Projet de loi de finances rectificative pour 2021(Nouvelle lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021.
Discussion générale
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics . - Cette nouvelle lecture fait suite à l'échec de la commission mixte paritaire (CMP). Le compromis n'était pas aisé, après la suppression par le Sénat de l'indemnité inflation de 100 euros versée à nos concitoyens dont la rémunération est inférieure à 2 000 euros nets mensuels. Le dispositif du Gouvernement répond à un double objectif de simplicité et de rapidité. Celui du Sénat était bien moins généreux, se limitant à 5 à 10 millions de bénéficiaires selon les estimations, contre 38 millions pour le nôtre. Vous excluiez également les travailleurs indépendants, les demandeurs d'emploi, les retraités et les étudiants boursiers. Nous avons fait un choix plus large.
Le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale ne pouvaient accepter la rédaction du Sénat. Je comprends que c'est la raison principale de votre question préalable et j'en prends acte.
En rejetant ce texte, votre assemblée s'apprête aussi à rejeter le chèque énergie de 100 euros pour 5,8 millions de foyers.
L'Assemblée nationale est revenue sur des dispositions fiscales introduites par le Sénat concernant la TVA, l'éligibilité des sociétés de capital-risque au plan d'épargne en actions pour les PME (PEA-PME) et la compensation de la suppression de la taxe d'habitation en cas de fusion d'EPCI.
Madame Malet, l'Assemblée nationale a adopté un taux de réfaction de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) de 35 % pour La Réunion, mais aussi la Martinique et la Guadeloupe.
Ce PLFR présente toutes les garanties de sérieux budgétaire et assure le financement des besoins de fin de gestion de l'État.
Grâce à la hausse de la croissance, à l'annulation des surplus des crédits d'urgence et à la maîtrise des dépenses ordinaires, le déficit pour 2021 de 8,2 % sera cohérent avec notre objectif de 5 % pour 2022. La croissance est le meilleur outil pour faire face à nos engagements et, à terme, nous désendetter.
Ce PLFR garantit la protection des Français, relance l'économie et prépare l'avenir. Je suis heureux qu'il poursuive son parcours parlementaire, même si j'ai bien compris que le Sénat adopterait la question préalable.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - Le second PLFR de 2021 revient devant le Sénat, après l'échec de la CMP lundi et son examen hier par l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement bénéficie d'une embellie économique dont il profite pour ouvrir de nouvelles dépenses, au-delà de simples ajustements techniques de fin de gestion, sans s'attaquer au désendettement.
L'indemnité inflation coûtera 3,8 milliards d'euros. Le Sénat l'a remplacée par le renforcement de dispositifs existant, à hauteur de 1,4 milliard d'euros, pour majorer de 150 euros - et non 100 euros - la prime d'activité pour 4,5 millions de personnes ainsi que les prestations sociales et minima sociaux pour 3,9 millions de personnes, auxquels s'ajoutent les 600 000 bénéficiaires du minimum vieillesse. Il a également voté 50 millions d'euros de crédits pour aider les demandeurs d'emploi et les jeunes en insertion.
Le Sénat n'a pas supprimé les crédits de la mission « Recherche et Enseignement supérieur », afin de cibler les boursiers. Ni les retraités, ni les demandeurs d'emploi, ni les étudiants les plus pauvres n'ont donc été exclus, ne vous en déplaise, monsieur le ministre. Environ 10 millions de personnes auraient bénéficié de notre dispositif.
Votre indemnité inflation reste une mesure électoraliste mal ciblée, qui ne répond pas à la hausse des prix du carburant. Personne ne sera dupe, notamment pas les classes moyennes qui savent qu'elles devront payer demain ces 100 euros, et même davantage.
Le Sénat a également annulé 3 milliards d'euros non utilisés sur les missions « Plan de relance » et « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ».
À la suite de l'échec de la CMP, sans surprise, l'Assemblée nationale a pour l'essentiel repris son texte de première lecture. Elle a procédé à quelques ajustements et adopté un amendement du Gouvernement qui augmente de 243 emplois le plafond d'emplois des opérateurs de la mission « Travail et emploi » en vue de la transformation de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).
