Mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville et Mme Élisabeth Doineau applaudissent également.) Un texte sur le pouvoir d'achat appelle à l'humilité et au sens des responsabilités. Les Français attendent des réponses ciblées et immédiates à leurs préoccupations du quotidien.

Nous avons veillé à suivre cette boussole, étant entendu que la protection du niveau de vie dépend certes de l'État et des collectivités territoriales, mais surtout des entreprises et des ménages eux-mêmes. Même s'il a validé la revalorisation anticipée de diverses prestations sociales au 1er juillet, le Sénat, attentif à l'équilibre financier, a marqué la fin du « quoi qu'il en coûte ».

La CMP a établi un texte commun à partir de deux copies assez différentes. Des apports importants du Sénat ont été retenus, avec l'article premier bis, qui limite de manière pérenne le surcoût associé aux heures supplémentaires et recentre le dispositif sur les PME. Cela rend effectifs les gains de pouvoir d'achat que les salariés pourront en tirer.

Le déblocage exceptionnel de l'épargne salariale apportera aussi un soutien immédiat aux salariés, tout comme l'accélération de l'extension des accords salariaux en cas de multiples revalorisations du SMIC. Je reste sceptique sur l'incitation à négocier par le biais de la restructuration des branches, que la CMP a réintroduit, mais le compromis est équilibré.

De même, une solution de compromis retient l'essentiel de la rédaction de l'Assemblée nationale sur la prime de partage de la valeur (PPV), tout en intégrant la limitation du fractionnement à un versement par trimestre défendue par le Sénat.

Quant au cumul de l'exonération dont bénéficient les jeunes agriculteurs et de la réduction du taux de cotisation maladie-maternité défendu par Laurent Duplomb, il a été transformé d'un commun accord en droit d'option pour l'un ou l'autre de ces dispositifs.

La limitation à quatre mois du délai donné à l'administration pour l'agrément d'un accord de branche d'intéressement, voulue par le Sénat, a été conservée par la CMP.

Je me félicite que la rédaction du Sénat ait été retenue sur l'assouplissement temporaire de l'utilisation des titres-restaurants, même si j'entends les inquiétudes du secteur de l'hôtellerie-restauration.

Ce texte n'épuise pas le sujet du pouvoir d'achat. Nous ne savons pas quelles prochaines mesures seront nécessaires et nous savons que les difficultés des plus modestes et des Ultramarins ne sont pas toutes résolues. Néanmoins, je vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville, Mme Élisabeth Doineau et M. Alain Duffourg applaudissent également.)

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Si les délais d'examen du texte ont été courts, le compromis en CMP est satisfaisant. Je me félicite que la commission des affaires économiques du Sénat y ait imprimé sa marque.

Nous maintenons l'équilibre entre l'urgence d'une part et la liberté économique et le droit de propriété d'autre part. Nous avons comblé des angles morts en matière de protection des consommateurs, de régulation des marchés de l'électricité et du gaz, ainsi que de promotion des alternatives aux énergies fossiles.

Le gel du plafond de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) à 120 TWh jusqu'à 2025 et le relèvement de son prix à 49,50 euros/MWh ont été retenus. Nous avons consolidé les pouvoirs de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) à l'égard du stockage.

Nous avons aussi associé les collectivités territoriales à tous les dispositifs pertinents. Enfin, nous avons complété le programme d'investissement des méthaniers flottants.

Les projets de biogaz bénéficieront de solutions de simplification ; les consommateurs d'électricité et de gaz seront mieux informés ; les coupures d'électricité encadrées ; l'impact du bouclier tarifaire sur les collectivités sera évalué.

Plusieurs apports sénatoriaux sont aussi à saluer sur le volet consommation, par exemple la pénalisation des banques qui retardent le remboursement des victimes de fraude.

Ces mesures sont ponctuelles, et non structurelles, mais nous vous appelons sans réserve à voter ce texte.

