Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Notre séance est retransmise sur Public Sénat et sur notre site internet. Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun au respect des uns et des autres, ainsi que des temps de parole.
Plan France 2030 (I)
M. le président. - Je salue notre nouvelle collègue Mélanie Vogel, qui intervient pour la première fois dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)
Mme Mélanie Vogel . - J'ai beau avoir écouté avec beaucoup d'attention les annonces du Président de la République sur le plan France 2030, je n'ai pas tout compris : sur 8 milliards d'euros annoncés pour l'énergie, seulement 10 % iront aux énergies renouvelables ! Et rien sur l'efficacité et la sobriété énergétiques... Ce sont pourtant les deux clés de la transition énergétique.
En fait de plan France 2030, on dirait plutôt le plan France 1970 que mes parents ont connu...
Il y a bien une différence : on passe de gros réacteurs, très chers et qui ne marchent peut-être pas, à des petits réacteurs, très chers aussi et qui ne marchent peut-être pas non plus - alors qu'il y a des alternatives plus sûres et moins chères. (Marques de désapprobation à droite et au centre) Messieurs, contrôlez vos émotions ! (Murmures sur les mêmes travées)
Les milliards d'argent public ainsi gaspillés dans le nucléaire nous manqueront pour investir dans la rénovation des bâtiments, les services publics, l'école ou les hôpitaux.
Quelles perspectives offrons-nous aux générations futures en étant la seule Nation au monde à engloutir des milliards d'euros dans une énergie passée ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)
M. Stéphane Piednoir. - C'est faux !
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique . - Permettez-moi de vous féliciter, au nom du Gouvernement, pour votre élection. (On ironise à droite.)
Le plan France 2030 fait partie d'une action d'ensemble. En tant que responsable de la politique énergétique de la France, je suis déterminée à atteindre nos objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre et à garantir l'accès de tous nos concitoyens à l'électricité dont ils auront besoin à l'avenir.
Pour réduire nos émissions, nous devons d'abord réaliser des économies d'énergie - vous l'avez souligné à juste titre. Dans cet esprit, nous mettons en oeuvre un plan massif pour l'habitat et aidons les entreprises à se décarboner.
Il nous faut aussi limiter notre consommation de pétrole, par exemple en passant des voitures thermiques aux voitures électriques. Il en résultera une augmentation très forte de la demande d'électricité dans les années et décennies à venir.
M. Vincent Segouin. - Et voilà !
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. - En dix ou quinze ans, nous n'avons pas le temps de construire des réacteurs nucléaires ; nous devons donc développer considérablement les énergies renouvelables.
Pour la suite, il faut faire des choix. En matière de nucléaire, nous avons besoin d'alternatives aux EPR. C'est le sens du plan France 2030 : investir dans les nouvelles technologies - y compris renouvelables - pour relever les défis de l'avenir, au service de la souveraineté écologique ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Mélanie Vogel. - Pourquoi le Président de la République parle-t-il d'hydrogène vert, renouvelable, alors que vous prévoyez seulement de l'hydrogène jaune, issu du nucléaire ?
Gestion des flux migratoires entre la France et le Royaume-Uni
M. Jean-Pierre Decool . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Dans les Hauts-de-France, monsieur le ministre de l'Intérieur, vous êtes venu délivrer un message ferme sur la gestion, épineuse, des flux migratoires entre la France et le Royaume-Uni.
En septembre dernier, vous aviez déjà tiré la sonnette d'alarme sur le comportement des Britanniques, qui disaient vouloir réviser leur interprétation du droit de la mer.
La pression migratoire s'accentue vers l'eldorado britannique, avec une hausse exponentielle des tentatives de passage : cet été, les « petits bateaux », comme l'on dit, ont été deux fois plus nombreux.
La gestion de cette frontière est un vieux serpent de mer. Elle est régie par de nombreux accords, dont ceux du Touquet, conclus en 2003. Dernièrement, un accord a été signé sur le financement du renforcement des forces de l'ordre françaises. Dans ce cadre, le Royaume-Uni nous doit plus de 62 millions d'euros sur deux ans. Avez-vous des précisions sur le paiement de cette somme ?
Par ailleurs, nous devons dénoncer les accords du Touquet et imaginer une nouvelle relation. Le Brexit aurait pu en être l'occasion, mais nous l'avons manquée. Le Gouvernement compte-t-il s'emparer du sujet lors de la présidence française du Conseil de l'Union européenne ?
Sur le terrain, les forces de sécurité disposent de nouvelles technologies, comme des drones à détection thermique, mais ceux-ci ne peuvent être utilisés. Pouvons-nous espérer une solution rapide ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - La ministre de l'intérieur britannique a fait savoir, dimanche soir, que son pays paierait les 62 millions d'euros dont vous avez parlé. C'est bien la moindre des choses, puisque nous gardons la frontière pour nos amis anglais. Je savais bien que les Anglais sont gens d'honneur.
