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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Circulation et retour des biens culturels appartenant aux collections publiques
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure
Limiter l'engrillagement des espaces naturels et protéger la propriété privée
M. Jean-Noël Cardoux, auteur de la proposition de loi
M. Laurent Somon, rapporteur de la commission des affaires économiques
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Ordre du jour du mardi 11 janvier 2022
SÉANCE
du lundi 10 janvier 2022
41e séance de la session ordinaire 2021-2022
présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président
Secrétaires : Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.
La séance est ouverte à 17 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté.
Circulation et retour des biens culturels appartenant aux collections publiques
Mme le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Max Brisson, Pierre Ouzoulias et plusieurs de leurs collègues, à la demande de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
Discussion générale
Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la proposition de loi et rapporteure de la commission de la culture . - Le Sénat a toujours joué un rôle moteur dans la réflexion autour d'une gestion plus éthique de nos collections publiques.
Je pense à la proposition de loi sur la restitution de la Vénus hottentote adoptée en 2002, à la proposition de loi sur la restitution des têtes maories en 2010 : j'étais à l'initiative de ce texte, notre ancien collègue Philippe Richert en était rapporteur, comme il l'avait été sur la loi Musées de France.
Le Sénat fut à l'origine de la création de la Commission scientifique nationale des collections (CSNC) destinée à définir une doctrine sur la cession et le déplacement d'oeuvres des collections. Cet outil était indispensable pour aliéner des biens sans compromettre le patrimoine de la Nation. Malheureusement, la volonté du législateur n'a pas été suivie d'effet. Il faut dire que les conservateurs sont avant tout formés à être conservateurs...
La commission scientifique a été supprimée par le Gouvernement dans la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) il y a un an, contre notre volonté. C'est d'autant plus regrettable que ses problèmes de fonctionnement auraient pu être facilement réglés par voie réglementaire.
Le mouvement des demandes de restitution n'a pas été correctement anticipé malgré nos alertes depuis dix ans. Résultat : notre pays est acculé à y répondre dans l'urgence, sur des critères avant tout diplomatiques.
En 2020, sous mon égide, la commission de la culture a mené un travail approfondi sur le sujet, MM. Brisson et Ouzoulias en étant rapporteurs. Cette proposition de loi en est l'aboutissement.
Le retour des biens culturels n'est pas une question facile ; il soulève des enjeux multiples et contradictoires. Les demandes de restitution questionnent la conception universelle des musées et ébranlent le principe d'inaliénabilité des collections publiques, qui risque d'être dynamité par la seule volonté du prince.
Les revendications se multiplient ; sept pays africains nous ont sollicités ces dernières années, Bénin, Sénégal, Côte d'Ivoire, Éthiopie, Tchad, Mali et Madagascar. La loi de l'an passé n'a du reste pas répondu pleinement aux attentes du Bénin et du Sénégal.
Toutes les anciennes puissances coloniales sont concernées, et la réflexion progresse chez nos voisins : l'Allemagne a conclu un accord avec le Nigeria, tandis que la Belgique est en passe d'adopter une loi-cadre de restitution des acquisitions illégitimes.
Pour autant il n'y a pas de réponse unique : la solution retenue par tel pays n'est pas forcément transposable dans tel autre, qui a sa propre histoire et son propre régime de protection des collections.
La France doit absolument engager une réflexion sur ce sujet, surtout après le discours du Président de la République à Ouagadougou en novembre 2017. Le rapport Sarr-Savoy place notre pays au pied du mur.
Le Parlement a été dépossédé de son pouvoir...
M. Pierre Ouzoulias. - Absolument !
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - ... alors qu'il est seul habilité à autoriser la sortie des collections publiques.
Le Parlement a été saisi pour entériner des décisions du Président de la République ou du Gouvernement, qu'il s'agisse du sabre revendiqué par le Sénégal ou du trésor d'Abomey demandé par le Bénin. Il a été contourné pour la remise du dais en forme de couronne à Madagascar ou le transfert des crânes algériens - demande légitime de l'Algérie, mais on a eu le sentiment que la diplomatie l'emportait sur les considérations scientifiques. Il y a d'autres façons de faire. (M. Pierre Ouzoulias approuve.) Les pays demandeurs eux-mêmes ont été frustrés par la procédure, confuse, et le déficit de concertation durant l'instruction. Nous souhaitons des coopérations culturelles et patrimoniales, non des opérations sans suite.
Il faut une véritable de méthode de traitement des demandes de restitution qui préserve le principe d'inaliénabilité des collections et veille à la cohérence des décisions.
Cette proposition de loi vise à doter notre pays d'une méthode collégiale et transparente. Les faiblesses de la procédure actuelle doivent être comblées. Pour compenser l'inertie du ministère de la Culture, il s'agit d'instaurer un conseil national de réflexion, destiné à apporter un éclairage scientifique, à mener une réflexion prospective et à formuler des recommandations sur la méthodologie touchant le retour comme la circulation des biens culturels.
Notre commission juge essentiel qu'un coup d'accélérateur soit donné à la recherche sur la provenance des pièces de nos collections publiques. Travail crucial pour répondre correctement aux demandes de retour et aux interrogations sur la légitimité de nos collections, et pour restaurer l'image de nos collections et leur conception universaliste.
Cela suppose des moyens humains, qui manquent cruellement dans nos musées. Le Gouvernement doit en faire une priorité politique.
Le champ de ce conseil porte clairement sur les restitutions. Il rassemblerait huit à douze membres, choisis pour leurs compétences scientifiques dans différentes disciplines, et nommés par les ministères de la culture et de la recherche.
La création d'une instance scientifique pérenne est opportune pour recentrer l'examen des demandes sur la vérité historique et assurer une permanence de la politique conduite, au-delà des alternances politiques.
Ce type d'instance a fait preuve de son efficacité dans d'autres domaines, je pense à la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) ou à la Commission nationale de l'architecture et du patrimoine avec le chantier de Notre-Dame. C'est une vraie garantie de transparence et de contrôle. Aujourd'hui, les restitutions échappent très largement au ministère de la Culture.
Ce conseil n'est pas un gadget mais un véritable outil de protection des collections contre d'éventuelles pressions sur les autorités politiques.
Il aurait l'obligation d'entendre les spécialistes ainsi que le personnel scientifique du pays demandeur. Il pourrait garantir la formation progressive d'une doctrine dans le cadre de sa mission prospective.
Cette instance n'est nullement incompatible avec une éventuelle loi-cadre. Le Président de la République a confié à Jean-Luc Martinez une mission dans cette perspective. Nous nous interrogeons sur le brusque revirement du Président de la République, qui jugeait il y a un an un tel texte inenvisageable...
Il serait néanmoins regrettable d'attendre la loi-cadre pour renforcer la transparence de la procédure de restitution.
Le Conseil national peut faire progresser la réflexion de façon collégiale. N'est-ce pas la meilleure méthode, plutôt que de confier une mission à un seul homme qui, nonobstant ses grandes compétences - en l'occurrence d'ancien président du Louvre - pourrait se voir reprocher sa partialité ? Et le Conseil national sera utile comme instance de contrôle si la loi-cadre est adoptée.
Le besoin de faciliter les restitutions de certains restes humains est réel. L'article 2 a été intégralement remanié par notre commission lors de l'élaboration de son texte, en conservant le même objectif.
On songe au cas des Inuits conduits en Europe en 1880 pour être exposés dans des spectacles et morts de la variole, ou des crânes de femmes arméniennes victimes du génocide, ou d'autres restes prélevés dans des cimetières. Leur présence dans nos collections est choquante.
Un groupe de travail, à la suite de la restitution des têtes maories, a été mis en place par les ministères de la Recherche et de la Culture pour ne pas avoir à recourir à des lois spécifiques. Je salue le travail de Michel Van Praët. Ce groupe de travail a produit deux rapports, en 2013 et 2018. L'article 2 définit à leur suite un cadre général fixant la procédure et les conditions de la restitution. Un certain nombre de restes humains doivent être sortis des collections ; la restitution doit être effectuée sous réserve de demande et du respect de certaines conditions ; il n'y aurait plus à passer par le Parlement ; enfin, les pays d'origine doivent être associés aux différentes étapes.
Cette méthode répond à un délicat problème et permettrait en outre de régulariser des situations comme celle du « dépôt » des crânes algériens, qui ont depuis été enterrés dans un cimetière de la banlieue d'Alger.
Je crois que le ministère de la Culture préfère la version antérieure de l'article 2, mais le ministère de la Justice a été très clair sur les fragilités de ce dispositif. Compte tenu de l'encombrement des tribunaux, il y aurait peu à gagner à cette rédaction. Celle de la commission est la meilleure pour avancer dans les restitutions de restes humains.
Dotons notre pays d'une méthode pour traiter les demandes de retour, en nous inscrivant dans la continuité des réflexions menées depuis vingt ans par le Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE, SER et du GEST)
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire . - Je vous prie d'excuser l'absence de Roselyne Bachelot, qui est à Bruxelles pour lancer le volet culturel de la présidence française de l'Union européenne.
Un travail considérable a été engagé depuis plusieurs années par le ministère de la Culture sur la restitution des biens culturels, en particulier des oeuvres d'art du continent africain.
Le Président de la République s'est prononcé à Ouagadougou pour le renouvellement de la coopération culturelle, souhaitant que les conditions de restitution temporaire ou définitive soient établies sous cinq ans.
M. Max Brisson. - Nous n'y sommes pas...
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État. - La loi de 2020 portait sur la restitution au Bénin et au Sénégal de biens culturels de première importance pour ces pays. Au final, le Sénat n'a pas approuvé la loi, mais pour d'autres motifs que le principe de la restitution - j'y reviendrai.
Quel chemin parcouru depuis 2016, quand le Gouvernement avait refusé d'accéder à la demande béninoise ! Un travail collectif immense a été accompli, par le Gouvernement, les musées, les parlementaires. Le Sénat, par sa forte implication sur le sujet, a contribué à éclairer les débats.
Nous sommes fiers d'une loi qui a eu un grand retentissement en Europe. Depuis sa promulgation, nos engagements ont été tenus de bout en bout. Le trésor d'Abomey est retourné au Bénin en novembre dernier. Une cérémonie de restitution a été présidée par le Président de la République avant la signature du transfert de propriété. Une exposition aura lieu au printemps prochain au Bénin. Le transfert de propriété du sabre dit d'El Hadj Oumar Tall au Sénégal a été également acté.
Nos musées se mobilisent fortement. Grâce à ce travail, d'autres restitutions sont envisageables à l'avenir. De nombreux séminaires de recherche se sont tenus, de nouveaux partenariats entre musées français et africains ont été noués. Au sommet Afrique-France de Montpellier le 8 octobre dernier, nous avons avancé sur la coopération en matière de recherche de provenance et de restitution. Ce n'est là qu'un aspect, sans doute pas le principal, de notre coopération patrimoniale avec ces pays. Le musée du quai Branly-Jacques Chirac et le musée Picasso préparent une grande exposition au musée des civilisations noires à Dakar.
La loi de 2020 n'était qu'un commencement. Des demandes de restitution nous ont été adressées par différents pays africains dont l'Éthiopie, le Mali, le Tchad, Madagascar ou la Côte d'Ivoire. Notre méthode est toujours la même : mettre nos musées au coeur de l'instruction des dossiers, en lien étroit avec le pays demandeur, pour parvenir à une analyse partagée sur les circonstances de l'entrée dans les collections nationales.
C'est l'historique des pièces qui est déterminant. Seul le travail des musées permet de l'établir, quand cela est possible. Un tel travail a été mené sur la restitution d'un tambour Atchan à la Côte d'Ivoire, grâce au musée du quai Branly, qui a établi l'origine violente de son entrée dans les collections nationales à l'époque coloniale.