Je salue le travail de nos services et celui des rapporteurs de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC) Notre séance suit trois semaines de débats nourris. Nous saluons l'adoption de ce texte de soutien direct au pouvoir d'achat des Français en un temps record, au terme d'un accord en CMP, alors que nous vivons une grave crise énergétique qui pèse pour 60 % de l'inflation actuelle.

Je salue le sens des responsabilités du Parlement. Nous sommes dans une course contre la montre pour sécuriser les approvisionnements en énergie de l'hiver prochain.

Je veux saluer quelques mesures de ce projet de loi.

La réquisition des centrales à gaz en cas de tension a été limitée par le Parlement à quatre ans et a été précisée. Le projet de terminal méthanier flottant, qui couvre l'équivalent de 60 % de l'apport en gaz russe, est temporaire et encadré pour cinq ans. Le Parlement protège les Français des coupures d'énergie pour impayé, avec une période incompressible d'un mois avant coupure, afin de trouver un accord entre fournisseur et consommateur. Je salue la sécurisation du rehaussement du plafond de l'Arenh : cela protégera les entreprises électro-intensives et les collectivités territoriales. L'État réaffirme le caractère stratégique d'EDF avec le rachat de ses actions.

Sur le pouvoir d'achat des Français, nous avons avancé les revalorisations des prestations sociales, qui s'élèvent à 4 %, en plus des hausses à 1,1 % en janvier et à 1,8 % en avril.

La volonté du Gouvernement est sans ambiguïté : nous n'opposons pas valeur travail et le soutien aux plus fragiles. Ainsi, l'article 3 favorise le recours à l'intéressement pour les PME, avec une mise en oeuvre simplifiée. Enfin, les charges des indépendants baisseront de façon pérenne : 550 euros de gain pour les commerçants et les libéraux qui gagnent l'équivalent du SMIC.

Ce texte est un exemple de co-construction : la déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé (AAH) est issue d'un amendement commun à beaucoup d'entre vous. Elle entrera en vigueur au plus tard le 1er octobre 2023.

Le Parlement a autorisé le déblocage de l'épargne salariale, jusqu'à 10 000 euros, d'ici le 31 décembre.

La pérennité de la PPV est conservée pour les entreprises de plus de cinquante salariés : c'est un signal important. Pour les intérimaires, en application du principe selon lequel à travail égal, salaire égal, leur rémunération ne peut être inférieure à celle d'un salarié permanent. Cela inclut la PPV, versée par l'entreprise de travail temporaire. Celle-ci peut d'ailleurs verser une prime à ses salariés permanents ou mis à disposition.

Par ailleurs, l'article 4 est rétabli. Il permet la restructuration des branches professionnelles dont la rémunération est inférieure au SMIC. Le dialogue social reste le pilier, mais cela offre un levier d'action en cas de blocage et incite les branches à rester mobilisées.

Enfin, les heures supplémentaires bénéficieront d'une nouvelle exonération pérenne pour les entreprises de 20 à 250 salariés. Je salue ce compromis qui allie compétitivité et pouvoir d'achat.

Il y a aussi des avancées dans la protection des consommateurs, avec un bouclier tarifaire sur les premiers postes de dépenses : la hausse des loyers est plafonnée à 3,5 % et les aides personnalisées au logement (APL) revalorisées du même taux. Le Gouvernement se félicite du plafonnement de l'indice des loyers commerciaux à 3,5 % pour les PME, adopté par le Sénat.

Nous rendons le consommateur maître de ses dépenses : c'est l'objet du bouton résiliation. Je salue le travail du rapporteur Gremillet et du sénateur Lemoyne à cet égard. La commercialisation des assurances affinitaires sera aussi encadrée, tout comme certains frais d'incidents bancaires. Enfin, pas de protection sans renforcement des sanctions et du contrôle contre les arnaques, alors que le préjudice estimé des fraudes au compte personnel de formation (CPF) avoisine les 27 millions d'euros. Agissons rapidement sur ces sujets. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la CMP, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement. En conséquence, le vote sur les amendements et sur les articles est réservé.