Nous sommes vigilants sur le respect du droit de la mer, qui sauvegarde la souveraineté des États comme l'humanité des personnes. Je ne puis imaginer que nos amis britanniques puissent s'asseoir dessus.
Alors que 50 à 60 % des migrants de Dunkerque et Calais viennent de Belgique, la frontière franco-belge doit être mieux tenue ; à la demande du Premier ministre, j'ai donné des consignes strictes en ce sens. Nos amis belges doivent eux aussi prendre leur part de la maîtrise de cette frontière.
Oui, il faut un nouveau traité avec les Britanniques. Je regrette que M. Barnier n'ait pas pu négocier cet aspect au moment du Brexit. Ce nouveau traité sera un sujet de la présidence française de l'Union européenne.
Enfin, je soutiens nos forces de l'ordre et l'usage des nouvelles technologies. Dans quelques jours, vous serez appelés à voter - M. Daubresse le sait bien - une disposition permettant le recours aux drones contre l'immigration irrégulière. J'espère retrouver alors la même unanimité que celle qui entoure votre question. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Place de la France en Afrique
M. Roger Karoutchi . - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Au moment où le président algérien Tebboune fustige la politique migratoire française, où le sommet de la francophonie en Tunisie est reporté, où les gouvernements malien et centrafricain contestent la présence de l'armée française sur leur sol, où le Sénégal proteste contre le retrait des capitaux français au profit des capitaux chinois et où nos établissements en Afrique, notamment culturels, se plaignent de manquer de moyens, y a-t-il encore une politique française en Afrique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat et M. Olivier Henno applaudissent également.)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Au moment où le président Tshisekedi considère le président Macron comme l'interlocuteur pour le développement de l'Afrique, où nous sentons les premiers effets de la conférence du 18 mai dernier pour un nouveau pacte de relance en Afrique, où les dirigeants d'Afrique du Sud reconnaissent l'action de la France pour permettre la production de vaccins dans leur pays, où, au Sénégal, nous développons un hub universitaire et construisons une unité de production de vaccins, où nous préparons un sommet entre l'Union européenne et l'Union africaine pour élaborer une nouvelle charte de nos relations, où l'effort de la France en matière d'aide au développement n'a jamais été aussi substantiel en direction de l'Afrique et où nous sommes à la tête d'une coalition de soixante pays au Sahel, oui, vraiment, il y a une politique africaine de la France !
Certes, ce n'est plus la Françafrique - peut-être cela vous déplaît-il ? (Murmures à droite) Reste que notre politique est reconnue par nombre de dirigeants africains, ainsi que par les sociétés africaines, qui se sont exprimées en ce sens lors du sommet de Montpellier. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)
M. Roger Karoutchi. - Rassurez-vous : je ne suis pas un nostalgique de la Françafrique.
Mais au moment où la Chinafrique investit massivement, souvent à notre place, et ouvre des bases militaires au Sénégal et à Djibouti, et où la Russafrique envoie milices et conseillers militaires dans des pays traditionnellement sous influence française, nous devons nous interroger.
Depuis un moment - non pas trois ans, mais une décennie -, il y a un doute sur ce que nous sommes censés faire : regardez le franc CFA, nos investissements ou les mouvements migratoires que nous peinons à maîtriser. Oui, il faut revoir complètement la politique française en Afrique ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)
Assassinat de Samuel Paty, un an après
M. Pierre-Antoine Levi . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Samedi prochain, 16 octobre, il y aura exactement un an que Samuel Paty a été assassiné. L'Union Centriste se joint aux hommages très nombreux rendus à ce professeur devenu un symbole de la liberté d'expression et de la lutte contre la poussée islamiste dans l'Éducation nationale.
Nous ne pouvons que souscrire aux nouveaux hommages proposés par le ministère pour ce vendredi, mais la commémoration ne suffit pas ; le mal est bien plus profond.
David Di Nota, dans son enquête J'ai exécuté un chien de l'enfer, dénonce l'attitude de la hiérarchie face aux difficultés rencontrées par Samuel Paty. Celui-ci se serait vu reprocher de ne pas suffisamment maîtriser le concept de laïcité... En lisant cela, la colère m'envahit.
L'Éducation nationale aurait-elle déjà cédé à la pression islamiste, pour ne pas faire de vagues ? Dans le cas contraire, quelles mesures concrètes ont-elles été prises depuis un an pour soutenir et protéger les enseignants menacés ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Catherine Deroche et MM. Gérard Longuet et Antoine Lefèvre applaudissent également.)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports . - Je vous remercie de rappeler les mesures de commémoration prévues - minutes de silence, moments dédiés. Samedi prochain, je serai moi-même au collège de Conflans-Sainte-Honorine pour inaugurer une plaque en présence de la famille de Samuel Paty.
