trouvons pas réponse, monsieur le ministre. Une réduction de 8 milliards d'euros par an est attendue à partir de 2024. Mais à quoi cela correspond-il ?
Au Sénat, nous sommes particulièrement vigilants sur les collectivités territoriales. Vous évoquez une baisse de 0,5 % de leurs dépenses de fonctionnement. Or M. Macron annonçait un effort de 10 milliards d'euros sur cinq ans. Le flou règne.
Les contrats de Cahors seront-ils ressuscités ? Le groupe UC a insisté sur ce point au long du PLFR. Il s'est également inquiété de la trajectoire de la dette. (M. Michel Canévet renchérit.) En 2027, nous devrions être le seul pays de la zone euro à enregistrer 3 % de déficit.
Vos hypothèses sont dangereusement optimistes : il n'y a pas d'argent magique, et les générations futures devront payer.
Il est urgent de fixer collectivement un cap de redressement de nos finances publiques, afin d'éviter la ruine de l'État et des Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Bernard Fialaire . - Proposer chaque année un projet de programme de stabilité, tenir ses promesses ou même s'en approcher est-il vain ? La guerre en Ukraine a réduit à néant les espoirs nés de la sortie de la crise sanitaire. Comment faire de la prévision dans ce contexte ?
Le programme de stabilité 2021-2027 prévoyait un rebond de 4 % en 2022 puis de 2,3 % en 2023. Ce sera 2,5 % cette année et 1,4 % l'année prochaine...
Fin 2021, le principal aléa était la situation sanitaire ; aujourd'hui, c'est la crise sévère de l'énergie et des matières premières, avec son corollaire, une inflation à 5 % qui touche durement ménages et entreprises.
Quelles sont les perspectives pour 2022-2027 ? Monsieur le ministre, vous voulez conserver le cap d'un déficit à 3 % en 2027, par un ajustement de 0,3 point de PIB par an à partir de 2024, et contenir la dette à terme. La Cour des comptes en doute, sans remettre en cause votre double axe de soutien à la croissance et de maîtrise de la dépense publique.
Il convient de revenir à une certaine modération, sans gripper la demande. Le RDSE s'est montré constructif, approuvant le bouclier tarifaire, la revalorisation des pensions de retraite et d'invalidité, des prestations sociales, des minima sociaux, des bourses étudiantes et du point d'indice de la fonction publique.
Mais l'enjeu principal est le retour au plein-emploi. Réforme de France Travail, poursuite de celle de l'apprentissage et hausse du SMIC sont les leviers que vous avez choisis. C'est un signal positif, mais je m'interroge sur vos hypothèses. La croissance potentielle ne sera pas forcément la croissance réalisée.
Les membres du RDSE ne sont pas des ayatollahs de l'orthodoxie budgétaire, qui a montré ses limites en 2007-2008, et dont l'Union européenne s'écarte désormais facilement. Certes, la dette doit redevenir soutenable et il y a un enjeu de crédibilité et d'apaisement des tensions sur nos obligations souveraines.
Contenir l'évolution des dépenses à 0,4 % n'est, pour certains, pas un effort, et la dette devrait rester haute en 2027, à 112,5 % du PIB. Mais comment faire, avec l'investissement immense nécessaire dans l'éducation, la santé, la police, sans parler du défi climatique, dont le poids atteindrait plusieurs dizaines de milliards d'euros par an ?
Je n'oublie pas les collectivités territoriales, qui doivent conserver les moyens de leur action et jouer leur rôle d'amortisseur social en temps de crise. Les élus s'alarment des contraintes que représente une augmentation des dépenses de fonctionnement inférieure de 0,5 % à leur tendance naturelle, alors que l'inflation pèse sur l'investissement.
Au regard de l'équilibre à trouver entre soutien à la croissance et maîtrise des finances publiques, la question de la fiscalité est posée. Monsieur le ministre, vous ne voulez pas augmenter les impôts - c'est louable - mais il faudra a minima travailler sur les niches fiscales. Un impôt juste et ciblé est mieux accepté. Si la France apparaît comme le mauvais élève de l'Union européenne en matière de prélèvements obligatoires, rappelons que les États membres se livrent toujours à une concurrence fiscale dont la France ne sort pas gagnante. Les particuliers vont en Belgique pour échapper à l'ISF ; les sociétés, en Irlande pour échapper à notre impôt sur les sociétés. Il faut mieux coordonner les politiques budgétaires, et peut-être élargir la règle de la majorité qualifiée aux décisions fiscales - voyez le veto hongrois sur la taxation internationale des entreprises.
Les prochains mois seront difficiles pour certains pays, dont l'Italie, et les écarts de taux d'intérêt risquent de déstabiliser l'Union. Le projet de programme de stabilité est une boussole, mais toutes les boussoles n'indiquent pas la même direction. Resserrer les rangs entre États membres est fondamental. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Alain Richard applaudit également.)
Mme Nadine Bellurot . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est avec des finances publiques parmi les plus dégradées de la zone euro que nous abordons ce quinquennat : un déficit public deux fois supérieur à celui de 2017 et une dette publique qui a progressé de 17 % en cinq ans. Nous sommes à la cote d'alerte, ce qui confirme notre diagnostic d'il y a quelques mois, que vous contestiez alors.
Il faut être lucide sur les effets de l'inflation et de la hausse des taux d'intérêt : la trajectoire de réduction de la dette, c'est dix ou quinze ans et non cinq ans. Monsieur le ministre, soyez prudent quant aux prévisions qui fondent votre vision stratégique. Le cycle inflationniste, lui non plus, ne s'éteindra pas dans quatre ans.
Il faudra dépenser bien et utilement, d'abord en soutenant l'investissement public local, appui indispensable à notre économie.
Le projet de programme de stabilité manque de cohérence à cet égard, puisque, à l'instar des contrats de Cahors, il encadre encore les dépenses des collectivités territoriales. En valeur, malgré l'encadrement demandé, elles devraient augmenter de 24 milliards d'euros sur le quinquennat. L'effort demandé sur les dépenses de fonctionnement atteint 15 milliards d'euros sur les cinq prochaines années. L'encadrement de l'autofinancement et de l'évolution des recettes réduira l'offre de services à la population. C'est un risque pour le pouvoir d'achat.
L'encadrement des dépenses de fonctionnement est contradictoire dans un contexte de relance. En 2021, les soldes d'exécution des collectivités territoriales étaient proches de zéro ; pourquoi les pénaliser encore, au risque de reproduire les erreurs de 2014 ? La baisse des dotations a coûté 46 milliards d'euros aux collectivités territoriales, sans effet sur le déficit de l'État, qui est reparti à la hausse. (Mme Sophie Primas le confirme.)
Tout ne doit pas reposer sur les collectivités territoriales ; elles ont au contraire besoin d'une revalorisation de leurs recettes pour assurer les services essentiels. Il faut notamment indexer la DGF sur l'inflation, sans quoi elle sera amputée chaque année d'un milliard d'euros.
Il faut reconstruire une relation financière basée sur la confiance entre l'État et les collectivités territoriales. Nous y sommes prêts. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Alain Duffourg . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le projet de programme de stabilité est marqué par les conséquences de la guerre en Ukraine, les tensions inflationnistes, le Ségur de la santé et les mesures d'urgence liées à la crise sanitaire.
Les administrations de la sécurité sociale - qui représentent la moitié de la dépense publique - devront participer à la modération budgétaire. Les finances sociales ont supporté la crise sanitaire et des exonérations qui ont grevé son budget. La perspective d'apurement de la dette sociale est définitivement évacuée, sa reprise par la Cades atteignant 136 milliards d'euros en 2020.
En 2022, le HCFP juge imprécises les promesses de réforme du projet de programme de stabilité. La santé est la priorité des Français, or la situation des hôpitaux et des urgences est insupportable. L'accès aux soins est difficile pour nombre de nos concitoyens.
La voie sera étroite pour financer les solutions attendues, et faire plus avec autant.
Le groupe UC a des propositions à cet égard. La Cour des comptes, dans son rapport de certification des comptes de la sécurité sociale, souligne les erreurs commises sur les finances sociales : rien que sur la branche maladie, les Français paieraient 2,7 milliards d'euros de leur poche. L'OCDE estime que 20 % des dépenses de santé ne seraient pas justifiées - césariennes, imagerie médicale non justifiée, surprescriptions d'antibiotique, etc. Mme Goulet a souligné l'importance de la fraude. La cartographie des risques n'exonère pas de définir les actions correctrices.
Enfin, l'Ondam a permis de juguler la dette sociale, mais l'état des lieux de l'hôpital et de la médecine de ville interroge la pertinence de cet outil propre à la France.
Les établissements publics de santé ne sauraient se voir imposer le principe de rentabilité, antinomique du principe de service public. Le maintien d'un service de proximité ne peut être envisagé uniquement sous l'angle budgétaire.
Monsieur le ministre, vous avez dressé un tableau idyllique de notre situation financière. Or la dette publique représente 111,5 % du PIB, le chômage est à 7,3 %, et la France est championne du monde des prélèvements obligatoires, à 46 % du PIB.
Nous vous donnons rendez-vous à l'automne, en attendant des propositions concrètes pour une trajectoire vertueuse de nos finances sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Frédérique Puissat. - Bravo.
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics . - Le projet de loi de programmation des finances publiques, monsieur Mouiller, sera présenté en septembre.
Nous transmettons à la Commission européenne le programme de stabilité avec retard ; c'est déjà arrivé, cela arrivera encore. Nous avons choisi de le préparer après les échéances électorales, par respect du choix des Français. Ceux qui nous reprochent de l'avoir fait trop tard nous auraient reproché de le faire avant une échéance démocratique majeure...
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Vous pressentiez la majorité relative !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - C'est une preuve de respect de la représentation nationale que d'avoir attendu. (On ironise sur plusieurs travées.)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. - Que c'est beau !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il fallait oser !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Nous avons dû tenir compte de la situation internationale : le monde a changé. Si notre projet de programme de stabilité arrive après celui des autres, il est sans doute plus juste, prenant en compte un contexte dégradé depuis avril.
L'exercice de la prévision, toujours difficile, a été rendu encore plus ardu par les aléas de la situation sanitaire et de la guerre en Ukraine. Cependant, nos chiffres, basés sur les travaux de la direction générale du Trésor, sont solides et crédibles. Le HCFP en doute, notamment vis-à-vis des chiffres de croissance que nous présentons. Mais le lendemain de la publication de son avis, l'Insee a confirmé que nous avions atteint les 2,5 % de croissance avant même la fin de l'année.
Quand, en 2017, Emmanuel Macron déclarait viser 7 % de chômage en 2022, beaucoup ont douté; or nous y sommes. (Mme Sophie Primas ironise.) Et cela, grâce au 1,2 million d'emplois créés sous le précédent quinquennat. C'est précisément ce qu'il faut faire pour arriver au plein emploi. Voilà pourquoi nous poursuivrons les réformes ; et puisque plusieurs d'entre vous y appellent, nous comptons sur votre soutien quand nous présenterons la réforme des retraites, de l'assurance chômage, de l'apprentissage, de la formation professionnelle.
Mme Sophie Primas et M. Roger Karoutchi. - Cela dépendra de la réforme !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - L'activité économique et l'emploi sont au coeur de notre stratégie de maîtrise des comptes. Notre prévision de 1,4 % de croissance pour 2023 est aussi celle de la Commission européenne. M. Joly remet en question la prévision de 1,8 % pour 2027, or l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), proche de la gauche, a présenté une estimation supérieure, à 1,9 %.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - La gauche serait-elle la seule à avoir raison ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. - Nous sommes absolument déterminés à tenir nos comptes. Nous allons maîtriser la dépense.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Enfin !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Certains dénoncent du sang et des larmes, d'autres disent qu'il n'y a rien du tout : j'en déduis que ce que nous prévoyons est équilibré. Je dis au rapporteur général que la dépense publique baissera de 1,3 % en volume en 2023.
Autre certitude, la maîtrise de la dépense ne se fera pas au rabot. Nous faisons des choix politiques : continuer à investir pour la santé d'abord - seul secteur à voir ses dépenses augmenter en volume. Le budget de l'hôpital public est passé de 79 à 95 milliards d'euros en cinq ans. Le salaire des enseignants sera aussi augmenté de 10 % : le budget de l'éducation nationale est celui qui progressera le plus en 2023.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cela avait déjà été promis par Édouard Philippe en son temps.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. - Nous poursuivrons la loi de programmation militaire, en passant la marche des 3 milliards d'euros l'an prochain.
Certains ont opposé la tenue de nos comptes à la lutte contre le réchauffement climatique (M. Michel Canévet le confirme) - une députée a dit : « entre les 3 % et les 3 °C, il faut choisir ». C'est le contraire. La dette nous prive de marges de manoeuvre : une charge de la dette de 17 milliards d'euros, c'est deux fois le budget de la justice.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous vous avions prévenus.
M. Vincent Segouin. - Merci de le reconnaître !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Tenir nos comptes, c'est continuer à pouvoir faire des choix politiques au service des Français. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre Louault applaudit également.)
La séance est suspendue quelques instants.
présidence de M. Alain Richard, vice-président
Mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville et Mme Élisabeth Doineau applaudissent également.) Un texte sur le pouvoir d'achat appelle à l'humilité et au sens des responsabilités. Les Français attendent des réponses ciblées et immédiates à leurs préoccupations du quotidien.
Nous avons veillé à suivre cette boussole, étant entendu que la protection du niveau de vie dépend certes de l'État et des collectivités territoriales, mais surtout des entreprises et des ménages eux-mêmes. Même s'il a validé la revalorisation anticipée de diverses prestations sociales au 1er juillet, le Sénat, attentif à l'équilibre financier, a marqué la fin du « quoi qu'il en coûte ».
La CMP a établi un texte commun à partir de deux copies assez différentes. Des apports importants du Sénat ont été retenus, avec l'article premier bis, qui limite de manière pérenne le surcoût associé aux heures supplémentaires et recentre le dispositif sur les PME. Cela rend effectifs les gains de pouvoir d'achat que les salariés pourront en tirer.
Le déblocage exceptionnel de l'épargne salariale apportera aussi un soutien immédiat aux salariés, tout comme l'accélération de l'extension des accords salariaux en cas de multiples revalorisations du SMIC. Je reste sceptique sur l'incitation à négocier par le biais de la restructuration des branches, que la CMP a réintroduit, mais le compromis est équilibré.
De même, une solution de compromis retient l'essentiel de la rédaction de l'Assemblée nationale sur la prime de partage de la valeur (PPV), tout en intégrant la limitation du fractionnement à un versement par trimestre, comme le souhaitait le Sénat.
Quant au cumul de l'exonération dont bénéficient les jeunes agriculteurs et de la réduction du taux de cotisation maladie-maternité, défendu par Laurent Duplomb, il a été transformé d'un commun accord en droit d'option pour l'un ou l'autre de ces dispositifs.
La limitation à quatre mois du délai donné à l'administration pour l'agrément d'un accord de branche d'intéressement, voulue par le Sénat, a été conservée.
Je me félicite que la rédaction du Sénat ait été retenue sur l'assouplissement temporaire de l'utilisation des titres-restaurants, même si j'entends les inquiétudes du secteur de l'hôtellerie-restauration.
Ce texte n'épuise pas le sujet du pouvoir d'achat. Nous ne savons pas quelles prochaines mesures seront nécessaires et nous savons que les difficultés des plus modestes et des ultramarins ne sont pas toutes résolues. Néanmoins, je vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville, Mme Élisabeth Doineau et M. Alain Duffourg applaudissent également.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Si les délais d'examen du texte ont été courts, le compromis en CMP est satisfaisant. Je me félicite que la commission des affaires économiques du Sénat y ait imprimé sa marque.
Nous maintenons l'équilibre entre l'urgence d'une part et la liberté économique et le droit de propriété d'autre part. Nous avons comblé des angles morts en matière de protection des consommateurs, de régulation des marchés de l'électricité et du gaz, ainsi que de promotion des alternatives aux énergies fossiles.
Le gel du plafond de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) à 120 TWh jusqu'à 2025 et le relèvement de son prix à 49,50 euros/MWh ont été retenus. Nous avons consolidé les pouvoirs de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en matière de stockage.
Nous avons aussi associé les collectivités territoriales à tous les dispositifs pertinents. Enfin, nous avons complété le programme d'investissement des méthaniers flottants.
Les projets de biogaz bénéficieront de solutions de simplification ; les consommateurs d'électricité et de gaz seront mieux informés ; les coupures d'électricité encadrées ; l'impact du bouclier tarifaire sur les collectivités sera évalué.
Plusieurs apports sénatoriaux sont aussi à saluer sur le volet consommation, par exemple la pénalisation des banques qui retardent le remboursement des victimes de fraude.
Ces mesures sont ponctuelles et non structurelles, néanmoins nous vous appelons sans réserve à voter ce texte.
Je salue le travail de nos services et celui des rapporteurs de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique . - (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC) Après trois semaines de débats nourris, nous saluons l'adoption de ce texte de soutien direct au pouvoir d'achat des Français en un temps record, au terme d'un accord en CMP, alors que nous vivons une grave crise énergétique qui pèse pour 60 % de l'inflation actuelle.
Je salue le sens des responsabilités du Parlement. Nous sommes dans une course contre la montre pour sécuriser les approvisionnements en énergie de l'hiver prochain.
Je veux saluer quelques mesures de ce projet de loi.