ARTICLE PREMIER BIS

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Nous levons le gage pour la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Avis favorable.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 47

Supprimer cet alinéa.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Nous levons le gage pour le cumul de l'exonération partielle de cotisations pour les jeunes agriculteurs et de la réduction des cotisations.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Avis favorable.

ARTICLE 3 BIS

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 12 et 13

Supprimer ces alinéas.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Nous levons le gage pour le déblocage anticipé de l'épargne salariale.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Avis favorable.

Explications de vote

Mme Annie Le Houerou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les premiers de corvée sont frappés de plein fouet par l'inflation. Ce texte était un espoir pour eux. Vous disiez vouloir revaloriser le travail. Or tout travail mérite salaire : c'est le contrat social entre l'employeur et le salarié, et le droit du travail est garant d'une juste rémunération qui assure de pouvoir de vivre décemment.

C'est pourquoi nous avons défendu la revalorisation du SMIC et une conférence sur les salaires. Comme nous nous y attendions, vous avez ignoré la question salariale. Les quelques revalorisations votées, pour les prestations familiales, les minima sociaux, la retraite de base, les APL, le point d'indice, sont rattrapées par l'inflation.

La collusion entre le Gouvernement et la droite sénatoriale pour mettre en oeuvre une politique libérale ne fait pas de doute.

En choisissant la prime au détriment du salaire, vous déconstruisez le statut de salarié. Elle est à la discrétion de l'employeur : seuls 10 % des salariés sont concernés, son montant moyen est de 550 euros. Augmenter le plafond est un leurre. Désocialisée et défiscalisée, cette prime va à l'encontre du modèle social que nous défendons et affaiblit notre protection sociale.

La monétisation des RTT enfonce un coin dans les 35 heures.

La CMP a néanmoins adopté quelques dispositions utiles pour protéger les consommateurs d'énergie et accélérer les projets de biogaz, mais elle témoigne du manque d'ambition du Gouvernement en la matière. Le relèvement du plafond de l'Arenh fragilise encore EDF, alors que ses concurrents font des superprofits sans être mis à contribution.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Absolument !

Mme Annie Le Houerou.  - Une réforme du marché européen de l'énergie s'impose.

Principale avancée de ce texte, la déconjugalisation de l'AAH met fin à une injustice. Elle avait déjà été votée au Sénat, avant d'être rejetée à l'Assemblée nationale. Que de temps perdu !

Nous regrettons que nos propositions sur le SMIC, sur les salaires, sur l'indexation des prestations sociales sur l'inflation ou encore sur le RSA jeune aient été balayées d'un revers de main.

Avec la complicité de la majorité sénatoriale...

M. Roger Karoutchi.  - On n'a rien fait !

Mme Annie Le Houerou.  - ... le Gouvernement ne propose que des mesures de court terme qui ne répondent pas à l'urgence sociale. En responsabilité, le groupe SER ne votera pas ce texte et s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

M. Xavier Iacovelli .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Face à la hausse des prix, le Gouvernement a proposé des mesures concrètes et rapides. Ces avancées sont nécessaires.

Je pense au triplement de la PPV jusqu'à 3 000 euros par an, et 6 000 euros pour les entreprises qui ont créé un dispositif d'intéressement. Notre amendement qui avançait d'un mois l'entrée en vigueur de l'article premier a été conservé ; en effet, certaines entreprises avaient versé la prime dès le mois de juillet. Son versement pourra être fractionné, pour mieux s'adapter à la conjoncture.

Je pense à la baisse des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants et leurs conjoints collaborateurs, ainsi qu'au plafonnement de la hausse des loyers commerciaux.

L'utilisation des titres-restaurant est assouplie : jusqu'en 2023, ils pourront être utilisés en magasin.