Dans ces moments de recueillement, l'unité nationale et la dignité seront essentielles. Car, oui, Samuel Paty est devenu un emblème de la République et de la liberté.
En effet, commémorer ne suffit pas ; il faut aussi agir. C'est ce que nous avons fait.
Je puis vous assurer que la principale du collège et les instances académiques ont été au côté de Samuel Paty. Ne condamnons pas trop vite, d'autant que les investigations ne sont pas terminées - je rappelle qu'une procédure judiciaire est en cours.
Je l'ai dit dès 2017 : la doctrine du ministère de l'éducation nationale n'est plus de mettre les problèmes sous le tapis. Tous les signalements nécessaires sont opérés. Quand un problème se pose, l'institution soutient les professeurs.
Tout, certes, n'est pas parfait, mais nous mettons tout en oeuvre pour soutenir concrètement les professeurs, avec des équipes du rectorat qui viennent dans les établissements et un plan de formation sur la laïcité. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Pierre-Antoine Levi. - Fort bien, mais, ce que veulent les enseignants, c'est exercer leur métier en toute sécurité. Or, ces derniers jours encore, il y a eu des agressions, à Combs-la-Ville et Boulogne. Les professeurs attendent des mesures concrètes. Ne les décevez pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Revenu d'engagement des jeunes (I)
M. Pascal Savoldelli . - Depuis le début de la crise, nous voyons régulièrement - images choquantes - des centaines de jeunes faire la queue pour recevoir un panier d'aide alimentaire.
Dans ce contexte, l'ambition du revenu d'engagement annoncé par Emmanuel Macron en juillet dernier a été revue à la baisse : le dispositif, prévu pour 1 million de jeunes, ne devait finalement bénéficier qu'à moins de 500 000 d'entre eux.
Aujourd'hui, la promesse semble même tout bonnement enterrée : selon les propos d'un élu rapportés par Libération, ce n'est pas au moment où l'on manque de serveurs et d'ouvriers sur les chantiers « qu'on va filer 500 euros aux jeunes »...
Travaille et tais-toi, est-ce là tout ce que vous proposez à une partie de la jeunesse ? Qu'en est-il, concrètement, du revenu d'engagement ? Que comptez-vous faire pour ces jeunes qui n'ont d'autre choix que d'aller à la soupe populaire ou de s'inscrire sur une plateforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion . - Aucun Président de la République n'a agi autant qu'Emmanuel Macron en faveur de la jeunesse. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER)
Le plan « Un jeune, une solution » a mobilisé 9 milliards d'euros et bénéficié à 3 millions de jeunes. Les résultats sont là : le taux d'emploi des jeunes est revenu à son niveau d'avant-crise, quand la crise de 2008 l'avait fait exploser de plus de 30 %. Et nous allons sans doute dépasser le record, atteint en 2020, de 525 000 apprentis ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Nous entendons que la reprise bénéficie aussi aux jeunes les plus éloignés de l'emploi. C'est dans cet esprit que nous travaillons, à la demande du Président de la République - il ne faut pas forcément croire tout ce qui est écrit dans les journaux... (Exclamations à gauche et sur quelques travées à droite)
En particulier, nous devons redoubler d'efforts envers ceux qui ne vont pas spontanément dans les missions locales. Pour eux, je travaille avec Olivier Véran et Emmanuelle Wargon à la construction de parcours sur mesure, en lien avec les associations de terrain et les collectivités territoriales.
Nous capitalisons sur les solutions qui ont fait leurs preuves, comme les immersions en entreprise, les prépas apprentissage et les formations qualifiantes.
Chaque jeune doit accéder au plus vite à l'emploi : ce combat devrait nous rassembler !
M. Pascal Savoldelli. - Voyez la une du rapport d'activité de l'Armée du Salut : un jeune livreur venant pour manger... (L'orateur brandit un ouvrage.)
Votre réponse le confirme : la promesse sociale du président Macron est enterrée ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)
La situation est trop grave pour que vous vous livriez à un tel exercice d'autosatisfaction à valeur morale. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER) Si ces jeunes qui n'ont rien, qui cherchent à survivre, étaient des banquiers ou des entreprises, on les aurait soutenus. La cohésion sociale est en danger ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Plan France 2030 (II)
Mme Patricia Schillinger . - Si la crise sanitaire a mis notre économie à rude épreuve, celle-ci, désormais, se porte bien. Selon l'Insee, le taux de chômage serait descendu à 7,6 %, soit le taux le plus bas depuis 2007.
La volonté de protéger l'économie quoi qu'il en coûte a préservé les entreprises de la faillite.
L'activité est supérieure à son niveau du début du quinquennat. Les investissements dans la relance ouvrent la voie à une croissance de plus de 6 %, au-dessus de la moyenne européenne, de 4,8 %. Ne pas mettre ces résultats au crédit du Gouvernement serait faire preuve d'une certaine mauvaise foi.