La réquisition des centrales à gaz en cas de tension a été limitée par le Parlement à quatre ans et précisée. Le projet de terminal méthanier flottant, qui couvre l'équivalent de 60 % de l'apport en gaz russe, est temporaire et encadré pour cinq ans. Le Parlement protège les Français des coupures d'énergie pour impayé, avec une période incompressible d'un mois avant coupure, afin de trouver un accord entre fournisseur et consommateur. Je salue la sécurisation du rehaussement du plafond de l'Arenh : cela protégera les entreprises électro-intensives et les collectivités territoriales. L'État réaffirme le caractère stratégique d'EDF avec le rachat de ses actions.
Sur le pouvoir d'achat des Français, nous avons avancé les revalorisations des prestations sociales, qui s'élèvent à 4 %, en plus des hausses de 1,1 % en janvier et de 1,8 % en avril.
La volonté du Gouvernement est sans ambiguïté : nous n'opposons pas valeur travail et soutien aux plus fragiles. Ainsi, l'article 3 favorise le recours à l'intéressement pour les PME, avec une mise en oeuvre simplifiée. Enfin, les charges des indépendants baisseront de façon pérenne : 550 euros de gain pour les commerçants et les libéraux qui gagnent l'équivalent du SMIC.
Ce texte est un exemple de co-construction : la déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé (AAH) était portée par de nombreux groupes. Elle entrera en vigueur au plus tard le 1er octobre 2023.
Le Parlement a autorisé le déblocage de l'épargne salariale, jusqu'à 10 000 euros, d'ici le 31 décembre.
La pérennité de la PPV est conservée pour les entreprises de plus de cinquante salariés : c'est un signal important. En application du principe « à travail égal, salaire égal », la rémunération des intérimaires ne peut être inférieure à celle d'un salarié permanent. Cela inclut la PPV, versée par l'entreprise de travail temporaire. Celle-ci peut d'ailleurs verser une prime à ses salariés permanents ou mis à disposition.
Par ailleurs, l'article 4 est rétabli. Il permet la restructuration des branches professionnelles dont la rémunération est inférieure au SMIC. Le dialogue social reste le pilier, mais cela offre un levier d'action en cas de blocage et incite les branches à rester mobilisées.
Enfin, les heures supplémentaires bénéficieront d'une nouvelle exonération pérenne pour les entreprises de 20 à 250 salariés. Je salue ce compromis qui allie compétitivité et pouvoir d'achat.
Il y a aussi des avancées dans la protection des consommateurs, avec un bouclier tarifaire sur les premiers postes de dépenses : la hausse des loyers est plafonnée à 3,5 % et les aides personnalisées au logement (APL) revalorisées du même taux. Le Gouvernement se félicite du plafonnement de l'indice des loyers commerciaux à 3,5 % pour les PME, adopté par le Sénat.
Nous rendons le consommateur maître de ses dépenses : c'est l'objet du bouton résiliation. Je salue le travail du rapporteur Gremillet et du sénateur Lemoyne à cet égard. La commercialisation des assurances affinitaires sera aussi encadrée, tout comme certains frais d'incidents bancaires. Enfin, pas de protection sans renforcement des sanctions et du contrôle contre les arnaques, alors que le préjudice estimé des fraudes au compte personnel de formation (CPF) avoisine les 27 millions d'euros. Agissons rapidement sur ces sujets. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Discussion du texte élaboré par la CMP
M. le président. - En application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la CMP, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement. En conséquence, le vote sur les amendements et sur les articles est réservé.
ARTICLE PREMIER BIS
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Nous levons le gage pour la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avis favorable.
ARTICLE 2
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Nous levons le gage pour le cumul de l'exonération partielle de cotisations pour les jeunes agriculteurs et de la réduction des cotisations.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avis favorable.
ARTICLE 3 BIS
M. le président. - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.
Alinéas 12 et 13
Supprimer ces alinéas.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Nous levons le gage pour le déblocage anticipé de l'épargne salariale.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avis favorable.
Explications de vote
Mme Annie Le Houerou . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les premiers de corvée sont frappés de plein fouet par l'inflation. Ce texte était un espoir pour eux. Vous disiez vouloir revaloriser le travail. Or tout travail mérite salaire : c'est le contrat social entre l'employeur et le salarié, et le droit du travail est garant d'une juste rémunération qui assure de pouvoir de vivre décemment.
C'est pourquoi nous avons défendu la revalorisation du SMIC et une conférence sur les salaires. Comme nous nous y attendions, vous avez ignoré la question salariale. Les quelques revalorisations votées, pour les prestations familiales, les minima sociaux, la retraite de base, les APL, le point d'indice, sont rattrapées par l'inflation.
La collusion entre le Gouvernement et la droite sénatoriale pour mettre en oeuvre une politique libérale ne fait pas de doute.
En choisissant la prime au détriment du salaire, vous déconstruisez le statut de salarié. Elle est à la discrétion de l'employeur : seuls 10 % des salariés sont concernés, son montant moyen est de 550 euros. Augmenter le plafond est un leurre. Désocialisée et défiscalisée, cette prime va à l'encontre du modèle social que nous défendons et affaiblit notre protection sociale.
La monétisation des RTT enfonce un coin dans les 35 heures.
La CMP a néanmoins adopté quelques dispositions utiles pour protéger les consommateurs d'énergie et accélérer les projets de biogaz, mais elle témoigne du manque d'ambition du Gouvernement en la matière. Le relèvement du plafond de l'Arenh fragilise encore EDF, alors que ses concurrents font des superprofits sans être mis à contribution.
M. Jean-Pierre Sueur. - Absolument !
Mme Annie Le Houerou. - Une réforme du marché européen de l'énergie s'impose.
Principale avancée de ce texte, la déconjugalisation de l'AAH met fin à une injustice. Elle avait déjà été votée au Sénat, avant d'être rejetée à l'Assemblée nationale. Que de temps perdu !
Nous regrettons que nos propositions sur le SMIC, sur les salaires, sur l'indexation des prestations sociales sur l'inflation ou encore sur le RSA jeune aient été balayées d'un revers de main.
Avec la complicité de la majorité sénatoriale...
M. Roger Karoutchi. - On n'a rien fait !
Mme Annie Le Houerou. - ... le Gouvernement ne propose que des mesures de court terme qui ne répondent pas à l'urgence sociale. En responsabilité, le groupe SER ne votera pas ce texte et s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
M. Xavier Iacovelli . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Face à la hausse des prix, le Gouvernement a proposé des mesures concrètes et rapides. Ces avancées sont nécessaires.
Je pense au triplement de la PPV jusqu'à 3 000 euros par an, et 6 000 euros pour les entreprises qui ont créé un dispositif d'intéressement. Notre amendement qui avançait d'un mois l'entrée en vigueur de l'article premier a été conservé ; en effet, certaines entreprises avaient versé la prime dès le mois de juillet. Son versement pourra être fractionné, pour mieux s'adapter à la conjoncture.
Je pense à la baisse des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants et leurs conjoints collaborateurs, ainsi qu'au plafonnement de la hausse des loyers commerciaux.
L'utilisation des titres-restaurant est assouplie : jusqu'en 2023, ils pourront être utilisés en magasin.
Les plus fragiles bénéficieront de la revalorisation anticipée des retraites, du minimum vieillesse, de l'AAH, de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Idem pour la revalorisation du RSA malgré la tentative de la droite sénatoriale de la baisser. Aucun Français ne peut se satisfaire de 575 euros par mois. Les allocataires du RSA ne sont ni fainéants ni profiteurs ! Je me réjouis que la sagesse l'ait emporté, en espérant qu'il en ira de même sur le PLFR...
Notre ambition est que chacun puisse trouver un emploi stable et une protection adéquate afin de vivre dignement.
Je pense également au plafonnement des hausses de loyers, à la résiliation facilitée des contrats en ligne, à la lutte contre les arnaques.
Je pense enfin à la déconjugalisation de l'AAH, engagement du Président de la République durant la campagne électorale. (On ironise à droite.)
Mme Sophie Primas. - Magnifique ! Plus c'est gros, plus ça passe !
M. Xavier Iacovelli. - Cela représente un gain de pouvoir d'achat pour 160 000 personnes. Un dispositif transitoire a été trouvé pour les 45 000 foyers qui auraient été perdants sinon.
Mme Sophie Primas. - Cela ne vous embêtait pas l'année dernière !
M. Xavier Iacovelli. - Je salue l'action de tous les groupes - et tout particulièrement de Philippe Mouiller - pour une société plus inclusive.
L'esprit de compromis a guidé nos débats. L'accord en CMP démontre le sens des responsabilités du Parlement. Oui, 20 milliards d'euros en faveur des minima sociaux, c'est un soutien au pouvoir d'achat : je regrette que le groupe SER ne le comprenne pas. Comme le disait Jean-Baptiste Lemoyne, « dans les périodes de crise, l'inédit commande... » Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Franck Menonville . - Selon l'Insee, le pouvoir d'achat des Français devrait reculer de 1 % en 2022, plombé par une inflation de 6 %. Les prix de l'énergie ont augmenté de 70 % depuis novembre 2021.
Ce projet de loi très attendu mobilise 20 milliards d'euros pour soutenir le pouvoir d'achat. Il a fait l'objet d'un compromis en CMP, où de nombreux apports du Sénat ont été conservés.
Il fallait renforcer notre souveraineté énergétique. Les terminaux méthaniers nous permettront de traiter le gaz naturel liquéfié (GNL). Nous nous apprêtons hélas à relancer nos centrales à charbon car le parc nucléaire a trop longtemps été délaissé. (M. Laurent Burgoa renchérit.)
Nos concitoyens ont besoin de davantage de protection dans leurs contrats de consommation et dans leurs rapports avec les banques. Citons le remboursement accéléré des fraudes bancaires, le remboursement automatique des frais d'incident multiples, l'exonération des frais de résiliation en ligne, entre autres.
Mais la véritable solution à la crise passe par la valorisation du travail, alors que les entreprises peinent à recruter. Le travail doit payer : voilà le vrai levier pour soutenir le pouvoir d'achat.
Quatre mesures me semblent essentielles : la PPV dont le versement est avancé et pourra être fractionné ; la réduction des cotisations patronales sur les heures supplémentaires dans les entreprises de 20 à 250 salariés - même si j'aurais souhaité aller plus loin ; la facilitation de l'intéressement dans les petites entreprises, avec le déblocage anticipé de l'épargne salariale prévu par le Sénat ; enfin, la déconjugalisation de l'AAH, qui nous mobilise depuis longtemps, et la revalorisation des minima sociaux. Les dépenses pour les collectivités territoriales seront compensées.
Nous considérons que la santé financière de nos collectivités territoriales est un gage de réussite pour chaque citoyen, et serons donc très attentifs aux hausses de charges qui entraveraient leur capacité d'investissement. Les mesures votées par le Sénat dans le PLFR vont dans ce sens.
Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Ce texte est une bonne nouvelle pour nos concitoyens, mais le défi reste immense et l'avenir est incertain. Il faudra être au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et du RDPI)
M. Philippe Mouiller . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le texte élaboré en CMP montre que nos deux assemblées sont capables, lorsqu'elles sont écoutées et respectées, d'enrichir les projets de l'exécutif.
Ni chambre d'enregistrement ni assemblée de blocage, le Sénat a trouvé des solutions pour soutenir le pouvoir d'achat des Français dans les domaines sociaux, économiques et énergétiques.
Nous avons rappelé que c'est d'abord et surtout le travail qui améliore le pouvoir d'achat des Français, et que tout doit être fait pour l'encourager. Mais aussi que notre politique énergétique ne peut être abordée en pièces détachées, sur un coin de table : il nous faut un vrai débat, comme l'a dit le président Retailleau.
Enfin, nous devons soutenir les ménages modestes avec des dispositifs ciblés et rapides à mettre en oeuvre.
Ce texte, marqué par nos travaux - et je salue nos rapporteurs - fera bénéficier les Français d'une PPV pérennisée, d'un recours facilité aux heures supplémentaires, d'un déblocage anticipé de la participation et de l'intéressement à hauteur de 10 000 euros. Nous pouvons en être fiers.
Grâce au Sénat, les plus modestes pourront bénéficier d'une réduction de puissance plutôt que d'une coupure sèche de courant.
L'AAH sera enfin déconjugalisée - mais que de temps perdu ! C'est une avancée majeure, que je portais depuis longtemps. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)
Le Sénat a obtenu des avancées sur le volet énergie. Avec la hausse du prix de vente de l'électricité nucléaire d'EDF et le gel de l'Arenh, nous disons au Gouvernement que la situation n'est plus tenable et qu'une réforme s'impose.
Développement des terminaux méthaniers, accélération de la stratégie nationale pour le biogaz, dispositif innovant d'économies d'énergies rémunérées et volontaires pour les particuliers - ces mesures sont utiles mais ne remplaceront pas une stratégie de long terme.
Les acquis du Sénat sont nombreux et inédits sur un tel texte. Souhaitons qu'il en aille de même pour le PLFR.
Le groupe Les Républicains votera avec satisfaction le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Raymonde Poncet Monge . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) Face à la hausse des prix qui heurte violemment les plus modestes, il était urgent d'agir. L'inflation atteint des niveaux record, et frappe les ménages de façon inégale : les ménages ruraux sont plus pénalisés que ceux de l'agglomération parisienne, les plus pauvres subissent une inflation supérieure de 10 % aux plus aisés.
L'OFCE chiffre la baisse de pouvoir d'achat à 1 % en 2022, du jamais vu depuis 2013. Et ce, alors que le revenu brut arbitrable n'a évolué que de 1,5 % en dix ans... Le pouvoir de vivre est en berne, alors même que les taux de marge des entreprises sont au plus haut depuis 1949. L'augmentation des profits alimente celle des prix. Les mouvements spéculatifs aggravent les difficultés d'approvisionnement énergétique, mais vous refusez de taxer les superprofits !
Ce projet de loi ne propose que des mesures temporaires, qui ne profiteront qu'à une minorité. La PPV se substituera à des hausses de salaire. Inégalement répartie - 17 % des entreprises de moins de 50 salariés l'ont versée, 58 % de celles de plus de 1 000 salariés - plus largement distribuée aux hauts salaires, cette prime ne permettra pas d'aider les plus pauvres, dont il faut augmenter les salaires.
Le SMIC à 1 500 euros...
M. Laurent Burgoa. - On y revient !
Mme Raymonde Poncet Monge. - ...était pourtant possible, en taxant les surprofits des grandes entreprises.
Au lieu de quoi, la multiplication des primes désocialisées et défiscalisées creuse le déficit public ; le Sénat en rajoute en élargissant les exonérations aux heures supplémentaires.
Certes, le Gouvernement compense - mais demain, au prétexte de rééquilibrer les comptes, il poussera ses réformes austéritaires et antisociales, en poursuivant ses cadeaux aux plus riches. Ce projet de loi est un jeu de bonneteau !
La revalorisation des minima sociaux a été sauvée de justesse de la droite sénatoriale qui s'attaque régulièrement aux plus exclus d'une société toujours plus inégalitaire.
M. Laurent Burgoa. - N'importe quoi. Toujours la même rengaine...
Mme Raymonde Poncet Monge. - Saluons toutefois la déconjugalisation de l'AAH, obtenue au forceps après des années de lutte.
Constatant que ce texte manque sa cible de protéger les plus vulnérables, le GEST votera contre. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa, M. Joël Bigot et M. Yan Chantrel applaudissent également.)
Mme Cathy Apourceau-Poly . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Sans surprise, les députés de la majorité gouvernementale et la droite sénatoriale se sont mis d'accord. Nous avons assisté aux fiançailles, félicitons les mariés qui se sont dit oui ! (Applaudissements à gauche ; soupirs excédés à droite)
Le panier de la mariée est pourtant bien vide. Le Gouvernement ne prévoit que des mesures insuffisantes : les prestations sociales et le point d'indice ne sont revalorisés que de 4 %, les retraites de base de 1,1 %, quand l'inflation atteint 6 %. Il ne s'agit que d'un rattrapage partiel de la perte de pouvoir d'achat.
Le Gouvernement préfère verser des primes temporaires plutôt que d'inciter les patrons à augmenter les salaires. Il donne d'une main aux salariés ce qu'il leur prend de l'autre avec la désocialisation.
Le Sénat a aggravé le texte en ajoutant la défiscalisation des heures supplémentaires. Avec le Gouvernement, nos concitoyens perdaient 2 % de pouvoir d'achat en 2022 ; avec la droite sénatoriale, ils devront travailler davantage pour gagner autant qu'en 2021.
Si l'on demande des efforts aux salariés, les entreprises et les plus riches ne paieront pas un euro supplémentaire. Le refus de taxer les superprofits est éloquent. La sécurité sociale et l'État sont privés de millions d'euros de recettes, et nos territoires en subiront les conséquences. Le désengagement de l'État sur les collectivités territoriales, ça suffit ! Stop aux politiques d'austérité et aux logiques libérales mortifères.
Nous pensons qu'une autre politique est possible. Nous proposons ainsi de bloquer temporairement les prix, d'appliquer un coefficient multiplicateur sur les produits alimentaires pour tenir compte du prix de vente des produits agricoles, de revaloriser le SMIC à 1 500 euros, le point d'indice des fonctionnaires à 10 % et de convoquer une conférence générale sur les salaires. (Exclamations à droite)
M. Laurent Burgoa. - Qui paye ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. - J'ai bien compris que cela vous déplaisait !