Les plus fragiles bénéficieront de la revalorisation anticipée des retraites, du minimum vieillesse, de l'AAH, de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). Idem pour la revalorisation du RSA malgré la tentative de la droite sénatoriale de la baisser. Aucun Français ne peut se satisfaire de 575 euros par mois. Les allocataires du RSA ne sont ni fainéants ni profiteurs ! Je me réjouis que la sagesse l'ait emporté, en espérant qu'il en ira de même sur le PLFR...

Notre ambition est que chacun puisse trouver un emploi stable et une protection adéquate afin de vivre dignement.

Je pense également au plafonnement des hausses de loyers, à la résiliation facilitée des contrats en ligne, à la lutte contre les arnaques.

Je pense enfin à la déconjugalisation de l'AAH, engagement du Président de la République durant la campagne électorale. (On ironise à droite.)

Mme Sophie Primas.  - Magnifique ! Plus c'est gros, plus ça passe !

M. Xavier Iacovelli.  - Cela représente un gain de pouvoir d'achat pour 160 000 personnes. Un dispositif transitoire a été trouvé pour les 45 000 foyers qui auraient été perdants sinon.

Mme Sophie Primas.  - Cela ne vous embêtait pas l'année dernière !

M. Xavier Iacovelli.  - Je salue l'action de tous les groupes -  et tout particulièrement de Philippe Mouiller  - pour une société plus inclusive.

L'esprit de compromis a guidé nos débats. L'accord en CMP démontre le sens des responsabilités du Parlement. Oui, 20 milliards d'euros en faveur des minima sociaux, c'est un soutien au pouvoir d'achat : je regrette que le groupe SER ne le comprenne pas. Comme le disait Jean-Baptiste Lemoyne, « dans les périodes de crise, l'inédit commande... » Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Franck Menonville .  - Selon l'Insee, le pouvoir d'achat des Français devrait reculer de 1 % en 2022, plombé par une inflation de 6 %. Les prix de l'énergie ont augmenté de 70 % depuis novembre 2021.

Ce projet de loi très attendu mobilise 20 milliards d'euros pour soutenir le pouvoir d'achat. Il a fait l'objet d'un compromis en CMP, où de nombreux apports du Sénat ont été conservés.

Il fallait renforcer notre souveraineté énergétique. Les terminaux méthaniers nous permettront de traiter le gaz naturel liquéfié (GNL). Nous nous apprêtons hélas à relancer nos centrales à charbon car le parc nucléaire a trop longtemps été délaissé. (M. Laurent Burgoa renchérit.)

Nos concitoyens ont besoin de davantage de protection dans leurs contrats de consommation et dans leurs rapports avec les banques. Citons le remboursement accéléré des fraudes bancaires, le remboursement automatique des frais d'incident multiples, l'exonération des frais de résiliation en ligne, entre autres.

Mais la véritable solution à la crise passe par la valorisation du travail, alors que les entreprises peinent à recruter. Le travail doit payer : voilà le vrai levier pour soutenir le pouvoir d'achat.

Quatre mesures me semblent essentielles : la PPV dont le versement est avancé et pourra être fractionné ; la réduction des cotisations patronales sur les heures supplémentaires dans les entreprises de 20 à 250 salariés - même si j'aurais souhaité aller plus loin ; la facilitation de l'intéressement dans les petites entreprises, avec le déblocage anticipé de l'épargne salariale prévu par le Sénat ; enfin, la déconjugalisation de l'AAH, qui nous mobilise depuis longtemps, et la revalorisation des minima sociaux. Les dépenses pour les collectivités territoriales seront compensées.

Nous considérons que la santé financière de nos collectivités territoriales est un gage de réussite pour chaque citoyen, et serons donc très attentifs aux hausses de charges qui entraveraient leur capacité d'investissement. Les mesures votées par le Sénat dans le PLFR vont dans ce sens.

Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Ce texte est une bonne nouvelle pour nos concitoyens, mais le défi reste immense et l'avenir est incertain. Il faudra être au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et du RDPI)

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le texte élaboré en CMP montre que nos deux assemblées sont capables, lorsqu'elles sont écoutées et respectées, d'enrichir les projets de l'exécutif.