Des travaux similaires sont en cours avec le Tchad et le Mali. Chaque cas est spécifique, mais nourrit une réflexion globale sur le sujet.
Les échanges renforcés entre pays européens permettent de dégager des convergences méthodologiques à travers des histoires très diverses.
Un dispositif cadre sera proposé au Parlement, conformément au souhait du Président de la République. Pour nous aider à le concevoir, M. Jean-Luc Martinez, ancien président du Louvre, mène une mission visant à approfondir les consultations issues de la loi de 2020.
Pour le Gouvernement, trois principes sont essentiels. D'abord, les musées et leurs experts doivent être au coeur des procédures d'instruction. Ensuite, le travail en réseau entre les musées français et européens et les experts africains est crucial, notamment pour établir la provenance des pièces, ce qui prend du temps. Enfin, la restitution doit être envisagée à l'aune de la provenance et de l'histoire des pièces concernées.
Ces considérations expliquent notre opposition réitérée à la création d'une instance extérieure aux musées appelée à se prononcer sur les projets de restitution. Oui, il faut associer les experts et éviter le fait du prince, mais cela ne saurait se faire indépendamment du travail des musées, siège premier de l'expertise sur leurs propres collections. L'instance proposée ne ferait, au mieux, que doublonner les instructions.
S'agissant de la restitution des restes humains, prévue à l'article 2, il s'agit d'un enjeu qui touche à la dignité humaine. Plusieurs précédents législatifs existent, comme la restitution du corps de Saartjie Baartman ou la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande. Nous sommes saisis de nombreuses demandes, en provenance notamment d'Australie, d'Argentine ou de Madagascar.
La ministre de la Culture est déterminée à trouver une solution permettant de restituer sans passer systématiquement par la loi.
Il n'y a pas de critère simple ou de définition de la restituabilité des objets. Tous les restes humains ou objets composites ne sont pas forcément restituables.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - Ce n'est pas ce qui est prévu !
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État. - Leur place dans les musées peut être justifiée, notamment dans les collections archéologiques ou anthropologiques.
M. Pierre Ouzoulias. - Ces cas sont écartés de notre dispositif ! (Mme la rapporteure le confirme.)
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État. - Des critères de restitution ont été définis dans l'article 2. L'origine des restes doit être scientifiquement établie ; les conditions d'acquisition doivent avoir porté atteinte au principe de dignité de la personne humaine ; l'objet doit appartenir à des groupes humains encore existants, dont la culture est toujours active ; la finalité de la restitution ne doit pas être une autre exposition muséale ; enfin la demande de restitution doit avoir été formulée par un État.
Un critère manque pourtant : celui d'un âge maximal. Il nous semble en effet qu'au-delà d'une certaine ancienneté, par exemple cinq cents ans, le lien avec le peuple d'origine est distendu, ce qui rend difficile le rattachement à une population actuelle.
Le critère d'absence de recherche menée sur ces restes depuis dix ans n'a pas de sens. De plus, les critères proposés pour les pays d'accueil sont discutables. La coopération n'est pas un enjeu essentiel dans ce cas.
Le principe d'inaliénabilité des collections ne doit pas être fragilisé par la création dans le droit d'une nouvelle catégorie de biens appartenant aux musées nationaux. Ce nouveau statut paraît quelque peu nébuleux. Le cas des biens issus de spoliations pendant la Seconde Guerre mondiale n'est pas comparable : les biens en question figurent sur une liste à part car ils n'ont jamais rejoint le domaine public.
Un travail d'inventaire colossal serait nécessaire, notamment au sein du Muséum national d'Histoire naturelle, qui n'aurait certainement pas les moyens de le mener à bien. Son président n'a d'ailleurs pas été consulté. (M. Pierre Ouzoulias le dément.)
Il faudra un texte sur le sujet, mais le Gouvernement ne peut soutenir, à ce stade, le dispositif proposé. (M. Julien Bargeton applaudit.)
M. Lucien Stanzione . - La restitution des biens culturels est un sujet complexe qui met en jeu des acteurs variés aux intérêts souvent opposés. De nombreux enjeux s'enchevêtrent, historiques, économiques, géopolitiques, éthiques et spirituels notamment.
Cicéron plaidait déjà pour une restitution de biens spoliés à la Sicile par le gouverneur Verrès. La saisie est le premier facteur de circulation des biens culturels depuis l'Antiquité.
En 1815, les Alliés ont exigé le retour de nombreuses oeuvres subtilisées au cours des campagnes napoléoniennes.
Enfin, après la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses demandes de restitution ont été déposées pour des biens volés par les nazis à des familles juives.
Les objets culturels ont des valeurs diverses. Ils sont porteurs de sens, d'une mémoire collective. Ils composent le patrimoine culturel d'une société.
Les écueils juridiques sont nombreux. Notre principe de prescriptibilité est peut-être inadapté.
S'agissant des restes humains, les enjeux éthiques et moraux sont particuliers. La restitution de la tête maorie du musée d'art de Rouen à la Nouvelle-Zélande, votée par le conseil municipal, a été annulée en 2007 sur requête du ministère de la Culture par le tribunal administratif de Rouen. Ces têtes n'ont été restituées qu'à l'issue d'une loi de 2010, dont Mme Morin-Desailly était déjà rapporteure.
En ce qui concerne les restes de Saartjie Baartman, dite la Vénus noire ou la Vénus hottentote, conduite au Royaume-Uni puis en France pour y être exposée à la fin du XIXe siècle, une demande de restitution avait été déposée en 1990 par Nelson Mandela, sans réaction des autorités françaises. Il a fallu une loi de février 2002 pour créer les conditions de son retour.
Les instruments juridiques européens existent, mais notre droit échoue à faire face aux demandes de façon systématisée.
Le rapport Sarr-Savoy a estimé que 90 % du patrimoine africain serait conservé en dehors du continent.
L'histoire coloniale reste pour une large part un impensé. Or l'histoire doit nous apprendre à considérer l'émotion, la souffrance, les liens entre le passé et le présent - ce fameux post-colonial si difficile à prendre en compte dans notre pays.
Dans ce contexte, les restitutions doivent impulser une nouvelle dynamique d'échange et de respect.
Or une pratique s'est instaurée en dehors de toute règle, et en fonction d'intérêts pas toujours explicités. Le Parlement doit être seul habilité à autoriser les restitutions. Je me réjouis donc que nos discussions aient pris un nouveau tournant.
Faute d'une reconnaissance morale d'un droit des peuples spoliés, il nous faut créer les conditions d'une vraie anticipation des demandes dans tous les lieux concernés. S'accrocher à la prescriptibilité ou à l'inaliénabilité de nos collections ne peut plus suffire.
Il faudra également définir les moyens de conserver une trace de l'oeuvre restituée, sous forme de photographie ou de copie par exemple, pour continuer à mettre en valeur sa dimension universelle.
Je salue le travail immense de Mme Morin-Desailly, ainsi que celui de MM. Ouzoulias et Brisson. Le groupe SER votera avec conviction ce texte qui nous fait entrer dans une nouvelle ère. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi qu'au banc de la commission)
M. Julien Bargeton . - Pris en 1566 par le roi Charles IX, l'édit de Moulins a fixé le principe d'inaliénabilité du domaine public. Depuis lors, les choses ont évolué et nous faisons désormais face à de multiples demandes de restitution, émanant notamment du continent africain. Les spoliations remontent pour l'essentiel à l'époque coloniale, même si déjà, à Rome, le Sénat reprochait leurs pillages à certains généraux.
Les historiens Krzysztof Pomian et Anne-Marie Thiesse ont fort bien décrit comment la constitution des États-nations était liée à la création de grands musées, dont le Louvre, né en 1799, est un exemple.
Ce texte reprend, dans son article premier, l'article 3 du projet de loi de 2020 relatif à la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal, voté par le Sénat puis supprimé par l'Assemblée nationale.
On parle de fait du prince. Qu'il me soit permis de dire que cette allégation est fausse. La Constitution garantit des pouvoirs propres au Président de la République, comme la nomination du Premier ministre. (Mme la rapporteure s'agace.)
M. Olivier Paccaud. - Mais ils sont justement dans la Constitution !
M. Julien Bargeton. - Nous ne sommes pas dans ce cadre ici.
M. Max Brisson. - N'importe quoi...
M. Julien Bargeton. - On peut débattre de la méthode choisie, mais un rapport a été commandé à deux spécialistes en 2018, un projet de loi a été déposé...
M. Max Brisson. - Quel est le rapport ?
M. Julien Bargeton. - Puis un texte a été proposé au Parlement en 2020. La commission mixte paritaire n'a malheureusement pas abouti. C'est la démocratie parlementaire, pas le fait du prince. In fine, c'est bien le Parlement qui a autorisé ces restitutions.
M. Max Brisson. - Et pour Madagascar ?
M. Julien Bargeton. - Le Gouvernement partage l'idée qu'une loi-cadre est nécessaire.
M. Max Brisson. - C'est nouveau !
M. Julien Bargeton. - Il a confié le soin à M. Jean-Luc Martinez de travailler à une future doctrine et à des critères de restitution. Je suis ouvert à la discussion sur le conseil national prévu par le texte, mais attendons ce rapport. Nous nous abstiendrons donc.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - Parce que nous n'écrivons pas de rapports ? Voilà dix ans que nous travaillons !
M. Julien Bargeton. - Il faut un débat politique de fond sur la doctrine. Attendons le rapport de M. Martinez pour affiner notre organisation et l'encadrement de la procédure, ainsi que la composition d'une éventuelle instance et les modalités d'évaluation.
Il faut avancer dans ce débat, mais ce texte est prématuré. L'abstention du groupe RDPI est constructive, pour préparer la suite.
M. Jean-Pierre Decool . - Une série de sculptures cubistes a permis à Picasso d'exprimer l'émotion qu'il ressentait devant la beauté sublime de sculptures anonymes africaines. Les collections muséales permettent l'accès de ces oeuvres à tous.
Beaucoup de ces oeuvres sont issues d'influences multiples : l'art africain a ainsi contribué à l'émergence de l'art moderne. (M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, approuve.)
M. Jean-Pierre Decool. - Plus de 90 000 objets africains figurent dans nos collections. Ils y bénéficient d'une mise en valeur exceptionnelle.
La puissance fascinante de tel masque Fang du Gabon, fabriqué dans la solitude de la brousse, a contribué à l'histoire culturelle de l'humanité, autant qu'une danseuse de Degas ou un mobile de Calder.
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
M. Jean-Pierre Decool. - Toute restitution suppose un cadre et une méthode clairs. C'est l'objet de ce texte, fruit du travail remarquable de Catherine Morin-Desailly.
Nous partageons sa volonté de doter la France des outils juridiques nécessaires. Le discours de Ouagadougou prononcé par le Président de la République en 2017 a lancé une dynamique, mais certaines décisions récentes ont pu surprendre. Le Parlement n'est pas une chambre d'enregistrement des décisions du Président.
La création d'une instance consultative sur les restitutions a déjà été proposée par le Sénat lors des débats sur la loi de 2020. Repris dans ce texte, ce Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens serait constitué de douze membres scientifiques, et consulterait systématiquement les pays demandeurs.
L'essentiel des pièces n'a pas vocation à être restitué, mais un travail de fond doit être réalisé ces prochaines années sur la question. Le groupe INDEP votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi qu'au banc de la commission ; MM. Lucien Stanzione et Olivier Paccaud applaudissent également.)
M. Max Brisson . - Nous ne serions pas ici sans le travail acharné de Mme Morin-Desailly, dont je salue la constance sur ce thème. Elle ne s'est pas départie de son idée directrice : donner un cadre clair.
Je salue également le travail de Pierre Ouzoulias. Ensemble, nous avons rédigé un rapport à l'origine de ce texte.