Pour les retraités, nous voulons indexer les pensions, supprimer la hausse de CSG de 2018, revaloriser l'ASPA. Pour les jeunes, nous voulons une garantie autonomie pour les 18-25 ans. Pour les collectivités territoriales, un bouclier énergie et la compensation de la hausse du point d'indice des fonctionnaires territoriaux.
Ces mesures sont possibles, si l'on taxe les superprofits des entreprises gazières et pétrolières (applaudissements sur les travées du groupe CRCE, du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; exclamations ironiques à droite), si l'on rétablit l'ISF et les cotisations du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui amputent le budget de l'État de 20 milliards d'euros par an !
Le Gouvernement et la droite tapent sur les plus fragiles et refusent de faire contribuer les plus riches. Le groupe CRCE votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST ; Mme Éliane Assassi tance les sénateurs de droite qui se gaussent.)
Mme Élisabeth Doineau . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue le compromis obtenu entre nos deux chambres et remercie nos rapporteurs, dont le travail a été fructueux.
Nous connaissons la plus forte inflation depuis 1985. Saluons la réaction rapide du Gouvernement, même si peu de mesures de ce projet de loi auront un impact direct sur le pouvoir d'achat des Français. Mais l'intitulé du texte est clair : protéger, et non améliorer.
L'article 5 aura un effet direct : la revalorisation de 4 % des prestations et allocations sociales, pour un coût de 4,6 milliards d'euros pour la sécurité sociale, et de 2 milliards pour l'État et les collectivités.
Sur l'article premier, la CMP a limité le nombre de versements de la PPV à quatre et en a avancé le versement au 1er juillet. Le plafond de la prime est triplé et le dispositif pérennisé. La PPV ne doit toutefois se substituer ni à l'intéressement ni à une part de salaire : nous serons vigilants sur ce point.
Sur l'article 4, un désaccord existait ; nous prenons acte de sa réintroduction en CMP.
La déconjugalisation de l'AAH est une grande satisfaction. Je salue la détermination des associations et des parlementaires qui se sont mobilisés depuis longtemps.
Sur le volet énergétique, le texte protège les Français en nous préparant à l'hiver afin de limiter la hausse des prix de l'énergie.
Nous nous félicitons du plafonnement de la hausse des loyers pour les particuliers, de la modulation à 2,5 % dans les outre-mer et à 1,5 % en Corse. Nous regrettons toutefois que notre amendement qui étendait ce taux de 1,5 % aux 17 000 communes en zone de revitalisation rurale (ZRR) n'ait pas été retenu. Gare à l'explosion du coût de la vie en milieu rural...
Sur le plafonnement des loyers commerciaux à 3,5 %, issu d'un amendement du RDPI, nous partageons l'objectif, sinon la rédaction, et saluons son adoption.
M. Xavier Iacovelli. - Merci.
Mme Élisabeth Doineau. - En matière de souveraineté énergétique, nous progressons, mais la question de l'indépendance reste entière...
Nous voterons pour ce texte, en regrettant les délais d'examen restreints qui nous ont été imposés. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI, et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Nathalie Delattre . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) À la suite de ce marathon législatif estival, je me réjouis de l'accord trouvé en CMP sur ce texte.
Les débats au Sénat ont été riches, malgré des délais trop courts.
Je me félicite que notre amendement limitant à 3,5 % la hausse de l'indice des loyers commerciaux ait été maintenu en CMP.
La revalorisation anticipée de 4 % des prestations sociales, les modalités d'attribution de la PPV, le vote conforme sur la déconjugalisation de l'AAH ou encore le déblocage de l'épargne salariale sont des avancées.
Un compromis a été trouvé à l'article 2 pour les jeunes agriculteurs, qui pourront opter entre exonération partielle et réduction de cotisations. Cette souplesse préservera leur pouvoir d'achat face aux crises qui se succèdent.
Je me réjouis des mesures en faveur de l'intéressement, défendues ici par Jean-Marc Gabouty lors de la loi Pacte de 2019.
La CMP a retenu une position d'équilibre sur la réutilisation des huiles alimentaires usagées. Je salue aussi les mesures de protection des consommateurs face aux pratiques commerciales abusives et sur la résiliation d'abonnement.
Enfin, un volet porte sur la protection de notre souveraineté énergétique. Retenons que la France sera mieux armée pour affronter les tensions sur l'approvisionnement énergétique l'hiver prochain. L'urgence, toutefois, ne dispense pas d'une politique énergétique de long terme.
Quelques regrets : mes propositions élargissant la PPV aux stagiaires ou aux personnes en insertion ont été refusées ; d'autres, sur le fléchage de l'allocation de rentrée scolaire, ont été déclarées irrecevables. Plusieurs d'entre nous souhaitaient également une augmentation du salaire net des plus précaires qui travaillent.
Malgré ces réserves, les membres du RDSE voteront le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Martin Lévrier et Marc Laménie applaudissent également.)
À la demande du groupe Les Républicains, l'ensemble du texte est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°152 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 272 |
Pour l'adoption | 245 |
Contre | 27 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Prochaine séance demain, jeudi 4 août 2022, à 17 heures.
La séance est levée à 18 h 35.
Mercredi 3 août 2022 |
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Bas sommaire |
Sommaire
Mises au point au sujet de votes1
Avis sur une nomination1
Fonction publique des communes de Polynésie française (Conclusions de la CMP)1
M. Mathieu Darnaud, rapporteur pour le Sénat de la CMP1
M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer1
M. Jean-Pierre Sueur2
M. Jean-Yves Roux2
M. Teva Rohfritsch2
M. Dany Wattebled2
Mme Marie Mercier2
M. Guy Benarroche2
Mme Éliane Assassi2
Mme Lana Tetuanui2
Mises au point au sujet de votes2
Déclaration du Gouvernement, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur le projet de programme de stabilité pour 2022-20272
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics2
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances2
M. Claude Raynal, président de la commission des finances2
M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales2
M. Patrice Joly2
M. Teva Rohfritsch2
Mme Vanina Paoli-Gagin2
Mme Christine Lavarde2
M. Guy Benarroche2
M. Pascal Savoldelli2
M. Jean-Michel Arnaud2
M. Bernard Fialaire2
Mme Nadine Bellurot2
M. Alain Duffourg2
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics2
Mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (Conclusions de la CMP)2
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat de la CMP2
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour le Sénat de la CMP2
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique2
Discussion du texte élaboré par la CMP2
ARTICLE PREMIER BIS2
ARTICLE 22
ARTICLE 3 BIS2
Explications de vote2
Mme Annie Le Houerou2
M. Xavier Iacovelli2
M. Franck Menonville2
M. Philippe Mouiller2
Mme Raymonde Poncet Monge2
Mme Cathy Apourceau-Poly2
Mme Élisabeth Doineau2
Mme Nathalie Delattre2
Ordre du jour du jeudi 4 août 20222
SÉANCE
du mercredi 3 août 2022
13e séance de la session extraordinaire 2021-2022
présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
Secrétaires : Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Mises au point au sujet de votes
M. Olivier Rietmann. - Lors du scrutin n°151, Mme Sylvie Goy-Chavent et M. Michel Savin voulaient s'abstenir et M. Cédric Perrin voter pour.
M. Claude Kern. - Mmes Nathalie Goulet, Lana Tetuanui, Françoise Gatel, MM. Yves Détraigne et Pierre-Antoine Levi souhaitaient, pour le scrutin n°150, voter contre et non pour. Mme Catherine Morin-Desailly et M. Laurent Lafon, pour le scrutin n°151 sur l'ensemble du PLFR, voulaient voter contre.
Mme la présidente. - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique du scrutin.
Avis sur une nomination
Mme la présidente. - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis défavorable (13 voix pour, 20 voix contre) à la nomination de Mme Emmanuelle Wargon à la présidence du collège de la commission de régulation de l'énergie. (M. François Patriat applaudit.)
Fonction publique des communes de Polynésie française (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 8 décembre 2021 étendant et adaptant à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'ordonnance du 8 décembre 2021 était très attendue par les 4 700 agents et la Polynésie française. Je regrette un certain manque d'engouement du Gouvernement : ce projet d'ordonnance avait été retiré après son inscription à l'ordre du jour en février dernier, et seule notre obstination a permis son examen.
L'aboutissement de la CMP est positif : nous avons tendu vers le droit commun sans négliger les singularités du territoire. Le Sénat a enrichi le texte, notamment avec l'aménagement des concours pour les personnes en situation de handicap, la prise en compte de l'importance du télétravail, l'élargissement des compétences des comités techniques paritaires (CTP) ou encore la préservation de celles des commissions administratives paritaires (CAP) pour les quatre années à venir.
Les agents de la Polynésie française pourront ainsi exercer leurs missions dans de meilleures conditions.
Une espérance pour conclure : nous avons voulu faire oeuvre utile, sans obtenir gain de cause, en prévoyant le versement de l'indemnité de départ aux fonctionnaires communaux. Le Conseil supérieur de la fonction publique (CSFP) pourra sans doute se saisir du sujet.
Quant aux dispositions sur les mobilités vers d'autres collectivités, elles ont été retirées à l'Assemblée nationale, le Gouvernement ayant indiqué que le sujet serait prochainement traité par voie réglementaire.
Monsieur le ministre, souhaitons que cette ordonnance apporte les conditions requises pour que les 4 700 agents de Polynésie française puissent servir au mieux leur beau territoire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; MM. Teva Rohfritsch et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer . - J'ai une pensée pour Monseigneur Hubert Coppenrath, personnalité bien connue en Polynésie, qui est décédé ce week-end.
Nous débattons une dernière fois de ce texte, certes tardivement, mais les dispositions de l'ordonnance non modifiées s'appliquaient jusque-là.
À l'issue de débats approfondis et d'un important travail de co-construction législative, le texte renforce l'attractivité de la fonction publique communale de Polynésie et stabilise le statut des agents communaux.
Il s'agissait d'intégrer des avancées votées pour l'ensemble de la fonction publique depuis 2011, sur l'accès à la fonction publique des communes, le renforcement des droits des fonctionnaires ou la modernisation des instances du dialogue social. Le texte répond ainsi à de fortes attentes locales, si j'en crois les élus polynésiens.
Je salue l'implication de votre assemblée, particulièrement de votre rapporteur, M. Mathieu Darnaud, et je remercie Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch, qui ont oeuvré pour l'aboutissement de ces dispositifs. À travers eux, j'adresse un salut cordial aux élus polynésiens et au président Fritch.
Des règles dérogatoires demeurent, notamment sur les CAP : c'est l'un des apports de la CMP, qui a su trouver une approche originale.
Vous avez eu ici la preuve que le Gouvernement sait rester à l'écoute du Parlement dans un esprit constructif.
Lors d'un déplacement à Tahiti, le Président de la République a rappelé le pacte unique, intime et sensible qui nous lie à la Polynésie française. Répondre aux besoins spécifiques des territoires, telle est la condition sine qua non pour faire rayonner les outre-mer à la hauteur des ambitions de la France. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Pierre Sueur . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il est heureux que ce texte aboutisse. Je salue Lana Tetuanui car le sujet lui tient particulièrement à coeur.
Il est heureux que la commission des lois ait demandé le retour de ce texte, alors qu'il avait disparu. Rappelons-nous, en effet, le mouvement social de 2017. Les discussions d'alors devaient se traduire par une loi.
Dès la première lecture, j'avais insisté sur le sujet de la laïcité : le mot figure dans le texte, et c'est bien ainsi. Sa suppression eût été incompréhensible dès lors que le principe s'applique à toute la République, dans le respect des convictions de chacun. Il est ainsi précisé que la laïcité s'applique dans les communes de Polynésie sous l'autorité du maire.
Le droit au temps partiel thérapeutique, la possibilité de recruter plus facilement des agents reconnus travailleurs handicapés et le télétravail sont autant d'avancées importantes.
La CMP a également ouvert le champ de l'action sociale aux conditions de logement. Saluons l'élégante solution qui a consisté à introduire l'adverbe « notamment » pour compléter le texte sans rien lui enlever.
Les CAP sont rétablies dans leurs fonctions : elles seront consultées pour l'établissement du tableau annuel d'avancement et pour les mutations.
Enfin, nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour que les textes réglementaires prennent en compte la mobilité.
Pour conclure, la Polynésie, c'est 48 communes pour 121 îles. Certains maires parcourent des dizaines de kilomètres...
M. Bruno Sido. - En bateau !
M. Jean-Pierre Sueur. - ... pour rejoindre les différentes îles de leur commune. Monsieur Patriat, la Polynésie, c'est plus grand que l'Europe !
La reconnaissance des fonctionnaires et la prise en compte de leurs spécificités, telles sont les réussites de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du RDPI et du groupe UC)
M. Jean-Yves Roux . - Chacun connaît les spécificités de la Polynésie. Nous sommes alertés sur le statut de ses fonctionnaires communaux, notamment depuis leur grève de 2017. Le Sénat n'a pas manqué le rendez-vous de la modernisation de leur régime juridique.
Notre assemblée a largement enrichi un texte d'apparence technique, dans un esprit républicain cher au Sénat, notamment grâce aux rapporteurs et à nos collègues polynésiens.
La possibilité donnée aux communes de recruter des agents contractuels pour remplacer des fonctionnaires détachés est bienvenue.
Tous les points de discussion n'ont pas forcément abouti à un accord : je pense à l'article 2 relatif à l'accès à la fonction publique des communes par voie d'examen professionnel.
Je salue l'accord trouvé en CMP. Ce texte renforce les droits des fonctionnaires communaux par des alignements sur le droit commun, renforce la lutte contre le harcèlement et modernise les règles de déontologie.
Le sujet de de la laïcité a été particulièrement sensible ; nos échanges l'ont substitué à la neutralité, ce dont notre groupe se réjouit. Le RDSE votera majoritairement ce texte. (M. François Patriat applaudit.)
M. Teva Rohfritsch . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La ora na, bonjour. La semaine dernière, Sénat et Assemblée nationale se sont enfin accordés sur une rédaction commune pour ce texte. L'ordonnance est attendue depuis cinq ans par 4 700 agents, les syndicats et nos tavana, c'est-à-dire nos maires.
Je vous remercie tous pour votre soutien, en particulier notre rapporteur M. Darnaud.
L'ordonnance comportait initialement 45 articles sur le statut de la fonction publique communale, qui était obsolète comparé à celui du reste de la France, particulièrement au regard de notre géographie qui appelle à une différenciation.
Les agents bénéficient d'un congé paternité, d'un temps de formation, d'un temps partiel thérapeutique, d'un meilleur encadrement du dialogue social et d'une protection contre les discriminations. Nous les mettons ainsi à l'abri des aléas de la vie et des comportements répréhensibles. La fonction publique communale devient plus attractive, avec notamment le remplacement de la notation par une appréciation de la valeur professionnelle et la prise en compte du télétravail.
Au-delà, des propositions des tavana ont été retenues : je pense au droit d'option ouvert à tous les agents contractuels qui se trouvaient en poste au moment du décret de 2005, qu'ils aient ou non refusé la proposition de reclassement.
Le Sénat avait inséré vingt articles additionnels : six ont été votés conformes, notamment sur les départs vers le privé et le régime indemnitaire. Je salue le travail des rapporteurs des deux chambres, qui ont su trouver un accord en CMP.
Merci au Gouvernement pour cette ordonnance et pour son esprit d'ouverture. Monsieur le ministre, nous restons disponibles pour travailler avec vous sur le projet de décret.
Le RDPI vous invite à voter ce texte, pour les agents, pour les tavana et pour la Polynésie française. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Dany Wattebled . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. François Patriat applaudit également.) Le Sénat peut se féliciter d'avoir inscrit ce projet de loi à son ordre du jour, marque de son attachement à tous nos territoires.
L'ordonnance est déjà entrée en vigueur, mais elle aurait été caduque faute de ratification d'ici à 2023.
Prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, elle adapte le statut des fonctionnaires territoriaux de la Polynésie française. Très attendue par les agents et les élus, elle fait suite au vaste mouvement de grève de mars 2017, qui toucha toutes les communes de Polynésie française, et résulte d'une longue consultation.
Elle consolide les droits des agents de la fonction publique communale tout en précisant leurs obligations. Elle modernise les instances du dialogue social. Enfin, elle améliore l'accès à la fonction publique des communes.
L'ordonnance offre aux agents un cadre clair et protecteur.
Je me réjouis que la CMP ait été conclusive, mais je souhaite revenir sur la place particulière et très visible qu'occupe la religion dans la culture polynésienne. De nombreuses craintes se sont manifestées : l'inscription du principe de laïcité dans le statut général des fonctionnaires communaux ne semblait pas forcément appropriée. Rappelons que la loi de 1905 n'a jamais été étendue à la Polynésie française. La commission des lois du Sénat avait supprimé la mention de la laïcité avant que nous ne l'ajoutions en séance. Aussi me félicité-je du compromis trouvé à l'article 5 bis par l'Assemblée nationale : le chef de service, agissant sous l'autorité du maire, veillera au respect de ce principe.
Je salue la qualité des travaux du rapporteur, Mathieu Darnaud, ainsi que notre collègue Lana Tetuanui pour son implication. Ce texte très attendu propose de nombreuses avancées, et le groupe INDEP le votera avec plaisir. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Mme Marie Mercier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le texte que nous avions examiné en première lecture revient après une interruption de la navette parlementaire pendant quelques mois. Les députés de la nouvelle législature s'en sont rapidement saisis.