Ni chambre d'enregistrement ni assemblée de blocage, le Sénat a trouvé des solutions pour soutenir le pouvoir d'achat des Français dans les domaines sociaux, économiques et énergétiques.

Nous avons rappelé que c'est d'abord et surtout le travail qui améliore le pouvoir d'achat des Français, et que tout doit être fait pour l'encourager. Mais aussi que notre politique énergétique ne peut être abordée en pièces détachées, sur un coin de table : il nous faut un vrai débat, comme l'a dit le président Retailleau.

Enfin, nous devons soutenir les ménages modestes avec des dispositifs ciblés et rapides à mettre en oeuvre.

Ce texte, marqué par nos travaux -  et je salue nos rapporteurs  - fera bénéficier les Français d'une PPV pérennisée, d'un recours facilité aux heures supplémentaires, d'un déblocage anticipé de la participation et de l'intéressement à hauteur de 10 000 euros. Nous pouvons en être fiers.

Grâce au Sénat, les plus modestes pourront bénéficier d'une réduction de puissance plutôt que d'une coupure sèche de courant.

L'AAH sera enfin déconjugalisée - mais que de temps perdu ! C'est une avancée majeure, que je portais depuis longtemps. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

Le Sénat a obtenu des avancées sur le volet énergie. Avec la hausse du prix de vente de l'électricité nucléaire d'EDF et le gel de l'Arenh, nous disons au Gouvernement que la situation n'est plus tenable et qu'une réforme s'impose.

Développement des terminaux méthaniers, accélération de la stratégie nationale pour le biogaz, dispositif innovant d'économies d'énergies rémunérées et volontaires pour les particuliers - ces mesures sont utiles mais ne remplaceront pas une stratégie de long terme.

Les acquis du Sénat sont nombreux et inédits sur un tel texte. Souhaitons qu'il en aille de même pour le PLFR.

Le groupe Les Républicains votera avec satisfaction le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) Face à la hausse des prix qui heurte violemment les plus modestes, il était urgent d'agir. L'inflation atteint des niveaux record, et frappe les ménages de façon inégale : les ménages ruraux sont plus pénalisés que ceux de l'agglomération parisienne, les plus pauvres subissent une inflation supérieure de 10 % aux plus aisés.

L'OFCE chiffre la baisse de pouvoir d'achat à 1 % en 2022, du jamais vu depuis 2013. Et ce, alors que le revenu brut arbitrable n'a évolué que de 1,5 % en dix ans... Le pouvoir de vivre est en berne, alors même que les taux de marge des entreprises sont au plus haut depuis 1949. L'augmentation des profits alimente celle des prix. Les mouvements spéculatifs aggravent les difficultés d'approvisionnement énergétique, mais vous refusez de taxer les superprofits !

Ce projet de loi ne propose que des mesures temporaires, qui ne profiteront qu'à une minorité. La PPV se substituera à des hausses de salaire. Inégalement répartie -  17 % des entreprises de moins de 50 salariés l'ont versée, 58 % de celles de plus de 1 000 salariés  - plus largement distribuée aux hauts salaires, cette prime ne permettra pas d'aider les plus pauvres, dont il faut augmenter les salaires.

Le SMIC à 1 500 euros...

M. Laurent Burgoa.  - On y revient !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - ...était pourtant possible, en taxant les surprofits des grandes entreprises.

Au lieu de quoi, la multiplication des primes désocialisées et défiscalisées creuse le déficit public ; le Sénat en rajoute en élargissant les exonérations aux heures supplémentaires.

Certes, le Gouvernement compense - mais demain, au prétexte de rééquilibrer les comptes, il poussera ses réformes austéritaires et antisociales, en poursuivant ses cadeaux aux plus riches. Ce projet de loi est un jeu de bonneteau !

La revalorisation des minima sociaux a été sauvée de justesse de la droite sénatoriale qui s'attaque régulièrement aux plus exclus d'une société toujours plus inégalitaire.