À Ouagadougou, en 2017, le Président de la République affirmait sa volonté que, sous cinq ans - nous y sommes - les conditions soient réunies pour la restitution d'oeuvres appartenant au patrimoine africain. En novembre 2018, le rapport Sarr-Savoy recensait 46 000 oeuvres susceptibles d'être rapatriées. Le mouvement semblait lancé.
Mais, heureusement, le Président de la République s'est heurté à un obstacle : le droit français. La volonté de restitution a donc emprunté des méthodes singulières : ainsi de transfert de certaines oeuvres sous forme de prêt, mettant le Parlement devant le fait accompli. Je pense notamment à la couronne surmontant le dais de la reine malgache Ranavalona III, envoyée à Madagascar en catimini, au moment même où le Parlement examinait le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal. J'avais alors appelé à l'élaboration d'une méthode claire, mais Mme Bachelot avait balayé cette proposition.
Nous ne contestons pas la demande des pays africains, mais il ne faut pas pour autant céder à une approche moralisatrice de notre histoire. (M. Julien Bargeton approuve.) À cette approche, qui est celle du rapport Sarr-Savoy, nous préférons le dialogue des cultures prôné par le Président Chirac, qui l'avait chevillé au corps.
Le discours de Ouagadougou aurait pu être l'occasion d'engager une politique d'échange, mais ce ne fut pas le cas. (M. Pierre Ouzoulias approuve.)
Puis, en juin dernier, coup de théâtre : le Président de la République annonçait une loi-cadre, précédemment refusée par Roselyne Bachelot.
Chaque restitution est un cas à part et doit faire intervenir le Parlement. L'histoire de l'oeuvre doit être éclairée par un travail de recherche permettant d'en restituer le parcours.
M. Jean-Luc Martinez a été nommé ambassadeur thématique pour la coopération internationale dans le domaine du patrimoine, afin de réfléchir sur le sujet. Malheureusement, nous ne connaissons pas le contenu de sa lettre de mission... Audition après audition, il apparaît que l'exécutif ne fait cas ni du rapport de notre commission ni de notre proposition de loi. Quel mépris !
M. Julien Bargeton. - Il y a une majorité à l'Assemblée nationale, voilà tout !
M. Max Brisson. - Le travail scientifique de contextualisation est indispensable, en coopération avec les pays demandeurs. L'histoire de chaque oeuvre doit être envisagée globalement, sans tomber dans une vision idéologique qui lui appliquerait la vision déformante du présent.
M. Julien Bargeton. - Nous voilà enfin dans le débat politique.
M. Max Brisson. - Nous devons ce travail minutieux à la vérité historique. La création d'un conseil ad hoc fait l'objet de l'article premier, que le Gouvernement aurait mieux fait de soutenir.
En l'état, une loi-cadre ne peut pas être envisageable sans règles communes préalables. Tel est l'objet de la mission de réflexion que nous proposons.
L'absence de moyens alloués au quai Branly sur cette question est indicative d'une faible volonté politique.
M. Pierre Ouzoulias. - Exactement !
M. Max Brisson. - Le Gouvernement a préféré l'effet d'annonce à la recherche et à l'analyse objective des conditions d'acquisition.
À défaut d'analyse rigoureuse, le fait du prince s'imposera, au service d'une diplomatie et plus encore, d'une volonté de réécrire notre histoire au prisme d'une instrumentalisation politique.
Je vous invite à voter ce texte. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du RDPI)
M. Julien Bargeton. - Dites simplement que vous êtes contre les restitutions !
M. Thomas Dossus . - Le 28 novembre 2017, le Président de la République a pris à Ouagadougou un engagement fort. Reconnaissant qu'il était inacceptable que l'Afrique se voie dépossédée de son patrimoine culturel, il s'engageait à créer les conditions des restitutions avant 2022. Il y a un an, une loi entérinait ainsi le retour du Trésor de Béhanzin au Bénin et du sabre d'Oumar Tall au Sénégal.
C'est le seul texte à ce jour. Plus de 13 000 biens seraient candidats au retour. Nous en sommes encore loin...
Certes le cadre législatif ne facilite pas les choses, comme le montrait le rapport Sarr-Savoy dès 2018, en reconnaissant que l'usage de lois d'exception limite à l'extrême les restitutions.
Il faut sortir de ce cadre pour engager une véritable collaboration culturelle avec l'Afrique. La proposition de loi va dans ce sens en créant un conseil national pour émettre des avis sur les demandes de restitution. Nous espérons qu'il permettra d'accélérer le processus de restitution en s'affranchissant des considérations politiques ou diplomatiques du moment.
L'intention est louable et la méthode est la bonne, mais il faut aller plus loin : le Parlement pourrait valider par une loi annuelle les restitutions proposées par le Conseil national.
Oui, il faut un cadre stable pour ces restitutions, autant qu'un dialogue avec les pays d'origine de ces oeuvres. Tel est l'idéal que nous devons viser, celui du partage comme enrichissement mutuel et non comme dépossession.
La culture est un don fait au monde. Le GEST votera ce texte. (Applaudissements au banc de la commission et sur les travées du groupe SER)
M. Pierre Ouzoulias . - « Est-ce là, où la religion ne permettait même pas aux hommes libres d'entrer pour prier, que tu as osé, toi, lancer les esclaves au pillage d'un sanctuaire ? Est-ce sur ces objets d'où le droit sacré te forçait à détourner même les yeux, que tu n'as pas hésité à porter les mains ? Croyez-moi, juges, si pendant ces dernières années nos alliés et les peuples étrangers ont subi nombre de malheurs et d'injustices, il n'en est pas qui soient et qui aient été plus pénibles pour des Grecs que ces pillages de sanctuaires et de villes ». Ainsi s'exprimait Cicéron lors du procès de Verrès, ce gouverneur concussionnaire qui avait pillé les oeuvres de la Sicile.
Il n'est plus possible de maintenir le public dans l'ignorance de l'histoire des oeuvres et de leur pays d'origine, et des circonstances de leur collecte. Cela nécessite un récolement, en collaboration avec les scientifiques des pays d'origine.
Au pire, cette tâche n'a pas été engagée ; au mieux, les moyens dérisoires qui lui sont alloués ne laissent pas espérer son achèvement. Or, en attendant, l'aliénation des biens concernés repose sur de petits arrangements, des sollicitations entre amis ou la pratique surannée des cadeaux diplomatiques, que le Parlement est invité à voter sans renauder. (M. Max Brisson et Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure, approuvent.)
Ainsi, concernant la restitution de biens culturels au Bénin et du Sénégal, le Sénat n'a pu avoir connaissance des modalités d'instruction. (M. Max Brisson approuve.) Nous n'avons pas eu copie des lettres adressées par les gouvernements du Bénin et du Sénégal.
Au total, cette loi, qui aurait pu être le début d'une véritable coopération culturelle, s'est apparentée à un acte notarial de transfert de propriété qui a frustré les deux parties. C'est indigne. La restitution doit s'engager dans le cadre d'un partenariat culturel, dont la forme législative appropriée est la convention internationale.
Nous proposons la création d'un Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra?européens, pour donner un nouvel élan politique à la réparation des spoliations. Le ministère de la Culture en 2019 s'est doté d'une nouvelle mission, rattachée à son secrétariat général, sur les oeuvres pillées dans le cadre des spoliations antisémites de la Seconde Guerre mondiale. Sans les confondre, le Sénat veut donner à ce Conseil national la même dignité.
Madame la ministre, si les restitutions ne sont pas le fait du prince, montrez-le ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, RDSE et Les Républicains et au banc de la commission)
Mme Annick Billon . - Je remercie Catherine Morin-Desailly, Pierre Ouzoulias et Max Brisson pour la qualité de leurs travaux.
Ce texte s'inscrit dans la continuité des réflexions du Sénat sur le sujet. Le groupe UC s'y intéresse depuis vingt ans, avec la loi du 6 mars 2002 relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman à l'Afrique du Sud puis la loi du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande, portée par Nicolas About et Catherine Morin-Desailly.
Cette dernière, alors adjointe au maire de Rouen, avait fait voter en 2007 par le conseil municipal la restitution de la tête maorie du muséum d'histoire naturelle de Rouen à la Nouvelle-Zélande, décision contestée avec succès par le ministre de la Culture devant le juge administratif.
Un cadre est dès lors apparu nécessaire pour éviter tout arbitraire dans les restitutions : le sort des collections ne saurait dépendre d'aléas diplomatiques. La loi de 2010 avait créé une Commission scientifique nationale des collections (CSNC) qui n'a hélas pas joué son rôle : se déclarant incompétente sur les demandes de restitution, elle a été supprimée par la loi d'accélération et de simplification de l'action publique de 2020.
Les demandes de restitution n'ont cessé de se multiplier depuis, conduisant à l'engagement pris par le Président de la République à Ouagadougou le 28 novembre 2017, puis au rapport Sarr-Savoy et à la loi du 24 décembre 2020 - la première portant sur la restitution d'oeuvres et non de restes humains. Le Sénat avait proposé par amendement la création d'un conseil national de réflexion sur la question, qui avait buté sur le refus du Gouvernement et de l'Assemblée nationale.
La mission d'information sur la restitution des biens culturels a présenté en décembre 2020, dans ses conclusions, quinze propositions visant à l'élaboration d'une doctrine unique.
Cette proposition de loi en concrétise deux : la création du Conseil national de réflexion et l'extension des procédures prévues par l'article L 124-1 du code du patrimoine qui facilite le transfert des restes humains figurant dans les collections publiques.
La première proposition tire les leçons de l'échec de la CSNC en créant une instance resserrée de douze membres, au lieu d'un collège pléthorique, et en précisant ses missions. Évitons que les collections publiques ne deviennent des étagères où l'exécutif pioche à sa guise en fonction des nécessités de la diplomatie française. (M. Pierre Ouzoulias approuve.)
Le principe d'inaliénabilité des preuves est préservé afin de réduire le risque d'arbitraire pesant sur les procédures de restitution. (M. Lucien Stanzione approuve.)
Avec ce texte, les critères seront déterminés de façon scientifique et objective. Les biens culturels ne sont pas des biens comme les autres.
Le groupe UC votera ce texte, fidèle à nos valeurs. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE et UC et sur le banc de la commission.)
M. Jean-Claude Requier . - La déclaration universelle sur la diversité culturelle de l'Unesco rappelle « la spécificité des biens culturels, qui, parce qu'ils sont porteurs d'idées, de valeurs et d'histoire ne doivent pas être considérés comme des marchandises ou des biens de consommation comme les autres ».
La volonté de retour des biens culturels peut se comprendre, tout autant qu'une valorisation des biens culturels dans une perspective universaliste. Les deux approches peuvent se heurter ; c'est pourquoi ce texte, auquel nous sommes favorables, a le mérite de poser un cadre rigoureux. Il pourrait ouvrir la voie à la loi-cadre voulue par le Gouvernement.
Les restitutions sont-elles un outil de soft power ? Un outil de repentance comme le défend le polémique rapport Sarr-Savoy ? Je leur préfère pour ma part le mot de « retour » - un retour qui doit être mieux encadré, avec un rôle majeur confié aux experts dans les procédures, mais doit également relever d'une véritable réflexion culturelle.
Le principe d'inaliénabilité peut sembler bloquant, or il peut être contourné par le déclassement, puisque l'inaliénabilité est liée à l'affectation au domaine public.
Le droit doit se construire à partir de la dimension culturelle du bien, au-delà du titre de propriété.
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
M. Jean-Claude Requier. - En effet, toute oeuvre a une vocation universelle. L'humanité pourrait en être le nu-propriétaire, alors que l'usufruitier serait le pays de destination ou d'origine.
M. Pierre Ouzoulias. - C'est une très bonne idée !
M. Jean-Claude Requier. - La circulation des oeuvres serait ainsi facilitée. En tant que rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement », je ne suis pas opposé à une augmentation des moyens affectés à la coopération en matière d'ingénierie culturelle.