Cinq ans après le mouvement social de 2017, cette loi apporte de la clarté aux agents de la fonction publique communale, dernière-née des fonctions publiques. Ses spécificités, propres à l'histoire de la Polynésie, sont prises en compte : les 4 700 agents répartis sur les cinq archipels du territoire - je songe notamment aux îles Tuamotu - font face à des contraintes tout à fait particulières en France.
L'ordonnance de 2021 sera ratifiée. Elle étend aux fonctionnaires polynésiens un certain nombre de droits et de garanties, tout en ajustant certains points.
Le rapporteur a su compléter le texte pour mieux l'adapter aux enjeux locaux. Le télétravail est pris en compte. Le régime de mise à disposition des fonctionnaires polynésiens sera aligné sur celui de la fonction publique territoriale.
L'Assemblée nationale a fait le choix de voter les ajouts sénatoriaux, et nous nous en félicitons, même si certains points restent insatisfaisants.
Cinq ans après la consultation locale, je suis heureuse, comme membre de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, que ce texte offre à la fonction publique polynésienne la clarté dont elle a besoin. Notre groupe le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Christian Cambon. - Très bien.
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Hasard du calendrier, nous reprenons en toute fin de session extraordinaire ce sujet que nous avions commencé à traiter à la fin de la session ordinaire.
Ce Gouvernement est celui qui a le plus utilisé les ordonnances : éviter le débat, c'était la règle sous Macron I. Nous verrons ce qu'il en sera sous Macron II...
Cette solitude coupable du pouvoir ne respecte pas l'équilibre nécessaire des institutions : le rôle de notre chambre est essentiel pour le garantir.
Je salue Mme Tetuanui pour son engagement. Il était grand temps d'actualiser le statut de la fonction publique communale polynésienne, créé en 2005. Nous avons forcé le Gouvernement à prendre des dispositions plus rapidement que prévu.
L'ordonnance initiale ne correspondait pas aux demandes locales. La volonté de se calquer sur le modèle métropolitain reflétait le manque de vision du Gouvernement sur la différenciation territoriale, pourtant au coeur du projet de loi 3DS, au demeurant très décevant.
Nous saluons la décision de confier à la commission de déontologie déjà en place le contrôle des pantouflages et nous nous réjouissons que la notion de neutralité que nous défendions ait été favorisée plutôt que la laïcité.
Je regrette que rien n'ait été mis en place pour parer les trop grands mouvements vers la fonction publique territoriale. Nous resterons vigilants sur ce point.
Nous saluons la consolidation des outils essentiels au dialogue social.
Quant aux finances des communes, des contraintes spécifiques s'appliquent en Polynésie. Le rapport prévu à l'article 23 est donc bienvenu.
Ce texte reflète la méthode de l'ancien quinquennat - espérons que le prochain sera différent... - avec des renoncements inexpliqués. Faut-il rappeler celui sur le contrôle technique des deux roues ou bien les discussions sur le retour de chasses interdites ?
M. Bruno Sido. - Hors sujet !
M. Guy Benarroche. - Monsieur le ministre, l'urgence du terrain doit vous obliger tout comme l'équilibre de nos institutions. Le groupe GEST votera ce texte, pour répondre aux attentes trop longtemps ignorées des agents de la Polynésie française. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Éliane Assassi . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Ce texte aura mis plus de temps que prévu pour être examiné. Nous avions déjà regretté son retrait inopiné de l'ordre du jour par le Gouvernement, en février dernier. Il aurait été préférable pour les Polynésiens qu'il soit voté plus tôt.
Ce texte démontre l'utilité des luttes sociales dans la mesure où il fait suite à la grève de mai 2017. Les agents de la fonction publique dénonçaient alors les attaques contre leur statut, le gel du point d'indice et la faiblesse de leur pouvoir d'achat. La vie chère - les prix en Polynésie française sont de 39 % supérieurs à ceux de la métropole - est un défi quotidien.
Un consensus a été possible. La fonction publique polynésienne est récente. Il était nécessaire d'adapter le droit. Nous nous félicitons des protections nouvelles qui sont offertes contre le harcèlement et le sexisme, ainsi que de la création d'un comité de déontologie et de la réaffirmation des droits et des devoirs qui unissent l'ensemble des agents de la fonction publique. Nous avons défendu le maintien du principe de laïcité qui doit se concilier avec la culture et l'histoire locales.
Nous voterons ce texte, mais non sans réserves, car il n'échappe pas aux dogmes libéraux de la loi sur la fonction publique. L'encouragement à la contractualisation, le rétrécissement du champ d'action des instances représentatives du personnel, le remplacement de la notation par un entretien individuel d'appréciation de la valeur professionnelle, tout cela favorise la casse du statut et la précarisation des agents.
Le texte aurait pu reprendre la proposition du CSFP de Polynésie française sur la réciprocité d'intégration des agents des fonctions publiques de pays et communales.
Des moyens sont nécessaires pour la revalorisation des agents. De ce point de vue, le rapport demandé à l'article 23 est bienvenu.
Bien qu'opposés aux ordonnances, surtout lorsqu'il s'agit de la fonction publique, nous voterons ce texte important pour nos concitoyens polynésiens et qui fait consensus entre les acteurs concernés. Je salue particulièrement Mme Tetuanui pour sa ténacité et sa force de conviction. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
Mme Lana Tetuanui . - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Bernard Buis et Mme Raymonde Poncet-Monge applaudissent également.) Il est trois heures du matin au pays : nos agents ne nous regardent probablement pas, mais ils attendaient ce texte.
Après cinq ans de négociations entre Paris et le Fenua et une première lecture quelque peu chaotique, nous voici au terme de ce marathon parlementaire. Tout vient à point à qui sait attendre, et il n'est jamais trop tard pour bien faire...
La fonction publique de Polynésie française, effective depuis l'ordonnance de 2005 révisée en 2011, compte environ 4 900 agents, dont plus de 1 300 contractuels. Il aura fallu le large mouvement de contestation de 2017 pour que le Gouvernement se penche sur sa situation.
Ce texte vise à rendre notre fonction publique communale plus attractive et à inciter notre jeunesse à s'inscrire au concours pour servir nos communes.
Comme je le répète souvent, notre spécificité tient à notre géographie : réparties sur cinq archipels, nos communes sont diverses et éloignées. De grâce, qu'on cesse de vouloir nous fondre dans le modèle métropolitain, inadapté à nos structures !
Je salue le travail des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, Guillaume Vuilletet et Mathieu Darnaud, devenu spécialiste de la Polynésie... (Sourires ; les sénateurs du groupe Les Républicains applaudissent ; M. Michel Canévet et Mme Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)
Le Parlement a entériné, entre autres mesures, le dispositif de mise à disposition des agents, le maintien des compétences des comités techniques paritaires et de la commission locale de déontologie, l'adaptation de l'action sociale, l'aménagement des concours pour les travailleurs handicapés et, monsieur Sueur, le respect de la laïcité sous l'autorité du maire. Le texte prévoit aussi le maintien de la réserve opérationnelle, l'instauration du télétravail et la remise d'un rapport sur les contraintes budgétaires des communes en vue d'une indemnité de départ volontaire.
Monsieur le ministre, je note votre engagement en faveur d'une obligation de service de trois ans pour les catégories A et B, ainsi que votre attachement au principe de libre administration des communes.
Tout cela va dans le bon sens et je me félicite du travail accompli. Je remercie mon collègue Teva Rohfritsch, les élus de l'Assemblée de la Polynésie française, les organisations syndicales et les groupes politiques du Parlement. Sans oublier le président Gérard Larcher, dont le soutien à l'égard des outre-mer est permanent. (Applaudissements)
Les conclusions de la CMP sont adoptées.
(« Bravo ! » et applaudissements)
Mises au point au sujet de votes
M. Jean-Claude Requier. - Lors du scrutin public n°150, Mme Véronique Guillotin souhaitait s'abstenir.
En outre, au cours du scrutin public n°151, Mme Véronique Guillotin souhaitait voter pour, M. André Guiol voter contre et je souhaitais m'abstenir.
Mme Sylvie Vermeillet. - Au cours du scrutin public n°150, Mme Daphné Ract-Madoux et M. Jean-Pierre Moga voulaient voter contre.
Par ailleurs, lors du scrutin public n°151, Mme Christine Herzog souhaitait s'abstenir.
Mme la présidente. - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique des scrutins.
Déclaration du Gouvernement, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur le projet de programme de stabilité pour 2022-2027
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics . - En application de l'article 50-1 de la Constitution, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de programme de stabilité pour 2022-2027, qui sera prochainement transmis à la Commission européenne.
Ce programme détaille les prévisions de croissance et la trajectoire de nos finances publiques pour cette période. Il réaffirme aussi le coeur de notre stratégie : le soutien à la croissance et à l'emploi.
En 2017, le Président de la République s'était engagé à sortir la France du chômage de masse. Cinq ans plus tard, notre taux de chômage est de 7,3 %, au plus bas depuis quinze ans. Grâce aux réformes menées, nous avons créé 1,3 million d'emplois : ce sont autant de personnes qui ont retrouvé espoir et dignité. Nous avons aussi porté le nombre d'apprentis à 700 000, une formidable réussite.
Oui, le plein-emploi est à portée de main ! Pour l'atteindre d'ici à 2027, nous allons continuer à lever les freins à l'accès à l'emploi. Les derniers chiffres de l'Urssaf le montrent : la progression des embauches se poursuit, y compris dans l'industrie. C'est une victoire pour l'emploi et pour le financement de notre protection sociale.
Nous entendons accentuer notre effort, autour de trois grandes réformes : France Travail, pour mieux accompagner les demandeurs d'emploi, la montée en puissance de l'apprentissage jusqu'à 1 million d'apprentis à la fin du quinquennat - nous préférons favoriser l'accès des jeunes à l'emploi plutôt que de leur ouvrir RSA - et l'assurance chômage, pour que chacun trouve un gain au travail.
À cet égard, le SMIC a augmenté de 8 % en un an : avec la prime d'activité, nous arrivons à 1 568 euros nets. Il faut continuer dans cette voie, et Olivier Dussopt mènera une concertation en ce sens dès la rentrée.
Le programme de stabilité traduit un autre engagement du Président de la République : tenir nos comptes.
La très forte reprise de l'année dernière et l'invasion de l'Ukraine nous ont fait entrer dans une période d'inflation. Nous l'avions anticipée dès l'automne dernier. Aujourd'hui, nous mobilisons 20 milliards d'euros pour soutenir le pouvoir d'achat.
Le bouclier tarifaire sur le gaz et l'électricité a évité deux points d'inflation, selon l'Insee. Bruno Le Maire a rappelé que celle-ci devrait culminer dans les prochaines semaines ou les prochains mois, avant de décroître. Nous tablons sur un taux de 5 % cette année, de 3,2 % l'année prochaine, puis de 2 %.
La croissance s'est établie à 0,5 % au deuxième trimestre, signe du dynamisme de notre économie malgré le contexte d'incertitude. Nous avons déjà acquis 2,5 % de croissance pour 2022, soit notre objectif pour toute l'année.
Il existe un scénario favorable, fondé sur la croissance et l'emploi, la maîtrise de l'inflation et la tenue de nos comptes.
Nos finances publiques entrent en phase de normalisation, après la parenthèse du « quoi qu'il en coûte », au cours de laquelle nous avons mis en place d'indispensables amortisseurs. Nous sommes désormais dans le « combien ça coûte ». (Mme Nadine Bellurot ironise.)
Ce programme est décortiqué par les investisseurs et les analystes, dans un contexte de tension sur le rendement de nos obligations souveraines. La charge de notre dette a bondi de 17 milliards d'euros cette année.
Oui, nous devons intégrer cette contrainte. Tout État doit composer avec cette réalité dès lors qu'il a un besoin structurel de financement. La solution n'est pas d'agiter le mythe du non-remboursement ; elle est dans la tenue de nos comptes, clé de notre capacité d'action et de notre indépendance.
Nous proposons une trajectoire responsable pour ramener le déficit sous le seuil des 3 % du PIB en 2027. Le poids relatif de notre dette décroîtra à partir de 2026.
Nos objectifs sont clairs : protéger les Français de l'inflation, soutenir la croissance et l'emploi, accélérer la transition écologique. Le programme inclut les mesures annoncées par le Président de la République pendant la campagne, comme la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la baisse des impôts de production. Dans les cinq prochaines années, il n'y aura pas de hausse généralisée des prélèvements obligatoires : c'est un principe intangible.
Comment ferons-nous pour mettre en oeuvre nos engagements tout en tenant nos comptes ?
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. - En effet, c'est la question...
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Nous le ferons en maîtrisant la progression de la dépense publique dans toutes ses sphères. Nous prévoyons une hausse annuelle de la dépense publique de 0,6 % en volume, soit la plus faible depuis vingt ans. Il n'y a pas d'agenda caché, pas de coupes claires : nous ne réduisons pas la dépense, mais maîtrisons le rythme de sa progression.
Si les dépenses de l'État baisseront en volume de 0,4 % et celles des collectivités territoriales de 0,5 %, les dépenses des administrations de sécurité sociale pourront augmenter de 0,6 % par an, signe de la priorité absolue que nous accordons à la santé.
Ces chiffres seront détaillés dans le projet de loi de programmation des finances publiques que je vous présenterai en septembre.
M. Claude Raynal, président de la commission. - Nous avons hâte !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - En 2023, la croissance devrait être de 1,4 %, puis 1,6 % en 2024. Nous serions à 1,7 % en moyenne sur la période 2024-2027, pour atteindre 1,8 % en fin de période.
Certes, ces chiffres sont soumis à des aléas et les chocs récents doivent nous inviter à la prudence. Mais nos prévisions de croissance sont solides et étayées ; elles correspondent à celles des économistes du Consensus Forecast. L'OFCE anticipe même pour 2027 une croissance de 1,9 %, quand nous prévoyons 1,8 %.
Après s'être creusé en 2020 sous l'effet de la déflagration de la covid, notre déficit s'est amélioré en 2021, à 6,4 % du PIB. Notre dette représente 112,5 % du PIB, un niveau en hausse de quinze points par rapport à 2019 mais en baisse de deux points par rapport à 2020. Notre ratio d'endettement baissera légèrement cette année, à 111,9 %.
Jusqu'ici, nous avons tenu nos objectifs, en réduisant de 2,5 points le déficit. Nous tiendrons la cible de 5 % pour cette année. Le coût des mesures de soutien du pouvoir d'achat est compensé par les économies de charges de service public et les surplus de fiscalité liés au rebond exceptionnel de l'économie. Le déficit devrait revenir sous les 3 % d'ici à 2027, à la faveur d'un ajustement structurel annuel de 0,3 point de PIB à partir de 2024.
Cette maîtrise de nos finances publiques ne fait pas obstacle aux investissements indispensables dans la transition écologique et numérique. En cohérence avec la stratégie des plans France Relance et France 2030, nous favoriserons l'investissement et l'innovation, la cohésion sociale et territoriale, la souveraineté numérique et industrielle.
Ce programme n'est pas un carcan, mais un cadre, porteur d'une ambition. Nous sommes convaincus que des finances publiques maîtrisées sont la condition sine qua non d'une action publique efficace et de notre liberté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Avec trois mois de retard, nous débattons du projet de programme de stabilité que le Gouvernement s'apprête à transmettre aux institutions européennes.
Selon les règles européennes, il aurait dû le faire avant la fin du mois d'avril. M. Raynal et moi-même nous sommes inquiétés de savoir quand ce document nous serait présenté. Bientôt, nous a-t-on répondu, avant de nous l'annoncer pour le début du mois de juin, puis après les législatives et ensuite pour début juillet. Nous y voilà enfin.
Pourquoi un tel retard ? D'aucuns avancent que le Gouvernement aurait voulu cacher aux électeurs d'éventuelles décisions impopulaires. Seulement, le programme qui nous est soumis ne témoigne pas d'une réelle ambition en matière de consolidation des finances publiques...
Le scénario macroéconomique retenu paraît pour le moins optimiste. Je me félicite des bonnes nouvelles annoncées par l'Insee pour le deuxième trimestre, mais elles s'expliquent surtout par la diminution de nos importations consécutive à l'inflation et par un tourisme dynamique.
La prévision de croissance pour 2023 me semble optimiste ; le FMI table sur seulement 1 %. Pour la période 2024-2027, le scénario de croissance est très au-dessus de ce qui peut sérieusement être attendu - l'écart avec la prévision du FMI atteint 45 milliards d'euros !
Cette surévaluation est en partie liée à une estimation trop optimiste de l'évolution du chômage : le Gouvernement prévoit 5,2 % en 2027, le FMI 7,4 %.
Le Gouvernement estime que notre économie évoluera au moins jusqu'en 2023 près d'un point en deçà de son niveau potentiel. C'est surprenant, lorsqu'on considère les difficultés des entreprises à recruter. D'ailleurs, l'OFCE ne partage pas cette hypothèse. Quant à la Commission européenne, elle considère que l'économie évoluera dès 2023 à son niveau potentiel.
La croissance potentielle de 1,35 % prévue par le Gouvernement me semble surestimée, d'autant qu'elle serait soutenue par les réformes des retraites et de l'assurance chômage, dont le contour est loin d'être défini. Cette prévision ne me semble pas raisonnable, d'autant que le resserrement de la politique monétaire devrait ralentir la progression des investissements.
Au total, le scénario macroéconomique présenté repose sur des hypothèses précaires et peu détaillées.