M. Laurent Burgoa.  - N'importe quoi. Toujours la même rengaine...

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Saluons toutefois la déconjugalisation de l'AAH, obtenue au forceps après des années de lutte.

Constatant que ce texte manque sa cible de protéger les plus vulnérables, le GEST votera contre. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa, M. Joël Bigot et M. Yan Chantrel applaudissent également.)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Sans surprise, les députés de la majorité gouvernementale et la droite sénatoriale se sont mis d'accord. Nous avons assisté aux fiançailles, félicitons les mariés qui se sont dit oui ! (Applaudissements à gauche, soupirs excédés à droite.)

Le panier de la mariée est pourtant bien vide. Le Gouvernement ne prévoit que des mesures insuffisantes : les prestations sociales et le point d'indice ne sont revalorisés de 4 %, les retraites de base de 1,1 %, quand l'inflation atteint 6 %. Il ne s'agit que d'un rattrapage partiel de la perte de pouvoir d'achat.

Le Gouvernement préfère verser des primes temporaires plutôt que d'inciter les patrons à augmenter les salaires. Il donne d'une main aux salariés ce qu'il leur prend de l'autre avec la désocialisation.

Le Sénat a aggravé le texte en ajoutant la défiscalisation des heures supplémentaires. Avec le Gouvernement, nos concitoyens perdaient 2 % de pouvoir d'achat en 2022 ; avec la droite sénatoriale, ils devront travailler davantage pour gagner autant qu'en 2021.

Si l'on demande des efforts aux salariés, les entreprises et les plus riches ne paieront pas un euro supplémentaire. Le refus de taxer les superprofits est éloquent. La sécurité sociale et l'État sont privés de millions d'euros de recettes, et nos territoires en subiront les conséquences. Le désengagement de l'État sur les collectivités territoriales, ça suffit ! Stop aux politiques d'austérité et aux logiques libérales mortifères.

Nous pensons qu'une autre politique est possible. Nous proposons ainsi de bloquer temporairement les prix, d'appliquer un coefficient multiplicateur sur les produits alimentaires pour tenir compte du prix de vente des produits agricoles, de revaloriser le SMIC à 1 500 euros, le point d'indice des fonctionnaires à 10 % et de convoquer une conférence générale sur les salaires. (Exclamations à droite.)

M. Laurent Burgoa.  - Qui paye ?

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - J'ai bien compris que cela vous déplaisait !

Pour les retraités, nous voulons indexer les pensions, supprimer la hausse de CSG de 2018, revaloriser l'ASPA. Pour les jeunes, nous voulons une garantie autonomie pour les 18-25 ans. Pour les collectivités territoriales, un bouclier énergie et la compensation de la hausse du point d'indice des fonctionnaires territoriaux.

Ces mesures sont possibles, si l'on taxe les superprofits des entreprises gazières et pétrolières, (applaudissements sur les travées du groupe CRCE, du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; exclamations ironiques à droite), si l'on rétablit l'ISF et les cotisations du CICE qui amputent le budget de l'État de 20 milliards d'euros par an !

Le Gouvernement et la droite tapent sur les plus fragiles et refusent de faire contribuer les plus riches. Le groupe CRCE votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST ; Mme Éliane Assassi tance les sénateurs de droite qui se gaussent.)

Mme Élisabeth Doineau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue le compromis obtenu entre nos deux chambres et remercie nos rapporteurs, dont le travail a été fructueux.

Nous connaissons la plus forte inflation depuis 1985. Saluons la réaction rapide du Gouvernement, même si peu de mesures de ce projet de loi auront un impact direct sur le pouvoir d'achat des Français. Mais l'intitulé du texte est clair : protéger, et non améliorer.

L'article 5 aura un effet direct : la revalorisation de 4 % des prestations et allocations sociales, pour un coût de 4,6 milliards d'euros pour la sécurité sociale, et de 2 milliards pour l'État et les collectivités.