Le groupe RDSE, en attendant, votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, Les Républicains, du GEST et au banc de la commission)
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. - Très bien !
M. Olivier Paccaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis cinq ans, à de trop nombreuses reprises, l'exécutif a fait peu de cas du Parlement.
Les collections publiques n'appartiennent aucunement au Président de la République, mais il semble l'oublier. Il a pris l'habitude de décider seul et discrètement, métamorphosant le Parlement en chambre d'enregistrement. (M. Julien Bargeton le conteste.)
Les méthodes de l'exécutif sont plus que contestables. Le pouvoir exécutif méprise les assemblées et fait fi des voix scientifiques et culturelles. Il n'y a pas que les considérations diplomatiques et médiatiques !
Fut-il éclairé, le Président de la République ne saurait être un monarque absolu.... Même sous Louis XIV, les prérogatives royales étaient encadrées ! (M. Julien Bargeton s'exclame.)
Nonobstant l'intégrité de nos collections, c'est le principe de séparation des pouvoirs lui-même qui est bousculé.
À Ouagadougou, le Président de la République a dit vouloir poser les jalons d'une nouvelle coopération. Mais ce n'est pas au prince de décider du devenir du patrimoine public !
Les restitutions exigent un travail au long cours avec les pays demandeurs. Chaque requête nécessite un examen au cas par cas. Le passé colonial ne peut suffire à justifier les restitutions. Sinon ce serait des actes de repentance.
M. Julien Bargeton. - Les masques tombent...
M. Olivier Paccaud. - Le principe multiséculaire, depuis l'édit de Moulins de 1566, est l'inaliénabilité des collections, ainsi protégées de la prédation des États étrangers et de l'impéritie des gouvernements. Michel de L'Hospital, dont la statue nous observe, a participé à sa rédaction.
Lors des débats sur les restitutions au Bénin et au Sénégal, les députés ont rejeté le Conseil de réflexion estimant qu'il serait redondant et complexifierait les procédures. Or ces démarches sont nécessairement complexes. Une instance comparable existe d'ailleurs pour le patrimoine architectural.
Les restes humains constituent un cas particulier : ce ne sont évidemment pas des biens culturels comme les autres. Le législateur doit faciliter les procédures de restitution.
Cette proposition de loi a vocation à rappeler que nos choix dépassent le champ diplomatique et les intérêts transitoires. Aucune revendication mémorielle ne doit déterminer, même partiellement, le sort de notre patrimoine. Le Parlement y veillera. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE, ainsi qu'au banc de la commission ; M. Lucien Stanzione applaudit également.)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure . - Nous sommes déterminés à créer ce Conseil national de réflexion. Faut-il attendre une loi-cadre ? Pendant combien de temps ? Compte tenu de la faiblesse des moyens alloués à la recherche, ce sera vraisemblablement long...
M. Pierre Ouzoulias. - Cinq siècles !
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - Sans ce conseil, c'est le fait du prince qui continuera à s'exercer. Nous avons besoin d'une méthode.
Le fait du prince est réel, monsieur Bargeton, que vous le vouliez ou non... La restitution au Bénin et au Sénégal a été annoncée avant même le débat au Parlement !
On a rendu un sabre, qui n'est même pas celui qu'on imagine. Quant au dais malgache, on sait bien que cet objet ne correspond pas au réel dais de la reine. C'est mépriser les pays demandeurs.
Notre conseil permettra efficacité et collégialité.
M. Pierre Ouzoulias . - Le Bénin voulait surtout la statue du dieu Gou, qui est restée au Louvre. La demande aurait été mal formulée, mais nous n'y avons jamais eu accès.
Nous apprenons ici ce que nous n'avons pas compris lors de nos auditions... La ministre dit que cette proposition de loi arrive trop tôt et qu'on doit encore établir un cadre. Donc, pour vous, le rapport Sarr-Savoy n'a établi aucune doctrine. Il aurait été préférable de nous le dire clairement.
M. Max Brisson. - C'est juste !
M. Pierre Ouzoulias. - De quels moyens M. Martinez dispose-t-il ? Avec son secrétaire, ils sont deux ! Il serait plus sage d'avoir un vrai travail collégial. M. Martinez a bénéficié d'un mécénat très important lorsqu'il dirigeait le Louvre : 24 millions d'euros de l'Azerbaïdjan par exemple. Croyez-vous que l'on puisse envisager sereinement des restitutions à l'Arménie dans ces conditions ? (M. Julien Bargeton le conteste.)
M. Max Brisson . - Madame la ministre, je cherche toujours « l'immense travail collectif réalisé sur l'ensemble du quinquennat » dont vous vous targuez... Si ce travail avait été fait, nous n'en serions pas là !
La loi sur la restitution du trésor d'Abomey était, selon Mme Bachelot, une loi de circonstance : selon elle, chaque restitution devait être traitée au cas par cas. Or voilà que vous faites de cette loi une loi de méthode. Joli tour de passe-passe !
Nous proposons un dispositif qui assure la transparence démocratique de la procédure. La science doit éclairer le débat, qui doit être public. Le parcours des oeuvres doit être connu. Les retours ne peuvent se faire en catimini.
M. Pierre Ouzoulias. - Bien sûr !
M. Max Brisson. - Il est déroutant que vous rejetiez notre proposition. Elle reviendra plus tard, mais vous ne voulez pas que le Sénat en soit à l'origine !
M. Pierre Ouzoulias. - En effet !
M. Lucien Stanzione. - Très bien !
M. Julien Bargeton . - À l'issue de la discussion générale, que constate-t-on ? S'il y a un accord dans cet hémicycle - sauf notre groupe, qui s'abstiendra -, c'est pour des raisons totalement opposées : M. Dossus veut tout restituer ; MM. Brisson et Paccaud tout l'inverse.
M. Max Brisson. - Non ! Ne parlez pas à ma place !
M. Olivier Paccaud. - Nous ne sommes pas contre les restitutions !
M. Max Brisson. - Vous faites des amalgames.
M. Julien Bargeton. - Assumez : c'est la réalité.
M. Max Brisson. - Pure invention !
M. Julien Bargeton. - Vous n'êtes pas d'accord sur les critères de restitution et tentez de le masquer avec cet accord sur le Conseil national de réflexion.
Je ne suis pas opposé à ce que ce Conseil national serve de base à la loi-cadre une fois que la doctrine sera affinée. Vous savez très bien que le diable se cache dans les détails.
M. Max Brisson. - Que le Gouvernement prévoie les moyens nécessaires !
M. Pierre Ouzoulias. - Monsieur Bargeton, nous pouvons avoir des appréciations différentes...
M. Julien Bargeton. - Voilà !
M. Pierre Ouzoulias. - ... mais nous les exprimons. Nous attendons encore la position de M. Martinez...
M. Julien Bargeton. - Attendons son rapport !
M. Pierre Ouzoulias. - M. Martinez a refusé de s'exprimer devant notre commission. C'est rare pour un fonctionnaire, et peut-être un prélude à ce qui résultera de la suppression de l'ENA : les fonctionnaires deviendront des affidés du Gouvernement et refuseront de s'exprimer devant le Parlement.
M. Max Brisson. - Je n'ai pas d'opposition aux restitutions.
M. Pierre Ouzoulias. - Voilà qui est clair !
M. Max Brisson. - Et je n'ai aucune leçon à recevoir : le Président Chirac a été le fondateur du Quai Branly ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et CRCE ; M. Lucien Stanzione applaudit également.)
Nous voulons une méthode. Il faut regarder chaque oeuvre, son itinéraire. Sans méthode, la démarche globale est réductrice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Julien Bargeton. - Vous voyez bien que ce n'est pas ce qu'a dit M. Dossus.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - J'appelle chacun à voter l'article premier.
Nous avons longuement auditionné M. Martinez. Ce fut un dialogue de sourds. Il ne nous a rien dit et nous ne savons rien de sa lettre de mission. Il n'a même pas lu les rapports du Sénat et était ignorant de la question des restes humains...
Certes, l'État a des limites budgétaires, mais trouvons les voies et moyens. Souvent, la position du ministère de la Recherche est plus progressiste et plus subtile que celle du ministère de la Culture.
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure . - Cet article est l'aboutissement d'un travail de longue haleine. J'ai un immense respect pour les experts de la commission Van Praët sur la restitution de certains restes humains.
La ministre a dit que le travail avait été nébuleux. C'est faux : il est très précis !
Toutes les parties prenantes ont bien été associées au travail sur les critères de restituabilité. Les critères d'âge ont été respectés, s'agissant des restes humains.
Je ne comprends pas pourquoi le ministère, sollicité plusieurs fois, n'a pas déposé d'amendements, alors que nous étions ouverts à des modifications. Il est déplorable de balayer cette proposition de loi d'un revers de la main.
Cet article permettra de répondre de manière claire et précise à des demandes depuis trop longtemps dans l'attente.
M. Pierre Ouzoulias . - Nous avons longtemps entendu M. André Delpuech, conservateur du musée de l'Homme, un fonctionnaire d'une intégrité absolue, dont je salue le courage. Il nous a dit la réalité des mille restes humains conservés au musée de l'Homme. Il est aujourd'hui mis à la porte, sans doute du fait de sa liberté de parole.
Il nous a expliqué l'effroi qu'il ressentait face à certains de ces restes humains ; les risques diplomatiques sont considérables. Comment peut-on encore conserver des crânes d'Arméniennes récupérés dans un charnier du génocide de 1915 ?
L'humanité ne peut plus vivre avec, dans sa cave, le cadavre d'un peuple assassiné, disait Jaurès. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST ; MM. Lucien Stanzione et Olivier Paccaud applaudissent également.)
M. Max Brisson . - Je m'associe aux propos de M. Ouzoulias ; sur ce sujet très sensible, il est urgent d'agir, car il n'est pas honorable de continuer à exposer des restes humains dans nos musées.
Notre travail, long et remarquable, ne mérite pas le qualificatif de nébuleux : c'est inacceptable. (Mme la ministre s'en défend.)
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - Scandaleux, même !
M. Max Brisson. - Le ministère de la Culture nous a adressé un mépris inacceptable.
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
L'article 2 est adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture . - Je remercie Mme Catherine Morin-Desailly qui travaille sur ce sujet depuis de nombreuses années. Je remercie également MM. Pierre Ouzoulias et Max Brisson.
Ce sujet est d'une rare complexité. Nous devons l'aborder avec sérieux et modestie. Le chemin de la restitution n'est pas simple. Les auteurs de la proposition de loi ont cherché un équilibre. Le Sénat a un temps d'avance sur ce sujet.
Avec les trois auteurs de la proposition de loi, nous nous sommes interrogés sur l'opportunité de déposer ce texte dès à présent ou d'attendre, peut-être, une nouvelle majorité à l'Assemblée nationale. Mais ce texte constitue un apport important à la réflexion. Cette proposition de loi offre les deux premiers articles de la future loi-cadre. C'est un apport très intéressant. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE ; M. Lucien Stanzione applaudit également.)
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure . - Le Sénat est snobé, comme l'a dit M. Brisson. Malgré ses nombreux travaux et sa bonne volonté, on balaie d'un revers de la main un texte important et qui aurait pu être amendé.
Je suis consternée par ce qui s'est passé sur les restes humains. Il y a une volonté évidente de ne rien faire, malgré les appels du Parlement. Trois ans pour mettre en place une commission, un groupe de travail sans moyens, le refus d'inscrire le sujet dans la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP), la non-parution du décret... Tout cela est déplorable. Et aujourd'hui, voilà qu'on nous dit que c'est nébuleux et qu'il faut travailler davantage !
Vous devrez en répondre devant les États demandeurs ainsi que devant l'ensemble des personnalités qui ont participé à l'élaboration des critères de restituabilité.