L'Assemblée nationale a conservé deux apports du Sénat : une réfaction de 35 % - et non de 50 % comme le souhaitait Viviane Malet - de TGAP sur le territoire de La Réunion, mais aussi de la Martinique et de la Guadeloupe, pour deux ans ; l'exclusion des primes de médaille aux Jeux paralympiques du calcul de plusieurs prestations sociales pour les personnes en situation de handicap. Il est heureux que ces deux apports soient conservés, malgré l'avis défavorable du Gouvernement au Sénat.
Il n'est jamais trop tard pour avoir raison !
Notre opposition tient essentiellement au rétablissement de l'indemnité inflation. Compte tenu de ces divergences irréconciliables, nous vous proposons d'opposer la question préalable à ce PLFR. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Pierre Corbisez . - Après l'échec prévisible de la CMP, l'issue de ce texte fait peu de doute.
Si le projet de loi de finances pour 2022 a été rejeté rapidement, le Sénat a pris le temps d'examiner ce PLFR. Il a supprimé sa mesure la plus médiatique, l'indemnité inflation, à l'article 12.
L'amélioration de la croissance est une bonne nouvelle. Mais la gestion de la crise s'est faite au prix d'un creusement de la dette, avec des mesures parfois discutables comme le soutien à certains secteurs économiques sans conditionnalité sociale ni environnementale.
Je regrette que les propositions du RDSE aient été rejetées : la revalorisation de la dotation élu local ; l'augmentation des crédits de l'écologie dans la mission « Plan de relance » ; le conditionnement du prêt garanti par l'État (PGE) aux capacités de remboursement des entreprises.
Je salue néanmoins les renforts de personnel dans certaines administrations pour faire face aux conséquences du Brexit, gérer MaPrimeRénov' et, surtout, affronter la crise sanitaire.
En première lecture, le RDSE avait voté contre la suppression de l'article 12, considérant que, même si la mesure était critiquable, il était difficile de revenir dessus.
Fidèle à sa tradition, notre groupe votera contre la question préalable.
Le premier PLFR pour 2021 comportait de nombreuses mesures favorables à la relance, dont la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, la compensation des pertes tarifaires des régies locales et le prolongement du fonds de solidarité pour les TPE et PME.
L'enjeu majeur est le déploiement du plan de relance. Seule ombre au tableau : le manque de lisibilité des crédits, en raison de l'importance des reports entre 2020 et 2021. J'espère qu'ils se tariront en 2022.
Mme Isabelle Briquet . - Si ce second PFLR traduit des ajustements classiques, son point saillant est bien entendu l'indemnité inflation. Sans surprise, la CMP n'a pas été conclusive.
Le pouvoir d'achat est une question majeure, en ces temps de crise. Le groupe SER avait proposé de nombreuses mesures redistributrices comme une TVA temporairement portée à 5,5 % sur le carburant, ce qui aurait dégagé une économie moyenne de 12,50 euros sur chaque plein. Je regrette que l'avis du ministre ait été défavorable.
Le ministre nous a reproché notre absence de soutien au chèque inflation du Gouvernement. Nous pensons que nos concitoyens n'ont pas besoin de charité ponctuelle mais d'une démarche réelle et sincère de réduction des inégalités.
Nous n'avons pas davantage validé les choix de la majorité sénatoriale. Nous avions à choisir entre une mesure de droite, l'indemnité inflation, très large, qui sert la communication politique du Gouvernement, et une autre mesure de droite, certes plus ciblée, mais qui ne répond pas plus à l'urgence sociale.
Seule une vraie refonte de la fiscalité et de la redistribution serait même d'assurer aux plus modestes les moyens de vivre dignement.
Je regrette à cet égard que toutes nos propositions aient été balayées d'un revers de main tout au long du quinquennat.
Les 3,8 milliards d'euros, jugés dispendieux dans cet hémicycle, ne sont rien à côté des avantages fiscaux généreusement accordés. Les recettes ne sont pas difficiles à trouver : rétablissement de l'impôt sur la fortune (ISF), pour 5 milliards d'euros ; décalage de la suppression de la taxe d'habitation pour les plus aisés, pour 8,4 milliards... Vous pouviez faire d'autres choix !