Mais la crise sanitaire a aussi révélé notre dépendance à l'égard de l'étranger en matière industrielle. Pour assurer notre souveraineté économique, le Président de la République a annoncé un plan ambitieux de 30 milliards d'euros sur cinq ans.
Alors que la Chine accroît sa production de charbon dans un contexte de pénurie énergétique, comment la France peut-elle renouer avec un âge d'or industriel sans compromettre ses engagements en faveur du climat ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques . - Le plan France 2030 doit nous permettre de relever les défis des années à venir, dont la transition énergétique - y compris avec le nucléaire -, le vieillissement et l'alimentation, dans un double esprit : progrès et indépendance.
Nous voulons faire émerger les champions technologiques et économiques de demain, capables de prendre le relais des innovateurs qui ont assuré la prospérité et le rayonnement de notre pays au XIXe siècle.
Alors que le débat politique est crépusculaire, alors que le « c'était mieux avant » gagne du terrain, renouons avec le génie français ! (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Lutte contre le racisme
M. Rachid Temal . - Pas moins de 45 % des agences d'intérim discriminent à l'embauche, à la demande des entreprises. Tel est le résultat du testing réalisé par SOS Racisme.
Devant ces pratiques illégales, que compte faire le Gouvernement ? Ouvrir une nouvelle plateforme en ligne, créer un numéro vert ou un chat, convoquer les entreprises pour « échanger avec elles » - ce sont les termes du communiqué ministériel - sur leurs pratiques discriminatoires ?
La discrimination brise la vie de millions de nos compatriotes chaque jour. Il faut une réponse forte et immédiate ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances . - Je vous remercie pour votre question, même si la manière dont vous l'avez posée m'étonne quelque peu.
Comme vous, je trouve les résultats de cette enquête extrêmement graves. De telles pratiques sont inacceptables en tout point de la métropole et de l'outre-mer.
Sitôt ces chiffres connus, j'ai voulu, en effet, échanger avec les agences d'intérim, pour comprendre comment une telle situation avait pu être possible.
Ne minimisez pas l'importance de la plateforme de lutte contre les discriminations que nous avons lancée en février dernier ; elle a déjà enregistré plus de 10 000 contacts.
Je rappelle que c'est ce Gouvernement qui, au printemps dernier, a lancé une consultation inédite sur les discriminations avec les associations, dont SOS Racisme. Nous poursuivons ce travail aujourd'hui.
Les discriminations ne sont pas seulement une entorse à nos valeurs républicaines : elles en sont la négation, car elles sapent notre cohésion sociale. Nous sommes absolument déterminés à les enrayer ! Au-delà des postures, ce combat doit être transpartisan. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Rachid Temal. - Il est normal que l'on vous interroge - c'est notre rôle de parlementaires.
Oui, la discrimination mine le pacte républicain. Pourquoi donc les propositions avancées par le Défenseur des droits dans cette brochure de juin 2020 ne sont-elles pas mises en application ? (L'orateur brandit la brochure.)
Il ne suffit pas de parler et de consulter ; il faut aussi punir. Adecco, condamnée il y a dix ans, n'accepte plus aucune discrimination. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Vaccination à Saint-Pierre-et-Miquelon
M. Stéphane Artano . - Le Covid 2019 à Saint-Pierre-et-Miquelon, ce sont trente et un cas positifs guéris sans hospitalisation, zéro décès et un taux d'incidence aujourd'hui nul. Le taux de vaccination atteint 90 % pour la première dose et bientôt pour la deuxième.
Avec l'écoute du Gouvernement - parfois aussi en bataillant -, nous avons toujours su adapter les principales mesures sanitaires. La population a joué le jeu.
Je suis vacciné, mais, comme Loïc Hervé, j'ai voté contre le passe sanitaire et la vaccination obligatoire pour certaines professions.
Cette obligation s'applique désormais à Saint-Pierre-et-Miquelon, alors que 95 % des personnels soignants ont reçu deux doses de vaccin. Depuis quelques jours, les personnels non vaccinés ont reçu une fin de non-recevoir du préfet à leurs demandes d'adaptation des règles. Pourtant, dans notre territoire, le virus ne circule pas. La tension sociale s'accroît.
À partir de vendredi, des sanctions financières, peut-être des ruptures de contrat, mettront en difficulté des familles. Monsieur le ministre de la santé, donnez des instructions pour assouplir intelligemment les règles. Aujourd'hui, le dialogue avec les services de l'État est totalement rompu ! (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Je salue l'engagement de la population de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Il n'y a que deux lits de réanimation sur votre territoire. Or nous avons vu combien il était difficile de faire face à une vague épidémique outre-mer.