Qu'on refuse ce texte, les bras m'en tombent... (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE ; M. Lucien Stanzione applaudit également.)
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur l'ensemble des travées, à l'exception de celles du RDPI)
Mme Sophie Primas. - Bravo !
M. Laurent Lafon, président de la commission. - Bravo !
Limiter l'engrillagement des espaces naturels et protéger la propriété privée
Mme le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée, présentée par M. Jean-Noël Cardoux et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Les Républicains.
Discussion générale
M. Jean-Noël Cardoux, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, MM. Jean-Pierre Decool et Jean-Paul Prince applaudissent également.) Après deux ans de travail, je vous propose ce texte pour lutter contre le développement de l'engrillagement des lieux naturels. Ce phénomène n'est pas nouveau, mais il s'est considérablement accentué depuis la loi de février 2005 qui a permis aux propriétaires d'enclos attenant à une maison d'habitation de chasser le gibier à poil sans limites ni contribution.
Alors qu'il s'agissait avant 2005 de lutter contre les intrusions, depuis, les enclos se sont multipliés pour profiter des mesures dérogatoires, avec bien souvent des tableaux de chasse excessifs.
La Sologne est championne de France, mais d'autres régions ne sont pas en reste ; le sud du pays est moins concerné.
La Fédération nationale des chasseurs soutient ce texte et je l'en remercie. Nous avons choisi 2005 comme point de départ pour la suppression des grillages existants. Espérons toutefois que les territoires non concernés par cette date engageront un désengrillagement volontaire, grâce à des mesures incitatives.
Il n'est pas possible de tout supprimer d'un coup. Une loi doit être applicable, mais il faut provoquer une prise de conscience et une évolution rapide et irréversible de ce phénomène.
C'est un texte d'équilibre, qui ne vise pas à interdire, mais à opérer un virage fondamental. L'engrillagement non franchissable par les animaux sera interdit à compter de la promulgation de la loi; les dérogations aux conditions de pratique de la chasse supprimées.
Les sept ans de transition fixés par la commission - au lieu des dix initialement prévus - suffisent pour la mise en conformité des enclos existants. Certains réclament cinq ans, mais certaines chasses commerciales - 10 % des chasses - ont besoin d'étaler leurs coûts. Elles ont un rôle à jouer dans l'équilibre cynégétique national, permettent aux chasseurs qui ne disposent pas d'un territoire de pratiquer leur activité et s'engagent pour l'éthique de chasse. Laissons-leur le temps d'évoluer. La chasse est un mode de vie pour ses adeptes, ainsi que je l'explique dans mon ouvrage « Vivre le vivant ».
Le texte prévoit aussi une sanction en cas d'intrusion non autorisée dans une propriété privée. L'exemple de l'Office national des forêts (ONF) montre que les intrusions doivent être limitées pour des raisons de sécurité. Le texte autorise également l'enclos dans un rayon de 150 mètres autour d'une habitation.
Les agents des fédérations de chasseurs auront de nouvelles prérogatives pour pénétrer dans les espaces clos et pour sanctionner le non-respect de dispositions comme l'interdiction de l'agrainage en tas. En revanche, les schémas départementaux de gestion cynégétique autorisent l'agrainage linéaire dissuasif, à certaines époques de l'année, pour la protection des cultures.
Un travail en profondeur a été réalisé autour de ce texte; je remercie particulièrement Mme Primas, présidente de la commission, et le rapporteur, Laurent Somon. Je n'oublie pas le Gouvernement, dont l'éclairage a été constructif.
En adoptant ce texte, nous engagerons un mouvement irréversible en faveur de la fin de l'engrillagement et du partage des espaces avec les promeneurs. Je suis heureux que le Sénat en soit à l'origine. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et au banc de la commission)
M. Laurent Somon, rapporteur de la commission des affaires économiques . - Je remercie M. Cardoux, qui connaît fort bien la chasse et les milieux naturels. Son texte est courageux et équilibré. Il préserve les espaces naturels de l'engrillagement excessif. Il défend une chasse durable, exigeante, et s'oppose à l'artificialisation des espaces naturels.
La commission a travaillé dans un esprit de rassemblement. Nous avons essayé de forger le consensus le plus large possible.
J'ai été frappé par les attentes très fortes de citoyens qui militent depuis trente ans contre ce phénomène et par la maturité du débat.
Trois députés, d'horizons politiques différents, se sont également saisis du sujet. J'ai tenu compte de leur travail. Il nous faut aboutir dès que possible à un texte commun avec l'Assemblée nationale.
J'ai également tenu compte de l'expertise que m'ont apportée les services du ministère et des difficultés qu'ils rencontrent.
Je remercie nos collègues pour leur contribution en commission. Signes de nos préoccupations communes, plusieurs amendements étaient identiques. Les amendements déposés en vue de la séance recevront des avis largement favorables.
Ce texte, fruit d'un travail partenarial, permet d'avancer vers une solution attendue.
Les caractéristiques des clôtures autorisées seront précisées, la lutte contre l'artificialisation des espaces naturels sera renforcée. Le passage de la faune au sol sera assuré, sauf pour les clôtures agricoles, sylvicoles - pour permettre la régénération de la forêt - et d'intérêt public - pour protéger routes, voies ferrées et autres grandes infrastructures. L'élaboration d'une norme nationale répond à une large demande. Elle est nécessaire pour aider les maires et les régions.
Nous avons réduit de dix à sept ans le délai de mise en conformité des engrillagements.
L'effacement des clôtures antérieures à 2005 sera facilité grâce au recours à l'écocontribution qui permettra de les remplacer par des haies.
L'engrillagement de la nature sera considéré comme une atteinte au patrimoine naturel, passible d'une sanction allant jusqu'à trois ans de prison et 150 000 euros d'amende. Cela semble équilibré s'agissant des grands espaces clos. En outre, le permis de chasse pourra être suspendu.
Nous avons comblé un vide en permettant aux agents de l'OFB de procéder aux contrôles nécessaires. Je proposerai d'étendre cette faculté aux agents assermentés des fédérations de chasseurs. Là où l'on chasse, la politique de la chasse doit s'exercer. Des sanctions en cas d'agrainage et d'affourragement sont également prévues : le permis de chasse pourra également être suspendu dans ce cas.
La commission accueille favorablement la volonté des fédérations de s'impliquer plus fortement dans la police de la chasse, compte tenu des moyens limités de l'OFB. Les compétences des agents assermentés des fédérations seront ainsi étendues.
La loi sera rétroactive pour éviter une fuite en avant de l'engrillagement et pour revenir sur la dégradation des milieux naturels et restaurer les corridors biologiques. La référence à la loi du 23 février 2005 a été retenue, afin de répondre au principe de proportionnalité exigé par le Conseil constitutionnel.
Le droit de s'enclore n'est pas remis en cause, mais limité.
Une contravention de cinquième classe sera créée en cas de violation de la propriété forestière. Les juges sauront faire preuve de discernement, ce qui dissipe les craintes qui se sont exprimées.
Les fruits de la nature appartiennent à tous, au-delà des seuls propriétaires.
Je forme le voeu que ce texte permette des avancées et qu'il soit rapidement repris à l'Assemblée nationale. Les amoureux de la Sologne attendent que cette région retrouve le charme et la poésie qu'ont su capter Alain-Fournier, Maurice Genevoix et Victor Hugo.
Comme l'a dit une personne auditionnée, on aime la chasse parce qu'on aime la nature ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - Merci, monsieur Cardoux, de susciter ce débat essentiel et qui a atteint une certaine maturité. Il était nécessaire de légiférer.
L'attente est forte et trouve aussi un écho à l'Assemblée nationale, avec des angles différents. Je pense notamment à la proposition de loi de M. Cormier-Bouligeon.
La Sologne, riche de ses paysages, est défigurée par l'engrillagement : plus de 3 000 kilomètres de grillages au minimum sur les trois départements ! Les nuisances sont considérables et désormais bien connues.
Certaines clôtures sont nécessaires aux activités agricoles ou à la régénération forestière. Ce n'est pas l'objet de ce texte. En revanche, la rupture de la continuité écologique pose problème. Il est essentiel que les espèces puissent se déplacer sans contrainte. La maladie de Lyme se développe d'autant plus que les espaces sont fragmentés.
Au sein des trames verte et bleue, les aménagements nouveaux doivent être écologiquement transparents. Il reste toutefois beaucoup de points noirs à résorber, qui seront traités par le plan pour la biodiversité que je vous présenterai prochainement.
L'impact de l'engrillagement est aussi paysager : nos campagnes sont défigurées. La capacité à lutter contre les incendies est également affectée par les clôtures qui gênent l'intervention des engins de secours.
Enfin, on ne peut ignorer la dimension éthique. Les chasses n'en sont pas quand elles se pratiquent en enclos. Il ne s'agit pas d'un débat pour ou contre la chasse, mais de lutter contre certaines pratiques.
L'article premier crée une obligation de mise en conformité des clôtures postérieures à 2005 et interdit l'installation de nouvelles clôtures étanches. Je souscris à cette approche, même si elle ne couvre pas toutes les situations. Son effet sera difficile à apprécier d'autant que nous ne disposons pas d'une cartographie précise des situations avant et après 2005. Il est toutefois probable qu'elle aura un impact important en Sologne.
Votre proposition de loi intègre dans le droit commun de la chasse les terrains enclos attenants à une habitation : c'était une préconisation d'un rapport d'audit de 2019 et je vous remercie de cette initiative.
L'écocontribution pourra être mobilisée pour effacer les grillages.
Je ne partage pas l'idée d'une forte pénalisation de l'intrusion. Dans beaucoup de pratiques de loisir, on ignore qu'on se trouve sur un terrain privé. Tenons compte de l'intentionnalité.
La commission a notablement amélioré les contrôles. Il est nécessaire de bien les proportionner et de différencier les règles selon qu'il s'agit d'une habitation ou d'un terrain.
Les sanctions prévues en cas de non-conformité des clôtures sont dissuasives, c'est important.
La prévention des dégâts agricoles et forestiers, occasionnés notamment par le grand gibier, est nécessaire. Il faut supprimer ou restreindre au maximum les lâchers de gibier et je prendrai prochainement un décret en ce sens. Il renforcera les mesures sanitaires avec des quarantaines et un marquage obligatoire des animaux.
Cette proposition de loi contribuera à lutter contre l'engrillagement. Les élus devront se mobiliser. Il faudra en évaluer la mise en oeuvre et aller plus loin s'agissant de la chasse en enclos. C'est une première étape dans l'encadrement de la chasse française. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)
M. Christian Redon-Sarrazy . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi de Jean-Noël Cardoux a été cosignée par plusieurs groupes politiques, et adoptée à l'unanimité de notre commission des affaires économiques.
La libre circulation de la faune sauvage est une obligation pour les propriétaires dans le cadre des trames vertes et bleues, mais l'engrillagement se développe. Quelque 670 kilomètres de clôtures visibles depuis le domaine public quadrillent la grande Sologne et emprisonnent le gibier dans des espaces clos permettant de chasser toute l'année, sans contrôle des agents de l'OFB ni plan de chasse, ce qui en fait des zones de non-droit.
Le phénomène, qualifié de « solognisation », est devenu insupportable pour les habitants.
Dans un rapport de 20169, le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l'alimentation pointait l'impact de ces clôtures sur la faune et sur l'environnement : densité, piétinement, limitation de l'apport de nutriments aux sols... L'alimentation et la reproduction d'autres espèces, notamment la petite faune, en sont affectées.
Bref, ces enclos hermétiques sont un non-sens cynégétique et environnemental. Cet accaparement de l'espace naturel, qui échappe à tout contrôle, n'est plus acceptable. Les élus locaux de Sologne et d'ailleurs, comme les chasseurs, se mobilisent désormais.
Les PLU imposent des règles, mais les dérives observées nécessitent une modification de la législation pour donner davantage de pouvoir aux maires.