La situation de millions de personnes ne cesse de se dégrader. Il faut prendre des mesures d'urgence. Nous n'avons pas la même approche de la justice fiscale ou sociale. Néanmoins, qui peut s'opposer à un coup de pouce, de surcroît à l'approche des fêtes ?
Quelles sont les propositions structurelles du Gouvernement et de la majorité sénatoriale pour soutenir le pouvoir d'achat des Français et lutter contre les inégalités ?
Nous nous abstiendrons, comme en première lecture.
Mme Patricia Schillinger . - L'échec de la CMP n'a surpris personne. Les désaccords étaient trop importants, notamment sur l'indemnité inflation. Je m'étonne cependant que la droite sénatoriale, dénonçant un bricolage électoraliste, l'ait remplacé par un bricolage improvisé avant la séance.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Pas du tout !
Mme Patricia Schillinger. - Tous, à droite, à gauche et au centre, vous avez appelé le Gouvernement à agir vite pour protéger le pouvoir d'achat des Français. Mais quand le Gouvernement a annoncé son plan, vous l'avez critiqué. Faudrait-il renoncer à réformer à chaque fin de quinquennat ? Seriez-vous sourds aux préoccupations du pays ? Souvenez-vous de la prime de pouvoir d'achat, en 2018 : était-ce là aussi un cadeau de campagne ?
La motion de rejet déposée par la majorité sénatoriale ne laisse aucun doute sur votre refus du débat.
L'Assemblée nationale avait pourtant conservé l'article 13 introduit par le Sénat en l'étendant à la Martinique et à la Guadeloupe : nous n'en discuterons pas. Pas plus que d'autres dispositions.
Le dispositif sénatorial écarte les travailleurs indépendants, les retraités, les demandeurs d'emploi, les boursiers.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - C'est faux !
Mme Patricia Schillinger. - Plutôt que de débattre, vous déposez une motion.
Le Gouvernement dépenserait sans compter, dites-vous ? En deux ans, nous aurons supprimé les deux tiers du déficit créé par la crise ; en 2018, dans le même délai, seule la moitié du chemin avait été parcourue.
Le RDPI soutiendra donc le Gouvernement (murmures ironiques) et le pouvoir d'achat des Français !
M. Emmanuel Capus . - Cette année, le PLFR arrive après l'abandon à mi-parcours du marathon budgétaire. Je ne donne pas cher de son sort : l'approche des élections brouille tout examen d'un texte qui comporte des mesures politiques. Ici, la CMP aura achoppé sur l'article 12 relatif à l'indemnité inflation. Les désaccords ayant peu de chances de se résorber, la commission des finances a déposé une question préalable.
Au fond, comme l'a brillamment demandé le président Requier hier : à quoi sert le Sénat ? À faire des rodomontades médiatiques ? Je ne le crois pas. À voter la loi ? Je le crois. Comment peut-il être utile ? En s'opposant à tout ce que vote l'Assemblée nationale, ou en s'efforçant obtenir gain de cause, même minime, sur certains points clés ?
Sur le PLFR, le Sénat a posé les bonnes questions mais apporté les mauvaises réponses. L'indemnité inflation était-elle bien calibrée ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Non !
M. Emmanuel Capus. - Je ne le crois pas. Était-elle trop coûteuse ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Oui !
M. Emmanuel Capus. - Le groupe INDEP avait proposé de prendre le foyer fiscal comme base de calcul, en l'encadrant pour éviter les doubles versements. Le Sénat se prive d'examiner un tel dispositif révisé. Le groupe INDEP ne votera pas la question préalable. (M. Bernard Delcros applaudit.)
M. Sébastien Meurant . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comme chacun s'y attendait, la CMP n'est pas parvenue à un accord. Nous n'y parviendrons pas plus aujourd'hui. Le texte n'est pas une simple actualisation de fin de gestion : il comporte de nombreux mouvements de crédits lourds de conséquences sur le solde budgétaire.
Pour la relance, 2,3 milliards d'euros de plus - pour le fonds friches ou le bien-être animal. Ce dernier, certes important, contribue-t-il à la relance ? Je ne le crois pas.