L'ambition en matière de maîtrise des dépenses est faible : à 1 675 milliards d'euros en 2027, les dépenses seront en augmentation, hors mesures de soutien, de plus de 250 milliards d'euros par rapport à cette année. S'agissant de la limitation à 0,6 % en volume, l'effort prévu porte sur la seconde partie du quinquennat, alors que c'est en début de quinquennat que se prennent les mesures volontaires, éventuellement difficiles.
Le déficit se réduirait lentement, ne passant sous les 3 % qu'en 2027. Quant à notre endettement public, il ne refluerait qu'à partir de 2027, revenant au niveau de l'année dernière.
Cette trajectoire est peu documentée. Pour qu'elle soit respectée, il faudrait un recul considérable des dépenses de chômage, à 0,9 % du PIB en 2027. Annoncer un objectif global d'économies reposant sur des perspectives aussi fragiles n'est pas sérieux.
Le Gouvernement se contente du service minimum, retenant des hypothèses macroéconomiques peu crédibles. J'espère qu'il sera plus sérieux dans la préparation du projet de loi de programmation des finances publiques : les objectifs doivent être à la fois plus ambitieux et plus crédibles.
Alors que le financement de notre dette change de régime, nous devons démontrer notre sérieux budgétaire. Par ailleurs, les économies sont aussi des ressources dégagées pour la réduction de notre dette écologique, qui préoccupe particulièrement les jeunes générations. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances . - Nous vivons des temps politiques extraordinaires... Voilà peu, certains étaient diabolisés parce qu'ils appelaient à désobéir aux règles européennes. Aujourd'hui, ce sont les hérauts de la doxa européenne eux-mêmes qui s'affranchissent des règles.
Le programme de stabilité aurait dû être présenté fin avril. Qu'on ne dise pas que le retard s'explique par les élections ! De retard, il n'y a pas eu en 2012 ni en 2017. Or le début du mois d'août n'est pas franchement favorable à un débat parlementaire approfondi.
Selon des indiscrétions concordantes, vous auriez demandé à Bercy de tordre quelque peu les chiffres pour les accorder à votre discours. La raison du retard serait-elle là ? Et que dire des informations transmises à la presse plus de dix jours avant que le Parlement ne les reçoive... Ce procédé est inadmissible !
Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) est très réservé sur ce programme. Il faut dire que nous avons l'habitude des prévisions françaises optimistes et peu crédibles. De ce point de vue, la lecture rétrospective du programme de stabilité pour 2018-2022 ne manque pas de sel... La leçon aurait dû servir.
Faisons preuve de plus de prudence et élaborons des scénarios plus étayés. D'autant qu'il y a des aléas très négatifs, bien connus : baisse de la croissance allemande, guerre en Ukraine, difficultés de la Chine.
La non-augmentation des dépenses publiques que vous prévoyez aura un effet récessif. Prévoir une croissance de la dépense publique aussi faible, compte tenu des conditions sociales, n'est pas réaliste. Quant aux modalités de contribution des administrations publiques locales, elles sont nébuleuses.
Les administrations de sécurité sociale seront mises à contribution, mais les seules dispositions concrètes prévues sont les réformes des retraites et de l'assurance chômage. Il est difficile d'affirmer que la première rapportera rapidement des recettes. S'agissant de la seconde, sur quels fondements reposent vos prévisions d'amélioration du marché du travail ?
Vous annoncez une poursuite des baisses d'impôts pour les seules entreprises, au nom d'une politique de l'offre qui fragilisera encore nos finances publiques. Le manque de compétitivité de nos entreprises n'a pas une origine fiscale. Il est plus que jamais nécessaire de consolider nos recettes fiscales pour financer les politiques publiques et l'investissement.
Espérons que le projet de loi de programmation précisera une trajectoire en l'état peu crédible. Votre feuille de route budgétaire ressemble plus à une mise en garde adressée à vos collègues dépensiers qu'à un véritable programme. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Marc Laménie applaudissent également.)
M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le programme de stabilité aurait dû nous être soumis en avril.
Après l'exercice extraordinaire de 2020, les dépenses de la sécurité sociale - qui représentent la moitié des dépenses publiques - ont crû fortement en 2021 et la hausse restera significative en 2022. Seul un bond des recettes, grâce à l'évolution de la masse salariale, contient un déficit qui reste très élevé, à 24 milliards d'euros.
J'espère toutefois que l'amélioration de la situation de l'assurance chômage sera durable.
La trajectoire optimiste du projet de programme de stabilité, notamment en ce qui concerne l'accélération de la croissance à partir de 2024, demande à être vérifiée. Les administrations de sécurité sociale retrouveraient selon vous une capacité de financement dès 2022 avec un excédent de 1,3 % de PIB en fin de période. J'en prends acte, mais les projections des dernières lois de financement de la sécurité sociale ne prévoyaient pas d'extinction de la dette avant fin 2033.
Vous ne nous présentez aucun grand choix politique de sortie de crise pour revenir à une trajectoire plus équilibrée. Tout au plus précise-t-on qu'il y aura des réformes structurelles, dont celles des retraites ; dont acte. Nous continuons donc d'attendre la prochaine étape, la loi de programmation des finances publiques. Pouvez-vous préciser le niveau d'économies attendu d'une réforme des retraites ?
Enfin, le cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale changera dès septembre avec l'entrée en vigueur de la loi organique du 14 mars 2022. Même s'il n'a pas repris nos propositions les plus ambitieuses, il nous permettra d'améliorer notre contrôle sur les finances sociales, avec une clause de retour au Parlement en cas de dérapage.
Le Gouvernement devra se départir de l'idée selon laquelle, si la sécurité sociale paie, le Gouvernement peut faire ce qu'il veut, hors de tout contrôle parlementaire. Nous comptons sur vous pour faire évoluer cette culture. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Patrice Joly . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce programme de stabilité nous est transmis dans un délai frisant l'irrespect. Mauvais signal en ce début de mandature. Les annonces d'un meilleur dialogue avec le Parlement nous avaient pourtant donné de l'espoir... C'était manifestement un voeu pieux.
Les informations fournies sont insuffisantes : le Gouvernement prévoit de réduire la dette à partir de 2026 et le déficit repasserait sous la barre des 3 % en 2027 : l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) remet en doute ces prévisions. Vous prévoyez une maîtrise de la dépense publique à 0,6 % par an : comment vous y prendrez-vous ?
Le HCFP parle d'une prévision de croissance trop optimiste et de réductions de dépenses non documentées. Contrairement à la Direction générale du Trésor, au FMI, à l'OCDE et à la Banque de France, vous prévoyez une croissance de 1,8 % du PIB en 2027, en supposant qu'elle découlera des réformes des retraites et du marché du travail, de la baisse des impôts, de la poursuite du plan de relance et de France 2030. Mais la réalité sera toute autre : la cure d'austérité que vous faites vivre aux Français et l'insuffisance de revalorisations sociales ne généreront qu'une croissance molle et de l'insécurité pour le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Nous doutons donc de l'atteinte du plein-emploi et de l'accélération de la transition écologique.
Quant aux réductions de dépenses, elles manquent de précision. Une hausse des dépenses en volume financera le Ségur de la santé, le plan hôpital et le plan urgence : où est-elle mentionnée ? Le financement du cinquième risque a, quant à lui, disparu.
Je rappelle que les dépenses des collectivités territoriales représentent 70 % de l'investissement public et servent à financer des services publics : attention à ne pas briser leur action.
Sur le chômage, vous avez l'art d'enjoliver la réalité : la sortie du chômage s'explique aussi par l'alternance ou l'apprentissage, alors que celui des moins de 24 ans reste 3,3 fois supérieur à celui des plus de 50 ans. Quelque 1,9 million de personnes sont exclues des chiffres du chômage, car inactives alors qu'elles voudraient travailler. Beaucoup n'ont d'autre choix que de recourir à des emplois précaires : quel est leur avenir ?
La paupérisation explose : la crise sanitaire a créé 1 million de pauvres, qui représentent 14,6 % de la population. Selon le Secours catholique, 7 millions de Français ont eu recours à l'aide alimentaire en 2021.
À l'autre bout, la petite élite, pour laquelle vous gouvernez, est très satisfaite : 80 milliards d'euros de recettes fiscales pérennes ont été supprimés, vous réduisez les prélèvements obligatoires pour les détenteurs du capital : suppression de l'ISF, exit tax, plafonnement de l'impôt sur les revenus du capital. Au total, 4 milliards d'euros de cadeaux fiscaux annuels. La suppression de la taxe d'habitation aura coûté 17 milliards d'euros aux finances publiques, sans parler de la baisse de 10 milliards d'euros des impôts de production. Il aurait pourtant fallu faire contribuer les plus riches, en particulier ceux qui profitent des crises.
Ainsi rien de neuf dans ce programme de stabilité. Le cap demeure le même : pas de contrepartie aux aides ni de contribution des plus riches. Malgré le Ségur, on ferme des hôpitaux par court-termisme, alors que les crises en cours exigeraient un changement d'envergure. Il faudra les résoudre, protéger les plus vulnérables et résorber les inégalités.
On ne peut plus en même temps faire des cadeaux aux plus riches et soutenir les pauvres avec quelques centimes de moins à la pompe : le ruissellement ne marche pas. Élisabeth Borne a demandé lors de son discours de politique générale d'arrêter de croire que la taxe était la solution de chaque problème. Celle-ci n'est pas non plus dans une baisse d'impôt !
Les recettes fiscales sont nécessaires pour le plan grand âge, pour les hôpitaux, pour l'éducation, pour la recherche et pour la transition écologique. Sauf à tuer nos services publics, il faudra améliorer les conditions de travail et la rémunération des agents.
La dynamique historique est celle de la hausse des dépenses publiques : que faisons-nous ? Il faut rétablir l'ISF, créer une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu, supprimer la flat tax, taxer les GAFA et lutter contre la fraude fiscale, estimée à plus de 100 milliards d'euros.
Au niveau européen, rebâtissons un cadre budgétaire et monétaire durable. La question des ressources propres est prégnante, alors que la Hongrie bloque la taxe de 15 % sur les multinationales : une coopération renforcée entre pays volontaires permettrait de contourner ce veto.
Les Panama Papers, et les 11 300 milliards de dollars situés dans les paradis fiscaux, rappellent l'urgence de la coopération entre États pour mettre fin à ces pratiques dommageables.
Franchissons le pas vers une fiscalité commune, notamment sur les bénéfices des sociétés et sur les transactions financières.
Enfin, revenons sur les règles budgétaires européennes des 60% de dette et des 3 % de déficit, incompatibles avec la nécessité d'investir massivement. Leur suspension pendant la période de pandémie révèle leur inadéquation aux crises. Le projet de programme de stabilité doit servir les mutations nécessaires à la transition climatique et numérique.
Dépassons la seule logique du PIB et révisons notre approche libérale de l'endettement public, condition de la transition.
Pour conclure, de grands chantiers s'offrent à nous, mais ils supposent de réviser l'outil obsolète qu'est le programme de stabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST et du groupe CRCE)
M. Teva Rohfritsch . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Il n'y a pas si longtemps, notre chômage de plus de 10 % - 12 % pour les femmes - était vécu comme une fatalité. Nous étions résignés, notre industrie était un lointain souvenir. Il n'y a pas si longtemps, il semblait impossible de repasser sous la barre des 3 % de déficit public. Il n'y a pas si longtemps, nous nous pensions impuissants face aux crises.
Et pourtant, le chômage baisse et l'emploi industriel repart, grâce au plan de relance et aux réformes fiscales et réglementaires du Gouvernement. Et pourtant, le déficit était repassé, avant cette crise sans précédent, sous les 3 %, pour la première fois depuis le début des années 2000. Et pourtant, un plan de relance européen inédit a sauvé notre économie du désastre et le pouvoir d'achat des Français.
Mais pouvons-nous sacrifier au présent notre avenir, entends-je à ma droite ? Et à ma gauche, on demande si nous en ferons un jour assez.
Nous proposons un programme ambitieux, avec à la fois un État qui soutient et la normalisation de nos finances publiques pour préserver les générations futures. Même tardif, ce débat sur le projet de programme de stabilité est un moment de clarté. La LPFP sera le moment de nous saisir de ce sujet ; notre groupe sera au rendez-vous.
En attendant, nous continuons d'agir pour l'emploi et pour l'économie, comme hier à travers la hausse du plafond des heures supplémentaires défiscalisées.
La dynamique est lancée pour 2022 : la croissance dépassera les 2,5 % et le déficit se résorbe. Des tensions demeurent, comme celles sur le pouvoir d'achat. La tâche n'est pas facile, mais nous réussirons ; nous le devons aux générations futures. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Vanina Paoli-Gagin . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) On reproche beaucoup au Gouvernement d'avoir tardé à publier son projet de programme de stabilité.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Eh oui !
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Là n'est pas l'essentiel. Tout d'abord, le calendrier électoral a percuté la procédure européenne. De plus, la majorité présidentielle est désormais en tenaille entre deux mâchoires populistes, à l'extrême droite et à l'extrême gauche ; soyons prudents.
Surtout, nous connaissions déjà le contenu de ce programme. Deux points ne peuvent être reliés que par une droite : nous connaissions le point de départ et celui d'arrivée, en 2027, est annoncé depuis longtemps par le Gouvernement. Il n'y a qu'une seule trajectoire pour atteindre les 3 % de déficit en 2027.
La dette se décline : elle est publique, européenne, privée et climatique.
La dette publique résume notre gestion actuelle et passée des comptes, et annonce les efforts futurs à fournir. Il faudra bien ramener les dépenses en deçà des recettes pour éviter la banqueroute : c'est du bon sens. Un pays qui ne tient pas ses comptes ne peut mener de politique sociale ou environnementale ambitieuse.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - En effet !
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Le problème n'est pas nouveau, et le rapporteur général rappelle avec raison la comparaison avec l'Allemagne : 40 points de PIB séparent nos taux d'endettement.
La France a funestement sacrifié son industrie sur l'autel des services, laissant filer les emplois qualifiés à l'étranger. Notre balance commerciale est devenue structurellement déficitaire. Avec la pandémie, la dette a explosé : tournons rapidement la page du « quoi qu'il en coûte ».
Or, monsieur le ministre, la trajectoire que vous présentez n'est pas rassurante. Le taux d'endettement public se stabilise à 113 % du PIB - la réalité ne sera sans doute pas plus favorable.
Mais un autre endettement n'apparaît pas : celui de l'Union européenne, qui s'est endettée pour la première fois de son histoire. C'est une avancée pour la construction européenne, mais le premier président de la Cour des comptes a précisé que les 75 milliards d'euros du plan de relance européen ne sont pas inclus dans notre dette publique.
Quant à la dette privée, elle atteint 150 % du PIB, ce qui est colossal. Nous avons le taux le plus élevé des grands pays européens : nous sommes plus proches de la Grèce que de l'Allemagne. On a encouragé les entreprises à s'endetter, mais ce n'est pas sans risque.
J'évoque, enfin, la dette climatique, qui menace toute la planète. Elle ravage nos forêts et tarit notre eau. Il faudra des investissements massifs dans un contexte contraint. L'immense défi de la transition nous impose de changer non pas de logiciel, mais de système d'exploitation.
Pour engager une stratégie ambitieuse de désendettement, le groupe INDEP propose de mobiliser l'épargne privée - 175 milliards d'euros, à comparer aux 100 milliards du plan de relance - , qu'on laisse se faire ronger par l'inflation. Nous avions ainsi proposé d'instaurer un livret d'épargne garantie pour financer l'investissement local.
Nous proposons aussi de mieux prendre en compte les externalités, positives et négatives, des décisions économiques. Un triste exemple récent est celui des forêts : leur valeur se résume aujourd'hui à la production de bois. Mais une forêt qui brûle est aussi un atout perdu pour la transition écologique. Je vous proposerai un dispositif pour prendre en compte les externalités positives de la forêt : puits de carbone, filtre à eau, réserve de biodiversité...
Il est urgent de réduire notre dette, dans toutes ses dimensions. Le projet de programme de stabilité va dans le bon sens, j'espère que le rythme sera tenu. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI)
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce document stratégique engage la responsabilité du Gouvernement pour le moyen terme. Les propos du rapporteur général ont insisté sur l'optimisme, voire l'arbitraire, des hypothèses retenues. Nous aimerions être aussi optimistes, mais rappelons les incertitudes du HCFP sur les recettes affectées hier soir : on parle de 10 à 15 milliards...
La croissance potentielle, évaluée à 1,35 % à partir de 2022, est un paramètre déterminant pour la trajectoire des finances publiques. Mais l'hypothèse doit être crédible : notre déficit public, notre solde commercial, notre désindustrialisation limitent notre croissance potentielle.
Nouveau défi, la lutte contre le réchauffement climatique est absente de ce document. Pourtant, la marche à franchir est considérable selon Rexecode : plus 10 % pour les entreprises, 20 % pour les ménages.
La croissance potentielle serait en réalité plus proche de 1 %, selon le degré de mise en oeuvre de la réforme des retraites - à cet égard, le doute est permis compte tenu du rétropédalage présidentiel. Nos enfants en subiront les conséquences : le niveau de vie des retraités devrait passer de 102,8 % à 82,5 % de celui des actifs en 2070, selon le Conseil d'orientation des retraites (COR).
Je ne sais pas si je suis stoïcienne, mais il faut distinguer ce qui dépend du Gouvernement et ce qui n'en dépend pas. Or ce Programme de stabilité ne repose que sur ce qui ne dépend pas complètement du Gouvernement... Pourtant, il a pleinement la main sur la maîtrise de la dépense publique !