Saint-Pierre-et-Miquelon a reçu la totalité des doses de première et deuxième injections. Le taux de vaccination atteint désormais 90 %, et c'est tant mieux.
Ne restent que treize salariés des établissements sanitaires et médico-sociaux non vaccinés, ainsi que, je crois, cinq pompiers.
L'obligation vaccinale des soignants vise à les protéger eux-mêmes, mais plus encore les personnes fragiles avec lesquelles ils sont en contact. Nos hôpitaux et nos Ehpad doivent être des sanctuaires.
La loi s'applique dans de bonnes conditions. Au demeurant, nombre de personnels temporairement suspendus ont finalement choisi de se faire vacciner.
Le dialogue ne sera jamais rompu, mais la loi de la République s'applique partout. Je ne puis donc accéder à votre demande. L'obligation vaccinale des soignants doit s'appliquer à Saint-Pierre-et-Miquelon. Les suspensions de salaire seront levées quand ces dix-huit personnes auront fait le choix de se protéger et de protéger les autres. (M. François Patriat applaudit.)
M. Stéphane Artano. - Appliquer le passe sanitaire ou l'obligation vaccinale chez nous, cela n'a aucun sens aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Hausse des prix de l'énergie
M. Daniel Gremillet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.) La flambée des prix de l'énergie, dramatique pour le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises, pèse sur la relance de notre économie et sa décarbonation : depuis le 28 mai 2019, les prix ont crû de 307 % pour l'électricité, de 94 % pour le gaz, de 22 % pour le pétrole.
La commission des affaires économiques du Sénat avait signalé, dès juin 2020, le risque d'un effet inflationniste en sortie de crise, et proposé de revaloriser le chèque énergie. Nous n'avons hélas pas été entendus.
Dès la loi Énergie-climat de 2019, dans une proposition de résolution en 2020 puis dans la loi Climat et résilience de 2021, nous avons plaidé pour le nucléaire et proposé un paquet hydrogène. Nous étions bien seuls.
Les retards pris dans nos choix énergétiques ont de lourdes répercussions sur les factures d'énergie et la sécurité de nos approvisionnements.
Pendant ce temps, la Chine bloque ses prix et construit de nouvelles centrales.
Allez-vous abaisser durablement la fiscalité de l'énergie ? Bloquer les tarifs réglementés ? Revenir sur le calendrier de fermeture des douze réacteurs ? Lancerez-vous enfin la construction de nouveaux EPR ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat et M. Jean Hingray applaudissent également.)
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique . - Il faut éviter les amalgames. La hausse des prix des différentes énergies n'a rien à voir avec nos choix. L'augmentation du prix du gaz est liée à la reprise économique et à la trop grande dépendance de l'Europe à cette énergie ; celle des carburants tient à la hausse des cours mondiaux du pétrole. Ne mélangeons pas tout.
Face à l'urgence, le Premier ministre a annoncé des mesures : chèque-énergie exceptionnel de 100 euros pour six millions de ménages modestes, bouclier énergétique avec un blocage des tarifs du gaz et une limitation de la hausse du prix de l'électricité au tarif réglementé à partir de février. Nous prendrons également des mesures pour les automobilistes si la hausse des prix se poursuit.
Face aux enjeux globaux, il faut aussi une politique globale que nous fonderons sur les scénarios qui seront présentés par RTE le 25 octobre. C'est ainsi que l'on travaille à l'avenir de nos concitoyens. (Murmures de protestation à droite)
M. Dominique de Legge. - Quelle suffisance !
M. Daniel Gremillet. - Les faits sont têtus. Nous avons doublé le nombre de jours d'importation d'électricité ! Gouverner, c'est décider. Ces cinq dernières années, vous avez hypothéqué l'indépendance énergétique de notre pays. (Applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Revenu d'engagement des jeunes (II)
Mme Monique Lubin . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En janvier 2021, vous avez refusé notre proposition de loi ouvrant le RSA aux moins de 25 ans - alors que 22 % sont concernés par la pauvreté.
Le Président de la République a annoncé la création d'un revenu d'engagement pour 1,2 million de jeunes les plus en difficulté. Puis on a envisagé une demi-mesure qui ne concernerait que 500 000 jeunes - et qui pourrait finalement ne pas voir le jour.
La crise sanitaire a agi comme un révélateur. Qu'on ne dise pas qu'il leur suffit de traverser la rue pour trouver un travail : ceux qui sont tombés dans la précarité avec le Covid travaillaient, justement.
Ces jeunes sont dans des situations très diverses, mais ils ont un point commun : bien qu'étant des citoyens depuis leur 18 ans, ils n'ont pas droit au revenu minimum de subsistance qui leur permettrait de démarrer dans la vie.