Nous ne contestons pas les mouvements de crédits de fin de gestion mais vous financez en réalité de nouvelles politiques en engageant des crédits non consommés : c'est un manquement à l'autorisation budgétaire donnée en loi de finances initiale.
C'est le Tour de France des promesses, avec le carnet de chèque des contribuables français. Ainsi des 2,5 milliards d'euros octroyés à France compétences...
L'indemnité inflation, coeur de notre désaccord avec l'Assemblée nationale, n'est ni juste, ni efficace, ni économe. Il est incompréhensible que des personnes sans voiture reçoivent 100 euros alors qu'elles ne subissent pas la hausse du carburant. Les personnes précaires sont par ailleurs pénalisées par le seuil arbitraire de 2 000 euros. Vous faites aussi peser une charge sur les entreprises, qui devront avancer les frais.
Le Gouvernement a répandu la fausse rumeur que le Sénat aurait refusé 100 euros à 38 millions de nos concitoyens. La communication a ses limites, on perd le sérieux du débat budgétaire face à l'opportunisme politique. Personne n'en sort grandi. Nous avons supprimé l'article 12 pour le remplacer par une mesure simple, s'appuyant sur des dispositifs existants. Monsieur le ministre, votre dispositif injuste coûte 3,8 milliards d'euros. Le nôtre, à 1,5 milliard d'euros, est mieux ciblé et plus opérationnel.
Le Gouvernement a fait un petit pas sur la réfaction de TGAP à La Réunion, avec une augmentation temporaire à 35 %, à la suite de l'amendement de Viviane Malet. Je tiens à le saluer. Même chose pour l'exclusion des primes touchées par les champions paralympiques du calcul des allocations versées aux personnes en situation de handicap, comme le proposait Michel Savin.
En 2021, la dette aura atteint 115 % de notre PIB. Le déficit plonge à 8,2 %. Les dépenses courantes ont augmenté de 41 milliards d'euros entre 2020 et 2021, soit deux fois plus que les mesures d'urgence et de relance. Le déficit a atteint 205 milliards d'euros, avec le report en 2021 de 24 milliards d'euros de crédits non consommés en 2020.
Le Haut Conseil aux finances publiques a regretté que tout n'ait pas été fait cette année pour désendetter notre pays.
Le groupe Les Républicains ne peut cautionner une politique si dépensière à quelques mois de l'élection présidentielle, ni l'endettement accru laissé à la charge des générations futures. Ce PLFR contient une mesure coûteuse et démagogique. C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera la question préalable. (Acclamations et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Sophie Taillé-Polian . - Ce texte étant en droite ligne avec la politique budgétaire et fiscale du Gouvernement, nous ne pouvons le valider : l'unique boussole est la réduction des impôts et la contrainte des dépenses publiques.
Alors que l'embrasement social menace et que les élections approchent, les mesures avancées pour y remédier sont toujours ponctuelles, jamais structurelles.
Le GEST avait proposé le 26 mai une augmentation de 100 euros des aides personnalisées au logement (APL) pour 6 millions de ménages. Il avait essuyé les critiques méprisantes de la droite et du centre, au motif que la mesure était mal ciblée. Le chèque de 100 euros ne l'est pas mieux. Mais l'approche des élections fait évoluer les idées...
Dans la situation actuelle, nous avons besoin de mesures d'urgence, mais aussi de politiques structurelles de réduction des inégalités.
En 2015, chacun s'accordait sur la nécessité de réduire la précarité énergétique de 15 % par an - mais elle stagne, faute de politique structurelle. Un ménage sur cinq a froid l'hiver. MaPrimRenov' est insuffisante pour les plus modestes, pour lesquels il ne faut aucun reste à charge. Pourtant la rénovation énergétique réduit la facture du tiers. Nous avons proposé de porter le chèque énergie à 400 euros - en vain !
Nous sommes bien en deçà des besoins des Françaises et des Français.
Nous nous abstiendrons sur la question préalable, reconnaissant la proximité de fond entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement.
M. Pascal Savoldelli . - Nous voici réunis pour un simulacre de débat budgétaire.
D'après le Secours catholique, 7 millions de personnes - le double d'il y a dix ans - ont eu recours à l'aide alimentaire en 2020. Des mères célibataires, des étudiants, des autoentrepreneurs ont froid en hiver et doivent choisir entre se chauffer, se nourrir et se soigner. Les mobilisations en Guadeloupe et Martinique sont symptomatiques de cette détresse sociale.