La proposition de loi met fin à la prolifération des engrillagements tout en permettant le maintien des clôtures antérieures à la loi Développement des territoires ruraux de 2005, limite les enclos au sens strict du terme, favorise la libre circulation des animaux sauvages, assure le respect des propriétés privées par les promeneurs et mobilise l'écocontribution pour inciter au désengrillagement.
De nombreux amendements ont été adoptés en commission, dont ceux du GEST, pour garantir la libre circulation des animaux sauvages. Hélas, les nouvelles règles ne s'appliqueront pas aux clôtures antérieures à 2005 ; les maires devront apprécier l'antériorité...
Le délai de mise en conformité a été ramené de dix à sept ans.
Le texte de la commission supprime les droits particuliers en matière de chasse dans les enclos cynégétiques afin de les aligner sur le régime général ; les agents de l'OFB pourront contrôler les enclos antérieurs à 2005.
Les lâchers de gibiers seront limités et les sanctions renforcées en matière d'agrainage.
L'OFB pourra participer à la mise en conformité des clôtures existantes, afin d'inciter les propriétaires à rétablir les continuités ; l'écocontribution pourra servir à remplacer les clôtures par des haies, afin de rétablir la trame verte.
Cette proposition de loi est bienvenue pour mettre fin à un non-sens cynégétique, environnemental et sociétal ; nous la voterons en espérant son adoption rapide, avant que les intéressés n'érigent encore plus de clôtures ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. François Patriat applaudit également.)
M. Bernard Buis . - Nous vivons un paradoxe. D'un côté, la prise de conscience écologique pour la sauvegarde de la biodiversité - le Congrès mondial de la nature de septembre 2021 a voté une vingtaine de motions, réuni 20 000 personnes de 160 pays. De l'autre, la maison brûle en Sologne, plus vaste zone Natura 2000 d'Europe, soumise à une frénésie morbide d'engrillagement.
De grands propriétaires ont pris l'habitude, depuis longtemps, de clôturer leurs terres de chasse, comme le droit français les y autorise. L'ORTF le déplorait déjà dans une émission de 1972, en notant que « l'homme, l'animal et la vie même sont privés de leurs trajets secrets, de leurs itinéraires vitaux ».
L'engrillagement porte atteinte au bien-être animal et à nos paysages. Il est source de risques sanitaires.
Beaucoup ont tiré la sonnette d'alarme, en vain. Le conseil régional du Centre-Val de Loire avait fixé des règles en 2018 - restées lettre morte faute de sanctions.
Le présent texte est raisonné et j'en salue l'auteur comme le rapporteur.
L'article premier interdit les clôtures hautes postérieures à la loi du 23 février 2005. Les dérogations au droit de chasse dans les enclos sont supprimées : il leur faudra se soumettre à un plan de gestion annuel.
Cette première étape est vertueuse, mais le sujet - qui concerne essentiellement la Sologne - est-il vraiment législatif ? La renégociation des PLUi pourrait limiter la hauteur des grillages. Le seuil de 2005 est-il suffisamment ambitieux ? On comprend néanmoins qu'il est le fruit d'un compromis. Quid du gibier ainsi libéré ?
Cela dit, le mieux est l'ennemi du bien. Nous ne raviverons pas ce soir le débat inflammable sur la chasse, mais proposerons des amendements pour aller un peu plus loin.
Espérons que cette proposition de loi soit adoptée rapidement à l'Assemblée nationale pour que des résultats tangibles sauvent la Sologne. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC, ainsi qu'au banc de la commission)
M. Franck Menonville . - (Applaudissements au banc de la commission) Nous sommes nombreux à considérer ce texte comme équilibré et raisonnable, entre lutte contre l'engrillagement et respect du droit de propriété.
Il répond à une dérive observée en Sologne et ailleurs et apporte une réponse globale.
Je salue la force de conviction de Jean-Noël Cardoux et le travail réalisé par Laurent Somon.
L'engrillagement pose des problèmes écologiques, sanitaires et de sécurité. Il altère les paysages. Les animaux doivent pouvoir circuler dans les espaces naturels afin de garantir le brassage nécessaire pour éviter la consanguinité ; les hommes doivent pouvoir profiter des beautés de la nature. Sans compter que ces clôtures sont un danger en cas d'incendie.
Face aux conflits d'usage, la commission a recherché un consensus entre chasseurs et non chasseurs, entre propriétaires et promeneurs.
L'article premier vise à garantir la continuité écologique en adaptant les clôtures aux exigences de la trame verte.
Les chasseurs aiment la nature ; ils sont les héritiers d'une tradition ancestrale qui repose sur une éthique et des valeurs.
M. Laurent Burgoa. - Bravo !
M. Franck Menonville. - Ils contribuent à l'équilibre des espaces et à la régulation des espèces qui dévastent les cultures. Dans la Meuse, les sangliers ont causé plus de 3 millions d'euros de dégâts en 2019 !
Nous défendons une chasse éthique et durable et une limitation des chasses commerciales. C'est le sens de l'article premier bis.
Des positions équilibrées ont été trouvées pour assurer le respect de la propriété privée, à l'article 2.
Le délai de mise en conformité passe de dix à sept ans, ce qui paraît équilibré. Le rôle de contrôle confié aux agents de l'OFB est également une avancée. Enfin, je suis favorable à ce que l'écocontribution serve à développer les haies.
Ce texte est pragmatique, équilibré et courageux. Il a été adopté à l'unanimité de la commission des affaires économiques. Le groupe INDEP le soutiendra. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE)
Mme Anne Chain-Larché . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie à mon tour Jean-Noël Cardoux de son initiative.
L'engrillagement est contraire à notre conception éthique de la chasse. Le problème dépasse désormais la Sologne. La création d'enclos de chasse freine la libre circulation de la faune sauvage. Autorisée par une loi de 1844, cette pratique s'est accélérée depuis les années 1990 et surtout depuis 2005, lorsque la loi leur a accordé des dérogations favorables - exemption de plan de chasse, non-participation aux remboursements des dégâts de gibier, faculté de chasser toute l'année.
La multiplication des clôtures imperméables pose des problèmes sécuritaires, sanitaires, écologiques. Elle porte atteinte aux paysages, car la nature est parcellée et cadenassée.
Un mouvement inverse doit donc être enclenché. Il ne s'agit pas d'interdire, mais de remettre de l'ordre pour favoriser la biodiversité et rétablir les corridors biologiques. Le groupe Les Républicains défend résolument une écologie positive et non punitive.
Les clôtures ne pourront excéder 1,20 mètre ou être enterrées dans le sol ; elles devront être en matériaux naturels ou traditionnels. Il faut une norme claire, qui s'impose à toutes les clôtures érigées à compter de 2005. La loi sera donc rétroactive, c'est là sa force.
Le droit de clôturer sa propriété n'est pas supprimé, à condition que la faune puisse circuler.
Des mesures d'accompagnement sont prévues.
Les dérogations applicables aux enclos de chasse sont enfin supprimées. Ils seront désormais soumis au droit commun de la chasse.
La commission des affaires économiques a adopté le texte à l'unanimité. Elle a précisé quelles étaient les clôtures autorisées, fixé des critères, ramené à sept ans le délai de mise en conformité, permis l'utilisation de l'écocontribution pour ériger des haies à la place des clôtures.
Ce texte complet et équilibré répond à la problématique de l'engrillagement sauvage. Le groupe Les Républicains, qui soutient la chasse, le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. François Patriat applaudit également.)
M. Daniel Salmon . - Je me félicite de l'inscription de ce texte à l'ordre du jour et salue le travail du rapporteur.
L'engrillagement ne cesse de se développer, au-delà de la Sologne, en Picardie, dans les Landes, en Normandie. Il traduit une défiance des propriétaires envers les usagers de la nature mais aussi la volonté de créer des enclos de chasse.
Au-delà de l'impact sur la faune, ces clôtures ont des conséquences sur tout l'écosystème, et posent également des difficultés en matière de gestion des incendies.
L'interdiction d'ériger des clôtures est donc salutaire et je salue ce texte.
La proposition de laisser un espace libre de trente centimètres en bas de clôture pour faciliter la circulation de la faune est bienvenue.
Le GEST proposera toutefois de ramener le délai de mise en conformité de sept à cinq ans. Nous devons agir rapidement.
Le rapport du CGEDD préconisait d'aller plus loin que cette proposition de loi. Deux dispositions importantes ont été exclues du texte.
Le premier point concerne la chasse en enclos. En effet, environ 1 300 parcs et enclos, contenant 50 000 à 100 000 animaux, quadrillés de miradors et de points de nourrissage, permettent des safaris à l'encontre d'animaux d'élevage, souvent importés de Pologne ou de Hongrie. Même les chasseurs reconnaissent que cette pratique pose des problèmes d'éthique de la chasse. En outre, les espèces exogènes, en s'échappant, peuvent entraîner une pollution génétique.
Le second point absent concerne l'agrainage intensif et l'affourragement, qui, en enclos, s'apparentent fortement à de l'élevage. Hors enclos, le nourrissage participe à la prolifération du grand gibier - qu'il faut ensuite « réguler ». En Ille-et-Vilaine, 450 sangliers avaient été prélevés en 2000, 4 350 en 2020 !
J'ai donc déposé des amendements pour interdire l'agrainage et l'affourragement, ainsi que la chasse en enclos.
Nous attendons également beaucoup des décrets annoncés, madame la ministre. L'horloge tourne, nous le savons tous.
Le GEST votera ce texte qui apporte des avancées non négligeables, même s'il mériterait d'être complété. (Applaudissements au banc de la commission)
M. Fabien Gay . - Si l'engrillagement n'est pas nouveau, et concerne essentiellement la Sologne, il se répand en Bretagne, en Picardie ou encore dans les Landes, au point qu'on parle de « solognisation » de tout le territoire.
Or cette pratique pose des problèmes de continuité écologique, de sécurité incendie et sanitaire. Elle empêche la libre circulation de la faune, interdit la promenade et entrave le développement du tourisme rural.
La densité des grands animaux sauvages est favorisée, ce qui nuit aux sols.
C'est une appropriation renforcée de l'espace. La déviance du droit des enclos crée des zones de non-droit où la gestion cynégétique est aberrante. Les miradors de tir mettent en danger les usagers des voies publiques.
L'engrillagement permet la pratique d'une chasse qui, au fond, n'en est plus une. Elle est réservée à une élite. Cela rappelle qu'il n'y a pas d'homogénéité de la chasse ; c'est une pratique socialement clivée. Ces enclos vont à l'encontre d'une chasse populaire, acquis de la République, héritière de la Révolution.
Cette proposition de loi est donc bienvenue. Certes, elle aurait pu aller plus loin et interdire la chasse dans les enclos hermétiques, comme en Wallonie. Toutefois, elle étend le droit commun de la chasse à l'ensemble du territoire et facilite l'accès aux enclos cynégétique à des fins de contrôle. L'installation de nouvelles clôtures non conformes sera punie de trois ans de prison et de 150 000 euros d'amende.
La commission a précisé utilement ce texte. Nous voterons la proposition de loi. (Applaudissements au banc de la commission)
M. Jean-Paul Prince . - Je remercie M. Cardoux pour cette initiative. Ce texte est très attendu dans les territoires concernés et témoigne d'un travail approfondi.
Je remercie aussi le rapporteur, qui s'est emparé du sujet pour rendre le texte encore plus complet.
L'engrillagement des espaces naturels est un phénomène ancien - il existe depuis cinquante ans dans ma commune -, mais qui s'accentue, contaminant une part croissante de notre territoire.
La Sologne, où je suis né, est malheureusement caractéristique de ce phénomène, surtout depuis une dizaine d'années avec le développement de très grandes propriétés. Le syndicat mixte de la Sologne dénonçait déjà en 1991 une pratique qui entrave la circulation du gibier, enlaidit le paysage et nuit au développement touristique de la Sologne.