Que deviennent ceux que les parents ne peuvent aider et qui n'ont pas de réseau ? Quand leur reconnaîtrez-vous une majorité sociale ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion . - Je vous confirme que le but du Gouvernement est que chaque jeune accède à l'emploi, car ils attendent plus qu'une allocation. C'est la philosophie du plan « Un jeune, une solution », un investissement de 9 milliards d'euros qui porte ses fruits. Le nombre d'embauches et le taux de chômage des jeunes sont revenus au niveau d'avant-crise.
La reprise offre des opportunités, mais certains ont besoin d'un accompagnement renforcé pour accéder à la formation et à l'emploi. Il faut aller les chercher quand ils ne vont pas vers les missions locales, leur redonner confiance. Le système s'inspire de la garantie jeunes, avec un accompagnement personnalisé assorti d'une allocation pour ceux qui en ont besoin. Les travaux sont en cours de finalisation.
Je ne doute pas de votre soutien pour des moyens supplémentaires dans le projet de loi de finances 2022. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Monique Lubin. - Ce n'est pas à nous que vous expliquerez ce qu'est la garantie jeunes. Je parle ici d'un revenu de subsistance pour tous les jeunes que leurs parents n'ont pas les moyens d'aider. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Pénurie d'urgentistes dans le Cher
M. Rémy Pointereau . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'associe à cette question Mme Marie-Pierre Richet. L'heure est grave. Le week-end dernier, une fois de plus, l'hôpital de Bourges n'a pas pu prendre en charge des patients faute de SMUR primaire et secondaire. Les hôpitaux de Vierzon et de Saint-Amand, situés à plus de quarante minutes de Bourges, ont dû suppléer, alors que ces villes n'ont qu'une ambulance chacune. Les maires ont porté plainte contre X pour mise en danger de la vie d'autrui, ce que je cautionne.
Après avoir été interpellés depuis plusieurs années sur la pénurie d'urgentistes dans le Cher, que proposez-vous pour éviter à nos populations rurales une perte de chance en cas d'urgence vitale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Votre territoire fait face à une pénurie d'urgentistes, comme beaucoup d'autres. Nous avons supprimé le numerus clausus, qui a creusé le déficit démographique pendant quarante ans.
À Bourges, sur vingt-cinq postes ouverts, six sont occupés par des praticiens hospitaliers, six par des praticiens attachés associés. Le 8 octobre, en effet, l'hôpital a dû renoncer à ouvrir, pour la troisième fois en trois mois. Ce n'est pas normal.
Je ne peux hélas pas fabriquer des urgentistes.
Un audit réalisé en 2019 a conduit à réorganiser les urgences de Bourges pour améliorer l'organisation fonctionnelle, mais il faut pouvoir recruter.
Quatre des médecins étrangers vont être accompagnés dans leur épreuve de vérification de connaissances et pourront prochainement exercer à temps plein comme praticiens hospitaliers.
Un docteur junior et un assistant spécialiste renforceront les équipes du centre hospitalier en temps partagé, ce qui permettra de sortir la tête de l'eau.
Mais il faut une solution de fond. Nous manquons d'urgentistes, nous en formons plus, un peu de patience. (M. François Patriat applaudit.)
M. Rémy Pointereau. - Vous ne parlez pas des problèmes des intérimaires. Je vous alerte depuis plus d'un an. Qu'attendez-vous ? Un drame ?
Je vous ai envoyé quantité de courriers, sans jamais recevoir de réponse. Jadis, dans l'ancien monde, les ministres prenaient la peine de répondre aux parlementaires, par respect pour les institutions ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE ; M. Olivier Véran proteste en montrant son dossier.) Le sujet le mérite, il s'agit de populations rurales en danger ! (« Bravos » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
Cloud de confiance et souveraineté numérique
Mme Catherine Morin-Desailly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le Premier ministre, notre groupe a interrogé le Gouvernement à plusieurs reprises sur la souveraineté de nos données, quand nous avons appris que la gestion du Health Data Hub avait été confiée à Microsoft.
Plutôt que de construire notre indépendance technologique, vous annoncez une nouvelle doctrine : le cloud dit de confiance, incitant les sociétés françaises à acheter sous licences les technologies des Gafam pour traiter nos données les plus sensibles.
Le 2 juin, au lendemain de l'accord Microsoft, Orange et Cap Gemini, je dénonçais déjà un contresens. Le récent accord Thalès-Google est un pas de plus dans la gafamisation, d'autant plus inquiétant qu'il touche à notre complexe militaro-industriel, donc à la sécurité de l'État ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRCE)
M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques . - Le Président de la République a rappelé hier notre objectif de faire émerger des champions technologiques français.