L'indemnité inflation est l'illustration de la politique des miettes : il s'agit d'acheter la paix sociale, voire le silence, par une mesure ponctuelle. Pour les uns, c'est 12,50 euros par mois, pour les autres, c'est 8,33 euros !
Depuis le début du quinquennat, les pauvres ont des chèques et des pourboires, quand les plus riches bénéficient de baisses d'impôts pérennes. C'est le sens de l'étude de l'Institut des politiques publiques, selon laquelle la politique du quinquennat se fait au détriment des 5 % les plus pauvres.
Malgré l'apparente opposition mise en scène entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale, il y a un accord sur le fond : des aides sans conditions pour les grandes entreprises - parce que vous croyez au mythe du ruissellement, qui s'évapore par le haut et reste à sec en bas - et des contrôles toujours plus déshumanisants pour les pauvres, soupçonnés de triche. La dignité des uns s'arrête où commencent les dividendes des autres.
Nous sommes pris dans l'étau entre la droite sénatoriale et la droite présidentielle. Choisir l'une ou l'autre serait faire un choix de droite. Refusant ce jeu de dupes, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Vincent Capo-Canellas . - Sans surprise, la CMP a échoué. Notre rapporteur général a rappelé les quelques modestes évolutions acceptées par l'Assemblée nationale.
Après un dialogue constructif sur les précédents PLFR, celui-ci est au point mort, faute d'un accord sur l'indemnité inflation. Les points de vue sont irréconciliables.
La hausse des prix de l'énergie de plus de 20 % par an est une préoccupation légitime de nos compatriotes. Elle a un effet délétère sur leur pouvoir d'achat.
L'OCDE a révisé sa prévision de croissance à 6,8 % pour 2021, niveau inespéré il y a peu. Pour endiguer le risque de surchauffe, les Français réclament des mesures rapides, fortes et efficaces - mais qui ne seraient pas dispendieuses. C'est la quadrature du cercle.
Le coût de la proposition gouvernementale, de près de 4 milliards d'euros, est d'autant moins négligeable qu'elle est ponctuelle alors que le rebond de l'inflation semble durable.
La proposition du rapporteur général, malgré le travail accompli, n'est pas exempte des mêmes défauts. Les effets de seuil subsistent car le dispositif du Sénat exclut les personnes au-dessus d'un certain revenu, les indépendants, les retraités et les personnes ne bénéficiant pas de la prime d'activité. C'est pourquoi le groupe UC s'était abstenu en première lecture.
Nous avions soutenu les précédents collectifs, mais n'avions pas voté celui-ci.
Compte tenu des difficultés à améliorer le texte, l'UC s'abstiendra à nouveau en nouvelle lecture, comme sur la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; Mme Catherine Procaccia applaudit également.)