On compte 4 000 kilomètres de grillages en Sologne, soit plus que le réseau routier départemental du Loir-et-Cher !
En conséquence, les acteurs de terrain ont lancé une concertation en 2011. Les constats dressés et les propositions formulées ont été essentiels et alimentent ce texte.
La proposition de loi balaie l'ensemble des sujets. Nous avons besoin d'une réponse complète, claire et de bon niveau si nous voulons éviter une course à l'engrillagement avant l'entrée en vigueur des limitations.
Ce phénomène traduit un égoïsme croissant dans notre société, ainsi qu'une perte de la culture rurale et cynégétique. Les relations sociales traditionnelles dans les campagnes se disloquent et l'engrillagement est un signe de cette perte de vivre-ensemble.
Une fermeture de l'espace dégrade la qualité paysagère, la valeur patrimoniale et la fonctionnalité de toute la Sologne et nuit à son image. Les risques sanitaires sont accrus, la libre circulation des animaux sauvages entravée.
Des problèmes de sécurité routière se posent, avec une suraccidentologie liée aux grands animaux. La concentration du gibier sur les propriétés non closes pose divers problèmes. Les miradors mettent en danger les usagers de la voie publique.
Les mesures proposées vont dans la bonne direction pour redonner de l'air à nos campagnes sans priver les propriétaires de leurs biens.
Il y a maintenant des merlons de terre, hauts de deux mètres, qui longent les routes sur des kilomètres. Au bout de quelques années, s'y développe une végétation qui cache les grillages ; derrière, on tire vers la route ! Je regrette que mon amendement sur ce point ait reçu un avis défavorable ; j'y reviendrai.
La référence à 2005 pour l'abaissement des clôtures permettra d'éviter un engrillagement rapide en prévision de la future loi.
Les mesures d'accompagnement et le délai de mise en conformité prévu rendront ce texte acceptable par les propriétaires.
Je soutiens pleinement cette proposition de loi, que le groupe UC votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDSE, du RDPI et au banc de la commission)
M. Christian Bilhac . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La gestion durable du patrimoine faunique relève de l'intérêt général, comme le rappelle le code de l'environnement, qui ajoute que « les chasseurs contribuent au maintien, à la restauration et à la gestion équilibrée des écosystèmes en vue la préservation de la biodiversité ».
Or une pratique de chasse contraire à ces principes se répand. Des milliers de kilomètres de clôture empêchent la continuité écologique. En Sologne, le territoire est ainsi morcelé, en pleine zone Natura 2000.
Le chasseur n'a plus à rechercher le gibier, tant la concentration est forte dans ces enclos cynégétiques. Selon moi, ce n'est pas un acte de chasse. Chasseur, je ne me retrouve pas dans ces pratiques ; il s'agit de carnage, à rebours de toute éthique. Elles sont encouragées par un droit de la chasse dérogatoire.
L'extension du « privilège de l'enclos » à des terrains de plus en plus vastes bénéficie aux chasses commerciales. C'est une forme de confiscation des animaux sauvages, qui par essence n'appartiennent à personne. Le législateur doit donc agir.
Je soutiens la proposition de loi de Jean-Noël Cardoux. La concertation menée en Sologne a mis en évidence un certain consensus autour de la fin de l'engrillagement.
Certains voudraient aller plus loin et interdire la chasse en enclos. Pourquoi pas, mais le texte permet déjà tel quel d'assurer la régression de l'engrillagement.
La rétroactivité de la loi sera limitée et proportionnée et le remplacement des clôtures par des haies sera accompagné financièrement.
La démarche de Jean-Noël Cardoux va dans le sens d'une meilleure sécurité juridique et nous permet d'avancer dans un climat apaisé.
Si des initiatives concurrentes existent, j'invite les députés à se saisir de ce texte pour que ces mesures s'appliquent au plus vite.
Je retirerai mon amendement qui limitait le délai de mise en conformité à cinq ans pour ne pas fragiliser l'équilibre issu de la négociation. Toutefois, nous pourrions fixer 2029 pour que les sept ans ne se transforment pas en dix ans. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et des groupes UC et Les Républicains)
M. Laurent Burgoa . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'objectif de cette proposition de loi est clair : faire face au développement inquiétant des clôtures en forêt tout en protégeant mieux la propriété privée.
Trop souvent, les clôtures sont liées à des pratiques de chasse. Elles constituent un frein à la circulation des animaux sauvages.
Nous connaissions la problématique de l'artificialisation des sols. Nous devons désormais prendre en compte le développement croissant de ces enclos.
Ils ne sont pas hermétiques à 100 %, me dira-t-on. C'est tout aussi inquiétant, puisque les lâchers qui ont lieu au sein de ces enclos peuvent entraîner une prolifération de certaines espèces, alors que nous avons un réel besoin de régulation, n'en déplaise à certains.
Notons par ailleurs que ces chasses commerciales ne participent pas au dédommagement des dégâts causés aux agriculteurs.
Ces parcs bénéficient aujourd'hui d'une exemption du plan de chasse, et peuvent ne pas respecter des dates d'ouverture et de fermeture. Cela ne correspond pas à ma vision d'une chasse populaire et connectée à son environnement. Nous devons encourager une chasse responsable.
Il arrive aussi que cet engrillagement soit une réponse au non-respect de la propriété privée. Certains néoruraux ne comprennent pas qu'un espace forestier peut être une propriété privée et qu'il n'existe pas de droit à s'y promener hors des chemins ruraux. Une grande tolérance a longtemps prévalu, mais les tensions sont croissantes. Le passage de quads ou de VTT, par exemple, dégrade les propriétés.
Ce texte rappelle aussi que le droit de propriété a valeur constitutionnelle. Pénétrer sans autorisation dans une propriété rurale ou forestière sera désormais puni de 1 500 euros d'amende.
Les clôtures - qui ne sont pas installées par plaisir, d'autant qu'elles sont coûteuses - peuvent freiner l'avancée des pompiers en cas de feu de forêt.
Il est utile de préciser que les propriétaires auront sept ans pour se mettre en conformité avec la loi.
Les clôtures agricoles ou d'intérêt public, notamment, resteront autorisées.
L'écocontribution pourra être utilisée pour remplacer les clôtures par des haies.
Cette proposition de loi trouve un juste équilibre. Le droit de propriété est parfois méconnu : on confond droit et tolérance. Il n'est pas inutile de lever la confusion qui prévaut dans le monde rural. Les précisions apportées par notre rapporteur sont utiles à cet égard.
Je remercie Jean-Noël Cardoux d'avoir conjugué mesure, sens de l'écoute et détermination.
Le groupe Les Républicains, favorable à la chasse et à son éthique, votera ce texte sans hésitation. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Alinéa 2, première phrase
1° Supprimer les mots :
2° du
2° Remplacer les mots :
six phrases ainsi rédigées
par les mots :
un alinéa ainsi rédigé
3° Remplacer les mots :
ces espaces naturels
par les mots :
une trame verte
M. Bernard Buis. - Cet amendement étend la mise en conformité des clôtures à l'ensemble des espaces compris dans la trame verte, au-delà des seuls corridors écologiques.
M. Laurent Somon, rapporteur. - Cette attache juridique plus large dans le cadre des trames vertes me paraît pertinente. Avis favorable.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Nous devons englober toute la trame verte. Avis favorable.
L'amendement n°6 est adopté.
Mme le président. - Amendement n°4, présenté par Mme Schillinger, M. Buis et Mme Evrard.
I. - Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
Hors celles posées autour des parcelles agricoles ou nécessaires à la protection des régénérations forestières ou d'
par les mots :
À l'exception des clôtures posées autour des parcelles agricoles, nécessaires à la protection des régénérations forestières, ainsi que des clôtures nécessaires à la défense nationale, à la sécurité publique ou à tout autre
II. - Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
ou nécessaires à la protection des régénérations forestières ou d'intérêt public
par les mots :
, nécessaires à la protection des régénérations forestières, ainsi que des clôtures nécessaires à la défense nationale, à la sécurité publique ou à tout autre intérêt public,
M. Bernard Buis. - Il s'agit de prioriser nos intérêts de défense nationale et de sécurité publique.
Mme le président. - Sous-amendement n°19 à l'amendement n°4 de Mme Schillinger, présenté par M. Somon, au nom de la commission.
Alinéas 5 et 10
Après les mots :
régénérations forestières
insérer les mots :
, des jardins ouverts au public
M. Laurent Somon, rapporteur. - Ce sous-amendement introduit une exception autorisant les clôtures hautes pour les jardins ouverts au public, par exemple autour des demeures historiques. Certains sont devenus des attractions touristiques.
Il s'agit de les préserver des dégâts de gibier et de participer à l'essor économique de ces sites et à la valorisation du patrimoine.
Avis favorable à l'amendement n°4, sous réserve de l'adoption du sous-amendement de la commission.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Avis favorable à l'amendement et à son sous-amendement. Il faut préserver les clôtures nécessaires à la sécurité publique et aux jardins ouverts au public.
Le sous-amendement n°19 est adopté.
L'amendement n°4, sous-amendé, est adopté.
Mme le président. - Amendement n°8, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.
Alinéa 2, quatrième phrase
Remplacer le mot :
sept
par le mot :
cinq
M. Daniel Salmon. - Donner du temps au temps finit par diluer la décision. Le délai de cinq ans suffit s'il y a une volonté réelle !
Mme le président. - Amendement identique n°13 rectifié, présenté par MM. Bilhac, Artano, Cabanel, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Requier.
M. Christian Bilhac. - Comme je l'ai annoncé en discussion générale, je retire cet amendement. Mais je souhaite que la date de 2029 soit arrêtée pour que les sept ans ne deviennent pas neuf ou dix...
L'amendement n°13 rectifié est retiré.
M. Laurent Somon, rapporteur. - La proposition de loi initiale prévoyait un délai de mise en conformité de dix ans, la commission l'a ramené à sept, pour tenir compte des coûts et de l'impact sur les exploitations commerciales. Ce délai permet aussi le lissage de l'écocontribution. Avis défavorable.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Les débats ont été riches et nous avons veillé à prendre en compte toutes les situations et prévu un accompagnement de l'État pour la résorption de ces grillages. Le délai de cinq ans me semble accessible et raisonnable. Avis favorable.
M. Jean-Noël Cardoux. - J'ai travaillé deux ans sur ce texte. Je vous prie de croire que les négociations n'ont pas été faciles... Je souscris à la réduction de dix à sept ans souhaitée par la commission.
Aller plus loin mettrait en péril les chasses commerciales qui sont aussi utiles à l'activité cynégétique et touristique.
L'amortissement sur cinq ans, compte tenu des investissements réalisés, est trop serré - c'est l'ancien expert-comptable qui parle...
Je remercie M. Bilhac d'avoir retiré son amendement.
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°5, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Alinéa 2
Après la quatrième phrase :
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Tout propriétaire procède à la mise en conformité de sa clôture dans des conditions qui ne portent pas atteinte à l'état sanitaire, aux équilibres écologiques, aux activités agricoles ou forestières du territoire.
M. Bernard Buis. - Cet amendement précise les conditions dans lesquelles le propriétaire doit procéder à la mise en conformité de ses clôtures.
M. Laurent Somon, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Nous avons entendu les inquiétudes du monde agricole. Avis favorable.
L'amendement n°5 est adopté.
L'amendement n°2 n'est pas défendu.
Mme le président. - Amendement n°9, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.
Alinéa 2, dernière phrase
Supprimer les mots :
, y compris par une attestation administrative
M. Daniel Salmon. - L'attestation administrative peut se limiter à une déclaration sur l'honneur. Évitons des pressions sur les maires. C'est aux propriétaires de produire des documents probants pour faire valoir l'antériorité de leurs clôtures.