M. Le Maire cite toujours les mesures en faveur du plein-emploi. Mais l'élargissement de l'apprentissage aux lycées professionnels, même si le taux d'emploi des jeunes s'est considérablement amélioré, ne suffira pas : cette réforme a réduit la productivité de l'économie et représenté un coût important pour les finances publiques. Pour afficher un taux de croissance annuel moyen de la dépense publique inférieur à celui du quinquennat précédent, vous retraitez les charges liées à la création de France Compétences...
La création d'un service public de la petite enfance est une nécessité ; les prestations familiales ont diminué de 3,7 % du fait de la faible natalité. Mais la convention 2018-2022 de la CNAF n'a pas été respectée : 15 000 places ont été ouvertes, au lieu des 30 000 annoncées. D'après le CESE, des places manquent pour 40 % des moins de 3 ans. Les collectivités locales gèlent des berceaux faute de pouvoir recruter, et vous n'apportez qu'un début de réponse. Le CESE plaide pour un droit opposable à la garde du jeune enfant, comme en Allemagne. C'est un objectif ambitieux, avec un coût par place de crèche élevé pour les finances publiques : 15 000 euros en fonctionnement annuel, 34 000 euros en investissement.
Au-delà de quelques exemples précis, votre propos est trop général. Vous plaidez pour un examen systématique de l'impact environnemental des dépenses ; mais les crédits budgétaires et taxes affectées « neutres » ou « non cotées » représentent 92 % des dépenses de l'État... Vous vantez votre plateforme de visualisation, mais les données ne sont que quantitatives. Vous vous engagez à maîtriser les dépenses, mais il ne s'agit que d'une stabilisation du train de vie, sans véritables économies !
Plusieurs lois de programmation sectorielles, comme la loi de programmation militaire, la loi de programmation de la recherche, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, ainsi que les États généraux de la justice, vont conduire à autant de nouvelles dépenses.
L'OCDE appelle la France à mettre en oeuvre une stratégie ciblée d'assainissement budgétaire : nous n'y sommes pas !
Quel sera l'effort demandé aux collectivités ? M. Béchu nous a annoncé une concertation, mais nous lisons qu'il y aurait une maîtrise en volume des dépenses, soit en réalité une baisse de 0,5 %.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Et voilà !
Mme Christine Lavarde. - Or les dépenses des collectivités territoriales vont mécaniquement augmenter sous l'effet de la revalorisation du point d'indice, de la hausse du SMIC, du glissement vieillesse technicité (GVT) et de la hausse des prix de l'énergie et de l'alimentation : la marge de manoeuvre des collectivités sera bien faible !
Au final, l'effort que vous leur demandez est bien plus lourd que celui des contrats de Cahors. Vous persistez à penser que ce fut efficace, mais ce n'était que la conséquence de la baisse des dotations de l'État entre 2013 et 2017.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Bravo !
Mme Christine Lavarde. - Les collectivités ne peuvent dépenser un argent qu'elles n'ont pas ! Sauf à augmenter les impôts locaux, ce qui leur sera de plus en plus difficile avec la suppression de la taxe d'habitation et de la CVAE.
Il faut réindustrialiser, mais également laisser de la liberté aux collectivités dans la gestion de leurs recettes !
Notre pays va continuer de diverger des autres de la zone euro. Une étude des projets de programme de stabilité des huit principaux pays de l'Union européenne montre que, en 2025, la France sera l'un des rares pays à ne pas avoir commencé à réduire son endettement lié à la crise sanitaire : l'Italie, l'Espagne prévoient une baisse de leur taux d'endettement de 10 points à l'horizon de 2027. C'est en France que le déficit structurel est le plus important.
Vous pouvez compter sur nous, à l'automne, pour défendre une mesure simple de redressement des comptes publics : la règle d'or ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Guy Benarroche . - En préambule, je note la transmission tardive de ce document, reçu in extremis vendredi dernier, dans un total irrespect du travail du Parlement.
Le manque de sincérité des chiffres proposés apparaît vite. L'effet combiné de ces évaluations en trompe-l'oeil est de surestimer la santé économique du pays et de sous-estimer les difficultés des ménages.
Vous proposez de réduire les dépenses publiques et d'entrer dans une période d'austérité. Ce texte est pétri d'inspiration néo-libérale et de mesures antisociales, avec des réformes comme celles des retraites ou de l'assurance-chômage dont vous espérez des économies... C'est pourtant loin d'être certain.
Faute de taxer les hauts revenus et les profits, vous continuez de faire porter sur les classes moyennes et populaires les conséquences de votre action, provoquant un creusement des inégalités.
Contrairement à ce que vous annoncez, les collectivités territoriales, dont beaucoup sont déjà exsangues, ne seront pas épargnées par cette politique d'austérité. Une baisse de leurs dépenses est prévue, avec la suppression de la moitié restante de la CVAE en 2023. La qualité de nos services publics en pâtira : vous leur portez un coup fatal, alors qu'ils sont le dernier lien avec certains de nos concitoyens.
Cette austérité n'est pas compatible avec l'impératif écologique. Les plus gros programmes de dépenses - armée, intérieur, justice, aide publique au développement - éludent le secteur de l'écologie, qui nécessite pourtant des financements publics. Il est dangereux de continuer à vous engluer dans l'inaction climatique !
Votre programmation est climaticide. Vous auriez pourtant pu lancer des réformes fiscales justes, avec un ISF climatique ou une mise à contribution des superprofits des multinationales.
Ce que ne dit pas ce texte est plus important que ce qu'il dit : l'austérité est devant nous, alors que l'urgence écologique est là. Nous ne pouvons cautionner ce programme insincère. Vous vous entêtez dans un programme idéologique délétère et complètement dépassé.
L'absurdité de vos chiffres excessivement optimistes a été relevée. Vous réussirez à grand-peine à revenir sous les 3 %, sans même réussir à diminuer l'endettement. Monsieur le ministre, soyez lucide sur l'incompatibilité structurelle entre les règles budgétaires européennes et les besoins d'investissement immédiat que nous impose la transition écologique. Il faut un principe de soutenabilité écologique, et non seulement budgétaire et comptable.
Nous refusons ce programme de stabilité déjà obsolète et fondé sur un optimisme malhonnête. Vous annoncez des mesures dévastatrices, alors que des enjeux de taille sont devant nous. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Pascal Savoldelli . - Mieux vaut tard que jamais ! La France présente son programme de stabilité tant bien que mal, après tous les autres États membres de l'Union européenne. Si sa présentation n'avait pas été repoussée, le programme économique du candidat Macron aurait pu être clarifié et les électeurs en auraient bénéficié. Ils auraient ainsi constaté le peu d'intérêt d'Emmanuel Macron pour la question sociale.
Le programme de stabilité est déjà dans la boîte aux lettres de l'Union européenne, le débat est donc clos. Nous ne sommes plus à un retard près, mais la démocratie parlementaire saura s'en souvenir.
Ce programme, conçu pour garder le déficit sous la barre des 3 %, est un document annuel dans lequel le Gouvernement prête allégeance à l'Union européenne. La perspective n'est pas réjouissante, tant les dépenses engendrées par la crise sanitaire et la crise économique étaient indispensables, mais jamais financées. La trajectoire définie n'est pas heureuse, et nul ne présume qu'elle sera tenue.
Le Gouvernement s'engage à réduire le déficit public à 3 % d'ici à 2027. L'héritage d'Emmanuel Macron nous conduit à l'impasse, rendant les objectifs économiques, sociaux et écologiques insoutenables.
La stratégie de la baisse de la fiscalité pour réduire les déficits relève du paradoxe, ou plutôt du contresens. Après avoir voulu disqualifier l'impôt, vous supprimez la contribution à l'audiovisuel public - 3,2 milliards de recettes perdues - et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises - 8 milliards d'euros en moins à partir de 2023 - et baissez les impôts sur la succession - 5 milliards d'euros en moins. Le solde budgétaire, faut-il le rappeler, est la différence entre les recettes et les dépenses. Zéro moins 250 milliards, cela donne 250 milliards de déficit. C'est gravissime !
Dans le contexte de la remontée des taux de la Banque centrale européenne de 50 points de base, le risque est grand pour les finances publiques, d'autant plus que les recettes, 26 milliards d'euros, seront soumises à l'inflation. Les créanciers ne manqueront pas de demander leur dû, et 17 milliards d'euros supplémentaires seront versés aux spéculateurs.
Le Gouvernement présente un plan, mais le HCFP est lui-même sceptique, soulignant que la croissance n'est « pas hors d'atteinte, mais un peu élevée ».
Avec la poursuite des réformes, qu'il s'agisse de l'assurance chômage, des retraites, du RSA ou de l'apprentissage, détaillée à la page 4 du document, vous voulez forcer les individus à travailler, quoi qu'il leur en coûte, à n'importe quelles conditions, n'importe quel niveau de qualification et n'importe quel âge. C'est une insécurité sociale et une faute politique.
Nous combattons toutes ces réformes. Celle de l'assurance chômage s'est abattue sur plusieurs millions de travailleurs. La réalité, c'est que, en 2021, près de 15 millions de contrats de moins d'un mois ont été signés, soit 64 % des embauches. Selon l'Unedic, 1,15 million de demandeurs d'emploi voient leur allocation mensuelle baisser de 17 %. Comptez sur notre mobilisation : il n'y aura pas d'acte II de la réforme.
La réforme des retraites n'a pas encore eu lieu, fort heureusement. Il s'agit d'un dogme. Alors que 35 % des 50-64 ans sont déjà au chômage, les faire travailler plus longtemps réduira les versements de l'assurance vieillesse au détriment de l'assurance chômage.
Les dépenses de retraites vont baisser jusqu'à l'un des plus bas niveaux d'Europe. La réforme des retraites n'a pas vocation à combler le déficit des retraites, mais bien à financer d'autres dépenses sociales.
Avec un RSA conditionné à une quinzaine d'heures de travail, nous allons créer des travailleurs parmi les plus précaires d'Europe. Les allocataires ne se complaisent pas dans la pauvreté. Vos mesures sont désincitatives !
Le HCFP le dit : l'impact de vos réformes paraît nettement surestimé. Toutes les réformes comparables ont demandé du temps pour produire des effets durables. Vous voulez satisfaire Bruxelles et les marchés financiers sur le dos des travailleurs français. C'est aux antipodes de nos valeurs.
Je vous propose d'écouter une autre proposition de la Commission européenne : taxer les superprofits. Mais là, vous opposez une fin de non-recevoir...
Ce n'est pas un programme de stabilité, mais le programme d'un gouvernement des droites.
M. Roger Karoutchi. - Si c'était vrai...
M. Pascal Savoldelli. - Nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER et du GEST)
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le Gouvernement nous présente le programme de stabilité pour 2022-2027 avec trois mois de retard, ce qui est d'autant plus dommageable que nous aurions pu en discuter au moment de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne.
Le Parlement doit l'évaluer et le contrôler, mais ce document essentiel est examiné à la hâte, alors qu'il établit la trajectoire des finances publiques pour tout le quinquennat.
Nous doutons de la fiabilité de vos prévisions. Vous tablez sur un doublement de la croissance, de 1,25 à 2,5 %, alors que la Commission européenne mise sur 1 %.
Ces prévisions, selon vous, résulteraient des réformes engagées - celles des retraites et de l'assurance-chômage - , mais nous savons que les effets auront lieu à moyen terme, et leur calendrier n'est d'ailleurs pas fixé.
La pression fiscale ne diminuera pas, contrairement à ce que vous voulez faire croire. Le taux de prélèvements obligatoires resterait stable, suivant votre document. Les baisses concédées correspondent à des rétrocessions partielles de recettes fiscales, non à des baisses structurelles d'imposition.
Il faudrait encore baisser les dépenses publiques, qui s'élèvent à 57,3 % du PIB, sauf à faire peser la dette sur les générations futures. L'État dépense trop et mal, au détriment des services publics et d'infrastructures essentielles, comme le transport. (M. Michel Canévet applaudit.)
Comment endiguerez-vous la dérive ? Nous ne trouvons pas réponse, monsieur le ministre. Une réduction de 8 milliards d'euros par an est attendue à partir de 2024. Mais à quoi cela correspond-il ?
Au Sénat, nous sommes particulièrement vigilants sur les collectivités territoriales. Vous évoquez une baisse de 0,5 % de leurs dépenses de fonctionnement. Or M. Macron annonçait un effort de 10 milliards d'euros sur cinq ans. Le flou règne.
Les contrats de Cahors seront-ils ressuscités ? Le groupe UC a insisté sur ce point au long du PLFR. Il s'est également inquiété de la trajectoire de la dette. (M. Michel Canévet renchérit.) En 2027, nous devrions être le seul pays de la zone euro à enregistrer 3 % de déficit.
Vos hypothèses sont dangereusement optimistes : il n'y a pas d'argent magique, et les générations futures devront payer.
Il est urgent de fixer collectivement un cap de redressement de nos finances publiques, afin d'éviter la ruine de l'État et des Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Bernard Fialaire . - Proposer chaque année un projet de programme de stabilité, tenir ses promesses ou même s'en approcher est-il vain ? La guerre en Ukraine a réduit à néant les espoirs nés de la sortie de la crise sanitaire. Comment faire de la prévision dans ce contexte ?
Le programme de stabilité 2021-2027 prévoyait un rebond de 4 % en 2022 puis de 2,3 % en 2023. Ce sera 2,5 % cette année et 1,4 % l'année prochaine...
Fin 2021, le principal aléa était la situation sanitaire ; aujourd'hui, c'est la crise sévère de l'énergie et des matières premières, avec son corollaire, une inflation à 5 % qui touche durement ménages et entreprises.
Quelles sont les perspectives pour 2022-2027 ? Monsieur le ministre, vous voulez conserver le cap d'un déficit à 3 % en 2027, par un ajustement de 0,3 point de PIB par an à partir de 2024, et contenir la dette à terme. La Cour des comptes en doute, sans remettre en cause votre double axe de soutien à la croissance et de maîtrise de la dépense publique.
Il convient de revenir à une certaine modération, sans gripper la demande. Le RDSE s'est montré constructif, approuvant le bouclier tarifaire, la revalorisation des pensions de retraite et d'invalidité, des prestations sociales, des minima sociaux, des bourses étudiantes et du point d'indice de la fonction publique.
Mais l'enjeu principal est le retour au plein-emploi. Réforme de France Travail, poursuite de celle de l'apprentissage et hausse du SMIC sont les leviers que vous avez choisis. C'est un signal positif, mais je m'interroge sur vos hypothèses. La croissance potentielle ne sera pas forcément la croissance réalisée.
Les membres du RDSE ne sont pas des ayatollahs de l'orthodoxie budgétaire, qui a montré ses limites en 2007-2008, et dont l'Union européenne s'écarte désormais facilement. Certes, la dette doit redevenir soutenable et il y a un enjeu de crédibilité et d'apaisement des tensions sur nos obligations souveraines.
Contenir l'évolution des dépenses à 0,4 % n'est, pour certains, pas un effort, et la dette devrait rester haute en 2027, à 112,5 % du PIB. Mais comment faire, avec l'investissement immense nécessaire dans l'éducation, la santé, la police, sans parler du défi climatique, dont le poids atteindrait plusieurs dizaines de milliards d'euros par an ?
Je n'oublie pas les collectivités territoriales, qui doivent conserver les moyens de leur action et jouer leur rôle d'amortisseur social en temps de crise. Les élus s'alarment des contraintes que représente une augmentation des dépenses de fonctionnement inférieure de 0,5 % à leur tendance naturelle, alors que l'inflation pèse sur l'investissement.
Au regard de l'équilibre à trouver entre soutien à la croissance et maîtrise des finances publiques, la question de la fiscalité est posée. Monsieur le ministre, vous ne voulez pas augmenter les impôts - c'est louable - mais il faudra a minima travailler sur les niches fiscales. Un impôt juste et ciblé est mieux accepté. Si la France apparaît comme le mauvais élève de l'Union européenne en matière de prélèvements obligatoires, rappelons que les États membres se livrent toujours à une concurrence fiscale dont la France ne sort pas gagnante. Les particuliers vont en Belgique pour échapper à l'ISF ; les sociétés, en Irlande pour échapper à notre impôt sur les sociétés. Il faut mieux coordonner les politiques budgétaires, et peut-être élargir la règle de la majorité qualifiée aux décisions fiscales - voyez le veto hongrois sur la taxation internationale des entreprises.
Les prochains mois seront difficiles pour certains pays, dont l'Italie, et les écarts de taux d'intérêt risquent de déstabiliser l'Union. Le projet de programme de stabilité est une boussole, mais toutes les boussoles n'indiquent pas la même direction. Resserrer les rangs entre États membres est fondamental. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Alain Richard applaudit également.)
Mme Nadine Bellurot . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est avec des finances publiques parmi les plus dégradées de la zone euro que nous abordons ce quinquennat : un déficit public deux fois supérieur à celui de 2017 et une dette publique qui a progressé de 17 % en cinq ans. Nous sommes à la cote d'alerte, ce qui confirme notre diagnostic d'il y a quelques mois, que vous contestiez alors.
Il faut être lucide sur les effets de l'inflation et de la hausse des taux d'intérêt : la trajectoire de réduction de la dette, c'est dix ou quinze ans et non cinq ans. Monsieur le ministre, soyez prudent quant aux prévisions qui fondent votre vision stratégique. Le cycle inflationniste, lui non plus, ne s'éteindra pas dans quatre ans.