La discussion générale est close.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°1, présentée par M. Husson, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat ;
Considérant que le projet de loi de finances rectificative pour 2021 s'inscrit certes dans un contexte d'embellie économique mais traduit aussi le fait que les finances publiques de la France restent marquées par les stigmates de la crise qu'elle vient de traverser, avec un déficit public s'élevant à 8,2 % du PIB et une dette à 115,3 % du PIB ;
Considérant que, si les mesures d'urgence et de relance votées par le Sénat ont permis de soutenir les secteurs de l'économie les plus touchés et de préserver globalement les revenus des ménages, elles n'expliquent toutefois pas toute l'aggravation du déficit et de l'endettement ;
Considérant, en effet, qu'il est regrettable que la reprise économique et les rentrées fiscales qu'elle engendre, avec près de 19 milliards d'euros de recettes supplémentaires attendues comparé à cet été, ne profitent toujours pas au désendettement de l'État, compte tenu des mesures nouvelles décidées par le Gouvernement ;
Considérant que, surtout, ce projet de loi de finances rectificative ne se réduit pas à de simples ajustements comme cela est attendu en fin de gestion, mais comporte à l'article 12 l'une des nombreuses dépenses nouvelles décidées par le Gouvernement, à savoir l'instauration d'une indemnité inflation ;
Considérant que, sans occulter l'impact de la hausse des prix de l'énergie sur la vie quotidienne de nombreux Français, l'indemnité inflation constitue avant tout une mesure à visée électoraliste qui cumule les inconvénients, à savoir un ciblage insuffisant, des effets de seuils massifs et des risques d'effets d'aubaine préjudiciables à son efficacité au regard de son coût de 3,8 milliards d'euros ;
Considérant que, le pouvoir d'achat des Français devant être préservé, le Sénat a fait le choix de remplacer cette mesure par le renforcement ponctuel de dispositifs existants et mieux ciblés sur les foyers les plus précaires, en particulier la prime d'activité ;
Considérant qu'en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a conservé l'article 13 introduit par le Sénat, sous le bénéfice d'un amendement du Gouvernement, qui prévoit désormais de porter de 25 % à 35 % (contre 50 % initialement prévu par l'amendement adopté par le Sénat) la réfaction des tarifs de taxe générale sur les activités polluantes applicable aux déchets à La Réunion, en la limitant aux années 2022 et 2023 et en l'étendant à la Martinique et à la Guadeloupe ;
Considérant qu'elle a également maintenu l'article 14 qui tend à introduire, au sein du code de l'action sociale et des familles, le dispositif prévu à l'article 90 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 mais resté a priori inappliqué, visant à exclure les primes liées à la performance et versées par l'État aux sportifs de l'équipe de France médaillés aux jeux paralympiques du calcul de plusieurs prestations sociales dont bénéficient les personnes en situation de handicap ;
Considérant que, pour autant, l'Assemblée nationale a, pour l'essentiel, rétabli le projet de loi de finances rectificative pour 2021 tel qu'elle l'avait adopté en première lecture le 10 novembre dernier, en rétablissant en particulier l'article 12 instaurant l'indemnité inflation ;
Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour 2021, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 190, 2021-2022).
M. Jean-François Husson, rapporteur général . - La reprise économique plus forte que prévue a apporté des recettes supplémentaires, à hauteur de 19 milliards d'euros. Je regrette que le Gouvernement n'en ait pas profité pour commencer à désendetter le pays.
Mieux vaut se répéter que se contredire : la France a choisi de prolonger l'amortissement de sa dette sociale. La dette climatique concernera les jeunes générations encore plus que nous - elles nous bousculent à juste titre.
Ce niveau d'endettement nettement plus élevé que la moyenne européenne nous donne des semelles de plomb qui nous handicapent par rapport à nos partenaires européens.
Cette divergence de fond, autant que l'indemnité inflation, est à l'origine de cette question préalable, dans la suite logique de l'échec en CMP.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. - Avis défavorable.
Étant sur le départ pour un déplacement à l'étranger, je ne pourrai participer à l'examen des conclusions des commissions mixtes paritaires sur les textes relatifs à la gestion des finances publiques ; je m'en excuse et remercie mon collègue Cédric O d'avoir accepté de me remplacer.
M. Pascal Savoldelli. - Nous ne sommes pas dupes de ce bras de fer entre le Gouvernement et la droite sénatoriale.
Celle-ci a décidé de rendre muet l'hémicycle, sans doute gênée sur les fondamentaux politiques. (M. Roger Karoutchi le dément.) À la vérité, il y a une feuille de papier entre vous, mais pas une ramette... (Sourires) C'est à qui baissera le plus les dépenses publiques. Assumez-le, au lieu de jouer à cache-cache ! En tout cas, ce n'est pas nous qui trancherons votre débat.
Par ailleurs, il n'est pas normal que la présidentialisation du régime, aggravée par le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral, en arrive à un point tel que notre institution se retrouve paralysée au mois de novembre, comme prise dans un étau. Pas sûr que cela redore le blason de la démocratie représentative...
Les élus communistes, républicains, citoyens et écologistes ne prendront pas part au vote sur la motion.
La motion n°1 est mise aux voix par scrutin public de droit.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°50 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 193 |
Pour l'adoption | 143 |
Contre | 50 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi de finances rectificative pour 2021 est rejeté.