M. Laurent Somon, rapporteur. - Cette attestation sera délivrée sur la base d'autorisations préalables de travaux. Les associations de chasse pourront aussi prouver l'antériorité par rapport à 2005, au regard de la date de délivrance des plans de chasse. Avis défavorable.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Avis favorable. Il est primordial d'inciter les propriétaires à prouver l'antériorité par ses propres moyens. Il pourra toujours se tourner vers l'autorité administrative.
M. Jean-Noël Cardoux. - « Autorité administrative » ne signifie pas « maire », comme l'indiquait justement le rapporteur. Les directions départementales des territoires sont aussi concernées, tout comme les fédérations départementales de chasseurs.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°12, présenté par M. Prince.
I. - Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La construction de murets en terre dépassant 50 centimètres de hauteur le long des voies communales, départementales ou nationales est interdite.
II. - Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La construction de murets en terre dépassant 50 centimètres de hauteur le long des voies communales, départementales ou nationales est interdite.
M. Jean-Paul Prince. - Il s'agit d'interdire les grands murets ou merlons en terre qui sont un désastre dans mon département. Une fois recouverts de ronces, ils cachent tout, et les lignes de tir sont vers la route !
M. Laurent Somon, rapporteur. - Ce type de muret n'est pas de nature à empêcher le passage des animaux. La proposition de loi permettra en tout état de cause des contrôles sur d'éventuels grillages.
Préservons les talus bretons et normands qui ont aussi de grandes qualités environnementales. Avis défavorable.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Je suis sensible à l'argumentation de M. Prince. Il faut expertiser cette question, qui semble varier d'un territoire à l'autre. (M. Jean-Paul Prince le concède.) Les chasseurs ne doivent pas tirer vers des voies de circulation. J'ai saisi la direction générale des infrastructures et des transports. Mais, en l'état, avis défavorable.
M. François Patriat. - Je voterai cet amendement. Ceux qui construisent ces merlons en Sologne le font pour dissimuler des grillages et tirer en direction des routes. Ceux qui ont construit ce type de murets pour se protéger du bruit, le long de l'A31 par exemple, ont été condamnés à les démolir. Cela dénature l'environnement.
L'amendement n°12 n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°15, présenté par M. Somon, au nom de la commission.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le 3° du même II est complété par les mots : « du présent code » ;
M. Laurent Somon, rapporteur. - Cet amendement n'est plus utile, compte tenu de l'adoption de l'amendement n°6.
L'amendement n°15 est retiré.
Mme le président. - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par MM. Le Nay, Laugier, Levi, Mizzon, Henno, Longeot et P. Martin, Mme Férat, MM. Delcros, Kern et J.M. Arnaud, Mmes Billon, Gatel et Doineau et MM. Détraigne et Canévet.
Alinéa 5
1° Remplacer les mots :
situées en milieu naturel peuvent être entourées
par les mots :
et les sièges d'exploitation d'activités agricoles ou forestières situe?s en milieu naturel peuvent être entourés
2° Compléter cet alinéa par les mots :
ou du siège de l'exploitation
M. Jacques Le Nay. - Il faut tenir compte du fait que les sièges d'exploitation d'activités agricoles ou forestières sont de plus en plus dissociés des habitations.
L'ajout de la notion de siège d'exploitation est indispensable pour répondre aux questions de sécurité en milieu naturel des personnes, des animaux et des biens.
M. Laurent Somon, rapporteur. - Avis favorable à cet amendement pragmatique qui prend en compte les réalités du monde rural.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Je vous rejoins. Avis favorable.
L'amendement n°3 rectifié bis est adopté.
Mme le président. - Amendement n°16, présenté par M. Somon, au nom de la commission.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À la première phrase du dernier alinéa du même article L. 371-2, après le mot : « alinéa », sont insérés les mots : « du présent article » ;
L'amendement rédactionnel n°16, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
ARTICLE PREMIER BIS
Mme le président. - Amendement n°10 rectifié, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.
I. - Alinéa 1, au début
Insérer la mention :
I. -
II. - Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« I. - L'enclos est défini comme toute possession attenante ou non à une habitation et entourée même très partiellement, d'une clôture continue et constante faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins et empêchant complètement le passage de la faune et celui de l'homme, sur tout ou partie du périmètre ou à l'intérieur de ladite possession. Toute action de chasse y est interdite.
« Sur leurs possessions à l'exception du domicile, les propriétaires, possesseurs ou leur ayant droit sont tenus d'en laisser l'accès, à tout moment, aux fonctionnaires et agents chargés des contrôles prévus à l'article L. 170-1 et aux officiers et agents mentionnés à l'article L. 172-1 du présent code. »
III. - Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
II. - Le 1° du I entre en vigueur à compter de la publication de la présente loi.
III. - À partir de la date mentionnée au II, la pratique de la chasse en enclos est sanctionnée par les peines prévues à l'article 521-1 du code pénal.
IV. - Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article.
M. Daniel Salmon. - Avec la chasse en enclos, les animaux n'ont pas d'échappatoire. Ils sont quasi-domestiques : on est plus proche de l'élevage... Il faut en finir avec ces petits - ou grands - carnages entre amis. D'où cet amendement qui interdit toute chasse en enclos, commerciale ou non. La définition que nous en donnons est certes un peu lâche...
Mme le président. - Amendement n°14 rectifié, présenté par MM. Bilhac, Artano, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Requier.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
de ce gibier
par les mots :
du gibier à poil
M. Christian Bilhac. - Amendement rédactionnel.
Mme le président. - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
...° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - Sur leurs possessions à l'exception du domicile, les propriétaires, possesseurs ou leur ayant droit sont tenus d'en laisser l'accès, à tout moment, aux fonctionnaires et agents chargés des contrôles prévus à l'article L. 170-1 et aux officiers et agents mentionnés à l'article L. 172-1 du présent code dès lors qu'ils exercent une activité soumise au présent titre. »
M. Bernard Buis. - Les zones de non-droit ne sont pas toujours celles que l'on croit. Pour mieux contrôler les pratiques, il faut renforcer les pouvoirs de contrôle des agents de l'OFB en facilitant les inspections à tout moment.
M. Laurent Somon, rapporteur. - L'amendement n°10 rectifié modifie la définition de l'enclos de chasse, étend les prérogatives des agents de l'OFB et interdit la chasse en enclos. La définition retenue, qui englobe les terrains enclos en partie seulement, est source de confusion : sur ces terrains, l'extension des pouvoirs des agents de l'OFB n'a pas d'objet.
En pratique, votre dispositif conduirait à interdire presque toute activité de chasse. Avis défavorable.
Avis favorable à l'amendement n°14 rectifié.
L'amendement n°7 rectifié est en partie satisfait par l'article premier tel que nous l'avons voté. Le droit de la chasse doit s'appliquer partout, sans exception. Retrait ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Monsieur Salmon, vous connaissez mon opposition à la chasse en enclos, mais nous devons affiner l'analyse de l'impact d'une interdiction sur une activité commerciale de longue date.
Sagesse en raison des fragilités de la rédaction, mais je vous rejoins sur le fond. Le décret « grand gibier » à venir mettra un terme aux dérives.
Avis favorable à l'amendement n°14 rectifié.
L'amendement n°7 rectifié est satisfait. Retrait ?
L'amendement n°7 rectifié est retiré.
L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°14 rectifié est adopté.
L'article premier bis, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE PREMIER BIS
Mme le président. - Amendement n°11, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.
Après l'article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 425-5 du code de l'environnement est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Art. L. 425-5. - L'agrainage et l'affouragement sont interdits en tout temps sur l'ensemble des territoires soumis à la chasse. » ;
2° La seconde phrase du second alinéa est supprimée.
M. Daniel Salmon. - Le nourrissage d'espèces invasives relève du syndrome du pompier pyromane et entretient l'incompréhension entre chasseurs et non-chasseurs.
Posons une interdiction claire et nette, car les dérogations entraînent des dérives. Elle fera émerger des solutions pour les rares cas où l'affouragement et l'agrainage peuvent se justifier.
M. Laurent Somon, rapporteur. - Votre proposition paraît quelque peu irréaliste au regard du besoin de protection des cultures. La pratique de l'agrainage est déjà encadrée par l'article L. 425-5 du code de l'environnement, qui n'autorise que l'agrainage dissuasif. Des sanctions spécifiques sont prévues. Avis défavorable.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Nous connaissons les dégâts du grand gibier sur les exploitations, et il faut se tenir aux côtés des agriculteurs. Je présenterai très prochainement des dispositions techniques importantes pour donner un coup d'arrêt à ce désastre.
Une réflexion est en cours sur l'agrainage, qui est à distinguer du nourrissage. En période de forte sensibilité dans les cycles agricoles, il est apparu nécessaire de maintenir à tout le moins l'agrainage dissuasif, qui permet de protéger les cultures, mais il doit rester ponctuel.
L'interdiction totale est en cours d'expérimentation dans les aires protégées. Les agriculteurs qui constateraient une augmentation des dégâts seront dédommagés.
Avis défavorable dans l'attente des dispositions à venir.
M. Jean-Noël Cardoux. - Il y a deux ou trois ans, le député Alain Perea et moi-même avions présenté un rapport sur les dégâts du grand gibier sur les cultures. J'ai ensuite défendu un amendement à la loi de 2019 interdisant le nourrissage mais autorisant l'agrainage dissuasif.
Je n'approuve pas l'agrainage en tas aux seules fins d'attirer le gibier, les chasseurs se postant à l'affût à proximité des tas. En revanche, l'agrainage dissuasif consiste à déposer les grains en ligne pour que les animaux mettent plus de temps à les manger et, ainsi, ne s'attaquent pas aux cultures.
L'amendement n°11 n'est pas adopté.
L'article premier ter est adopté.
L'article premier quater est adopté.
ARTICLE PREMIER QUINQUIES
Mme le président. - Amendement n°17, présenté par M. Somon, au nom de la commission.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À l'avant-dernier alinéa du même article L. 415-3, après la référence : « 2° », sont insérés les mots : « du présent article » ;
L'amendement rédactionnel n°17, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article premier quinquies, modifié, est adopté.
ARTICLE PREMIER SEXIES
Mme le président. - Amendement n°18, présenté par M. Somon, au nom de la commission.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Le même dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils disposent à cet effet des mêmes droits d'accès que ceux reconnus aux fonctionnaires et agents chargés de la police de l'environnement au 1° de l'article L. 171-1. »
M. Laurent Somon, rapporteur. - Le texte de la commission autorise les agents assermentés des fédérations de chasseurs à constater par procès-verbaux les infractions relatives à la conformité des clôtures implantées dans les espaces naturels, ainsi que celles relatives au plan de gestion annuel des enclos.
Il convient de tirer les conséquences de cette extension sur leur droit d'accès aux propriétés.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Je ne suis pas favorable à un tel élargissement. L'article premier ter donne déjà de nouveaux droits aux agents constatateurs. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Cardoux. - Pour que le texte soit applicable, des agents doivent pouvoir constater la régularité des mises en conformité. Les agents de l'OFB n'ont déjà pas les moyens d'assumer toutes leurs missions. Les fédérations de chasse peuvent les y aider.
L'amendement n°18 est adopté.
L'article premier sexies, modifié, est adopté.
ARTICLE 2
L'amendement n°1 rectifié n'est pas défendu.
L'article 2 est adopté.
L'article 4 est adopté.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
(Applaudissements)
Prochaine séance demain, mardi 11 janvier 2022 à 14 h 30.
La séance est levée à 21 heures.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 11 janvier 2022
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence :
M. Gérard Larcher, président
M. Vincent Delahaye, vice-président
Mme Laurence Rossignol, vice-présidente
Secrétaires :
Mme Esther Benbassa - M. Pierre Cuypers
. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique (n°327, 2021-2022) (demande du Gouvernement)