Sur l'article premier, la CMP a limité le nombre de versements de la PPV à quatre et en a avancé le versement au 1er juillet. Le plafond de la prime est triplé et le dispositif pérennisé. La PPV ne doit toutefois pas se substituer ni à l'intéressement ni à une part de salaire : nous serons vigilants sur ce point.

Sur l'article 4, un désaccord existait ; nous prenons acte de sa réintroduction en CMP.

La déconjugalisation de l'AAH est une grande satisfaction. Je salue la détermination des associations et des parlementaires qui se sont mobilisés depuis longtemps.

Sur le volet énergétique, le texte protège les Français en nous préparant à l'hiver afin de limiter la hausse des prix de l'énergie.

Nous nous félicitons du plafonnement de la hausse des loyers pour les particuliers, de la modulation à 2,5 % dans les outre-mer et à 1,5 % en Corse. Nous regrettons toutefois que notre amendement qui étendait ce taux de 1,5 % aux 17 000 communes en ZRR n'ait pas été retenu. Gare à l'explosion du coût de la vie en milieu rural...

Sur le plafonnement des loyers commerciaux à 3,5 %, issu d'un amendement du le RDPI, nous partageons l'objectif, sinon la rédaction, et saluons son adoption.

M. Xavier Iacovelli.  - Merci.

Mme Élisabeth Doineau.  - En matière de souveraineté énergétique, nous progressons, mais la question de l'indépendance reste entière...

Nous voterons pour ce texte, en regrettant les délais d'examen restreints qui nous ont été imposés. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI, et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Nathalie Delattre .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) À la suite de ce marathon législatif estival, je me réjouis de l'accord trouvé en CMP sur ce texte.

Les débats au Sénat ont été riches, malgré des délais trop courts.

Je me félicite que notre amendement limitant à 3,5% la hausse de l'indice des loyers commerciaux ait été maintenu en CMP.

La revalorisation anticipée de 4 % des prestations sociales, les modalités d'attribution de la PPV, le vote conforme sur la déconjugalisation de l'AAH ou encore le déblocage de l'épargne salariale sont des avancées.

Un compromis a été trouvé à l'article 2 pour les jeunes agriculteurs, qui pourront opter entre exonération partielle et réduction de cotisations. Cette souplesse préservera leur pouvoir d'achat face aux crises qui se succèdent.

Je me réjouis des mesures en faveur de l'intéressement, défendues ici par Jean-Marc Gabouty lors de la loi Pacte de 2019.

La CMP a retenu une position d'équilibre sur la réutilisation des huiles alimentaires usagées. Je salue aussi les mesures de protection des consommateurs face aux pratiques commerciales abusives et sur la résiliation d'abonnements.

Enfin, un volet porte sur la protection de notre souveraineté énergétique. Retenons que la France sera mieux armée pour affronter les tensions sur l'approvisionnement énergétique l'hiver prochain. L'urgence, toutefois, ne dispense pas d'une politique énergétique de long terme.

Quelques regrets : mes propositions élargissant la PPV aux stagiaires ou aux personnes en insertion ont été refusées ; d'autres, sur le fléchage de l'allocation de rentrée scolaire, ont été déclarées irrecevables. Plusieurs d'entre nous souhaitaient également une augmentation du salaire net des plus précaires qui travaillent.

Malgré ces réserves, les membres du RDSE voteront le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Martin Lévrier et Marc Laménie applaudissent également.)

À la demande du groupe Les Républicains, l'ensemble du texte est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°152 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 272
Pour l'adoption 245
Contre   27

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Prochaine séance demain, jeudi 4 août 2022, à 17 heures.

La séance est levée à 18 h 35.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 4 août 2022

Séance publique

À 17 heures et, éventuellement, le soir

Présidence : M. Roger Karoutchi, vice- président Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

Secrétaires : Mme Esther Benbassa - M. Pierre Cuypers

Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022

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Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 4 août 2022

Séance publique

À 17 heures et, éventuellement, le soir

Présidence : M. Roger Karoutchi, vice-président, Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

Secrétaires : Mme Esther Benbassa - M. Pierre Cuypers

Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022