La France est le seul pays européen à avoir progressé de sept places dans le classement mondial de l'innovation, à être passé de trois à vingt licornes entre 2017 et 2021, à avoir multiplié par quatre les investissements dans son écosystème technologique. Le progrès vers l'indépendance technologique est un des grands succès de ce quinquennat ! (Murmures ironiques à droite)
Nous annoncerons prochainement, avec Bruno Le Maire et Amélie de Montchalin, une stratégie pour développer les champions français du cloud. Les acteurs français offrent-ils aujourd'hui les mêmes possibilités que les acteurs américains ? Non. Ils n'utilisent d'ailleurs pas de microprocesseurs français : ils font le même choix que vous, quand vous ouvrez une page Facebook ou Twitter. Dès lors, l'alliance entre des groupes français et américains est la politique la plus logique, la seule qui ait de l'avenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Catherine Morin-Desailly. - Quand on parle de souveraineté, il faut s'entendre sur les mots. Le cloud de confiance est une opération de rhabillage : Google garde la maîtrise totale. Nous n'aurons aucun accès au code source, nos services de renseignement ne pourront l'auditer, nous serons dépendants de licences coûteuses qui ne produiront aucun emploi, aucun impôt, aucune richesse en France.
La loi FISA permet aux services secrets américains d'obtenir les données traitées par ces sociétés ! On se met dans les mains de ces géants alors que la France excelle pourtant dans le domaine du logiciel. Nos acteurs cyber s'inquiètent, nos hébergeurs se sentent trahis. Votre stratégie incompréhensible est en contradiction totale avec l'objectif de faire de la France une grande nation d'innovation. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Bruno Retailleau applaudit également.)
Retraites
M. Jérôme Bascher . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 7 octobre, l'Agirc-Arrco a décidé de ne revaloriser les retraites complémentaires que de 1 %, soit la moitié de l'inflation prévue... C'est un coup de rabot pour les retraites et un coup de ras-le-bol pour les retraités. (Sourires)
Après la hausse de la CSG en 2018, la non-revalorisation des pensions deux ans durant : les retraités sont maltraités par votre Gouvernement, comme le disait l'Insee dans une note de 2019.
Votre réforme est-elle celle de la baisse continue des pensions, le relèvement de l'âge à 67 ans - comme l'a dit l'un de vos alliés - ou, comme à votre habitude, le financement par la dette ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État, chargé des retraites et de la santé au travail . - Vous avez rappelé la façon dont l'Agirc-Arrco a décidé d'assurer la maîtrise budgétaire de son système : c'est le choix des partenaires sociaux que de sous-indexer de 0,5 par rapport à son indice propre de suivi de l'évolution des coûts.
S'agissant du Gouvernement, les régimes de base seront alignés sur la hausse des prix hors tabac. C'est une bonne nouvelle pour les quinze millions de pensionnés.
Comment financer nos retraites ? Le déficit des 42 régimes est de 8 milliards d'euros cette année, il atteindra 10 milliards d'euros par an d'ici à 2030, soit 100 milliards d'euros pour 2030.
Un système de retraite qui garantit la solidarité entre générations et crée la confiance doit être pérenne, équilibré dans la durée et équitable. Il faudra donc travailler plus longtemps. (M. François Patriat applaudit.)
M. Jérôme Bascher. - Vous oubliez de dire que l'Agirc-Arrco a l'obligation d'être à l'équilibre. Mais vous avez préféré vous perdre dans les élections régionales plutôt que de réformer les retraites ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Rapport Sauvé
M. Hervé Gillé . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il y a eu 216 000 victimes de clercs ; le chiffre monte à 360 000 si l'on ajoute le personnel laïc ; on a recensé entre 2 900 et 3 200 prédateurs depuis 1950. Ce sont les conclusions accablantes du rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église. La communauté catholique - et tous les Français avec elle - se confronte à une réalité brutale, à ces vies abîmées.
Ce rapport, unanimement salué, formule 45 recommandations, écrites avec les associations de victimes, pour envisager une réparation de l'irréparable et une réforme de l'institution.
Au-delà d'une réparation matérielle des préjudices subis, la question primordiale, comme le dit Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieuses et religieux en France, est la faillite institutionnelle de l'Église, qui doit réécrire son mode de gouvernance, la formation des clercs, sa théologie morale, sa conception de la sexualité.
Or le rapport Sauvé souligne le caractère systémique des silences et des défaillances face à la pédocriminalité. Alors que la parole se libère, peut-on laisser l'Église face à ses défis ? Le Gouvernement peut-il être un simple observateur ? Quelles suites donnerez-vous aux propositions qui s'adressent à l'État ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - Le constat est effarant. Je salue le courage de l'Église de France d'avoir commandé ce rapport et d'avoir laissé M. Sauvé, personnalité indiscutable, libre de composer sa commission et d'accéder aux archives de l'Église.
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre. - De nombreuses institutions qui accueillent des enfants ne l'ont pas fait. (M. Bruno Sido applaudit.)
Monseigneur de Moulins-Beaufort a eu des propos malheureux. Je l'ai invité à s'expliquer. Il n'y a évidemment aucune loi supérieure à celle de la République, pour quelque culte que ce soit. Il a dit regretter ses propos, l'incident est clos.