Il faudra dépenser bien et utilement, d'abord en soutenant l'investissement public local, appui indispensable à notre économie.
Le projet de programme de stabilité manque de cohérence à cet égard, puisque, à l'instar des contrats de Cahors, il encadre encore les dépenses des collectivités territoriales. En valeur, malgré l'encadrement demandé, elles devraient augmenter de 24 milliards d'euros sur le quinquennat. L'effort demandé sur les dépenses de fonctionnement atteint 15 milliards d'euros sur les cinq prochaines années. L'encadrement de l'autofinancement et de l'évolution des recettes réduira l'offre de services à la population. C'est un risque pour le pouvoir d'achat.
L'encadrement des dépenses de fonctionnement est contradictoire dans un contexte de relance. En 2021, les soldes d'exécution des collectivités territoriales étaient proches de zéro ; pourquoi les pénaliser encore, au risque de reproduire les erreurs de 2014 ? La baisse des dotations a coûté 46 milliards d'euros aux collectivités territoriales, sans effet sur le déficit de l'État, qui est reparti à la hausse. (Mme Sophie Primas le confirme.)
Tout ne doit pas reposer sur les collectivités territoriales ; elles ont au contraire besoin d'une revalorisation de leurs recettes pour assurer les services essentiels. Il faut notamment indexer la DGF sur l'inflation, sans quoi elle sera amputée chaque année d'un milliard d'euros.
Il faut reconstruire une relation financière basée sur la confiance entre l'État et les collectivités territoriales. Nous y sommes prêts. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Alain Duffourg . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le projet de programme de stabilité est marqué par les conséquences de la guerre en Ukraine, les tensions inflationnistes, le Ségur de la santé et les mesures d'urgence liées à la crise sanitaire.
Les administrations de la sécurité sociale - qui représentent la moitié de la dépense publique - devront participer à la modération budgétaire. Les finances sociales ont supporté la crise sanitaire et des exonérations qui ont grevé son budget. La perspective d'apurement de la dette sociale est définitivement évacuée, sa reprise par la Cades atteignant 136 milliards d'euros en 2020.
En 2022, le HCFP juge imprécises les promesses de réforme du projet de programme de stabilité. La santé est la priorité des Français, or la situation des hôpitaux et des urgences est insupportable. L'accès aux soins est difficile pour nombre de nos concitoyens.
La voie sera étroite pour financer les solutions attendues, et faire plus avec autant.
Le groupe UC a des propositions à cet égard. La Cour des comptes, dans son rapport de certification des comptes de la sécurité sociale, souligne les erreurs commises sur les finances sociales : rien que sur la branche maladie, les Français paieraient 2,7 milliards d'euros de leur poche. L'OCDE estime que 20 % des dépenses de santé ne seraient pas justifiées - césariennes, imagerie médicale non justifiée, surprescriptions d'antibiotique, etc. Mme Goulet a souligné l'importance de la fraude. La cartographie des risques n'exonère pas de définir les actions correctrices.
Enfin, l'Ondam a permis de juguler la dette sociale, mais l'état des lieux de l'hôpital et de la médecine de ville interroge la pertinence de cet outil propre à la France.
Les établissements publics de santé ne sauraient se voir imposer le principe de rentabilité, antinomique du principe de service public. Le maintien d'un service de proximité ne peut être envisagé uniquement sous l'angle budgétaire.
Monsieur le ministre, vous avez dressé un tableau idyllique de notre situation financière. Or la dette publique représente 111,5 % du PIB, le chômage est à 7,3 %, et la France est championne du monde des prélèvements obligatoires, à 46 % du PIB.
Nous vous donnons rendez-vous à l'automne, en attendant des propositions concrètes pour une trajectoire vertueuse de nos finances sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Frédérique Puissat. - Bravo.
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics . - Le projet de loi de programmation des finances publiques, monsieur Mouiller, sera présenté en septembre.
Nous transmettons à la Commission européenne le programme de stabilité avec retard ; c'est déjà arrivé, cela arrivera encore. Nous avons choisi de le préparer après les échéances électorales, par respect du choix des Français. Ceux qui nous reprochent de l'avoir fait trop tard nous auraient reproché de le faire avant une échéance démocratique majeure...
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Vous pressentiez la majorité relative !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - C'est une preuve de respect de la représentation nationale que d'avoir attendu. (On ironise sur plusieurs travées.)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. - Que c'est beau !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il fallait oser !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Nous avons dû tenir compte de la situation internationale : le monde a changé. Si notre projet de programme de stabilité arrive après celui des autres, il est sans doute plus juste, prenant en compte un contexte dégradé depuis avril.
L'exercice de la prévision, toujours difficile, a été rendu encore plus ardu par les aléas de la situation sanitaire et de la guerre en Ukraine. Cependant, nos chiffres, basés sur les travaux de la direction générale du Trésor, sont solides et crédibles. Le HCFP en doute, notamment vis-à-vis des chiffres de croissance que nous présentons. Mais le lendemain de la publication de son avis, l'Insee a confirmé que nous avions atteint les 2,5 % de croissance avant même la fin de l'année.
Quand, en 2017, Emmanuel Macron déclarait viser 7 % de chômage en 2022, beaucoup ont douté; or nous y sommes. (Mme Sophie Primas ironise.) Et cela, grâce au 1,2 million d'emplois créés sous le précédent quinquennat. C'est précisément ce qu'il faut faire pour arriver au plein emploi. Voilà pourquoi nous poursuivrons les réformes ; et puisque plusieurs d'entre vous y appellent, nous comptons sur votre soutien quand nous présenterons la réforme des retraites, de l'assurance chômage, de l'apprentissage, de la formation professionnelle.
Mme Sophie Primas et M. Roger Karoutchi. - Cela dépendra de la réforme !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - L'activité économique et l'emploi sont au coeur de notre stratégie de maîtrise des comptes. Notre prévision de 1,4 % de croissance pour 2023 est aussi celle de la Commission européenne. M. Joly remet en question la prévision de 1,8 % pour 2027, or l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), proche de la gauche, a présenté une estimation supérieure, à 1,9 %.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - La gauche serait-elle la seule à avoir raison ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. - Nous sommes absolument déterminés à tenir nos comptes. Nous allons maîtriser la dépense.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Enfin !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Certains dénoncent du sang et des larmes, d'autres disent qu'il n'y a rien du tout : j'en déduis que ce que nous prévoyons est équilibré. Je dis au rapporteur général que la dépense publique baissera de 1,3 % en volume en 2023.
Autre certitude, la maîtrise de la dépense ne se fera pas au rabot. Nous faisons des choix politiques : continuer à investir pour la santé d'abord - seul secteur à voir ses dépenses augmenter en volume. Le budget de l'hôpital public est passé de 79 à 95 milliards d'euros en cinq ans. Le salaire des enseignants sera aussi augmenté de 10 % : le budget de l'éducation nationale est celui qui progressera le plus en 2023.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cela avait déjà été promis par Édouard Philippe en son temps.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. - Nous poursuivrons la loi de programmation militaire, en passant la marche des 3 milliards d'euros l'an prochain.
Certains ont opposé la tenue de nos comptes à la lutte contre le réchauffement climatique (M. Michel Canévet le confirme) - une députée a dit : « entre les 3 % et les 3 °C, il faut choisir ». C'est le contraire. La dette nous prive de marges de manoeuvre : une charge de la dette de 17 milliards d'euros, c'est deux fois le budget de la justice.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous vous avions prévenus.
M. Vincent Segouin. - Merci de le reconnaître !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Tenir nos comptes, c'est continuer à pouvoir faire des choix politiques au service des Français. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre Louault applaudit également.)
La séance est suspendue quelques instants.
présidence de M. Alain Richard, vice-président
Mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville et Mme Élisabeth Doineau applaudissent également.) Un texte sur le pouvoir d'achat appelle à l'humilité et au sens des responsabilités. Les Français attendent des réponses ciblées et immédiates à leurs préoccupations du quotidien.
Nous avons veillé à suivre cette boussole, étant entendu que la protection du niveau de vie dépend certes de l'État et des collectivités territoriales, mais surtout des entreprises et des ménages eux-mêmes. Même s'il a validé la revalorisation anticipée de diverses prestations sociales au 1er juillet, le Sénat, attentif à l'équilibre financier, a marqué la fin du « quoi qu'il en coûte ».
La CMP a établi un texte commun à partir de deux copies assez différentes. Des apports importants du Sénat ont été retenus, avec l'article premier bis, qui limite de manière pérenne le surcoût associé aux heures supplémentaires et recentre le dispositif sur les PME. Cela rend effectifs les gains de pouvoir d'achat que les salariés pourront en tirer.
Le déblocage exceptionnel de l'épargne salariale apportera aussi un soutien immédiat aux salariés, tout comme l'accélération de l'extension des accords salariaux en cas de multiples revalorisations du SMIC. Je reste sceptique sur l'incitation à négocier par le biais de la restructuration des branches, que la CMP a réintroduit, mais le compromis est équilibré.
De même, une solution de compromis retient l'essentiel de la rédaction de l'Assemblée nationale sur la prime de partage de la valeur (PPV), tout en intégrant la limitation du fractionnement à un versement par trimestre défendue par le Sénat.
Quant au cumul de l'exonération dont bénéficient les jeunes agriculteurs et de la réduction du taux de cotisation maladie-maternité défendu par Laurent Duplomb, il a été transformé d'un commun accord en droit d'option pour l'un ou l'autre de ces dispositifs.
La limitation à quatre mois du délai donné à l'administration pour l'agrément d'un accord de branche d'intéressement, voulue par le Sénat, a été conservée par la CMP.
Je me félicite que la rédaction du Sénat ait été retenue sur l'assouplissement temporaire de l'utilisation des titres-restaurants, même si j'entends les inquiétudes du secteur de l'hôtellerie-restauration.
Ce texte n'épuise pas le sujet du pouvoir d'achat. Nous ne savons pas quelles prochaines mesures seront nécessaires et nous savons que les difficultés des plus modestes et des Ultramarins ne sont pas toutes résolues. Néanmoins, je vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville, Mme Élisabeth Doineau et M. Alain Duffourg applaudissent également.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Si les délais d'examen du texte ont été courts, le compromis en CMP est satisfaisant. Je me félicite que la commission des affaires économiques du Sénat y ait imprimé sa marque.
Nous maintenons l'équilibre entre l'urgence d'une part et la liberté économique et le droit de propriété d'autre part. Nous avons comblé des angles morts en matière de protection des consommateurs, de régulation des marchés de l'électricité et du gaz, ainsi que de promotion des alternatives aux énergies fossiles.
Le gel du plafond de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) à 120 TWh jusqu'à 2025 et le relèvement de son prix à 49,50 euros/MWh ont été retenus. Nous avons consolidé les pouvoirs de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) à l'égard du stockage.
Nous avons aussi associé les collectivités territoriales à tous les dispositifs pertinents. Enfin, nous avons complété le programme d'investissement des méthaniers flottants.
Les projets de biogaz bénéficieront de solutions de simplification ; les consommateurs d'électricité et de gaz seront mieux informés ; les coupures d'électricité encadrées ; l'impact du bouclier tarifaire sur les collectivités sera évalué.
Plusieurs apports sénatoriaux sont aussi à saluer sur le volet consommation, par exemple la pénalisation des banques qui retardent le remboursement des victimes de fraude.
Ces mesures sont ponctuelles, et non structurelles, mais nous vous appelons sans réserve à voter ce texte.
Je salue le travail de nos services et celui des rapporteurs de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique . - (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC) Notre séance suit trois semaines de débats nourris. Nous saluons l'adoption de ce texte de soutien direct au pouvoir d'achat des Français en un temps record, au terme d'un accord en CMP, alors que nous vivons une grave crise énergétique qui pèse pour 60 % de l'inflation actuelle.
Je salue le sens des responsabilités du Parlement. Nous sommes dans une course contre la montre pour sécuriser les approvisionnements en énergie de l'hiver prochain.
Je veux saluer quelques mesures de ce projet de loi.
La réquisition des centrales à gaz en cas de tension a été limitée par le Parlement à quatre ans et a été précisée. Le projet de terminal méthanier flottant, qui couvre l'équivalent de 60 % de l'apport en gaz russe, est temporaire et encadré pour cinq ans. Le Parlement protège les Français des coupures d'énergie pour impayé, avec une période incompressible d'un mois avant coupure, afin de trouver un accord entre fournisseur et consommateur. Je salue la sécurisation du rehaussement du plafond de l'Arenh : cela protégera les entreprises électro-intensives et les collectivités territoriales. L'État réaffirme le caractère stratégique d'EDF avec le rachat de ses actions.
Sur le pouvoir d'achat des Français, nous avons avancé les revalorisations des prestations sociales, qui s'élèvent à 4 %, en plus des hausses à 1,1 % en janvier et à 1,8 % en avril.
La volonté du Gouvernement est sans ambiguïté : nous n'opposons pas valeur travail et le soutien aux plus fragiles. Ainsi, l'article 3 favorise le recours à l'intéressement pour les PME, avec une mise en oeuvre simplifiée. Enfin, les charges des indépendants baisseront de façon pérenne : 550 euros de gain pour les commerçants et les libéraux qui gagnent l'équivalent du SMIC.
Ce texte est un exemple de co-construction : la déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé (AAH) est issue d'un amendement commun à beaucoup d'entre vous. Elle entrera en vigueur au plus tard le 1er octobre 2023.
Le Parlement a autorisé le déblocage de l'épargne salariale, jusqu'à 10 000 euros, d'ici le 31 décembre.
La pérennité de la PPV est conservée pour les entreprises de plus de cinquante salariés : c'est un signal important. Pour les intérimaires, en application du principe selon lequel à travail égal, salaire égal, leur rémunération ne peut être inférieure à celle d'un salarié permanent. Cela inclut la PPV, versée par l'entreprise de travail temporaire. Celle-ci peut d'ailleurs verser une prime à ses salariés permanents ou mis à disposition.
Par ailleurs, l'article 4 est rétabli. Il permet la restructuration des branches professionnelles dont la rémunération est inférieure au SMIC. Le dialogue social reste le pilier, mais cela offre un levier d'action en cas de blocage et incite les branches à rester mobilisées.
Enfin, les heures supplémentaires bénéficieront d'une nouvelle exonération pérenne pour les entreprises de 20 à 250 salariés. Je salue ce compromis qui allie compétitivité et pouvoir d'achat.
Il y a aussi des avancées dans la protection des consommateurs, avec un bouclier tarifaire sur les premiers postes de dépenses : la hausse des loyers est plafonnée à 3,5 % et les aides personnalisées au logement (APL) revalorisées du même taux. Le Gouvernement se félicite du plafonnement de l'indice des loyers commerciaux à 3,5 % pour les PME, adopté par le Sénat.
Nous rendons le consommateur maître de ses dépenses : c'est l'objet du bouton résiliation. Je salue le travail du rapporteur Gremillet et du sénateur Lemoyne à cet égard. La commercialisation des assurances affinitaires sera aussi encadrée, tout comme certains frais d'incidents bancaires. Enfin, pas de protection sans renforcement des sanctions et du contrôle contre les arnaques, alors que le préjudice estimé des fraudes au compte personnel de formation (CPF) avoisine les 27 millions d'euros. Agissons rapidement sur ces sujets. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Discussion du texte élaboré par la CMP
M. le président. - En application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la CMP, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement. En conséquence, le vote sur les amendements et sur les articles est réservé.
ARTICLE PREMIER BIS
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Nous levons le gage pour la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Nous levons le gage pour le cumul de l'exonération partielle de cotisations pour les jeunes agriculteurs et de la réduction des cotisations.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.
Alinéas 12 et 13
Supprimer ces alinéas.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Nous levons le gage pour le déblocage anticipé de l'épargne salariale.
Mme Annie Le Houerou . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les premiers de corvée sont frappés de plein fouet par l'inflation. Ce texte était un espoir pour eux. Vous disiez vouloir revaloriser le travail. Or tout travail mérite salaire : c'est le contrat social entre l'employeur et le salarié, et le droit du travail est garant d'une juste rémunération qui assure de pouvoir de vivre décemment.
C'est pourquoi nous avons défendu la revalorisation du SMIC et une conférence sur les salaires. Comme nous nous y attendions, vous avez ignoré la question salariale. Les quelques revalorisations votées, pour les prestations familiales, les minima sociaux, la retraite de base, les APL, le point d'indice, sont rattrapées par l'inflation.
La collusion entre le Gouvernement et la droite sénatoriale pour mettre en oeuvre une politique libérale ne fait pas de doute.
En choisissant la prime au détriment du salaire, vous déconstruisez le statut de salarié. Elle est à la discrétion de l'employeur : seuls 10 % des salariés sont concernés, son montant moyen est de 550 euros. Augmenter le plafond est un leurre. Désocialisée et défiscalisée, cette prime va à l'encontre du modèle social que nous défendons et affaiblit notre protection sociale.
La monétisation des RTT enfonce un coin dans les 35 heures.
La CMP a néanmoins adopté quelques dispositions utiles pour protéger les consommateurs d'énergie et accélérer les projets de biogaz, mais elle témoigne du manque d'ambition du Gouvernement en la matière. Le relèvement du plafond de l'Arenh fragilise encore EDF, alors que ses concurrents font des superprofits sans être mis à contribution.
M. Jean-Pierre Sueur. - Absolument !
Mme Annie Le Houerou. - Une réforme du marché européen de l'énergie s'impose.
Principale avancée de ce texte, la déconjugalisation de l'AAH met fin à une injustice. Elle avait déjà été votée au Sénat, avant d'être rejetée à l'Assemblée nationale. Que de temps perdu !
Nous regrettons que nos propositions sur le SMIC, sur les salaires, sur l'indexation des prestations sociales sur l'inflation ou encore sur le RSA jeune aient été balayées d'un revers de main.
Avec la complicité de la majorité sénatoriale...
M. Roger Karoutchi. - On n'a rien fait !
Mme Annie Le Houerou. - ... le Gouvernement ne propose que des mesures de court terme qui ne répondent pas à l'urgence sociale. En responsabilité, le groupe SER ne votera pas ce texte et s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
M. Xavier Iacovelli . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Face à la hausse des prix, le Gouvernement a proposé des mesures concrètes et rapides. Ces avancées sont nécessaires.
Je pense au triplement de la PPV jusqu'à 3 000 euros par an, et 6 000 euros pour les entreprises qui ont créé un dispositif d'intéressement. Notre amendement qui avançait d'un mois l'entrée en vigueur de l'article premier a été conservé ; en effet, certaines entreprises avaient versé la prime dès le mois de juillet. Son versement pourra être fractionné, pour mieux s'adapter à la conjoncture.
Je pense à la baisse des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants et leurs conjoints collaborateurs, ainsi qu'au plafonnement de la hausse des loyers commerciaux.
L'utilisation des titres-restaurant est assouplie : jusqu'en 2023, ils pourront être utilisés en magasin.
Les plus fragiles bénéficieront de la revalorisation anticipée des retraites, du minimum vieillesse, de l'AAH, de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). Idem pour la revalorisation du RSA malgré la tentative de la droite sénatoriale de la baisser. Aucun Français ne peut se satisfaire de 575 euros par mois. Les allocataires du RSA ne sont ni fainéants ni profiteurs ! Je me réjouis que la sagesse l'ait emporté, en espérant qu'il en ira de même sur le PLFR...
Notre ambition est que chacun puisse trouver un emploi stable et une protection adéquate afin de vivre dignement.
Je pense également au plafonnement des hausses de loyers, à la résiliation facilitée des contrats en ligne, à la lutte contre les arnaques.
Je pense enfin à la déconjugalisation de l'AAH, engagement du Président de la République durant la campagne électorale. (On ironise à droite.)
Mme Sophie Primas. - Magnifique ! Plus c'est gros, plus ça passe !
M. Xavier Iacovelli. - Cela représente un gain de pouvoir d'achat pour 160 000 personnes. Un dispositif transitoire a été trouvé pour les 45 000 foyers qui auraient été perdants sinon.
Mme Sophie Primas. - Cela ne vous embêtait pas l'année dernière !
M. Xavier Iacovelli. - Je salue l'action de tous les groupes - et tout particulièrement de Philippe Mouiller - pour une société plus inclusive.
L'esprit de compromis a guidé nos débats. L'accord en CMP démontre le sens des responsabilités du Parlement. Oui, 20 milliards d'euros en faveur des minima sociaux, c'est un soutien au pouvoir d'achat : je regrette que le groupe SER ne le comprenne pas. Comme le disait Jean-Baptiste Lemoyne, « dans les périodes de crise, l'inédit commande... » Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Franck Menonville . - Selon l'Insee, le pouvoir d'achat des Français devrait reculer de 1 % en 2022, plombé par une inflation de 6 %. Les prix de l'énergie ont augmenté de 70 % depuis novembre 2021.
Ce projet de loi très attendu mobilise 20 milliards d'euros pour soutenir le pouvoir d'achat. Il a fait l'objet d'un compromis en CMP, où de nombreux apports du Sénat ont été conservés.
Il fallait renforcer notre souveraineté énergétique. Les terminaux méthaniers nous permettront de traiter le gaz naturel liquéfié (GNL). Nous nous apprêtons hélas à relancer nos centrales à charbon car le parc nucléaire a trop longtemps été délaissé. (M. Laurent Burgoa renchérit.)
Nos concitoyens ont besoin de davantage de protection dans leurs contrats de consommation et dans leurs rapports avec les banques. Citons le remboursement accéléré des fraudes bancaires, le remboursement automatique des frais d'incident multiples, l'exonération des frais de résiliation en ligne, entre autres.
Mais la véritable solution à la crise passe par la valorisation du travail, alors que les entreprises peinent à recruter. Le travail doit payer : voilà le vrai levier pour soutenir le pouvoir d'achat.
Quatre mesures me semblent essentielles : la PPV dont le versement est avancé et pourra être fractionné ; la réduction des cotisations patronales sur les heures supplémentaires dans les entreprises de 20 à 250 salariés - même si j'aurais souhaité aller plus loin ; la facilitation de l'intéressement dans les petites entreprises, avec le déblocage anticipé de l'épargne salariale prévu par le Sénat ; enfin, la déconjugalisation de l'AAH, qui nous mobilise depuis longtemps, et la revalorisation des minima sociaux. Les dépenses pour les collectivités territoriales seront compensées.
Nous considérons que la santé financière de nos collectivités territoriales est un gage de réussite pour chaque citoyen, et serons donc très attentifs aux hausses de charges qui entraveraient leur capacité d'investissement. Les mesures votées par le Sénat dans le PLFR vont dans ce sens.
Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Ce texte est une bonne nouvelle pour nos concitoyens, mais le défi reste immense et l'avenir est incertain. Il faudra être au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et du RDPI)
M. Philippe Mouiller . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le texte élaboré en CMP montre que nos deux assemblées sont capables, lorsqu'elles sont écoutées et respectées, d'enrichir les projets de l'exécutif.
Ni chambre d'enregistrement ni assemblée de blocage, le Sénat a trouvé des solutions pour soutenir le pouvoir d'achat des Français dans les domaines sociaux, économiques et énergétiques.
Nous avons rappelé que c'est d'abord et surtout le travail qui améliore le pouvoir d'achat des Français, et que tout doit être fait pour l'encourager. Mais aussi que notre politique énergétique ne peut être abordée en pièces détachées, sur un coin de table : il nous faut un vrai débat, comme l'a dit le président Retailleau.
Enfin, nous devons soutenir les ménages modestes avec des dispositifs ciblés et rapides à mettre en oeuvre.
Ce texte, marqué par nos travaux - et je salue nos rapporteurs - fera bénéficier les Français d'une PPV pérennisée, d'un recours facilité aux heures supplémentaires, d'un déblocage anticipé de la participation et de l'intéressement à hauteur de 10 000 euros. Nous pouvons en être fiers.
Grâce au Sénat, les plus modestes pourront bénéficier d'une réduction de puissance plutôt que d'une coupure sèche de courant.
L'AAH sera enfin déconjugalisée - mais que de temps perdu ! C'est une avancée majeure, que je portais depuis longtemps. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)
Le Sénat a obtenu des avancées sur le volet énergie. Avec la hausse du prix de vente de l'électricité nucléaire d'EDF et le gel de l'Arenh, nous disons au Gouvernement que la situation n'est plus tenable et qu'une réforme s'impose.
Développement des terminaux méthaniers, accélération de la stratégie nationale pour le biogaz, dispositif innovant d'économies d'énergies rémunérées et volontaires pour les particuliers - ces mesures sont utiles mais ne remplaceront pas une stratégie de long terme.
Les acquis du Sénat sont nombreux et inédits sur un tel texte. Souhaitons qu'il en aille de même pour le PLFR.
Le groupe Les Républicains votera avec satisfaction le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Raymonde Poncet Monge . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) Face à la hausse des prix qui heurte violemment les plus modestes, il était urgent d'agir. L'inflation atteint des niveaux record, et frappe les ménages de façon inégale : les ménages ruraux sont plus pénalisés que ceux de l'agglomération parisienne, les plus pauvres subissent une inflation supérieure de 10 % aux plus aisés.
L'OFCE chiffre la baisse de pouvoir d'achat à 1 % en 2022, du jamais vu depuis 2013. Et ce, alors que le revenu brut arbitrable n'a évolué que de 1,5 % en dix ans... Le pouvoir de vivre est en berne, alors même que les taux de marge des entreprises sont au plus haut depuis 1949. L'augmentation des profits alimente celle des prix. Les mouvements spéculatifs aggravent les difficultés d'approvisionnement énergétique, mais vous refusez de taxer les superprofits !
Ce projet de loi ne propose que des mesures temporaires, qui ne profiteront qu'à une minorité. La PPV se substituera à des hausses de salaire. Inégalement répartie - 17 % des entreprises de moins de 50 salariés l'ont versée, 58 % de celles de plus de 1 000 salariés - plus largement distribuée aux hauts salaires, cette prime ne permettra pas d'aider les plus pauvres, dont il faut augmenter les salaires.
Le SMIC à 1 500 euros...
M. Laurent Burgoa. - On y revient !
Mme Raymonde Poncet Monge. - ...était pourtant possible, en taxant les surprofits des grandes entreprises.
Au lieu de quoi, la multiplication des primes désocialisées et défiscalisées creuse le déficit public ; le Sénat en rajoute en élargissant les exonérations aux heures supplémentaires.
Certes, le Gouvernement compense - mais demain, au prétexte de rééquilibrer les comptes, il poussera ses réformes austéritaires et antisociales, en poursuivant ses cadeaux aux plus riches. Ce projet de loi est un jeu de bonneteau !
La revalorisation des minima sociaux a été sauvée de justesse de la droite sénatoriale qui s'attaque régulièrement aux plus exclus d'une société toujours plus inégalitaire.
M. Laurent Burgoa. - N'importe quoi. Toujours la même rengaine...
Mme Raymonde Poncet Monge. - Saluons toutefois la déconjugalisation de l'AAH, obtenue au forceps après des années de lutte.
Constatant que ce texte manque sa cible de protéger les plus vulnérables, le GEST votera contre. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa, M. Joël Bigot et M. Yan Chantrel applaudissent également.)
Mme Cathy Apourceau-Poly . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Sans surprise, les députés de la majorité gouvernementale et la droite sénatoriale se sont mis d'accord. Nous avons assisté aux fiançailles, félicitons les mariés qui se sont dit oui ! (Applaudissements à gauche, soupirs excédés à droite.)
Le panier de la mariée est pourtant bien vide. Le Gouvernement ne prévoit que des mesures insuffisantes : les prestations sociales et le point d'indice ne sont revalorisés de 4 %, les retraites de base de 1,1 %, quand l'inflation atteint 6 %. Il ne s'agit que d'un rattrapage partiel de la perte de pouvoir d'achat.
Le Gouvernement préfère verser des primes temporaires plutôt que d'inciter les patrons à augmenter les salaires. Il donne d'une main aux salariés ce qu'il leur prend de l'autre avec la désocialisation.
Le Sénat a aggravé le texte en ajoutant la défiscalisation des heures supplémentaires. Avec le Gouvernement, nos concitoyens perdaient 2 % de pouvoir d'achat en 2022 ; avec la droite sénatoriale, ils devront travailler davantage pour gagner autant qu'en 2021.
Si l'on demande des efforts aux salariés, les entreprises et les plus riches ne paieront pas un euro supplémentaire. Le refus de taxer les superprofits est éloquent. La sécurité sociale et l'État sont privés de millions d'euros de recettes, et nos territoires en subiront les conséquences. Le désengagement de l'État sur les collectivités territoriales, ça suffit ! Stop aux politiques d'austérité et aux logiques libérales mortifères.
Nous pensons qu'une autre politique est possible. Nous proposons ainsi de bloquer temporairement les prix, d'appliquer un coefficient multiplicateur sur les produits alimentaires pour tenir compte du prix de vente des produits agricoles, de revaloriser le SMIC à 1 500 euros, le point d'indice des fonctionnaires à 10 % et de convoquer une conférence générale sur les salaires. (Exclamations à droite.)
M. Laurent Burgoa. - Qui paye ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. - J'ai bien compris que cela vous déplaisait !
Pour les retraités, nous voulons indexer les pensions, supprimer la hausse de CSG de 2018, revaloriser l'ASPA. Pour les jeunes, nous voulons une garantie autonomie pour les 18-25 ans. Pour les collectivités territoriales, un bouclier énergie et la compensation de la hausse du point d'indice des fonctionnaires territoriaux.
Ces mesures sont possibles, si l'on taxe les superprofits des entreprises gazières et pétrolières, (applaudissements sur les travées du groupe CRCE, du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; exclamations ironiques à droite), si l'on rétablit l'ISF et les cotisations du CICE qui amputent le budget de l'État de 20 milliards d'euros par an !
Le Gouvernement et la droite tapent sur les plus fragiles et refusent de faire contribuer les plus riches. Le groupe CRCE votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST ; Mme Éliane Assassi tance les sénateurs de droite qui se gaussent.)
Mme Élisabeth Doineau . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue le compromis obtenu entre nos deux chambres et remercie nos rapporteurs, dont le travail a été fructueux.
Nous connaissons la plus forte inflation depuis 1985. Saluons la réaction rapide du Gouvernement, même si peu de mesures de ce projet de loi auront un impact direct sur le pouvoir d'achat des Français. Mais l'intitulé du texte est clair : protéger, et non améliorer.
L'article 5 aura un effet direct : la revalorisation de 4 % des prestations et allocations sociales, pour un coût de 4,6 milliards d'euros pour la sécurité sociale, et de 2 milliards pour l'État et les collectivités.
Sur l'article premier, la CMP a limité le nombre de versements de la PPV à quatre et en a avancé le versement au 1er juillet. Le plafond de la prime est triplé et le dispositif pérennisé. La PPV ne doit toutefois pas se substituer ni à l'intéressement ni à une part de salaire : nous serons vigilants sur ce point.
Sur l'article 4, un désaccord existait ; nous prenons acte de sa réintroduction en CMP.
La déconjugalisation de l'AAH est une grande satisfaction. Je salue la détermination des associations et des parlementaires qui se sont mobilisés depuis longtemps.
Sur le volet énergétique, le texte protège les Français en nous préparant à l'hiver afin de limiter la hausse des prix de l'énergie.
Nous nous félicitons du plafonnement de la hausse des loyers pour les particuliers, de la modulation à 2,5 % dans les outre-mer et à 1,5 % en Corse. Nous regrettons toutefois que notre amendement qui étendait ce taux de 1,5 % aux 17 000 communes en ZRR n'ait pas été retenu. Gare à l'explosion du coût de la vie en milieu rural...
Sur le plafonnement des loyers commerciaux à 3,5 %, issu d'un amendement du le RDPI, nous partageons l'objectif, sinon la rédaction, et saluons son adoption.
M. Xavier Iacovelli. - Merci.
Mme Élisabeth Doineau. - En matière de souveraineté énergétique, nous progressons, mais la question de l'indépendance reste entière...
Nous voterons pour ce texte, en regrettant les délais d'examen restreints qui nous ont été imposés. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI, et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Nathalie Delattre . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) À la suite de ce marathon législatif estival, je me réjouis de l'accord trouvé en CMP sur ce texte.
Les débats au Sénat ont été riches, malgré des délais trop courts.
Je me félicite que notre amendement limitant à 3,5% la hausse de l'indice des loyers commerciaux ait été maintenu en CMP.
La revalorisation anticipée de 4 % des prestations sociales, les modalités d'attribution de la PPV, le vote conforme sur la déconjugalisation de l'AAH ou encore le déblocage de l'épargne salariale sont des avancées.
Un compromis a été trouvé à l'article 2 pour les jeunes agriculteurs, qui pourront opter entre exonération partielle et réduction de cotisations. Cette souplesse préservera leur pouvoir d'achat face aux crises qui se succèdent.
Je me réjouis des mesures en faveur de l'intéressement, défendues ici par Jean-Marc Gabouty lors de la loi Pacte de 2019.
La CMP a retenu une position d'équilibre sur la réutilisation des huiles alimentaires usagées. Je salue aussi les mesures de protection des consommateurs face aux pratiques commerciales abusives et sur la résiliation d'abonnements.
Enfin, un volet porte sur la protection de notre souveraineté énergétique. Retenons que la France sera mieux armée pour affronter les tensions sur l'approvisionnement énergétique l'hiver prochain. L'urgence, toutefois, ne dispense pas d'une politique énergétique de long terme.
Quelques regrets : mes propositions élargissant la PPV aux stagiaires ou aux personnes en insertion ont été refusées ; d'autres, sur le fléchage de l'allocation de rentrée scolaire, ont été déclarées irrecevables. Plusieurs d'entre nous souhaitaient également une augmentation du salaire net des plus précaires qui travaillent.
Malgré ces réserves, les membres du RDSE voteront le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Martin Lévrier et Marc Laménie applaudissent également.)
À la demande du groupe Les Républicains, l'ensemble du texte est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°152 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 272 |
Pour l'adoption | 245 |
Contre | 27 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Prochaine séance demain, jeudi 4 août 2022, à 17 heures.
La séance est levée à 18 h 35.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 4 août 2022
Séance publique
À 17 heures et, éventuellement, le soir
Présidence : M. Roger Karoutchi, vice- président Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
Secrétaires : Mme Esther Benbassa - M. Pierre Cuypers
. Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022
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Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 4 août 2022
Séance publique
À 17 heures et, éventuellement, le soir
Présidence : M. Roger Karoutchi, vice-président, Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
Secrétaires : Mme Esther Benbassa - M. Pierre Cuypers
. Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022