Pour l'État se pose la question de la responsabilité, notamment financière. Selon le rapport Sauvé, la personne morale aussi est responsable. Nous sommes aux côtés de l'Église pour l'accompagner, juridiquement, dans cette responsabilité.
Le secret de la confession est un secret professionnel. S'agissant des crimes sur les enfants, des exceptions sont prévues - et le garde des Sceaux l'a rappelé : ces crimes doivent être dénoncés à la justice. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; MM. Stéphane Demilly et Loïc Hervé applaudissent également.)
M. Hervé Gillé. - En Irlande, il y a vingt ans, l'État avait mis en place des actions communes avec l'Église. Notre responsabilité est collective pour protéger les enfants : elle est aussi la vôtre. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)
Violence à l'école
Mme Céline Boulay-Espéronnier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a quelques jours, une enseignante a été jetée à terre sous les rires de ses élèves. Une scène traumatisante, qui plus est diffusée sur les réseaux sociaux. J'ai une pensée pour elle et pour tous les enseignants qui subissent les provocations des élèves et parfois des parents.
L'autorité de l'école de la République a été bafouée. Ce n'est hélas pas un acte isolé. Tous les jours, les enseignants sont confrontés à la violence et au manque de respect.
Monsieur le ministre, disposez-vous de chiffres ? Au-delà de la sanction pénale, comment l'Éducation nationale compte-t-elle enrayer la violence qui gangrène l'école de la République, désormais banalisée par les réseaux sociaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports . - Cet événement scandaleux est révélateur de la violence de notre société, mais aussi de notre réaction.
L'enseignante a eu une attitude exemplaire, le chef d'établissement aussi - toutes les procédures ont été enclenchées bien avant la médiatisation. Nous avons immédiatement porté plainte. La diffusion sur les réseaux sociaux est un élément aggravant.
J'ai installé un carré régalien dans chaque rectorat : valeurs républicaines et laïcité ; lutte contre la radicalisation ; violences ; harcèlement. Sur chacun de ces thèmes, des équipes sont mobilisées pour intervenir auprès des établissements en cas de besoin.
Plus rien n'est mis sous le tapis. Les signalements sont systématiques, j'en rends compte chaque trimestre. Les chiffres n'augmentent pas, nous sommes sur un plateau ; chaque violence n'en est pas moins inacceptable.
En comparution immédiate, l'élève en cause a été sanctionné pénalement et sera re-scolarisé dans un établissement spécialisé. Nous sommes fermes et stricts, cette affaire en est la démonstration. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Céline Boulay-Espéronnier. - Monsieur le ministre, votre nomination a suscité des espoirs il y a cinq ans, mais votre bilan mitigé a déçu.
Malgré votre discours de fermeté, vous avez échoué à refaire de l'école de la République le sanctuaire qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
Imbroglio des pneus neige
M. Jean Hingray . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) À partir du 1er novembre, les habitants des zones de montagne devront s'équiper de chaînes ou pneus neige, en application de la loi Montagne de 2016.
Se pose le problème du pouvoir d'achat, dans un contexte de hausse des prix de l'énergie. L'obligation concerne la moitié des départements. Ne faudrait-il pas aider les ménages modestes, sur le modèle du chèque énergie ?
Il y a aussi la question de l'assurance. L'obligation ne sera pas assortie de sanction cette année, qualifiée d'année de transition, mais en cas de sinistre, l'assureur ne risque-t-il pas de refuser l'indemnisation en arguant de l'absence de pneus neige ?
Il y a un problème de cohérence territoriale. Sur un même itinéraire, des zones sans obligation succèdent à des zones avec obligation ; M. Joël Giraud s'en est récemment étonné en Auvergne.
Enfin, il y a un problème de pénurie, les équipementiers n'ayant pas de stocks suffisants pour faire face à la demande.
Comment comptez-vous aménager cette obligation ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - Je rappelle que c'est une loi de 2016 que nous appliquons. Vous êtes élu de la montagne, vous savez que les accidents sont fréquents l'hiver. D'où cette obligation.
Je précise que les traditionnelles chaînes suffisent : c'est une fake news de faire croire qu'il faudrait changer de pneus.
La première année sera effectivement une année de pédagogie. Les assureurs ne pourront se prévaloir de cette absence de sanction en matière de responsabilité.
Les préfets des 45 départements concernés travaillent en concertation avec les élus locaux : pour l'instant, seule une moitié a pris un arrêté. Vous ne pouvez pas nous reprocher de prendre nos décisions depuis Paris et nous reprocher maintenant une telle déconcentration !
Enfin, certains sites de montagne ne sont accessibles l'hiver qu'aux véhicules équipés, pour éviter les accidents. C'est le bon sens. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
La séance est suspendue à 16 h 25.
présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 35.